Wortenia Senki – Tome 1 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Évasion

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Chapitre 2 : Évasion

Partie 1

En se mêlant aux nobles en fuite, Ryoma avait franchi avec succès les portes du château. Ce qui s’étendait devant lui, c’était un paysage urbain qui donnait l’impression d’être sorti de l’Europe médiévale. Le château avait été érigé au sommet d’une petite montagne. Par conséquent, les portes du château qui était actuellement à proximité de Ryoma se trouvaient au sommet d’une pente douce qui offrait une vue ininterrompue sur la ville ci-dessous.

« Ooh! C’est… impressionnant… »

Une voix étonnée s’échappa de ses lèvres.

Le paysage urbain devant lui était aussi ordonné et organisé. Tout d’abord, les zones situées à cinq cents mètres de part et d’autre des portes où se trouvait Ryoma étaient bordées de maisons impressionnantes, ayant leurs propres portes. Les nobles fuyant le château disparurent dans ces résidences. Ce quartier était probablement constitué d’hôtels particuliers de la noblesse.

Cinq cents mètres devant les portes, sur la route principale, se trouvait un autre ensemble de portes. C’était probablement le secteur où vivaient les roturiers. Les toits des maisons qu’il apercevait au loin au-delà des portes ouvertes étaient beaucoup plus petits que ceux qu’il avait vus avant.

Pour le moment, je vais avoir besoin de plus d’informations… ainsi que de vêtements de rechange.

Ryoma décida de commencer par essayer de s’intégrer au secteur des roturiers. Il pensait que trouver une foule dans laquelle disparaître serait la bonne solution pour le moment et qu’il serait probablement en mesure de rassembler les informations dont il avait besoin.

Peut-être parce qu’il était vêtu d’une tenue de soldat, chaque fois qu’il passait près de la garde d’un noble ou d’un soldat en armure, aucun d’eux ne semblait lui lancer un regard dans sa direction. Mais ça ne marchera pas longtemps. Ils allaient tôt ou tard remonter jusqu’au soldat qui avait été transporté, en raison du feu dans l’infirmerie, et l’armure serait la seule preuve avec laquelle ils pourraient rechercher Ryoma.

Je ne vais pas pouvoir porter cette armure éternellement.

Ryoma se dirigea dans le secteur des roturiers, dans l’espoir de trouver des vêtements qui lui permettraient de mieux se fondre dans la foule des gens. Abaissant la tête devant le portier, Ryoma traversa la porte d’une démarche rapide. Au moment où il franchit la deuxième porte, Ryoma fut frappé d’une sorte d’énergie et de vivacité qui manquait au secteur des nobles. D’innombrables personnes passaient dans toutes les directions, et il y avait de nombreux stands et vendeurs autour. Contrairement au secteur des nobles, il n’y avait pas de route goudronnée, mais simplement de la terre exposée, et les bâtiments avaient été construits de manière désordonnée.

C’était la vision même d’un marché en effervescence. Ryoma regarda les apparences des gens. Beaucoup étaient vêtus de robes et de manteaux. Mais en regardant de plus près, certains portaient une armure et d’autres un pantalon et une chemise. Une vieille dame avait un tablier. Il y avait aussi une grande variété de vêtements en fonction du sexe. Selon toute vraisemblance, les premières personnes que Ryoma avait vues étaient des voyageurs, tandis que les dernières étaient des citoyens de la capitale.

« Il y a plus de gens ici que je ne le pensais… Beaucoup d’entre eux sont armés, aussi… », marmonna Ryoma à lui-même.

Beaucoup de ceux qui portaient des armures étaient probablement des mercenaires engagés par le pays, parce que leur équipement était tout simplement trop différent de celui des soldats. Et pour couronner le tout, beaucoup d’entre eux avaient ce genre de visage dangereux, qui montrait de manière évidente que c’était des criminels, très probablement des bandits et des voleurs.

« Ouais, c’est définitivement un autre monde… Eh bien, merde. Je suis loin d’en être heureux. »

Ryoma était certain que la vue sous ses yeux n’aurait été possible dans aucun pays du monde. Les nuances blanches et jaunes des cheveux et la couleur de la peau ornaient les différentes personnes qui passaient. Cette ville était tout droit sortie d’un environnement médiéval européen. Ces gens étaient vêtus de tous ces styles de vêtements différents. Ryoma n’avait pas d’autre choix que de reconnaître qu’il était dans un autre monde.

Mais je suppose que me fondre dans cette foule ne sera pas un gros problème.

Rien que de penser que sa couleur de cheveux et de peau ne se démarquerait pas était apaisant. Avec un tel manque d’uniformité en ce qui concernait l’apparence des gens, ses cheveux et ses yeux noirs ne poseraient pas de problème.

« Bon, il est temps de trouver de nouveaux vêtements… », chuchota Ryoma à lui-même, quand soudain son estomac vide poussa un grognement méprisant.

Il avait été convoqué dans ce monde alors qu’il allait déjeuner, il n’avait donc pas encore mangé, et après cela, il avait tellement cherché à s’échapper qu’il avait oublié sa faim.

Il n’y a pas moyen d’y retourner, alors je vais me concentrer sur la recherche de vêtements pour l’instant.

Rien qu’en pensant au bento qu’il avait laissé dans la salle d’invocation, Ryoma saliva de façon incontrôlable. Il lui faudra cependant acheter de nouveaux vêtements tout en ayant son estomac vide. Plus il resterait longtemps dans cette armure, plus il risquerait de se faire prendre.

Se frottant le ventre alors qu’il grondait d’insatisfaction, Ryoma accéléra son pas. Alors qu’il marchait dans la rue principale, il regarda autour de lui et son regard fut attiré par un insigne avec le dessin d’une robe dessus.

Ce jour-là, un client étrange visita le magasin de Meg Resta. Il devait être environ deux heures de l’après-midi quand il entra.

« Bienvenue ! »

Meg salua le client avec sa voix habituelle très appréciée, mais avait ensuite vu que le client était un homme vêtu de l’armure de soldat. Bien sûr, les gens qui venaient faire leurs achats vêtus d’une armure n’étaient pas si inhabituels, mais un soldat qui entrait dans le magasin en armure était rare. Contrairement aux aventuriers et aux mercenaires, les soldats allaient souvent faire leurs courses en civil.

Peut-être est-il ici pour une autre raison ?

C’était ce que Meg pensait, naturellement, mais à en juger par la façon dont le soldat examinait les tenues exposées, il semblait certainement intéressé par le shopping.

« Cherchez-vous quelque chose ? Voulez-vous que je vous aide à trouver ce que vous désirez ? »

Meg avait réussi à trouver le courage pour le lui demander, malgré le regard méfiant du soldat.

Mais comme pour se moquer de sa détermination, l’homme répondit d’une voix trop ordinaire.

« Oui, s’il vous plaît pourriez-vous me trouver un ensemble de vêtements que je peux utiliser comme tenue de tous les jours, ainsi que des sous-vêtements, une robe avec une capuche et une ceinture en cuir ? »

Malgré le fait qu’il soit vêtu de l’armure du château impérial… Il est plutôt poli.

La voix de l’homme fit croire à Meg que quelque chose d’étrange se passait. La plupart des gens qui venaient à ce magasin étaient arrogants et pompeux, et cela était particulièrement vrai pour les soldats et les nobles. Ceux qui travaillaient dans le château impérial étaient particulièrement conscients de leur statut d’élite et ne faisaient rien pour le cacher, ce qui leur donnait une très mauvaise réputation parmi les employés du magasin.

Ce magasin était installé dans la rue principale, ses prix étaient donc naturellement plus élevés que leur valeur marchande. Bien sûr, ceux qui fréquentaient ce magasin avaient plus d’argent à dépenser que la plupart d’entre eux, et ils étaient fiers de pouvoir se les acheter, quel que soit leur statut social. Mais vu la position qu’occupait Ryoma, celui-ci avait simplement donné une réponse normale et naturelle.

« Y a-t-il une couleur particulière que vous préférez ? », demanda encore Meg à l’homme, apaisant ses doutes.

« Noir, s’il te plaît. »

« Très bien, très bien. Attendez, je vais le faire préparer. »

Il n’était pas si différent des autres clients. Il lui avait dit ce dont il avait besoin, et la couleur qu’il voulait. Bien sûr, sa politesse était un peu étrange, mais Meg devait rire de toutes les préoccupations injustifiées qu’elle entretenait à ce sujet.

Peut-être qu’il a lavé ses vêtements et qu’il n’a rien d’autre à se mettre ? Oh, mince ! J’ai oublié de lui demander sa taille… Eh bien, peu importe. J’apporterai juste quelques grandes tailles.

Alors qu’elle réfléchissait à cela, elle apporta les vêtements que l’homme demandait, chacun en trois taille. D’ailleurs, ils avaient tous l’air un peu simples, mais ils étaient bien taillés, c’était les meilleurs vêtements qu’elle avait à offrir et qui n’étaient pas destinés aux nobles.

« Merci d’avoir attendu. Que pensez-vous de ça ? »

« Ils sont parfaits. Pouvez-vous me les emballer ? »

Hein ? Ne va-t-il pas vérifier leur taille ?

Peu de gens achetaient des vêtements sans les essayer au préalable, et il ne vérifiait pas s’ils étaient de la bonne taille. Meg inclina la tête avec une confusion évidente.

« Euh… Qu’en est-il de leur taille ? », demanda Meg sur un ton réservé.

Quel homme bizarre… ! C’est comme s’il ne souhaitait pas vraiment acheter quoi que ce soit. Ne me dites pas que c’est un voleur… ?

La pire des conclusions s’était imposée dans l’esprit de Meg, mais cette préoccupation ne semblait pas fondée.

« Oh, ma taille… Donne-moi juste la plus grande taille que vous avez. »

C’était le genre d’attitude décontractée qui montrait le désir de terminer ses achats le plus rapidement possible. Son attitude était certainement suspecte, mais il semblerait que ce client allait payer, Meg balaya ses appréhensions.

« Dans ce cas, c’est parfait. Ça fait une pièce d’argent. Attendez, je vais l’emballer. » Dis Meg en inclinant la tête. Il se dirigea derrière le comptoir.

« Hé, attendez une minute ! Je suis un peu pressé, alors je vais les prendre comme ils sont. », avait-il dit, paniqué

Cela dit, l’homme plaça une pièce d’argent sur les vêtements qu’il avait achetés.

« C’est assez, n’est-ce pas ? »

Ses mots avaient fait en sorte que Meg le regarda encore d’un air interrogateur.

Oh, il va juste les prendre à ce prix-là ? C’est peut-être l’enfant d’un noble. Mais dans ce cas pourquoi a-t-il enfilé l’armure d’un soldat ?

Peu de roturiers n’essayeraient pas de troquer une pièce d’argent contre une autre, et les prix étaient en fait fixés avec l’idée que le client marchanderait pour en obtenir un rabais. Seuls les nobles obsédés par l’honneur ne chercheraient pas à obtenir un rabais.

Il a certainement l’air d’un noble, mais à la façon dont il paie… C’est peut-être le fils d’un noble voyageur incognito ? Je suppose que tout cela n’a pas d’importance, du moment qu’il paie !

Meg décida d’arrêter d’y penser trop fort. Un client qui paie, aussi suspect qu’il puisse paraître, était un bon client.

« Très bien, vous pouvez le prendre tel quel. »

En baissant la tête, Meg s’était dirigée vers le comptoir.

Quittant la boutique, Ryoma poussa un lourd soupir tout en s’assurant prudemment que personne ne le remarquerait.

« Ouf… D’une façon ou d’une autre, je m’en suis sorti. »

C’était juste du shopping, et ce n’était pas un enfant, il devait alors avoir sûrement de l’expérience dans les magasins. Mais jamais auparavant dans la vie de Ryoma, il avait été soumis à autant de stress dans un magasin. Mais peu importe comment il y arrivait, il l’avait tout de même fait.

« Maintenant, c’est une course contre la montre. »

Chuchotant à lui-même, Ryoma se fraya un chemin sur la route principale et à l’extérieur des murs, pour se débarrasser de ses poursuivants encore invisibles.

« Madame, je t’en supplie, donne-moi le plat du jour. Fais-moi une portion géante, s’il te plaît. »

Ryoma se trouvait maintenant dans un établissement situé dans une ruelle sombre de l’autre côté de la rue principale. Son nom était le Sea Rumble Parlor. C’était le genre de restaurant qui était visiblement attaché à la ville où il se trouvait. Mais contrairement à son apparence sale, son intérieur était assez propre. Il servait les hommes, les femmes et ceux qui avaient des enfants. C’était un endroit très accueillant.

Il devait être environ trois heures de l’après-midi lorsque Ryoma obtint enfin son déjeuner tant attendu, vêtu de la chemise noire et du pantalon qu’il avait acheté au magasin de Meg.

D’une manière ou d’une autre, je l’ai fait dans les temps…

Ryoma se rappela comment, alors qu’il revenait de l’extérieur des murs, il passa devant une petite armée et jeta un coup d’œil à leurs commandants. Ils étaient tous à cheval. Ils ne pouvaient avoir qu’un seul objectif.

Comme je le pensais, ils sont venus à cheval… Tout ce que je peux espérer, c’est qu’ils mordent à l’hameçon.

***

Partie 2

Ryoma quitta la capitale en portant son armure, afin de donner l’impression qu’il s’était échappé de la ville. Normalement, personne n’aurait pas pris la peine de revenir, il aurait sans doute choisi de courir le plus loin qu’ils pouvaient. Ryoma, cependant, n’avait pas fait ce choix. S’enfuir sans carte et sans équipement adéquat ne servirait à rien et ne le mènerait nulle part. S’il n’arrivait pas à recueillir des renseignements sur l’endroit où il devrait aller, la distance qu’il devrait parcourir et la façon dont il devrait s’y rendre, quitter la ville dès maintenant serait du suicide.

En plus, Ryoma ne savait pas monter à cheval.

Étant donné que la plupart des gens du monde moderne ne possédaient pas de chevaux, Ryoma n’avait aucune expérience en matière d’équitation. Il avait vu des calèches dans la ville, alors il s’était dit que ses poursuivants pourraient utiliser des chevaux pour le poursuivre. Et vu qu’il était à pied et qu’ils étaient à cheval, ils le rattraperaient inévitablement.

C’est pourquoi Ryoma avait quitté la capitale en portant son armure. Les hommes de l’empire ne connaissaient pas le visage de Ryoma, et leur seul indice était qu’il était en armure, alors s’ils entendaient qu’un soldat en armure quittait la ville, ils n’auraient d’autre choix que de le poursuivre.

Mais comme il avait lu leurs actions jusqu’à présent, il était facile de trouver une contre-mesure. Il craignait que les préparatifs de l’ennemi n’aient pris fin plus vite que prévu, mais les cieux étaient de son côté. Il avait trouvé un buisson d’arbres près des portes, où il ne serait pas vu, puis il enleva son armure et son casque, et revêtit les vêtements nouvellement achetés. Il enterra son armure dans le sol, et passa ses poursuivants justes au moment où il revint vers la ville.

Bien… Quel est mon prochain coup ?

Il avait commencé à réfléchir à son plan d’évasion.

« Voilà, merci d’avoir attendu ! »

Une voix joyeuse avait sorti Ryoma de son océan de pensées.

Sur sa table se trouvait un déjeuner assez copieux, composé d’une sorte de viande frite servie avec du vinaigre doux comme plat principal, du poisson blanc frit, une salade et du pain comme plat d’accompagnement. Ça sentait très bon. Mis à part la question de savoir ce qu’était cette viande, le niveau de la nourriture dans ce monde ne semblait pas trop mauvais.

Son appétit provoqué, la bouche de Ryoma déborda de salive. Il arracha rapidement une partie du pain et se remplit les joues de la viande frite en se rappelant les visages de ses poursuivants. Tout comme Ryoma était rentré par la porte et avait commencé à chercher un endroit pour manger, ils venaient de la direction du château. Quatre hommes et femmes dirigeaient le groupe, deux d’entre eux étaient des visages qu’il connaissait déjà.

Rolfe et Celia, si je me souviens bien…

Rolfe avait l’apparence d’un vétéran chevronné, et Celia était une magicienne à l’intelligence froide. C’était eux qui ont fait irruption dans la pièce où il avait été convoqué.

Et puis il y a un jeune homme et une jeune femme que je ne connais pas…

D’abord, il y avait le jeune homme qui semblait un peu faible. Ryoma ne connaissait pas son nom. Ryoma pensait qu’il était délicat au début, jusqu’à ce qu’il remarque le regard attentif et aiguisé avec lequel il scrutait les environs. Cette apparence timide n’était probablement qu’un jeu d’acteur.

Je suppose que chacun d’entre eux est un bâtard rusé. Mais cette femme est vraiment dangereuse…

Ils étaient tous talentueux, et bien que Ryoma ne méprisait aucun d’entre eux, il n’avait pas peur d’eux non plus. Mais cette femme était la seule d’entre elles que Ryoma jugeait à juste titre dangereuse.

Cette femme aux cheveux dorés et aux yeux bleus. Dès que Ryoma la vit, une secousse parcourue le long de sa colonne vertébrale. La forme de ses muscles, sa posture, son regard. Ryoma avait des années d’expérience dans les arts martiaux, ce qui lui permettait de discerner avec précision le niveau d’habileté d’un autre dans les gestes les plus simples.

Mais ce qui était encore plus effrayant que sa compétence et sa force, c’était l’aura qu’elle émettait. En termes d’échecs, elle était une reine, une pièce au potentiel irremplaçable pour décider d’un match. Aussi forts que les autres tours puissent être, ils ne pouvaient pas se comparer à cette différence de capacité.

Et en plus, ses yeux… C’est plus que des yeux de guerrier. Ils sont…

Ses yeux débordaient d’intelligence et de calme. L’aura qu’elle dégageait était semblable à celle de Celia, mais avec une différence décisive, la confiance fondée sur l’expérience. Son âge n’était pas très différent de celui de Celia, mais il n’y avait aucun doute qu’elle était une commandante mature.

Son regard était celui d’une personne qui avait survécu à d’innombrables champs de bataille, et dans un sens différent de celui de Rolfe. Ses yeux montraient comment elle avait conquis ces champs de bataille à un niveau plus profond. Elle avait non seulement l’importance de la reine, mais aussi la force d’une tour.

Aux yeux de Ryoma, elle était le plus grand cauchemar qu’il pouvait rencontrer.

Merde, il va falloir que je passe à côté de cette femme. Pensa Ryoma en mâchant le poisson blanc frit. Sortir de ce pays est devenu encore plus difficile…

C’était la première fois que Ryoma rencontrait Shardina, la femme qui se battrait contre lui pour la souveraineté du continent occidental.

« Vas-y, bois ! »

Le propriétaire du Sea Rumble Parlour, une femme amicale, plaça deux pichets en verre devant lui avec une voix enjouée. Le liquide pétillant, de couleur ambrée déborda, souillant la table.

« Je n’ai pas commandé ça… ? »

Ryoma regarda la propriétaire avec surprise.

« Pas de soucis, c’est la maison qui offre. Vas-y, bois ! »

La femme tira la chaise en face de Ryoma, s’assit et attrapa l’un des verres. Évidemment, elle en avait sorti deux avec l’intention d’en avoir un pour elle.

« Je ne t’ai jamais vu avant. Es-tu un voyageur ? », demanda la propriétaire avec désinvolture, alors que son visage rond s’illuminait d’un sourire amical.

« Tu n’as vraiment rien de mieux à faire en ce moment, n’est-ce pas ? », demanda Ryoma à la femme, alors qu’elle se jetait sur le siège à côté de lui.

Ses paroles étaient empreintes de prudence. Il ne soupçonnait pas cette propriétaire amicale, mais la situation ne lui permettait pas de se détendre. Être trop prudent susciterait probablement des soupçons, mais il ne pouvait pas se permettre de baisser sa garde. Pourtant, même après avoir observé la prudence de Ryoma, l’expression de la dame n’avait pas changé.

« Regarde autour de toi, chéri. Tu es le seul client ici. »

Ryoma regarda autour d’elle comme elle l’avait demandé, et constata que tous les autres clients étaient partis depuis un certain temps.

« C’est l’heure de ma fermeture. D’habitude, je ferme le restaurant à 15 h et je fais une pause, mais tu es arrivé un peu avant 15 h, alors j’ai laissé le magasin ouvert un peu plus longtemps. »

C’est ce qu’avait dit la propriétaire, buvant dans la tasse qu’elle tenait à la main de manière vivante.

« Ouf, le service a été rude. Rien de tel qu’une pinte après le travail, hein ? »

En essuyant agréablement la mousse de ses lèvres avec sa manche, elle fit un geste de la tête vers l’arrière.

« Les gars dans la cuisine ont déjà pris leur pause en avance, alors il ne me reste plus qu’à nettoyer le magasin. Je n’ai rien d’autre à faire que d’attendre que tu aies fini. Mais tu peux envisager de discuter avec cette vieille dame comme payement pour le verre, si tu veux. »

Cela dit, la vieille dame poussa le verre intact en direction de Ryoma.

« Je vois. Désolé de te déranger. Je vais te prendre au mot. »

Ryoma baissa la tête vers la dame et attrapa la tasse.

Le magasin étant ouvert, Ryoma n’était donc pas responsable de son arrivée à ce moment précis. Et pourtant, agir comme si c’était évident serait hautain et inconsidéré. Ryoma avait donc décidé de faire preuve de cette considération de base. Ryoma savait qu’un mot gentil suffisait pour aplanir la conversation.

« Non, ne me laisse pas te déranger. »

L’attitude de Ryoma avait fait grandir le sourire de la dame.

« Alors, es-tu un voyageur ? »

Je suppose que je peux la satisfaire. Je dois essayer d’obtenir des informations.

Le ton de la dame était convivial et chaleureux, c’était une véritable marchande, et il était clair qu’elle aimait parler. Quoi qu’il en soit, Ryoma avait besoin d’informations plus que tout autre chose en ce moment.

« Oui, c’est vrai. C’est la première fois que je viens ici… »

« Oh, vraiment ? C’est la première fois que tu viens dans la capitale et à O’ltormea. Je ne sais pas d’où tu viens, mais voyager seul doit être dur, non ? »

« Non. Je voyageais avec mon père, mais… L’autre jour, il est décédé d’une maladie soudaine… », dit Ryoma tout en penchant la tête.

La dame a dû penser qu’elle avait touché quelque chose qu’elle n’aurait pas dû, elle ajouta rapidement.

« Aaah, mince, je n’aurais pas dû demander ça… »

« Ce n’est pas grave. C’était si soudain que je n’aurais rien pu faire. »

Ryoma leva la tête et fit un sourire faible et amer.

« Je vois… Une maladie soudaine… Que vas-tu faire ensuite ? Retourneras-tu dans ton pays ? »

« Je pensais m’installer ici, dans la capitale. J’errais toujours d’un endroit à l’autre avec mon père dans ses voyages, mais il est peut-être temps que je m’installe. »

Bon, passons maintenant au sujet principal. Je devrais parler prudemment afin qu’elle ne se méfie pas.

Ryoma avait patiemment attendu l’occasion de trouver l’information dont il avait besoin, comprenant qu’en paniquant la propriétaire, elle ne ferait que la rendre suspicieuse. Elle semblait prendre l’histoire de Ryoma au pied de la lettre. Sa nature amicale l’avait rapidement amenée à faire confiance aux autres, et l’histoire de Ryoma était assez crédible.

« Je vois… Et quels étaient tes plans afin de gagner ta vie à partir de maintenant ? »

Oui !

Ryoma se réjouit. Le sujet qu’il attendait fut abordé. Après tout, même si c’était un autre monde, il fallait quand même travailler pour gagner sa vie, mais un étranger comme Ryoma n’avait aucune idée du genre de professions recherchées dans ce monde. C’était aussi une information qui serait considérée comme une question de bon sens, donc selon la façon dont il la posait, cela pourrait éveiller des soupçons chez lui et, puisqu’elle connaissait son visage, cela permettrait à l’empire de savoir qui il est.

« Ouais, à propos de ça… En fait, j’avais aidé mon père dans son travail jusqu’à maintenant, donc je ne sais vraiment pas comment faire autre chose… La seule chose que je peux dire, c’est que je suis bon avec une épée. »

« C’est vrai ? C’est trop tard pour apprendre à être artisan ou commerçant à ton âge. »

Elle hocha la tête, jetant un regard singulier sur le visage de Ryoma.

« Alors je ne peux pas être un marchand ? »

« Je n’ai jamais dit que tu ne pouvais pas, ça sera juste difficile. Ce sont des professions qu’il faut apprendre quand on est un petit enfant. En plus, même si tu peux compter l’argent, je doute que les gens de la profession embauchent un sans nom dans leurs compagnies. »

« Vraiment ? Et bien, super, je vais faire quoi maintenant... », Ryoma feignit la déception.

Bien sûr, il ne voulait pas devenir marchand.

C’est bien ce que je pensais, le travail des enfants est la norme ici. Cela est évident étant donné le niveau de vie dans ce monde. Mais cela limite mes professions potentielles.

Alors qu’il s’échappait du château, Ryoma vit les nobles utiliser de jeunes enfants comme domestiques et servantes, et tout en cherchant un magasin de vêtement dans la ville, il avait vu des enfants d’environ dix ans travailler devant les magasins avec des vêtements de travail.

***

Partie 3

D’après ce qu’il avait vu, le niveau de vie dans ce monde était globalement inférieur à celui du Japon. L’idée d’envoyer les enfants à l’école et de les éduquer n’existait pas vraiment ici. Ryoma lui-même était assez bien informé et croyait que si seulement il était embauché, il ne serait pas en mesure de produire des résultats avant un moment. Il n’était pas immédiatement utile. Si l’âge auquel les travailleurs commencèrent à travailler était si bas, il était peu probable qu’une entreprise embauche Ryoma, et il n’avait pas le courage ou le désir de repartir de zéro avec ces enfants de dix ans, peu importe combien cela serait contre nature.

« Tu as dit que tu étais bon avec une épée, n’est-ce pas ? Et regarde ton grand corps. Pourquoi ne pas essayer d’être un mercenaire ou un aventurier ? », dit la dame en regardant Ryoma avec pitié.

C’était les mots qu’il s’attendait à entendre.

« Je suppose que ce serait mon meilleur choix… Mais comment peut-on devenir l’un d’entre eux ? »

« Quoi, ne le sais-tu pas ? »

« Non, je ne suis pas du tout familier avec ça… Peux-tu me dire si tu sais quelque chose ? »

Avec une expression complètement perplexe et un ton poli, Ryoma dissipa toute suspicion dans son cœur et lui donna l’envie de l’aider.

« Eh bien, je ne suis pas vraiment au courant de tout ça. Mon magasin est juste affilié à la guilde. Après la tombée de la nuit, des aventuriers et des mercenaires viennent prendre un verre chez nous. »

« S’il te plaît, dis-moi tout ce que tu sais. », dit Ryoma en baissant la tête.

« Ce n’est vraiment rien d’important. Il suffit d’aller à la guilde, de faire enregistrer tes informations personnelles, et c’est tout. »

« Hmm ? J’ai entendu dire quelque part qu’ils vérifient les antécédents… »

C’est ce qui inquiétait le plus Ryoma. En tant qu’habitant de l’autre monde, il n’était inscrit dans aucun recensement et n’avait pas non plus de garants. S’ils s’intéressaient à son passé, Ryoma se retrouverait essentiellement sans défense, et sa seule option restante serait de devenir un voleur. Mais la réponse de la dame apaisa ses inquiétudes.

« Ils n’ont pas d’antécédents à la guilde des aventuriers. Tu n’as qu’à t’y rendre de ton propre chef et à compléter les procédures d’inscription. Tu n’as besoin de faire vérifier tes antécédents par un garant que si tu essayes de devenir marchand ou artisan, ou si tu essayes d’être un soldat. »

En écoutant la dame parler, le doigt appuyé contre son menton, le visage de Ryoma s’illumina d’un sourire. Si ce qu’elle disait était vrai, trouver du travail ne poserait pas trop de problèmes.

« Vraiment !? Oh, je suis si content de t’avoir posé cette question. Je me souviens que la dernière personne à qui j’ai posé la question m’a dit qu’il fallait vérifier ses antécédents ! Je ne savais vraiment pas quoi faire. Mais je suppose qu’ils ont dû mal se souvenir. »

Pendant qu’il parlait, Ryoma vida joyeusement sa tasse. Le liquide frais, de couleur ambre, assécha sa gorge sèche.

« Je parie qu’ils l’ont confondu avec la procédure pour devenir marchands ou autre. Au fait, pour arriver à la guilde, prend l’allée de gauche pour arriver à la rue principale, elle devrait être droit devant. »

« Merci beaucoup, madame ! Je crois que je vais y aller tout de suite. »

« Vraiment ? Alors, promets-moi de revenir me raconter comment ça s’est passé, et de dîner pendant que tu y es. »

« Sans faute ! Dans ce cas, puis-je avoir la facture ? »

« Bien sûr que oui. Un déjeuner pour une personne, cela fera cinq pièces de cuivre. »

« D’accord, cinq pièces de cuivre… »

Ryoma fouilla à travers le sac sur sa taille, plaçant les pièces de cuivre une par une.

« Euh, désolé… Cela pourrait prendre une minute… »

Après avoir placé trois pièces de monnaie, sa main s’était soudainement arrêtée.

Attends… c’est l’occasion parfaite pour moi de savoir combien valent l’argent ici.

Il avait certainement assez de pièces de cuivre. En fait, la majorité des pièces qui remplissaient son sac étaient en cuivre, et pour être juste, il aurait préféré en transporter moins si possible. Mais payer normalement comme ça serait une opportunité gâchée. Ryoma prit une pièce d’argent du sac et la plaça dans sa main. Après tout, il aurait été bizarre de sortir une pièce d’or.

« Mon Dieu, n’as-tu pas de monnaie ? »

La dame arqua un sourcil, tandis que Ryoma reprenait les pièces de cuivre et lui remit à la pièce une pièce d’argent.

« Je suis désolé, je n’ai plus assez de pièces de cuivre. Peux-tu m’en donner avec ça ? »

Ryoma baissa la tête et s’excusa.

« Hmm… Eh bien, si tu en es sûr. Mais tu devrais faire attention. Même dans la capitale, il y a des magasins qui ne rendent pas la monnaie. »

C’est ce qu’avait dit le propriétaire tout en se dirigeant vers la cuisine.

« Voilà ta monnaie, 95 pièces de cuivres. Assure-toi de les compter correctement. »

Elle était revenue de la cuisine, les plaçant par groupes de dix et un seul groupes de cinq.

Leur poids était évident juste d’après le son qu’ils faisaient, et à en juger par la façon dont elle avait géré la situation, Ryoma avait également réalisé que la plupart des gens n’utiliseraient pas de pièces d’argent pour payer.

Je m’en doutais, mais je vais devoir échanger cet argent. Ça va être dur de se promener avec toute cette monnaie sur moi.

Peut-être que ses pensées étaient apparentes dans son expression, parce que le propriétaire lui avait souri avec ironie.

« Tu n’as pas de carte, chéri ? Nous sommes affiliés à la guilde, tu devrais donc utiliser ta carte la prochaine fois. Le système n’existe que depuis quelques années, et seules d’autres grandes villes comme la capitale l’ont aussi adopté, alors je suppose qu’il est naturel que tu n’en aies pas. Cependant, c’est assez pratique. »

Une carte ? Comme, une carte de crédit ?

Le mot me semblait trop déplacé. Mais ne voulant pas donner l’impression qu’il ne savait pas, Ryoma joua le jeu.

« Non, j’ai perdu la mienne. Je ne savais pas quoi faire… J’ai pensé que ça devrait aller pour un moment puisque j’ai de l’argent sur moi, mais… »

« Oh, je vois. Eh bien, seule la personne dont le nom est inscrit sur la carte peut l’utiliser, tu ne devrais donc pas te soucier de ton argent. Pourquoi ne pas aller à la banque et la faire réémettre ? Tu pourras le faire en allant à la guilde. »

La banque, hein ? Il y en a donc dans ce monde…

« N’ont-ils pas besoin d’une preuve d’identité pour me la rééditer ? », demanda Ryoma, juste pour être du bon côté.

« Ce n’est pas le cas. Comme la première fois qu’ils l’émettent, ils te demandent tes détails physiques et la font tout de suite. »

« Oh, vraiment ? Je ne le savais pas. Merci, tu m’as été d’une grande aide ! », dit Ryoma tout en baissant de nouveau la tête vers la dame.

« Ne t’en fais pas, chéri ! Viens manger un autre morceau un de ces jours ! »

Se séparant du propriétaire, Ryoma s’était frayé un chemin à l’extérieur du magasin jusqu’à la rue principale. Comme on lui avait dit au Sea Rumble Parlor, il avait pris un virage dans l’allée pour sortir dans la rue principale, jusqu’à ce qu’il ait deux bâtiments en vue. L’un était marqué d’un signe montrant un sac plein de pièces de monnaie et l’autre d’un signe montrant un soldat vêtu d’une armure.

Ce sont des signes assez faciles à comprendre… Je suppose que cela montre bien que le taux d’alphabétisation est faible par ici… Eh bien, peu importe. Je dois juste déposer ce butin.

En gardant cela à l’esprit, Ryoma était entré dans la banque. La totalité des huit sacs d’argent était en fait assez lourd à transporter. Il ne savait pas si les pièces d’or étaient faites d’or véritable. Les pièces d’argent pesaient à elles seules une cinquantaine de grammes, ce qui signifiait que plusieurs dizaines de pièces d’argent pesaient plus de 500 grammes. Et les pièces d’or, qui était minoritaire, pesaient probablement le même poids au total. En ajoutant à cela les pièces d’argent et de cuivre, il se promenait avec presque certainement cinq ou six kilogrammes de pièces.

Je suppose que c’était naturel pour le vieil homme, mais même les soldats avaient beaucoup d’argent sur eux. Je suppose que j’ai eu de la chance là-bas… Mais c’est quand même assez lourd.

Il avait une petite fortune dans ces mains, ce qui lui donnait un sentiment de sécurité, mais d’un autre côté, c’était un fardeau certain. Ryoma voulait se délester du maximum de poids inutile, sachant qu’il était activement poursuivi.

« Bienvenue. En quoi puis-je vous aider aujourd’hui ? »

Ryoma traversa l’entrée de la banque et, en entrant dans le hall, fut accueilli par un homme d’âge moyen. C’était comme s’il était entré dans une banque japonaise normale. L’homme était vêtu de noir de haut en bas avec une blouse en dentelle et portait une cravate rouge autour du cou.

Un costume ? Pourquoi porte-t-il un costume ?

Plus Ryoma voyait ce monde, moins il semblait le comprendre. Au début, il avait pensé que c’était comme l’Europe médiévale, mais il y avait aussi quelques aspects bizarrement modernes. La mention de la carte et du costume de cet homme en était de parfaits exemples.

C’est comme un mélange confus de choses complètement différentes et tout à fait familières…

« Excusez-moi, monsieur… ? », demanda l’homme, tremblant légèrement devant le regard de Ryoma.

« Oh, désolé. C’est la première fois que je viens ici… J’aimerais ouvrir un compte, s’il vous plaît. »

L’homme acquiesça gracieusement aux paroles de Ryoma et lui fit signe à l’intérieur. Évidemment, des choses comme les guichets automatiques étaient tout aussi inutilement compliquées dans ce monde.

« Par ici, monsieur. »

« Merci. »

« Il est ici pour ouvrir un compte. S’il vous plaît, occupez-vous du reste. »

L’homme donna simplement ces instructions à la guichetière, puis il partit.

« Bienvenue, monsieur. Vous souhaitez ouvrir un compte, n’est-ce pas ? »

La caissière assise derrière le comptoir regarda Ryoma avec le sourire. Elle portait une veste bleu foncé et un ruban rouge. C’était vraiment le genre d’accueil qu’une réceptionniste aurait fait, ce qui aurait été tout à fait normal… s’il n’avait pas été dans un autre monde, en fait.

« Oui, c’est la première fois que je viens ici, donc je ne sais pas trop quoi faire. Merci. »

Inclinant poliment la tête, Ryoma s’assit sur la chaise en face d’elle.

Un bon aspect de la personnalité de Ryoma était de pouvoir demandé de l’aide quand il en avait besoin. C’était beaucoup plus sûr que de faire semblant d’être au courant de choses dont il n’avait pas la moindre idée.

« Très bien. Pouvez-vous écrire votre nom ici, monsieur ? », dit la caissière en sortant un morceau de papier parchemin et un stylo.

Eh bien, ça ne ressemble certainement pas à du vrai papier… Donc je suppose que c’est du parchemin ?

Étouffant sa curiosité, Ryoma prit le stylo et le parchemin.

Nom : Ryoma Mikoshiba

Âge : 16 ans

Il avait rempli son nom et son âge sans y penser trop profondément, et laissa la colonne adresse vide. C’était en rendant le parchemin à la caissière que Ryoma réalisa quelque chose.

Attendez, ce que je viens d’écrire… C’était du japonais ? Qu’est-ce que j’ai écrit là-dedans ? J’ai écrit mon nom, n’est-ce pas ?

Néanmoins, la jeune fille travaillait encore sans y prêter attention. Au moins, elle semblait avoir compris ce qu’il avait écrit.

« Vous êtes donc M. Ryoma Mikoshiba, 16 ans. Cette information est-elle correcte ? »

La caissière dirigea une expression pénétrante sur le visage de Ryoma. Peut-être que Ryoma n’avait pas l’air d’avoir seize ans, parce qu’elle le regardait d’un air suspicieux.

« Oui. Je suppose que je n’en ai pas l’air ? »

Ryoma était tellement habitué à ce que les gens soient surpris de son âge que cela ne l’embêtait même plus.

Ouais, ouais, je sais, j’ai l’air vieux…

Il avait l’intention d’écrire son nom en japonais, mais les lettres sur le parchemin n’étaient pas familières. Ryoma ne comprenait pas la logique, mais la caissière avait accepté le document. Il décida donc que ce n’était pas le moment de remettre en question ces détails.

« En fait, a-t-on le droit d’ouvrir un compte à seize ans ? », demanda Ryoma calmement.

C’était la possibilité la plus effrayante pour lui, mais la caissière secoua la tête.

« Oh, pas du tout, votre âge ne sera pas un problème. C’est juste que… vous êtes très mature et calme, monsieur, alors votre âge est une surprise. Je dois m’excuser d’avoir été impolie. »

Ryoma ne pouvait pas honnêtement dire qu’il était satisfait de cela, mais les gens qui le croyaient plus âgé qu’il ne l’était à cause de son apparence étaient de toute façon égaux.

« Oh. C’est bon, on me le dit souvent. Alors, pourriez-vous m’ouvrir mon compte ? » dit-il en souriant calmement à la caissière

« Bien sûr. Attendez un instant que je fasse votre carte. »

Avait-elle dit, tout en commençant à écrire quelque chose sur un morceau de papier de la taille d’une carte de visite.

***

Partie 4

Elle plaça ensuite la carte entre deux feuilles transparentes et utilisa ce qui ressemblait à un fer à repasser pour les sertir ensemble.

Elle la plastifie ?

Cela ressemblait étrangement à un permis de conduire ou à une carte d’identité d’employé. Ryoma ne pouvait pas dire si le niveau de vie dans ce monde était élevé ou bas à ce point. Ils avaient probablement une science similaire à celle de son propre monde.

« Merci d’avoir attendu. Veuillez placer votre main sur cet orbe. »

Elle plaça la carte dans une fente au bas d’un piédestal avec un globe de verre dessus, et la poussa vers Ryoma.

« Comme ça ? »

Ryoma posa sa main sur l’orbe, et dès qu’il le fit, celle-ci commença à briller.

« Oui, c’est bien. Vos informations personnelles sont maintenant enregistrées sur cette carte, M. Mikoshiba. Si vous perdez votre carte, allez dans une banque proche et on vous la réémettra. »

Après que l’orbe ait fini de briller, elle avait extrait la carte et l’avait remise à Ryoma.

« Est-ce déjà fait ? »

« Oui, votre compte a été ouvert. Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous aider ? »

Cela s’était terminé si rapidement que Ryoma en était resté presque bouche bée. En tout état de cause, l’ouverture du compte était secondaire par rapport à la raison principale pour laquelle il était venu ici.

« Dans ce cas, oui. J’aimerais faire un dépôt sur mon compte. », dit Ryoma tout en plaçant son sac de pièces sur le comptoir.

« Un dépôt, entendu. Je vous remercie beaucoup. Placez les pièces ici, et insérez votre carte bancaire dans la fente. »

Elle plaça ensuite ce qui semblait être une balance électronique devant Ryoma. Celui-ci avait suivi ses instructions sans un mot, plaçant le sac sur la balance.

« Oui, c’est parfait. L’argent semble être en règle. Je vais donc confirmer le montant. »

La caissière commença à compter les pièces et à les trier par groupes de dix.

Je vois… Les balances servent donc à s’assurer que les pièces de monnaie ne sont pas contrefaites. C’est pratique… Bien qu’elle doive encore les compter à la main.

Ils avaient donc des cartes bancaires dans ce monde, mais pas de machines capables de compter automatiquement les pièces de monnaie. La caissière continua à empiler la montagne de pièces de monnaie, ignorant les plaintes silencieuses de Ryoma. Cela lui avait pris une vingtaine de minutes. Après avoir revérifié les pièces trois fois, elle se tourna à nouveau vers lui avec un sourire éclatant.

« Merci d’avoir attendu. La somme totale est de trois pièces d’or, 54 pièces d’argent et 735 pièces de cuivre. Vous aimeriez déposer l’intégralité de cette somme, n’est-ce pas ? »

Le déjeuner au Sea Rumble Parlor lui coûtait 5 pièces de cuivre, non ? Et les pièces d’argent valaient cent cuivres, donc… il avait pour l’instant beaucoup d’argent.

Apparemment, les soldats qu’il avait tués étaient sceptiques à l’égard du système de cartes, mais grâce à eux, Ryoma n’aurait pour l’instant pas à se soucier pour la nourriture.

« Oui, allez-y, je vous en prie. »

« Très bien, je vais déposer ça tout de suite. »

Cela dit, la caissière posa sa carte sur la plaque de monnaie et inclina la tête vers Ryoma.

On dirait que j’en ai fini avec la banque pour l’instant. Maintenant, je dois juste aller m’inscrire à la guilde.

Il avait déposé et confirmé ses frais de subsistance, mais il avait toujours besoin de travailler pour gagner sa vie. Ryoma quitta la banque et entra directement dans l’immeuble d’à côté.

De l’autre côté de la porte, il y avait des réceptionnistes qui s’occupaient des comptoirs. Sur le plan de la structure, ce n’était pas très différent de la banque. Ryoma prit place à un comptoir vide.

« Bienvenue, monsieur. En quoi puis-je vous être utile aujourd’hui ? »

La réceptionniste était également vêtue d’un uniforme.

« J’aimerais m’inscrire comme aventurier afin d’accomplir des quêtes. »

« Très bien. Si je peux me permettre, avez-vous un compte en banque ? »

« Un compte ? Est-ce que ça ira ? »

Ryoma lui remit sa nouvelle carte.

« Oui, c’est très bien. Nous avons récemment commencé à payer avec les cartes bancaires, donc nous demandons à tous les nouveaux demandeurs d’ouvrir un compte bancaire. »

« Oh, c’est vrai ? J’imagine que j’ai eu de la chance, j’ai entendu dire que je n’aurais besoin de rien préparer pour m’inscrire auprès de vous. »

Ryoma sourit ironiquement, et la réceptionniste répondit avec un sourire forcé.

« Oui, il y a des gens qui ne peuvent pas attendre et viennent nous voir. Nous devons demander à ces personnes de revenir après s’être occupées de cela. »

Cela dit, elle avait inséré la carte dans une fente sur un autre piédestal orné d’un globe de verre.

« Voilà. Votre inscription est maintenant terminée, M. Mikoshiba. »

« Hein ? », dit-il, surpris.

Ryoma ne s’attendait pas à ce qu’on l’appelle par son nom ici, il s’était alors immédiatement mis sur ses gardes.

« Les cartes de la banque partagent les informations avec les membres de la guilde. Si vous avez une carte bancaire, nous pouvons accélérer le processus d’enregistrement en lisant les informations nous concernant. »

Cela dit, elle avait sorti un tas de papiers, ou du moins des feuilles qui ressemblaient à des papiers, et elle commença à les lire.

Ils partagent des informations entre eux ? Ou, eh bien, je suppose qu’il s’agit d’entreprises appartenant à la même société…

Comparé à ce que Ryoma avait vu à l’extérieur de ce bâtiment, tout cela ne semblait que trop étrange. La banque ainsi que cette organisation appelée la guilde possédaient une technologie beaucoup trop avancée, et la gestion des deux établissements semblait beaucoup trop raffinée.

« Hmm, vous allez accepter des quêtes pendant que vous êtes ici aussi, pas vrai ? »

Les mots de la réceptionniste avaient fait sortir Ryoma de ses pensées.

« Ah, oui. »

« Connaissez-vous le système de la guilde ? »

Ryoma secoua honnêtement la tête.

« Alors, revoyons ça. N’hésitez pas à demander s’il y a quelque chose que vous ne comprenez pas. » Dit-elle tout en étalant des feuilles devant Ryoma.

« D’abord, à propos de notre guilde. Elle est composée de ce qui était à l’origine deux organisations distinctes, la guilde des aventuriers et la guilde des mercenaires. Les deux ont fusionné pour former notre organisation actuelle. Nous sommes une organisation à grande échelle avec des filiales à travers le continent, donc chaque fois que vous entendez le terme “guilde”, cela va très probablement se référer à nous. »

La réceptionniste rayonnait de fierté. Il semblerait que de son point de vue, la guilde était comme un conglomérat massif dans les termes de l’ancien monde de Ryoma.

« Ensuite, à propos de la carte. S’il vous plaît, regardez ici. »

Pendant que la réceptionniste parlait, elle retira la carte du piédestal et la remise à Ryoma.

Il y avait des informations écrites dessus qui n’étaient pas là au moment où il l’avait reçue à la banque pour la première fois.

« Son état initial immédiatement après l’enregistrement est le niveau 0. Votre rang de guilde est F, le rang le plus bas. Vous verrez que votre rang est affiché sur votre carte. Il sert aussi de pièce d’identité au sein de la guilde, alors assurez-vous de ne pas l’égarer ou l’endommager. »

Elle retourna ensuite quelques-unes des feuilles et pointa du doigt une colonne de texte qui disait F vers le bas.

« En termes simples, votre niveau se traduit par votre expérience de combat, et votre rang de guilde se traduit par le nombre de quêtes, c’est-à-dire de requêtes, que vous avez acceptées et complétées pour la guilde. Incidemment, votre expérience au combat fait référence à la quantité totale de force vitale que vous avez absorbée des êtres vivants. Vous connaissez déjà l’absorption d’énergie, non ? »

« Oui. Quand vous tuez un autre être vivant, vous absorbez une fraction de son pouvoir, non ? »

« Exactement. On dit que si le niveau 0 est la force moyenne d’un humain, le niveau 1 se traduit par le double de cette force. Bien sûr, l’âge et le sexe peuvent entrer en ligne de compte, donc ce n’est pas aussi simple à calculer qu’il n’y paraît. Ça n’a pas d’influence sur votre salaire d’aventurier, mais ça peut en avoir sur votre salaire de mercenaire. »

« Je vois. Si j’étais au niveau 10, recevrais-je une paye équivalente à celle de dix personnes ? »

Pour le dire simplement, cela reviendrait à cela. Mais l’employé sourit doucement et secoua la tête.

« Fondamentalement, vous n’avez pas tort, mais je vais vous épargner les détails et simplement dire que le plus haut niveau qu’un être humain puisse atteindre est 7, et il n’y a qu’une seule personne dans l’histoire qui soit allée aussi haut. »

« Hein ? Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire… ? »

Ryoma sillonna son front aux mots de la réceptionniste.

Je n’ai pas tort, « fondamentalement parlant »… ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? En plus, sept, c’est un chiffre impair pour plafonner les niveaux à…

Mais le greffier n’avait pas répondu à ses doutes.

« Il n’est pas nécessaire pour un débutant de s’inquiéter de cela. Pour le moment, tant que vous comprenez que vous devez absorber le prana et vous renforcer, tout ira bien. Vous pourrez confirmer le reste des détails avec tout membre du personnel à proximité une fois que vous aurez atteint le niveau 1. »

Son sourire était doux, mais son attitude était obstinée. La réceptionniste n’avait pas l’intention d’effacer les doutes de Ryoma. Le voyant hocher la tête à contrecœur, elle poursuivit son explication.

« Maintenant, à propos de votre rang de guilde. Chaque fois que vous acceptez et complétez des demandes, vous obtiendrez des points, et une fois que vous atteindrez un certain niveau de points, votre rang augmentera. Une fois que votre rang sera plus élevé, vous pourrez accepter des demandes plus lucratives. Cependant, vous ne pourrez accepter qu’un travail d’un rang équivalent au tien ou d’un rang inférieur. »

« Et cet avertissement ? »

Ryoma jeta un coup d’œil à une ligne de texte d’avertissement écrit sur la page.

« Oui, à ce propos. Vous pouvez accepter plusieurs demandes, mais elles sont limitées dans le temps. Si vous ne complétez pas une demande dans les délais impartis, vous risquez de recevoir des amendes et une perte de points. »

« Et cela peut abaisser mon rang ? »

« Correct. Votre rang augmente pour chaque centaine de points que vous accumulerez. Mais il y a eu des cas où des aventuriers ont augmenté leur rang et échoué à une mission immédiatement après, ce qui a entraîné une réduction de leur rang. Cependant… »

Le doigt de la réceptionniste pointa ensuite un avertissement écrit sur la page.

« Si les conditions ou le contenu de la demande s’avèrent inexacts ou erronés, vous laissant dans l’impossibilité de compléter la demande, aucun malus ne vous sera imposé et, selon la situation, le demandeur pourrait avoir à payer une amende. Si cela se produit, informez la guilde et on s’en occupera. »

Il semblerait que les conditions à l’origine de la demande aient été limitées méticuleusement.

C’est presque comme du travail intérimaire…

L’explication de la réceptionniste donnait à Ryoma l’image d’une entreprise de travail temporaire. Il ne les avait vus qu’aux infos et sur Internet, mais l’idée semblait assez proche. L’idée que la guilde soit un bureau de placement et que les aventuriers soient des employés temporaires était assez facile à comprendre.

« Quoi qu’il en soit, ceci conclut l’explication. Y a-t-il quelque chose sur quoi vous avez besoin de plus d’informations ? »

Eh bien, il y a cette partie qu’elle a omise… Mais si elle ne veut rien dire, je ne peux pas la forcer. Je suppose que je vais suivre son conseil et arriver au niveau 1 d’abord.

« Non, c’est parfait pour moi. »

Étouffant ses doutes, Ryoma secoua la tête.

Il lui serait difficile de tout comprendre à partir de cette explication, mais il doutait d’obtenir une réponse à toutes ses questions en ce moment, et il n’a pas eu le temps de se perdre dans ces doutes. Il n’avait qu’à suivre son instinct et à se débrouiller au fur et à mesure qu’il avançait.

« Dans ce cas, veuillez choisir votre première quête, M. Mikoshiba. »

La réceptionniste sortit à nouveau une pile de feuilles de son tiroir, les plaçant devant Ryoma. Le rang figurait tout en haut de l’échelle, et en dessous, il y avait d’innombrables quêtes.

« Alors, quel genre de demandes recherchez-vous, M. Mikoshiba ? Une quête d’aventurier ou de mercenaire ? »

« Honnêtement, je pourrais faire l’une ou l’autre… »

Cela ressemble presque à un entretien d’embauche…

Ryoma se souvenait d’être allé à une entrevue de recommandation pendant ses examens d’admission au lycée. C’était la même chose que lorsqu’on lui avait demandé ce qu’il prévoyait de faire dans l’avenir.

***

Partie 5

« Si vous avez confiance en vos compétences au combat, alors peut-être que travailler comme mercenaire serait l’idéal. », dit la réceptionniste tout en encerclant quelques colonnes en rouge.

« J’ai juste encerclé des emplois qui exigent des compétences de combat, comme tuer des chiens sauvages et des abeilles sauvages. Comme il s’agit d’emplois destinés aux nouveaux arrivants, ils n’ont pas de limite de temps. Vous recevrez la récompense à la fin de la quête, trois-pièces de cuivre pour chaque mise à mort. Vous gagnerez aussi un point par mort. »

En regardant les emplois encerclés, Ryoma décida de demander si le genre de travail qu’il cherchait était disponible, comme escorter quelqu’un à un autre endroit ou transporter des fournitures.

« Y a-t-il un travail qui implique d’aller dans d’autres villes ? »

« Dans d’autres villes ? Vous cherchez donc un travail de livraison. Malheureusement, avec votre rang F, vous ne pouvez pas accepter un travail de garde du corps. »

Ryoma pencha les épaules en signe de déception.

« Le travail des gardes du corps est directement lié à la sécurité de la vie et des biens du demandeur, de sorte que la guilde préfère n’envoyer que ceux qui ont des capacités à un certain niveau, et ceux en qui elle a pleinement confiance. Pour être exact, il faudrait être au rang C ou supérieur. »

« Capacités et confiance… »

« Oui, il faut plus pour être un garde du corps que de la force. Bien sûr, la force est très importante, mais il faut aussi être à l’écoute de son environnement et être capable de saisir tout ce qui sort de l’ordinaire. Sans parler de la possibilité de défendre le demandeur et ses biens contre les attaques des bandits. Mais le plus important, c’est la confiance. Si le garde du corps s’avérait être un pion des bandits, les conséquences seraient assez désastreuses. »

« Alors, quand il s’agit de livraison, pourrais-je prendre ce travail s’il implique de quitter le pays ? »

Le greffier avait tout expliqué parfaitement, et Ryoma ne voyait aucun moyen de s’y opposer, mais il n’allait pas non plus reculer sans essayer.

« Malheureusement, ce genre de travail de livraison n’est pas disponible pour ceux qui sont au rang F non plus. Le mieux que vous puissiez accepter, c’est des livraisons dans les villes voisines. »

Contrairement aux jeux vidéo, ce monde avait beaucoup de limites quant aux emplois que l’on pouvait occuper. Le regard de Ryoma s’était ensuite posé sur une carte qui était accrochée au mur derrière le comptoir.

« Y a-t-il des quêtes de livraison dans les villes voisines ? »

« Je crois qu’il y en a. après tout, ce n’est qu’un travail de livraison. »

« Hmm. Si ça ne vous dérange pas, avez-vous des cartes de rechange ? »

La réceptionniste regarda Ryoma d’un regard soupçonneux, avant de prendre une carte pliée dans le tiroir et de la placer sur le comptoir.

« Euh… Où est O’ltormea sur la carte ? »

« La capitale O’ltormea est par ici. »

Son mince doigt blanc pointait vers un endroit précis entre le centre et le sud de la carte. Juste à côté de son doigt, les mots « La capitale O’ltormea » étaient écrits en lettres noires. Il y avait aussi une ligne rouge séparant le centre de la partie sud de la carte. Cette ligne rouge représentait probablement les limites de l’empire d’O’ltormea. C’était assez large.

Gharic, Melpheren, Girdas, Auiet… Si je vais quelque part, ça devrait être l’une de ces villes…

Les yeux de Ryoma avaient été attirés par les quatre villes qui entouraient la capitale. Elles étaient toutes assez proches de la capitale.

« Y a-t-il des livraisons pour Melpheren ? »

« Laissez-moi voir… »

La greffière avait examiné le papier qu’elle tenait.

« Celle-ci ne convient pas à votre rang… Celle-ci a déjà été prise par quelqu’un… ah, nous y voilà ! Livraison d’une lettre. La récompense est de 30 pièces de cuivre, et ça augmentera votre rang de 5 points. »

Il semblerait qu’en tant que débutant, le nombre de quêtes que Ryoma puisse faire était assez limité, surtout lorsque le bénéficiaire était dans une autre ville. Le travail n’était pas toujours facile à trouver, et parfois d’autres le prenaient avant lui. Mais Ryoma avait eu de la chance. Il regarda la réceptionniste, qui feuilletait les pages, avec le sourire.

« Je prends celle-là. »

Ryoma avait immédiatement accepté la quête. Être décisif pouvait tout signifier dans ces situations, et il n’avait pas eu le temps d’hésiter.

« Très bien, je vais donc vous confier cette quête… J’ai juste besoin de votre carte pour un moment. »

Elle commença à taper quelque chose dans une plaque de verre attachée au piédestal en verre, puis inséra la carte de Ryoma dans la fente. La sphère de verre vacilla un instant. Cet équipement fonctionnait de toute évidence comme un PC qui saisissait les informations requises sur la carte.

« C’est bon, c’est fini. Vous disposez d’un délai de trois jours pour accomplir cette tâche. Apportez la lettre à la guilde de Melpheren pour confirmer votre achèvement. Y a-t-il d’autres emplois que vous aimeriez occuper ? »

« Oui, j’aimerais prendre tous les boulots de chasse dont vous avez parlé tout à l’heure. »

« Très bien. Il s’agit de la chasse aux chiens sauvages, aux abeilles sauvages et aux lapins sauvages. Il n’y a pas de limite de temps, donc vous pouvez rapporter l’achèvement à la guilde la plus proche de chez vous. »

« Compris. »

« Oh, c’est vrai. J’avais presque oublié, mais si l’on ne spécifie pas à quelle branche vous devez vous rapporter, cela signifie que vous pouvez rapporter votre quête à n’importe quelle branche de guilde. Je vous souhaite bonne chance dans vos efforts. »

La réceptionniste fit un sourire encourageant à Ryoma et inclina la tête.

« Oui, merci beaucoup. »

Inclinant la tête en retour, Ryoma sortit de la guilde.

Ryoma avait une raison d’accepter ces demandes. Il était poursuivi par l’Empire, et il avait donc besoin de quitter le pays. Mais il y avait un problème à ce sujet. Ses poursuivants sauraient qu’il avait l’intention de s’échapper, et il y avait une chance qu’il soit interrogé s’il se précipitait sur la route maintenant.

Il cherchait donc une raison de quitter la capitale, et le travail de livraison de cette lettre s’était avéré plutôt commode.

Et il y avait aussi une raison pour laquelle il avait choisi d’aller à Melpheren, à l’est. Selon la carte de la guilde, la capitale se trouvait dans le sud-est des territoires de l’Empire. En d’autres termes, il faudrait des jours pour atteindre la frontière au nord et ouest. La frontière sud était la plus proche de la capitale, mais ses poursuivants étant commandés par une femme sage, il y avait de grandes chances qu’elle tende un piège à Ryoma.

Après avoir pesé le pour et le contre, Ryoma décida qu’il serait plus sûr de se diriger vers la deuxième frontière la plus proche, à l’est. Bien sûr, on ne savait pas si son jugement s’avérerait exact tant qu’il n’y serait pas allé…

Ayant terminé son travail à la guilde, Ryoma s’était rendu au Sea Rumble Parlor, comme promis, pour informer la propriétaire qu’il avait terminé son enregistrement.

« Ah, c’est toi. T’es-tu inscrit auprès d’eux ? », lui demanda-t-elle avec joie, tout en faisant signe à Ryoma de venir au comptoir.

Celle-ci lui tendit un verre d’eau.

Il était un peu plus de cinq heures du soir, et comme c’était un peu trop tôt pour dîner, il ne restait presque plus de clients dans le restaurant.

« Oui. Je suis content de t’en avoir parlé. », répondit Ryoma en souriant.

« C’est vrai ? C’est charmant. Ça valait vraiment le coup de t’aider… Au fait, que dirais-tu d’un dîner ? Ça ne fait pas si longtemps que tu n’as pas déjeuné. »

Elle jeta son regard sur l’horloge du mur. Ouvrir son compte à la banque et s’inscrire à la guilde n’avait pas vraiment pris beaucoup de temps, et même Ryoma, qui se vantait d’avoir un physique relativement grand, ne pouvait pas faire de dîner deux heures seulement après le déjeuner.

« Eeeh, ouais, je pense que je vais devoir laisser passer ça… »

Ryoma se frotta le ventre pour accentuer ce fait.

Son estomac tenait encore ce poulet frit et ce poisson captif avec joie.

« Oui, je m’en doutais. », dit-elle alors que son regard était attiré par la tenue de Ryoma.

Il y avait apparemment quelque chose qui n’allait pas avec ses vêtements.

« En parlant de ça, chéri, as-tu laissé tes bagages dans ta chambre à l’auberge ? »

« Hein ? Non, je n’ai pas vraiment… »

« Eh ? As-tu l’intention de partir à l’aventure dans cet accoutrement ? Et tes bagages ? Tu n’as même pas d’arme. »

Il semblerait que la plupart des aventuriers portaient leurs effets personnels sur eux. C’était plus sûr que de laisser des objets de grande valeur dans l’auberge et cela permettait de réagir plus facilement aux situations imprévues. Même les paysans et les marchands les plus communs portaient au moins une épée en parcourant les routes. Il était donc naturel pour le propriétaire d’être surpris.

Ryoma jeta un coup d’œil à sa tenue, une chemise, un pantalon et une cape. Cela ressemblait à une tenue commune… Du moins, dans la ville.

Je vois… J’aurais combattu à mains nues, mais ce n’est probablement pas une bonne idée. Et elle a aussi parlé des bagages. Je n’aurai pas besoin de me préparer à camper, car on est juste à une demi-journée de la ville voisine, mais je vais devoir me préparer… Après tout, je doute qu’il y ait des épiceries là-bas.

Fondamentalement parlant, Ryoma n’avait pas l’intention de porter une arme. Même à des fins d’autodéfense, la possession d’une arme était extrêmement incriminante. S’en tirer avec juste une charge d’autodéfense excessive serait un coup de chance. Au pire, on pourrait être accusé de voies de fait ou de meurtre.

Mais tout cela ne s’appliquait qu’au Japon. Dans cet autre monde, ne pas se promener avec une arme était considéré comme étrange.

« Oh, je pensais aller acheter des armes plus tard. Je n’avais pas grand-chose sur moi au début, et toutes les demandes que j’ai prises étaient près de la ville, alors je me suis dit que je pouvais m’en tirer sans trop me préparer… »

« Eh bien, tu es un débutant, donc c’est normal que tu penses ça. »

Entendant ses paroles, la femme semblait d’une façon ou d’une autre convaincue.

« Était-ce mal ? »

« Le métier d’aventurier est dangereux, ne le sais-tu pas ? Sais-tu quelle est la principale raison de la mort des aventuriers et des mercenaires ? », dit-elle en soupirant.

« Non. »

« Se faire tuer par un adversaire plus faible à cause d’un manque d’attention ou de préparation… Les demandes de bas rang ne sont pas difficiles, réellement, et selon la demande, même les femmes et les enfants peuvent le faire. Mais on ne sait pas ce qui pourrait se passer en dehors de la ville. Tu devrais te préparer au pire des cas… si tu ne veux pas mourir, bien sûr. »

Les paroles de la propriétaire firent réfléchir Ryoma.

J’agis comme si j’étais encore au Japon… Elle a raison ! Je ne connais pas encore ce monde. En plus, je suis poursuivi par l’Empire. On ne sait vraiment pas ce qui va se passer, et je suis si imprudent… Sa préoccupation est tout à fait logique…

« Je suis désolé, madame. Je suppose que je n’étais pas aussi préparé que je le pensais. »

Ryoma baissa la tête pour la remercier de cet avertissement prévenant.

« Oh, non, c’est bon ! Vois-tu, mon magasin sert les gens qui vivent ici l’après-midi, mais pendant la nuit, nous sommes devenons une taverne pour les aventuriers et les mercenaires, donc j’ai vu beaucoup d’aventuriers. Et laisse-moi te dire que j’en ai vu beaucoup qui sont venus me dire qu’ils partaient à l’aventure, mais ne sont jamais revenus. Et quand j’ai demandé à leurs camarades qui avaient survécu, il s’était avéré qu’ils étaient morts près de la ville, car ils avaient oublié de prendre des antidotes ou n’avaient pas assez de médicaments… Alors j’ai pensé te prévenir. », dit-elle en essuyant ses larmes sur son tablier.

Elle avait vu beaucoup d’aventuriers aller et venir, et il était évident qu’elle l’avertissait par charité.

Je ne sais encore rien, alors je vais devoir faire attention à son avertissement. Je ne peux pas me permettre de mourir dans ce monde.

« J’ai le temps, alors je vais me préparer et je reviendrai dîner après ça. »

« Oh, vas-tu revenir maintenant... »

La dame s’illumina aux mots de Ryoma.

« Je pense que c’est une bonne idée. Tu sais où sont les magasins ? La forge est sur la route principale, après la guilde. La pharmacie est à côté. J’achèterais des médicaments si tu en as les moyens. Et pour l’armurerie, prends à droite d’ici et continue tout droit. Dis au vieux que le propriétaire du Sea Rumble Parlor t’envoie, et il te traitera bien. »

Poussé par la gentillesse presque maternelle de la propriétaire, Ryoma quitta le magasin, à la recherche d’une arme à laquelle il pourrait confier sa vie.

Bientôt, il trouva l’armurerie que le propriétaire du Sea Rumble Parlor lui avait recommandée. L’extérieur était un peu sale, mais l’avant du magasin était plutôt grand. À l’arrière du magasin se trouvait une grande cheminée qui soufflait de la fumée noire.

***

Partie 6

« Hé, cherchez-vous quelque chose ? »

Tandis que Ryoma entrait dans le magasin et examinait les lances et les épées exposées, un vieil homme barbu l’appela.

« Une arme commode, évidemment… »

Les mots de Ryoma n’avaient aucune mauvaise intention. Il voulait honnêtement dire qu’il voulait trouver et acheter une arme qu’il pouvait manier, d’où le « commode ». Mais dès que les mots quittèrent sa bouche, l’expression du commerçant changea instantanément.

« Aucune des armes que j’ai faites ou recueillies chez moi n’est “commode”, espèce d’idiot ! Maintenant, dégagez ! »

Son cri résonnait dans le magasin.

Ryoma faisait deux fois la taille de cet homme, mais il s’était tout de même trouvé submergé par sa colère.

« Aaah, je suis uhh, je suis désolé. Les gens du Sea Rumble Parlor m’ont dit de venir ici… »

En entendant les paroles hésitantes de Ryoma, l’expression du vieil homme s’était un peu adoucie.

« Pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? La femme du Sea Rumble Parlor vous a envoyé, n’est-ce pas ? »

« Oui ! »

« Alors, êtes-vous débutant ? Nan… Mais vraiment, avoir une telle corpulence et n’être que novice ? » demanda-t-il en regardant Ryoma d’un air suspicieux.

Certes, Ryoma était une personne de grande taille et son visage le faisait paraître plus vieux qu’il ne l’était. La plupart des gens auraient du mal à croire que c’était un novice. Mais Ryoma n’avait fait que confirmer les paroles du vieil homme sans paniquer. Faire douter les gens de son âge était un fait courant.

« Oui, je viens de m’inscrire à la guilde aujourd’hui. »

Voyant peut-être la manière dont Ryoma répondit instantanément pour être convaincant, le commerçant croisa les mains et hocha la tête d’un air grandiloquent. Ses bras étaient tachés d’innombrables marques de brûlures, probablement infligées par des braises lors de la fabrication d’armes. Ces brûlures étaient la preuve que c’était un artisan expérimenté.

« Je vous comprends. Eh bien, je suppose qu’on n’y peut rien. Mais cela dit, junior ! Je me fiche de ce que vous dites dans les autres magasins, mais ne dis jamais quelque chose d’aussi vague que “commode” dans mon magasin ! »

« Les artisans qui fabriquent eux-mêmes leurs armes sont-ils si rares ? », demanda Ryoma en prenant un poignard exposé à proximité.

« Vous ! Pouvez-vous le savoir !? »

Cette question fit rapidement changer l’expression du vieil homme.

« Oui, plus ou moins. »

Tandis que la voix du commerçant se remplit d’étonnement, Ryoma examina la lame du poignard qu’il tenait à la main. Elle était polie et rectiligne, ce qui montrait clairement qu’elle avait été martelée à maintes reprises pour enlever toutes les imperfections et les coins.

« Oh, oui ! C’est formidable. Récemment, la plupart des forgerons du coin fabriquent leurs armes en série par moulage, et la plupart des aventuriers pensent que c’est assez bien ! Le moulage, c’est juste verser du métal dans un moule, on ne peut pas faire de bonnes armes avec ça ! »

Ryoma voyait clairement la fierté du commerçant comme un artisan à l’œuvre. C’était probablement la raison pour laquelle le son du mot « commode » l’ennuyait au point de l’agacer et de le faire crier.

Et il était vrai que forger une arme demandait du temps et des efforts, et l’habileté de l’artisan pouvait la fragiliser, ce qui rendait difficile la garantie de sa qualité. Par comparaison, l’utilisation du moulage pour fabriquer une arme signifiait une qualité constante et permettait également de produire en grand nombre.

Le forgeage permettait d’obtenir une qualité supérieure, mais irrégulière et une plus petite quantité de produits, tandis que le moulage offrait une qualité et une production de masse constantes. Si l’on mettait de côté la question de savoir laquelle était la meilleure, étant donné que les armes étaient jetables, il était tout à fait naturel que les armes moulées soient plus acceptées en raison de leur prix.

Le talent du vieil homme n’est cependant pas si mal. Je vois pourquoi la propriétaire me l’a recommandé. Acheter ici pourrait être agréable, si les prix ne sont pas excessifs bien sûr…

Ryoma admit que le vieil homme avait du talent, mais cela ouvrait un nouveau problème.

« Alors, qu’est-ce que vous cherchez ? Une épée ou une lance ? »

Et il n’y en avait pas là. Cet endroit vendait des épées, des lances, même des haches, mais malheureusement il n’y avait pas un katana en vue.

C’est problématique. Il n’a pas fabriqué de katanas. Cet endroit ressemble à l’Europe, donc je n’y ai pas mis trop d’espoir, mais quand même…

Mais Ryoma n’allait toujours pas abandonner le commerçant. Il n’était pas obsédé par les katanas japonais, et il serait capable de faire des compromis avec un shamshir du Moyen-Orient ou une liuyedao chinoise.

« Avez-vous des épées courbes à un tranchant ? »

« Courbé, à simple tranchant, dites-vous… » répondit-il tout en réfléchissant profondément.

« Cherchez-vous des katanas, par hasard ? »

« Vous en avez !? », s’exclama Ryoma avec surprise.

La ville semblait européenne, et les soldats portaient tous des armes occidentales comme des épées à double tranchant et des hallebardes.

« Désolé, mais mon magasin n’en a pas, et je ne sais pas comment les faire, donc je ne peux pas prendre de commande non plus. »

Il secoua la tête pour s’excuser.

« Mais je connais son existence. Les katanas sont des armes utilisées dans les continents central et oriental, spécialisés pour taillader. Il faut cependant une formation spéciale pour les utiliser, de sorte qu’ils ne sont pas courants sur d’autres continents. Inutile de stocker une arme dont personne n’a besoin, voyez-vous ? »

« Oui, je comprends… »

C’était une justification parfaitement raisonnable.

« Si vous les trouviez quelque part par ici, ce serait dans la ville portuaire de l’est, Pherzaad. », dit le vieil homme pensif, en caressant sa barbe.

« La ville portuaire, Pherzaad ? »

« C’est la première place pour le commerce extérieur sur le continent occidental. Vous pouvez y faire venir des marchandises du continent oriental, en passant par le continent central. »

Ces mots laissèrent Ryoma perplexe.

S’il n’a pas de katana, dois-je prendre une épée à la place ? Mais je n’en ai jamais utilisé avant. Alors, dois-je prends une lance ? Non… Peut-être que sur la route, ça ira bien, mais ce sera difficile à transporter en ville. Alors une hache, peut-être ? Ce n’est pas une mauvaise idée, mais… L’utilisation d’une arme que vous ne pouvez obtenir que dans cette partie de la ville semble problématique…

Utiliser une arme à laquelle il n’était pas habitué l’exposerait au danger, et Ryoma ne voulait pas faire de compromis sur quelque chose qui serait si intimement lié à sa vie.

Mais d’un autre côté, les armes n’étaient après tout que des consommables. Quelle que soit la qualité de l’arme qu’il utilisait, la lame se tachait progressivement d’huile et s’écaillait. Tant qu’il ne les conservait pas comme épées de collection, toutes les armes devaient être réparées et remplacées.

En réalité, Ryoma réfléchissait à ses options, mais le commerçant remarqua probablement la perplexité de Ryoma, puisqu’il avait décidé de prendre la parole.

« Hmm, les armes normales ne sont pas ce qu’il vous faut, hein… Très bien, alors ! Je vais vous montrer ma collection. Si vous y trouvez quelque chose d’utile, vous pouvez le prendre ! »

« Hein ? »

« Eh bien, vous voyez, je garde tout ce qui m’intéresse, et les choses que les aventuriers apportent sont assez impressionnantes, mais difficiles à utiliser. Des armes et des outils que je ne peux pas vendre, car personne ne sait s’en servir. Vous trouverez peut-être quelque chose que vous pourrez utiliser là-dedans. Je peux vous en donner quelques-uns si vous en avez besoin ! Suivez-moi ! »

Cela dit, le vieil homme fit signe à Ryoma derrière le comptoir, en direction d’un escalier menant à un sous-sol. Au bas de l’escalier se trouvait une porte en acier que le commerçant déverrouilla avec une clé qu’il sortit de sa poche.

« Entrez, entrez. Je ne sais pas si vous trouverez ce que vous désirez, mon garçon. »

Quand ils s’étaient rencontrés pour la première fois, il l’avait appelé « junior », mais à un moment donné, il avait changé d’attitude.

Je suppose qu’il a dû me sous-estimer au départ…

Le changement semblait s’être produit lorsque Ryoma avait dit qu’il savait faire la différence entre une arme moulée et une arme forgée. Apparemment, les artisans avaient tendance à traiter avec plus d’affection les clients qui reconnaissaient leur travail.

« Wôw, c’est quelque chose… »

Ryoma laissa échapper son admiration.

La pièce dans laquelle le vieil homme l’introduisit était assez grande, environ 50 mètres carrés, et était bordée d’innombrables étagères. Au-dessus de ces étagères se trouvait un assortiment d’armes, attendant le jour où un guerrier capable de les manipuler apparaîtra.

« Là, vous avez des épées, puis des lances, des haches et des arcs. Chacun d’entre eux est un produit de qualité, fabriqué par un maître artisan. Le genre d’armes qui choisissent leurs maîtres, hein ? Une personne très douée. Mais ce n’est pas ce que je voulais vous montrer. »

Le vieil homme le conduisit ensuite sur l’étagère la plus à gauche.

« Je voulais vous montrer ça. »

Ryoma tourna son regard vers les armes de l’étagère. La première chose qu’il remarqua, c’était un tonfa en bois. Il y avait aussi d’autres armes uniques, comme un bâton en trois parties, un nunchaku, un sai et des poignards emei. Il y avait même des chakrams et un bâton extensible.

Qu’est-ce que c’est que ce bordel... D’où lui vient tout ça...

La surprise de Ryoma était compréhensible. Ils n’étaient pas du tout à leur place dans cet endroit et à cet âge. C’était un mélange de plusieurs cultures sans fil conducteur.

« Qu’est-ce que vous en dites ? »

« Ils sont trop uniques… », dit Ryoma en secouant la tête.

« Eh, je le savais… Ne savez-vous pas comment les utiliser ? »

« Non, je peux les utiliser, mais… Je n’ai pas eu d’entraînement spécifique avec eux. », dit Ryoma en ramassant les tonfas et en coupant l’air avec eux en un mouvement rotatif.

« Ouah. N’est-ce pas assez bien pour vous ? », demanda le vieil homme à Ryoma avec une expression fascinée.

« Non, ce n’est pas bon. Techniquement, je sais m’en servir, mais je ne peux pas vraiment les utiliser. Je n’obtiendrai rien en les utilisant dans un vrai combat. », répondit Ryoma tout en remettant les tonfas sur l’étagère.

« Dis, mon garçon… Êtes-vous vraiment un débutant ? C’est la première fois que je sers un client comme vous. J’ai d’abord cru que vous étiez un tyrolien, mais rien de ce que vous dis ou fais n’est normal… », demanda le vieil homme avec méfiance.

« Voyons, vieil homme. Je ne suis vraiment qu’un débutant. Il se trouve que j’en sais beaucoup, car j’ai voyagé partout avec mon père. », répondit Ryoma avec un sourire ironique.

« Je me demande si… eh bien, peu importe. Alors, qu’est-ce que vous allez faire ? »

Il n’avait pas l’air convaincu, mais le commerçant exhorta Ryoma à choisir une arme.

Ses yeux brillaient, plein d’expectatives. Les armes qui avaient dormi dans son entrepôt pendant des années pourraient enfin trouver un manieur. Même si ce n’étaient pas des armes qu’il avait fabriquées, c’était comme s’il donnait sa fille en mariage. Mais contrairement aux attentes du vieil homme, Ryoma n’acquiesça qu’à demi convaincu et avança plus profondément dans la pièce.

« Hmm… »

Ce n’est pas comme si je ne pouvais pas les utiliser, mais je dois garder à l’esprit qu’utiliser quelque chose de trop inhabituel pourrait attirer l’attention…

Chacune de ces armes présentait ses propres avantages, mais il aurait fallu une formation spécifique pour s’en servir. D’autre part, les armes aux formes inhabituelles étaient imposantes, mais attiraient aussi le regard des autres. Et comme il était poursuivi, Ryoma ne voulait pas attirer l’attention sur lui.

« Oh ! »

Arrivé au bout de la pièce, le regard de Ryoma tomba sur un objet.

***

Partie 7

C’était une chaîne qui avait des poids attachés aux deux extrémités. Elle mesurait quatre-vingts centimètres de long et était très mince, de sorte qu’on pouvait facilement la dissimuler dans ses vêtements.

« Ah, celle-là. J’ai entendu dire qu’un homme de l’autre monde l’a amené ici. Y a-t-il quelque chose d’étrange dans cette chaîne ? », dit le vieil homme à propos de la chaîne dans les mains de Ryoma.

« Un homme de l’autre monde !? », Ryoma éleva la voix, surprit par ce mot inattendu.

« Ouais. Tout ce qui est sur cette étagère est apporté ou fabriqué par des gens de l’autre monde. »

Ryoma n’arrêtait pas de se demander pourquoi la culture orientale semblait s’y être mêlée de si près, mais ce que le vieil homme venait de dire expliquait tout. C’est parce qu’ils convoquaient depuis si longtemps des gens de races et d’origines diverses.

J’ai compris ! C’est pour cette raison que leur culture est si avancée dans certaines choses et moins dans d’autres !

En d’autres termes, les personnes convoquées avaient appliqué leurs connaissances variées et les avaient mises en pratique dans ce monde. La carte bancaire en était un bon exemple. Une personne moderne avait probablement été convoquée, et avait mis en œuvre ses connaissances dans les réseaux de gestion bancaires. Ryoma ne savait pas ce qu’ils faisaient dans un monde sans ordinateurs, mais il semblerait qu’ils employaient quelque chose qui n’était pas du domaine de la technologie.

Inversement, la raison pour laquelle ils utilisaient encore des parchemins était que peu de gens savaient réellement comment faire du papier. Ou peut-être que le fait de le faire en grande quantité était trop coûteux ?

Le papier est si accessible que peu de gens savent comment le fabriquer… Et il n’y a pas de machines pour le produire en masse.

Par conséquent, les domaines de connaissance que les gens convoqués étaient capables de faire progresser étaient à un niveau similaire à celui de la société moderne, alors que les domaines de connaissance que ne possédaient pas les gens convoqués étaient encore coincés à l’époque médiévale.

« Qu’est-ce qui vous arrive ? », demanda le commerçant, regardant Ryoma d’un air suspicieux.

« Ah ! Non… Euh, je pensais justement à quelque chose… », Ryoma reprit la chaîne pour se débarrasser de ses pensées.

Pas mal… Grand-père m’a appris à utiliser une chaîne lestée, et je peux la cacher dans mes vêtements. En plus de cela…

Il n’était pas très utile de cacher des armes dans ce monde, vu que les gens portaient ouvertement des épées et des lances. Mais c’est aussi pour cela qu’avoir un atout caché dans sa manche était inutile.

Après quelques délibérations, Ryoma choisit comme arme la chaîne lestée, ainsi que les chakrams comme armes de projectiles. On pourrait le décrire comme une sorte de CDs ayant des lames le long de leurs jantes.

Ryoma avait choisi les chakrams pour plusieurs raisons, mais la plus importante était le fait que les armes blanches avaient le plus grand potentiel pour blesser et tuer.

« Vieil homme, je vais prendre ces deux-là et une épée. »

« Je croyais que vous n’aimiez pas les épées ordinaires ? »

Le commerçant fut visiblement surpris par les paroles de Ryoma.

« Non, mais j’ai du travail demain. »

Après y avoir réfléchi si longtemps, Ryoma décida de choisir une épée à laquelle il n’était pas habitué. Toute arme trop nouvelle attirerait simplement trop l’attention.

« Est-ce vrai ? Si vous êtes pressé, c’est bon. Je vous en choisirai une que vous pourriez manier à une main. Remontons pour l’instant. »

« Merci. »

En reconnaissance, Ryoma inclina la tête devant le vieil homme, qui avait commencé à monter les escaliers.

Ryoma plissa les yeux alors que la lumière du soleil arrivait de l’est. L’épée qu’il avait achetée au forgeron était sur son dos, et les chakrams pendaient d’un sac en cuir sur sa taille. Son apparence était vraiment vaillante. Mais comme pour contredire délibérément son apparence, Ryoma passa nerveusement au crible le sac qu’il portait, vérifiant le poids de son contenu.

« J’ai failli y passer tout à l’heure… »

Il faisait allusion à quelque chose qui s’était passé hier, après son retour du magasin d’armes. Pendant qu’il dînait et qu’il recueillait des informations au Sea Rumble Parlor, il s’était soudain rendu compte de quelque chose.

« Ah ! »

Sa voix résonnait dans le restaurant qui, à cette heure de la journée, servait maintenant de pub.

Les regards de tous les clients se tournèrent vers sa voix.

« M-Madame… »

« Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? », demanda le propriétaire, se précipitant aux côtés de Ryoma avec surprise.

Elle craignait qu’il n’y ait eu un insecte dans sa nourriture, mais à en juger par son expression, ce n’était pas ce genre de situation qui avait causé son accès de colère. Comme la propriétaire le lui avait demandé d’une voix stressée, Ryoma répondit d’une voix feutrée.

« La lettre. La lettre, je… »

« Ne me dis pas que tu as perdu la lettre que tu devais livrer !? », demanda-t-elle, son expression changeant.

Si c’était vrai, ce serait une grave erreur, et il devra sûrement payer une pénalité. Ou plutôt, la pénalité n’était pas un si gros problème. Ce genre d’erreur aurait pu être pardonnable s’il avait eu une expérience quelconque à son actif, mais le fait d’être un vrai novice et de se planter comme ça fera en sorte qu’il aura beaucoup plus de mal à trouver une nouvelle quête. Après tout, la guilde savait repérer les gens qui posaient problème.

« N, non… Pour commencer, je n’ai même pas reçu la lettre… »

La réponse de Ryoma fit mettre un sourire sur le visage de la propriétaire. Il semblerait que beaucoup de novices avaient déjà fait la même erreur auparavant.

« Oh ho… Tu as dû partir sans aller au comptoir de livraison, alors. »

« Le comptoir de livraison ? »

Les autres clients semblaient avoir compris la situation, puisqu’ils souriaient en regardant Ryoma.

« Regarde le novice. »

« Oui, j’étais aussi comme ça lors de ma première quête. »

« Cette satanée guilde et sa bureaucratie, ai-je raison ? »

Ryoma avait capté les chuchotements qui surgirent d’ici et d’ailleurs.

« Ahahahahahaha. »

La propriétaire rit fort, incapable de retenir son amusement plus longtemps.

Cela avait incité tous les autres à éclater de rire avec elle.

Ryoma ne comprenait pas pourquoi on se moquait de lui. Mais au moins, il semblait que ce ne soit pas une erreur fatale, ce qui le soulageait un peu plus. Pourtant, son cœur était encore irrité par le doute et l’irritation.

« Aha, désolé, désolé. »

Remarquant que Ryoma se vautrait dans le silence tout en étant la risée de tous, la propriétaire se calma et cacha sa bouche derrière son tablier.

« Je pense qu’à peu près tous les autres nouveaux arrivants finissent par tomber dans ce piège-là. »

Il y avait toujours un sourire évident sur son visage.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Les paroles de Ryoma incitèrent les clients à se mettre à applaudir.

« Santé pour l’épreuve du novice, les gars ! »

« Gloire à la bureaucratie ! Ils ont fait une autre victime ! »

« Ne laisse pas ça t’atteindre et persévère, bizut ! »

La situation ne devenait pas plus claire, ce qui faisait que Ryoma fixait à nouveau la propriétaire avec perplexité.

« Et bien… Quand tu t’es inscrit à la guilde, ne t’ont-ils pas donné quelque chose ? », dit la dame en remarquant le regard de Ryoma

« De la guilde ? Juste ma carte, et… hé, attends un peu ! »

Ses paroles avaient paralysé l’esprit de Ryoma, il venait de se souvenir de quelque chose.

C’est ça ! Après mon inscription, elle m’a donné une sorte de livret !

La réceptionniste le lui avait remis après qu’il eut terminé son enregistrement. Ryoma l’avait simplement jeté dans son sac et l’avait oublié. Il était naturel qu’il le fasse jusqu’à ce que cela lui soit rappelé. C’était un épais livret de plus de cent pages. Personne ne le lisait dès qu’il le recevait, surtout pas quand il venait de s’inscrire.

« Essaie de regarder la page 3 de ce truc. »

Poussé par les paroles de la dame, Ryoma sortit le livret du sac.

« Là… »

En plaçant le livret sur la table, Ryoma avait vu que cela s’intitulait « Information pour les débutants de la guilde ».

C’était rempli d’informations essentielles que les gens qui recevaient des demandes de la guilde avaient besoin de connaître.

« Tu as accepté une demande à la réception de la Guilde, n’est-ce pas ? »

Ryoma acquiesça à sa question.

« Eh bien, la réception ne fait rien d’autre que la réception. Après avoir pris une demande de livraison, tu dois aller au comptoir de livraison et prendre ce que tu dois livrer. »

Cela semblait simple en l’entendant expliquer ainsi, mais Ryoma ne se sentait pas vraiment convaincu. Il n’essayait pas de trouver des excuses, mais il estimait qu’il serait probablement plus efficace qu’on lui donne l’article en question une fois la demande acceptée. Bien sûr, il n’était pas très bien placé pour le dire vu qu’il avait simplement jeté le livret dans son sac et l’avait oublié, mais il ne se sentait toujours pas responsable de cela.

Mais il semblerait que cela arrivait assez souvent aux gens. La propriétaire avait probablement vu plusieurs débutants faire la même erreur, il n’était donc pas étonnant qu’elle ait compris ce qui s’était passé juste à cause de ce murmure de sa part.

« Tu as l’air plutôt mécontent. Eh bien, comme le système peut être un peu compliqué, la guilde fournit ces livrets, mais la majorité des gens ne lisent pas. Après tout, c’est la première fois qu’ils s’inscrivent et en plus c’est leur premier emploi. Ils sont si nerveux qu’ils oublient ce satané livret. C’est comme la première épreuve qu’un nouveau venu doit surmonter. »

Il semblerait qu’elle comprenait assez bien le mécontentement de Ryoma et qu’elle lui expliquait les choses avec le sourire.

« La guilde est-elle encore ouverte ? »

Il était 20 h 30 du soir. La plupart des magasins, à l’exception des pubs, étaient fermés à ce moment. Si la guilde était fermée, il faudrait qu’il perde du temps demain jusqu’à l’ouverture. Il semblerait cependant que ses préoccupations étaient sans fondement.

« Heheheheh. La guilde est ouverte 365 jours par an, 24 heures sur 24. Tout cela est écrit dans le livret, au fait, alors assure-toi de le lire. »

En entendant cela, Ryoma s’empressa de finir son dîner composé de viande grillée. Laissant son argent pour le repas sur le comptoir, il se précipita vers la sortie du magasin et inclina la tête devant la dame en signe de gratitude. Il se dirigeait, bien sûr, vers le comptoir de livraison de la guilde.

« Oui ! Voilà l’objet en question. Bonne chance pour la livraison, M. Mikoshiba. »

Une femme portant des lunettes tendit à Ryoma une enveloppe recouverte de papier huilé.

« C’est scellé avec de la cire. Mais faites attention, si le sceau est brisé, que vous ayez vu ou non ce qu’il y a à l’intérieur, nous devrons vous faire payer une amende. »

En vérifiant le panneau d’information près de l’entrée de la guilde, Ryoma s’était rendu au premier sous-sol de l’immeuble, où se trouvait le comptoir de livraison. Ryoma présenta sa carte, et la fille au comptoir apporta rapidement la lettre. Les choses auraient cependant pu finir aussi facilement et beaucoup plus vite si seulement il avait simplement lu le livret plus tôt.

Je suppose que mieux vaut tard que jamais.

Bien qu’il soit encore amèrement réticent à admettre qu’il avait tort, Ryoma était reconnaissant pour sa chance. Il retourna ensuite à son auberge qui faisait face à la rue principale pour passer la nuit, et le lendemain matin il partit de la capitale d’O’ltormea.

« Fwaaaaah… »

Un bâillement s’échappa de la bouche de Ryoma.

À cette heure aussi matinale, il n’y avait personne sur la route vers Melpheren à l’exception de Ryoma. Après être retourné à l’auberge, Ryoma avait suivi les conseils que la propriétaire du Sea Rumble Parlor lui avait donnés et avait lu la brochure Information pour les débutants de la guilde. Il ne savait pas tout, mais il maîtrisait les bases. Cependant, comme il l’avait lu jusque tard dans la nuit, il s’était couché à une heure assez tardive.

Il avait aussi reconfirmé le prix des médicaments et des antidotes, pour s’apercevoir qu’ils étaient plutôt chers. D’après l’explication écrite sur la bouteille, il était plutôt efficace pour traiter les blessures, mais financièrement parlant, ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait utiliser facilement.

Si c’était dans un jeu vidéo, ce serait les articles les moins chers que vous pourriez acheter…

Une autre différence frappante entre ce monde et un jeu vidéo était que s’il devait mourir, il n’y aurait pas de suite. En considérant cela, Ryoma s’était rendu compte que ce genre de médicament n’était pas quelque chose à propos de quoi il devait être avare.

***

Partie 8

Mettre de côté l’argent qu’il devrait investir dans son équipement, gagner une pièce d’argent par jour lui garantirait trois repas par jour et le séjour dans une auberge modérément propre et sûre. Il pourrait réduire ce montant de moitié en faisant des compromis, mais sa qualité de vie se dégraderait en conséquence. Pour Ryoma, qui avait vécu au Japon, l’un des principaux pays développés de la planète, vivre de façon moins commode était inacceptable.

Mais les monstres… Vont-ils apparaître si je m’éloigne un peu de la route ?

Le paysage autour de lui était la vision même de la sérénité. Mais contrairement à son apparence paisible, le monde à l’extérieur des murs de la ville était apparemment plein de dangers.

Le livret d’information pour débutants de la guilde qu’il avait lue hier soir contenait des informations sur la façon d’accepter et de signaler les demandes, ainsi que des informations sur l’habitat des créatures que les aventuriers novices seraient appelés à tuer, comme les chiens sauvages et les abeilles. Selon le livret, plus on s’éloignait de la route, plus les monstres devenaient forts. Les aires de reproduction des chiens sauvages et des abeilles sauvages qu’on lui avait demandé de chasser cette fois-ci se trouvaient dans une forêt juste à côté de la route principale.

Quoi qu’il en soit, le meilleur moyen d’en être sûr, c’est d’aller voir par moi-même.

Les attentes et l’anxiété remplissaient son corps. C’était sa première bataille contre des monstres. S’il ne pouvait pas gérer cela, il ne pourrait pas survivre dans ce monde en tant que mercenaire ou aventurier. Ryoma quitta la route et entra dans la forêt à la recherche de sa première proie…

Bien qu’elle soit proche de la route, la forêt était assez épaisse. Après avoir avancé pendant un court moment, se frayant un chemin à travers les branches, un bourdonnement, généré par les battements d’ailes, atteignit ses oreilles. Fixant son regard dans la direction du son, il trouva cinq insectes bourdonnant autour d’un arbre à une dizaine de mètres. Cependant, il n’était pas sûr qu’il puisse les décrire comme des « insectes », étant donné qu’ils étaient aussi gros qu’un chien de taille moyenne…

Ce sont des abeilles ? Le livret décrivait leur taille, mais elles semblent plus grandes que ce à quoi je pouvais m’attendre.

En termes de morphologie, elles ressemblaient à des abeilles normales, mais elles étaient plus grosses que n’importe quel insecte que Ryoma n’ait jamais vu. Il s’agissait, selon toute vraisemblance, de monstres appelés abeilles sauvages. D’après le livret, leur corps volumineux signifiait qu’elles n’étaient pas très rapides. Mais elles étaient porteuses d’un poison mortel, et se faire piquer plusieurs fois pouvait entraîner la mort.

Je suppose que, pour l’instant, je devrais prendre l’initiative.

Réalisant que l’ennemi ne l’avait pas encore vu, Ryoma sortit soigneusement les chakrams de son sac et abaissa sa taille, comme s’il tirait une épée de son fourreau. La jambe droite appuyée vers l’avant, il plia sa taille vers la gauche. Étirant son corps comme un arc, il libéra ensuite toute la force qu’il avait accumulée d’un souffle aigu. Le chakram avait été tiré, coupant dans les airs alors qu’il volait droit vers l’une des abeilles.

Deux sons résonnèrent immédiatement après. Mais ne se souciant pas de ça, Ryoma lança un autre chakram rapidement. Ryoma répéta ce processus jusqu’à ce que le bourdonnement disparaisse complètement.

Le regard tourné vers ses cibles, les abeilles gisaient déjà mortes sur le sol. Certaines avaient été coupées en deux au niveau du torse, d’autres avaient eu la tête tranchée, d’autres avaient eu les ailes brisées et avaient été incapables de rester en l’air. Elles avaient toutes été touchées à différents endroits, mais les chakrams semblaient tous avoir traversé le corps des abeilles.

Sortant son épée, Ryoma s’approcha des abeilles. Elles étaient toutes en train de mourir. En commençant par celle qui était toujours la plus vive en dépit de ses ailes déchirées, Ryoma leur porta le coup de grâce.

Et ensuite c’est… Hmm.

Confirmant qu’il n’y avait aucun ennemi dans les environs, Ryoma prit le livret.

Alors je peux vendre leurs ailes et leurs dards…

En utilisant les informations contenues dans le livret comme référence, Ryoma commença à arracher des parties du corps des abeilles. Après tout, l’essentiel du travail des aventuriers avait lieu après la mise à mort de monstres.

Ryoma sortit un dard empoisonné, recouvert de fluides corporels verts.

Whoa ... Cette chose mesure bien cinq centimètres de long…

Même sans aucun venin, cet objet était suffisamment tranchant pour causer une blessure mortelle si vous poignardiez quelqu’un avec. Il avait ensuite coupé leurs ailes, pour se rendre compte que trois des abeilles avaient les ailes percées.

Aww, merde. Si je me souvenais bien…

En feuilletant le livret, Ryoma trouva, comme il s’en souvenait, un avertissement.

« Toutes les parties du corps étant destinées à la vente, veuillez noter que les parties trop endommagées ne peuvent être acceptées. »

C’était assez évident. S’ils étaient mis en vente, personne n’achèterait d’ingrédients endommagés. Cela dit, ce n’était pas quelque chose dont on pouvait se soucier quand on mettait sa vie en jeu dans un combat. Sa vie valait bien plus que quelques pièces de cuivre.

Dans un jeu, vous n’avez qu’à ramasser tous les objets qui sont lâchés…

Abandonnant les plus gravement endommagés, Ryoma s’était concentré sur celles dont les ailes étaient pratiquement intactes.

Il faut être malin pour ne pas abîmer les items après s’être donné la peine de les tuer… Mais cela dit, ça ne vaut pas la peine de perdre la vie pour ça. Je suppose que je vais devoir renoncer à l’argent quand les choses deviendront vraiment dangereuses…

C’était une vérité assez évidente, et qui n’était pas conforme à la logique du jeu vidéo. La dureté de tout cela fit soupirer Ryoma.

Après avoir terminé sa dissection des abeilles, Ryoma avança plus profondément dans la forêt. Il avait préparé son déjeuner à l’auberge, ce qui lui laissait amplement le temps d’explorer.

Je dois m’habituer à cette épée.

Ryoma n’avait pas pu s’empêcher de se languir du katana qu’il avait l’habitude d’utiliser… Ryoma était en quelque sorte capable d’utiliser les chakrams grâce aux compétences qu’il avait apprises pour lancer des shurikens, mais son épée était une arme à laquelle il n’était simplement pas habitué.

Contrairement au katana, qui était utilisé pour dégainer et trancher, l’épée était utilisée en appliquant la force. Il s’agissait d’armes fondamentalement différentes. Et ayant été entraînée à utiliser un katana dès son plus jeune âge, une épée était terriblement gênante à utiliser pour Ryoma. Il n’avait pas d’autre choix que de traverser la frontière avec son équipement actuel.

Ses poursuivants de l’empire l’avaient déjà devancé et le cherchaient sans doute. Au moins, il était naturel de le supposer, étant donné qu’ils se déplaçaient tous à cheval. La question était de savoir s’ils avaient envoyé des agents à la frontière est, où Ryoma avait l’intention de s’échapper, mais il était confiant.

Si j’étais eux et que je devais traquer quelqu’un dont je ne connaissais pas le visage, je ne ferais pas le difficile quand au nombre de personnes que j’enverrais pour les traquer. D’abord, je renforcerais la sécurité autour des frontières, et je ne laisserais passer aucune personne suspecte. Et puis je resserrais mon emprise sur les routes menant de la capitale aux frontières.

Ryoma continua de réfléchir alors qu’il avançait dans la forêt.

Mais comme ils n’ont pas réussi à me capturer quand j’étais dans la capitale, j’ai déjà beaucoup gagné. Le fait qu’ils ne sachent pas à quoi je ressemble me donne déjà un énorme avantage. Il ne me reste plus qu’à atteindre la frontière…

Tandis que Ryoma réfléchissait, le chemin devant lui s’ouvrit soudain. Les arbres de la forêt avaient été défrichés, laissant un espace dégagé au milieu de la forêt. Le grognement des animaux atteignit soudainement les oreilles de Ryoma.

Ryoma regarda devant lui, apercevant de grands chiens d’environ un mètre de haut. Ils étaient treize, probablement une famille. Certains d’entre eux étaient visiblement des chiots.

Ce sont donc des chiens sauvages…

Ils ne faisaient que grogner, essayant d’effrayer l’intrus. Ils n’essayaient pas de se jeter sur lui, hésitant probablement à cause de l’envie de garder leurs petits en sécurité.

C’est ma chance.

Ryoma sortit rapidement ses chakrams, visant les chiens plus âgés qui s’avançaient pour protéger les chiots. Ryoma lança les chakrams, qui coupaient à travers l’air vers les chiens. Ils étaient tirés avec un angle calculé, si les chiens parents essayaient d’esquiver, les chiots étaient touchés, et s’ils ne le faisaient pas, ils seraient eux-mêmes des cibles.

C’était un stratagème cruel qui utilisait leur désir de protéger leur progéniture contre eux, mais Ryoma lâcha ses chakras sans pitié. Le bruit de la chair déchirée remplissait la forêt, et un gémissement de douleur retentit contre les arbres.

Ryoma sortit alors rapidement son épée et se précipita vers les chiens sauvages, qui avaient déjà reconnu Ryoma comme un ennemi. Enragés par le mal qu’il avait fait à leur famille, les chiens avaient impitoyablement sorti leurs crocs face à Ryoma.

Ils étaient huit. Les cinq qui avaient été blessés par les chakrams s’étaient retirés. Le chien qui partit le premier sauta deux mètres devant Ryoma.

Je suppose que c’est ce à quoi on peut s’attendre d’un animal muet…

Ryoma passa son épée entre les mâchoires ouvertes du chien. Sauter n’était pas une sage décision, car sans ailes, il était incapable de se déplacer en l’air. Bien sûr, les circonstances importaient. Cela aurait été une tout autre histoire s’il s’agissait d’une attaque-surprise, mais le faire lors d’un assaut frontal comme celui-ci n’était rien de moins que suicidaire.

Bien sûr, les chiens sauvages n’avaient pas l’intelligence de le comprendre. Ils avaient attaqué Ryoma selon leurs instincts. Ryoma se glissa simplement à leurs côtés, leur coupant la tête les uns après les autres. Chaque coup était mortel, alors qu’il passait d’un mouvement à l’autre.

Mais comme il tuait les chiens avec une procédure presque mécanique, Ryoma devait être devenu indifférent. L’un des chiens ne lui avait pas sauté dessus, il s’était simplement dirigé vers la jambe droite avec la gueule ouverte. Ryoma donna un coup de pied par réflexe avec sa jambe, l’enfonçant dans la gorge du chien. Alors que le chien se tordait de douleur, Ryoma enfonça son épée dans sa tête.

Phew. C’était proche. J’ai presque baissé ma garde…

Ils ne restaient que trois chiens, les chiots nichés dans les cadavres de leurs parents. Ryoma s’approcha d’eux. Ceux-ci, sentant le danger, se levèrent brusquement.

Comme on pouvait s’y attendre de créatures appelées monstres, même les chiots semblaient féroces. Même avec leurs parents morts, ils ne reculèrent pas, grognant de manière menaçante. Une distance de cinq mètres les séparait. Ryoma appuya son épée sur la gauche de son corps, sa position montrait qu’il allait porter un coup transverse du bas vers le haut.

À mesure qu’ils se regardaient dans les yeux, l’air devenait de plus en plus lourd. C’était Ryoma contre trois chiens sauvages. Au moment où leurs deux instincts meurtriers étaient au point de rupture, Ryoma avait soudainement effacé sa détermination.

Les chiens, qui étaient sur le point de bondir à tout moment, perdirent leur agressivité dans la confusion, hésitant devant le comportement étrange de Ryoma. C’était alors que Ryoma ferma soudainement la distance, faisant une entaille diagonale depuis le bas.

La tête du premier chien avait été coupée. Ryoma avait ensuite balancé une deuxième fois son épée en l’air, traçant à nouveau la même trajectoire pour diviser l’abdomen d’un deuxième chien en deux. Tout cela s’était produit en quelques secondes.

Le troisième chien s’était lancé dans un sprint en courant dans l’autre sens. Il semblerait que son instinct le poussait à donner la priorité à la fuite sur le combat. Mais Ryoma n’allait pas rester les bras croisés et le laisser s’échapper. Déposant son épée dans le sol, Ryoma lança un chakram sur son dos sans défense.

Ouf, ça fait treize…

La bataille n’avait duré que trois à quatre minutes. Comme chacun d’eux avait été tué d’un seul coup, ce n’était guère long.

Les chakrams sont assez mortels, mais… Il n’est pas si facile de les récupérer, alors c’est un peu chiant…

Comme ils n’avaient pas de manche et que leurs jantes étaient entièrement composées de lames, la puissance meurtrière des chakrams était certes forte, mais cela signifiait aussi qu’ils avaient tendance à s’enfoncer dans la chair de l’adversaire. Essuyant les six chakrams imprégnés de sang avec un chiffon, il les avait remis dans le sac sur sa taille.

Voyons voir… Quelles parties des chiens sauvages sont...

Selon le livret, les parties les plus précieuses du corps d’un chien sauvage étaient les deux crocs qui poussaient de sa mâchoire supérieure et sa fourrure. Ryoma s’était mis à retirer la fourrure des chiens avec son épée, quoique maladroitement, puisqu’il n’y était pas habitué.

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