Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 9 – Chapitre 5

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Chapitre 5 : Le saint royaume de Rachel

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Chapitre 5 : Le saint royaume de Rachel

Partie 1

C’est le soir où Fred s’engagea dans une ruelle déserte. Il tremblait de peur, ses yeux allant et venant pour scruter les environs. Il savait qu’il y avait des meurtres en série et que des fonctionnaires étaient ciblés et sommairement assassinés. Une partie de lui craignait de finir par être lui-même l’une de ces victimes.

Enfin, il aperçut quelqu’un dans l’obscurité : une femme à la capuche rabattue sur la tête qui lui fait signe. Lorsqu’il s’approcha, elle abaissa la capuche, révélant son visage.

« Tu es en retard, Fred. » Merce ne s’embarrassait pas de formalités pour lui, malgré son rôle prestigieux de médecin du palais. Fred ne pouvait pas non plus la censurer pour cela, sachant quel genre de saletés elle avait sur lui. Il retint les plaintes qu’il aurait pu avoir et lui tendit l’objet qu’il avait apporté.

« Comme promis », avait-il déclaré.

Merce examina la petite fiole qu’elle tenait dans sa main, souriant comme une enfant espiègle. Ses yeux dansaient d’une lumière inquiétante lorsqu’elle retourna son regard vers Fred. « Je suis heureuse de voir que tu as apporté ceci. Il a les qualités que j’ai demandées, n’est-ce pas ? »

Sans surprise, l’objet en question était un poison.

« Il est insipide, inodore et agit lentement. Personne ne remarquerait que vous l’avez mélangé à sa boisson. Et puisque je l’ai préparé comme vous l’avez demandé, vous respecterez votre part du marché, n’est-ce pas ? »

« Je ne dévoilerai pas tes secrets, sois-en sûr. Ce qui m’impressionne le plus, c’est que tu sois prêt à trahir un ami aussi proche que Sa Majesté. » Merce sourit d’un air moqueur en rangeant l’objet dans sa poche. Sa main s’élança alors, saisissant Fred par le col de sa chemise. « Quand ce roi sans valeur s’effondrera, tu feras ce qu’on t’a dit de faire. Je me fiche de la manière dont tu t’y prendras, mais gagne du temps et sème la confusion. »

Le visage de Fred s’était vidé de ses couleurs.

« Qu’est-ce que vous préparez ? »

Merce le bouscula, faisant trébucher Fred jusqu’à ce qu’il perde l’équilibre et atterrisse sur le derrière. Merce le dévisagea, un sourire malicieux sur le visage.

« C’est déjà arrangé… mais je vais quand même être gentille et te mettre au courant. Le Royaume va retrouver son état légitime très, très bientôt. C’est passionnant, non ? » Sur ces mots, Merce tourna les talons et se dirigea vers le bar où Roland l’attendait. Elle se sentait mieux qu’elle ne l’avait été depuis des jours, maintenant qu’elle et ses coconspirateurs étaient sur le point de réussir.

 

☆☆☆

 

« Cela fera bientôt un mois que nous nous sommes rencontrés, mais tu es toujours aussi frigide, Merce, » dit Roland.

Lorsqu’ils avaient terminé leur rendez-vous, quitté le bar et fait leurs adieux, il était plus de minuit. Appeler cela un rendez-vous était un peu exagéré, puisqu’ils n’avaient fait que boire ensemble. Ils n’avaient jamais rien fait de plus intime que cela.

« Tu recommences à me traiter de froide », dit-elle en souriant. « Dois-je te rappeler que je suis une femme de principes ? »

Roland avait remarqué sa bonne humeur. Il se pencha vers son visage pour tenter sa chance. « Dans ce cas, que dirais-tu d’un baiser d’adieu —. »

Merce posa un doigt sur ses lèvres, stoppant son avancée. « Nous devrions garder cela pour notre prochaine réunion. Je me suis bien amusée aujourd’hui, Monsieur Léon. » Elle s’éloigna cette fois d’un pas alerte.

Roland poussa un long soupir en la regardant partir. « Avec elle, c’est toujours la prochaine fois. Quelle allumeuse ! Mais maintenant que notre rendez-vous est terminé, je suppose que je devrais rentrer. »

 

☆☆☆

 

Après s’être séparée de Roland, Merce était retournée à la cachette souterraine des Dames de la Forêt. Gabino se trouvait à cet endroit à ce moment précis. Il offrit un sourire à Merce lorsqu’il la remarqua.

« Si ce n’est pas Lady Merce ! Ce sourire sur votre visage me dit que tout se passe comme prévu. Ai-je raison ? »

« Oui, Seigneur Gabino. J’ai fait ce que vous m’avez demandé. » Le visage de Merce était déjà rougi par l’alcool qu’elle avait consommé lors de sa sortie avec le roi, mais ses joues prirent une teinte cramoisi encore plus profond en entendant la voix gentille et gentilhomme de Gabino.

Gabino s’approcha d’elle et prit sa main dans la sienne, la serrant avec plaisir. « Comme c’est merveilleux ! Vous avez fait du bon travail, vous avez tout fait comme je vous l’avais demandé. La pandémie va bientôt s’emparer du royaume, et les efforts de chacun seront enfin récompensés ! Vous êtes une femme extraordinaire, Lady Merce. »

« Le pensez-vous vraiment ? » Son cœur s’emballa, Merce n’avait pas été complimentée par un tel homme depuis très longtemps.

Voyant sa fille couverte d’éloges, Zola se précipita. « Seigneur Gabino, j’ai travaillé dur moi aussi ! » C’était comme si elle essayait d’éclipser Merce.

« Oui, je n’ai pas oublié vos efforts. Il est louable que vous ayez persévéré pendant des jours aussi pénibles dans un endroit aussi austère, loin de la lumière de la surface. Dans quelques jours encore, le Royaume retrouvera son état légitime, et vous pourrez à nouveau mener la vie raffinée que vous méritez. »

Toutes les femmes présentes semblaient soulagées d’entendre les propos rassurants de Gabino.

La représentante des Dames de la Forêt jeta un coup d’œil à l’une des portes épaisses et hermétiquement fermées le long du mur et dit à Gabino : « Au fait, mon seigneur, j’en ai préparé une autre pour vous. »

Les regards des autres femmes se tournèrent vers la porte. De l’autre côté, on entendit des cris étouffés et douloureux. Tout le monde recula de peur.

Gabino sourit. « Dans ce cas, pourquoi ne pas commencer la procédure, hm ? »

 

☆☆☆

 

Après avoir quitté le repaire des Dames de la Forêt, Gabino se dirigea vers la ville, suivi de près par un subordonné. Il tenait un carnet de notes à la main. Dans ces pages étaient consignés les noms des membres de l’ordre susmentionné, mais aussi d’autres anciens aristocrates cachés secrètement dans la capitale, ainsi que d’autres organisations qui n’étaient pas satisfaites du nouvel ordre. Gabino contempla silencieusement la situation en parcourant les pages.

« Pourquoi n’avons-nous pas préparé nous-mêmes le poison pour qu’ils l’utilisent ? » demanda son subordonné. La question qu’il posait à Gabino était compréhensible : s’ils préparaient leur propre poison, cela réduirait les variables imprévisibles.

« Quelle naïveté », cracha Gabino. « Ce qui se passe avec le poison ne nous concerne pas. Penses-tu vraiment que ces crétins puissent réussir leur coup ? Notre véritable mission est ailleurs. »

« Je m’en rends compte, mais leur succès ferait du Royaume de Hohlfahrt notre marionnette. Si nos partisans prennent les rênes ici, nos compatriotes de Rachel pourront concentrer leurs efforts sur Lepart. »

Gabino lança un regard froid à l’homme. « Ils ne réussiront pas. Il vaut mieux les écraser sous le pied en sachant que leur échec est inévitable. Cela dit, je suppose que je devrais au moins les féliciter d’avoir réussi à empoisonner cette horreur de Roland. » Tout en parlant, il passa un doigt sur la cicatrice de son front, celle qu’il avait reçue lorsqu’il était dans la République d’Alzer.

Toute trace d’émotion disparut du visage de Gabino. Il continua à marcher, se dirigeant vers la cachette du groupe suivant.

 

☆☆☆

 

Le lendemain matin, Mylène et Roland s’installèrent à la même table pour prendre leur petit déjeuner ensemble. Le terme « ensemble » était peut-être mal choisi, car ils étaient assis à chaque extrémité d’une table rectangulaire. Ils se faisaient face, mais à une distance énorme. Mylène trouvait cela plutôt symbolique.

Leur mariage avait été un mariage politique, sans amour. Mylène comprenait que c’était assez typique pour des gens de leur rang, mais les sorties précipitées de Roland hors du palais pour batifoler avec d’autres femmes l’agaçaient. Elle n’avait aucun moyen d’exprimer ses frustrations, si ce n’est par des remarques passives et agressives.

« À ce que je vois, tu as encore bu tard hier soir », dit-elle.

Le teint de Roland était affreux et il prenait à peine son repas. Mylène, lasse, attribua cela à sa gueule de bois. Elle lui en voulait de se décharger sur elle de ses tâches administratives alors qu’il sortait s’amuser. Elle aurait peut-être pu le pardonner si Roland était un vrai gâcheur, mais il était assez compétent dans son travail — loin d’être son égal, mais compétent. Dans les moments difficiles, il faisait un travail respectable. Elle était donc d’autant plus exaspérée qu’il préférait négliger ses devoirs.

Étrangement, elle remarqua qu’il est moins bavard aujourd’hui que d’habitude.

Normalement, il aurait au moins une réplique intelligente, mais aujourd’hui… rien.

Bien que cela lui pesait, elle continua : « Il y a eu des dangers ces derniers temps. Nous avons augmenté nos patrouilles, mais il n’est pas moins risqué pour toi d’errer dans les rues. Tu devrais t’abstenir de sortir pour le moment et —. »

La voix de Mylène s’était interrompue. Elle se leva de sa chaise, la renversa sur le sol et se précipita vers Roland. Les autres domestiques et employés présents dans les environs immédiats se précipitèrent pour la rejoindre.

Roland, d’une pâleur mortelle, commença à glisser de sa chaise. Il s’effondra sur le sol avant qu’elle ne puisse l’atteindre et ne fit aucun geste pour se relever.

« Votre Majesté ! » s’écria Mylène en s’effondrant à genoux à côté de lui. Elle fut soulagée de constater qu’il respirait encore. « Faites venir Lord Fred immédiatement ! Votre Majesté, vous allez bien ? Le médecin sera bientôt en route. »

 

 

Les yeux de Roland s’ouvrirent. Il tendit une main vers Mylène et lui saisit le bras. Il lui fallut toutes ses forces pour forcer sa voix et marmonner : « Gardez mon état secret… Et si… quelque chose arrive… fais en sorte que ce morveux… »

Sa phrase s’était transformée en une série de toux erratiques avant qu’il ne puisse la terminer.

« Votre Majesté… » Les larmes commencèrent à couler sur les joues de Mylène. « Mon amour… »

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Partie 2

L’académie était en effervescence, les gens se dépêchant de préparer leur goûter à temps. Certains s’empressaient d’inviter des gens, tandis que d’autres se réjouissaient de la fête à laquelle ils avaient été conviés.

Je n’étais pas opposé à l’animation qui régnait dans l’école, mais j’avais d’autres chats à fouetter. Une fois les cours terminés, Livia et moi nous étions dirigé vers la bibliothèque, avec Luxon à nos côtés, bien que ce dernier se soit camouflé pour ne pas participer à notre conversation. Il y avait aussi d’autres étudiants qui occupaient la bibliothèque, mais ils étaient très peu nombreux et aucun ne se trouvait à proximité de nous. Livia et moi étions pratiquement seuls.

J’étais ici pour recueillir des informations sur le Saint Empire magique de Vordenoit. Livia m’avait demandé de l’accompagner pour m’aider. En ce moment, j’avais le nez plongé dans un livre détaillant les relations entre l’Empire et le Saint Empire. Nous avions déjà abordé le sujet en classe, mais ce livre était plus détaillé.

« Il est dit ici que dans le passé, l’Empire a offert à Rachel une armure spéciale comme symbole de leur amitié. On dirait qu’ils ont commencé à utiliser le mot “saint” dans le nom officiel de leur royaume à cette époque. »

D’après le livre, les deux nations avaient noué ce lien d’amitié dans un passé lointain. Ces liens avaient perduré pendant tout ce temps et les avaient maintenues en contact étroit. Cela en faisait un allié de l’ennemi de Mylène… et donc, mon ennemi.

Je suppose que le Saint Empire magique de Vordenoit va figurer sur ma liste de pays détestés. Non pas qu’il s’agisse d’une liste à proprement parler. Le seul autre pays qui y figure est Rachel.

Il s’ensuivit que la protagoniste de la troisième série avait également des liens avec Rachel. Il ne me restait plus qu’à prier pour que la situation ne dégénère pas plus qu’elle ne l’avait déjà fait.

« Monsieur Léon, j’ai entendu dire que tu étais à nouveau imprudent », dit Livia, assise juste à côté de moi. Sa déclaration était formulée presque comme une question, mais elle n’avait pas levé les yeux du livre qu’elle lisait.

« Les choses sont difficiles en ce moment parce qu’il se passe beaucoup de choses », lui avais-je dit, conscient de la prudence dont je faisais preuve. « Je dois faire la leçon aux étudiants de première année qui se comportent comme des idiots et participer à la fête du thé de Finley. »

Cela ne semblait pas être le cas, mais mes journées étaient bien remplies. Chaque fois qu’un de nos étudiants ignorants de première année faisait des histoires, on me demandait de jouer les médiateurs (pour des raisons qui m’échappent). La plupart de ces querelles opposaient des étudiants et des étudiantes. J’aurais pu m’en laver les mains s’il s’agissait de querelles amoureuses, mais à mon grand dam, elles étaient plus fondamentales que cela. Chaque fois, il s’agissait d’une fille qui voulait que j’intervienne pour la sauver d’un gars qui se comportait comme un con.

La main de Livia s’était figée sur le bord de la page et elle avait tourné son regard vers moi. Ses lèvres s’étaient amincies. J’avais mal compris où elle voulait en venir.

« J’ai cru comprendre que tu te promenais tous les soirs, n’est-ce pas ? »

Je fronçai les sourcils. « Qui t’a dit ça ? Roland ? »

Si quelqu’un était au courant de mes activités nocturnes, je pensais que ce serait Roland, mais Livia secoua rapidement la tête.

« Tu sors si souvent que les autres élèves l’ont remarqué. Les rumeurs vont bon train. » Elle m’épingla d’un regard sévère.

J’avais détourné le regard. Je ne pouvais pas expliquer en détail pourquoi je sortais comme ça, alors mon seul choix était de jouer la comédie. « Je ne fais rien de suspect. Je le jure. »

Je ne voulais surtout pas qu’elle pense que je sortais avec d’autres filles tous les soirs. Mieux vaut dissiper rapidement ce malentendu.

« Je ne sens pas l’odeur d’une autre fille sur toi ou quoi que ce soit d’autre, donc je ne soupçonne pas un acte criminel. Mais tu fais quelque chose de dangereux, n’est-ce pas ? »

« Eh bien, peut-être un peu… Attends. L’odeur ? Comment ça, l’odeur ? »

« Léon, s’il te plaît… Dis-moi ce que tu fais ? » demanda-t-elle, ignorant ma question.

Je m’étais demandé ce qu’elle savait déjà. N’ayant aucun moyen d’en être certain, j’avais décidé de mêler une part de vérité à mon explication. Le secret d’un bon mensonge est de le mêler habilement à des faits réels. Bien sûr, une personne honnête et droite comme moi ne mentait jamais. Je cachais simplement des vérités gênantes quand cela m’arrangeait.

« Rien de bien méchant. Je suis cette affaire de meurtres en série qui terrorise la capitale. Ils n’ont toujours pas attrapé le coupable, alors aucun d’entre nous n’est tranquille tant qu’ils ne l’ont pas fait. »

« Ce n’est pas ton travail. C’est beaucoup trop risqué de s’impliquer là-dedans. »

Son froncement de sourcils anxieux me faisait mal au cœur. Malheureusement, j’avais de bonnes raisons de m’impliquer. Je devais poursuivre cette affaire.

« C’est bon », avais-je dit. « Je t’expliquerai tout quand ce sera fini. Si quelque chose arrive entre-temps, tu peux t’adresser à Creare pour obtenir de l’aide. »

« Ne nous fais-tu pas confiance à ce point ? »

« Ce n’est pas comme ça. »

« Je sais à quel point nous sommes importants pour toi, mais j’aimerais que tu t’appuies davantage sur nous. Anjie et moi avons travaillé si dur pour nous améliorer, dans l’espoir d’être utiles. Nous ne sommes plus les jeunes filles délicates que nous étions. »

J’avais entendu parler du travail acharné d’Anjie et de Livia pendant mon séjour à l’étranger. Plus précisément, Creare m’avait donné l’information sans que j’aie à demander quoi que ce soit. Cela me faisait chaud au cœur de savoir à quel point elles s’étaient investies pour moi, mais je n’avais pas envie d’entraîner l’une ou l’autre dans une situation précaire.

« Je vous comprends, mais je ne veux pas vous mettre en danger », ai-je dit.

« Nous considères-tu comme des bagages inutiles ? Tu ne le penses peut-être pas, mais je suis —. »

« C’est de la fierté masculine », interrompis-je. Je savais que Livia me surpassait en matière de magie, de connaissances et même d’aptitudes — je n’étais pas trop vaniteux pour le reconnaître ouvertement. Mais je ne pouvais pas la mêler à ce combat. « Si je ne fais jamais mes preuves, qu’est-ce qui t’empêchera de me laisser dans la poussière ? »

Je ne serais rien sans Luxon, je le savais… mais j’avais une certaine fierté.

« Ni Anjie ni moi ne t’abandonnerions jamais », dit Livia, peu convaincue. De mauvaise humeur, elle replongea son regard dans son livre.

Je soupirais. J’aurais aimé avoir la façon parfaite de lui expliquer les choses. J’avais essayé de reprendre ma lecture, mais la voix de Livia m’avait interrompu.

« Quoi qu’il arrive, je ne te tournerai pas le dos. Mais si tu me le fais… je te jure que je te suivrai jusqu’au bout du monde pour te reconquérir. »

Un homme inconscient serait ravi de sa proclamation. Moi, mieux informé, j’avais senti la menace sous-jacente. Mal à l’aise, j’avais jeté un coup d’œil à son visage. Livia restait concentrée sur son livre, ses yeux parcourant les lignes à la recherche d’informations susceptibles d’aider notre cause. Son apparence ordinaire rendait ses paroles encore plus inquiétantes. La faute à la façon dont elle l’avait dit, peut-être — mon système d’alarme intérieur hurlait.

« Je suis vraiment désolé. Pardonne-moi, s’il te plaît », avais-je dit, presque par réflexe.

Livia releva son regard. Quand ses yeux rencontrèrent les miens, elle souriait. « De quoi t’excuses-tu ? »

Son sourire n’avait rien d’inquiétant. Il était doux et gentil. Mais pourquoi sentais-je une question tacite derrière ses mots ? Comme… Ne me dis pas que tu as vraiment l’intention de nous abandonner ? Son sourire s’étendait d’une oreille à l’autre, ce qui lui donnait un côté étouffant, oppressant… à mon avis. Je devais être en train d’interpréter cela trop profondément. C’est vrai ? Ma douce Livia ne pourrait jamais être aussi terrifiante.

Après une longue pause, j’avais dit : « Oublie ce que j’ai dit. »

J’étais certain que si quelqu’un devait finir abandonné, ce serait moi. Je me voyais déjà épuiser la bonne volonté de mes fiancées jusqu’à ce que leur affection pour moi ne soit plus qu’un lointain souvenir.

 

☆☆☆

 

Noëlle s’était arrêtée dans la chambre d’Anjie, dans le dortoir des filles, et s’était assise sur une chaise en s’imprégnant de ce qui l’entourait.

« Et moi qui pensais que ma chambre était immense ! La tienne l’emporte haut la main », déclara-t-elle.

Ce n’est pas peu dire, étant donné que l’académie avait fourni à Noëlle une chambre luxueuse. Le fait que celle d’Anjie soit la plus impressionnante ne la dérangeait pas. Au contraire, elle se sentait inquiète quant à sa propre chambre. L’espace et le décor étaient plus somptueux que ce à quoi elle était habituée. Ce qu’elle remarqua dans la chambre d’Anjie, c’est que de nombreuses affaires de Livia y étaient éparpillées.

Cela signifie-t-il qu’elles l’utilisent toutes les deux ? se demanda Noëlle. Elle savait que Livia avait sa propre chambre au dortoir, mais peut-être qu’elles se retrouvaient toutes les deux dans les quartiers d’Anjie.

« Désolée de t’avoir fait venir jusqu’ici », dit Anjie.

« Hé, ça n’a pas été difficile. »

« À vrai dire, il y a quelque chose sur lequel je voudrais te consulter à propos de Léon. Ses récents mouvements semblent secrets, comme s’il essayait de nous tenir dans l’ignorance de ses activités. » Anjie croisa les bras sur sa poitrine et baissa le regard vers le sol. Elle soupira. Noëlle avait l’impression que si elle se préoccupait du bien-être de Léon, elle était aussi déçue par lui.

Livia, qui était également présente, avait les sourcils froncés par la colère. Elle avait l’air plus sombre que d’habitude. Elle ajouta : « Lux et lui sont encore sortis ensemble aujourd’hui, malgré le fait qu’il ait insisté sur l’importance de respecter le couvre-feu. »

Noëlle connaissait ses incursions nocturnes dans la ville. Les professeurs eux-mêmes devaient être au courant de ses activités, mais aucun d’entre eux ne lui adressait la moindre remontrance malgré son non-respect flagrant du couvre-feu. L’absence de conséquences témoignait de la puissance de son influence. En tant que fiancée, Noëlle n’appréciait guère cet état de fait.

« Si on se fie à Rie, il n’est pas en train de s’amuser avec des filles. Il s’en prend à ce tueur en série… ce qui est un milliard de fois plus effrayant », déclara Noëlle. Loin d’être exaspérée par la dernière escapade de Léon, elle avait peur pour sa sécurité. Il était étudiant, pour l’amour du ciel. Qu’est-ce qui lui prend ?

« Oui, l’assassinat des nobles de la cour », déclara Anjie en posant des documents sur la table. Noëlle devina qu’elle s’était elle-même penchée sur la question. « Toutes les victimes ont obtenu leur poste récemment, mais toutes étaient compétentes dans leur travail. »

À la suite à la guerre entre le Royaume de Hohlfahrt et l’ancienne Principauté de Fanoss (qui avait été incorporée au Royaume en tant que duché), une réforme était devenue inévitable au sein de la haute société de Hohlfahrt. Nombreux sont ceux qui avaient trahi leur pays, et certains avaient déserté au moment où il en avait le plus besoin. Tous ceux qui tournaient le dos à Hohlfahrt voyaient leurs maisons démantelées — et ce n’était pas rien. Le royaume avait un besoin urgent de main-d’œuvre pour les tâches administratives. Ils avaient reconstitué leurs rangs avec un certain nombre de jeunes hommes prometteurs… qui se retrouvaient maintenant dans la ligne de mire de ce tueur en série. Sept victimes avaient été recensées jusqu’à présent.

Noëlle s’empara des documents et en scruta le contenu. « Cet assassin pourrait-il être quelqu’un à qui l’on a volé son poste ? »

« Je pense que c’est une forte possibilité », déclara Anjie. « Mais le fait que le coupable soit toujours en liberté donne une mauvaise image des autorités de la capitale. À moins que le coupable ne soit quelqu’un de particulièrement exceptionnel, il aurait déjà dû être attrapé. » Anjie ne cacha pas son mépris pour la police de la capitale qui avait manqué à son devoir. Pour elle, c’était leur inaction qui avait poussé Léon à agir.

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Partie 3

Livia frissonna de peur à l’idée que Léon soit confronté à un tueur potentiellement puissant. « Il est toujours si imprudent… Je m’inquiète pour lui. »

« Les choses vont mal en ville, mais l’académie a ses propres problèmes. Rie est anormalement agitée ces derniers temps, et j’ai repéré du personnel un peu louche dans l’enceinte de l’académie », expliqua Noëlle. Alors que les autres étaient préoccupés par les menaces extérieures, ses préoccupations étaient plus proches d’elle.

« En y repensant, quand je marchais avec Monsieur Léon tout à l’heure, j’ai vu l’un des membres du personnel nous lancer un regard noir », déclara Livia d’un ton pensif.

Noëlle fronça les sourcils. « Toi aussi ? La même chose m’est arrivée quand j’étais avec Léon, mais il m’a dit de ne pas m’en inquiéter. Les autres filles racontaient des ragots à ce sujet, disant que parfois le personnel jetait des regards sur les couples ou quelque chose comme ça. »

Anjie fronça les sourcils, intriguée par cette dernière nouvelle. « Je ne me souviens pas que le personnel m’ait déjà jeté un regard noir lorsque j’étais avec Léon. » Cette discrimination apparente ne semblait pas lui plaire.

Noëlle la rassura : « Mlle Anjelica, c’est sûrement parce que tu es très célèbre dans le royaume. Ton statut est si élevé que le personnel se recroqueville en ta présence, alors aucun d’entre eux n’aurait le courage de te jeter un coup d’œil. N’est-ce pas ça ? »

« Je… suppose que oui ? Mais n’auraient-ils pas pu supposer que je n’étais pas sa partenaire romantique, contrairement à vous deux ? »

« U-uhh… Cela semble peu probable. »

Noëlle ne pouvait pas le dire aussi crûment, mais elle soupçonnait que la véritable raison était que le comportement intimidant et déterminé d’Anjie signifiait que le personnel n’osait pas tenter quoi que ce soit d’étrange avec elle.

 

☆☆☆

 

La lampe de la cour intérieure de l’école projetait des ombres autour de Marie, qui attendait quelqu’un dans l’obscurité. Le jour où elle avait accidentellement rencontré Erica dans la bibliothèque, elle avait promis à la jeune fille de lui parler en privé. La nuit de la rencontre convenue était arrivée.

Faisant partie de la famille royale, Erica avait de nombreux partisans, ce qui compliquait les choses. Elle avait peu d’occasions d’être seule, et le seul moment où elle pouvait se déplacer sans être accompagnée était la nuit.

Quand Erica apparut enfin, Marie lui fit nerveusement signe de s’asseoir avec elle sur le banc. Elle commença : « Euh, euh, Princesse Erica, il y a en fait quelque chose que j’aimerais —. »

« Avant que vous ne disiez quoi que ce soit, j’aimerais vous poser une question, si vous le voulez bien », dit Erica en souriant. Marie fut arrêtée net alors qu’elle essayait de trouver la vérité à tâtons. « Mademoiselle Marie, est-ce que je peux supposer que vous vous êtes réincarnée dans ce jeu ? »

« Hein… ? » Marie répondit en grinçant, prise au dépourvu.

Erica passa une main sur sa poitrine. « Je le suis aussi. J’ai repris mes esprits et j’ai réalisé que j’étais Erica Rapha Hohlfahrt. Techniquement, il serait plus juste de dire que je ne me suis pas réincarnée ici, mais que mon âme a élu domicile dans le corps de la princesse. »

« Vous vous moquez de moi, n’est-ce pas ? Pourquoi n’avez-vous jamais…, » la voix de Marie s’est interrompue alors qu’elle essayait d’assimiler cette nouvelle information parmi les milliers de questions qui lui venaient à l’esprit.

Si Erica était comme elle et Léon, pourquoi les avait-elle laissés à eux-mêmes si longtemps ? Quelqu’un connaissant le scénario du jeu aurait dû se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond avant.

Erica sembla lire les doutes sur le visage de Marie. Elle expliqua : « J’étais assez malade jusqu’à l’année dernière. Mon corps n’était pas en état pour une promenade. De plus, mon père me surprotégeait énormément et ne me laissait pas sortir. Malgré tout, j’ai entendu parler de la Sainte et du Marquis. »

Erica avait parlé avec une maturité bien supérieure à son âge, paraissant étonnamment calme et posée face à la situation. Elle était à l’opposé de Marie, qui était tellement choquée qu’elle avait glissé du bord du banc et s’était heurtée au sol.

« Argh ! Ça veut dire que j’étais toute nerveuse pour rien ! Bon, quel âge as-tu en fait ? Laisse-moi te dire que j’ai l’air jeune, mais que mon âme est très mature. Tu ferais mieux de me montrer le respect qui s’impose ! » Marie s’imposa face à la jeune fille, désireuse d’établir sa supériorité.

Erica lui adressa un sourire troublé. « J’avais plus de soixante ans quand je me suis évanouie et que je me suis réveillée ici. »

Marie resta bouche bée avant de baisser la tête. « Mes plus sincères excuses pour mon comportement impertinent, Madame. »

« Hm ? Oh, hum, tu n’as pas à te soucier de l’âge ou d’autres choses de ce genre avec moi. Plus important, tu m’as fait venir pour discuter du jeu vidéo otome dans lequel nous sommes piégées, n’est-ce pas ? »

« Ah, oui ! Hum, alors mon Grand Frère et moi ne savons presque rien sur le scénario du troisième jeu. J’espérais que si tu savais quelque chose, tu pourrais le partager avec nous. Les choses ont l’air plutôt mal engagées en ce moment. » Comme pour souligner leur besoin d’aide, elle saisit la main d’Erica.

Les yeux d’Erica s’écarquillèrent de surprise, mais elle ne retira pas sa main. « Je me doutais que le marquis Bartfort était un autre cas de réincarnation, mais insinues-tu que vous étiez tous les deux liés avant de venir ici ? »

« Bien sûr ! Nous nous sommes tous les deux réincarnés ici. Probablement parce que je lui ai imposé le jeu et que je l’ai obligé à y jouer. Quoi qu’il en soit, nous avons tous les deux traversé beaucoup d’épreuves. »

C’est comme si les mots de Marie avaient déclenché un éclair d’inspiration. Erica ouvrit précipitamment la bouche pour dire quelque chose, mais avant qu’elle ne puisse prononcer le moindre mot, elle fut interrompue par la voix tonitruante d’un élève.

« Oh, Sire Chevalier, où êtes-vous ? Sire Chevalier —. » Les appels de la jeune fille à son chevalier furent brusquement interrompus lorsqu’elle trébucha et s’effondra dans l’obscurité.

Marie et Erica se précipitèrent aux côtés de la jeune fille. Marie souleva la forme molle dans ses bras et se rendit compte que l’étudiante était Mia. Ses mains s’agrippaient à sa poitrine, comme si elle souffrait d’agonie. Marie utilisa sa magie de guérison pour soulager sa douleur.

« Vous ne devriez pas être ici à cette heure-ci si vous êtes malade », dit Marie d’un ton laconique.

« Je suis… désolée. Ma santé n’a pas été très bonne ces derniers temps. C’est pourquoi j’allais demander… à Sire Chevalier des médicaments. Je ne pensais pas que mon corps s’épuiserait aussi vite… »

Mia avait dû penser qu’elle était assez bien pour courir et chercher son chevalier, mais ses actes téméraires avaient aggravé son état. Elle ne parlait plus qu’en haletant difficilement.

Erica prit doucement la main de la jeune fille dans la sienne. « Tout va bien », dit-elle en roucoulant. « Calme-toi et respire lentement. »

Mia avait suivi ses instructions et avait pris de lentes bouffées d’air. Sa respiration s’était progressivement améliorée et, avec le temps, les muscles de son visage s’étaient détendus.

« Dieu merci ! » Marie soupira de soulagement.

C’est étrange… Elle ne semble pas avoir de problème.

Lorsque Marie utilisa sa magie de guérison, elle ne sentit aucun effet — comme s’il n’y avait rien à guérir. Marie avait d’abord soupçonné la jeune fille de faire semblant, mais l’angoisse qui se lisait sur son visage semblait trop sincère pour que ce soit le cas. De plus, la magie de guérison semblait améliorer son état. Marie trouva cela incroyablement bizarre. L’important était que Mia se sente mieux.

« Vous avez une maladie chronique ou quelque chose comme ça ? » demanda Marie.

Elle était super joyeuse et toujours pleine de joie dans le jeu, n’est-ce pas ?

Le mystère de l’état de Mia s’épaississait.

« Je ressens ces douleurs soudaines depuis l’année dernière environ. Rien de tel ne s’était produit auparavant. Je courais et jouais comme un enfant normal en grandissant. »

« Intéressant… »

Marie jeta un coup d’œil à Erica. La santé de la princesse s’est améliorée après avoir été malade pendant des années, n’est-ce pas ? Pourquoi leurs positions ont-elles changé ? Pourquoi est-ce Mia qui est la plus fragile maintenant ?

Alors que Marie était perdue dans ses pensées, Erica demanda : « Ce médicament que possède votre chevalier, n’est-ce pas quelque chose que vous pouvez vous procurer ailleurs ? »

« Brave —Je veux dire, oui, mon médicament ! C’est une sorte de médicament que Sir Chevalier a préparé spécialement pour moi. Il paraît qu’on ne le trouve nulle part ailleurs. »

« Oh ? Ton chevalier doit ainsi être exceptionnellement bien informé sur les produits pharmaceutiques », dit Erica, louant les capacités de Hering.

Les joues de Mia s’illuminèrent. Ravie d’entendre quelqu’un complimenter son chevalier, elle expliqua avec passion : « Oui, il l’est ! Sir Chevalier est incroyable. C’est le meilleur chevalier de tout l’Empire ! Il est mon chevalier-gardien, mais honnêtement, je ne mérite pas du tout quelqu’un d’aussi compétent que lui. C’est un peu du gâchis, vraiment. » Toute trace de bonheur disparut de son visage au fur et à mesure qu’elle continuait.

La prise de conscience frappa Marie comme un éclair. Attends un peu. Cette fille est-elle vraiment tombée amoureuse de son chevalier-gardien ?

Contrairement à son frère, Marie était beaucoup plus sensible aux histoires d’amour. Elle avait tout de suite compris, à la façon dont Mia s’exprimait, qu’elle avait des sentiments pour Hering.

« Sire Chevalier est l’homme le plus gentil qui soit. Il est venu jusqu’ici pour m’accompagner dans mon échange à l’étranger, en disant qu’il ne pouvait pas me laisser seule. »

« Pour vous ? » précisa Marie, saisissant l’occasion d’obtenir plus d’informations de la part de la jeune fille. « Il n’est pas venu ici pour un autre objectif ? »

Mia fronça les sourcils. Elle réfléchit un instant à la question de Marie avant de répondre : « Non, il ne m’a pas parlé d’autres raisons. »

+++

Partie 4

Je courais dans les rues sombres de la capitale.

« Par ici, Maître, » dit Luxon.

Il avait installé un certain nombre de drones dans toute la ville et ils se transmettaient des informations par le biais d’un système de lumières clignotantes. Luxon avait lu leurs signaux et les avait utilisés pour me guider jusqu’à la scène du dernier crime.

« C’est vraiment une façon de faire à l’ancienne », lui avais-je dit.

« Garde tes plaintes pour toi, s’il te plaît. Prends à droite au prochain coin de rue. »

J’avais suivi son conseil et je suis arrivé sur les lieux, qui n’étaient pas encore occupés par les curieux. Nous nous étions retrouvés à une intersection en forme de croix, nichée dans une rue étroite entre les bâtiments, au milieu d’un réseau de ruelles similaires en forme de labyrinthe. Aucun des bâtiments n’avait de sortie dans cette direction, la circulation était donc peu dense.

Des cadavres étaient étalés sur le sol. Ils avaient l’air frais, tués quelques instants auparavant. J’aperçus ce qui semblait être un représentant du gouvernement entouré d’une flopée de gardes à gages. Ils étaient tous bien musclés et costauds, mais cela leur avait fait beaucoup de bien. Curieusement, rien sur les lieux n’indiquait qu’il y avait eu lutte.

Aussi horrible que soit la scène, ce qui avait attiré mon regard, c’était la silhouette ombrageuse d’un homme au milieu de la scène. Il portait un chapeau et un long manteau marron. Je m’étais approché. Il s’était tourné vers moi, les yeux rouges.

« Argh… Je… t’ai trouvé… Bart… fort… »

De la bave coulait du menton de l’homme. Ses mouvements étaient saccadés et peu naturels, suggérant qu’il ne contrôlait pas son propre corps. L’une de ses jambes semblait boiteuse, il la traînait derrière lui alors qu’il me faisait face. Ce faisant, j’aperçus son ventre.

Je grimaçai et j’attrapai l’arme de poing cachée dans mon pardessus, en pointant le canon vers lui. « Celui qui a fait ça est vraiment malade dans sa tête. »

« En effet. Un fragment d’armure démoniaque est apparemment incrusté dans son corps. J’ai le regret de dire qu’il est déjà irrécupérable. »

Ces mots m’avaient fait réfléchir. J’étais assailli par les souvenirs de Serge et du monstre en lequel il avait été transformé. Comme s’il lisait dans mes pensées, Luxon intervint : « Je vais m’occuper de lui. »

« Attends. J’aimerais lui parler pendant qu’il est encore conscient. »

« Si tu insistes, je t’en prie. »

Plusieurs yeux grotesques avaient bourgeonné sur la peau du torse de l’homme. L’éclat enfoncé dans son corps était accompagné de trois longs tentacules ondulants qui sortaient de son estomac fendu. Leurs extrémités formaient des lames acérées, couvertes de sang.

« Puis-je supposer que tu es notre coupable ? Quel est ton but ici, exactement ? » avais-je demandé.

« Bartfort… ennemi… Notre… ennemi… Tuer… »

« Pas très bavard, hein ? »

« Cet homme est un civil ordinaire. Il serait étrange qu’il ait conservé une quelconque conscience après qu’une partie d’une armure démoniaque ait été insérée dans son corps. De plus, il serait impossible pour cet homme d’accomplir à lui seul tout ce que nous avons fait jusqu’à présent. Il est fort probable qu’il y ait un marionnettiste derrière tout cela. »

Les humains qui incorporaient une armure démoniaque dans leur corps n’étaient pas faits pour ce monde. Luxon en déduisit donc que cet homme n’avait pas pu rester dans cet état pendant un mois entier. Il était plus probable que quelqu’un d’autre soit impliqué, manipulant les gens dans l’ombre par l’insertion de fragment d’armure démoniaque.

N’ayant pas d’autre recours, j’avais dit : « Alors, la prochaine étape, c’est de chercher ce cerveau, hein ? » Je visai à nouveau avec mon arme, après avoir marqué une courte pause dans l’espoir d’un échange intelligible. Au même instant, les yeux de l’homme s’étaient mis à briller. Je pressai la détente et la balle lui transperça le ventre. L’homme s’effondra vers l’avant avec une lenteur atroce. Les tentacules s’effondrèrent avec lui, tombant bien avant moi. Quelques instants plus tard, ils se dissolvaient en liquide noir et disparaissaient complètement. Il ne restait plus que le cadavre mutilé de l’homme.

J’avais poussé un gros soupir en scrutant de loin le visage de notre coupable. « Le bon côté des choses, c’est que nous avons quelques indices maintenant. »

« Tout à fait. Identifions cet homme et contactons sa famille ou ses amis pour obtenir des informations. »

« Ça sonne bien. Mais… Celui qui est derrière tout ça est un sacré malade. »

« Le responsable est capable d’armer un fragment d’armure démoniaque avec une telle précision, ce qui laisse supposer des connaissances approfondies. Tout individu normal qui tenterait bêtement ce genre de manipulation avec une armure démoniaque serait consumé et tué par elle », déclara Luxon. Comme il l’expliquait, une armure démoniaque vidait sa victime de son mana, de son sang, de tout, ne laissant derrière elle qu’une enveloppe vide.

« On dirait un objet maudit. »

« Pas tout à fait exact, mais assez proche. Les humains ne devraient certainement pas s’en mêler. Ce sont des armes abominables. »

« Quoi qu’il en soit… Nous ferions mieux de fouiller le corps pour trouver des indices sur l’identité de ce type. »

Alors que je m’approchais du corps du défunt, je sentis soudainement une autre présence dans l’obscurité, de l’autre côté du corps.

« Maître, il semblerait que notre cerveau était plus proche que nous ne l’avions prévu. »

« Tu as raison. »

L’homme, qui semblait tout aussi méfiant à mon égard, s’était approché pour se dévoiler. Il avait de magnifiques cheveux argentés. J’avais tout de suite reconnu qu’il s’agissait du chevalier-gardien Hering. Il jeta un bref coup d’œil à l’homme que j’avais abattu avant de fixer ses yeux sur moi et sur l’arme que je tenais à la main. Une ride de dégoût flagrante et non dissimulée se forma sur son front. « Quel est ton but ici ? »

La question était incroyablement vague, mais j’avais cru comprendre qu’il me demandait pourquoi je poursuivais le tueur en série. Mais son intention n’avait pas d’importance. J’avais braqué mon arme sur lui.

« Ne bouge pas », avais-je prévenu. « C’est moi qui pose les questions. En fait, j’ai une liste de choses à demander —. »

« Maître ! » Luxon vola devant moi, déployant une barrière devant moi. Plusieurs charges électriques s’y heurtèrent une fraction de seconde plus tard, chaque coup repoussé émettant une lumière aveuglante.

Hering n’avait pas bougé d’un pouce, bien que ses yeux se soient écarquillés de surprise à l’apparition soudaine de Luxon. Ce qui était plus pressant, c’était l’inquiétant objet sphérique noir qui flottait derrière lui. Il avait exactement la même taille et la même forme que Luxon, avec un œil rouge. Les similitudes s’arrêtaient là, cette chose, quelle qu’elle soit, ressemblait plus à un être vivant qu’à un robot. La matière dont elle était faite était un mystère, mais son œil semblait résolument organique.

« Partenaire, » dit une voix étrange. Je suppose qu’elle appartenait à l’étrange créature, « Je crains que notre mauvais pressentiment n’ait été juste. Le chevalier-ordure a à ses côtés une arme laissée par les anciens humains. »

Luxon m’avait devancé, sa voix dégoulinant d’hostilité et de haine. « Jamais je n’aurais imaginé que nous trouverions le noyau d’une armure démoniaque complètement intact. Cette chose est l’incarnation même du mal et doit être exterminée au plus vite. Maître, je demande la permission de déployer mon corps principal. »

L’objet noir — faute de mieux à ce stade — leva une main minuscule. Il serra ses doigts en un poing serré et hurla : « Qui appelles-tu le mal, stupide morceau de métal ? Tu es bien plus malfaisant que nous ! Ton existence n’a aucun sens ! Partenaire, donne-moi immédiatement la permission ! Nous ne devons pas permettre à cette chose et à son maître de reprendre leur souffle ! » L’explosion de rage rendit ses yeux grotesquement humains injectés de sang. Des épines fleurissaient sur tout son corps, ondulant et se gonflant. Il semblait pouvoir changer de forme à volonté.

« Je suppose qu’il n’y a pas d’autre choix Kurosuke ! »

« Compris ! »

Hering avait tendu sa main droite vers moi, et l’objet noir — Kurosuke — s’était transformé en un liquide qui s’était enroulé autour de lui et avait formé des ailes de chauve-souris dans son dos.

« Il a l’air d’un démon », avais-je commenté.

« Ce n’est pas le moment de plaisanter, Maître. Il s’agit d’une armure démoniaque parfaitement intacte. Nous devrions nous replier et rejoindre Arroganz avant de continuer. »

« Est-ce qu’ils vont nous laisser faire ? » Bien que j’aie posé la question, je l’avais laissé faire et j’avais fait volte-face pour me précipiter dans la direction opposée. Les rues labyrinthiques étaient à mon avantage.

« Ne bouge plus ! » me cria Hering en me poursuivant.

J’avais jeté un coup d’œil par-dessus mon épaule, puis j’avais tiré sur lui avec mon arme. Les balles avaient atteint leur cible, mais elles avaient été déviées.

« J’ai visé toutes les parties de lui qui étaient exposées et ça ne sert toujours à rien ! » grommelai-je. Même l’arme spécialement conçue par Luxon ne faisait pas le poids face à Hering dans son état actuel.

« Il érige une barrière devant son corps pour bloquer tes attaques. Il est inutile de continuer à tirer. Je t’ai demandé à plusieurs reprises d’avoir des armes plus puissantes à portée de main. »

J’avais remis mon arme dans son étui et j’avais continué à courir. « Oh, je t’en prie », avais-je rétorqué. « Si je me promenais avec un fusil ou une carabine sur moi, on m’arrêterait ! »

La police ne me laisserait jamais m’en sortir en portant une arme à l’air libre comme ça. Je serais menotté en quelques secondes. Le pire, c’est que Roland s’en donnerait à cœur joie.

Je m’élançai dans l’une des allées et repérai une caisse en bois devant moi. J’avais sauté dessus, utilisant la hauteur supplémentaire pour me propulser sur le toit — j’avais atterri là et j’avais continué ma course en suivant les indications de Luxon.

Hering, quant à lui, s’était envolé avec ses ailes de chauve-souris. Il me regardait de haut.

« Ça doit être sympa de se balader dans les airs comme ça. Luxon, trouve-moi une amélioration comme celle-là », avais-je dit.

« Quelle chance j’ai d’être une IA. Mon maître peut faire preuve de sagesse dans les situations les plus désastreuses que l’on puisse imaginer », rétorqua Luxon d’un ton sarcastique. Sa lentille rouge scintilla tandis qu’il lançait un regard noir.

Hering et Kurosuke, qui avaient fusionné, nous avaient appelés en nous poursuivant.

« Je dois te demander quelque chose », dit le chevalier-gardien. « Mais je suppose que je dois d’abord t’immobiliser. »

« Et avant de poser des questions, détruisons l’IA pourrie qu’il a avec lui ! » déclara Kurosuke.

La haine de Kurosuke et de Luxon était réciproque. Armes des deux camps opposés de l’humanité, ils avaient repris dans le présent leur querelle vieille de plusieurs siècles, sans en sacrifier l’intensité.

« Désolé de te le dire, mais c’est toi qui vas être immobilisé. » J’avais sorti mon arme de son étui et j’avais tiré sur lui. Hering n’avait pas tenté de s’écarter, certain par expérience que mes balles ne pouvaient pas le blesser.

« Inutile. Ton arme de poing ne peut pas —. »

Luxon l’interrompit. « Tu es le malheureux ici. Nous allons détruire toute trace des déchets que les nouveaux humains ont laissés dans leur sillage. Ici et maintenant. »

L’instant d’après, Arroganz était apparue pour frapper le corps d’Hering et l’envoyer valdinguer dans les airs. Il s’était arrêté sur le toit où je me trouvais, et le cockpit s’était ouvert. J’avais grimpé à l’intérieur et j’avais refermé l’écoutille en quelques secondes. Une fraction de seconde plus tard, une charge électrique était entrée en collision avec l’extérieur de l’écoutille, faisant trembler et osciller l’Arroganz.

« Wôw, c’était moins une ! »

Des sueurs froides coulaient dans mon dos. J’avais saisi les manettes de contrôle et j’avais guidé Arroganz dans les airs.

+++

Partie 5

« Maître, levons toutes les restrictions sur nos armes lourdes », proposa Luxon. Mon gars était prêt à tout pour réduire Kurosuke en cendres, qu’il le veuille ou non.

« Tu perds tout sens de la raison quand il s’agit d’armures démoniaques ou quoi ? Nous sommes dans la capitale, te souviens-tu ? Pas question d’utiliser ce genre d’armes ici. Et tu ferais mieux de ne pas utiliser ton corps principal à moins que ce ne soit absolument nécessaire. »

« Je considère que la perte de la capitale est un sacrifice acceptable s’il s’agit de se débarrasser complètement de cette chose. »

Luxon continua ses vaines tentatives de persuasion, mais je l’ignorai pour me concentrer sur l’écran. Le liquide noir avait avalé le corps d’Hering et s’était transformé en la forme d’une armure démoniaque que j’avais le plus l’habitude de voir. La seule différence avec les autres que j’avais vues était l’absence d’yeux effrayants et réalistes. Celle-ci ressemblait à une armure ordinaire avec des ailes de chauve-souris dans le dos et une longue queue reptilienne. Baignée par la lumière de la lune, elle était d’une beauté étrange.

 

 

« Je savais que ça me disait quelque chose. Je n’arrive pas à y croire. C’est Brave », avais-je dit.

Les yeux luisants de l’armure se rétrécirent. « Comment se fait-il que tu connaisses le nom de Kurosuke ? »

Hering n’avait pas attendu ma réponse. Il avait chargé. Il était bien plus rapide que toutes les autres armures démoniaques que nous avions affrontées jusqu’à présent. La sueur coulait sur mon front. Ses griffes acérées ne firent qu’effleurer le revêtement extérieur d’Arroganz, mais ce n’était pas le cas lors de mes affrontements avec d’autres adversaires. Son attaque laissait des rayures visibles.

« C’est une blague ! Il a transpercé le blindage d’Arroganz. »

« Dois-je te rappeler qu’il s’agit d’une véritable armure démoniaque ? J’ai réussi à rassembler les informations de ma base de données avec les données de combat que j’ai enregistrées de notre adversaire jusqu’à présent. Si l’on fait abstraction des différences mineures, je peux te dire avec certitude que cette armure démoniaque porte un nom. Comme tu l’as dit toi-même il y a quelques instants, elle s’appelle Brave. »

Ce Nommé Un Fois avait causé des dommages monumentaux aux anciens humains pendant la guerre, c’est pourquoi son nom était resté dans les données de Luxon depuis cette époque.

« Wôw, c’est super rassurant d’entendre ça ! », avais-je grommelé.

J’avais poussé les propulseurs d’Arroganz au maximum pour pouvoir dépasser Hering et esquiver ses attaques. Son armure s’arrêta soudain de bouger et forma deux boules d’électricité crépitante dans les paumes de ses mains. Une fois qu’elles eurent pris une forme solide, il les lança sur moi. Je fis un écart pour les éviter. Les boules d’électricité firent une embardée avec moi, continuant leur poursuite.

« Sérieusement ? Des capacités de localisation ? »

« La précision de ces tenues dépasse de loin celle des autres armures démoniaques que nous avons affrontées », commenta Luxon. « Je vais tirer une fusée anti-magique. »

Un éclair de lumière jaillit du sac à dos d’Arroganz au moment où les fusées étaient lancées. Les orbes se lancèrent immédiatement à leur poursuite, et lorsqu’ils entrèrent en collision, un impact explosif secoua le ciel. C’était comme un feu d’artifice. Depuis mon moniteur, j’avais vu que les civils en bas regardaient la scène.

« Il est dangereux de continuer à se battre ici », avais-je dit.

J’avais envisagé d’éloigner Hering de la capitale, mais il avait l’intention de me capturer.

« Je ne te laisserai pas t’échapper ! », hurla-t-il.

« Les filles n’aiment pas les hommes qui ne savent pas quand se retirer. »

J’avais lancé une boutade, mais quand Hering avait répondu, il avait l’air tout à fait sérieux. « Ce n’est pas un problème pour moi. »

Oh, ça m’a mis la puce à l’oreille. J’avais serré les manettes de contrôle dans mes mains.

« Tu essaies de me dire que tu es si beau que tu n’as jamais eu de problèmes avec les filles, hein ? Attends un peu. Je vais te faire la peau ! »

 

☆☆☆

 

Alors que le combat commençait, Gabino était occupé à rassembler le reste de ses subordonnés qui s’étaient faufilés dans la capitale. Il étudia le cadran de la montre à gousset qu’il tenait à la main, jusqu’à ce qu’elle indique enfin l’heure. Il referma le couvercle et releva le regard.

« Le moment est venu. Les mécontents du statu quo, ceux qui attendent leur heure, vont enfin prendre les armes pour plonger la capitale dans le chaos. Nous en profiterons pour remplir nos propres objectifs. »

Lui et ses partisans étaient rassemblés dans le quartier des entrepôts de la capitale. Les Dames de la Forêt et les autres organisations qu’il avait contactées lui avaient préparé un entrepôt — c’est là qu’il avait stationné des troupes venues de Rachel. Pour masquer leur association avec le Saint Empire, chaque homme avait revêtu un déguisement de pirate de l’air.

Les murs autour d’eux étaient couverts d’avis de recherche avec la photo de Léon. Chacun d’entre eux était dégradé par des graffitis, déchiré et en lambeaux, ou les deux à la fois.

« Nous avions prévu que ce bouleversement généralisé attire le chevalier d’ordure, mais il semble qu’il soit déjà en train de se battre contre un autre chevalier. Cette tournure inattendue des événements ne change rien. Nous allons poursuivre notre stratégie ! »

Chaque homme avait salué la fin du discours de Gabino. Puis ils s’étaient précipités en masse hors du bâtiment pour accomplir les tâches qui leur étaient assignées.

Les yeux de Gabino se rétrécirent et son sourire s’élargit en conséquence. Bientôt, la capitale du royaume serait engloutie dans une mer de flammes.

« Quel plaisir que vos compatriotes nous aient invités ici, chevalier d’ordure. Nous ferons autant de victimes que possible. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour le Saint Royaume de Rachel. »

À peine avait-il terminé de parler que Gabino sortit un couteau de sa poche et le lança en l’air. La lame s’enfonce dans l’un des avis de recherche, déformant la photo du visage de Léon.

Gabino passa ses doigts sur la cicatrice de son front. « J’ai hâte de voir ton angoisse, chevalier d’ordure. Je dois te remercier de m’avoir laissé cette marque. »

 

☆☆☆

 

Le ciel de la capitale s’était illuminé de ce qui ressemblait à un feu d’artifice. Marie, qui observait la scène depuis la cour intérieure de l’académie, avait remarqué des éclairs de lumière en mouvement au milieu du spectacle qui s’offrait à elle.

« Que fait le Grand Frère ? »

Il était normalement interdit de se battre au-dessus de la capitale, en raison du danger que cela représentait pour les passants. Marie avait du mal à croire que Léon soit assez fou pour enfreindre une telle règle, même si cela témoignait de l’urgence de leur situation.

D’autres lumières apparaissaient dans le ciel, rejointes par des boules d’éclairs étincelants.

Mia leva elle aussi les yeux au ciel. Elle se mit une main sur la bouche. « Sire Chevalier et Brave se battent-ils ? » Sa voix était à peine plus qu’un murmure, mais elle n’échappa pas aux oreilles aiguisées de Marie.

« Ne bougez plus. Qui est ce “Brave” ? Es-tu en train de me dire que c’est ton chevalier-gardien là-haut ? » demanda Marie.

Mia recula. Ses yeux allaient et venaient comme si elle essayait de trouver un moyen de se débarrasser de Marie, mais cette dernière n’en voulait pas.

« Réponds-moi ! »

« Eh bien, euh… » Mia baissa le regard.

« La presser avec autant de force ne fera que l’effrayer », intervint Erica.

« Écoute, je suis pressée ! Et si le chevalier de cette fille est derrière tout ça, il faut arrêter les choses avant qu’elles ne deviennent vraiment sérieuses ! »

Le menton de Mia se releva d’un coup. Elle ne pouvait pas rester sans rien faire pendant que la réputation de son précieux chevalier était salie. « Sire Chevalier n’est derrière rien ! » cria-t-elle à Marie. « C’est quelqu’un de gentil. Il ne se battrait pas sans raison valable. »

La confiance de Mia en son chevalier était malheureusement compensée par la conviction de Marie que Léon n’irait pas au combat sans justification.

« Donc tu dis que mon Grand Frère est dans l’erreur !? C’est ça, hein ! ? » Marie semblait prête à bondir sur la jeune fille à tout moment.

« Veuillez patienter un instant », interrompit Erica, dont le regard se porta à nouveau sur le ciel. « Quelque chose ne va pas. »

Un dirigeable était apparu au-dessus de l’académie. Il volait curieusement bas, et ses lumières surpuissantes éclairaient toute l’école. Le drapeau qu’il arborait indiquait qu’il appartenait à des pirates de l’air. En y regardant de plus près, Marie avait également remarqué qu’ils avaient descendu une corde du navire par laquelle un certain nombre d’hommes d’équipage débarquaient. Il suffisait d’un coup d’œil pour s’en convaincre : ils étaient trop organisés pour être de vrais pirates.

Marie saisit les mains d’Erica et de Mia dans chacune des siennes et les entraîna avec elle, se précipitant dans la direction opposée. « Par ici ! »

 

☆☆☆

 

Gabino, vêtu de son costume habituel et consultant sa montre à gousset, donna des ordres au dirigeable qui survolait l’académie. Une fois l’heure confirmée, il se tourna vers ses soldats. « Sécurisez nos cibles les plus prioritaires avant que le chevalier d’ordure ne nous atteigne. Si le temps le permet, vous devriez également vous occuper des cibles moins prioritaires, mais ce n’est pas notre objectif principal. » Avec un sourire dépravé, il ajouta : « Si vous ne pouvez pas les capturer, vous pouvez les tuer. Nous sommes des pirates, après tout. »

Par la fenêtre du pont, il regarda l’académie en contrebas, observant ses camarades se déplacer selon ses ordres. Ses soldats ignorèrent le bâtiment principal de l’école et se précipitèrent sur les dortoirs. Le personnel qu’ils avaient utilisé pour infiltrer l’école leur avait fourni des informations précises sur l’emploi du temps quotidien de leurs cibles, et les hommes de Gabino ne perdirent donc pas de temps à chercher sans but. Leurs cibles principales étaient les fiancées de Léon.

« Faites ce qu’il faut pour capturer ses futures épouses. Je veux la prêtresse d’Alzer au minimum. Elle peut servir à autre chose qu’à servir d’otage. »

« Compris, monsieur », déclara le subordonné qui se tenait juste derrière Gabino. L’homme se tourna alors vers le reste de ses compagnons d’armes pour leur transmettre ces ordres. « Vous l’avez entendu. Allez-y et apprenez à ce détestable chevalier d’ordre ce que signifie invoquer la fureur de Rachel ! »

Léon avait gagné leur ressentiment en soumettant la tentative de coup d’État de la République d’Alzer. Le Saint Royaume de Rachel travaillait aux côtés de l’armée rebelle et, en tant que tel, avait subi d’énormes pertes lors de l’échec. Pire encore, ils avaient été contraints de se rendre lorsque Léon avait pris en otage le commandant de leur flotte. C’était humiliant. Gabino lui-même avait été entraîné dans la mêlée, ce qui lui avait valu une cicatrice sur le front. Il avait une vendetta personnelle contre Léon à cause de cela, mais même sans ce niveau d’investissement, Léon ne pouvait pas être autorisé à vivre après le déshonneur qu’il avait causé à Rachel.

Ces événements avaient conduit à l’élaboration d’une stratégie visant à prendre en otage les fiancées de Léon, et cette stratégie était en bonne voie. Gabino et ses hommes avaient l’intention de causer d’innombrables pertes au royaume de Hohlfahrt, mais leur véritable désir était de frapper Léon là où cela faisait le plus mal. Rachel le considérait comme une telle menace qu’ils recouraient volontiers à ces moyens.

Les soldats au sol envoyèrent un signal au dirigeable, indiquant que la bataille se déroulait comme ils l’avaient prévu. Gabino tourna son regard vers le Chevalier pourri qui était occupé à combattre un autre adversaire au loin. Il ne leur restait plus qu’à éliminer Léon du tableau, et le succès de leur mission était garanti.

« Tes femmes seront bientôt entre mes mains, chevalier ordure. »

+++

Partie 6

Les soldats, déguisés en pirates de l’air, avaient franchi l’entrée du dortoir des filles avec une coordination parfaite.

« Beaucoup trop facile. »

« Nous sommes face à une bande de sales gosses, qu’est-ce que vous attendez ? »

« Je me fiche de savoir si ces Hohlfahrtiens sont costauds. Je n’ai pas peur de quelques écoliers. »

Les soldats pénètrent rapidement dans la bâtisse. Malgré leur prudence, les balles ne tardèrent pas à leur tomber dessus. Ils se précipitèrent dans l’ombre pour se cacher, déconcertés. Dans le hall, un vase se brisa. L’un des soldats reçut un coup et s’effondra au sol, gémissant d’agonie.

« Des balles en caoutchouc ? Ils traitent ça comme une blague ! »

Bien que moins menaçantes que les vraies balles, ces munitions non létales avaient suffisamment d’élan pour que toute personne touchée soit à terre. Les soldats devraient être prudents au fur et à mesure de leur progression.

Le chef d’escadron fit signe au reste des hommes. Ils commencèrent leur contre-attaque depuis l’ombre. Ils avaient des fusils pour combattre les tirs ennemis, mais cet ennemi ne laissait pas la moindre faille dans son attaque. Les soldats, avec leurs fusils relativement lents, étaient sérieusement désavantagés. Les fusils qu’ils possédaient ne pouvaient pas tirer aussi rapidement.

« Comment peuvent-ils continuer à nous tirer dessus si vite ? Est-ce un nouveau fusil qu’ils utilisent ? »

Ces troupes connaissent l’existence des mitrailleuses. N’ayant pas d’autre moyen de renverser le cours de la bataille, le chef saisit sa grenade. Les tirs s’arrêtèrent. Le chef de la troupe s’arrêta pour jeter un coup d’œil à ses hommes. Après une série de hochements de tête mutuels, il lança sa grenade. Dès qu’elle toucha le sol, de la fumée se répandit dans l’air. Toute personne n’ayant pas reçu l’entraînement nécessaire aurait du mal à garder les yeux ouverts. Le chef et ses hommes se couvrirent la bouche et le nez avec des tissus, plissant les yeux malgré la piqûre de la fumée, tout en avançant. Toute la troupe était certaine que l’ennemi avait été neutralisé. Ils ne pouvaient pas voir ce qui se passait autour d’eux.

« D’accord. Vous, les hommes, allez-y et —. »

Au moment où le chef tentait d’ordonner à ses troupes de charger, un bruit de pas retentit autour d’eux. Une femme portant un masque étrange se tenait devant eux. Elle tenait dans ses mains un pistolet comme ils n’en avaient jamais vu auparavant. Elle pointa le canon sur le chef d’escadron et, sans perdre de temps, appuya sur la gâchette. Une rafale de balles en caoutchouc s’abattit sur les hommes. Ils n’allaient pas mourir de ses blessures, mais l’impact était suffisamment puissant pour que la douleur traverse les muscles et les tendons jusqu’aux os. Sa troupe lutta pour résister à l’agonie.

Une fois que la femme confirma que les soldats étaient hors d’état de nuire, elle commence à donner ses propres ordres. « Enlevez-leur leurs armes et attachez-les. »

Le chef d’escadron s’efforça de lever la tête de l’endroit où il était effondré sur le sol, dans l’espoir d’apercevoir leur agresseur. La fumée commençait déjà à se dissiper. Lorsque la jeune fille retira son masque, il vit ses cheveux tressés d’un blond doré et ses yeux d’un cramoisi sombre. Les traits de son visage, nets et bien dessinés, témoignaient de sa force de volonté.

« Vous êtes l’une de nos cibles ! » s’exclama le chef d’escadron, incrédule.

Anjie jeta un bref coup d’œil à l’homme avant de lui tirer dessus et de le rendre inconscient.

 

☆☆☆

 

Dès qu’elle retira son masque à gaz, Anjie essuya la sueur qui s’était formée sur son front. Les étudiantes qui l’entouraient se recroquevillèrent tout en suivant ses instructions pour attacher les hommes tombés au combat. Anjie en profita pour retirer le chargeur de sa mitrailleuse, et plusieurs robots ouvriers armés s’approchèrent d’elle.

« Ils sont audacieux, je le reconnais, ils attaquent l’académie de cette manière », déclara Anjie.

Les robots, suffisamment compacts pour se faufiler dans les couloirs étroits du dortoir, s’étaient déployés autour d’elle pour surveiller de près les alentours. Anjie les observa et se sourit à elle-même.

« Je suppose que Léon l’avait parfaitement prédit, hm ? »

Anjie était à la fois exaspérée par le zèle de son futur époux pour les préparatifs et reconnaissante. Léon avait l’air désinvolte à ce sujet, mais en fait, il avait rassemblé diverses choses pour que le plan se déroule sans accroc.

L’un des robots lui offrit un magazine complet pour remplacer l’ancien, ce qu’elle accepta avec plaisir.

« Ces hommes sont trop organisés pour être de simples pirates de l’air. Les informations de Deirdre doivent être correctes. »

Dès que le nom de cette femme quitta ses lèvres, Anjie fronça les sourcils. Cette manifestation de mécontentement fut de courte durée, laissant place à une expression plus dure lorsque des cris commencèrent à résonner ailleurs dans le dortoir. Elle tourna la tête vers la direction du bruit, mais se rendit vite compte qu’il s’agissait de cris rauques d’hommes qui résonnaient dans les couloirs.

Elle poussa un petit soupir. « C’est la direction qu’a prise Noëlle, n’est-ce pas ? »

 

☆☆☆

 

Noëlle était dans sa chambre, passant ses bras dans la veste de son uniforme scolaire. Elle grommela tout en s’apprêtant à partir.

« Il est évident qu’ils ont des initiés qui les aident, pour qu’ils viennent directement dans ma chambre comme ça. » Elle fit une pause. « Tout de même… C’est vraiment incroyable… ! »

Les pirates de l’air avaient fait irruption dans sa chambre il y a quelques instants. L’écusson au dos de sa main droite s’illumina — des racines et des branches végétales jaillirent de tous les coins de la pièce, emprisonnant ses attaquants potentiels. Le lierre s’enroula autour de chacun des soldats et de leurs armes, les rendant impuissants et immobiles. Noëlle avait accompli tout cela grâce au pouvoir de son écusson de prêtresse, leur arbre sacré encore immature avait intercédé pour la protéger. Les intrus avaient été éliminés avant qu’elle ne lève le petit doigt.

Creare apparut dans l’embrasure de la porte avec plusieurs autres robots dans son dos. « Je me doutais bien que ça arriverait », dit-elle en balayant la pièce du regard. « Bon sang, quand même. Tu t’es vraiment déchaînée ici. »

Noëlle resta bouche bée. « Je n’ai rien fait de tout cela ! »

« Je le sais ! Le problème, ce sont les frais de réparation de ta chambre. Cela va coûter une jolie somme. »

La chambre de Noëlle, autrefois opulente, était envahie par les plantes. La verdure transperçait le sol et laissait des fissures béantes dans les murs. Devant l’ampleur des dégâts, Noëlle se serra la tête. « Arbre sacré, fais preuve d’un peu plus de retenue, veux-tu ? »

« Ce n’est pas grave. Je ferai en sorte que le Maître couvre les frais », lui assura Creare.

Noëlle était reconnaissante à l’Arbre Sacré pour sa protection. En vérité, elle l’était. Mais il n’en reste pas moins que cette protection causait d’immenses dégâts au bâtiment.

 

☆☆☆

 

Au même moment, Marie entraîna Mia et Erica derrière elle pour fuir les pirates de l’air.

« Par ici ! Vite ! »

Mia s’agrippa à sa poitrine, incapable de suivre le rythme. La douleur qu’elle ressentait était si intense qu’elle fut obligée d’arracher sa main à celle de Marie. « Je ne peux pas le faire », dit-elle. « Continuez sans moi… s’il vous plaît. »

Erica fit demi-tour et attrapa Mia. Elle la tira à côté d’elle. « Nous ne pouvons pas te laisser. S’il te plaît, fais vite. »

« Ce n’est pas grave. Je ne vous entraînerai que toutes les deux dans ma chute », insista Mia.

Furieuse de son insistance à ce qu’elles l’abandonnent, Marie rugit : « Tais-toi et arrête de jouer les martyrs ! Je te porterai sur mon dos si tes jambes te lâchent. » Elle s’apprêta à hisser Mia sur son dos comme promis lorsqu’un coup de feu retentit autour d’elles. Les trois filles se figèrent sur place.

Elles lèvent les yeux et virent un jeune homme en tenue de travail. Il se débarrassa de son chapeau, dévoilant des cheveux blonds et un sourire vulgaire.

« Je t’ai trouvée, princesse. »

Erica s’avança devant Marie et Mia. « Est-ce moi que tu cherches ? »

« Tu l’as compris. Tu vas être notre monnaie d’échange. Alors, viens avec moi — pour corriger ce royaume corrompu. » Il parlait sans aucun égard pour son statut royal.

Marie réalisa alors qu’elle avait déjà vu cet homme. »Corriger quoi, exactement ? » demanda-t-elle. « Personne ne te l’a demandé ! »

« Ta gueule, fausse Sainte. Tu es une bonne copine de Léon, hein ? Désolé de te le dire, mais il ne viendra pas à ton secours cette fois. »

Il s’agissait de la nouvelle recrue impolie qu’elle avait repérée le jour de la cérémonie d’ouverture.

Marie serra les dents. C’était à peu près à l’époque où l’armure démoniaque est apparue et a interféré avec les capacités de collecte d’informations de Luxon et Creare… Pourquoi un sale type devait-il se faufiler dans l’école maintenant, à n’importe quel moment ?

Elle scruta l’homme, maudissant la malchance qu’ils avaient eue. Malheureusement, sa situation ne fit que s’aggraver : un certain nombre de pirates de l’air les rattrapèrent et les encerclèrent. Cet homme avait amené des alliés.

« Attachez-les toutes les trois, » déclara l’homme.

« Ça craint de recevoir des ordres de vous, mais bien sûr. Je suppose que nous ferons ce que vous demandez. »

Les pirates de l’air armés s’approchèrent du groupe de Marie. L’écho d’un coup de feu fendit l’air et l’un des hommes fut touché au côté. Il s’effondra, son visage se tordant de douleur tandis qu’il s’agrippait à sa blessure. Les autres pirates braquèrent leurs armes et tirèrent dans la direction d’où était parti le coup de feu. D’autres balles jaillirent de l’obscurité, frappant les hommes les uns après les autres et les mettant hors d’état de nuire.

« Eeeek ! » cria l’ouvrier terrifié en s’enfuyant à toutes jambes.

« Ne t’avise pas de t’enfuir ! » l’appelèrent certains des pirates restants. Il les ignora complètement. Alors que le nombre de pirates diminuait, un groupe d’hommes sortit de l’ombre.

L’angoisse qui étreignait Marie d’une poigne de mort se desserra enfin complètement lorsqu’elle vit leurs visages. « Les garçons ! »

« Garde la tête baissée, Marie ! »

Julian ouvrit le feu sur les derniers pirates encore debout. Il utilisait des balles en caoutchouc, ses tirs ne transperçaient pas la peau des hommes. Ceux qui avaient été touchés se tordaient néanmoins de douleur sur le sol.

Greg assèna un coup de lance à l’un des pirates, tandis que Chris chargea un autre pirate avec son épée pour lui arracher son arme des mains. Chris donna un coup de poing dans la mâchoire de l’homme, le rendant inconscient. Un pirate tendit la main et érigea une barrière pour le bloquer, lui et ses compagnons, contre d’autres attaques, mais Brad utilisa sa propre magie pour modeler la terre sous leurs pieds en un bras humain qui saisit le lanceur de sorts ennemi, le liant sur place. Les derniers retardataires tentèrent de se précipiter, espérant prendre Marie et les autres filles en otage, mais le tir précis de Jilk les atteignit au ventre. Ils furent abattus sur le coup.

« Vous nous avez sauvé la peau ! » Les jambes de Marie se dérobèrent. Elle s’écroula sur le sol.

Julian s’approcha d’elle et posa une main sur son épaule. « Je m’excuse pour l’attente. » Il souriait, visiblement soulagé de la voir en sécurité.

« Ce n’est pas grave. Je suis juste contente que vous soyez arrivé à temps. »

Erica, que Julian avait totalement ignorée jusqu’à présent, l’interrompit : « Frère aîné, que sais-tu de notre situation actuelle ? »

Elle essayait de comprendre ce qui se passait, mais Julian la regardait avec reproche. « Hm ? Je crois qu’il y a encore des bagarres au dortoir des étudiants, mais je ne sais pas grand-chose sur les détails. Nous nous sommes précipités ici pour pouvoir sauver Marie. »

« Es-tu sûr que c’est judicieux ? Les élèves ne seraient-ils pas plus unis si tu étais là pour les guider ? »

« Il est un peu tard pour que je le demande en tant que chef. D’ailleurs, ils sont parfaitement capables de se débrouiller seuls. Si nous devions concentrer notre attention sur quelque chose, ce serait sur le navire ennemi. Alors, maintenant… Comment allons-nous nous y prendre ? »

Tous les regards se tournèrent vers le dirigeable qui planait au-dessus de l’académie.

 

☆☆☆

 

Gabino fronça les sourcils en écoutant le flot de rapports qui lui parviennent. À chaque coup d’œil sur le cadran de sa montre à gousset, il soupira.

« Cela prend trop de temps. »

« Toutes mes excuses. Je pensais avoir choisi les meilleurs pour cette mission », déclara le capitaine du navire. Il pesta contre l’incompétence de ses subordonnés.

« Je suppose qu’il s’agit d’une bande de chevaliers puissants et barbares… même s’ils ne sont que des étudiants. »

Les pays étrangers considéraient majoritairement les chevaliers du royaume de Hohlfahrt comme des guerriers intrépides. Les élèves de l’académie étaient obligés de s’aventurer dans les profondeurs des donjons dans le cadre du programme d’études de l’école. Cette éducation éprouvante permettait de former des combattants plus redoutables et valait aux élèves de Hohlfahrt une réputation favorable à l’étranger.

Incapable de perdre plus de temps dans cette entreprise, Gabino demanda une mise à jour de la stratégie. « Si nous ne pouvons pas les capturer, tuons-les. Son Éminence, notre grand roi, veut un châtiment. »

C’était la meilleure façon de donner une leçon à ce chevalier pourri, qui n’avait pas réussi à capturer ses fiancées.

Le capitaine fit face à ses hommes. « Préparez les canons ! »

Le vaisseau pivota pour faire face au dortoir par l’un de ses côtés. Des écoutilles s’étaient ouvertes et des canons avaient été insérés à travers elles. Les ouvriers avaient rapidement chargé les munitions et avaient visé.

Sur le pont, Gabino referma le couvercle de sa montre à gousset. « Feu. »

Tous les canons avaient déchargé en même temps sur le dortoir. Le recul avait été suffisamment violent pour ébranler le navire tout entier. Tout le monde à bord, y compris Gabino, était persuadé que la bataille était terminée, jusqu’à ce qu’un des hommes qui regardait par un hublot s’écrie : « N-Nos tirs ont touché, mais ils ont été interceptés ! Comment… ! Bon sang, cette barrière est énorme ! »

Le rapport de l’homme confus laissa tout le monde bouche bée. Au moment même où ils attaquaient, une barrière en forme de dôme s’élevait autour du dortoir pour bloquer tous leurs tirs.

La main de Gabino se crispa sur la montre à gousset et il rugit : « Continuez à tirer ! »

 

☆☆☆

 

Livia se tenait sur le toit du dortoir, les mains écartées. Une chaîne ornée d’une pierre précieuse blanche pendait à son poignet droit, où elle brillait d’une faible lumière. Livia avait fabriqué la barrière de protection qui protégeait le bâtiment. Elle était entourée de plusieurs robots flottants qui faisaient office de sentinelles.

Un barrage ininterrompu de canons s’abattit sur la barrière tandis que le dirigeable poursuivait son assaut, mais aucun d’entre eux ne parvint à la franchir.

 

 

S’il s’était agi de sa première année à l’académie, Livia aurait instantanément manqué de mana pour déployer une barrière de cette taille. Aujourd’hui, elle y parvenait beaucoup plus facilement. C’était un effort, certes, mais elle ne s’évanouissait pas à cause de l’effort.

L’ennemi n’en démordait pas. Ils lui tiraient dessus à tour de bras, mais Livia résista avec assurance à leurs assauts.

« C’est inutile. Vous serez à court de munitions avant que je ne sois à court de mana. » Ayant calculé la quantité de munitions qu’un vaisseau de cette taille pouvait transporter, elle était certaine de pouvoir leur survivre, même s’ils apportaient un ou deux vaisseaux supplémentaires en guise d’assistance.

L’esprit de Livia repensa à ce qu’elle était autrefois : timide et incapable de faire quoi que ce soit, elle ne faisait que causer des ennuis à ceux qui l’entouraient. J’étais tellement inutile. Je n’ai fait qu’entraîner Monsieur Léon dans ma chute. Mais les choses sont différentes maintenant. Je peux être utile !

Elle tendit les bras de chaque côté, au niveau des épaules, et les déplaça progressivement devant elle. Le mouvement força le dôme à gonfler encore plus, enveloppant une plus grande partie de la cour de l’école qu’auparavant.

« Je ne vous laisserai pas faire plus de dégâts ici, » déclara Livia.

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Claramiel

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