Wortenia Senki – Tome 4 – Chapitre 3 – Partie 2

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Chapitre 3 : Clash

Partie 2

Mais si c’est vrai, ma famille… Ma femme et mes petits-enfants…

S’ils devaient être emmenés en captivité, il paierait leurs rançons. S’ils étaient vendus à des esclavagistes, il rachèterait leur liberté. Mais s’ils tombaient entre les mains du diable d’Héraklion… Cet homme ignorerait toute dignité envers les nobles et massacrerait femmes et enfants.

Le cœur du comte Adelheit était enchaîné par la peur. Ses fils, qui se tenaient à ses côtés, comprenaient parfaitement la raison de l’expression perplexe de leur père, mais ne trouvaient pas les mots. Non, il était probable que tous ceux qui étaient présents dans la tente ne voulaient rien d’autre que quitter cet endroit pour aider leur famille…

« Monsieur le comte ! Toutes mes excuses ! »

Un soldat était entré dans leur tente, apparemment pour signaler quelque chose.

« Qu’est-ce qui se passe ?! »

Le comte Adelheit le regarda froidement, agacé d’avoir été distrait de ses pensées, et lui fit un signe dédaigneux de la main.

« J’ai dit que nous ne devons pas être dérangés ! »

« Oui, j’en suis conscient, mais… Le vicomte Romane et plusieurs autres nobles sont arrivés, disant qu’ils veulent une audience avec vous… Je leur ai fait part de vos ordres, mais ils insistent sur le caractère urgent… Euh… Que dites-vous ? », bégayait timidement le soldat.

Le comte soupira. Il devait savoir pourquoi le vicomte Romane était arrivé.

« Très bien. Guidez-les ici… »

En regardant le soldat partir, le comte Adelheit parla à son fils aîné.

« Qu’en penses-tu ? Alors, c’est vraiment… »

« Mon opinion est probablement la même que la tienne, père… »

« Alors tu le penses aussi… Que devons-nous faire ? »

Le comte Adelheit était fier d’avoir élevé son fils aîné en homme sage.

Il est du même avis que moi. Au moins, ce n’est pas un imbécile… Cependant…

« C’est sans doute mieux si nous retirons nos troupes, même si c’est par la force… Rester ici ne va pas nous remonter le moral et je ne crois pas que nous allons gagner. Et plus on mettra de temps à nous retirer, plus il y a de chances que nos soldats enrôlés se révoltent. »

Ils voulaient rentrer chez eux s’ils le pouvaient, mais les nobles ne pouvaient pas se retirer de cette bataille aussi facilement. En agissant de manière irréfléchie, ils seraient simplement considérés comme des traîtres et le reste de la faction de la noblesse se retournerait contre eux. Mais son fils avait suggéré le retrait, même en ayant cela à l’esprit.

Alors, que faisons-nous… ? Est-ce qu’on se retire, ou est-ce qu’on reste ici… ?

De multiples possibilités avaient surgi puis s’étaient évanouies dans son esprit, mais ses pensées avaient vite été perturbées par la voix d’un homme.

« Les mots de ton aîné sont des plus appropriés ! Cette guerre est presque terminée. »

Le soldat lui avait probablement montré le chemin. Six hommes vêtus d’une armure étaient entrés dans la tente.

« Oh, vicomte Romane… »

Le comte Adelheit s’adressa à l’homme d’âge moyen qui se tenait au milieu de la rangée.

« C’est un plaisir de vous voir… Mais quand même, pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez dire ? Nous ne pouvons pas simplement faire demi-tour et retourner sur nos territoires avec la princesse Lupis qui nous marche dessus. »

Romane était un petit homme d’âge moyen, qui s’installa impoliment sur une chaise sans y être incité et croisa les bras effrontément. Sa conduite était bien plus grossière que ce qui était normalement toléré par la noblesse, mais personne ne lui en avait fait porter le blâme. Ils savaient que dire n’importe quoi serait un effort gaspillé.

« Épargnez-moi mon manque de courtoisie, cher comte. Nous n’avons pas le temps pour ça maintenant… Nous allons retourner sur nos territoires », dit le vicomte sans ambages.

Mais la brutalité de tout cela n’avait fait que donner plus de crédibilité à ses paroles.

« Quoi ?! »

Le comte Adelheit avait pâli.

Est-il devenu fou… ?!

Le vicomte Romane faisait partie de la faction du comte Adelheit, mais il avait toujours été un homme très hautain et extrêmement difficile à traiter. Mais cette nature lui conférait aussi quelques traits positifs. C’était un guerrier habile, il était devenu une sorte de chef de file des nobles de bas rang.

Les nobles de rang inférieur n’avaient chacun qu’une force comprise entre plusieurs dizaines et une centaine de soldats, ce qui en soi n’était pas une force avec lequel on pouvait faire la guerre. Tout au plus pouvait-elle être utilisée pour la sécurité des camps ou la gestion des réserves de nourriture. Mais même de si petites forces pouvaient devenir des effectifs importants lorsqu’elles étaient rassemblées.

Mais bien sûr, la simple coopération ne suffisait pas. Lorsque des personnes de même rang se rassemblaient, elles ne faisaient que se gêner mutuellement. C’était tout simplement comme cela que les nobles avaient tendance à être. Cependant, tant que quelqu’un détenait une autorité sur les soldats en tant que commandant, tout rassemblement d’hommes pouvait devenir une force utile.

Cela pouvait se faire par la dignité, l’intimidation ou la richesse. Tant que les gens étaient dirigés par quelqu’un ayant quelque chose qui les rendait supérieurs aux autres, n’importe quel pion sur l’échiquier pouvait être transformé en chevalier. C’était pourquoi le comte Adelheit supportait tacitement l’attitude du vicomte Romane.

Mais sa déclaration selon laquelle ils partiraient de leur propre chef était une chose sur laquelle il ne pouvait pas rester silencieux.

« C’est impossible ! », lui cria-t-il, rassemblant toute la dignité qu’il pouvait.

« Comment osez-vous faire cela selon vos propres désirs ?! Avez-vous l’intention de trahir le Duc Gelhart ?! »

Le comte Adelheit et le reste des nobles avaient déjà usurpé la faction du duc Gelhart en faveur du général Albrecht, mais étaient encore considérés techniquement comme l’armée du duc. Même s’il n’avait aucune autorité ou aucun pouvoir effectif, il était toujours nominalement la bannière sous laquelle ils se rassemblaient.

Mais le vicomte Romane considérait simplement le comte avec un ricanement.

« Vous dites cela maintenant, après tout ce qui vient de se passer ? Nous avons tourné le dos au duc Gelhart il y a seulement quelques jours. Aussi vieux que vous puissiez être, cher comte, je suis sûr que votre vieil esprit se souvient encore de ce qui s’est passé il y a quelques jours. »

Sa voix était épaisse et clairement méprisante, ce à quoi les aides du comte avaient réagi en sortant leurs épées.

« Arrêtez ! »

Le comte Adelheit empêcha ses hommes d’abattre le vicomte. Il avait alors montré une expression résignée vers l’homme.

« Vous avez raison. Il est inutile d’essayer de sauver les apparences à ce stade. Alors, venons-en à la question principale… Pourquoi ? »

Il demanda au vicomte pourquoi il avait décidé de se retirer sur son territoire. Il avait déjà une assez bonne idée de ce qu’il allait dire, mais il voulait l’entendre directement de sa bouche. Ce faisant, il pourrait aussi décider lui-même de la manière d’agir.

« Est-ce que ça a besoin d’être dit… ? »

Le vicomte Romane était devenu rouge d’irritation.

« À cause des rumeurs… »

Il était probablement très irrité.

« Je le savais… Alors elles sont vraies… ? »

Le vicomte Romane secoua la tête.

« Vous battez donc en retraite sans confirmer les rumeurs… Vous tous… ? »

Le comte Adelheit regarda les jeunes hommes qui se tenaient derrière le vicomte.

Un jeune homme s’avança pour rencontrer son regard.

« Nous ne pensons pas que l’authenticité de ces rumeurs soit importante à ce stade, monsieur le comte », dit-il.

Le comte Adelheit ne se souvenait pas de son nom.

C’était sûrement un des nobles de bas rang sous le vicomte Romane.

« De quelle maison êtes-vous originaire, jeune homme ? »

« De Lechre, c’est le fils aîné de la famille du baron Mondo. Je l’ai pris sous mon aile. Son père est un parfait bon à rien, mais Lechre est un jeune homme très prometteur. C’est mon aide le plus précieux. », répondit le vicomte Romane.

Le regard du comte Adelheit prit en considération cette introduction.

Le fils aîné de la famille Mondo… On dit que son père, l’actuel gouverneur, est un imbécile, mais j’ai entendu dire que son fils est assez impressionnant… Et bien sûr…

Il y avait plusieurs centaines de nobles à Rhoadseria. La plupart des nobles connaissaient la plupart des autres, mais le comte Adelheit était le numéro deux de la faction des nobles. Pour lui, la majorité des nobles n’était pas différente de la populace.

Mais il connaissait un peu la maison des Mondo. Le gouverneur actuel, le père de Lechre, avait soudainement commencé à augmenter les taxes pour entrer sur son territoire. À cause de cela, les commerçants employés par le comte s’étaient beaucoup plaints.

Après avoir déterré ce qu’il pouvait de ses souvenirs, le comte avait de nouveau fixé son regard sur Lechre.

« Je vois. Alors, Seigneur Lechre, laissez-moi vous reposer la question. Que vouliez-vous dire par là ? »

« La rumeur circule déjà parmi les roturiers, et ils refusent d’écouter nos ordres, insistant pour qu’ils rentrent chez eux. »

C’était les roturiers qui seraient les plus touchés par le rasage des territoires, car leurs maisons et leurs biens seraient réduits en cendres. Les nobles pouvaient toujours recevoir les faveurs de leurs parents, mais les roturiers se battaient juste pour défendre leur gagne-pain durement gagné. Ils ne pouvaient plus guère se soucier de la vie d’autrui à ce stade. Ils voulaient donc rentrer chez eux et protéger leur maigre fortune et leur famille.

Le comte Adelheit, cependant, avait simplement claqué sa langue et lança au garçon un regard exaspéré et moqueur.

« Une telle bêtise… Y a-t-il un moment où ils ne se plaignent pas pour une raison ou une autre ? Blessez quelques-uns d’entre eux pour donner l’exemple et cela devrait faire l’affaire. »

Si quelqu’un disait quelque chose comme ça dans le monde de Ryoma, cela causerait un énorme scandale. Il serait étiqueté comme fasciste et militariste et recevrait l’équivalent verbal d’un lynchage en termes de critique.

Mais ce qu’il venait de décrire était un moyen couramment utilisé pour maintenir l’ordre public et gouverner le territoire d’un noble dans ce monde. C’était en plus un moyen très efficace… Du moins, normalement. Mais cette fois-ci, les choses étaient différentes.

« Eh bien, vous voyez… Les roturiers sont prêts à se révolter… Ils nous ont résisté physiquement. », dit Lechre en secouant la tête.

« Les roturiers ont fait quoi ?! »

Le comte Adelheit se leva de sa chaise.

Il était très choqué par ce qu’il venait d’entendre. Il ne pensait pas que les roturiers étaient si bien soutenus.

« Oui, nous avons étouffé leur résistance cette fois, mais plusieurs chevaliers ont été gravement blessés. Les choses se sont terminées favorablement cette fois, mais ils auraient pu mourir à ce rythme. Nous nous sommes penchés sur la question, et des choses similaires se produisent dans toute la faction des nobles… Et… »

« Et quoi ? Il y a plus ?! »

Le comte Adelheit ne voulait pas que Lechre en dise plus. Si les choses s’aggravaient, même un homme audacieux comme lui ne pourrait pas le supporter.

« Le marquis Schwartzen et sa clique battent déjà en retraite. »

Tout le sang se retira du visage du comte Adelheit au son de ce nom.

« Ce n’est pas possible… Comment ose-t-il ?! »

Le marquis Schwartzen était le troisième homme le plus puissant de la faction des nobles. Le duc Gelhart faisait plus confiance au comte Adelheit, il était donc au-dessus de lui au sein de la faction. Mais en termes de taille de territoires et de nobles de bas rang sous leur aile, le marquis Schwartzen était le deuxième homme le plus puissant après le duc Gelhart lui-même. Les forces qu’il avait fournies formèrent la deuxième plus grande partie du total des rangs de la faction des nobles dans cette guerre. Son retrait du champ de bataille ne pouvait être ignoré.

« Avez-vous signalé cela au général Albrecht ?! »

C’était ce qui intéressait le plus le comte Adelheit. Il était naturel de respecter les décisions du général Albrecht, puisqu’il détenait l’autorité suprême sur l’armée. Mais Lechre avait simplement répondu avec un sourire malicieux et tordu.

« Vous devez sûrement plaisanter. Qu’est-ce que cela changerait si on le lui reportait maintenant… ? L’armée du marquis Schwartzen nous a notifié qu’ils nous attaqueraient si nous entravions leur retraite. Nous ne pouvons donc rien faire… L’armée du marquis Schwartzen forme un quart des forces de la faction des nobles. Si nous nous heurtons à eux, eh bien, peut-être que nous nous en sortirons victorieux, mais nous n’en sortirons pas indemnes. »

« C’est… vrai. »

« Dans ce cas, que devraient faire les nobles maintenant ? Qu’est-ce qui garantirait notre survie ? L’obtiendrons-nous en rendant des comptes au général Albrecht ? »

Comprenant le sens caché derrière ces mots, l’expression du comte Adelheit s’était déformée de façon désagréable.

« Sacrifier les forces du général Albrecht… Et vous êtes tous d’accord avec ça ? »

Ils répondirent à ses mots par le silence. Un silence qui signifiait le consentement. C’était écœurant, mais même s’il était dégoûté par leur approche, il comprenait pourquoi ils faisaient cela. C’était le fruit de l’instinct de la noblesse, qui lui avait été inculqué dès sa naissance. Cela les avait poussés à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour défendre leur statut et leur nom de famille.

Et le comte Adelheit savait que faire un esclandre à ce stade ne servirait à rien. Appuyé sur le dossier de sa chaise, il poussa un soupir résigné dans l’air.

« Très bien… Si vous êtes décidé à aller aussi loin, je n’ai plus rien à dire. Je respecterai votre décision. »

Tous les autres acquiescèrent en silence.

« Je suis heureux que vous compreniez. Nous allons donc battre en retraite immédiatement. Que les rumeurs soient vraies ou non, nous devons veiller à la défense de nos territoires ! », dit le vicomte Romane en tournant les talons.

Alors qu’il le regardait partir, un murmure échappa aux lèvres du comte Adelheit.

« Nous trahissons le duc Gelhart, puis nous nous faisons de même envers le général Albrecht… Maintenir le pouvoir de ses familles peut nécessiter de se salir les mains, mais quand même… »

Les aides qui se tenaient à ses côtés étaient tous uniformément silencieux. Ils ressentaient eux aussi l’amertume de ce que signifie être un noble.

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Un commentaire :

  1. amateur_d_aeroplanes

    Gagnez sans combattre… Démoralisé l’ennemi 😈

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