Murazukuri Game no NPC ga Namami no Ningen toshika Omoenai – Tome 3 – Section 9 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Fin et début d’année

J’avais amené Carol dans ma chambre et je l’avais allongée sur le futon. J’avais ensuite tapoté doucement sa tête innocente, tout en prenant soin de ne pas la réveiller. Je m’étais un peu calmé maintenant, mais alors que je pensais à ce qui allait se passer, je n’avais pas pu m’empêcher de pousser un gros soupir.

« Tu parles d’un avenir sombre… »

Mon partenaire de travail senior, Yamamoto-san, s’était présenté chez moi le soir du Nouvel An. Il m’avait dit qu’il jouait le rôle d’un dieu corrompu dans le jeu et m’avait ensuite attaqué avec un pied de biche. Les blessures que j’avais reçues étaient graves, mais elles furent complètement guéries lorsque j’avais pris le médicament envoyé par le Village du destin. Mon lézard doré, Destinée, avait réussi à mettre un terme à l’attaque de Yamamoto-san. Je savais que Destinée était intelligent, mais je ne savais pas qu’il pouvait cracher un gaz toxique ou pétrifier les gens. Malgré son apparence, je ne pouvais plus croire qu’il s’agissait d’un lézard ordinaire à la peau hérissée de piquants. Être témoin de ses capacités m’avait conduit à une seule conclusion.

Destinée s’était assis à côté du futon de Carol et me regarda fixement.

« Je veux que tu me répondes honnêtement. Es-tu un basilic ? »

Destinée hocha la tête une fois.

Je m’en doutais.

Destinée avait l’habitude de faire l’idiot au moment où je lui parlais, mais il répondit cette fois immédiatement. Il devait savoir que je l’avais bien cerné.

Les basilics étaient communs dans les environnements fantaisistes. Ils avaient une apparence de lézard, et pouvaient respirer des gaz nocifs et pétrifier les gens d’un simple regard. Sur Internet, ils étaient souvent représentés avec six pattes, mais Destinée n’en avait que quatre. Aurait-il deux jambes supplémentaires à un moment donné ? Je l’espérais.

On confondait autrefois le basilic avec le cocatrix, mais ce dernier avait un corps de poulet et une queue de serpent, tandis que le basilic ressemblait davantage à un lézard.

« Tu sais, je pensais que j’imaginais des choses. »

Mais il n’y avait plus moyen d’échapper à la vérité. Et l’identité de Destinée ne fut pas le seul coup dur porté à mon sens de la réalité. Il y avait aussi Carol, l’enfant qui dormait sur mon futon.

C’était une jeune fille de sept ans, ses cheveux blonds bouclés firent une sacrée impression. J’étais tellement habitué à voir son visage de l’autre côté de l’écran, et j’avais essayé de me convaincre qu’elle n’était rien de plus qu’un personnage de jeu vidéo. Pourtant, elle s’était présentée chez moi dans une boîte en carton, avec ce livre sacré.

Et aux dernières nouvelles, je n’étais pas devenu fou. Pourtant, est-ce que tout ce qui s’était passé jusqu’à présent n’était qu’un rêve ou une illusion ? Cela expliquerait tout.

Tout sauf la réalité qui me regardait en face à ce moment précis.

« Peu importe de quelle manière je la regarde, c’est bien Carol. »

Aucune fille japonaise n’aurait des cheveux de cette couleur. Aucune personne de ce pays ne porterait de tels vêtements. J’avais vu son visage endormi presque tous les soirs depuis maintenant deux mois.

« Que penses-tu que je devrais faire, Destinée ? »

Ce dernier m’ignora complètement et continua à grignoter un fruit. Message reçu.

« Débrouille-toi tout seul. »

C’était dur, mais juste. Je devais résoudre mes problèmes sans dépendre des autres tout le temps.

Et je devrais commencer par mettre les choses au clair dans ma tête.

Le Village du Destin n’était pas seulement un jeu. C’était un monde réel, parallèle. Un monde où mes villageois vivaient et menaient leur vie quotidienne. Un monde que je surveillais à travers mon PC. C’était comme ça qu’ils m’envoyèrent toutes ces offrandes. Yamamoto-san, un dieu corrompu, avait attaqué mon village et l’avait détruit. Chem fit alors quelque chose, l’écran devint noir, et Carol fut envoyée chez moi.

« Et je pense savoir ce qu’elle a fait. »

Au dernier moment, Chem dit quelque chose sur la façon dont l’un d’eux pourrait être sauvé. Les villageois avaient dû m’envoyer Carol comme une offrande, à travers l’autel. Et si vous ignoriez simplement toute l’étrangeté de cette situation, c’était assez logique.

« C’est pourtant la seule et unique explication. »

Il s’était passé tellement de choses improbables que mon cerveau en était surchargé. Je voulais me glisser dans mon futon, m’endormir et espérer que tout ceci ne soit qu’un mauvais rêve. Mais Carol se trouvait au travers du chemin.

Le monde du jeu, la sécurité de mes villageois et l’existence des dieux. Il y avait encore tant de questions qui restaient sans réponse, même si « questions » semblait vraiment être un mot trop trivial.

« Toutes les réflexions du monde ne m’aideront pas à résoudre ce problème. Je dois m’en tenir aux choses que je peux faire. »

J’avais déjà décidé que je n’allais plus fuir la réalité. J’étais prêt à accepter n’importe quoi, même ce qui était censé être impossible.

Je fis alors une liste, m’attaquant ainsi à chaque problème par ordre de priorité.

« Numéro un. Carol. »

J’étais un homme célibataire d’une trentaine d’années avec une petite fille dans sa chambre. Quiconque découvrirait cela irait directement à la police et je serais reconnu coupable, même si je n’avais rien fait de mal. J’avais regardé le visage paisible de Carol pendant que j’essayais de trouver une solution.

« Mmmngh… », marmonna-t-elle doucement.

Cette dernière cligna des yeux, s’assit pour se frotter les yeux et s’étira. Elle regarda la pièce pendant un moment, mais il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser que quelque chose n’allait pas. Ses yeux s’agrandirent lorsqu’elle m’aperçut.

« H-huh ?! Où suis-je ?! Qui êtes-vous, Monsieur ?! »

Carol sauta du futon et recula en se faisant mal, ses épaules heurtant le mur. Elle me fixait avec des yeux énormes et effrayés.

Elle s’était réveillée dans une pièce inconnue et avec un homme inconnu. La voir paniquée n’avait donc rien d’étonnant. Je devais rester calme, pour elle.

Je devais la rassurer.

Je pris donc une profonde inspiration, ravalant ma propre peur.

« Mon nom est Yoshio. Je suis le Dieu du Destin… »

J’avais fait une pause.

« Le disciple du Dieu du Destin. C’est un plaisir de te rencontrer. »

Me qualifier de disciple semblait être une option bien plus sûre que de prétendre être le dieu lui-même. Les dieux devaient être majestueux. Ce que je n’étais pas.

J’avais parlé avec assurance et douceur, en essayant de la mettre à l’aise.

« Vous êtes un disciple du Dieu du Destin ? »

Carol se redressa et baissa la tête aussi profondément qu’elle le pouvait. C’était une révérence parfaite.

« Tu n’as pas besoin d’être si humble. Je suis juste un disciple. S’il te plaît, lève ta tête, Carol. En fin de compte, je suis qu’un simple un être humain, comme toi et ta famille. Tu peux t’adresser à moi sans aucun honorifique. »

Ugh. J’avais l’air si effrayant.

Eh bien, je suppose que ça n’avait pas d’importance du moment que ça la mettait à l’aise. Je lui avais fait mon plus gentil et plus rassurant sourire.

« Vous connaissez mon nom ? »

« Bien sûr. »

Le jeu n’était pas vocal, et c’était la première fois que je l’entendais parler. Étant donné le fait qu’elle avait l’air adorable, je m’étais demandé comment étaient les voix des autres villageois. J’étais prêt à parier que celle de Gams était profonde et masculine, que celle de Chem était probablement douce et gentille, et que celle de Rodice était peut-être un peu timide. Celle de Lyra était à tous les coups plus profonde et fiable, et Lan et Kan… enfin, ils ne parlaient pas beaucoup, mais…

« Qu’est-ce qui ne va pas, M. Yoshio ? Vous pleurez ? »

Carol s’était approchée de moi et regarda mon visage abattu.

Dire qu’elle pouvait montrer de l’intérêt pour moi dans une telle situation. Mais qu’est-ce que je faisais ? Je devais être celui qui la réconfortait !

« Merci. Je vais bien. »

J’avais tendu une main vers elle. Pendant une fraction de seconde, elle s’était figée, et un éclair de peur apparut dans ses yeux. Mais elle me permit ensuite de poser doucement ma main sur sa tête. Je l’avais tapotée tandis qu’elle soupira doucement tout en fermant les yeux.

« Votre main ressemble à celle de Gams ! »

« C’est un honneur d’être comparé à un homme aussi bon que Gams. Carol, il n’est pas nécessaire de m’appeler “Monsieur”. Je veux être ton ami. », dis-je en gloussant doucement

Je réprimai le frisson qui parcourait mon échine en me forçant à parler comme un sale type. Je ne pouvais pas me permettre d’être timide ici.

« Donc, euh, Yoshio. Où suis-je ? Où sont maman et papa et tous les autres ? », commença Carol.

Je savais qu’elle allait me demander ça, mais ça m’avait quand même fait trébucher. Il fallait que je réponde correctement, jusqu’au dernier mot.

« C’est un monde différent de celui d’où tu viens. C’est là que vivent les dieux. »

« Le monde des dieux ? »

Les sourcils de Carol s’étaient rapprochés, pensifs.

« Je comprends que tu aies du mal à le croire maintenant. Pourrais-tu regarder ceci pour moi ? »

J’avais pris une des statues en bois de mon étagère et je l’avais tendue vers elle.

« Hé ! Je l’ai sculptée ! »

« En effet. Tu l’as ensuite envoyée au Dieu du destin comme offrande. Il était très heureux, et me la donna ensuite afin que je m’en occupe. »

« Vraiment ?! Génial ! »

Le visage de Carol s’était éclairé d’un sourire.

J’étais content d’avoir pris soin de toutes les offrandes qu’ils avaient envoyées. Je ne pouvais pas savoir que quelque chose comme ça allait arriver.

Carol semblait se détendre un peu. Peut-être était-il temps de lui expliquer le fond du problème, mais vaguement. Je ne voulais pas la bouleverser.

« S’il te plaît, écoute attentivement, Carol. Je vais t’expliquer pourquoi tu es ici. Te souviens-tu que ton village a été attaqué par des monstres ? »

« Oui. Il y en avait beaucoup, alors maman et papa m’ont emmenée à l’intérieur de la grotte. Ensuite, maman m’a donné du thé, et puis tout est devenu noir… »

Le fait qu’elle ne se souvienne de rien d’autre me soulagea.

« Après ça, les monstres ont détruit la clôture. Les autres villageois t’ont envoyée dans ce monde sur l’autel pour te protéger. »

Je n’en avais pas la preuve, mais c’était la seule explication qui avait un sens.

« Mais qu’est-il arrivé à tout le monde, Yoshio ? »

Les yeux de Carol débordaient de larmes.

J’avais reposé ma main sur sa tête et j’avais souri doucement.

« Ils se sont enfuis. Et comme ils ont envoyé le livre saint avec toi, on ne peut pas voir ce qui s’est passé, mais je suis sûr qu’ils sont en sécurité. J’ai demandé au Dieu du destin de les sauver et de les protéger. »

J’avais gonflé ma poitrine et mis un poing dessus, injectant autant de confiance que possible dans ma voix. Je ne pouvais pas la laisser sentir un soupçon d’anxiété, où lui montrait que je doutais de mes propres paroles. Je devais me rappeler qu’elle était bien plus effrayée que moi.

« Le Seigneur les a sauvés ?! »

« Oui ! Il ne laisserait rien leur arriver. Maintenant, toute personne envoyée dans ce monde ne peut pas retourner immédiatement dans son monde d’origine, alors essaye d’apprécier ton séjour. Nous avons tout ce dont tu as besoin ici, tu n’as donc pas à te soucier de quoi que ce soit. »

« Oh, ok. Um, merci ! », dit Carol en souriant.

J’avais réglé le cas de Carol, cela faisait donc un problème en moins parmi les millions à gérer. Pourtant, je me sentais plus calme. Penser à l’avenir me faisait mal à la tête, mais pour l’instant, la tranquillité d’esprit de Carol était ma priorité absolue.

Est-ce que j’ai quelque chose avec quoi elle passera le temps ou… attendez. Comment suis-je censé expliquer ça à ma famille ?

J’étais tellement préoccupé par tout le reste que je n’avais même pas pensé à ça.

« Bref, il s’est avéré que le village que j’aidais était en fait dans un autre monde ! Ils m’ont envoyé une petite fille, alors je me demandais si elle pouvait vivre avec nous ? »

Il n’y avait aucune chance que ça passe.

Ma famille rendait visite aux parents de mon père en ce moment, mais mon prochain problème était là, sous mes yeux. Il ne restait plus que quelques minutes avant le Nouvel An. Ma famille devait revenir le 4 janvier. J’avais quatre jours pour régler les choses. Quatre jours pour trouver une explication.

« Yoshio ! Yoshio, ce lézard brillant est vraiment mignon ! »

Carol berça Destinée dans ses bras sans une once de peur.

Destinée était mignon, même si sa taille pouvait être effrayante au premier abord. Carol ne semblait pourtant pas du tout effrayée. Au contraire, ses yeux brillaient. Je suppose que c’était ce qu’on obtenait quand on grandissait dans un monde grouillant de monstres.

« Cette créature est sortie de l’œuf que tu as envoyé en offrande au Dieu du destin. Il lui a donné le nom de “Destinée”. S’il te plaît, traite-le avec amour et gentillesse. »

« Ça vient de l’œuf ? Wôw ! Salut, Dessie ! »

Carol caressa Destinée, qui encaissa tout sans même se tortiller. Il pouvait se montrer patient quand il le voulait.

J’avais soupiré et regardé l’heure. Il était presque minuit.

Cette année fut vraiment folle. Espérons que l’année prochaine sera un peu plus normale.

Je n’avais pas beaucoup d’espoir.

La petite fille blonde d’un autre monde jouait maintenant avec le lézard doré, lui aussi d’un autre monde. Oui, mon avenir n’allait pas devenir moins bizarre de sitôt. J’avais souri ironiquement au moment où l’horloge sonna minuit.

« C’est la nouvelle année. Bonne année, Carol. »

« Oh ! Bonne année ! »

Carol posa Destinée avant de se tourner vers moi et de s’incliner poliment. J’avais pensé que toute cette histoire de célébration du Nouvel An était peut-être propre à notre monde, mais cela ne semblait pas être le cas.

En parlant de Nouvel An, je devais trouver une résolution. Hmm. Peut-être, « Pas de regrets ». Yup. Ça ferait l’affaire.

J’aurais certainement des problèmes à régler par la suite, mais j’allais continuer à avancer, même si c’était lentement. Je devais m’occuper de Carol, et j’étais vraiment très inquiet du sort de mes villageois. Pourtant, je ne pouvais pas montrer mon anxiété devant elle étant donné qu’elle était déjà assez effrayée. Et même si tout ceci n’était qu’une simple comédie, je devais laisser derrière moi l’homme que j’étais et devenir un adulte sur lequel elle pourrait compter.

J’avais redressé mon dos et j’avais serré les dents, faisant face à la fille et au lézard. Ce fut à ce moment-là que la porte derrière moi s’ouvrit.

« Hé, Yoshi, quand est-ce que je me suis endormi ? J’ai fait un rêve super bizarre… »

Je m’étais retourné. C’était Seika. Ses yeux à demi fermés étaient lourds de sommeil, mais ils devinrent de plus en plus grands au moment où elle vit Carol dans la pièce.

Toute émotion quitta aussitôt son visage, et elle tourna son regard glacé vers moi. Une sueur froide coula alors dans mon dos. C’était mauvais. Vraiment mauvais.

« S-Seika-san. Il y a une explication à tout ça. Veux-tu bien m’écouter ? »

« S’il te plaît. Dis-moi tout, Yoshio-san. »

Jamais sa voix ne me parut aussi froide.

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