Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7

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Prologue

Partie 1

Tôt le matin, lors d’un de mes jours de congé, je m’étais rendu au marché. Il était situé sur une place en plein air avec des étals alignés en rangées, et la vivacité des gens qui s’y trouvaient suffisait à faire oublier le froid glacial du matin. La lumière du soleil se répandait à travers les espaces étroits entre les bâtiments qui encadraient la place, et la façon dont ces rayons orange se déversaient donnait à la scène un air de conte de fées.

Des marchands pleins d’entrain faisaient de la publicité pour eux-mêmes, désireux de vendre leurs produits, tandis que les clients têtus essayaient de marchander les prix. Le bruit était si assourdissant que vous vous surpreniez à crier juste pour que la personne à côté de vous puisse entendre.

« Les gens sont si vivants, même à cette heure matinale », avais-je grommelé, pas encore tout à fait réveillé.

Mon partenaire, Luxon, planait dans les airs à côté de moi et me répondit : « Oui, tu as l’habitude d’être groggy au petit matin. Je pense que c’est dû à ta propension à rester éveillé si tard. S’il te plaît, fais plus d’efforts pour mener une vie saine. »

« Tu sais bien que je suis un oiseau de nuit. »

Comme d’habitude, je ne m’étais pas donné la peine de trouver une excuse valable, je n’étais pas vraiment un oiseau de nuit. Sa façon insistante de soulever la question m’avait suffisamment énervé pour que je veuille lui rendre la monnaie de sa pièce, c’est tout. Luxon semblait le sentir. « Même tes excuses sont devenues insipides. »

« J’ai sommeil, lâche-moi la grappe. J’ai enfin eu un jour de congé et quelqu’un m’a obligé à me lever tôt. Être chassé de la maison pour faire des courses ne me met pas vraiment d’humeur joyeuse. »

La seule raison pour laquelle j’étais venu à ce marché, c’est parce que Marie m’avait réveillé ce matin en disant : « Je suis occupée, alors j’ai besoin que tu ramènes les courses ici. » Elle était ma petite sœur dans ma vie précédente. Le fait d’être traité comme son valet cette fois-ci… eh bien, je me sentais sacrément pathétique. Normalement, je n’aurais pas hésité à refuser sa demande, mais…

« Désolée, Léon. Ce serait un peu difficile de tout porter toute seule, » déclara une voix de femme.

Oui, vous l’avez deviné, la personne chargée de faire les courses cette fois-ci était Noëlle, une fille dont les longs cheveux étaient attachés en une queue de cheval sur le côté droit de la tête. Ce qui la distinguait vraiment, c’est que ses cheveux étaient blonds sur le dessus, mais se transformaient en un ombré rose tendre aux extrémités.

Noëlle portait une tenue normale de tous les jours, bien que, malgré l’heure matinale, elle avait soigneusement relevé ses cheveux et appliqué un léger maquillage. Cela la distinguait d’autant plus du reste de la foule, qui ne semblait guère se soucier de son apparence. Les hommes, en particulier, la regardaient avec intérêt.

L’expression de Noëlle ne correspondait pas à son visage magnifiquement coordonné. Elle avait l’air coupable en s’excusant de m’avoir dérangé.

« Désolé, je n’essayais pas de te blâmer, Noëlle, » avais-je dit. « C’est Marie qui est en faute ici. »

« Mais tu m’aides. »

Mon travail était d’agir comme l’assistant de Noëlle et de porter ses affaires. Elle faisait la moue parce qu’elle semblait penser qu’elle m’accablait.

Alors qu’une atmosphère gênante commençait à s’installer entre nous, un Luxon déçu intervint pour me blâmer. « Je vois que tu es toujours aussi ignorant. »

« Ferme là », avais-je craqué.

« Oh ? Es-tu en colère parce que j’ai mis le doigt sur le problème ? C’est toi qui es en faute ici, Maître. Tu aurais dû savoir que rouspéter sur la situation ne ferait que mettre mal à l’aise Noëlle. »

Il savait exactement quel bouton pousser. Je lui avais lancé un regard noir. « Essaie d’être un tout petit peu plus gentil avec moi, pourquoi ne le fais-tu pas ? Crois-tu vraiment que je suis immunisé contre toutes les choses désagréables que tu me dis ? »

« Tu me demandes d’être gentil avec quelqu’un qui piétine constamment les sentiments des autres ? S’il te plaît, même dit en plaisantant, ce n’est pas du tout humoristique. »

Me détestes-tu vraiment à ce point !? Quand ai-je piétiné les sentiments de quelqu’un d’autre, hein !?

« Excuse-moi, je suis un gars qui aime la paix. Ma devise est : “Vas-y doucement avec toi-même… et avec les autres aussi.” »

Luxon m’avait regardé. « Est-ce que tu professes une incapacité à être strict avec toi-même ? De plus, comment un homme qui prétend qu’être gentil avec les autres est sa devise peut-il aussi être responsable de l’incitation à des conflits constants ici dans la République ? Je sens une contradiction. »

« Dans ma tête, il n’y a pas du tout de contradiction. Donc rien à craindre. »

« Tu n’es pas très exigeant envers toi-même, Maître. Cela fait presque un an que tu es venu ici, dans la République d’Alzer, pour étudier à l’étranger, et tu as créé un certain nombre de désordres pendant cette période. Ou bien l’as-tu déjà oublié ? »

D’accord, bien sûr. J’avais fait quelques bêtises une ou deux fois ici. La première fois, c’était quand j’avais affronté Pierre de la maison Feivel. La République avait été invaincue dans les batailles défensives jusqu’à ce moment-là, mais Luxon avait pris Einhorn et avait mis le bazar dans leurs forces, mettant fin à leur confiance dans leur propre invincibilité.

Après ça, j’avais affronté Loïc de la maison Barielle. Il avait harcelé Noëlle de façon obsessionnelle et l’avait fait chanter pour qu’elle l’épouse, mais j’étais arrivé à la dernière minute et j’avais empêché leur mariage, volant la mariée. La bataille qui avait suivi, au cours de laquelle je l’avais mis en pièces avec Arroganz, avait anéanti le peu de fierté qui restait à la République.

Le troisième incident concernait une bataille avec Serge, qui avait essayé de sacrifier Mlle Louise à l’Arbre Sacré. J’avais aussi fait un travail rapide sur lui.

Oh, attends une seconde. Ça veut dire que je me suis déjà battu trois fois pendant l’année que je suis ici ?

« Oui, trois fois », avais-je répondu après mûre réflexion. « Tu vois ? Je n’ai pas oublié. »

« Je suis formidablement heureux de constater que ta mémoire fonctionne encore. Cela étant confirmé, ne vois-tu pas de contradiction entre cela et ta prétention à être pacifiste ? »

J’avais haussé les épaules. « Ce n’est pas moi qui ai déclenché ces conflits. C’est toujours moi qui me défends. »

« Mais tu les provoques pour quils déclenchent des conflits avec toi. Si la République a commis des erreurs, c’est bien la décision de t’accepter comme étudiant d’échange. »

« Oh, arrête ça. Tu t’es impliqué et tu t’es aussi déchaîné ! Tu agis comme si c’était entièrement ma faute, mais tu es tout aussi coupable que moi. »

Il avait agité son œil d’un côté à l’autre, comme s’il secouait la tête. « Je crains que, contrairement à toi, je ne sois pas humain. Tu es celui qui détient le pouvoir de me commander, ainsi, mes actions sont de ta responsabilité, Maître. »

Luxon n’avait pas tort. C’est moi qui lui avais ordonné de s’impliquer et de créer encore plus de problèmes. Je grinçais des dents de frustration, incapable d’argumenter davantage.

Noëlle, qui avait écouté notre badinage sans intérêt jusqu’à ce moment, avait finalement souri. Apparemment, elle avait apprécié notre va-et-vient. « Vous vous entendez bien tous les deux », avait-elle dit.

« Hein ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ? »

« Noëlle, je crois que ta compréhension de notre relation a besoin d’être revue en profondeur. »

Luxon et moi avions répondu en même temps avec des sentiments similaires. Dès que nous avions terminé nos phrases, nous avions fermé nos bouches.

 

 

Noëlle avait souri d’une oreille à l’autre. La lumière du soleil matinal qui se déversait sur elle la faisait étinceler. « Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais je vois combien vous êtes proches tous les deux. »

« C’est une blague », avais-je grommelé.

Luxon avait déchargé un petit choc. Il était similaire aux chocs souvent utilisés dans les traitements médicaux — il procurait une sensation légèrement douloureuse, mais pas désagréable, mais il provoqua un cri de surprise de ma part.

Noëlle sortit son carnet de notes de sa poche, vérifiant une nouvelle fois quelles provisions nous devions acheter ici au marché. « Tu as encore l’air à moitié endormi, donc je pense que nous devrions finir nos achats rapidement. »

Luxon baissa la voix pour qu’elle ne puisse pas entendre et demanda : « Maître, as-tu vraiment l’intention de ne pas répondre à ses sentiments pour toi ? »

Si j’étais aussi doué pour gérer mes émotions et mes relations interpersonnelles, je ne serais pas dans ce pétrin pour commencer. D’ailleurs…

« Anjie et Livia ne t’ont-elles pas dit de garder un œil sur moi pour être sûr que je ne fasse pas deux fois la même chose ? Et tu as encore le culot de me dire de poser mes mains sur Noëlle ? » avais-je murmuré en réponse.

« Dans le cas de Noëlle, je ne les informerais pas qu’elle a triché, » dit Luxon. Il avait l’air beaucoup plus sérieux qu’il ne l’avait été jusqu’à présent. « Si tu fais un geste, Noëlle retournera avec nous au Royaume de Hohlfahrt. Je n’y vois aucun problème, et toi ? »

Ouais, le problème est qu’il a complètement oublié de prendre en compte mes sentiments.

Noëlle avait fait quelques pas devant nous, jetant un coup d’œil aux étals. Il était clair qu’elle était une habituée des lieux, vu l’assurance avec laquelle elle cherchait les articles dont nous avions besoin. Elle était vive et agréable à parler, ce qui la rendait agréable à côtoyer. Cela ne veut pas dire que je trouvais Anjie ou Livia ennuyeuses, mais Noëlle avait un certain charme qu’elles n’avaient pas. Elle était mignonne, mais ce qui m’avait vraiment impressionné chez elle, c’est sa volonté de fer.

Je voulais que Noëlle trouve le bonheur, mais j’étais inquiet de savoir si je pouvais vraiment le lui apporter. Personnellement, je voulais qu’elle trouve un partenaire bien meilleur que quelqu’un comme moi.

« Marie et toi m’accordez beaucoup plus de crédit que je n’en ai, » avais-je dit à Luxon.

Aussi ignorant que je puisse être, je m’étais rendu compte que Marie avait planifié toute cette aventure pour nous forcer, Noëlle et moi, à être seuls ensemble. C’était probablement sa façon de veiller sur Noëlle, mais je n’avais pas besoin qu’elle mette son nez là-dedans.

« Je ne t’accorde ni plus ni moins de crédit que ce qui t’est dû. Je pense simplement que tu es veule, Maître, » dit Luxon.

« Je ne suis pas veule, merci beaucoup. »

Luxon devait attendre que je dise cela, car il passa immédiatement à l’offensive. « Aurais-tu oublié les événements qui ont conduit à tes fiançailles avec Angelica et Olivia ? C’est précisément ta nature veule qui a obligé ces deux-là à avouer leurs sentiments en premier. »

« Allez, ne parle pas de ça. C’est totalement injuste. » J’avais coupé court à la conversation. Je savais que j’étais voué à perdre si nous continuions à débattre de ce point.

Noëlle avait dû trouver ce qu’elle cherchait pendant que nous nous chamaillions, elle s’était arrêtée devant l’un des stands et négociait avec le propriétaire. Elle voulait marchander le prix, car elle achetait en gros, et le vieil homme qui tenait l’endroit était plus qu’heureux de passer un accord avec elle. Il n’aurait jamais adopté la même attitude si c’était moi qui demandais. Seules les jolies filles comme Noëlle peuvent gérer ça.

À proximité, une femme d’âge moyen, à la présence digne, essayait également de marchander avec l’un des propriétaires de l’étal. J’avais jeté un coup d’œil sur eux, écoutant leur conversation.

« Arrêtez-vous là, » dit la femme. « Un insecte semble avoir mangé une partie de ce produit. Voulez-vous vraiment me dire que vous allez le vendre au même prix que le reste de vos produits ? Soyez raisonnable. Personne d’autre ne l’achèterait. »

« N-non, je veux dire… c’est juste… »

« J’en achèterai un à votre prix normal, et vous pourrez me donner celui qui a été rongé par les insectes comme cadeau. C’est vous qui aurez des problèmes si l’un de vos produits n’est pas vendu, n’est-ce pas ? »

« Eh bien, oui, je suppose… B-bien alors. »

« Splendide. Je vais prendre ceci et cela aussi. »

« Quoi !? »

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Partie 2

La femme en arracha quelques autres qui avaient été rongés par les insectes et demanda au marchand de s’en séparer gratuitement. Le marchand céda, ne serait-ce que parce qu’il valait mieux s’en débarrasser que d’en avoir encore, ce qui avait permis à la femme d’obtenir plusieurs légumes pour le prix d’un.

Peut-être qu’être mignon n’a rien à voir avec le fait de pouvoir marchander avec succès ou non.

« Certaines femmes ont vraiment du cran, » avais-je marmonné. Cette femme en particulier faisait passer le marchandage de Noëlle pour un adorable jeu d’enfant.

Alors que j’observais la femme de dos, impressionné par ses compétences, j’avaos remarqué du coin de l’œil une boutique à l’aspect suspect. Elle était installée dans une petite ruelle entre deux bâtiments et vendait des médicaments. Un certain nombre de clients s’arrêtaient pour regarder et faire un achat, mais la majorité d’entre eux me semblaient être des aventuriers.

« Des aventuriers de la république, hein ? »

Serge était le seul aventurier que j’avais vraiment vu depuis mon arrivée dans la République d’Alzer. Contrairement au Royaume d’Hohlfahrt, les aventuriers de la République avaient un statut très bas.

Les clients s’étaient dispersés dès qu’ils avaient fini d’acheter leurs marchandises. Curieux, je m’étais approché. Le marchand responsable de l’étal avait une capuche qui lui couvrait le visage, projetant des ombres suffisamment sombres pour qu’il soit impossible de distinguer ses traits.

« Bienvenue », a-t-il dit.

Ce salut aurait pu sembler amical à quelqu’un d’autre, mais la façon dont il l’avait prononcé était brusque. Peut-être s’est-il douté que je ne faisais que du lèche-vitrine et que je n’avais pas l’intention d’acheter, ce qui l’avait mis de mauvaise humeur. L’homme avait une feuille de tissu étalée avec ses marchandises alignées dessus au lieu d’un étalage formel. Je m’étais agenouillé et j’avais attrapé l’un des produits qu’il vendait pour l’examiner.

« Est-ce une drogue ? » avais-je demandé en chuchotant.

« Oui, celle-là rend celui qui la prend plus fort. Cependant, je doute que quelqu’un comme vous en ait besoin. »

Luxon expliqua à voix basse : « Ce doit être la drogue que Serge a prise précédemment. Bien que cela semble être de qualité inférieure à ce qu’il a utilisé. »

Un amplificateur de force est un objet de jeu vidéo assez standard. Ils augmentent généralement vos statistiques physiques ou vos statistiques d’attaque pour une courte durée. Ceux qui étaient en vente étaient des potions contenues dans de petites fioles, et la couleur du liquide qu’elles contenaient était particulièrement frappante — des pourpres profonds et des azurs riches.

« Hmm, intéressant. Dans ce cas, donnez-moi un exemplaire de chaque sorte que vous avez, » avais-je dit.

Le marchand avait d’abord hésité, mais maintenant qu’il savait que je voulais sincèrement acheter ses marchandises, son attitude s’était adoucie. Tout en rangeant les bouteilles dans une petite boîte en bois, il me conseilla : « Faites attention en les utilisant. Et veillez à laisser un intervalle d’au moins six heures entre chaque utilisation. Les prendre en succession rapide ne fera que détruire votre corps. »

J’avais penché la tête sur le côté en lui remettant son argent, trouvant son avertissement curieux. Il avait presque l’air d’un vrai pharmacien ou quelque chose comme ça. Mais la vraie raison pour laquelle je trouvais cela étrange, c’est que l’utilisation de potions en succession rapide était plutôt standard dans les jeux vidéo. Je lui avais pris mon paquet et m’étais éloigné.

« La façon dont il parlait donnait l’impression que ce truc était un vrai médicament », avais-je dit à Luxon en riant.

« Ce n’est pas “comme un vrai médicament”, c’est un vrai médicament. »

« Quoi ? »

« Tu sembles avoir de fausses impressions, Maître. Je pense que c’est toutes tes connaissances des jeux vidéo qui te gênent. » Il secoua son petit corps rond d’avant en arrière, comme pour me faire la morale. « L’explication la plus simple que je puisse offrir est la suivante : ce sont essentiellement des stéroïdes. Penses-tu vraiment qu’une drogue aussi puissante n’a pas d’effets négatifs sur le corps humain ? »

Il me disait essentiellement que le concept de toniques améliorant le corps sans aucun démérite n’existait que dans les jeux vidéo, pas dans la réalité. Il donnait l’impression que tout personnage de jeu vidéo qui utilisait des potions comme ça était un drogué.

« Quoi, alors même si j’ai acheté toutes ces potions, je ne peux même pas les utiliser ? Je ne les ai prises qu’en cas d’urgence. » Après avoir vu Serge utiliser ces trucs avant, j’avais pensé que ça pourrait être utile d’en avoir quelques-uns comme atout dans ma manche. « Maintenant que j’y pense, Serge les a aussi consommés l’un après l’autre. Peut-être que les produits de qualité supérieure n’ont pas d’effets secondaires négatifs ? »

Je m’étais battu avec Serge lorsque j’étais intervenu pour sauver Mlle Louise, et il avait pris deux de ces potions en peu de temps. La seule conclusion logique que je pouvais tirer était que celles qu’il avait prises étaient de meilleure qualité et n’avaient pratiquement aucun impact négatif sur son corps.

« Il est possible que ceux qu’il a pris aient eu moins d’effets secondaires, mais pour commencer, j’ai également du mal à croire que Serge ait suivi les procédures de dosage appropriées », déclara Luxon.

Il avait raison. Serge m’avait semblé être du genre rude et violent rien qu’en le regardant, et il avait une attitude qui allait de pair. Il était difficile de croire qu’il ait suivi les conseils appropriés pour la consommation de potions, ce qui ne pouvait que signifier qu’il avait poussé son corps au-delà de ses limites dans son combat contre moi… non ?

Ou peut-être que le médicament n’était pas très puissant au départ, et que c’est pour cela qu’il n’avait pas d’effets secondaires.

J’avais claqué des doigts. « Ouais, ça doit être ça. Je l’ai mis à terre d’un seul coup de poing au visage, donc il est logique que les stéroïdes qu’il a pris ne soient pas très puissants. » J’étais sûr que Luxon serait d’accord avec moi, et il l’avait été. Enfin, en quelque sorte.

« Cela semble l’explication la plus probable. Si des gens comme toi ont pu le vaincre, alors il est logique que Serge soit moins puissant que nous l’imaginions. »

« D’accord, je sais que c’est moi qui l’ai suggéré pour commencer, mais ton évaluation de moi n’est-elle pas un peu trop basse ? » Je lui avais lancé un regard noir.

« Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Tu devrais donner la priorité à l’entraînement physique de ton corps plutôt que de compter sur la médecine pour résoudre tes problèmes — surtout des potions aussi peu soignées que celles-ci. Étant donné qu’elles s’accordent mal avec ta constitution, je te suggère de t’en débarrasser complètement. »

« Ma constitution ? » J’avais froncé les sourcils en le regardant. « Attends, tu veux dire que tu pourrais en fabriquer toi-même des puissantes ? »

Après une petite pause, il avait admis : « Oui, je suis capable de produire ce genre de médicaments, oui, mais as-tu vraiment l’intention de t’en servir ? »

« C’est toujours mieux d’avoir un atout dans sa manche, non ? »

J’avais décidé de laisser Luxon analyser les potions que j’avais achetées. Il pourrait alors les utiliser comme base pour en créer d’autres qui conviendraient mieux à mon corps.

J’avais pris la boîte en bois sous mon bras et j’étais retourné vers Noëlle, qui me faisait signe de la main gauche. Son autre bras était occupé à soutenir un sac en papier brun rempli de provisions. « Léon, où étais-tu ? » m’avait-elle demandé.

« J’ai juste repéré quelque chose qui a piqué mon intérêt. De toute façon, je vais porter tes affaires pour toi ». Je lui avais pris le sac, et nous avions commencé à marcher tous les deux au milieu de la clameur qui nous entourait.

Noëlle avait légèrement rougi en disant : « Le domaine est devenu beaucoup plus animé qu’avant. Je pense que M. Julius et les autres profitent peut-être un peu trop de leur liberté. » Elle avait souri, bien que visiblement troublée par leurs pitreries.

Je ne pourrais pas être plus d’accord. « Oui, Julius est devenu un crétin obsédé par les brochettes, et l’habitude de Jilk de collectionner les antiquités est plus intense que jamais. Toutes ces ordures qu’il a rapportées ont fait ressembler une partie du domaine à un dépotoir. Quant à Brad… eh bien, comparé à eux, je suppose qu’il n’est pas trop mal. »

Bien sûr, le sujet allait tourner autour des cinq idiots. Depuis leur arrivée dans la République d’Alzer, les pitreries du prince et de ses petits serviteurs n’avaient fait qu’empirer.

Noëlle avait soudainement eu l’air hagarde. « J’ai l’impression que ce n’est pas à moi de dire quoi que ce soit puisqu’ils m’ont accueillie, mais j’aimerais que quelqu’un fasse au moins quelque chose au sujet de M. Greg et de M. Chris. Ils se promènent pratiquement tout le temps à moitié nus, et c’est un peu dérangeant. » Le fait d’avoir été témoin de ces corps presque nus — de ces deux hommes qu’elle aurait préféré voir entièrement vêtus, rien que ça — avait laissé Noëlle épuisée.

« Oui, ces deux-là sont de vrais idiots. »

Greg s’était réveillé avec une obsession pour la musculation, si bien qu’il se promenait maintenant tout le temps torse nu dans le domaine. Normalement, il portait au moins un débardeur, mais il choisissait de l’enlever après une séance d’entraînement pour pouvoir montrer ses pectoraux, ses abdominaux et tout ce qui s’ensuit.

Je lui avais donné quelques coups de pied par-derrière pour essayer de l’amadouer et de le faire changer d’attitude, mais ça n’avait rien donné pour l’instant. Comme l’avait dit Greg, « Je veux que Marie voie à quel point j’ai entraîné mon corps ». Le plus dégoûtant, c’est que Marie semblait plutôt heureuse de le voir. Elle le grondait pour qu’il mette des vêtements, tout en reluquant son corps. Elle était aussi désespérée que lui.

L’autre enfant à problèmes était Chris, qui avait pris l’habitude de se pavaner dans la propriété dans rien d’autre qu’un pagne traditionnel japonais. Il portait un manteau happi sur sa moitié supérieure, mais il était fermement opposé à porter quoi que ce soit sur le tissu fin qui cachait ses parties inférieures. Il avait également commencé à nettoyer et préparer le bain quotidiennement comme un homme possédé. C’était bien qu’il travaille dur, mais le faire en étant presque nu annulait tout point positif.

Jilk était le seul à avoir mis quelqu’un en danger financièrement, mais le groupe dans son ensemble était fou. Au moins, Jilk lui-même avait l’air normal de l’extérieur et était même plutôt compétent dans la vie de tous les jours — sauf sa tendance à escroquer ou à être escroqué. Le principal problème avec Jilk était… eh bien, que c’était une ordure.

Le reste des gars étaient relativement inoffensifs, si ce n’est un peu désagréable dans leur propre droit. Je doute que quiconque ait pu prévoir qu’ils prendraient tous les chemins qu’ils avaient pris. Jusqu’à l’année dernière, ils avaient été les héritiers estimés de familles respectables. Ils avaient fini dans des états si pitoyables que je ne pouvais même pas en rire.

J’arrivais à être gentil avec Marie, malgré tous ses défauts. C’est elle qui s’occupait de tous ces crétins. Bien que pour être honnête, c’était sa propre faute : elle avait essayé d’utiliser sa connaissance de l’itinéraire de chaque garçon dans le jeu pour les cajoler et s’offrir une vie de harem inversé. Hélas, ma sœur de ma vie précédente avait fait un mauvais calcul. Elle était maintenant coincée avec la tâche peu enviable de garder ces cinq enfants à problèmes, chacun d’entre eux étant un crétin légitime. Sa misère me procurait une belle schadenfreude (joie malsaine), alors la traiter gentiment ne me coûtait rien.

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Partie 3

« Je peux les forcer à s’habiller si ça te dérange tant que ça », avais-je proposé. Une partie de moi se demandait pourquoi ces mots étaient sortis de ma bouche. Je détestais ces types depuis le début — ils étaient mes anciens ennemis.

Noëlle avait été prise au dépourvu par ma suggestion. Elle avait hésité un moment avant de secouer la tête. « Je ne pense pas que tu doives aller aussi loin. »

C’était encore l’hiver en République, raison de plus pour laquelle je ne pouvais pas croire qu’ils se promenaient encore à moitié nus. Ont-ils des lésions cérébrales ?

« Oh oui, ce n’était pas sur la liste, mais j’aimerais prendre quelques fruits. Léon, ça te dérange si on s’arrête encore à un endroit ? » demanda Noëlle.

« C’est le travail d’homme à tout faire, de se taire et de suivre. » C’était précisément la façon dont les hommes étaient censés se comporter dans le Royaume de Hohlfahrt, mais il s’avérait que les choses étaient différentes dans la République.

« Je vais porter les fruits, » dit-elle. « Je me sens mal de te faire tout trimballer pour moi. »

L’entendre dire quelque chose d’aussi réconfortant m’avait pratiquement fait monter les larmes aux yeux. Ah, la République est un pays étonnant en effet !

Noëlle avait dû remarquer que mes yeux s’embuaient parce qu’elle avait fait la grimace. « Tu sais, à chaque fois que ça arrive, je me dis la même chose : pourquoi es-tu si émotif pour des choses qui n’ont que du bon sens ? »

« Parce que ta version du bon sens est comme la bienveillance d’une sainte. »

Combien de fois avions-nous eu cet échange exact ? Noëlle inclinait toujours la tête et disait : « Les femmes du Royaume sont-elles vraiment si terribles ? Les deux filles avec qui tu es fiancé avaient l’air vraiment gentilles. » Elle n’avait pas rencontré beaucoup de femmes du Royaume. Anjie et Livia étaient exceptionnellement rares parmi les étudiantes qui fréquentaient l’académie de Hohlfahrt. Elles ne pouvaient pas être comparées à la racaille typique : un groupe de filles, chacune issue d’une famille dont les rangs vont de « baron » à « comte ».

« Ce n’est qu’une petite partie d’entre elles qui sont complètement intolérables, » avais-je avoué. « Ou peut-être devrais-je dire étaient-elles complètement intolérables ? »

La tête de Noëlle s’était penchée en raison de sa curiosité. « Étaient ? Pourquoi le passé ? »

« Je suis parti étudier à l’étranger avant que les conditions sur place ne commencent à s’améliorer. »

« Se sont-elles améliorées ? »

C’était une longue histoire. En gros, l’extrême hiérarchie matriarcale qui existait autrefois à l’académie avait finalement été rectifiée — prétendument, en tout cas. J’étais parti pour la République avant d’avoir pu voir le résultat final de ces changements, donc je n’avais aucun moyen de savoir comment les choses s’étaient passées.

Pendant notre bref échange, Noëlle avait continué à chercher un magasin vendant des fruits frais. Dès qu’elle en avait repéré un, elle s’y était rendue. Chaque produit exposé était un délice fraîchement cueilli, mais Noëlle avait l’intention de ne sélectionner que les meilleurs d’entre eux. La maison Lespinasse faisait autrefois partie des Sept Grandes Maisons (aujourd’hui réduites aux Six Grandes), et tous ses membres étaient des nobles de haut rang. Noëlle était l’une des rares survivantes de cette maison, et son statut éminent faisait d’elle l’équivalent d’une princesse. Voir une personne d’une telle importance errer dans le marché matinal en se demandant quel fruit choisir sur l’étal était un spectacle époustouflant.

« Monsieur, j’aimerais ceux-ci ici et ceux-là là-bas. » Une fois que Noëlle avait fait sa sélection, le marchand chargé de l’étal fourra ses fruits dans un sac. Il me jeta un regard fugace et ajouta un fruit supplémentaire, même si nous ne l’avions pas payé.

« Voyez ça comme un cadeau, puisque vous semblez si proches tous les deux. Vous avez trouvé une jolie fille, mon garçon. Je vous envie. » Les lèvres du marchand s’étaient fendues d’un large sourire, et il avait gloussé un peu trop fort. Noëlle et moi avions échangé des regards avec des sourires troublés sur nos visages. C’était gentil de la part de l’homme de nous donner un cadeau, et aucun de nous ne voulait le gâcher en le corrigeant, alors nous l’avons simplement remercié pour sa gentillesse avant de quitter le marché.

Sacs en main, nous étions retournés à la propriété de Marie. Il devait être environ neuf heures à ce moment-là, je suppose. Nous avions pris notre temps pour regarder toutes sortes de produits, et le temps passa très vite. Comme nous n’avions pas encore pris de petit-déjeuner, j’étais vraiment affamé.

Noëlle, par contre, ne semblait pas préoccupée par son estomac vide. Elle était trop occupée à s’inquiéter de ce que ce marchand nous avait dit. Ses joues étaient rougies par la gêne, son discours plus rapide que d’habitude. « Je n’aurais jamais imaginé que nous aurions l’air d’un couple aux yeux des autres. Ah ha ha, j’espère que ça ne t’a pas dérangé. Si ? »

Pas en particulier. Je me suis dit que ça la dérangerait.

« Non, je vais bien », avais-je dit. « Mais ça a dû être un peu ennuyeux pour toi, non ? »

« Qu-Quoi ? Bien sûr que non ! »

En voyant avec quelle insistance elle le niait, j’étais d’autant plus sûr qu’il devait y avoir une erreur, comment une femme de son calibre pouvait-elle tomber amoureuse d’un crétin comme moi ? Un jour ou l’autre, un partenaire plus digne de ce nom se présenterait, et elle se réveillerait enfin. C’est ce que je voulais croire, en tout cas, je ne la méritais sûrement pas. Et Anjie et Livia, alors ? C’était aussi curieux qu’elles m’aient choisi comme partenaire, puisqu’elles étaient toutes les deux si merveilleuses. Mais… Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander comment les choses auraient pu tourner si j’avais rencontré Noëlle en premier.

J’avais repéré un café avec une terrasse ouverte alors que nous flânions dans les rues. Il y avait plus de couples que d’habitude, étant donné que c’était le week-end, et ils semblaient tous engagés dans une conversation animée, peut-être en train d’élaborer des plans sur l’endroit qu’ils allaient visiter ensuite. Parmi les couples, j’avais repéré un homme assis seul. Il avait l’air terriblement mal à l’aise. Je m’étais tout de suite senti concerné.

« Les gens ont l’air de bien s’amuser, même si c’est si tôt », avais-je commenté.

Noëlle s’était figée sur place. Elle avait ouvert la bouche pour dire quelque chose, avait changé d’avis et l’avait refermée aussitôt.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » avais-je demandé.

« Ce n’est rien, vraiment ! De toute façon, nous devrions nous dépêcher de rentrer. Rie doit nous attendre. »

Bien qu’elle semblait impatiente de rentrer, je trouvai mon regard errant vers le café. « Non, je ne vois aucun problème à les faire attendre. Allons d’abord manger un morceau ! Nous pourrons nous vanter à notre retour auprès de Marie d’avoir été manger quelque chose de délicieux. »

Je savais que Marie grincerait des dents d’envie si on mangeait dehors. Sa vie doit être bien misérable pour qu’elle soit jalouse d’une chose aussi minuscule. Je m’étais souvenu que dans notre vie précédente, elle sortait à la moindre occasion pour manger un morceau, prétextant que c’était trop compliqué de cuisiner à la maison. Les chemins de la vie étaient bien mystérieux.

J’avais attrapé Noëlle par la main et l’avais traînée jusqu’à l’entrée. Le personnel nous avait conduits à nos sièges et avait apporté les menus en un rien de temps. Noëlle avait posé ses affaires et m’avait fait face. Son agitation à être entourée de tant de couples était plutôt évidente.

« Ah ha ha, d-désolée de te faire faire ça, » dit-elle.

« Non, tu ne me causes aucun problème. J’avais faim, et je me suis dit que ce serait une bonne idée de manger quelque chose de consistant avant de rentrer. »

Noëlle avait secoué la tête. « Si tu manges trop ici, tu ne pourras pas prendre ton petit-déjeuner plus tard. »

« Psh, je suis un garçon qui grandit. Je suis sûr que je peux tout ranger. » Être jeune avait ses avantages. Peu importe combien je mangeais, mon estomac semblait perpétuellement vide.

Alors que je jetais un coup d’œil au menu, Luxon parla assez doucement pour que je sois le seul à l’entendre. « C’est précisément ce qui me trouble tant chez toi, tu es un lâche et pourtant tu prends des décisions aussi audacieuses sorties de nulle part. Mais bon. Même avec cette atmosphère romantique que tu as créée, tu es toujours trop veule pour mettre le doigt sur elle au final, donc le fait demeure que tu es un lâche. »

Il m’agace au plus haut point.

J’avais jeté un coup d’œil à Noëlle. Elle était occupée à scruter le menu. « Hmm, peut-être ça ? Oh, mais ce ne serait pas bon de trop en manger… » C’était adorable de voir avec quel sérieux elle se débattait pour savoir quoi commander. Quand elle avait finalement pris une décision et levé la tête, nos regards s’étaient croisés. Ses joues étaient devenues rouge vif. Cette vision m’avait rendu triste, car je n’avais jamais profité de telles situations dans ma vie précédente. Mais je n’avais pas à me plaindre, j’étais heureux maintenant, et c’est ce qui comptait.

« Ne me regarde pas comme ça. C’est embarrassant, » dit Noëlle.

« Hein ? Quelle partie est embarrassante ? »

« Tu me regardes m’agiter sur ce que je vais commander. »

Je n’avais pas pu m’empêcher de glousser.

« Pourquoi ris-tu ? »

J’avais haussé les épaules. « Rien, j’ai juste pensé que c’était mignon. Bref, pourquoi ne pas commander ? »

Noëlle avait fait la grimace, mais peu importe à quel point elle essayait de paraître grincheuse, sa voix était trop claire pour me tromper. « Tu es tellement méchant, tu sais. Et tu es un plus grand coureur de jupons que tu ne le dis. »

« Je suis un jeune homme gentil et droit qui manque de s’affirmer à l’occasion. Rien de plus, rien de moins. »

« Et un menteur aussi ! La façon dont tu as trompé Louise la dernière fois était particulièrement minable. » Autant elle me grillait, autant elle n’était jamais allée jusqu’à la vraie critique.

« Mentir pour le bien de quelqu’un d’autre est un véritable fardeau pour mon cœur honnête, » lui avais-je dit. « Tu devrais essayer de me réconforter. »

« Tu en fais tellement trop que c’est plutôt attachant. Bien que je suppose que ça n’a pas d’importance… »

La conversation s’était arrêtée là pour le moment, et j’en avais profité pour lever la main et faire signe à un serveur. L’homme que j’avais identifié comme une âme sœur un peu plus tôt m’avait lancé un regard furieux et avait fait claquer sa langue en signe d’agacement. J’étais le seul à nous considérer comme semblables, il semblait que, de son point de vue, nous devions ressembler à n’importe quel autre couple.

Luxon murmura : « Tu as l’air de t’amuser. Je suppose que cela ne te dérange pas si je considère cela comme une double aventure ? »

S’il te plaît, laisse tomber ça. On est juste deux bons amis qui sortent prendre un petit-déjeuner, d’accord ?

+++

Chapitre 1 : Mère et fils

Partie 1

L’académie d’Alzer entrait dans son troisième trimestre. Il faisait encore froid dehors, et à la fin des cours, il faisait déjà assez sombre. Les étudiants qui n’avaient pas d’activités en club rentraient immédiatement chez eux une fois les cours terminés, laissant seulement le personnel de l’école et quelques étudiants sélectionnés. Je faisais partie de ce dernier groupe, entraînant Marie derrière moi alors que nous arrivions dans ce qui ressemblait à une salle d’orientation pour étudiants.

Le professeur Clément attendait à l’intérieur. Une silhouette imposante aux muscles saillants, c’était le type même du gentil garçon masculin. Ha ha, je plaisante ! En fait, il parlait de façon efféminée et portait une chemise super serrée qui épousait chaque courbe de son corps. Son ombre noire laissait entendre qu’il pourrait se laisser pousser une barbe impressionnante s’il le voulait. C’était un professeur gentil, cependant, toutes les apparences mises à part.

« Salut, » je l’avais salué nonchalamment en me glissant dans la pièce. « Hm ? Vous êtes le seul ici, professeur ? »

Marie était visiblement irritée par l’absence de la personne qu’elle espérait trouver ici. Le professeur Clément avait croisé ses bras épais et musclés et s’était assis sur sa chaise. « Oh, chérie, Lady Lelia n’a pas encore pu venir ». Le fait qu’il ait l’air si sévère et qu’il ait l’air si féminin laissait une impression inoubliable.

Marie et moi nous étions regardées, puis avions haussé les épaules et nous avions pris place sur les chaises mises à notre disposition. Nous avions décidé de tuer le temps pendant que nous attendions en discutant avec lui.

« Je ne savais pas que tu avais été chevalier de la maison Lespinasse », avais-je dit.

Son expression était devenue nostalgique. « Mon Dieu, Lady Noëlle ne se souvenait pas non plus de moi. C’est dommage, je dois l’admettre, mais les filles n’avaient que cinq ans quand nous nous sommes séparés. Je ne peux pas leur en vouloir. »

Marie avait langoureusement affalé son corps sur le bureau en face d’elle. « Je ne sais pas pour quelqu’un qui se démarque autant que toi ? Ce serait plus étrange si elles oubliaient. Bref, qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? »

Sans perdre un instant, il déclara : « Je resterai aux côtés de Lady Lelia et la protégerai. Quant à Lady Noëlle, je ne pense pas avoir à m’inquiéter tant que vous êtes avec elle, Monsieur Léon. Vous êtes le Gardien de l’arbre sacré, après tout. »

Le Gardien était un titre accordé à une personne qui avait reçu la plus grande bénédiction divine que l’Arbre Sacré avait à offrir. L’arbre donnait cette bénédiction à la personne qu’il jugeait la plus apte à le protéger. À l’origine, dans le deuxième épisode de cette série de jeu vidéo otome, l’un des amoureux avait été choisi pour être gardien. Ce même homme devait également finir avec Noëlle. Depuis que c’était tombé à l’eau, tout notre plan avait été brisé.

J’avais regardé l’horloge. Il était bien plus tard que l’heure à laquelle nous avions convenu de nous rencontrer. Lelia Beltre — ou Lelia Zel Lespinasse, comme on l’appelait maintenant — était censée nous rejoindre pour que nous puissions discuter de nos projets. Comme nous, elle était une Japonaise qui s’était réincarnée dans ce jeu vidéo otome, plus précisément dans la République d’Alzer.

« Lelia est vraiment en retard, n’est-ce pas ? »

Voyant que je commençais à m’agiter, le professeur Clément avait froncé les sourcils en s’excusant. « Je suis désolé, chérie, mais Lady Lelia est une fille occupée. La République jongle avec un tas de problèmes en ce moment, et avec le fait qu’elle soit officiellement reconnue comme une survivante orpheline des Lespinasses… vous devez comprendre qu’il est difficile pour elle de trouver le temps de vous rencontrer comme cela. »

C’est vrai. Lelia ne s’était pas réincarnée en un citoyen ordinaire de la République d’Alzer — elle était née de nouveau dans la famille Lespinasse, autrefois haut placée, en tant que petite sœur jumelle de Noëlle. Elle et Noëlle étaient les seules survivantes après la disparition de la maison, et elle était de plus en plus préoccupée depuis que cela avait été rendu public.

« Oui, mais moi aussi je suis occupée, vous savez ! » Marie se fâcha. « Je veux me dépêcher de rentrer et de commencer à préparer le dîner. À ce rythme, Julius va se remettre à cuisiner des brochettes à la place. On vient littéralement d’en manger ! J’ai besoin d’autre chose avant de devenir folle ! »

Julius était toujours à l’affût d’une occasion de « préparer le dîner », ce qui n’était en fait que son excuse pour faire des brochettes. Et ce n’était pas le cas une ou deux fois par mois. Il était tellement obsédé par le fait de les manger qu’il en voulait pratiquement tous les jours. Marie et moi en étions malades. Bien sûr, c’était gentil de sa part de faire un repas pour tout le monde. Et à sa décharge, il nettoyait après son passage… ou plutôt, il se fâchait avec quiconque essayait de toucher à ses ustensiles de cuisine, alors nous n’avions pas d’autre choix que de le laisser s’en occuper. C’était un énorme progrès par rapport à sa conduite précédente, qui se résumait à n’aider à aucune des corvées. Même s’il aidait à toutes les tâches sous le soleil, cela ne rendrait pas Marie et moi plus désireux de manger des brochettes tous les jours.

Déconcerté par l’emportement soudain de Marie, le professeur Clément réitéra ses excuses. « Je suis vraiment désolé, mes chéris. Monsieur Émile a dû s’occuper d’affaires plus fréquemment ces derniers temps, et Lady Lelia doit aussi quitter la maison pour cela. »

Marie soupira. « Encore Émile ? Bon, je crois qu’il ne faut pas trop s’en faire. Ils sont fiancés. »

Émile Laz Pleven était en effet le fiancé de Lelia, et l’un des amoureux du jeu. Le joueur pouvait se retrouver avec lui, même s’il avait raté un certain nombre de choses, ce qui lui permettait d’arriver à une fin sans un brusque « Game Over ». C’est pourquoi les joueurs l’ont surnommé la « Cueillette facile, Émile ». Une épithète plutôt malheureuse.

Nous avions continué notre conversation avec le professeur Clément en attendant. Après un moment, des pas avaient résonné dans le couloir — et puis la porte s’était ouverte assez violemment. Lelia se tenait sur le seuil, haletant pour reprendre sa respiration. Ses cheveux étaient coiffés de la même queue de cheval que ceux de Noëlle, mais les cheveux de Lelia étaient droits et lisses. Contrairement à ceux de sa sœur, ils étaient uniformément roses, sans ombrage blond. Les différences ne s’arrêtaient pas là, son regard était vif et scrutateur, il n’avait rien du comportement doux de Noëlle. Les deux filles étaient jumelles, donc naturellement elles se ressemblaient beaucoup, mais la poitrine de Lelia était (pour autant que je puisse dire) légèrement moins bien dotée. Je suppose que sa stature plus mince et plus petite y est pour quelque chose.

Un robot rond flottait à côté de Lelia : Ideal. Il ressemblait visiblement à Luxon, bien que ses couleurs soient diffèrents. Il avait un corps bleu et un seul œil rouge. Il l’utilisait pour nous observer, le déplaçant de haut en bas en guise de salutation.

Lelia ne nous avait accordé qu’un bref regard avant de se tourner vers le professeur Clément. « Désolée, mais je vais devoir annuler cette petite réunion. Émile est devant avec une voiture qui attend. Clément, tu viens aussi. »

« Lady Lelia ? Si je ne me trompe pas, ma chérie, j’étais sûr que vous n’aviez rien d’autre de prévu aujourd’hui ? » Il parlait comme s’il faisait office de secrétaire et gérait son emploi du temps. Il était certainement étrange qu’elle ait des plans dont il n’était pas au courant.

Marie avait bondi de sa chaise et avait pointé un doigt dans la direction de Lelia. Quand elle avait parlé, sa voix avait claqué dans l’air comme un fouet. « Ne t’avise pas de nous ignorer ! Nous avons beaucoup de choses à te dire, tu sais ! »

Oui, nous avions beaucoup de choses à discuter : notamment de l’avenir de la République d’Alzer, où se déroule l’intégralité du deuxième volet de la série de jeu vidéo otome. Nous devions également parler de Noëlle et des autres intérêts amoureux, notamment du fait que l’un d’entre eux — Serge — avait disparu. Il était membre de la maison Rault, l’une des six grandes maisons, et son futur héritier. Malheureusement, on ne savait pas où il se trouvait actuellement.

Il y avait une véritable montagne de sujets que nous devions aborder, mais Lelia semblait trop préoccupée par d’autres choses pour s’asseoir avec nous. Elle semblait également mécontente que ses plans originaux aient été perturbés, pour ce que cela vaut.

« Oui, et bien j’ai mes propres problèmes à régler en ce moment ! Et Émile m’a supplié de l’accompagner, alors… » Lelia avait jeté un coup d’œil à Ideal.

Ideal tourna son regard vers moi… non, il regardait en fait Luxon, qui s’était caché non loin. « Nous vous présentons nos plus sincères excuses. Lady Lelia n’a d’autre choix que de s’excuser de ce rendez-vous afin de protéger son statut social. »

Son statut social, hein ? Nous ne pourrions pas discuter beaucoup si sa position sociale était en jeu. Chaque personne a sa propre vie et ses propres circonstances, et peu de gens sont prêts à tout risquer, même pour une cause aussi noble que la paix dans le monde. Marie et moi ne prendrions pas ce risque, nous n’avions donc pas le droit de critiquer Lelia. Nous avions dû accepter sa décision d’annuler.

« Tu ferais mieux de te réserver du temps pour nous plus tard », avais-je insisté.

« Oui, nous ne manquerons pas de le faire, » dit Ideal. « Maintenant, Lady Lelia, Lord Émile vous attend. »

Lelia l’avait écouté à contrecœur et s’était tournée vers la porte. Elle ne semblait pas non plus très satisfaite de cet arrangement. Elle nous avait jeté un bref coup d’œil et avait dit : « Je pars maintenant, mais continuez à chercher Serge, d’accord ? »

Marie avait mis une main sur sa hanche et avait poussé Lelia vers la porte avec l’autre. « Nous avons déjà compris. Dépêche-toi d’aller voir Émile. »

Le professeur Clément nous avait présenté de nouvelles excuses après que Lelia ait disparu par la porte, se sentant clairement mal d’avoir fait perdre de notre temps. Ce n’était pas la première fois qu’elle nous posait un lapin, et ce ne serait certainement pas la dernière, nous étions atrocement conscients de la difficulté de nous consulter comme nous en avions besoin.

+++

Partie 2

Marie et moi étions les seuls passagers du tramway qui nous ramenait chez nous. L’intérieur du tram était assez bien éclairé, mais il faisait de plus en plus sombre dehors. La nuit tombait déjà sur nous.

Marie était toujours grincheuse parce que Lelia n’avait pas assisté à notre réunion. Elle avait compris que les circonstances étaient indépendantes de la volonté de Lelia, mais cela ne l’empêchait pas d’être ouvertement mécontente. « Comment se fait-il que nous devions recevoir des ordres d’elle, hein !? Ce n’est pas elle qui a fait copain-copain avec Serge au départ ? Nous ne sommes pas ses petits serviteurs ! »

J’avais haussé les épaules. « C’est comme ça que ça se passe. Elle a son image à défendre. Tu comprends ça, hein ? »

« Je veux dire, je le comprends, mais… »

Le statut social n’était pas quelque chose à sous-estimer. Bien sûr, la fiction s’en moquait souvent, mais c’était un élément essentiel de la réalité. Peut-être pas tant pour la star de la série, mais pour les personnages de second plan comme nous ? Nous ne pouvions pas vivre nos vies sans tenir compte de la hiérarchie. Le Japon n’était pas différent avec ses classes sociales, mais ce monde était à des lieues derrière le Japon dans un sens culturel. Le statut était encore plus important ici.

« Alors ça ne te fait pas chier ? » demanda Marie.

« Bien sûr que oui, mais je suis plus mature que toi, alors je ne le laisse pas paraître. Bref, Luxon, c’est un peu bizarre que tu cherches Serge depuis tout ce temps et que tu ne l’aies pas trouvé. C’est quoi le problème ? »

Luxon et Ideal étaient censés le rechercher, mais le temps avait passé depuis le début du troisième trimestre, et ils n’avaient trouvé aucune trace de Serge. Luxon se camoufla en répondant : « Soit il a déjà fui le pays, soit il se cache quelque part sans qu’on le remarque. »

Ce serait très embêtant si Serge avait quitté les frontières de la République, mais même si ce n’était pas le cas, il était troublant qu’il ait échappé à la vigilance d’Ideal et de Luxon. Serge était un peu un enfant sauvage dans le jeu. Il admirait les aventuriers et rêvait d’en être un lui-même. Peut-être que le décrire comme un « enfant sauvage » le rendait attachant, mais ne vous méprenez pas. De la façon dont je l’avais vu, il était une personnalité violente et déséquilibrée.

Marie s’était réveillée, intriguée par notre échange. « De quoi parlez-vous ? »

« À propos de Serge. Tu sais, je pourrais comprendre si Monsieur Albergue était un être humain terrible et que cela avait rendu Serge si tordu, mais je connais cette personne. Il a l’air d’être un type bien. »

« Aussi discutables que soient tes critères, je suis d’accord. C’est bizarre. Serge me semble bien trop hostile. Et autre chose ! Il était si fort en combat dans le jeu, mais quelqu’un comme toi arrive et le met à terre d’un seul coup de poing ? C’est très désagréable. »

« Hé, attends. Quelle piètre opinion as-tu de moi, hein ? J’aimerais te rappeler que j’étais le fils d’une pauvre maison noble. Sais-tu à quel point j’ai dû me battre pour arriver là où je suis ? »

Ça n’en avait peut-être pas l’air, mais j’avais versé mon sang, ma sueur et mes larmes pour rester à flot à l’académie. Il y avait des événements pratiquement tous les jours, et les gars comme moi devaient envoyer aux filles un flot constant de cadeaux. Nous, pauvres garçons nobles, étions obligés de faire des explorations dans les donjons pour trouver assez d’argent pour nous les offrir : Plus on s’aventurait loin dans un donjon, plus il était dangereux et plus on pouvait se remplir les poches de pièces. Nous devions faire équipe pour pouvoir nous y rendre en toute sécurité et encaisser l’argent. Et tout ça pour quoi ? Le mariage ! Ce n’était pas une blague de dire que j’avais littéralement versé du sang pour accomplir mon devoir. J’avais envie de pleurer rien qu’en y pensant.

« Mais les filles ont vendu tous ces cadeaux à des prêteurs sur gage », avait déclaré Marie.

« Oui, je suis bien conscient. J’ai versé beaucoup de larmes avec mes amis sur le fait. Ce que je veux dire, c’est que contrairement à Serge, je ne suis pas parti à l’aventure pour m’amuser ! » C’était tout le contraire, en fait. Je l’avais fait pour maintenir mon statut et me marier ! C’est une raison assez pathétique, maintenant que j’y pense.

Marie semblait ennuyée par mon petit discours. Elle était plus préoccupée par la pitié qu’elle éprouvait pour Serge. « C’était un peu cruel de ta part de l’assommer d’un seul coup comme ça, tu ne trouves pas ? Les hommes sont si pénibles quand leur fierté est brisée. Parce que c’est tout ce qu’ils ont — leur fierté. »

« Tu n’as pas à parler des hommes comme ça », avais-je grommelé.

« Oh ? Je pense que j’en sais beaucoup plus sur eux que toi. La plupart des hommes mettent toute leur fierté dans des choses stupides. Cela les rend faciles à manipuler. »

Tu as oublié la partie où tu t’es fait avoir par un de ces hommes, n’est-ce pas ? Je n’avais pas pu m’empêcher de rire en pensant à l’ironie de tout ça.

Mon humour avait semblé irriter Marie, qui m’avait lancé un regard noir. « As-tu quelque chose à dire ? »

« Pas vraiment. C’était incroyablement instructif, c’est tout — se faire instruire par une femme si sûre de sa connaissance des hommes. Une femme qui s’est mise dans une situation désastreuse à cause d’un homme, rien que ça. »

« Tu sais exactement comment me contrarier, espèce de gros lâche sans envergure ! »

« Continue et je te coupe les vivres », avais-je menacé. C’était mon dernier recours pour m’esquiver de ce qui aurait pu être une querelle ennuyeuse.

Marie s’effondra sur le sol, se prosternant. « Oh, sage et courageux frère aîné ! Je t’en prie, je t’en supplie, ne me coupe pas les vivres ! Je ne peux pas sérieusement vivre sans ton aide. Les cinq crétins mis à part, je ne pouvais pas supporter de laisser Kyle et Carla en plan. Je t’en supplie, Grand Frère ! Aide-moi ! »

J’avais la fâcheuse habitude d’ignorer les appels à l’aide. La souffrance de Marie ne m’empêcherait guère de dormir la nuit, mais je voulais éviter de causer des ennuis à Kyle et Carla. Et pour les cinq crétins ? Ils étaient comme des cafards. Ils trouveraient un moyen de s’en sortir même si je les laissais mourir.

« Content de voir que tu comprends ta place », avais-je dit avec un petit rire noir.

Marie grogna dans son souffle. Ce retournement de situation l’avait laissée vexée.

Après avoir assisté à notre échange, Luxon avait fait une de ses blagues habituelles. « Je vois que ton faible pour Marie n’a pas changé du tout, Maître. »

« J’essaie d’être gentil avec tout le monde, à peu près. »

« Je ne suis pas sûr que ce soit considéré comme “gentil” de continuer à frapper un ennemi vaincu jusqu’à ce que sa fierté soit en lambeaux. Serge t’en veut pour cela, sans doute, » dit Luxon.

« Hé, en ce qui me concerne, c’est sa faute s’il a perdu. »

« Des mots impressionnants pour quelqu’un qui a emprunté mon pouvoir pour gagner. Ne trouves-tu pas ça sournois ? »

J’avais secoué la tête. « Pas le moins du monde. D’ailleurs, je crois me souvenir que quelqu’un m’a déjà dit quelque chose… comme quoi être sournois est un compliment. »

« Je suis sûr que d’autres personnes seraient révoltées d’entendre ça, surtout si c’est toi qui le dis. »

« Haha ! Même si je suis une personne si gentille !? »

Marie avait fait une grimace, comme pour dire : « Quel genre d’absurdités débites-tu en ce moment ? ». J’avais choisi de l’ignorer.

Le tram s’était finalement arrêté à la station proche du domaine, et nous étions descendus.

 

☆☆☆

 

Marie vivait dans une somptueuse propriété, ici en République. J’avais dormi là-bas avec elle, principalement parce qu’il ne restait plus beaucoup de temps avant la fin de notre séjour, mais aussi parce que garder une résidence séparée était un peu difficile de nos jours.

Au moment où nous étions entrés dans le manoir, Mlle Yumeria s’était précipitée vers moi en toute hâte. « Bienvenue à la maison, Monsieur Léon — aaah ! » Elle était tellement pressée qu’elle avait trébuché et s’était écrasée sur le sol, envoyant ses deux jambes en l’air. Cela avait l’air plutôt douloureux.

« Vas-tu bien ? » avais-je demandé, inquiet.

Ses joues avaient rougi. Elle avait baissé la tête, les yeux embués, et avait lâché : « Je vais bi… en. »

Mlle Yumeria, qui avait faussé son énonciation avec toute la grâce adorable de sa chute, était une petite femme elfe à la poitrine généreuse. Elle avait l’air assez jeune de l’extérieur, pratiquement le même âge que nous, mais elle avait déjà un enfant à elle. Ses yeux étaient d’une douce couleur ambrée, et ses longues oreilles pointues perçaient le rideau de cheveux verts raides qui encadrait son visage. Malgré sa maladresse, c’était une fille… euh, une femme attachante et belle.

« Il n’y a pas besoin de se précipiter comme ça », l’avais-je rassurée.

Elle avait souri avec reconnaissance. À côté de moi, Marie s’était moquée : « Hmph ! Tu es bien trop gentil et chaleureux avec elle, hein ? » Elle n’avait pas cherché à cacher son mécontentement.

Qu’est-ce qu’il y a de mal à être agréable et chaleureux ?

Le vacarme à l’entrée avait attiré l’attention de notre autre femme de chambre, une qu’Angie avait spécialement envoyée ici depuis le domaine de son père : Miss Cordelia. Ses yeux étaient perpétuellement en train de tout juger derrière ses lunettes, mais c’était aussi une beauté.

« Bienvenue, Comte, » salua Miss Cordelia.

« C’est bon d’être de retour. »

Elle était très professionnelle, contrairement à Mlle Yumeria, et aussi plutôt froide. Elle n’avait pas la meilleure opinion de moi, j’avais donc supposé que sa froideur était liée à cela.

Marie avait glissé de son manteau et avait redressé son cou, balayant la zone. « Hein ? Où est Kyle ? » Le beau garçon demi-elfe devait normalement nous accueillir avec les autres, son absence était donc curieuse.

Mlle Yumeria avait pressé ses mains sur le bout de son nez meurtri en répondant : « Si vous le cherchez, je crois qu’il est dans l’entrepôt derrière. »

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