Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 9 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Renversement

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Chapitre 3 : Renversement

Partie 1

À mon retour de la scène du crime, j’avais découvert que Marie avait plus ou moins dévoré tous les plats qu’elle avait commandés au pub. Sa gourmandise avait atteint des sommets impensables dans notre vie antérieure. Cela m’avait un peu brisé le cœur.

« Je suis impressionné que tu aies réussi à engloutir tout cela avec ton petit corps », avais-je dit.

Le mystère reste entier quant à l’endroit où elle réussissait à ranger tout cela. Ma remarque n’avait pas non plus été bien accueillie, car elle ne semblait pas ravie de sa petite taille dans son incarnation actuelle.

« Garde ça pour toi, crétin ! De toute façon, qu’est-ce qui se passe dehors ? »

« Nous en reparlerons une fois de retour à l’école. D’abord, j’aimerais confirmer certaines choses à propos du troisième jeu. »

« Quoi ? N’a-t-on pas déjà fait ça ? »

À ce stade, nous ne pouvions compter que sur les vagues souvenirs de Marie. J’espérais que le fait de revenir sans cesse sur le sujet permettrait de déloger quelques souvenirs oubliés. Nous nous étions réincarnés ici il y a longtemps, même moi j’avais oublié certains détails du premier jeu depuis que j’étais mort et que je m’étais réveillé ici, et je l’avais joué jusqu’au bout.

« Ouais. Peut-être que plus on en parlera, plus tu arriveras à t’en souvenir. »

Marie secoua la tête. « Je ne me souviendrai de rien d’autre que ce que je t’ai déjà dit. Tu sais déjà que je n’ai joué au jeu que jusqu’à mi-parcours de toute façon. Je connais l’essentiel de ce qui se passe grâce au guide que j’ai cherché sur le web, mais tu peux oublier les détails. »

Elle aurait utilisé un site web pour la guider à travers les choix du jeu, avant de se lasser de l’histoire à mi-parcours et d’abandonner. Ses connaissances étaient donc limitées, mais c’était mieux que rien du tout.

« Je comprends, mais fais-moi plaisir. »

Après une longue pause, elle commença : « Notre protagoniste, Mia, quitte l’Empire pour le Royaume afin d’étudier à l’étranger à l’académie. L’histoire est centrée sur sa vie quotidienne à l’école. Comme on peut s’y attendre, elle fait la connaissance d’un certain nombre de garçons super rêveurs. Elle est également contrariée par la méchante princesse au début de l’histoire. »

« L’expression a évolué, passant d’une noble dame à une princesse, je vois. » J’avais atteint la photo d’elle sur la table. Ses cheveux noirs encadraient son visage en vagues douces et légères. Ses seins étaient d’une taille saine, surtout pour sa petite taille et sa silhouette élancée. Son expression était chaleureuse et accueillante, mais elle avait soi-disant une terrible personnalité.

« C’est la pire des femmes », confirma Marie. « Tu sais, ces femmes fourbes, celles qui mettent un masque convaincant pour cacher qu’elles sont secrètement pourries jusqu’à la moelle ? Elle en est l’exemple parfait. L’histoire raconte qu’elle avait une faible constitution quand elle était enfant, mais je dis que c’est une connerie. Sa personnalité pue, et elle est constamment en train de faire des choses méchantes dans le dos des autres. Elle m’énerve sérieusement. »

« Quoi, la détestes-tu parce qu’elle est comme toi ? », dis-je en ricanant.

Marie m’avait lancé sa cuillère en bois, qui m’avait frappé en plein front. Son regard était si féroce que ma bouche s’était refermée, elle n’avait pas continué son récit avant de s’être assurée que je n’allais pas la dénigrer davantage.

« Une bataille avec la Principauté a lieu pendant leur première année à l’académie, et tu as un aperçu de l’histoire intérieure de celle-ci. »

« Qu’est-ce que cela signifie ? »

« Par exemple, tu peux voir ce qui se passe dans les coulisses de la bataille ? C’est à peu près ça. Quoi qu’il en soit, c’est l’occasion pour la protagoniste de marquer quelques points d’affection supplémentaires avec le Prince Jake et les autres intérêts amoureux, mais tout événement impliquant la Principauté est en quelque sorte hors de question, donc c’est plutôt discutable. »

Bien sûr que oui. Nous avions déjà vaincu la Principauté, le boss final du jeu. La seule chose dont je pouvais me réjouir, c’est que nous avions écarté tout danger pour le royaume bien à l’avance.

« Bref, les événements de leur première année se terminent et ils passent en deuxième année. C’est alors que Hertrauda est transférée à l’académie. La protagoniste a quelques interactions avec elle, et nous découvrons en tant que joueur qu’elle est dans une situation assez difficile, étant la princesse du pays qui a perdu la guerre. Cette partie n’est pas très pertinente pour nous, puisqu’elle n’est plus là. »

En échange de sa vie, Hertrauda avait utilisé la flûte enchantée pour invoquer les deux Gardiens — les derniers boss du jeu, selon d’autres joueurs. Le fait d’apprendre son implication dans le troisième volet du jeu nous avait rappelé à quel point nous avions changé le cours de l’histoire de ce monde.

« Erica continue de malmener Mia comme d’habitude jusqu’au milieu de sa deuxième année, lorsque notre héroïne est rappelée à l’Empire. On y apprend que l’empereur, qui est tombé malade et ne peut quitter son lit, est en fait le père de Mia. »

Luxon l’interrompit : « Une autre protagoniste avec une lignée impressionnante ? Cela semble être un thème récurrent, étant donné que nous avons déjà vu le même trope avec Olivia et Noëlle. »

Marie acquiesça. « Oui, je suppose que c’est un trope assez populaire. Quoi qu’il en soit, Mia est officiellement reconnue comme princesse impériale, et son pays envoie des navires de guerre pour servir d’escorte armée lors de son retour. Erica ne peut plus intimider Mia, alors elle s’en prend à Hertrauda. »

« L’Empire de la Sainte-Magie a même plus de pouvoir que Hohlfahrt », déclara Luxon, « il est donc logique que cette Erica ne puisse pas continuer à menacer sa princesse. Ce serait un mauvais coup diplomatique si elle continuait à le faire. »

À mon avis, la meilleure décision diplomatique serait de ne brutaliser personne, mais apparemment, une princesse méchante comme Erica n’avait pas pu s’en empêcher. Compte tenu de mes expériences avec Anjie et Mlle Louise, je ne pouvais pas dire avec certitude si Erica est une vraie méchante ou non. Pour l’instant, je préférais envisager la possibilité qu’elle ne soit pas méchante au fond d’elle-même.

« Super ! Et qu’est-ce qui se passe après le milieu du jeu ? » demandai-je.

« Lors d’un événement, Erica offense Hertrude. Hertrauda perd son sang-froid et fait appel à la flotte de la Principauté, ce qui provoque un véritable conflit. Des monstres surgissent de l’air et de la mer. Avec l’aide de Jake et des autres, Mia et ses propres forces réussissent à vaincre le boss maritime. La Sainte, Olivia, élimine le boss du ciel. Lorsque la poussière se dissipe, les méfaits d’Erica sont révélés au grand jour. Elle connaîtra ensuite une fin tragique. »

L’explication était nettement plus vague cette fois-ci, car Marie n’avait pas joué cette partie du jeu par elle-même.

« Et Hering, le chevalier-gardien, n’apparaît jamais ? Pas de caméo aléatoire à la fin ? Es-tu sûre qu’il ne s’agit pas d’un personnage caché ? »

Hering ne faisait pas partie du scénario initial, et sa présence dans le cadre du programme d’études à l’étranger était donc inattendue pour toutes les personnes concernées. Le fait qu’il s’agisse d’un chevalier-gardien chargé de la protection avait également suscité de sérieuses inquiétudes.

« Non, » confirma Marie. « Ce n’est pas un personnage secret. En tout cas, je n’ai jamais entendu parler d’un chevalier-gardien. »

Elle semblait très peu connaître les intérêts amoureux de ce jeu, ce qui m’avait rendu un peu méfiant… mais elle avait tellement insisté sur le fait qu’il ne faisait pas partie du scénario original que je m’étais dit qu’elle avait probablement raison.

« Nous allons nous faufiler un peu partout et nous pencher sur cette histoire de chevalier-gardien, mais nous verrons cela plus tard. Ce qui compte maintenant, c’est la façon dont les choses vont se dérouler à partir d’ici. » Je soulevai la photo d’Erica, la tenant à hauteur de mes yeux. Mon regard passa de la photo à Marie, assise en face de moi. J’avais l’étrange impression qu’elles se ressemblaient toutes les deux, mais je ne pouvais pas expliquer pourquoi. Leurs cheveux, leurs expressions et même leurs physiques étaient totalement différents.

Marie sembla interpréter mon regard scrutateur comme une tentative de se moquer d’elle. Ses joues s’étaient gonflées et ses doigts se sont resserrés autour d’une fourchette qu’elle avait brandie comme si elle était prête à me la lancer d’une seconde à l’autre. J’avais décidé qu’il était plus prudent de me taire.

 

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Le lendemain de la cérémonie d’ouverture, les cours commençaient pour les nouveaux étudiants, mais la plupart d’entre eux consistaient à réviser le programme de chaque cours. Les cours proprement dits ne commenceront qu’un peu plus tard dans le trimestre.

Mia, la nouvelle étudiante de l’Empire, trouva nerveusement sa place dans l’une des salles de classe et s’y installa. Elle était une étrangère ici, peu d’élèves se donnaient la peine de lui parler. La plupart se contentaient de la regarder de loin.

Uuurgh, c’est tellement stressant.

Chaque jour dans cet environnement inconnu avait été une grande source d’anxiété, mais heureusement, Mia avait une seule connaissance au milieu de la mer de camarades de classe inconnus.

Un grand et beau garçon entra dans la salle de classe après elle, suivi par les regards de plusieurs élèves. Finn était un autre étudiant d’échange, comme Mia, et il s’était porté volontaire pour être son chevalier-gardien. Tous deux venaient d’un pays étranger, mais les autres élèves avaient tendance à regarder Finn différemment. Plus favorablement. Ses camarades masculins le considéraient avec envie, tandis que la moitié des étudiantes le reluquaient avec intérêt.

Son chevalier populaire et respectable prit place à ses côtés. « Le Royaume est bien trop désireux de s’adonner à l’opulence aristocratique. Les salles de cette académie conviendraient mieux à un palais. Elles passeraient facilement pour un palais dans l’Empire. »

« Monsieur le Chevalier », lui dit Mia avec un peu d’inquiétude, « ce n’est sans doute pas une très bonne idée de parler ainsi de l’école en mal. » Son manque d’assurance provenait de sa compréhension de leurs statuts respectifs : elle n’était qu’une simple roturière. D’ordinaire, un chevalier comme Finn ne lui aurait jamais servi de protecteur de la sorte.

Loin d’être vexé qu’elle ait parlé hors sujet, Finn sourit. « Mes excuses pour le manque de courtoisie, ma princesse. Je n’avais pas l’intention de dire du mal de cette institution. C’était un commentaire légèrement sarcastique, rien de plus. »

« Je ne pense pas non plus que le sarcasme soit bon », répondit Mia en rougissant.

« Ma princesse, vous me demandez beaucoup. Mais je m’en tiendrai à votre parole… en tant que chevalier-gardien. » Ce n’est que lorsque Finn gloussa que Mia réalisa qu’il la taquinait. Ses joues rougirent encore plus et elle détourna le visage.

« Vous vous moquez de moi, n’est-ce pas ? C’est méchant de votre part, Sire Chevalier. »

« Je ne faisais que plaisanter. D’ailleurs, vous n’avez pas besoin d’être sur les nerfs en ma présence. J’aimerais en fait que vous soyez plus détendue. »

« N-Non, je ne pourrais pas… Je n’ai pas besoin de vous rappeler, j’en suis sûre, qu’à l’époque de l’Empire, vous… » Mia commença à expliquer qu’elle savait précisément à quel point il était un chevalier incroyable, et qu’elle ne pourrait donc jamais lui imposer quoi que ce soit. Avant que les mots ne sortent de sa bouche, leur conversation fut interrompue par deux voix bruyantes.

« Je suis vraiment désolé, Miss Finley ! »

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Partie 2

Une étudiante était entrée en trombe dans la salle, suivie de près par un étudiant, s’excusant abondamment et attirant immédiatement l’attention du reste de leurs camarades de classe.

Finley, la destinataire de ses supplications, avait l’air très fatiguée. « Monsieur Oscar, vous n’avez pas besoin de vous excuser sans cesse. Mon seul souhait est que vous ne me preniez plus pour mon frère à partir de maintenant. C’était vraiment embarrassant. »

« Je suis désolé. Je n’ai jamais imaginé que lorsqu’il disait Bartfort, il parlait de votre frère au lieu de vous. »

« Ce n’est pas à moi de vous le dire, je le sais, mais vous devriez vraiment utiliser un peu plus votre cerveau. D’après ce qu’a dit Son Altesse, je vous assure que n’importe qui d’autre aurait amené mon frère le voir et pas moi. »

« Je suppose que vous avez raison. Les gens disent que je devrais, euh, utiliser davantage mon cerveau. J’essaie, je le promets. »

Finley regarda impassiblement Oscar se prosterner. Mia jeta un coup d’œil dans leur direction, intriguée par la raison de toute cette agitation. Elle ne les observa pas longtemps avant de reporter son regard sur Finn, se demandant ce qu’il en pensait. Il arborait une expression solennelle, les yeux rivés sur Finley.

« Miss Finley, hm ? Je crois bien qu’elle est la jeune sœur du marquis Bartfort », dit-il.

« Moi aussi, j’ai entendu parler de lui », dit Mia avec enthousiasme. « Les rumeurs vont jusqu’à l’Empire. Il paraît que c’est un héros qui a détruit de l’intérieur une nation extrêmement puissante, non ? Et les gens l’appellent souvent par un autre nom… Quel est-il ? Sire Ordure ? »

Elle avait raison de dire que des rumeurs sur Léon avaient voyagé jusqu’à l’Empire, mais elle n’avait pas réussi à les transmettre correctement. Finn semblait un peu perturbé par son manque de connaissances, mais un léger frémissement au bord de ses lèvres suggérait qu’il trouvait son ignorance convaincante.

« L’autre nom du marquis est le Chevalier Ordure. »

« Oh, c’était ça ? Ce nom sonne plutôt bien si vous voulez mon avis. On l’entend et on imagine quelqu’un d’effrayant. »

« Je suppose que oui. » Toute trace d’humour disparut du visage de Finn. Il tourna son regard vers l’endroit de la salle de classe où les gens se pressaient autour d’une de leurs camarades — la première princesse de Hohlfahrt. Aujourd’hui, comme lors de la cérémonie d’ouverture, elle était entourée d’une horde de femmes.

Mia suivit son regard. Lorsqu’elle identifia la personne qu’il regardait, ses yeux brillèrent d’admiration. « Oh, c’est la princesse Erica. Elle est toujours très belle. »

« Je suppose que oui. »

Mia devint maussade à sa réponse superficielle. Son chevalier l’avait si respectueusement appelée sa princesse quelques instants auparavant, mais ses yeux s’étaient égarés et fixés sur une autre femme. Cela la gênait.

« Alors, Monsieur le Chevalier, je suppose que vous préférez les vraies princesses, hein ? »

Dès que la question avait quitté ses lèvres, Mia avait compris qu’elle était injuste. Elle baissa le regard, terrifiée à l’idée de la réponse qu’il pourrait donner.

« Vous êtes la seule princesse pour moi. »

C’était une platitude qui n’avait rien de drôle, mais Mia était ravie de l’entendre. Malgré tout, elle trouvait Erica magnifique.

Les princesses sont vraiment belles.

Les cheveux noirs d’Erica étaient brillants et sa façon de se comporter témoignait d’une maturité bien supérieure à son âge. Ces deux éléments la distinguaient de ses pairs.

Au bout d’un moment, Erica sembla remarquer le regard de Mia. Elle lui adressa un sourire, et Mia fit maladroitement de même. Elle était aux anges que la princesse fasse attention à elle. Dès que leur brève interaction prit fin, elle se retourna pour faire face à Finn.

« Chevalier, avez-vous vu ça ? Euh… Chevalier ? »

À un moment donné, son sourire avait disparu, laissant son visage dépourvu de toute émotion.

 

 

☆☆☆

 

Après l’école, j’avais invité quelques amis dans mon dortoir. Daniel et Raymond étaient autrefois mes compagnons d’armes, à l’époque où nous, pauvres garçons de baronnie, formions une clique à l’école. Ils voulaient me parler de quelque chose, alors je les avais emmenés chez moi.

« Bon sang, Léon, tu as vraiment réussi, n’est-ce pas ? » commenta Daniel en s’asseyant à la grande table, impressionné par l’état de mon logement. Un seul coup d’œil à cet endroit suffisait pour comprendre le genre de traitement de faveur que l’académie m’avait accordé.

Tous deux étaient un peu perdus depuis que j’avais atteint les échelons supérieurs. Ils me considéraient clairement comme quelqu’un d’inaccessible. Raymond semblait particulièrement gêné.

« Je suppose que nous devrions vous appeler Seigneur Léon à ce stade. Te mettre dans le même groupe que nous pourrait être pris comme une insulte. »

C’était un peu décourageant pour mes amis de mettre une telle distance entre nous. D’autant plus que je n’avais pas changé depuis que j’avais commencé à fréquenter l’école — attendez, oubliez ça. Ce serait plutôt terrible si je n’avais pas mûri du tout au cours des trois dernières années.

« Ne vous en faites pas », avais-je dit. « Je suis toujours aussi pauvre, même avec mon titre impressionnant. Pas de territoire ni de revenu, vous vous en souvenez ? »

« Arrête ça. Tu es fiancé à la fille d’un duc ! Rien que ça, ça veut dire que tu as gagné dans la vie », dit Daniel en haussant les épaules. « Quoi qu’il en soit, c’est un soulagement de voir que tu es toujours le même Léon. Ce serait vraiment dommage que tu prétendes soudain être trop bien pour nous. »

Raymond et lui avaient souri de soulagement. Raymond ajusta la position de ses lunettes sur son nez. « Ouais, on ne pourrait pas venir te demander conseil alors… Ça craint. »

J’avais offert une tasse de thé à chacun d’entre eux avant de leur demander : « Alors, qu’est-ce que vous voulez comme conseils ? Je suis heureux d’aider, tant qu’il ne s’agit pas d’argent. »

Je pourrais offrir mon aide pour les questions financières, mais je savais, de par ma vie antérieure, que ce n’était pas une bonne idée de mêler des questions d’argent à ses amitiés. J’interviendrais s’ils étaient à bout, mais sinon ? Non. Heureusement, les problèmes d’argent ne semblaient pas être sur la table. Quel plaisir d’avoir deux amis respectables !

L’expression de Daniel était devenue solennelle lorsqu’il expliqua : « Pour être tout à fait honnête, il y a beaucoup plus de femmes qui nous ont approchés cette année que jamais auparavant. »

« Êtes-vous en train de vous moquer de moi pour toute la misère que j’ai vécue au cours de ma première année ici ? Si c’est pour faire preuve d’humilité, vous pouvez tous les deux sortir. » J’étais prêt à chasser ces deux crétins, mais Raymond, paniqué, s’était empressé de donner des précisions.

« Attends ! Nous sommes sérieusement à l’agonie à cause de cela. Je veux dire, bien sûr, c’était un vrai renforcement de l’ego au début, nous aurions pu aussi bien être invisibles pour les filles dans le passé, et maintenant, tout d’un coup, elles essaient désespérément d’être en bon terme avec nous. Ça fait du bien ! »

Raymond semblait suffisamment sincère pour que je l’écoute. Personne ne peut prétendre être un saint parfait, après tout. J’aurais peut-être ressenti la même chose à leur place. Je ne pouvais pas les blâmer de penser : bien fait pour vous, les filles !

Ils étaient revenus assez vite à la réalité.

Daniel regarda ses genoux. « Voir les filles réclamer notre attention m’a rappelé ce qui s’est passé pour nous lors de notre première année. C’est déchirant. Les traiter aussi froidement qu’elles l’ont fait avec moi, même pour plaisanter, c’est un peu minable. C’est pourquoi je n’ai pas non plus envie d’accepter leurs invitations à prendre le thé. »

Au cours de notre première année à l’académie, c’étaient les garçons qui suppliaient les filles d’assister à leurs goûters. Aujourd’hui, les rôles s’étaient inversés. Je sirotais mon thé, surprise par la rapidité avec laquelle les rôles s’étaient inversés.

« Mais tu vois, grâce à ce qui s’est passé à l’époque, nous savons comment sont vraiment ces filles », dit Raymond. Il se tenait la tête entre les mains. « Il est évident qu’elles ne font que se donner en spectacle. Il n’y a aucune chance que nous sortions avec l’une d’entre elles. »

J’avais passé ma dernière année à étudier à l’étranger et je n’étais donc pas au courant des derniers événements. Je devais me fier aux récits de mes amis sur le changement radical de l’atmosphère de l’académie.

« Comment se portent les autres groupes ? » avais-je demandé.

Ils m’avaient expliqué comment se débrouillaient les pauvres fils des baronnies de l’arrière-pays, mais je ne savais rien des autres groupes de l’école. Il y avait beaucoup de garçons riches ou de haut rang. Je voulais savoir ce qu’il en était pour eux.

Daniel fit la grimace. « C’est absolument terrible. Tu as fait le bon choix en étudiant à l’étranger. C’est le pandémonium, pour être honnête, tout le monde, partout, rompt ses engagements. »

Oui, cela ressemblait à un chaos purgatorial.

« La plupart des gars des autres groupes étaient déjà fiancés », déclara Raymond, reprenant là où Daniel s’était arrêté. Il ne leva pas les yeux de ses genoux. « Personne n’avait un besoin urgent de se marier, alors la plupart des gars ont largué leurs fiancées. C’était un véritable chaos, très dur à regarder. Chaque jour, de nouvelles filles se retrouvaient en larmes. »

Daniel se passa une main sur le ventre. « Tant de couples se sont battus, et puis il y a eu des ruptures impitoyables. Le carnage… C’était horrible… J’avais du mal à le supporter. »

Ma curiosité morbide m’avait fait regretter de ne pas l’avoir vu, mais la gêne de mes deux amis à raconter l’histoire m’avait fait comprendre que j’avais eu de la chance de l’éviter.

« La plupart des fiançailles ont donc été annulées, hein ? Attendez un peu ! Qu’est-il arrivé à Milly et Jessica ? Si leurs partenaires ont rompu avec elles, vous devriez faire de même ! »

Au milieu de la discussion, je m’étais souvenu des noms de deux femmes qui étaient pratiquement considérées comme des déesses lors de notre première année à l’école. La plupart des étudiantes étaient cruelles envers ceux d’entre nous qui venaient de familles aristocratiques pauvres, mais ces deux-là étaient gentilles et sympathiques. Lorsqu’elles s’étaient fiancées, la plupart des garçons les avaient félicitées en pleurant à chaudes larmes. J’étais parmi eux. Enfin, je n’avais pas pleuré, mais j’espérais le meilleur pour elles. C’étaient des filles très gentilles.

Mes paroles avaient semblé déclencher les souvenirs de Raymond et de Daniel. Leurs expressions étaient devenues dures.

« Les fiancés de Milly et Jessica ont absolument refusé de rompre. Des tas de gars de l’école ont eu la même idée que toi : essayer d’approcher les filles, en supposant qu’elles seraient disponibles et qu’elles auraient le cœur brisé comme les autres. Nous avons découvert que les gars qui les accompagnaient n’étaient pas prêts à céder. »

« Tout un groupe d’étudiant les a coincés et les a frappés pour essayer de les intimider et les amener à abandonner les filles. »

Cela semblait… extrême. J’imaginais déjà comment cela avait dû se passer, mais j’avais bu une autre gorgée de thé et j’avais quand même demandé. « Laissez-moi deviner. Ça n’a pas marché ? »

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Partie 3

Daniel tapa du poing sur la table. « Ces crétins ont juré haut et fort qu’ils n’annuleraient pas leurs fiançailles ! Ils disaient que les filles étaient trop précieuses, qu’ils étaient là pour les soutenir depuis leur première année à l’école, et qu’ils les protégeraient jusqu’au bout ! Déjà que ces abrutis sont beaux, il faut qu’ils soient aussi des gentilshommes dans l’âme ! »

Aha. Il s’est avéré que les deux garçons riches qui étaient fiancés aux filles avaient tenu bon. Je ne les avais pas blâmés, j’aurais fait de même. Nous avions tous vu à quel point les deux filles s’entendaient bien avec leurs futurs mariés après leurs fiançailles, et personne n’était surpris. Contrairement au reste de leurs camarades à deux visages, Milly et Jessica étaient sincèrement de bonnes personnes au fond d’elles-mêmes. Pourquoi leurs petits amis rompraient-ils avec elles ? Ils perdraient tout et seraient obligés de se remettre à la recherche d’une nouvelle fille.

Raymond enleva ses lunettes pour essuyer ses larmes. « Tant qu’ils sont heureux tous les deux, ça me suffit. »

Pas vraiment convaincant après avoir menacé les garçons avec lesquels elles sont fiancées, avais-je pensé. J’étais néanmoins d’accord avec lui. C’était un soulagement de savoir que Milly et Jessica étaient heureuses avec leurs partenaires.

« Après tous ces bouleversements sociaux, certaines filles sont mal traitées… mais d’autres s’en sortent plutôt bien. On dirait que les choses se divisent en un extrême ou l’autre. »

Malgré la gravité de la situation, certaines filles avaient trouvé le bonheur. L’attitude d’une personne avait apparemment un impact sur la façon dont elle est traitée. Quant aux filles dont les partenaires avaient rompu… eh bien… Bonne chance, mesdames.

Daniel me regarda avec envie. « Ça doit être bien. Tu t’es trouvé une fille de duc comme fiancée ainsi qu’une boursière. Tu t’es même fiancé à la princesse de la République ! »

Comme j’avais déjà Anjie, Livia et Noëlle, j’étais dans la position peu enviable de ne pas avoir à me soucier du mariage. Mais en y réfléchissant un peu plus, je n’étais peut-être pas aussi à l’abri des ennuis que je le pensais. Les vrais problèmes se profilaient peut-être à l’horizon.

« Maintenant, il nous est impossible de juger quelle fille nous conviendrait le mieux », poursuivit Raymond. Les mêmes flammes de jalousie brûlaient dans ses yeux lorsqu’il me regardait. « Nous sommes donc là, à espérer que tu puisses trouver une solution. »

« Vous voulez que je le résolve ? J’ai passé l’année dernière à l’étranger ! J’en sais beaucoup moins que vous sur la dynamique sociale ici. » Une ampoule s’était soudain allumée dans mon esprit. « Hé, en parlant de ça… Écoutez ça. Quand j’allais à l’école en République, les filles me traitaient comme un vrai gentleman. Moi ! Le genre de comportement qui passe pour normal ici est super populaire auprès des femmes là-bas. »

Daniel et Raymond étaient tellement courroucés par ma vantardise que des veines sortaient de leur front. Ils me sourirent avec une animosité à peine dissimulée.

« Ah oui ? Ça a dû être sympa. »

« Tu dis que pendant que nous souffrions ici, tu t’amusais comme un fou à l’étranger, hein ? »

Mon ego se régalait de leur envie. J’étais en pleine forme. « Ouaip ! Ah, une jeunesse bien employée a un goût si agréable à savourer. Dommage que vous n’ayez pas décidé d’étudier à l’étranger comme moi », les avais-je raillés.

Ils s’étaient jetés sur moi.

« Salaud ! »

« Je savais que tu n’avais pas du tout changé ! Tu n’as aucune idée de la merde à laquelle nous sommes confrontés ! »

J’étais bientôt en prise de soumission, grinçant : « J’abandonne ! Vous gagnez ! »

Alors que nous étions tous les trois en train de chahuter, on frappa à la porte.

 

☆☆☆

 

Le soleil commençait à se coucher lorsque j’avais quitté ma chambre. Notre visiteur inattendu s’avérait être Noëlle, qui était venue me chercher. Elle était en train de me serrer la main, m’entraînant avec elle vers notre destination. Daniel et Raymond nous suivaient.

« Allez, accélère ! » m’aboya-t-elle.

« Tu sais, quand tu as débarqué de nulle part, j’ai été assez choqué. Qu’est-ce qu’il y a cette fois-ci, me suis-je dit. Mais… ce n’est qu’un combat, n’est-ce pas ? »

« Techniquement, je suppose ? Je ne connais pas bien le fonctionnement du Royaume, mais ça n’avait pas l’air bon. »

Oui. On me sortait sans ménagement de ma chambre pour m’occuper d’une bagarre sur le campus. S’il s’était agi d’une querelle entre deux filles ou deux garçons, Noëlle n’aurait pas pris la peine de m’impliquer — mais cette bagarre était celle d’une fille et d’un garçon. Une telle bagarre n’aurait jamais eu lieu dans l’ancienne hiérarchie de l’académie, mais les choses étaient bien différentes aujourd’hui.

« Je ne pense pas que je serai un bon médiateur même si j’y vais », avais-je protesté. Je n’avais pas envie de me mêler des problèmes des autres. « Je ne sais même pas pourquoi ils se disputent ! »

« Tu ne comprends pas, Léon ? », lança Daniel derrière moi. « Les choses ont changé. Ce n’est pas la même académie que celle dont tu te souviens en première année. »

« En quoi est-ce différent ? » demandai-je en lui jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule.

Raymond répondit : « Les hommes sont les plus importants sur le campus maintenant, tu te souviens ? Les étudiants de deuxième année peuvent être assez ennuyeux à cause de cela, mais les nouveaux étudiants sont forcément encore plus insupportables. »

« De quelle manière ? »

« Imagine notre première année ici. Maintenant, inverse les rôles entre les hommes et les femmes. »

Au fur et à mesure que nous nous approchions du lieu de l’altercation, l’écho des voix s’amplifiait. Les badauds avaient formé un cercle autour de deux nouveaux élèves, un garçon et une fille, qui se lançaient des regards noirs. Parmi eux, un professeur tentait désespérément d’apaiser la situation, mais ses appels n’étaient pas entendus. J’avais également remarqué Anjie au milieu du groupe, Livia se tenant près d’elle. Les lèvres serrées, les sourcils froncés, elle tentait d’intervenir.

« Combien de temps allez-vous continuer à vous chamailler comme ça ? Quel que soit le problème, ça ne vaut pas la peine d’attirer toute cette attention. »

Noëlle m’avait traîné dans la foule, écartant les gens sur son chemin vers le centre.

« Voulez-vous exiger que je l’absolve de ses fautes ? » demanda l’étudiante. « Je n’ai commis aucune transgression ici. C’est cet homme qui nous a suivis et qui a bousculé mon amie, la jetant à terre. »

Une autre étudiante se recroquevillait derrière la fille qui utilisait tous ces grands mots intelligents. Il devait s’agir de l’amie en question, elle s’était légèrement blessée en tombant. Pour l’instant, elle lui disait : « C’est bon, laisse tomber. »

L’étudiant avait un sourire ignoble sur le visage. « C’est de ta faute si tu traînes les pieds et si tu marches lentement. Les filles devraient s’écarter et laisser passer les hommes. C’est du bon sens, non ? »

« L’audace ! »

« Méchante petite vache. Continue comme ça, et personne ne voudra te prendre comme femme. »

La jeune fille aspira une bouffée d’air choquée. Elle se ressaisit et s’exclama : « Insulte-moi autant que tu veux, mais je refuse de capituler devant une telle intimidation ! » Sa déclaration audacieuse semblait impressionnante, mais elle ne regardait plus le garçon dans les yeux.

« Wôw, c’est affreux », avais-je dit, réalisant enfin ce que Raymond voulait dire. Ce genre d’échange aurait été impensable dans le passé. Cela m’avait laissé un goût amer dans la bouche.

Livia avait remarqué ma présence et avait tiré sur le bras d’Anjie pour attirer son attention. Dès qu’Anjie m’avait aperçu, elle avait poussé un long soupir de soulagement, comme si elle avait attendu mon arrivée.

Je m’étais dirigé vers eux deux, avec l’intention de m’enquérir des circonstances de tout ce gâchis, mais la foule autour de nous s’était instantanément mise à chuchoter.

« C’est Léon, le troisième année. »

« C’est le marquis en chair et en os. »

« Il a l’air plus chétif que je ne le pensais. »

Ok, qui est le sage qui m’a traité de chétif ? Je n’étais pas du tout mesquin. Je demanderais à Luxon de confirmer l’identité de cette personne plus tard, afin de pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce pour cette insulte.

Quoi qu’il en soit, j’étais vraiment mal à l’aise d’être au centre de l’attention comme ça. Je m’étais fait remarquer (et pas dans le bon sens) pendant ma première année ici, mais la façon dont les gens me traitaient maintenant était… eh bien, dégoûtante, faute d’un meilleur mot.

« C’est moi qui l’ai amené », déclara Noëlle en m’amenant jusqu’à Anjie.

« Tu as certainement pris ton temps ! Je n’aime pas te demander cela, Léon, mais j’ai besoin de toi comme médiateur », dit Anjie.

Je n’allais pas refuser sa demande, j’avais envie de l’aider, au contraire. Mais je n’étais pas vraiment un professionnel de la médiation et, sans idée géniale, je jetai un coup d’œil entre les deux combattants en herbe.

« Alors, euh…, » commençai-je, ce qui incita immédiatement l’étudiante à reculer d’un pas.

« Ah ! »

Je n’avais pas l’intention de la faire couiner de terreur comme ça. Je n’étais pas sûr d’être fait pour ça. Je m’étais retourné vers l’étudiant pour voir que son visage s’était illuminé.

« Tu es Léon, c’est ça ? Une troisième année ? Je suis le cinquième fils du comte Knowles, Marco, et j’ai entendu beaucoup de rumeurs à ton sujet ! Mon frère aîné a beaucoup parlé de toi, il a dit que tu étais le héros qui avait aboli les coutumes corrompues qui s’étaient installées dans l’école. »

« Oui, c’est super et tout », avais-je dit avec dédain. « Mais qu’est-ce que vous faites là, à vous fixer l’un et l’autre ? D’après ce que je viens d’entendre, tu t’es promené derrière ces filles et tu as bousculé l’une d’entre elles. Avais-tu une raison de faire ça ? »

Je n’avais guère d’espoir d’obtenir une réponse raisonnable, mais celle que j’avais reçue était plus effroyable que je n’aurais pu l’imaginer.

« Non. Elles avaient l’air de s’amuser à discuter entre elles et ça m’a énervé, alors je l’ai bousculée. »

« … Pardon ? »

« Mon statut est supérieur au leur ! Je n’ai pas aimé qu’elles marchent devant moi comme ça. Tu vois, les filles impertinentes comme elles ont besoin d’une leçon. »

J’étais tellement sidéré, tellement sûr d’avoir mal entendu, que j’avais tourné mon regard vers Anjie. Elle avait dû sentir mon incrédulité inexprimée, car elle avait mis les mains sur les hanches et avait baissé le regard, tout aussi dégoûtée.

« C’est un imbécile ignorant », avait-elle déclaré.

Il n’y a pas si longtemps, j’étais persuadé que tous les nobles de rang de comte ou plus étaient des gens raisonnables et décents dans l’ensemble, contrairement à la plupart des aristocrates qui avaient tendance à être sordides et cruels. L’étudiant qui se trouvait devant moi était une exception apparente à cette règle.

Marco était tellement convaincu que je prendrais son parti dans cette altercation qu’il reporta son attention sur l’étudiante et la pointa du doigt. « Le marquis Bartfort est là pour me soutenir. Je veillerai à ce que toi et ta petite copine soyez promptement expulsées ! »

Je n’arrivais pas à comprendre ce que pensait Marco. Je n’avais pas ce genre d’autorité, et je n’aurais pas voulu l’utiliser à son avantage si je l’avais eue. Marco était manifestement dans l’erreur. L’étudiante ne l’entendait pas de cette oreille. Elle devint blanche comme un linge, ses genoux s’entrechoquant presque tant ses jambes tremblaient. L’atmosphère morose qui régnait autour d’elle indiquait qu’elle pensait sincèrement que tout était fini, qu’elle était pratiquement renvoyée.

Encore une fois, je n’ai pas ce genre d’autorité.

« Non, tu es clairement dans l’erreur ici », avais-je dit sans plus de réflexion. « Dépêche-toi de t’excuser auprès d’elle. »

La mâchoire de Marco s’était décrochée, incrédule. « Quoi ? »

« Tu m’as bien entendu. Excuse-toi auprès d’elle. Tu as marché derrière elles et tu as bousculé cette fille, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui t’a pris ? »

Les joues de Marco s’enflammèrent d’un rouge vif. La salive vola partout et il protesta : « Arrête de plaisanter ! Pourquoi devrais-je m’excuser auprès d’elle ? Je suis le fils d’un comte ! »

« Tant mieux pour toi, mon pote. Tu te rends compte qu’Anjie, qui essayait de servir de médiatrice, vient d’une maison ducale, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas reconnaître ton erreur ? Vas-y, continue. Le soleil est déjà couché. »

Un rideau de ténèbres s’était abattu sur le ciel.

+++

Partie 4

Notre nouvelle année scolaire vient à peine de commencer. Pourquoi dois-je m’occuper de tant de crétins ?

Tout le corps de Marco vibrait d’une rage incontrôlée. Il s’élança vers moi, le poing levé, mais l’un de ses camarades —

un homme de sa troupe, pour être précis — plongea pour l’arrêter à temps.

« Maître Marco, n’oubliez pas à qui vous avez affaire ! Vous pourriez facilement perdre la vie. » Après avoir exhorté Marco, son camarade se tourna vers moi. « Nous sommes désolés. Vraiment, vraiment désolés. Ayez pitié ! »

Reprenant enfin ses esprits, Marco trembla en disant : « Mes plus humbles excuses. Je vais m’assurer de préparer de l’argent pour vous immédiatement, alors s’il vous plaît, tout ce que je demande, c’est que vous épargniez ma vie. Je plaiderai auprès de ma famille pour qu’elle vous paie autant que nous le pourrons. »

« Tu n’as pas à t’excuser auprès de moi, » avais-je dit. Qu’est-ce qui le rendait si effrayé ?

Comme pour répondre à ma confusion, la foule commença à murmurer des remarques désobligeantes. J’étais curieux de savoir ce que les autres pensaient de moi, comme n’importe quel autre homme, mais ce que j’entendais me retournait l’estomac.

« Oh là là, maintenant il l’a fait. »

« Il a énervé le marquis. Sa vie est finie. »

« On dirait que c’est lui qui va être expulsé. »

Anjie remarqua ma gêne face à toute cette attention et prit la parole. « Tu as été d’une grande aide, Léon. Je vais m’en occuper à partir d’ici. Retourne dans ta chambre et je te raconterai les détails plus tard. »

« D-D’accord… »

 

☆☆☆

 

Plus tard dans la soirée, Anjie était venue me rendre visite. Je l’avais accueillie et je nous avais préparés à boire. Anjie s’était installée dans un fauteuil et avait commencé à me replacer l’incident précédent dans son contexte.

« Un héros n’est pas seulement craint par ses ennemis, mais aussi par ses camarades », expliqua-t-elle en sirotant la tasse de thé que je lui offrais. « Ton influence est bien plus grande que tu ne le penses. Mon autorité en tant que fille de duc n’est pas à dédaigner, mais la tienne ? Tu es un marquis et un héros du royaume. Tu as vu comment ces étudiants ont réagi à ton égard, n’est-ce pas ? Les gens te respectent et te craignent bien plus que moi. »

« Bien sûr, mais je ne suis qu’un imposteur qui a accompli ces choses en empruntant le pouvoir de Luxon », lui avais-je rappelé, essayant de minimiser la gravité de la situation.

Anjie sourit tristement.

« Pour être le cinquième fils d’une maison de comte, ce garçon était assez ignorant des rouages de la haute société », commenté Luxon. « Je trouve inhabituel qu’un aristocrate repousse les tentatives d’arbitrage de la fille d’un duc. Ou bien l’autorité d’Anjelica est-elle tombée si bas qu’il peut agir ainsi en toute impunité ? »

Peu importe que ce soit vrai ou non. La formulation de Luxon m’avait hérissé le poil.

« Ne le dis pas comme ça », l’avais-je réprimandé. « Il m’a semblé être un sérieux crétin. Je parie qu’il ne sait pas comment les choses fonctionnent, c’est tout. »

« Quoi qu’il en soit, je crains qu’il ne soit pas une exception à la règle. De tels “crétins”, pour reprendre ton expression, sont de plus en plus nombreux à l’académie. »

« Sérieusement ? »

J’avais détaché mon regard de Luxon pour jeter un coup d’œil à Anjie.

« Il y a un déséquilibre entre les sexes au sein de la population aristocratique. Tu le sais, n’est-ce pas ? Avec si peu d’hommes, il est de plus en plus difficile pour les femmes de se marier. La société a évolué pour placer les hommes dans une position plus favorable et maintenant certains des étudiants masculins sont en train de faire des abus de pouvoir. La situation n’était pas aussi grave l’année dernière, mais nous pouvons nous attendre à ce qu’un flot continu de garçons comme lui s’inscrive à partir de cette année. »

« Bon sang », avais-je gémi, « Et je pensais que toute personne issue d’une maison de comte ou plus avait une tête décente sur les épaules. »

« Marco est le cinquième fils de sa maison », m’avait rappelé Anjie. « J’ai entendu dire que l’héritier du comte Knowles est un homme bon et droit et que ses autres fils — du deuxième au quatrième — sont également exceptionnels. »

« Ah, oui », dit Luxon. Il semblait comprendre ce qu’elle voulait dire. « En d’autres termes, leur maison a déjà beaucoup de remplaçants compétents en cas de décès de l’héritier actuel, ce qui signifie que le cinquième fils n’est même pas en lice pour hériter de la maison. Naturellement, ils n’ont pas dépensé le moindre effort pour son éducation. »

Anjie acquiesça. « Il a probablement été gâté en tant que fils cadet, il est donc logique qu’il soit irritable et qu’il ait des droits. C’est dommage qu’il n’ait pas pu se mesurer au reste de ses frères. »

Grâce à Anjie et à sa connaissance de la société aristocratique, j’avais mieux compris comment ce gamin en était arrivé là. La richesse de sa famille et sa propre ignorance l’avaient mis dans ce pétrin. En repensant à toute cette épreuve, je trouvais son attitude toujours aussi répréhensible.

« Ce serait bien qu’il ouvre les yeux et qu’il entende raison. Il doit être fou pour penser que je peux donner des ordres et faire expulser des gens en un clin d’œil », avais-je grommelé.

« Anjelica, » déclara Luxon. « Si le Maître utilisait son autorité, pourrait-il faire expulser cette étudiante de l’académie ? »

Pourquoi se donner la peine de clarifier une telle chose ? Je n’en avais aucune idée, mais j’étais certain que la réponse était non.

Anjie reposa sa tasse sur la table et réfléchit à la question, une main posée délicatement sur son menton. « Il lui serait impossible d’accomplir cette tâche par le biais de la paperasserie officielle, mais Léon pourrait tirer quelques ficelles étant donné l’estime dont il jouit en ce moment. Le père de cette fille n’est qu’un simple vicomte. Alors oui, si Léon le voulait vraiment, il pourrait la faire expulser. »

Tout mon corps se figea.

« Non, ce n’est pas possible. Le maître est maintenant le directeur de l’école. Il ne le permettra jamais », avais-je insisté.

Mon maître était un parfait gentleman. J’en étais fier. Il était inconcevable de penser qu’il aurait permis qu’une étudiante soit chassée des couloirs de l’école sous un prétexte insignifiant.

« Tu es naïf. » Anjie secoua la tête. « Le niveau de confiance que le directeur a envers toi est incomparable à celui d’une nouvelle première année. Si tu fabriquais une preuve décente à utiliser comme excuse et que tu exigeais qu’il la chasse, il t’obéirait. J’en suis persuadée. »

« Je ne pourrais jamais abuser ainsi de la confiance de mon maître ! »

Anjie fit la grimace. « C’est une chance que le directeur soit un homme et non une femme… Je soupçonne que tu nous aurais mis de côté pour être avec lui. » Son ton était difficile à lire, elle semblait à la fois irritée et soulagée.

« Non, tu as tout faux. Le sexe du maître n’a aucune importance. J’ai succombé au thé qu’il prépare ! » J’avais dit ces mots pour apaiser ses craintes, mais son regard était devenu encore plus hostile.

« Très bien. Nous en resterons là. »

« Pourquoi es-tu en colère ? » J’avais jeté un coup d’œil à Luxon, espérant avoir du renfort, mais il déplaça son objectif d’un côté à l’autre.

« Compte tenu de tes antécédents peu recommandables en matière de romance, il n’est pas étonnant que tu n’aies pas gagné sa confiance. Pourquoi ne pas passer moins de temps à boire du thé et plus de temps à essayer de comprendre le cœur d’une femme ? »

Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi c’est une putain d’IA qui me fait la leçon sur le cœur des femmes ?

Anjie soupira doucement et tourna son regard vers moi. « Léon, tu dois comprendre. Ici, dans le Royaume, tu as beaucoup plus d’influence que tu ne sembles le croire. Tu sais que Rachel a mis ta tête à prix, n’est-ce pas ? Une récompense aussi importante que 5 millions de dia est pratiquement inédite. Rachel te considère comme un ennemi de l’État. »

J’avais fait claquer ma langue. « Merveilleux, n’est-ce pas ? Et après avoir fait tout mon possible pour qu’il y ait le moins de victimes possible. »

« J’adore ta gentillesse, tu le sais. Mais il y en a beaucoup qui l’interprètent comme une tactique d’humiliation. » Elle marqua une pause. « Quoi qu’il en soit, c’est une situation misérable dans laquelle nous nous trouvons. A part l’inversion des rôles, les choses ne sont pas différentes d’avant. »

Elle avait raison. L’oppression à l’académie n’avait pas changé, seul le sexe qui la perpétuait avait changé. On pourrait même dire qu’elle s’était aggravée.

« Personnellement, je trouve que ce résultat est conforme aux paramètres attendus », déclara Luxon.

Apparemment, il avait prévu ce renversement et l’émergence de garçons à tête de cochon comme Marco lorsque nous avions renversé l’ordre social précédent. Sa suffisance m’avait mis hors de moi.

« Tu aurais dû dire quelque chose si tu l’avais vu venir. »

« Tu ne m’as jamais demandé mon avis », avait-il raillé sans perdre de temps.

Eh bien, mince. Les mots me manquaient.

Les lèvres d’Anjie, tendues comme une corde d’arc depuis tout ce temps, s’ouvrirent enfin sur un sourire. Nos chamailleries servaient à quelque chose, apparemment.

« Vous voir vous chamailler de la sorte me rassure. Au moins, ce garçon aurait dû se rafraîchir la tête après que tu aies couvert cette étudiante. »

Je doute que ce que j’avais dit puisse résoudre quoi que ce soit. Les problèmes qui frappaient cette école étaient plus profonds et plus graves que je ne l’avais prévu.

Comme toujours, hein ?

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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