Wortenia Senki – Tome 9 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : L’heure de la récolte

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Chapitre 4 : L’heure de la récolte

Partie 1

Dans la pièce située à l’étage inférieur de la tour centrale, les deux hommes se regardaient fixement tandis que le tintement des armures qui s’entrechoquaient emplissait la pièce. Des respirations profondes résonnaient tout autour d’eux, probablement à cause de la peur de se savoir entourés de soldats dix fois plus nombreux qu’eux. Ou peut-être parce qu’ils sentaient quelque chose dans le soldat qui souriait calmement devant Moore.

Moore avait trouvé que son nom lui était familier.

Mikoshiba ? J’ai déjà entendu ça quelque part…

Moore se souvenait clairement d’un échange qu’il avait eu dans la capitale avec Saitou, l’aide de Shardina.

C’est vrai… C’est l’homme qui a tué le Seigneur Gaius…

Moore fixa son regard sur l’homme qui souriait devant lui. En apparence, il ne ressemblait qu’à un jeune homme discret et bien bâti. Son sourire semblait aussi amical et naturel que celui de n’importe qui. Mais Moore avait bien vu cette lumière dangereuse qui brillait au fond de ses yeux sombres. Cette lumière… C’était sa haine pour l’Empire d’O’ltormea.

Il cache ses véritables intentions… Je vois. Oui, cet homme est une menace pour l’Empire…

Moore avait entendu d’innombrables rumeurs sur cet homme de la part de Saitou. Les bêtes les plus dangereuses cachaient leurs crocs à dessein. Et dans le cas de cette bête particulière, ces crocs cachés suintaient de venin. Un venin mortel appelé ruse…

J’ai entendu parler de lui plus que je ne voudrais le savoir. Un homme prudent qui ne laisse aucune place à l’oubli… Pour un homme comme lui, partir en première ligne, même si c’est avantageux…

Moore fit un signe du menton à ses subordonnés, leur faisant signe de monter les escaliers. C’était un signe léger, mais ces hommes servaient sous les ordres de Moore depuis longtemps et comprenaient ses intentions. Plusieurs soldats se hâtèrent de monter les escaliers.

Bien… Si je peux juste nous faire gagner du temps, je peux éviter le pire des scénarios.

L’entrepôt de la tour centrale contenait un grand nombre de choses qu’ils ne pouvaient pas laisser tomber entre les mains de l’ennemi. En les regardant partir, Moore hocha légèrement la tête et se tourna vers Ryoma, qui souriait toujours et ne faisait aucun signe de mouvement.

Il a l’air tranquille… A-t-il une raison de rester immobile ? Peu importe. J’ai de toute façon besoin de gagner du temps.

O’ltormea était connue même au-delà des mers comme la grande puissance au cœur du continent occidental, et cet homme était la seule personne à avoir échappé à leur emprise. Et ce simple étranger, cette personne inférieure même à un esclave, avait été capable de tuer le mage de la cour de ce pays, Gaius Valkland. C’était un criminel en fuite, qui avait traîné le nom de l’Empire dans la boue.

Publiquement, la mort de Gaius avait été considérée comme un accident. On ne pouvait pas se permettre de faire savoir au grand public qu’un grand vassal de l’Empire avait été assassiné dans le château de l’Empereur et que son assassin s’était enfui. Sur ordre de l’Empereur, les événements qui s’étaient produits ne furent pas autorisés à quitter le château. Et grâce à cela, l’Empire avait conservé sa dignité.

Mais plus ils essayaient de cacher la vérité, plus il était probable qu’elle finisse par éclater au grand jour. Le citoyen ordinaire ne l’avait peut-être pas appris, mais ceux qui travaillaient dans des professions liées au gouvernement avaient probablement entendu une ou deux rumeurs. On n’en parlait pas ouvertement, par respect pour la dignité du pays, mais Ryoma Mikoshiba était un rival acharné de l’Empire.

Tout en regardant autour de lui, Moore fit claquer sa langue en signe de mécontentement.

C’est mauvais… Tout le monde suit son rythme.

Ils détestaient sûrement tous cet homme, qui avait poussé l’Empire à la crise. Mais en voyant les chevaliers se raidir autour de lui, il les vit murmurer dans ce qui était un mélange de crainte et de terreur. Pour eux, Ryoma était l’existence la plus détestée qui soit. Tous les problèmes que l’Empire avait traversés récemment avaient commencé lorsque le stratège d’O’ltormea et mage de la cour, Gaius fut assassiné.

La racine de tous leurs problèmes actuels se trouvait devant eux. Mais en tant que guerrier et homme, Moore ne pouvait s’empêcher de reconnaître la puissance de Ryoma. Il s’était échappé seul des frontières gardées de la capitale et avait résisté à la poursuite tenace de Shardina afin de fuir le pays.

Un pays et un individu. Le premier était incomparablement plus fort que le second sans aucune comparaison possible. Et malgré cela, l’homme devant eux avait échappé aux crocs de l’Empire d’O’ltormea. Même s’il était leur ennemi, les chevaliers d’O’ltormea ne pouvaient s’empêcher de reconnaître ses exploits. Ils ne pouvaient s’empêcher d’admirer la force qu’il avait et qui leur manquait, même s’il était de l’autre côté de cette guerre…

Je n’ai pas le choix. Mon seul espoir est de me concentrer sur le gain de temps…

C’était un choix qui ferait passer les choses de la pire conclusion possible à la deuxième pire conclusion. Moore n’avait pas la possibilité d’espérer obtenir plus que cela étant donné la situation. Réalisant comment les autres allaient réagir, Moore écarta amèrement les lèvres.

« Je vois… Vous êtes aussi intéressant que les rumeurs le laissent entendre. Vous avez attiré l’attention de l’Empire sur les lignes de front afin de pouvoir brûler nos entrepôts, tuant le corps expéditionnaire sans jamais les combattre… »

Il essaya de parler calmement afin de feindre la sérénité, mais il semblait que c’était peine perdue. Tous les regards de la salle s’étaient fixés sur Moore. Ryoma, lui, n’avait pas bougé d’un cil. Son sourire étant aussi détendu qu’avant. En voyant cela, Moore comprit que ses soupçons étaient fondés.

Je ne peux pas blâmer les chevaliers. Je ne’avais moi-même rien remarqué jusqu’à ce qu’on en arrive là.

Sentant les regards abasourdis de ses chevaliers sur lui, Moore se concentra pour garder intacte sa résolution défaillante. Il est vrai qu’il avait des soupçons, mais à mi-chemin de ses paroles, Moore sentit la pression s’abattre sur lui comme un étau qui se resserre.

Ils croyaient pouvoir utiliser leur vaste armée pour envahir unilatéralement Xarooda, mais il avait suffi de ça pour renverser complètement cette confiance. Les soldats étaient naturellement déconcertés. Ils croyaient que leur pays était dans une position de supériorité inébranlable, mais maintenant ils avaient l’impression d’être des imbéciles qui avaient dansé sur une fine couche de glace pendant tout ce temps.

Quel homme ! Il a calculé tout ça… Attendez, mais ça veut dire que les attaques de bandits sur les villages… Était-ce son œuvre ?

Les pièces du puzzle se mettaient en place dans l’esprit de Moore, formant une image complète. Les villes autour de Fort Notis avaient été attaquées en même temps, ce qui l’avait forcé à envoyer ses hommes, pour être ensuite attaqué au moment où la garnison était la plus faible. C’était un développement trop malheureux pour Moore. Si malheureux qu’il ne pouvait pas s’agir d’une coïncidence.

Mais comment sont-ils entrés dans le pays ? Les frontières avec Helnesgoula et Xarooda sont lourdement gardées… Attendez, non… Ce n’est pas possible, a-t-il… ?

Une seule option venait à l’esprit, mais c’était un chemin bien trop difficile à emprunter. D’un point de vue réaliste, il était impossible d’avoir des gardes sur l’ensemble des vastes frontières qui s’étendaient de part et d’autre d’Helnesgoula et de Xarooda. Après tout, il n’y avait pas de satellites ou de radios dans ce monde. Les routes reliant les villes étaient réparties sur l’ensemble du continent, et il était beaucoup plus facile de les sécuriser.

Mais si l’on quittait les routes et que l’on entrait dans les vastes forêts et montagnes situées à l’écart de la route, toute frontière nationale devenait vague. Et même si un pays délimitait une frontière sur la carte, il n’y avait personne pour garder ces frontières.

Seuls les points importants des routes et les villes étaient activement gardés. Donc si quelqu’un essayait de sortir des sentiers battus et traversait les forêts et les montagnes, il était théoriquement possible d’entrer dans n’importe quel pays. Certains de ceux qui gagnaient leur vie en combattant, comme les mercenaires et les aventuriers, et ceux qui opéraient en secret comme les bandits et ceux qui appartenaient à la pègre choisissaient souvent de le faire.

Mais déplacer une force militaire hors des routes était une tout autre affaire. Non seulement il était difficile de maintenir une ligne d’approvisionnement, mais la vitesse de marche devenait un problème majeur. L’absence de route pavée rendait impossible une marche à une vitesse satisfaisante. Et même si l’on choisissait de braver les dangers liés à la marche d’une armée sur une route sans chemin, il serait impossible de masquer complètement sa présence.

Aucun espion, aussi mauvais soit-il dans son travail, ne manquerait de les remarquer. Et plus l’armée était grande, plus elle avait de chances d’être découverte. Et il fallait renforcer ses rangs si l’on voulait traverser des terres infestées de monstres.

En plus de cela, les cartes étaient difficiles à trouver. Le repérage était une tâche qui incombait à l’administration du pays, et la topographie du pays était un secret militaire très bien gardé. Dans ces conditions, il était peu probable de disposer d’une carte fiable des régions frontalières, sans parler du territoire d’un pays rival.

Il fallait amener de nombreuses troupes pour assurer un passage sûr, mais il fallait minimiser leur nombre pour ne pas être repéré. Ces deux conditions contradictoires étaient toutes deux aussi importantes l’une que l’autre.

Ainsi, si franchir les frontières en sortant des routes n’était pas sans précédent dans ce monde, tactiquement parlant, c’était comme compter sur un pari payant pour réussir. C’était l’équivalent de s’accrocher à un miracle.

Mais ce miracle était devenu une réalité ici même. De la pire façon possible pour l’Empire d’O’ltormea…

« Alors tout cela faisait partie de votre plan… ? », demanda Moore.

« Oui. Mais je ne vous mentirais pas en disant que ça a demandé pas mal de travail », dit Ryoma en haussant les épaules.

Moore comprit rapidement ce que Ryoma voulait dire par là.

« Les attaques des bandits étaient dispersées dans une large zone autour de Fort Notis. Vous avez divisé vos forces en petites unités qui ont traversé la frontière et ont commencé à attaquer les villes et les villages. »

« Oui. L’important était de ne pas attirer l’attention sur nous depuis que nous avons quitté Memphis. Le reste consistait à choisir des routes que les chevaliers de Xarooda et certains des irréguliers du général Belares connaissaient bien. C’était un énorme pari, mais ça a marché. »

Par ailleurs, les routes utilisées par les chevaliers de Xarooda étaient les mêmes que celles empruntées par Ryoma pour fuir Shardina après avoir tué Gaius. La même bande de forêt, au nord des plaines de Notis. Ryoma n’imaginait pas que ce peu d’expérience puisse s’avérer utile maintenant.

« Les irréguliers de Belares ? La Brigade de la Lune Cramoisie… »

C’était des forces privées organisées par le défunt Général Belares. Elles n’étaient en fait rien de plus que des bandes d’anciens bandits, et elles étaient toujours aussi impitoyables qu’au moment de leur activité. Les noms de ces groupes de bandits étaient assez détestés par les habitants orientaux d’O’ltormea.

« Je suppose qu’on leur a ordonné à l’avance de se familiariser avec la topographie d’O’ltormea. Je m’en suis simplement servi. »

« La fin justifie les moyens, c’est ça ? »

« Oui. Même les criminels ont leur utilité. Et si je peux les utiliser pour remporter cette victoire… »

Ryoma s’était arrêté, ce sourire calme toujours sur ses lèvres.

Ryoma savait parfaitement que la Brigade de la Lune Cramoisie était une bande de criminels vraiment vicieux. Il avait croisé leurs lames une fois lorsqu’il s’échappait d’O’ltormea. Si Ryoma n’avait pas sauvé Laura et Sara à l’époque, elles auraient perdu leur chasteté.

Ces bandits étaient à l’opposé du sens de la justice de Ryoma. Ce dernier les détestait, au point de vouloir les tuer jusqu’au dernier… Mais il n’allait pas laisser cette émotion l’emporter si cela lui coûtait une opportunité de victoire.

Qu’est-ce que cet homme… Comment ?!

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Partie 2

Cela ne voulait pas dire qu’il allait leur pardonner leurs actions. Il les supportait simplement tant qu’ils lui étaient utiles. Sentant les émotions de Ryoma dans son regard, Moore déglutit nerveusement. Un chevalier ou un guerrier n’aurait pas imaginé un tel plan. C’était quelque chose qu’un politicien âgé ou un diplomate pouvait imaginer. Sa volonté de fer sema la terreur dans le cœur de Moore.

Je ne peux pas le laisser partir d’ici vivant… Cet homme représente une trop grande menace pour l’Empire.

Même dans cette position désavantageuse, Moore savait qu’il avait une chance de sortir vainqueur. En supposant qu’il utilise pleinement la puissance de son épée magique et qu’il soit prêt à sacrifier la vie des soldats qui l’entouraient…

Mais Moore avait choisi de se battre plutôt que de fuir.

J’ai gagné plus qu’assez de temps… Maintenant, il faut régler ça.

« Affronte-moi en un contre un, Mikoshiba ! », déclara soudainement Moore.

Toutes les personnes présentes regardaient Moore avec stupeur. Toutes les personnes ici présentes savaient comment cette rencontre allait se terminer. Dans ce cas, s’il y avait une chance de renverser la situation, c’était par un combat entre les deux généraux.

Mais ce n’était que l’intérêt de Moore à l’œuvre. Logiquement parlant, Ryoma n’avait aucune raison d’accepter son défi. Moore était cependant convaincu que Ryoma ne le refuserait jamais. S’il était du genre à rejeter sa proposition, Ryoma ne se serait jamais montré ici pour commencer.

Et cela signifie que ce qu’il prépare n’a pas d’importance.

L’esprit combatif parcourut les membres de Moore. L’excitation courait dans son cœur. Ses muscles se gonflèrent et le sang circula violemment dans ses veines. Son chakra Muladhara se mit à s’ouvrir, déversant du prana dans son corps.

Moore arrêta silencieusement sa respiration, prenant le contrôle du flux de prana. Conformément à sa volonté, les deuxième et troisième chakras, Svadhishthana et Manipura, se mirent également en marche.

Je suis prêt… Je vais te tuer… Même si je dois mourir pour le faire !

Moore saisit son épée. Et comme si l’arme avait capté la volonté de son maître, le sceau gravé sur l’épée s’illumina d’une lueur bleutée.

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De la fumée noire s’échappa du grenier en feu. L’odeur des provisions carbonisées à l’intérieur emplissait l’air. Le son des épées qui s’entrechoquaient, de la mort et des cris résonnait tout autour.

C’était un massacre qui avait fait d’innombrables victimes.

Laura se tenait inébranlablement sur ce champ de bataille, le regard fixé sur la tour centrale illuminée par les flammes crépitantes.

« Laura, comment ça se passe de ton côté ? »

Une voix semblable à celle d’un carillon, accompagnée du cliquetis des armures, parvint à ses oreilles.

Cette voix était trop juvénile pour se trouver sur ce champ de bataille. Laura répondit à ces mots sans se retourner pour faire face à celle qui les avait prononcés.

« Tout s’est déroulé sans problème. Grâce à Maître Ryoma qui a retardé Moore, les entrepôts brûlent tous comme prévu. En supposant qu’ils essaient de les éteindre maintenant, le feu est trop violent pour être arrêté. Et même si Moore devait utiliser son épée magique et son pouvoir de manipulation de l’eau… »

Des cendres s’élevaient des entrepôts en feu devant eux. C’était le résultat de toute l’huile qu’ils avaient transporté avec le convoi qu’ils avaient amené. Peut-être que cette situation pouvait-elle être sauvée dès le début, mais le feu s’étant propagé si loin que rien ne pouvait être fait pour l’arrêter maintenant.

Bien sûr, si Moore, le commandant du fort, avait pris le commandement, il y aurait peut-être eu une lueur d’espoir de renverser la situation. Mais Ryoma le faisait patienter, rendant ce développement hautement improbable.

« Et comment les choses se sont-elles passées de ton côté ? », demanda Laura.

« Pas de problèmes en particulier, surtout depuis qu’ils ont cru que nous étions de leur côté… », répondit Sara tout en serrant une épée en fer ensanglantée.

« Le feu a soudainement jeté la chaîne de commandement dans un état de chaos, s’occuper des soldats d’O’ltormea a été simple. »

« Je vois. On dirait que tu t’en es sorti indemne… Je suis heureuse de voir que tu es en sécurité », acquiesça Laura en jetant un regard dans sa direction.

Elle pouvait se faire une idée de la situation rien qu’au ton de la voix de sa sœur, mais si Laura avait été vraiment inquiète, elle aurait considéré Sara différemment. Sara n’avait pas montré de mécontentement à l’égard de l’attitude de sa sœur, et s’était simplement tenue à ses côtés.

Sara ressentait la même chose. Elles avaient été trahies par leurs vassaux de confiance et vendues comme esclaves. Celui qui les avait sauvées, qui leur avait rendu leur liberté et leur dignité humaine était ce jeune homme. Pour les sœurs Malfist, rien ne comptait plus que sa vie. En effet, elles auraient mis de côté leurs propres vies si elles avaient pu sauver la sienne…

« À présent, Maître Ryoma est probablement… »

Sentant une légère pointe de tristesse dans la voix de Sara, Laura se tourna à nouveau vers sa sœur.

« Il est probablement en train de combattre Moore en tête-à-tête en ce moment ? », demanda-t-elle.

Laura n’avait évidemment aucun moyen d’en être certaine. Leur dernier conseil de guerre n’avait pas creusé aussi loin dans ce qui pourrait arriver. Mais Greg Moore avait une grande renommée militaire, et si Ryoma pouvait réclamer sa tête, les mérites qu’il obtiendrait à la conclusion de cette guerre seraient encore plus grands.

Cette perspective était trop attrayante pour qu’il la laisse passer, car il cherchait activement à accroître sa propre puissance et l’assise de la péninsule de Wortenia. Il manquait d’argent, de ressources et d’autorité. Compte tenu de sa personnalité, il n’était pas prêt à laisser passer cette chance de gagner plus de toutes ces choses à la fois.

« Je le savais… Ne devrions-nous pas aller l’aider ? » dit Sara, sa voix épaisse de chagrin et d’inquiétude.

Aussi fort que Moore puisse être, il pouvait toujours être vaincu s’il était supérieur en nombre. Mais Laura secoua simplement la tête en silence.

« Il n’a pas besoin de notre aide… Il n’accepterait pas ce match s’il ne pensait pas avoir de bonnes chances de gagner. Tu le sais aussi bien que moi, Sara. »

Ryoma avait recueilli un grand nombre d’informations en utilisant Simone et le clan Igasaki, et ces informations indiquaient que Ryoma était plus faible que Greg Moore.

Après tout, Moore était capable d’ouvrir ses chakras jusqu’au quatrième, le plus fort de tous : le chakra Anahata. Et même si Ryoma avait appris à manier la magie martiale, Moore avait vécu d’innombrables batailles et était considéré comme supérieur à Ryoma, aussi bien en tant que praticien de la magie qu’en tant que guerrier.

Et pour couronner le tout, il y avait la question de la puissance contenue dans l’épée magique de Moore. Même avec la constitution unique de Ryoma en tant que Rearth, cela ne suffirait pas à renverser l’avantage écrasant que Moore possédait en termes d’expérience et d’équipement.

Sara avait raison de s’inquiéter. Laura le comprenait parfaitement. Malgré tout, elle ne doutait pas que Ryoma finirait par gagner. Non… Elle s’accrochait désespérément à cette conviction.

« Nous devons seulement remplir nos rôles à la lettre. »

Elle prononça ces mots, du plus profond de son cœur.

Il était impossible qu’elle ne s’inquiète pas pour lui. Laura savait très bien qu’il n’y avait pas d’absolus lorsqu’il s’agissait de se battre. Il ne s’agissait pas de lui faire confiance ou non, c’était la simple émotion de vouloir être aux côtés d’un être cher.

Mais en même temps, elle savait qu’elles avaient des rôles importants à remplir. Donc même si elle s’inquiétait pour son maître, elle savait qu’elle devait valider sa confiance. Et sa voix était lourde du conflit entre ces deux émotions opposées.

« Nous avons lancé une attaque-surprise, et leur chaîne de commandement est en pagaille. Mais avec le temps, la situation va se calmer, et laisser les soldats O’ltormea s’en sortir vivants est trop dangereux. Alors, mets de côté tes préoccupations inutiles et concentre-toi sur ta tâche. »

Laura la regarda, ses yeux dégageant une volonté de fer. Mais Sara remarqua la façon dont ses épaules avaient tremblé, quoique très légèrement.

Laura…

Il y avait beaucoup de choses que Sara voulait dire. Mais elle capta les sentiments de Laura, et tourna de nouveau son regard vers la tour centrale, et partit en silence pour remplir son rôle.

*****

Au moment même où Laura et Sara avaient cette conversation, le combat entre Ryoma et Moore avait terminé son prélude. Les deux hommes se tenaient debout, les regards fixés l’un sur l’autre, alors que le combat approchait de son apogée.

Une faible lumière argentée éclairait le visage de Ryoma. Dans ses mains se trouvait un katana destiné au champ de bataille, dont la lame était plus épaisse que n’importe quelle hachette que les forgerons du clan Igasaki n’avaient jamais forgée. Il s’appelait Kikoku, c’était un katana forgé par un maître artisan, et capable d’égaler les plus légendaires katanas japonais.

Ryoma lécha légèrement ses lèvres sèches, tenant le katana sous son bras comme pour le dissimuler derrière sa grande taille.

Moore, la Frappe Volante…

L’homme qu’il affrontait avait deux alias, et c’était le deuxième. En y repensant, Ryoma était rempli d’excitation. S’il devait prendre le plan le plus sûr possible, il aurait dû demander aux soldats d’Helnesgoula derrière lui de charger et d’attaquer l’ennemi.

Mais cela aurait manqué de tact, sans parler du style.

Les deux méthodes lui auraient permis de sauver la vie de Moore, mais la méthode qu’il aurait choisie aurait déterminé sa récompense.

J’aime tellement ce genre de frisson… C’est comme si ma colonne vertébrale picotait non-stop…

Régler les choses par un duel était rare sur le champ de bataille. En tant que telle, la suggestion de Moore était une aubaine pour Ryoma. L’air qui tourbillonnait autour du corps de Moore correspondait tout à fait à celui de son grand-père, Koichiro : c’était l’odeur d’un guerrier fort et puissant.

Et en effet, la puissance de Greg Moore au sabre se répercutait jusque dans les royaumes voisins. Tuer un guerrier aussi glorieux serait un accomplissement incommensurable. Il serait en mesure de poser davantage de conditions à Lupis pour développer davantage la péninsule de Wortenia, et son propre nom serait vénéré à travers le continent.

À cet égard, ce match était une opportunité inestimable. Mais même en mettant de côté tous ces calculs, Ryoma était profondément exalté.

« Ooooooooooh ! »

Moore éleva la voix dans un cri de guerre, balançant son épée au-dessus de sa tête. La vigueur de son cri fit trembler l’air de la pièce. L’abondant prana qui traversait le corps de Moore activa le sceau magique gravé sur la lame de l’épée.

Il y avait encore dix mètres de distance entre les deux, mais Moore était resté immobile. Il balança alors la lame vers le bas. L’instant d’après, un croissant invisible fut tiré le long de la trajectoire de cette lame, en direction de Ryoma.

Ce dernier sortit immédiatement sa lame, comme en réaction à l’attaque. Une onde de choc parcourut les mains de Ryoma, et une éclaboussure de sang jaillit d’une de ses épaules.

« Kuh… ! »

Si le katana n’avait pas endigué l’onde de choc, le bras de Ryoma aurait probablement été sectionné le long de l’épaule. Une douleur sourde émanait de son épaule gauche, mais l’esprit combatif dans ses yeux n’avait pas fléchi le moins du monde.

***

Partie 3

C’est donc la force d’une épée magique d’eau, chuchota Ryoma en voyant les gouttelettes d’eau courir sur la lame. Je n’aurais jamais su la bloquer si je n’avais pas fait de recherches à l’avance.

Ce n’était pas différent d’un laser d’eau utilisé à des fins industrielles. Ryoma en avait vu un une fois, dans une émission de télévision. Cela fonctionnait en envoyant un jet d’eau sous haute pression à travers un petit trou, et c’était utilisé pour couper le métal. Il ne connaissait évidemment pas les détails exacts, mais cette épée fonctionnait probablement sur un principe similaire.

Sauf que cette fois, il n’y avait pas de machine en place, et l’épée de Moore n’avait pas de capacité innée à comprimer l’eau. Il ne portait pas non plus de réservoir d’eau. Les seules choses en jeu ici étaient le prana de Moore et la magie appliquée sur la lame, et rien de plus. Cela en faisait une méthode d’attaque très facile à utiliser.

Il lance un jet d’eau rapide en fonction de l’élan… Ce qui signifie que cette attaque a une puissance similaire à celle qu’il aurait eue s’il avait envoyé sa lame me frapper.

Une lame d’eau volante… D’un point de vue conceptuel, ce n’était pas différent d’une attaque de type slash, mais la force derrière cette attaque était énorme. Elle permettait à Moore d’attaquer d’un côté tout en gardant sa distance. Et contrairement à la magie verbale, il n’avait pas besoin d’un chant pour activer cette attaque.

Sur le champ de bataille, où chaque fraction de seconde pouvait faire la différence entre la vie et la mort, c’était un avantage écrasant. Non seulement elle augmentait la portée de sa lame, mais si elle était utilisée horizontalement, cette attaque pouvait s’avérer une menace pour les groupes d’ennemis.

Cela ne voulait cependant pas dire que cette technique n’avait pas ses défauts. La lame d’eau elle-même était d’une rapidité aveuglante, mais le fait qu’elle dépende du mouvement de Moore signifiait que l’adversaire pouvait prédire le moment et la trajectoire de l’attaque. En balançant correctement ses bras et en fixant ses jambes au sol, tout adversaire pouvait potentiellement bloquer l’attaque.

C’est effectivement une arme délicate à affronter… Mais elle est tirée le long de la trajectoire de l’épée, et je peux gérer ça… Donc pas encore. Je peux me débarrasser de ça sans magie martiale, du moins pour l’instant.

Jetant un coup d’œil rapide derrière lui, Ryoma leva son katana en position intermédiaire et se prépara à la prochaine attaque. Le tenir derrière lui ne lui permettrait pas de réagir à temps à la lame d’eau rapide.

La lame d’eau devrait être plus efficace lorsque la cible se trouve dans un rayon de 20 mètres de son corps.

C’était une estimation, mais Ryoma était sûr qu’elle était exacte. En effet, l’entaille dans son épaule avait rebondi sur l’armure des soldats d’Helnesgoula. C’était la preuve que la pression et la vitesse appliquées à l’eau diminuaient selon les lois de la nature.

Comparé aux lasers d’eau du monde de Ryoma, sa portée était longue, mais s’il s’agissait vraiment d’un monde fantastique qui ignorait les lois de la physique, le coup de Moore n’aurait pas été affaibli, il aurait coupé les soldats.

À cet égard, le fait que la lame d’eau soit composée uniquement d’eau était un problème. Si l’eau avait contenu des composés abrasifs en poudre ou des roches, elle aurait été plus mortelle, mais l’eau ordinaire n’avait pas un grand potentiel de coupe. Elle aurait pu être assez puissante pour couper la chair humaine, mais pas une armure d’acier épaisse. Le fait que la lame du katana n’ait même pas fléchi sous l’effet du choc avec l’eau en était la preuve.

La lame n’en sortit pourtant pas entièrement indemne. Remarquant une entaille dans la lame, Ryoma fit claquer sa langue et lut l’état d’esprit de Moore.

Il se méfie de ma portée. Il essaie probablement de me tenir en échec avec l’attaque longue portée de son épée magique.

Ryoma fixa Moore, guettant le moindre de ses mouvements. Fidèle aux prédictions de Ryoma, Moore fit claquer sa langue lorsque sa première attaque fut bloquée, mais il leva à nouveau son épée au-dessus de sa tête. Puis, il la balança vers le bas, déchaînant un autre coup d’eau sur Ryoma.

Un coup. Puis un deuxième. Et un troisième. Une rafale d’attaques consécutives assaillit Ryoma, sans lui laisser le temps de respirer. Moore était passé d’un coup partant de la tête à un coup latéral droit, puis à un coup latéral gauche. La lame sifflait dans l’air.

Et tandis que Ryoma bloquait un coup d’eau après l’autre, il sentait une prémonition s’installer.

C’est la même chose qu’avant ? Non, ces coups sont trop monotones…

S’il ne faisait que se balancer vers le bas, il était facile de suivre le rythme de ses coups et de les éviter. Pourquoi le faisait-il délibérément ? La réponse à ce doute était vite apparue.

Au moment où l’épée fut balancée vers le bas une troisième fois, Moore garda la lame vers le bas et la balança vers le haut en un coup croisé. Si Ryoma n’avait pas été préparé à cela, il aurait probablement été frappé sur son flanc sans défense.

Ryoma coupa les lames d’eau successives avec son katana et reprit avec vigilance une posture de niveau moyen.

Il est passé d’un coup vertical à un coup horizontal. Très bien. C’est donc ça qu’il visait.

Il avait répété une séquence d’attaques monotones pour conditionner Ryoma, puis avait soudainement brisé son timing pour déclencher une attaque différente. Si Ryoma avait été un tout petit peu négligent, il serait mort.

Les deux hommes s’étaient regardés fixement. Les chevaliers d’O’ltormea et d’Helnesgoula qui les entouraient déglutissaient nerveusement en regardant le duel.

Si je reste sur la défensive comme ça, je ne le battrai jamais. Est-ce qu’il est pire que je ne le pensais ?

Ryoma devait réduire la distance entre lui et Moore s’il voulait gagner. À l’inverse, Moore n’avait qu’à maintenir son barrage de coups d’eau à longue portée jusqu’à ce que la position de Ryoma se brise inévitablement. Et son attaque finale ne serait probablement pas un coup d’eau, mais plutôt…

Il cherche probablement à me tuer le plus rapidement possible… Non, c’est peut-être là que se trouve ma chance.

L’option qui avait traversé l’esprit de Ryoma était l’attaque la plus rapide possible pour une épée, et il avait prédit que Moore allait tout miser là-dessus. Mais l’instant d’après, Moore avait trahi ses attentes. Plutôt que de se concentrer sur le combat à distance, il sprinta en avant et réduisit la distance entre eux.

Le troisième chakra de Moore, le chakra Manipura, agissait rapidement, conférant à son corps une force et une agilité surhumaines. C’était la vitesse d’un animal enragé. Et en un clin d’œil, des étincelles volèrent entre les deux combattants et un cri métallique strident retentit.

Pendant un instant, la forme massive de Ryoma s’était élevée dans les airs. Son corps fut projeté en arrière pour tenter de repousser l’élan de Moore.

Merde, c’était proche. Il a gardé mon attention fixée sur son attaque à longue portée pour pouvoir réduire la distance… Pas mal.

Ryoma affichait un sourire indomptable alors qu’un filet de sang coulait sur sa joue. Le goût ferreux du sang emplit sa bouche. Au moment où Moore avait réduit la distance, ce dernier avait lâché un coup d’eau qui avait effleuré le visage de Ryoma. Puis, utilisant l’attaque à longue portée pour le tenir en échec, Moore avait refermé la distance en une seule fois et avait transformé le combat en mêlée.

C’était un style de combat imprudent pour un mage verbal, qui avait besoin de temps pour chanter. Et en plus de cela, la lame de Moore avait laissé une marque sur le katana de Ryoma. Une profonde entaille était visible sur la lame tranchante comme un rasoir.

Je n’arrive pas encore à contrôler complètement Kikoku, il a donc l’avantage en ce qui concerne les prouesses de son arme… Si on continue à s’affronter comme ça, la lame va se casser.

Kikoku était un katana de guerre offert par le clan Igasaki, une arme d’une qualité inégalée. Mais contrairement à l’épée magique de Moore, elle ne bénéficiait pas des grâces de la magie.

Ou, pour être plus précis, ce katana ne montrerait pas ses véritables pouvoirs tant qu’il n’aurait pas reconnu Ryoma Mikoshiba comme son maître.

En d’autres termes, Kikoku, tel qu’il était à ce moment-là, n’était pas différent d’un katana ordinaire en termes de durabilité. Sa lame pouvait être entaillée, et selon la situation, elle pouvait se casser.

Il était meilleur qu’une arme ordinaire, dans la mesure où le fait de le placer dans son fourreau lui permettait de se réparer naturellement. Mais quand même, il pouvait se casser. Et on ne pouvait pas en dire autant de l’épée magique de Moore. Les éclaboussures de sang ne pouvaient pas émousser la lame, et le fait qu’elle soit chargée du prana de son propriétaire augmentait considérablement sa durabilité.

Ryoma pouvait utiliser la magie, mais Moore l’éclipsait de loin en termes d’expérience de magie martiale. Et cet affrontement fit réaliser à Moore que la lame de Ryoma n’avait pas de magie appliquée.

Mais ce n’est pas grave. Les faibles ont leur propre façon de se battre. Je dois juste ajuster mes tactiques pour tenir compte de mes faiblesses.

Il y avait une différence dans les capacités de leurs armes, et Ryoma avait senti une nette disparité dans leurs compétences en magie lorsqu’ils s’étaient affrontés. En termes de force, Ryoma n’était pas à la hauteur de Moore.

Mais si une personne plus forte avait plus de chances de gagner, cela ne voulait pas dire qu’une personne plus faible était condamnée à perdre.

Piéger quelqu’un dans son sommeil, attaquer en grand nombre, prendre sa famille en otage, utiliser du poison… Tant qu’ils n’étaient pas accablés par l’éthique et le poids de leur réputation, il était parfaitement possible pour les faibles de vaincre ceux qui étaient plus forts qu’eux.

Et même si quelqu’un n’était pas aussi désespéré, tant qu’il n’abandonnait pas, un moyen de gagner pouvait toujours se présenter. C’était quelque chose que le grand-père de Ryoma lui avait appris depuis son enfance, et est pourquoi il ne reculait jamais devant un combat.

Dès qu’il se rendra compte de la différence entre nos armes et notre magie martiale, il deviendra arrogant et m’attaquera immédiatement. Il devrait être en colère en ce moment même. La prochaine attaque devrait décider…

Dans quelques secondes, le moment décisif arrivera. Et cela donnera une chance à Ryoma.

***

Partie 4

Le bruit des lames qui s’entrechoquaient résonna autour d’eux alors que leur duel intense continuait. Après plusieurs instants de poussée, l’un contre l’autre, les deux ombres imbriquées firent un bond en arrière.

Ils avaient déjà répété ces échanges plusieurs fois. Tous deux respiraient lourdement, leurs épaules se soulevant et s’abaissant à chaque halètement.

« Tu es plus fort que je ne le pensais… », chuchota Moore, alors que Ryoma levait une fois de plus avec vigilance son katana dans une posture de niveau moyen.

Les coups d’eau de son épée magique n’avaient pas été aussi efficaces qu’il l’avait espéré, et même après s’être tourné vers le combat de mêlée, il n’avait pas réussi à vaincre Ryoma.

Je n’avais jamais imaginé une telle tactique. C’est donc le style de combat de cet homme… un étranger.

Moore était victime d’un gros malentendu. Il avait pourtant une longue carrière derrière lui, mais c’était la première fois qu’il affrontait un étranger en combat singulier. Le style de combat de Moore était l’incarnation même de la robustesse. Il augmentait son corps bien bâti avec la magie martiale et martelait son adversaire jusqu’à la défaite. C’était un style de combat simple et direct qu’il connaissait bien.

La plupart des chevaliers de ce monde employaient ce style de combat direct qui utilisait la force musculaire au maximum. Le style de Ryoma, en comparaison, utilisait sa force innée, mais avait aussi la flexibilité d’utiliser la force de l’adversaire contre lui. C’était à la fois dur et doux.

Ryoma ne préférait pas l’un ou l’autre, car pour lui, l’objectif du combat était de tuer ses adversaires. Quand le besoin s’en faisait sentir, il s’appuyait sur la dureté pour bloquer les coups. Mais d’autres fois, il détendait son corps et utilisait la douceur pour dominer.

En mélangeant ces styles, il utilisait le flux et le reflux de la puissance de son corps, en utilisant la souplesse pour s’opposer à la dureté. C’était une première pour Moore, qui avait l’habitude de combattre des adversaires qui utilisaient les mêmes tactiques que lui.

Par sa nature même, le style doux exigeait de détecter le flux de la puissance de l’adversaire et de le contrôler, ce qui demandait beaucoup de technique et de concentration. Il fallait rester parfaitement concentré sur son adversaire, et très peu de personnes pouvaient y parvenir dans l’environnement unique d’un champ de bataille. Même le professeur de Ryoma, Koichiro, aurait probablement du mal à faire de même.

Bien sûr, Moore ne savait rien de tout cela, mais il pouvait dire clairement, par expérience, que le style de combat de Ryoma était différent de tout ce qu’il avait connu auparavant.

Mais qu’il en soit ainsi. Cela ne change rien à ce que je dois faire.

Pour obtenir la victoire, Moore avait rassemblé des informations petit à petit, les examinant méthodiquement pour gagner.

Est-ce que je dois utiliser un coup d’eau pour diminuer son endurance ? Non, il peut même en bloquer une rafale. Ça le grifferait, mais ce ne serait pas un coup fatal. C’est juste un gaspillage de Prana.

Bien sûr, même une égratignure compte comme un dommage. Une grande quantité de petites blessures pouvait conduire à plus de saignements, ce qui entraînerait une baisse de l’endurance. Mais infliger chacune de ces égratignures avec le coup d’eau consommerait une quantité considérable de prana.

Dans le commerce comme dans le combat, la rentabilité était cruciale. Les retours devaient correspondre à l’investissement que l’on mettait dans chaque action. Le regard de Moore se tourna un instant vers la lame dans ses mains. La magie dotée ne nécessitait pas de chant, ce qui la rendait plus pratique, mais ce n’était pas un pouvoir parfait ou idéal.

La quantité de prana qu’elle consommait était un problème majeur lors des combats. Même un guerrier expérimenté comme Moore, capable d’utiliser son troisième chakra à pleine puissance, ne pouvait ignorer la quantité de prana qu’il consommait. En plus de faire fonctionner ses trois chakras en permanence, il devait également charger son épée en prana. Moore finirait par épuiser ses grandes réserves. Même la voiture la plus efficace serait rendue inutile sans essence.

Alors, est-ce que je dois régler ça par une bataille en mêlée ?

Moore dut immédiatement rejeter cette idée.

Non, s’il reste sur la défensive comme ça, je ne pourrai pas lui porter le coup de grâce. Même un combat au corps à corps serait trop long. Et si cette bataille s’éternise, je perdrais au moment où mon prana sera épuisé.

En termes de force globale, Moore était supérieur à Ryoma, mais cette évaluation n’était pas absolue lorsqu’il s’agissait des conditions limitées d’un duel en tête-à-tête. La supériorité de Moore provenait de sa plus grande maîtrise de la magie martiale. Cela signifiait qu’une fois qu’il aurait épuisé son prana, Moore ne redeviendrait rien de plus qu’un chevalier ordinaire.

Bien sûr, cela ne signifiait pas que Moore était terriblement faible dans cet état. Mais s’il n’avait pas pu tuer Ryoma avec cette puissance à ses côtés, il ne pourrait naturellement pas le faire sans elle.

Moore était actuellement confronté à une bête carnivore qui était un mélange d’intelligence humaine, de force animale et d’une volonté de fer. Lui montrer la moindre ouverture inciterait cette bête à se jeter sur lui et à lui déchirer la trachée en lambeaux.

En termes de technique pure, il est probablement plus fort…

Moore utilisait la magie martiale, Ryoma, en comparaison, ne l’utilisait pas. C’était une vérité amère, mais Moore devait l’admettre. Combattre signifiait faire face à la réalité. Mais cette réalité était quelque chose que seuls les deux participants de ce duel pouvaient voir pour le moment.

« « « Ooooh ! Victoire du Seigneur Moore ! Gloire à O’ltormea ! » » »

Les acclamations des chevaliers O'ltormean résonnaient aux oreilles de Moore. Le duel donnait l’impression que Moore faisait pleuvoir les coups sur Ryoma de façon unilatérale, et cela remplissait les soldats d’un moral brûlant. Et contrairement à Ryoma, Moore n’était pas blessé. Tout le monde était convaincu que Moore était en train de gagner.

Tch. Bande d’idiots, personne ne vous a demandé de faire ça… Moore jura dans son souffle, jetant un coup d’œil furtif autour de lui.

Normalement, ces acclamations auraient dû lui faire plaisir et le pousser à continuer. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne savait pas comment gérer cette situation, et leurs encouragements inconscients ne faisaient que l’agacer. Et pire encore, cette sensation désagréable dans sa jambe grandissait peu à peu, et cela lui pesait sur le cœur.

Ça fait bizarre de marcher dessus… C’est probablement ce qui a bloqué ma rafale… Je savais que j’aurais dû la laisser guérir plus longtemps…

La façon dont on plantait ses pieds était cruciale pour porter une rafale de coups, mais il n’y arrivait pas maintenant. Cette sensation d’inconfort, cet écho d’une blessure qui ne pouvait jamais guérir, mais qui se trouvait toujours quelque part dans son corps le tourmentait constamment de la plus petite des manières. Pour compenser cela, il devait se détacher de sa forme habituelle, mais cela n’aboutissait qu’à une perte d’équilibre et cela rendait la douleur encore plus forte.

Je vais donc être obligé de me battre en mêlée… C’est la seule solution.

Il avait déjà refusé cette option, mais il s’était rendu compte qu’il n’avait pas d’autre choix.

Dans ce cas…

Il avait encore un dernier atout qu’il avait gardé dans sa manche. L’utiliser signifiait que Moore paierait un prix élevé, et une fois qu’il aurait utilisé cet as, il ne serait plus utilisable. Mais il avait pris sa décision. Même renforcé par la magie martiale, le maniement du sabre exigeait qu’il pose fermement ses pieds sur le sol.

Encore un peu de temps… Attends, juste un peu plus longtemps…

Regardant encore une fois sa jambe lancinante, Moore leva son sabre au-dessus de sa tête. La soif de sang qu’il libéra était devenue vive, comme une lame. La lame balancée au-dessus de sa tête s’illumina d’un coup, comme une lampe.

« Meuuuuuuurt, Mikoshibaaaaaa ! », cria Moore dans un cri de guerre.

À ce moment précis, son quatrième chakra, le plus fort, se mit à tourner à toute vitesse. Il avait prétendu se préparer à un combat prolongé afin de tout miser sur ce coup.

Premier coup, une entaille diagonale le long de l’épaule depuis le haut.

La magie martiale renforçait son corps, et ce bienfait s’étendait à ses réflexes et à la vitesse de ses pensées. L’instant même s’éternisa, durant plusieurs fois le temps qu’il l’était en réalité.

La lame de Moore s’abattit depuis sa position supérieure gauche, et alors qu’elle se déplaçait vers la droite, Moore la chargea d’une grande quantité de prana, formant une lame d’eau plus grande que tout ce qu’il avait produit jusqu’à présent. Le sabre pivota vers le bas, prolongeant encore plus la longueur de sa lame.

Deuxième coup, un balayage à droite.

Ensuite, la lame sauta vers le haut, déchaînant un autre coup d’eau sur le flanc droit de Ryoma.

Tch… il l’a bloqué.

Le katana dans les mains de Ryoma bloqua les coups d’eau avec sa lame épaisse. Si tout s’était déroulé normalement, l’offensive de Moore aurait pris fin. Mais cette fois-ci, c’était différent. Il avait alors un troisième schéma d’attaque, un schéma qu’il n’avait pas montré jusqu’à présent. Il ne pouvait pas l’utiliser fréquemment, mais le sabre de Moore était capable de faire plus que se balancer vers le bas. Il pouvait lancer trois attaques consécutives.

Par sa nature même, le poids et la longueur d’un sabre rendaient difficile la déviation du coup lorsqu’il était porté. En plus de cela, l’épée de Moore avait été fabriquée selon ses propres spécifications. Elle mesurait près de 1,5 mètre de long et était presque deux fois plus épaisse qu’une épée standard utilisée sur le champ de bataille.

Son poids dépassait les dix kilogrammes. Et si elle n’était pas trop lourde quand il s’agissait d’un simple soulever, c’était une tout autre histoire lorsqu’il s’agissait de la brandir comme une arme. En comparaison, une épée typique à une main pesait en moyenne 1,5 kilogramme. Un sabre à deux mains pesait le double, entre trois et cinq kilos. L’épée de Moore pesait environ trois fois plus qu’une épée standard.

De plus, le fait de balancer une épée appliquait une force centrifuge qui multipliait son poids. Le maniement de cette arme exigeait un effort considérable. Pour utiliser cette seule arme, Moore devait tempérer son corps à la perfection et maîtriser la magie martiale. Et même avec tout cela, la manier n’était pas une tâche facile.

Les yeux de Moore se fixèrent sur la silhouette épuisée de Ryoma. Il semblerait que l’effort nécessaire à bloquer cette rafale de coups d’eau l’avait finalement vaincu.

Tu as baissé ta garde, idiot !

Moore avait pris le temps de conditionner Ryoma. Tous les coups et les balayages qu’il lui avait montrés jusqu’à présent étaient destinés à créer une situation où Moore pourrait lancer une attaque-surprise fatale.

Prends ça !

Le sabre s’enfonça dans les mains de Moore, son poids étant augmenté par la force centrifuge. Il s’opposa ainsi à la loi de l’inertie, forçant chaque muscle de son corps à arrêter le mouvement circulaire de l’épée. Cet exploit téméraire déchira les muscles et fit craquer les tendons. La pression exercée sur son pied était particulièrement dure.

Mais Moore résista à la douleur. Il serra les dents si fortement que le goût du sang se répandit dans sa bouche. C’était la plus rapide des techniques de Moore. Une poussée qui frappait l’ennemi avec toute la puissance et la force que son corps pouvait rassembler.

Poussée… Décisive !

Il misa tout ce qu’il avait sur ce moment. Avec cette émotion au cœur, il dirigea tout le prana de son corps vers le chakra Anahata et s’accroupit pour concentrer toute sa force.

Mais l’instant suivant, leurs chemins se croisèrent, un étrange son métallique retentit et des étincelles rouges volèrent dans l’air. En cet instant, les deux ombres sprintèrent sur une distance de plusieurs dizaines de mètres. Le silence planait sur la place.

Qu’est-ce que… ?

Quelque chose coula dans le cou de Moore. Quelque chose avec une sorte de chaleur étrangement familière… Ses voies respiratoires et son œsophage furent ouverts. Quelque chose de chaud bouillonnait au fond de la gorge de Moore, et du sang rouge s’écoulait d’entre ses lèvres. Moore tomba alors en arrière, toute la force de son corps se vidant.

Il… Il a utilisé… la magie martiale…

Moore vit ce que Ryoma avait fait. C’était un exploit qui ne pouvait s’expliquer que s’il avait utilisé la magie martiale. Il avait réduit la distance qui les séparait à une vitesse surhumaine, poussant son katana de toutes ses forces pour effleurer le fond de l’épée longue, le repousser et trancher le cou de Moore.

À ce moment, Moore comprit ce que Ryoma voulait faire. Il avait compris la signification du sourire posé sur les lèvres de Ryoma alors qu’il regardait Moore en train de mourir…

« Votre Altesse… Pardonnez-moi… »

Alors que sa conscience s’éteignait, Moore prononça ses derniers mots. Des mots d’excuse à Shardina, qui se battait sur les terres de Xarooda. Des mots qui déploraient son échec.

Tout en sachant très bien que ses excuses ne servaient qu’à se satisfaire…

***

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