Chapitre 3 : Ayase Ayatsuji
Partie 2
Après avoir effectué un trajet d’environ quinze minutes en train depuis la gare la plus proche de l’Académie Hagun, Ayase était arrivée à l’installation prévue : un grand bâtiment blanc s’envolant dans le ciel d’été sans nuages. Il s’agissait de l’hôpital général Shishido. C’était le plus grand hôpital le plus proche de l’Académie de Hagun. La chambre 515 était la destination d’Ayase.
Elle se dirigea dedans comme si elle était très familière des lieux. Elle arriva à sa destination sans incident et ouvrit la porte coulissante. À l’intérieur de la chambre individuelle se trouvait un lit solitaire. Et à côté du lit, il y avait une belle femme d’âge moyen assise sur une chaise. La femme d’âge moyen émit un petit cri de surprise en regardant Ayase qui venait d’ouvrir la porte.
« Oh, mon Dieu, n’est-ce pas Ayase-chan ! » s’exclama la femme.
« Bonjour, tante Suzuka, » répondit Ayase.
« Salut ! Qu’est-ce qui se passe à cette heure de la journée ? Qu’est-il arrivé à l’école ? » demanda Suzuka.
« Aujourd’hui, je suis libre de décider si je dois y assister, » expliqua Ayase. « Les étudiants qui ont des matchs de sélection pour être l’un des représentants sont exemptés de suivre des cours le jour de leur match. C’est pour cela que j’ai pris le temps de venir ici. »
« Je vois, » répondit Suzuka. « Que ce soit les matchs de sélection, ou la chose avec les colocataires. La nouvelle directrice fait des choses intéressantes ! »
Quand on lui avait expliqué la nouvelle politique de Kurono, sa tante avait donné son consentement.
Sa tante se leva de la chaise, se dirigea vers le lit, et...
« Grand frère, ta jolie fille est venue te voir..., » déclara Suzuka.
... parla à l’homme allongé sur le lit.
Les joues qui étaient creusées et défigurées alternaient la forme de pommettes. La peau avait des fissures comme celles de la terre desséchée et ses mains étaient minces comme des brindilles en hiver. Cet homme, qui avait flétri comme une momie, était le père d’Ayase. Il était Kaito Ayatsuji.
« Bonjour, Père, » dit Ayase.
Après sa tante, Ayase, elle aussi, lui parla. Mais Kaito n’avait nullement retourné de salutation. Sans aucune réponse, il avait simplement continué à dormir.
C’était juste... qu’il dormait en permanence depuis deux ans.
« Eh bien, ce serait mauvais si un étranger dérange le père et la fille. Je serai au café. Jusqu’à quelle heure vas-tu être ici, Ayase-chan ? » demanda Suzuka.
« J’ai le match dans l’après-midi, donc je pars à midi, » répondit Ayase.
« D’accord ~ alors, je reviendrai quelque part autour de ce moment. À plus tard~, » répondit Suzuka.
Sa tante quitta la pièce en faisant un signe de main.
Elle était si gaie quand Ayase la voyait. Ayase souhaitait qu’elle partageât un peu de cette vivacité avec son frère.
... Non, même père était...
À ce moment-là...
« ... r... on, » murmura Kaito.
Kaito, qui était sur le lit, déplaça légèrement ses lèvres flétries, provoquant un faible tremblement.
« Père..., » murmura Ayase.
C’était la chose habituelle. Il murmurait les mêmes paroles habituelles. Elle n’entendait pas sa voix. Ce n’était pas une voix qui pouvait être entendue. Cependant, Ayase se souvenait des mouvements de ces lèvres.
(Pardon.)
« ... Tss ! » (Ayase)
Krrr. Les dents d’Ayase se resserrent. Ayase avait en elle des sentiments de tristesse et de chagrin, ce qui était presque suffisant pour la faire pleurer. Depuis ce jour, Kaito avait toujours continué de s’excuser auprès d’Ayase. Vis-à-vis du fait qu’il ne pouvait pas la protéger ! Qu’il ne pouvait pas lui parler ! Tout seul, se trouvant éternellement dans cette saison des pluies.
***
« Écoute bien, Ayase. Ne perds jamais ta fierté quoiqu’il arrive. Notre épée a le pouvoir de tuer les personnes. Tes dons représentent le pouvoir de surpasser les autres. C’est pourquoi tu ne peux pas perdre ta fierté. Si tu la perds, tes actions se transformeront simplement en une violence à l’état brute. Sois toujours polie, aide les faibles et déteste les méchants. Ne soit jamais enivré par ta propre puissance, et peu importe quel est le type d’adversaire face à toi, il faut toujours faire face à eux de manière équitable et carrée. Deviens un chevalier qui ne sera pas une honte pour les autres, ou pour toi-même. »
Il s’agissait des paroles que le père d’Ayase, le « Dernier Samouraï » Ayatsuji Kaito, lui avait toujours répétées. La responsabilité de ceux qui avaient le pouvoir. Kaito l’avait si bien compris qu’il avait pu donner l’Épée et ses mœurs à Ayase qui était née en tant que Blazer. S’assurer qu’elle ne deviendrait pas un être humain bon marché et arrogant ivre de sa propre puissance.
La formation de Kaito, même si elle l’avait dit avec flatterie, n’était nullement douce. Difficile. On pourrait très bien dire que c’était dur. Mais, même alors... Ayase aimait la force dont Kaito parlait. Elle aimait le dos si galant de son père quand il frappait avec son épée. Elle aimait les grosses et rugueuses mains de Kaito qui lui caressaient la tête à chaque fois qu’elle manifestait une progression.
Un petit dojo, une dizaine de disciples, son père et elle-même. Ce n’était pas un style de vie luxueux, mais il y avait de la chaleur à cette époque.
C’était un temps rempli de bonheur. Ayase voulait du fond de son cœur qu’une telle époque continuerait ainsi pour toujours.
Mais, son désir avait été cruellement écrasé. Ce jour pluvieux, il y a deux ans... par un seul homme qui avait fait irruption dans sa vie quotidienne.
***
Ceci faisait deux mois qu’Ayase s’était inscrite à l’Académie de Hagun. La saison des pluies venait d’arriver. Une saison où le ciel était couvert par de lourds nuages de pluie et où même le vent semblait dense et humide.
Après la fin de son cours, sans même retourner au dortoir, Ayase se dirigeait vers le dojo de sa maison tout en tenant un parapluie dans ses mains. Évidemment, son but était d’aller apprendre l’art de l’épée qu’elle, quoiqu’il arrive, ne serait tout simplement pas capable d’apprendre à l’école.
Alors qu’Ayase était en première année du collège, Kaito avait été diagnostiqué comme ayant une maladie cardiaque qui était impossible à guérir, et cela même avec un traitement médical de pointe. Actuellement, il était à peine capable de frapper avec une épée. La dernière fois que Kaito avait tenu l’épée se trouvait être quand l’admission d’Ayase dans Hagun avait été décidée. Il s’agissait du jour ou il avait décidé de lui confier la technique secrète qu’il avait lui-même développée au fil des années. Ainsi émoussé, son corps n’était plus en état de frapper correctement avec une épée. Mais, dans le dojo, il y avait toujours des disciples qui avaient appris le style Ayatsuji à lame unique directement de Kaito. Même s’ils étaient peu nombreux, ils étaient quand même des guerriers non sans rappeler Ayase, qui depuis leur plus jeune âge avait appris l’Épée sous l’enseignement du Dernier Samouraï.
Parmi eux, Sugawara qui se trouvait être à l’université, et encore bien loin de Kaito. Cependant, il était beaucoup plus fort qu’Ayase. C’est pourquoi, pour permettre à Ayase de recevoir une formation de sa part, elle s’était rendue chez elle trois fois par semaine. Parce qu’elle voulait devenir assez forte, et cela assez vite, pour pouvoir utiliser la technique secrète que son père lui avait confiée.
Ainsi, ce genre de déplacements étaient devenus plus ou moins une routine pour elle.
Mais, ce jour-là, après avoir traversé la porte laissée ouverte pour les autres disciples, elle avait rencontré une variation qui n’était pas supposée exister dans sa vie quotidienne.
« Hein !? » s’exclama-t-elle.
Celui qu’elle rencontra ce jour-là fut un jeune homme d’assez grande taille qui tenait un parapluie. Ses cheveux étaient teints dans une couleur claire et il y avait une cigarette dans sa bouche. Son regard était aiguisé comme celui d’un loup affamé et un tatouage d’un crâne pouvait être vu à l’intérieur de l’uniforme désordonné de l’Académie de Donrou. Un jeune avec une apparence atroce et brutale qui était probablement en dehors du monde rigide des dojos ou des arts martiaux.
Ayase, qui n’était normalement pas bonne face au sexe opposé, recula sans penser à analyser l’apparence arrogante de l’adolescent.
« ... Hihi, » ria-t-il.
Le garçon, Kuraudo Kurashiki, se mit à rire comme pour la taquiner.
« À plus, » dit-il.
Et ainsi, il avait disparu dans la ville grise couverte de nuages.
« Qui était cette personne... ? » demanda-t-elle.
Pourquoi quelqu’un avec une apparence si suspecte était-il sorti de chez elle ? Et en plus, quelqu’un qui portait l’uniforme de l’Académie Donrou. En d’autres termes, il s’agissait à coup sûr d’un Blazer. Il ne devrait pas avoir à faire avec un dojo d’épéistes. S’était-il arrêté afin d’obtenir une direction ou quelques autres informations ? Tout en pensant cela, Ayase avait commencé à marcher vers le dojo se trouvant à l’intérieur de sa maison.
Heu...
« Merde ! Je ne pardonnerai jamais à ce salaud ! » cria Sugawara.
La voix de Sugawara, qu’on pourrait parfaitement considérer comme étant l’ami d’enfance d’Ayase, retentissait dans le dojo. Se demandant ce qui s’était passé, Ayase entra rapidement dans le dojo après avoir fait glisser la porte d’entrée.
À l’intérieur du dojo, on ne pouvait pas entendre les sons énergiques des épées. À la place, y compris Sugawara, environ sept disciples étaient immobiles, faisant de leur mieux pour retenir leur rage et le choc de ce qui s’était déroulé avant. Leur instructeur, Kaito, était à genoux. Il gardait ses yeux fermés avec une expression complexe sur son visage.
« Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que quelque chose s’est passé ? » demanda Ayase à Sugawara.
« Tout à l’heure, un étrange punk s’est introduit soudainement chez nous et a demandé un match avec le titre de ce dojo en jeu, » répondit Sugawara.
« Un défi de dojo, n’est-ce pas ? » demanda Ayase.
« Tout à fait, » répondit-il. « Mais le corps de Sensei est usé, et pour couronner le tout, le style Ayatsuji à lame unique interdit des matchs avec de tels enjeux. »
Ayase le savait également. L’Épée d’Ayatsuji existait afin de protéger les autres. Kaito en avait toujours parlé ainsi. Il s’agissait d’une Épée destinée à ne pas provoquer de bagarres inutiles, ou à démontrer simplement sa force. Avec ce précepte comme fondement de cette Épée, le style à lame unique d’Ayatsuji avait toujours interdit tous les combats sauf lors de matchs officiels.
« C’est pourquoi, l’instructeur avait refusé le match, mais..., » continua Sugawara.
« Ce bâtard a insulté l’instructeur en l’appelant un lâche, un fiasco, un échec et puis il a même craché sur son visage ! » finissait l’un des autres disciples.
« Même s’il est juste un punk ! Il agit d’une manière si hautaine et se pense fort juste parce qu’il peut utiliser une certaine capacité... pfff, » déclara un autre disciple.
L’un après l’autre, les disciples commencèrent à hausser leurs voix de colère. Depuis le début de leur enfance, ils fréquentaient souvent ce dojo et ils respectaient Kaito comme s’il était leur propre père. C’est pourquoi ils ne pouvaient probablement pas pardonner que Kaito ait été insulté.
Ayase partageait également ce sentiment. Quelqu’un avait craché sur le visage de son père. Juste en entendant cela, la température de son corps avait augmenté.
« Malheureusement, ses empreintes sont toujours là, » déclara Nitta, l’un des disciples. « Franchement, imaginer qu’il oserait venir dans un dojo sacré avec ses souliers... pfff. Si le corps du Maître avait été en parfait état, ce gamin aurait eu le cul botté... »
« Nitta, ceci est faux, » Kaito répondit d’une voix vive en réponse aux paroles que l’un de ses élèves déclarait. « Je n’aurais pas pu accepter même si mon corps avait été en parfait état. Et cela parce que l’Épée de l’Ayatsuji existe pour protéger les personnes. Ce n’est pas une Épée qui devrait être utilisée pour d’inutiles bagarres. Ce n’est peut-être plus une époque où on peut protéger les personnes à l’aide d’une épée, mais ce but originel ne devrait jamais être abandonné ou oublié. »
« C’est vrai ! Je suis désolé ! » répondit Nitta. « Je vais pleinement méditer sur tout cela. »
Nitta s’inclina devant la réprimande, qui était remplie d’un ton paisible, mais tranchant, de Kaito.
« Bon. Les autres également, vous avez tous arrêté votre entraînement. Donc en tant que punition, frappe mille fois de suite ! » annonça Kaito.
Après avoir expliqué la philosophie de l’Épée d’Ayatsuji, Kaito avait rapidement fait changer l’atmosphère de l’endroit. Les disciples répondirent par un « Oui ! » Et ils suivirent immédiatement les instructions. Après cela, la vivacité habituelle était revenue à l’intérieur du dojo.
« Eh bien ! Ayase-chan, dépêche-toi d’aller te changer avec les vêtements appropriés pour un dojo..., » déclara Kaito. « Après tout, je ne peux pas te laisser te transformer en un Blazer comme celui-là qui était totalement ivre par sa propre puissance. »
« Oui, s’il te plaît, prends soin de moi ! » répondit-elle.
Ayase s’était enfin détendue après avoir vu que le dojo avait repris son énergie et elle se précipita vers le vestiaire.
Mais, sur son chemin... elle avait senti un parfum qu’elle n’avait jamais senti auparavant dans le dojo. Il s’agissait de l’odeur du tabac laissé par cette personne. Ce parfum persistait toujours. Il s’était alors enroulé en permanence autour de la vie bien-aimée quotidienne d’Ayase telle un serpent faisant sortir sa langue pleine de menaces.
Et le pire dans tout cela était que cette prémonition était parfaitement justifiée.