Wortenia Senki – Tome 1 – Chapitre 4 – Partie 4

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Chapitre 4 : Le chasseur et le chassé

Partie 4

Ryoma pouvait déjà voir que Shardina et Saitou avaient perdu la volonté de se battre. 

« Je peux dire rien que par vos regards que vous n’avez pas l’intention de perdre la vie ici. » 

Les yeux étaient plus honnêtes que les mots. Le regard et les gestes, l’éclat dans les yeux, étaient des ouvertures sur le cœur et l’intention d’une personne. Tout comme Saitou pouvait dire de Sara qu’elle était résolue à se battre jusqu’à la mort grâce à son regard, Ryoma pouvait lire dans les intentions de Saitou. 

« Alors où voulez-vous en venir ? Votre objectif n’est-il pas de nous tuer ? » 

« Oui, c’est mon intention, mais… regardez cette situation. »

Ryoma répondit à la question de Shardina avec un haussement d’épaules.

Je le savais… Il s’est fait prendre pour pouvoir nous tuer. Pas étonnant qu’il était si docile…

Un frisson parcourut la colonne vertébrale de Shardina. C’était l’anxiété que Shardina ressentait depuis un certain temps déjà, la crainte que ressent un animal quand l’intention meurtrière d’un prédateur était fixée sur lui.

C’est certainement une méthode viable. Nous supposions qu’il ne faisait que fuir, on ne s’attendait sûrement pas à ce qu’il essaie de riposter contre nous.

Et c’était le résultat final. La majorité de ses soldats étaient dispersés dans la forêt, et tous ceux qui étaient stationnés dans le camp avaient été tués par les sorts. Et si Saitou n’avait pas réagi rapidement, Shardina serait morte aussi dans l’attaque-surprise.

Mais cette situation… C’est un trois contre deux en leur faveur. Il pourrait nous tuer s’il se servait de ces filles comme pions jetables. Pourquoi nous dit-il de courir... Est-ce un piège ?

Shardina savait très bien quel genre de personne était le garçon qui souriait froidement devant elle. Il ferait toujours passer sa propre survie en premier, et il n’hésiterait pas à prendre toutes les mesures, aussi viles soient-elles, pour assurer cette survie. Ce garçon avait peut-être dit qu’il les épargnerait, mais elle n’y croirait pas.

« Je vois… Tu ne veux pas les tuer, » chuchota Saitou, alors que les yeux de Shardina, en état de choc, s’ouvrirent en grand.

Il ne voulait pas les tuer. Mais qui était ce « les ? » Ça ne pouvait pas être Saitou et Shardina, donc il ne restait que les filles.

« Oui. Ces deux-là sont prêtes à sacrifier leur vie pour moi. »

Ryoma tourna son regard vers Sara et Laura.

« Alors peu importe combien vous tuer ici augmenterait mes chances de survie à long terme, je ne peux pas sacrifier ces filles si facilement pour le faire. »

Intérêt personnel. Affection. Ces mots étaient un mélange de beaucoup d’émotions mêlées ensemble.

Je vois, donc s’il s’en servait comme bouclier… Non, c’est impossible dans cette situation. Et je ne peux pas voir cet homme mettre leur vie avant la sienne.

Cela signifiait simplement qu’il accordait plus de valeur à la vie de ces sœurs fidèles qu’au meurtre de Saitou et Shardina. Cela ne devait sûrement pas signifier qu’il leur donnait la priorité sur sa propre survie.

« Je ne pense pas que nous ayons vraiment le choix, Votre Altesse… »

Les paroles de Saitou correspondaient à celles de Shardina à ce sujet. Elle avait beau y réfléchir, il n’y avait pas d’autre issue que celle-ci.

« Bien… On va battre en retraite. Saitou, range ton épée. »

Entendant les paroles de Shardina, Ryoma donna un ordre aux sœurs.

« Laura, Sara, reculez. »

Sur l’ordre de Ryoma, les deux femmes rangèrent leurs épées, puis se précipitèrent à ses côtés. Elles avaient l’intention de servir de bouclier à Ryoma à l’improviste, si Shardina essayait d’attaquer.

« Pas besoin d’être si tendu. Je jure sur mon nom de première princesse de l’empire d’O’ltormea que nous nous retirerons de cet endroit. »

Les paroles de Shardina étaient peut-être honnêtes, mais les sœurs n’avaient pas vraiment bougé. Elles l’avaient simplement regardée d’un air aiguisé.

« Désolé. »

Ryoma s’excusa auprès de Shardina pour l’attitude des sœurs.

Cela ne veut pas dire que Ryoma n’était pas méfiant et vigilant, même maintenant. Il n’était pas assez stupide ou crédule pour croire aveuglément les paroles de l’ennemi à ce stade du jeu.

« Eh bien, peu importe. Nous nous retirerons d’ici, mais notre poursuite ne s’arrêtera pas là. Vous vous en rendez bien compte, hein ? »

C’était évident. Shardina renonçait à capturer Ryoma ici parce que la situation actuelle la désavantageait. Inversement, si les dizaines de soldats de Shardina étaient présents, ils ne feraient pas le choix de battre en retraite.

« Évidemment. Après tout, pour tout ce qui vous concerne je suis un criminel. », dit Ryoma calmement.

Il n’y avait aucune trace de regret ou de peur dans ses yeux.

« Mais je ne vais pas me retourner et vous laisser m’attraper. Je ne pense pas non plus que tuer ce type ou essayer de vous tuer n’était pas la bonne chose à faire. Alors si vous avez l’intention de me poursuivre, soyez prêts à risquer votre vie. »

« Avez-vous aussi commis des crimes au Japon ? », demanda Saitou, honnêtement curieux.

Les gens qui venaient d’être convoqués de la Terre à ce monde ne s’acclimataient pas si facilement à ses règles. C’était un monde où seuls les plus forts survivent, où les plus forts pouvaient faire ce qu’il fallait, et il n’y avait pas d’idée aussi indulgente que les « droits de l’homme » pour protéger les gens de cette nature. Il fallait être fort pour ne pas être piétiné, même s’il fallait écraser les autres pour le faire.

Saitou ne s’en était rendu compte que des années après avoir été convoqué par Gaius et jeté sur un champ de bataille où il n’avait jamais voulu être, forcé de se battre à travers la boue et le sang. La vie sur Terre et ce monde n’avaient vraiment rien en commun. C’était pour cette raison qu’il se méfiait en voyant la ligne de pensée de Ryoma, puisqu’il n’avait même pas été dans ce monde depuis une semaine entière.

« Hein ? Des crimes ? Je crois que j’ai pissé dehors une ou deux fois, mais c’est à peu près tout. »

« Crime » était un mot qui pouvait signifier beaucoup de choses dans différents contextes. Si l’on devait être assez extrême à ce sujet, traverser la rue à un feu rouge était certainement un crime. Mais ce n’était pas ce que Saitou voulait dire.

« Non, je voulais dire des crimes plus graves. Comme… un meurtre. »

Ces mots avaient fait s’exclamer Ryoma. Il ne s’était jamais considéré comme un lycéen normal, c’était donc une réaction naturelle.

« Vous dites des trucs foireux, savez-vous ça… ? Je ne suis qu’un lycéen moyen. J’ai de l’expérience dans les arts martiaux, oui, mais ça ne veut pas dire que j’ai un casier judiciaire ! »

« Alors pourquoi ? Comment avez-vous pu tuer des gens si facilement ? N’avez-vous pas peur ? »

« … Dans ce cas, laissez-moi vous demander. Dois-je m’inquiéter pour quelqu’un qui a tenté de violer mes droits au point de s’exposer à des risques à cause de cela ? », dit Ryoma après s’être arrêté pour réfléchir.

Après la surprise au visage de Saitou, Ryoma continua.

« C’est ce que je pense : vous êtes libre d’essayer de profiter de moi, et je suis libre de me défendre. Je ne suis pas assez bête pour penser que si je frappe quelqu’un, il n’essaiera pas de riposter. Et c’est exactement parce que je sais qu’ils riposteront que j’essaie de ne frapper personne, sauf si je suis prêt à ce qu’ils ripostent… Et je suis résolu à tuer quiconque osera se battre contre moi. »

Pendant que Ryoma parlait, ses yeux brillaient d’une forte lumière. La seule chose qui avait permis à un lycéen normal comme Ryoma de tuer Gaius était la force de ses convictions. Il croyait ardemment en sa justice du fond du cœur. Et à bien des égards, c’était l’idéologie la plus hautaine de toutes… Mais c’était en même temps la plus belle de toutes.

« Mais, quoi qu’il en soit… On n’a vraiment pas le temps de discuter de ma philosophie de vie. Laura. »

Il se secoua le menton en direction de l’entrée de la tente.

« Si nous continuons à parler, les autres soldats pourraient retourner au camp. Je vais traverser la frontière. »

Laura était restée à l’entrée de la tente, surveillant Shardina et Saitou. Ils n’avaient pas entièrement confiance en ses paroles.

« Très bien. Alors, allez-y. Mais rappelez-vous ceci : maintenant que nous savons à quoi vous ressemblez, vous ne remettrez plus jamais les pieds dans les frontières de l’empire. Et vous ferez bien de courir aussi loin que vous le pouvez. Le continent occidental appartiendra bientôt à l’empire. Et quand ça arrivera, vous n’aurez plus nulle part où vivre en paix, » déclara Shardina, son regard devenant vif.

Les paroles de Shardina étaient comme un poignard jeté dans la direction de Ryoma, qui sortait de la tente, accompagné de Sara.

« C’est vrai… Je suppose que je vais devoir trouver mon chemin pour retourner dans mon monde avant que ça n’arrive. »

Et avec cela, Ryoma disparut dans la forêt sans un mot, ne prenant pas la peine de la regarder en réponse…

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