Murazukuri Game no NPC ga Namami no Ningen toshika Omoenai – Tome 3 – Section 9 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Innocence troublée

J’avais laissé Carol jouer tranquillement avec Destinée dans ma chambre et j’avais pris Seika avec moi. Nous n’avions pas dit un mot durant notre descente dans les escaliers, mais j’avais senti ses yeux se planter dans mon dos. J’étais parvenu à garder mon sang-froid et je l’avais conduite au salon. En me retournant pour lui faire face, j’étais tombé à genoux. Seika me dominait sans la moindre émotion sur son visage. Je savais déjà ce qu’elle pensait.

Je m’étais empressé de faire le tri entre ce que je pouvais lui dire et ce que je devais cacher. En tout en prenant soin d’éviter ce dernier point, j’avais commencé à parler.

« Avant de t’expliquer la présence de cette fille, tu te souviens que j’aidais à ce projet de développement de village ? »

C’était la couverture que j’utilisais avec ma famille en ce qui concernait Le Village du Destin.

« Je me souviens. Le village t’a envoyé de la viande et des fruits en guise de remerciement, et tu en as partagé avec moi, c’est ça ? »

« Oui, c’est vrai. Et, euh… »

Je ne pouvais pas m’empêcher d’être trop rigide avec elle alors qu’elle baissait les yeux, me jugeant silencieusement.

« Une famille d’outre-mer s’est installée dans ce village. La fille à l’étage est leur fille. J’avais l’habitude de parler avec elle par le biais de l’ordinateur, et je lui ai dit qu’elle serait la bienvenue pour venir me voir, mais je ne pensais pas qu’ils me prendraient au sérieux. »

Tout cela n’avait bien sûr aucun sens. Et ma faculté à mentir aussi facilement me surprenait même. J’avais levé les yeux vers Seika. Elle avait les bras croisés, pensive.

« Où sont ses parents ? »

C’était une question importante. Si je me trompais, tout serait fini.

« Ils ont dû retourner dans leur pays pour faire face à une urgence. Mais Carol — c’est son nom — a piqué une crise et a dit qu’elle voulait rester au Japon. Je leur ai dit qu’elle pouvait rester ici sans vraiment y réfléchir, puisque mes parents et ma sœur pouvaient m’aider à m’occuper d’elle, mais j’ai oublié de leur en parler suite à l’histoire avec le harceleur de Sayuki, et avant même que je m’en rende compte, elle s’est présentée à ma porte. »

J’avais raconté toute l’histoire d’une traite pour que Seika n’ait pas l’occasion de faire des commentaires avant d’avoir tout entendu.

Sayuki m’avait prévenu que j’avais l’habitude de détourner le regard quand je mentais, alors j’avais fait de mon mieux pour garder les yeux sur Seika pendant que je parlais. Avec un peu de chance, j’aurais l’air convaincant.

« Ok. Ce n’est pas vraiment à moi de juger ce que tu fais de ta vie, mais comme ta mère m’a demandé de m’occuper de toi pour le Nouvel An, j’ai senti que j’avais la responsabilité de découvrir ce qui se passait. »

Je la connaissais suffisamment bien pour reconnaître qu’elle était en colère. Elle avait tendance à utiliser de longs mots, ressemblant au chef d’un comité. Elle avait l’air d’être calme, mais ce tic sur sa joue me disait qu’elle ne faisait que retenir sa colère. Jouer les innocents devant une femme en colère me faisait me sentir encore plus mal. Je n’avais pas appris grand-chose pendant mes dix années de NEET, mais j’avais appris à ne pas énerver les femmes.

« Tu n’as quand même pas inventé tout ça sur le champ ? Tu n’as pas un enfant illégitime ou une femme secrète ? », demanda Seika avec hésitation, sa voix se brisant.

Ne me regarde pas comme ça ! Attends, ça veut dire qu’elle serait triste si j’étais secrètement marié ? Est-ce que ça veut dire… Aucune chance. Je ne devrais pas avoir d’espoirs.

« Tu sais bien qu’il est impossible pour moi d’être marié, Seika ? J’ai été un NEET pendant des années. Je quittais à peine la maison. Comment aurais-je pu rencontrer quelqu’un ? »

« Pas faux… »

On aurait dit qu’elle me croyait. J’aurais aimé que ça me rende plus heureux.

Son expression était toujours méfiante, mais elle avait juste soupiré, déplié ses bras et s’était assise en face de moi. Pour une fois, mon histoire d’enfermement s’était révélée utile.

Bien que je ne devrais pas considérer cela comme un réel avantage.

J’avais à peine réussi à la convaincre, mais je devais réfléchir à la prochaine étape. Étais-je vraiment équipé pour prendre soin d’une fille d’un autre monde ?

Idéalement, je devais renvoyer Carol dans son monde, mais je n’avais aucune idée de la façon de le faire. De plus, le village avait été détruit, et je ne savais pas si les villageois avaient survécu. En supposant que tout le monde était mort, il serait peut-être préférable de garder Carol ici. J’aurais tant aimé vivre seul ou être autosuffisant. Comme je pouvais le constater, je ne pouvais rien faire par moi-même. Je ne pouvais même pas me permettre de prendre soin de moi.

Je suis si inutile que je ne peux même pas m’occuper d’un enfant qui a tout perdu…

Des milliers de regrets flottaient dans ma tête.

« Pourquoi as-tu l’air si inquiet ? Oh, attends, je voulais te demander… pourquoi je dormais dans l’autre pièce ? Je crois que j’ai fait un rêve vraiment bizarre, mais je ne me souviens de rien. Tu étais tellement cool dedans, Yoshi. Tu as été blessé, mais tu as risqué ta vie pour me protéger, et-hey, Yoshi, tu m’écoutes ? »

« Huh ? Oh, euh, désolé. Je pensais juste à quelque chose. »

Elle m’avait surpris au moment où je me demandais quoi faire avec Carol.

Les souvenirs de Seika semblaient être confus, et cela m’arrangeait bien. Il valait mieux qu’elle croie que tout ce qui s’était passé était un rêve. En fait, c’était presque trop pratique. En y repensant, les harceleurs de Sayuki avaient dit quelque chose de similaire à la police. Ils s’étaient souvenus de m’avoir menacé, mais n’avaient plus aucune idée du reste. À l’époque, j’avais pensé qu’ils mentaient pour se protéger, mais les situations avaient un facteur commun. Le souffle empoisonné de Destinée pourrait-il avoir une sorte d’effet amnésique ? Il avait seulement léché Seika, mais peut-être que le composé effaçant la mémoire était sur sa langue ou dans sa salive. Je pourrais toujours le tester en demandant à Destinée de me lécher ou de respirer sur moi, mais cela semblait un peu méchant. De plus, j’étais très heureux d’avoir ces souvenirs-là, dans ma tête.

« Allez, Yoshi, tu as été distrait tout ce temps. Es-tu vraiment si inquiet pour cette gamine ? »

« Oh. Désolé. »

« Écoute, je ne pense pas que tu puisses faire grand-chose à part t’occuper d’elle jusqu’au retour de ses parents. Si ça t’inquiète, alors… »

Seika fit alors une pause

« Puis-je t’aider ? »

« Oui, s’il — »

Je m’étais coupé. Devrais-je vraiment accepter son aide ? Cette situation était précaire, totalement détachée de la réalité. Je ne devrais pas l’impliquer plus profondément. Elle avait déjà dû endurer toute cette histoire avec Yamamoto-san… et elle aurait même pu être tuée si Destinée n’était pas intervenu. Elle s’en était sortie par pure chance, mais serait-ce encore le cas si quelque chose comme ça se reproduisait ?

Je ne pouvais pas le risquer.

« Je-je peux prendre soin d’elle par moi-même. J’ai passé trop de temps dans ma vie à dépendre des autres. Je vais pour une fois m’attaquer seul à mes problèmes. Mais en cas d’urgence, je viendrai te demander de l’aide. C’est d’accord ? »

« Bien sûr que c’est d’accord. Et je comprends ce que tu veux dire. »

« Merci. »

C’est préférable.

« Avez-vous fini de parler ? »

Je m’étais retourné pour trouver Carol derrière nous, tenant Destinée dans ses bras comme un ours en peluche.

« L-L-lézard ! », cria Seika tout en se plaquant contre le mur. Elle tremblait, son visage était pâle.

« N’approche pas Destinée de la jeune femme, d’accord, Carol ? Elle a peur des lézards. »

« D’accord ! », répondit Carol avec enthousiasme.

Elle traversa alors la pièce jusqu’à moi, en évitant Seika. Cette dernière mit une main soulagée sur sa poitrine une fois que la distance entre elle et Destinée s’était agrandie.

« Je suis désolée. Le fait que j’aie peur de votre animal de compagnie doit-être perturbant. »

« Ne vous inquiétez pas pour ça. Je savais déjà que vous n’étiez pas amoureuses des reptiles. »

« Merci. En tout cas, je n’ai pas la moindre idée de la langue que vous parlez, mais c’est impressionnant. »

Je m’étais délecté de l’admiration dans ses yeux, avant de réaliser ce qu’elle avait dit.

Quelle « langue » ? Carol ne parlait-elle pas simplement japonais ? Seika n’était pas du genre à plaisanter, surtout dans une situation comme celle-ci. Cela signifiait donc que j’entendais du japonais, mais qu’elle entendait quelque chose de totalement différent.

« Carol, cette dame est mon amie. Peux-tu la saluer pour moi ? »

« Oh, d’accord ! »

Carol s’était tournée vers Seika et inclina la tête avec enthousiasme.

« Ravie de vous rencontrer ! Je m’appelle Carol ! »

Seika avait souri poliment, mais n’avait rien dit. Elle se glissa vers moi et me chuchota à l’oreille.

« Yoshi ! Qu’est-ce qu’elle a dit ? »

Comme je le pensais, elle ne l’avait pas comprise.

« Elle a dit : “Ravi de vous rencontrer ! Je m’appelle Carol !” »

« Son nom est Carol-chan, hein ? Ce n’était ni de l’anglais, ni de l’espagnol, ni du français. Ça ne ressemblait pas non plus à une langue asiatique. »

Seika était familière avec plusieurs langues, elle pouvait au moins saluer les gens et échanger des civilités. Comme ils traitaient avec beaucoup d’entreprises étrangères au travail, elle avait appris quelques phrases simples.

Ce n’était pas quelque chose que je pouvais simplement laisser de côté. Je devais trouver une explication convaincante.

« Sa famille vient du fin fond des montagnes européennes, et ils parlent avec un dialecte très fort. C’est comme si nous avions des problèmes avec les dialectes de Tohoku ou de Kyushu. Ils ont même parfois du mal à communiquer avec d’autres locuteurs natifs. »

Pas mal pour quelque chose que j’avais inventé à l’instant. Même les Japonais de souche avaient du mal avec le japonais parlé dans un fort dialecte régional. Je pouvais à peine comprendre mes grands-parents quand ils parlaient rapidement. Je devais demander à papa de traduire.

« Pas étonnant que je ne la comprenne pas. Tu sais, je ne te croyais pas vraiment avant, mais ton histoire doit être vraie vu que tu parles couramment sa langue. »

« Je ne dirais pas que je parle couramment. Je ne connais que les bases de la conversation. On a beaucoup parlé en chat vocal, et honnêtement, je suis assez surpris de la rapidité avec laquelle je l’ai appris. »

Seika me crut pour de bon maintenant. Le Village du Destin avait fait de moi un menteur expérimenté.

Mais ce problème étant résolu, je devais passer au suivant.

Je m’étais dit que je ne pouvais comprendre Carol qu’à cause de mon implication dans le jeu, et qu’un étrange pouvoir traduisait pour moi. Mais qu’en était-il de mon discours ?

Carol pouvait donc me comprendre. Je ne parlais pourtant que le japonais, et je n’étais pas un maître des langues d’un autre monde.

Je devrais peut-être faire des tests.

« Tu me comprends bien, Carol ? Mais peux-tu comprendre cette dame ? »

« Je peux te comprendre, mais je ne peux pas la comprendre ! »

Je m’y attendais…

« Tu as compris ce que je viens de dire à Carol, Seika ? »

« Non. Tu parlais une langue totalement différente. »

Dans mon esprit, je parlais japonais, mais quand je parlais à Carol, mon discours semblait automatiquement traduit dans la langue de son monde. Si une tierce personne écoutait, elle entendait notre conversation dans cette langue inconnue.

C’était plutôt utile, mais je ne pouvais pas me laisser aller. Les mystères s’accumulaient les uns après les autres.

Juste à ce moment-là, j’avais entendu un étrange grondement sourd. Je m’étais retourné pour trouver Carol se tenant le ventre, le visage rouge vif. Les villageois n’avaient probablement pas eu le temps de manger pendant le Jour de la Corruption.

« As-tu faim ? », avais-je demandé.

« Je sais qu’il est déjà minuit passé, mais mangeons des soba. Je vais en faire suffisamment pour que Carol-chan en ait aussi. »

Seika se dirigea vers la cuisine et commença ses préparations avec l’aisance d’une longue pratique. Elle était clairement aussi à l’aise pour cuisiner ici que dans sa propre maison.

« Puis-je aider ? », avais-je demandé.

« Merci, mais tu ne ferais que gêner. Concentre-toi sur Carol-chan. Elle est probablement nerveuse d’être dans un nouvel environnement. »

J’avais jeté un coup d’œil vers Carol. Elle s’accrochait toujours à Destinée et me regardait comme si elle n’était pas sûre de ce qu’elle devait faire.

« Ok. Je vais te laisser faire la cuisine. »

Seika sourit et me fit un clin d’œil.

« Laisse-moi faire, gamin ! »

Le fait qu’elle se sente assez à l’aise pour faire l’imbécile avec moi comme ça me rendait heureux. Je voulais lui demander si elle voyait quelqu’un en ce moment, mais j’avais peur qu’elle dise oui. J’étais terrifié. Je n’étais plus un NEET, mais j’avais encore beaucoup de soucis.

« Yoshio, c’est quoi cette table avec le tissu ici ? »

Carol tira sur ma manche et montra le kotatsu.

Elle avait gardé sa bonne humeur habituelle, mais je devais me rappeler qu’elle venait de se réveiller dans un endroit étrange, entourée de personnes inconnues. Son anxiété devait être là, quelque part. Je devais être aussi amical que possible pour la mettre à l’aise. Je ne pouvais pas laisser mon désespoir sur le sort de mon village me submerger.

« C’est un appareil de chauffage appelé kotatsu. Essaie de mettre tes pieds dessous. C’est agréable et chaud. »

« Wôw ! C’est vraiment chaud ! C’est incroyable ! »

En regardant Carol s’amuser, mes soucis semblaient moins pressants. Je la protégerais à tout prix. Même si je devais supplier mes parents de la laisser rester ici. J’étais censé être le Dieu du Destin, et j’avais pourtant laissé mon village être détruit. Protéger Carol était le moins que je puisse faire.

« Le soba est prêt, Yoshi. Peux-tu le mettre sur la table ? »

« Bien sûr. », dis-je en me levant.

Carol m’avait suivi. Avait-elle peur d’être seule ?

« Qu’est-ce qui ne va pas ? », lui avais-je demandé.

« Je veux aider. »

Même dans un autre monde, ses manières restaient impeccables. J’avais regardé en arrière vers la table où Destinée gisait à moitié sous le kotatsu. Il ne semblait pas disposé à aider, mais après ce qui s’est passé avec Yamamoto-san, je ne pouvais plus le voir comme un lézard normal.

Cette année était terminée, et une nouvelle venait de commencer. Si l’année dernière avait été pesante, eh bien… celle-ci semblait prête à m’écraser complètement.

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