Chapitre 9 : Mercenaires
Partie 5
Ai-je envahi son territoire ? Ou bien me voit-il comme une proie ? Ahem. Chéri, c’est moi qui chasse ici, merci beaucoup.
Il n’était pas trop grand selon les normes de l’industrie du sanglier… Non pas que Mitsuha savait si quelque chose comme ça existait. Est-ce un petit ? Un cochon d’Inde ? Un marcassin ? Ça n’a pas l’air si petit. Il a au moins l’air suffisamment grand pour m’envoyer voler. Il a déjà des défenses, alors peut-être qu’il me poignarderait ? Ou est-ce qu’il me percuterait après m’avoir jetée à terre ? Il n’a pas l’air effrayé, alors c’est peut-être un adulte ?
Avant que Mitsuha n’ait pu terminer son raisonnement, le sanglier mugit, mit les pattes sur la terre et la menaça en prenant une pose « prête à charger ». Elle ne se sentait pas obligée de traîner et d’attendre qu’il soit lancé.
Mon père venait de la cambrousse, je veux dire, de la campagne. En particulier dans cette ville où il n’était pas rare que le journal local fasse la une des journaux avec ceci : « Un sanglier sauvage fonce sur une voiture » et que des bêtes d’élevage soient grièvement blessées lors d’attaques de sangliers. Bien sûr, je ne sais que trop bien qu’il ne faut pas s’en prendre à ces animaux… Je sais exactement quoi faire !
« AAAAAAAAHHHHHHHHHHHH ! »
Elle s’était enfuie. Ou plutôt, elle avait mis les voiles.
Les sangliers ne peuvent pas faire de virages serrés, alors je dois juste courir aussi-HUH !? Il me rattrape encore ! Papa, pourquoi mentirais-tu sur quelque chose d’aussi important !? Oh, ouais… Il ne pensait probablement pas que je serais poursuivie par un sanglier un jour. Ça ne lui est probablement jamais arrivé. Il l’avait probablement entendu et l’avait accepté comme un fait sans le confirmer lui-même.
Le sanglier n’était pas très agile, mais il réduisait progressivement la distance entre eux chaque fois qu’il y avait un chemin droit. Il ne mettra pas longtemps avant de rattraper son retard. Si c’était le cas, Mitsuha vivrait bien plus qu’un moment de souffrance… Ses défenses étaient mortelles. La forêt n’était pas non plus un bon endroit pour courir, elle avait rapidement manqué d’endurance. Elle avait l’impression de pouvoir trébucher à tout moment.
C’est mauvais ! Elle avait paniqué. Mais avant de s’en rendre compte, sa main droite ouvrait l’étui sur sa taille et sortait une arme. C’était le Beretta 93R, le pistolet ayant le mode rafale à trois coups. Sa main gauche s’était jointe à elle et l’avait mis en mode semi-automatique, le mode tir unique.
Des bruits bruyants et secs avaient retenti pendant qu’elle tirait trois fois sur l’animal. Il y avait un manque d’écho perceptible. Après tout, elle n’était pas à l’intérieur, il n’y avait pas grand-chose pour que les sons réverbèrent.
Le sanglier était mort sur place. Une seule des trois balles avait manqué. Heureusement que j’étais passée en mode tir unique. J’aurais eu de la chance de le toucher une seule fois en mode rafale.
Quoi ? Vous pensez que l’utilisation d’armes à feu est injuste ? Allons, ce n’est pas comme si c’était une chasse professionnelle et le sanglier n’était pas non plus un talon d’Achille. Je cherche à survivre ici, pas à avoir un honorable « combat du siècle » ou autre. Mitsuha se précipita pour prendre deux flèches d’arbalète de son carquois avant de les enfoncer dans les blessures du sanglier.
« Que s’est-il passé !? »
Les mercenaires s’étaient précipités sur la scène et tombèrent sur Mitsuha à côté d’un sanglier avec deux flèches qui en dépassaient.
« Oh, il m’a attaqué de nulle part. J’ai paniqué et j’ai tiré, et ça a marché… », dit-elle.
Quatre paires d’yeux lui lancèrent un regard suspect.
Ah, c’est parce que l’arbalète n’était pas aussi puissante quand je l’ai utilisée devant eux.
Ils avaient pris le sanglier et l’avaient ramené au campement, pour ensuite repartir à la chasse. Gritt était resté pour éviscérer le gibier et le protéger des autres animaux. Les autres étaient sortis, Mitsuha incluse. Ilse était un choix évident, étant l’archère du groupe, mais il semblerait qu’ils reconnaissaient maintenant Mitsuha comme un atout précieux.
Ilse avait abattu un lapin et un oiseau, tandis que Mitsuha n’avait abattu qu’un seul lapin. Elle aurait pu en avoir deux, mais le deuxième s’était enfuie après qu’elle ait raté se cible. C’était vraiment dommage. Les lapins et les oiseaux se vendaient tous les deux à un prix décent, de sorte qu’ils allaient être mis sur le marché. C’était assez pour la journée, alors le groupe était retourné au camp pour la nuit.
Quand ils étaient arrivés, Gritt faisait bouillir des intestins. Ahh, ouais. Ceux-ci pourrissent assez rapidement, il est donc logique qu’ils les mangent au lieu de les rapporter. Je parie que c’est délicat. J’en mangerai aussi, bien sûr. J’aime les intestins, et ils sont très nutritifs.
Tout le monde était de bonne humeur. Bien qu’ils n’aient pas attrapé un renard ou quoi que ce soit d’autre ayant une peau chère, les deux lapins, les oiseaux et, bien sûr, le sanglier avaient largement compensé cela. Leur voyage avait été un succès, cela ne faisait aucun doute. Il y avait aussi la montagne d’herbes qu’ils avaient cueillies la veille, et ils allaient chasser à nouveau demain. Tout cela combiné avec la récompense de Mitsuha rapporterait beaucoup d’argent. Probablement pas assez pour obtenir de nouvelles armes, mais assez pour se détendre pendant un moment.
Même si c’était les intestins, tout le monde était excité, car c’était leur première viande depuis longtemps, et leur rire avait retenti jusqu’à ce qu’il fasse nuit.
Le lendemain matin…
« Hein ? De la nourriture ? Qu’est-ce que vous racontez ? Vous allez chasser, puis vous prenez un brunch, et puis on retourne tous en ville, non ? Pourquoi perdez-vous votre temps ici ? »
Attristés par la réponse froide de Mitsuha, les quatre mercenaires s’enfuirent.
Hein ? Moi ? Je m’occupe du camp. La chasse est super ennuyeuse. Je veux dire, j’ai besoin de conserver de l’énergie pour le voyage de retour. Mais je vais leur préparer quelque chose à manger.
Comme la visibilité était faible, Mitsuha avait profité de l’occasion pour bien organiser son inventaire. Elle était retournée dans sa maison avec les articles qu’elle n’utiliserait plus, comme le réchaud de camping. Elle les avait laissés là, et avait pris à la place quelques épices, comme du sel, du poivre, et d’autres herbes.
Je crois que je vais faire bouillir les restes d’intestins, avait-elle décidé. Si elle rapportait le réchaud, elle n’aurait plus l’occasion de le laisser à la maison, puisque tout le monde serait de retour avant que j’aie terminé. Elle avait donc décidé d’utiliser le poêle en pierre de Gritt.
Le quatuor était revenu bien plus tôt qu’elle ne s’y attendait. Elle avait été doublement surprise de voir le cerf qu’ils avaient apporté. Pas possible, on a du gibier maintenant ! L’Américain moyen, adorant manger du bœuf à chaque repas, se précipiterait sur cette viande légendaire !
Cet animal vaut cher. Tout le monde a l’air heureux comme un agneau ! Ugh, ouais, je sais que c’est qu’un « clam ». Mais vraiment, en quoi cela a-t-il un sens ? Imaginez un troupeau d’agneaux sautant dans un pâturage, broutant sans le moindre soin dans le monde. Ça colle mieux, n’est-ce pas ?
Whoa, j’ai pris une tangente là. Revenons à la question qui nous occupe… Quel gaspillage de bons intestins ! J’ai déjà fait du ragoût avec les tripes d’hier soir ! Il va falloir jeter ceux du cerf, même s’ils sont évidemment meilleurs… D’un autre côté, même si nous commencions à les cuire maintenant, nous serions rentrés tellement tard que nous aurions de toute façon dû jeter ses intestins.
Tout le monde avait commencé à découper le cerf. C’était trop lourd à rapporter en un seul morceau, de sorte qu’ils ne gardaient que les pièces qui valaient la peine d’être vendues. Ils jetèrent les entrailles, lui coupèrent la tête et mirent de côté les bois. Les pattes seraient utiles pour le transport, alors ils les attachaient ensemble à l’aide de lierre, puis les attachaient à une branche pour que deux personnes puissent le soulever et le transporter. C’était le travail de Sven et Szep. Gritt et Ilse portaient le sanglier, bien sûr. Quant aux oiseaux et aux lapins… Mitsuha était reconnaissante de s’être débarrassée de certaines de ses affaires quand elle en avait eu l’occasion.
« C’est tellement bon ! »
Bien sûr que cela l’est ! Il y a des tonnes d’épices là-dedans ! Ils ont du punch, n’est-ce pas !? Mangez !
Sur le chemin du retour, Mitsuha s’était rendu compte à quel point leur butin était lourd. Les autres avaient encore plus de difficultés, mais imaginer leur chargement comme un sac plein de pièces de monnaie était tout ce dont ils avaient besoin pour continuer à faire le transport. Quand ils étaient revenus en ville, il faisait déjà nuit. Ils avaient dû faire de nombreuses pauses en chemin.
Le lendemain, Mitsuha les avait rencontrés devant la guilde des mercenaires. Quand elle était arrivée, ils avaient déjà vendu leur butin à la guilde. Mitsuha avait signé le document en disant qu’ils avaient répondu à sa demande et leur avait donné une note « A », ce dont ils étaient très satisfaits. La guilde avait donné à Sven la seule pièce d’or qu’on lui avait promise, et il l’avait cachée avec grand soin.
Cette pièce d’or leur permettrait de payer quinze jours de nourriture et de loyer de leur chambre spacieuse, mais bon marché.
Mais ce qui était encore plus important, c’était la fête qu’ils allaient organiser. Ils avaient décidé de célébrer leur voyage réussi dans la nature. Entre les gains dus à la chasse et aux herbes, les mercenaires pouvaient se permettre de s’amuser. De plus, ils avaient probablement pensé que se rapprocher de Mitsuha serait bénéfique, donc ce n’était clairement pas un gaspillage d’argent.
Mitsuha était trop épuisée pour dîner la veille au soir. Les mercenaires devaient avoir connu la même situation, et tout comme elle, ils n’avaient probablement rien mangé ce matin pour laisser de la place à la nourriture de la fête. Tous les cinq étaient affamés comme des ours, donc ne perdant plus de temps, ils s’étaient dirigés vers leur endroit préféré.
Il n’est que midi, mais il doit bien être cinq heures quelque part, non ?
« À notre succès ! », Mitsuha avait levé sa bière.
« SANTÉ ! », ils avaient tous les quatre crié en réponse.
Après le toast, ils avaient commandé de plus en plus de nourriture tout en bavardant tranquillement. Ils avaient parlé de la chasse, de la nourriture… ce genre de choses. Aucun des mercenaires n’avait mentionné l’arbalète. Selon toute vraisemblance, ils avaient supposé que Mitsuha ne voulait pas en parler. Un employeur avait le droit de s’occuper de ses propres affaires privées, alors ils n’avaient pas insisté davantage.
Parmi les mercenaires, il y avait des voyous qui ne se souciaient de rien tant qu’ils étaient payés, mais le groupe de Sven était de l’autre côté du spectre. Ils prenaient à cœur les règles du mercenariat, parce que s’ils ne le faisaient pas, ils ne pouvaient pas se plaindre quand quelqu’un d’autre les enfreignait.
« Quoi qu’il en soit, les… ramen ? Et euhh, CalorieMates ? Ils sont plutôt bons », dit Gritt.
« Oui, ils le sont vraiment », acquiesça Mitsuha.
« Votre petit poêle était très utile aussi, mais il avait l’air d’être pénible à transporter. Je pense que c’est mieux d’utiliser des poêles en pierre de fortune. Ce truc est cher aussi, n’est-ce pas ? Ça consomme du carburant, et si ça casse, vous ne pouvez plus rien en faire. »
« Oh, ouais. »