Murazukuri Game no NPC ga Namami no Ningen toshika Omoenai – Tome 3 – Section 12 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Message divin et Mon espoir d’amitié

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Chapitre 3 : Message divin et Mon espoir d’amitié

Partie 1

Maintenant que j’avais pris la décision d’envoyer une prophétie, je devais trouver comment la formuler. Les persuader d’être plus amicaux avec moi serait-il la bonne approche ? J’avais l’impression de tricher, de mettre des mots dans la bouche de leur dieu, mais j’avais décidé de ne pas trop y penser. J’avais donc sorti mon téléphone et tapé un brouillon de message.

« Mes chers disciples. Merci de prendre soin de mon disciple. Je vous demande de le traiter gentiment comme l’un des vôtres. C’est ma volonté. »

Dans le ton, ce message était un petit peu décalé. Je ne savais pas si le Dieu du destin ferait une demande aussi superficielle, si encore le terme superficiel était le bon mot. Mais je suppose que j’avais déjà demandé des conseils en amour auparavant.

Est-ce qu’il était bon pour un dieu d’essayer de se rapprocher de ses disciples ? Je devrais peut-être mettre plus de majesté dans ma demande et la faire ressembler à un devoir.

À ce rythme, ils finiront simplement par me prendre pour un fou.

« Yoshio, tu as l’air bizarre. »

« Oh ! Désolé. »

J’avais presque oublié que Carole était avec moi. Je devrais retourner au travail et réfléchir à la prophétie pendant que je creuse.

« Je dois retourner au travail, Carol. Qu’est-ce que tu fais ? »

« Je vais aider maman ! Puis je vais faire en sorte que Gams passe du temps avec moi ! »

Elle ne fit aucune mention de Rodice. Je me sentais mal pour lui. Carol avait passé la majeure partie de son premier jour de retour avec ses parents, mais le deuxième jour, elle était à nouveau toute à Gams. J’étais assez jaloux de Gams, et à plus forte raison Rodice. Je n’avais passé qu’une semaine avec Carol, mais elle était la plus spéciale de tous mes villageois pour moi. Il n’y avait rien d’inconvenant dans mes sentiments. Je la voyais comme une de mes filles.

« Oh, est-ce que Dieu a des messages pour nous ? Tout le monde est inquiet, car il n’y a pas de nouvelles prophéties dans le livre. »

Attendez, Carol était-elle après moi ?

« Tout le monde a hâte d’en avoir un autre, parce que ça fait longtemps ! »

Bien sûr ! Mais à quoi pensais-je ? Sa question était totalement innocente. Les villageois n’avaient plus leur livre saint depuis une semaine. Cela signifiait ni prophétie ni miracle. En plus d’avoir tout perdu, ils ne sentaient plus la présence de leur dieu. Pas étonnant qu’ils soient anxieux.

Pour des motifs purement égoïstes, je ne pouvais pas envoyer une prophétie. Si je voulais que mes relations avec les villageois s’améliorent, je devais faire le travail moi-même. Ayant donc pris ma décision, j’avais changé l’approche de ma prochaine prophétie. J’exprimerai mon soulagement sur le fait qu’ils soient tous sains et saufs et leur dirai de faire bon usage du disciple que le Dieu du Destin avait envoyé.

« Pourrais-tu dire à Chem qu’il y aura bientôt une prophétie ? Le Seigneur m’a dit plus tôt qu’il allait en envoyer une », avais-je dit.

« Oh ! Tu peux parler à Dieu avec ce bloc lumineux ! C’est vrai ! Je vais aller lui dire ! »

Carol me salua en courant. J’avais salué en retour et je m’étais mis au travail.

« Mes chers disciples, je suis immensément heureux de vous voir tous sains et saufs et d’assister à votre brillant triomphe sur l’adversaire. Soyez assurés que j’accorderai ma protection à tous les nouveaux arrivants du village. Mon disciple restera avec vous pour un temps. Veuillez le faire travailler comme n’importe quel autre membre du village; il n’a pas besoin d’un traitement spécial. Cela l’aidera à se sentir plus à l’aise. »

C’était ma première prophétie depuis un certain temps et j’étais un peu rouillé, mais je savais que mes villageois passeraient gentiment outre le choix des mots.

Je devais travailler sur ma propre relation avec les villageois. Je pouvais tout juste me souvenir des nouveaux noms et des compositions familiales. J’avais un long chemin à parcourir. Je devrais commencer par mes cinq d’origine, plus Kan et Lan. Et comme Murus m’évitait ouvertement, je la laissais donc tranquille pour l’instant. Elle viendrait me trouver quand elle se sentirait prête.

« Je crois que je vais commencer par les pandas. »

Et je ne les avais pas seulement choisis afin d’obtenir une occasion de toucher leur fourrure duveteuse ou parce que le simple fait de les regarder améliorait mon humeur. C’était plutôt parce que, même s’ils croyaient au Dieu du Destin, leur foi n’était pas particulièrement passionnée. Ils étaient aussi généralement réservés, apprendre à les connaître ne devrait donc pas demander trop d’efforts.

J’étais sorti de ma tente et j’avais immédiatement senti les regards. J’avais souri aux villageois, faisant de mon mieux pour ne pas laisser ma bouche s’agiter. Ils s’étaient inclinés comme un seul homme avant de se disperser dans toutes les directions. J’étais resté tout seul, avec pour seule compagnie le vent froid qui fouettait les feuilles à mes pieds. Mon cœur se sentait vide. Être spécial et respecté n’était pas du tout une partie de plaisir.

*****

Kan et Lan avaient construit leur nouvelle cabane là où se trouvaient leur maison et leur atelier avant l’explosion, exactement au même endroit. À l’extérieur de la hutte se trouvait un four en pierre, construit spécifiquement pour la forge du fer

En m’approchant, j’avais entendu qu’on enlevait le bois à l’intérieur. Ils devaient être en train de travailler.

« Bonjour ? C’est Yoshio. Avez-vous le temps de me parler ? »

Une pause s’ensuivit.

« Entrez. »

La porte s’ouvrit pour me révéler le panda à la fourrure plus claire, Lan. Même de près, elle ressemblait à un gros ours rouge habillé. Ces deux-là étaient difficiles à comprendre, car même leur visage était couvert de fourrure. Il n’y avait jamais beaucoup d’inflexion dans leur discours. Leurs sentiments étaient toujours un mystère pour moi.

À l’époque où je jouais au jeu, je passais une grande partie de mon temps libre à observer ces deux-là. J’avais une certaine expérience de leur langage corporel. En ce moment, leurs oreilles étaient dressées et ils me fixaient. Cela signifiait qu’ils étaient soit nerveux, soit anxieux. Des oreilles plates signifiaient la peur, et des bras levés l’intimidation. Tout allait donc bien pour l’instant.

« Je m’excuse d’avoir interrompu votre travail. »

« Ce n’est pas grave. »

« Pas de problème. »

Kan, qui rabotait du bois dans la hutte, arrêta ce qu’il faisait et tituba jusqu’à moi.

Bon sang, pourquoi faut-il qu’ils soient si mignons ?

Je m’étais efforcé de ne pas afficher un grand sourire niais sur mon visage. On ne pouvait pas le dire en les regardant, mais ces deux-là étaient plus âgés que Rodice et Lyra. Ils n’apprécieraient pas qu’on leur fasse des câlins.

En serrant les dents, j’avais réussi à garder une expression sobre.

« Vous avez sculpté la statue du Dieu du destin dans la tente ? »

« Oui. »

« C’est notre œuvre. »

Un autre silence s’ensuivit. Je m’attendais à ce que cette conversation demande un peu d’effort, mais là, c’était ridicule.

Je leur avais posé plus de questions sur leur travail et d’autres sujets, mais ils ne répondirent que par « Oui », « Non », « C’est bien » et « C’est mal ». Même l’assistant virtuel de mon smartphone était un meilleur interlocuteur que cela.

Heureusement, j’étais préparé. J’avais ouvert mon sac et j’avais fouillé jusqu’à ce que je trouve ce que je cherchais.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Montrez-nous. »

C’était la première fois qu’ils montraient de l’intérêt pour quoi que ce soit depuis que j’étais ici. Ils fixèrent sans sourciller les objets que j’avais sortis.

« Ce sont des outils de charpentier du Monde des Dieux. Ceci est un rabot japonais, et ceci est un trait d’encre. »

Il s’agissait de deux outils de menuiserie traditionnels japonais. Je les avais achetés d’occasion en ligne. Sewatari-san ayant insisté pour que les personnes et les objets puissent traverser le portail, j’avais acheté quelques souvenirs pour mes villageois. En voici deux d’entre eux.

« C’est la ligne d’encre. Vous disposez la ficelle comme ça, et quand vous la tapez, elle laisse une ligne noire derrière elle. La ligne est parfaitement droite. J’ai pensé que vous pourriez l’utiliser pour votre menuiserie. »

J’avais fait une démonstration sur l’un des morceaux de bois de rebut dans le coin de la pièce. Ils furent tous les deux stupéfaits.

« C’est un rabot japonais. Vous pouvez l’utiliser pour raboter une surface et la rendre parfaitement plane. »

J’avais fait une démonstration avec le même morceau de bois, et ils sursautèrent à nouveau. Leurs petites pattes rondes se tortillaient d’excitation et leurs yeux brillaient, impatients d’essayer les outils par eux-mêmes.

« J’aimerais vous les donner en cadeau pour marquer le fait que nous apprenons à nous connaître. Les accepterez-vous ? »

J’avais tendu le rabot et le trait d’encre vers eux. Les pandas se regardèrent, hochèrent la tête à l’unisson, se redressèrent et tendirent leurs pattes vers moi.

« Nous acceptons. »

« Nous les prenons. »

J’avais senti mon cœur se serrer à nouveau. J’avais gardé un visage aussi droit que possible, et j’avais réussi à leur passer les outils sans me mettre à sourire. Après cela, leur attention se détourna de moi pour se concentrer uniquement sur leur travail du bois. Ils étaient tournés vers l’extérieur, mais je pouvais sentir leur plaisir. Ne voulant pas me mettre en travers de leur chemin, je m’étais retourné pour partir.

Mais avant que je puisse partir, j’entendis leurs voix dans mon dos.

« Merci. »

« Ils sont super. »

C’était tout ce que j’avais besoin d’entendre. J’avais levé la main et laissé la petite maison de Kan et Lan derrière moi.

« Qui est le prochain… Attendez, j’ai bien reçu une invitation dernièrement, non ? »

Rodice et sa famille m’avaient déjà demandé de venir pour pouvoir me remercier comme il se doit. Carol était excitée à l’idée de prendre un repas ensemble. Je ne voulais pourtant pas débarquer à l’improviste et leur demander de me cuisiner quelque chose. Je devais les prévenir.

« J’aurais dû le demander plus tôt à Carol, quand elle était encore avec moi. »

Mais il était trop tard pour revenir en arrière. Je l’avais donc cherchée dans le village, ce qui n’était pas trop difficile puisque, même s’il était plus grand qu’avant, il n’était pas encore énorme. J’avais trouvé Carol assez rapidement, elle transportait du bois de chauffage.

« Hey, Carol. »

« Yoshio ! »

Elle courut vers moi, rayonnante. J’avais immédiatement senti mon propre esprit s’élever.

« Tu donnes un coup de main ? »

« Oui ! Maman m’a dit d’apporter ce bois de chauffage pour elle ! »

Carol vacillait sous le poids du bois. Elle avait pris avec elle tout ce qu’elle pouvait supporter.

***

Partie 2

« Peux-tu dire à ta maman et à ton papa que j’aimerais venir les voir ? »

« D’accord ! Mais qu’en est-il du bois de chauffage ? »

« Je vais le prendre pour toi, alors ne t’inquiète pas. »

« Ok ! »

Carol me tendit le bois et partit en courant.

J’aimerais avoir son énergie…

J’avais songé à courir immédiatement après elle, mais j’avais décidé de ne pas le faire. Ils voulaient probablement se préparer à la visite du disciple. Embellir un peu l’endroit, mais aussi se préparer mentalement.

J’avais marché aussi lentement que possible. Le village était suffisamment petit pour qu’un rythme normal m’amène à leur porte en moins d’une minute, mais j’avais réussi à le faire en trois minutes. Je posai le bois de chauffage à côté de l’entrée et je m’époussetais les mains.

« Bonjour ? C’est Yoshio. »

Le rideau de la porte s’était immédiatement écarté. Ils devaient m’attendre.

« Bienvenue, Yoshio ! Je crains que ce ne soit pas grand-chose, mais entrez, je vous en prie ! »

Le visage de Rodice était pâle de nervosité, le sourire qu’il montrait était clairement forcé.

J’étais entré sans hésiter.

Carol se tenait devant une table basse et ronde autour de laquelle étaient disposés des coussins.

« C’est ton siège, Yoshio ! », annonça-t-elle en tapotant le coussin à côté de celui où elle était assise. Je l’avais rejointe.

« Fais attention à tes manières, Carol », avertit Rodice tout en essuyant la sueur nerveuse de son front.

Lyra était apparue, apportant un service à thé d’un pas chancelant. Sa fiabilité inébranlable semblait s’être évanouie en ma présence.

« Je vous en prie, ne soyez pas si nerveux. J’aimerais que vous me traitiez de la même façon que Carol. »

« M-mais, monsieur ! On ne peut pas parler avec autant de désinvolture à un disciple du Seigneur ! »

« Mon mari a raison ! C’est inacceptable ! », s’écria Lyra tout en tenant une assiette devant son visage.

Rodice parlait habituellement sur un ton formel, mais entendre Lyra parler comme ça me semblait très étrange. J’avais failli lui demander qui elle était, et ce qu’elle avait fait de la vraie Lyra.

« Je ne suis qu’un simple humain moi aussi. Je parle d’une manière qui sied à un disciple du Seigneur, mais je n’ai pas parlé de cette manière avec Carol, non ? »

« Oui ! Tu as trop l’air bizarre maintenant ! »

Je m’étais alors mis à rire.

« Désolé. Parfois, les adultes doivent changer leur façon de parler entre eux. »

Il était si facile de parler à Carol, c’était la seule personne du village qui ne semblait pas avoir peur de moi. Lyra et Rodice me fixaient en me voyant parler si simplement à leur fille.

« Vous comprenez ? S’il vous plaît, ne vous sentez pas obligée d’être trop polie. »

« Je comprends, mais nous avons toujours une dette envers vous, monsieur. Merci beaucoup d’avoir pris soin de notre fille », dirent Rodice et Lyra en inclinant la tête.

« Ce n’était rien. J’ai beaucoup apprécié le temps que j’ai passé avec elle. Tellement que j’ai envie de vous remercier. »

Ce que je venais de dire n’était pas que de la pure politesse, je le pensais vraiment. Je n’avais jamais eu l’impression que Carol était un fardeau, même si elle m’avait vraiment épuisé.

« Ah, je sais. Est-ce que vous aimeriez revoir ensemble les photos qu’on a prises dans le Monde des Dieux ? »

« Oui, s’il vous plaît ! », dirent-ils à l’unisson.

Je leur avais déjà montré ces photos lors de la fête de bienvenue, mais nous avions dû les parcourir rapidement en raison du nombre de personnes présentes. Lyra et Rodice voulaient probablement y jeter un coup d’œil. J’avais affiché les images sur mon téléphone et les avais regardées une par une.

« Elles viennent du festival, non ? On les a vus l’autre jour. »

« Tu peux acheter plein de trucs délicieux sur ces stands ! »

« Ça a l’air bien ! Et tout est si joli. »

« Oui ! Le Monde des Dieux est vraiment coloré et lumineux ! »

Tout en les parcourant, Carol et moi avions expliqué l’origine de chaque photo. Ses parents hochèrent la tête avec intérêt, le visage illuminé. Nous en avions regardé une dizaine quand un grognement de faim résonna dans la tente. Le visage de Carol se mit à rougir. Elle posa alors ses mains sur son ventre. Apparemment, voir toute cette nourriture sur les photos lui donna faim. Nous étions tellement plongés dans la conversation que l’heure du déjeuner était passée depuis longtemps.

« On a faim, hein ? Je vais préparer le déjeuner. Vous en voulez aussi, Yoshio ? Je dois vous prévenir, il n’y aura rien d’excessif. », dit Lyra en rigolant.

« Oui, s’il vous plaît, si vous me le proposez. Ça vous dérangerait de me laisser préparer aussi un petit quelque chose ? Je n’ai besoin que d’un coin de la cuisine. »

« Je ne pourrais pas… »

« Yoshio va cuisiner ? ! Qu’est-ce que tu vas faire, Yoshio ? ! »

Carol interrompit alors l’objection de sa mère.

J’avais sorti quelque chose de mon sac pour le montrer à Carol. Elle jeta immédiatement ses mains en l’air et commença à sautiller d’excitation, comme elle le faisait à chaque fois qu’elle était la plus heureuse.

« C’est mon préféré ! Maman, Papa, je vous promets que c’est de la vraie bonne nourriture du Monde des Dieux ! »

« Du Monde des Dieux ? ! », s’exclamèrent Rodice et Lyra.

« Tout ce dont j’ai besoin, c’est d’un peu d’eau chaude », avais-je dit.

« Est-ce tout ? »

Je m’étais glissé derrière une Lyra confuse et j’avais commencé. Il suffisait d’enlever le couvercle à moitié, de vider le sachet de soupe en poudre et de verser de l’eau. Lyra fit bouillir des légumes et fit sauter de la viande. Le repas comprenait aussi du riz, ainsi qu’une boîte de nouilles instantanées que j’avais donnés à chacun.

« Il y a trois saveurs, alors goûtez et choisissez celle que vous préférez. »

Il y avait sauce soja, du porc, et du curry.

« Veux-tu bien montrer à tes parents comment les manger, Carol ? »

« Ok ! Regardez ça ! »

Carol prit fièrement une des tasses, retira son couvercle et commença à remuer le contenu avec une fourchette.

Ses parents prirent chacun une tasse et suivirent son exemple. Ils goûtèrent, les yeux plissés dans un mélange de curiosité et d’anxiété. Leurs expressions s’éclaircirent simultanément.

« C’est délicieux ! »

« Je n’ai jamais goûté quelque chose comme ça avant ! »

« Vous voyez ? ! Goûtez un peu des miennes ! »

Ils avaient échangé nos tasses afin d’essayer les saveurs des autres. J’avais regardé la joyeuse famille tout en goûtant un peu de la cuisine de Lyra. Elle n’était parfumée qu’avec du sel et du poivre, mais c’était bon. Dordold vendait des épices, mais elles avaient une grande valeur dans ce monde, ce qui signifiait que Lyra donnait le meilleur d’elle-même pour moi. J’avais savouré le goût, reconnaissant à Lyra d’utiliser des ingrédients aussi précieux.

Grâce à la présence de Carol, j’avais fait de bons progrès avec la famille de Rodice.

La prochaine sur la liste était Chem. Elle serait plus facile à approcher que Gams, étant donné qu’elle me respectait beaucoup et n’aurait jamais songé à me répondre ou à me contredire. Et bien que Gams ne soit pas aussi dévot que sa sœur, sa foi dans le Dieu du destin était toujours aussi forte. Il était silencieux dans le meilleur des cas, mais encore plus quand j’étais là. Je suppose que je le rendais nerveux.

Chem était habituellement dans l’église à cette heure de la journée, mais cette église était actuellement mes quartiers. Lyra avait dit qu’elle ferait peut-être la lessive à la place.

Les villageois faisaient leur lessive dans une source à l’intérieur de la grotte, mais elle avait explosé en même temps que tout le reste. J’avais peur qu’ils soient allés jusqu’à la rivière, mais Lyra me donna des indications. Je les avais donc suivis jusqu’à cette zone entourée de planches que j’avais rencontrées plus tôt. La porte de la hutte en bois étant pour une fois ouverte, j’étais entré directement. Au-delà de la porte, il y avait plusieurs étagères à gauche et à droite, avec deux autres portes entre elles. J’avais tout de suite su de quel genre d’endroit il s’agissait.

« Un bain public ? »

Les étagères devaient être des étagères à chaussures, et les portes bleues et rouges étaient destinées respectivement aux hommes et aux femmes. Le design de style japonais de l’endroit pourrait avoir été influencé par les joueurs du jeu, puisqu’il avait été construit récemment.

Il y avait quatre paires de chaussures sur les étagères près de l’entrée des femmes, ce qui signifiait que Chem n’était pas seule ici. Lyra m’avait dit que cet endroit était utilisé pour la lessive pendant la journée, je pouvais donc juste entrer par l’entrée des femmes. Mais c’était trop gênant. Je m’étais approché de la porte et m’étais raclé la gorge.

« Bonjour ? »

« Yoshio ? »

Une voix survint de derrière moi. Je m’étais aussitôt retourné, choqué. Il y avait Gams, fronçant les sourcils vers moi.

« Qu’est-ce que vous faites ici ? », avais-je demandé.

Attendez. Ne me dites pas qu’il est là pour draguer les filles. Il a toujours l’air si sérieux…

« Je suis venu chercher Chem. On va chasser et patrouiller. »

Bien sûr ! Et quoique Chem ne soit pas une combattante, elle pouvait utiliser la magie de guérison, traitant les blessures mineures en un instant.

« Je vois. »

« Pourquoi êtes-vous ici ? », me dit Gams.

« Je… fais le tour du village. Je voulais parler avec tout le monde. Je viens juste de quitter la famille de Rodice. »

« Oh. Eh bien, je vais chasser seul. »

Gams se retourna pour partir, mais j’avais posé une main sur son épaule pour l’arrêter.

« Si vous devez combattre des monstres, vous devez être prêt à tout. Je peux parler avec Chem une autre fois. »

La sécurité du village était plus importante que mes désirs d’amitiés personnels.

« Je vois. Au revoir. »

Gams ouvrit la porte de l’entrée des femmes et entra sans hésiter. Je l’avais suivi, résolu à être aussi audacieux que lui.

L’intérieur était vaste, avec un bain en plein air et une zone de lavage pavée de pierres. Le bain était assez grand pour contenir peut-être dix personnes, avec des becs en pierre à une extrémité, un pour le chaud et un pour le froid. Chem et Murus faisaient la lessive. Je n’avais pas réalisé qu’elle serait ici.

« Vous avez aussi de l’eau chaude ici ? »

« Oui. L’explosion a ouvert une source chaude à côté de la source froide d’origine. Nous pouvons puiser aux deux sources maintenant. », dit Gams.

Entendre Gams dire autant de choses en si peu de temps était une chose rare. Ils auraient pourtant dû mentionner qu’ils avaient pris un bain ! Ils n’arrêtaient pas de m’apporter des seaux d’eau chaude, ça commençait à me faire sentir coupable. Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour me prélasser dans une source chaude luxueuse !

***

Partie 3

« Oh, Gams. Et Yoshio ?! »

Chem, qui faisait la lessive en nous tournant le dos, se leva rapidement et s’inclina profondément. Murus me jeta juste un regard avant de continuer son travail.

Elle ne m’aime vraiment pas, hein ?

« Avez-vous bientôt fini la lessive ? J’ai envie de sortir. »

« Oui, je viens de finir. Venez-vous avec nous, Yoshio ? »

Je ne m’attendais pas à cette question et je m’étais retrouvé à hocher automatiquement la tête. Elle avait dû penser que c’était pour ça que j’étais là, même si je m’étais juste ridiculisé la dernière fois. Pourtant, je voulais essayer à nouveau.

« Ça vous dérange ? J’essaierai de ne pas me mettre en travers du chemin. », avais-je demandé.

Je devais m’exposer aux monstres au moins un peu, pour essayer d’atténuer ma réaction initiale de panique. Je ne pouvais pas me permettre de la perdre en cas d’urgence. Je n’avais pas besoin de pouvoir les combattre, juste de ne pas me retrouver paralysé par la peur quand quelqu’un avait besoin de moi.

Chem et Gams échangèrent un regard dubitatif.

« C’est bon s’il reste à l’écart et regarde, non ? »

Je ne m’attendais pas à ce que Murus prenne ma défense. Elle n’avait pas l’air ravie, mais j’étais tout de même reconnaissant de son soutien.

« Si je me mets en travers du chemin, vous pouvez me renvoyer à tout moment. »

« Eh bien, si vous insistez. Gams ? »

« D’accord. »

Je les avais remerciés, nous avions donc convenu de nous retrouver aux portes du village dans cinq minutes. J’étais rapidement retourné à ma tente pour trier mon sac. Au moment où je m’apprêtais à partir, j’avais aperçu Destiné, recroquevillé dans le lit, me regardant d’un air accusateur.

« Tu veux venir avec nous ? »

Il avait hoché la tête avec enthousiasme. J’avais donc ouvert mon sac, et il plongea immédiatement dedans. J’avais encore quelques chauffe-mains jetables dedans.

« Ton travail consiste à me protéger, d’accord ? Je suis désolé de compter autant sur toi, mais tu me protégeras ? »

Destiné me fit un clin d’œil.

Je suis heureux d’avoir un lézard si fiable.

J’étais arrivé aux portes pour trouver le trio qui m’attendait, ainsi que Kan et Lan.

« Kan et Lan voulaient aussi venir », a dit Chem.

« Merci pour les outils. »

« On va vous protéger. »

Ils me tendirent leurs pattes duveteuses. J’avais accepté leur poignée de main sans hésiter.

Ils sont si moelleux ! Et leurs coussinets ! Hnngh !

« Vous vous êtes fait des amis ? », dit Chem.

« J’ai eu l’occasion de parler avec eux tout à l’heure. »

Mais plutôt que mes talents de conversation, ce furent les cadeaux qui les avaient conquis. Quoi qu’il en soit, le fait qu’ils veuillent me protéger me rend heureux. Avec Destiné à mes côtés, je ne devrais pas gêner les batailles.

J’avais hoché la tête lorsque nous étions passés devant les nouveaux villageois qui montaient la garde à la porte. Ils s’étaient raidis et s’étaient inclinés à des angles parfaits de quatre-vingt-dix degrés. Maintenant, j’y étais habitué. J’avais juste souri et salué.

C’était seulement la deuxième fois que je sortais du village, je n’y étais pas retourné depuis mon altercation avec ces loups. Je m’étais préparé, déterminé à ne pas agir aussi honteusement cette fois-ci. Dans la nature, il était dangereux de baisser sa garde, ne serait-ce qu’une seconde. C’était un monde grouillant de monstres féroces.

Avant de trouver la grotte, mes villageois avaient dormi en pleine forêt. Cela avait dû être terrifiant. Tant de choses sur un lieu ne pouvaient pas être transmises au travers d’un écran. J’avais besoin d’en boire le plus possible tant que je le pouvais, avant de retourner jouer au jeu normalement.

Nous avions traversé la forêt en silence. Gams marchait devant, suivi de Murus, Chem, moi, puis Kan et Lan en arrière. Cette formation nous protégerait des attaques par l’arrière ou en tenaille.

J’avais vu la zone autour du village assez souvent pour savoir que nous nous dirigions vers la section nord-est de la forêt. La « Forêt interdite » se trouvait directement au nord. Les villageois évitaient généralement cette zone, mais il semblait qu’ils avaient déjà chassé tous les monstres proches.

« Nous avons pris l’habitude de passer par là récemment, afin de réduire le nombre de monstres avant le Jour de la Corruption », expliqua Chem.

Après avoir frôlé la destruction la dernière fois… cela avait du sens.

Les monstres qui entouraient le village n’étaient pas nécessairement ceux invoqués par les autres joueurs. Beaucoup d’entre eux vivaient ici depuis très, très longtemps, et ils se déchaînaient le Jour de la Corruption tout autant que n’importe quelle horde contrôlée par un joueur. Réduire leur nombre était logique.

Nous avions continué vers le nord-est, tout en restant sur nos gardes. J’avais sorti mon téléphone pour avoir une vue d’ensemble de la zone, et c’était là que je l’avais remarqué. Il y avait du mouvement au sud-est. J’avais zoomé dessus.

« Gams. On a des gobelins verts qui viennent de par là. »

J’avais pointé du doigt. Gams fronça les sourcils d’un air dubitatif, mais il mit une main sur son front et loucha au loin. Murus regardait attentivement au loin. Elle n’avait pas pris la peine de cacher le fait qu’elle ne me croyait pas.

Yup. Elle me déteste vraiment.

« On dirait qu’il y a quelque chose. »

« J’entends des bruits de pas. »

Leurs froncements de sourcils furent remplacés par des regards de surprise. Chem avait joint ses mains, me regardant avec admiration. J’avais ressenti plus de culpabilité que de bonheur. En réalité, c’était le jeu qui les avait repérés, et non pas moi.

J’avais fait quelques pas en arrière pour me mettre à l’abri. Lan était restée pour me garder, et Chem s’était également éloignée. Kan se tenait à côté de Gams, tous les deux préparant leurs armes. Ils regardaient à travers les nombreux grands arbres et obstacles qui bloquaient leur vision. Gams s’était caché derrière un arbre à droite tandis que Kan derrière un à gauche. Murus s’accroupit et murmura quelque chose. Les mauvaises herbes qui se trouvaient là se mirent à pousser, la dissimulant.

« C’est un sort… »

Ce n’était même pas une magie tape-à-l’œil, mais je n’avais pas pu contenir mon excitation de la voir pour la première fois. Je me rendis alors vraiment compte que je n’étais pas vraiment sur Terre.

Lan, Chem et moi nous étions cachés et avions regardé, restant silencieux jusqu’à ce que nous entendions des bruits de pas qui s’amplifiaient lentement. Gams fit un signe de tête à Kan alors que les gobelins verts apparaissaient entre les arbres.

J’avais réussi à rester calme cette fois-ci. J’avais déjà vu un gobelin vert, même si c’était une illusion. Qui aurait cru que cette rencontre dans le train me serait utile ?

Les gobelins étaient passés juste devant Kan et Gams, et un instant plus tard, deux d’entre eux avaient des armes plantées dans le dos. Le troisième gobelin se retourna aux gémissements de ses alliés, mais il n’eut pas le temps de crier avant de tomber sans vie sur le sol de la forêt, une seule flèche dépassant de son crâne.

L’attaque était parfaitement fluide, c’était une expérience complètement différente de celle que l’on vit à travers un écran. Les poils de ma peau se hérissèrent. Réalisant alors que j’avais cessé de respirer à un moment donné, j’avais pris une grande inspiration.

Le fait que j’ai pu réussir à garder mon sang-froid à la vue de trois créatures humanoïdes en train de mourir devant moi m’avait un peu surpris. Peut-être que toutes les épreuves que j’avais traversées m’avaient rendu plus fort mentalement. Ce serait bien.

Pourtant, les odeurs de la forêt mêlées à la puanteur du sang n’étaient pas quelque chose à quoi je pensais pouvoir m’habituer. Je m’étais approché de Gams, en essayant de ne pas regarder les gobelins morts.

« C’était impressionnant. »

« Trois gobelins ne représentent rien pour moi. »

Le ton de Gams était indifférent plutôt que fanfaron alors qu’il s’occupait des restes. Ils empilèrent les corps, les arrosèrent d’huile et les incinérèrent, en prenant toutes les précautions nécessaires pour que le feu ne se propage pas. Ils l’avaient fait de nombreuses fois dans le jeu, ils brûlaient les restes pour que les autres monstres ne soient pas attirés par l’odeur du sang.

« Nous allons continuer, si vous êtes d’accord », dit Gams.

« Bien sûr. »

Il m’offrait la possibilité de retourner au village, mais ça me convenait. Ça se passait beaucoup mieux que ma première tentative.

*****

Nous avions exploré la forêt pendant une heure environ sans autre incident. Nous étions sur le point de retourner au village, quand un cri résonna dans les arbres.

« À l’aide ! »

On aurait dit une femme. Je m’étais retourné pour demander à Gams ce que nous devions faire, mais il était déjà en mouvement, s’élançant dans la direction de la voix, Murus suivant juste derrière. Ils n’avaient pas hésité une seconde. Et comme rester derrière était dangereux, le reste du groupe s’était dépêché de suivre. Les cris arrivèrent par intermittence. Celui qui était là s’accrochait encore à la vie, mais probablement pas pour longtemps. J’avais couru aussi vite que j’ai pu, mais Murus et Gams avaient de l’avance. Même Chem avait dû réguler son rythme pour me permettre de les rattraper. Les habitants de ce monde avaient une forme physique impressionnante.

Gams et Murus n’étaient plus que des taches au loin quand ils dévièrent soudainement sur la gauche vers un bruit de métal qui s’entrechoquait.

Un combat d’épées ?

« Ne te préoccupe pas de ma sécurité, Lan ! S’il te plaît, va les aider ! »

Lan jeta un coup d’œil à Chem. Cette dernière acquiesça. Lan se mit donc à quatre pattes et partit à une vitesse incroyable. Le temps que je les rattrape, à bout de souffle, tout était fini. Des corps jonchaient le sol. Un couple de loups noirs, une personne en armure de cuir, deux chevaux et un chariot cassé. La charrette était plus sophistiquée que celle du village, peinte en blanc et lourdement décorée.

Nos combattants étaient indemnes. J’avais eu le temps d’être soulagé une fraction de seconde, avant que mon souffle ne soit à nouveau coupé par l’étrangère présente sur les lieux. Elle avait des cheveux dorés qui frôlaient ses épaules et une frange lisse et droite. Ses traits étaient magnifiquement dessinés et parfaitement symétriques. Ses lèvres étaient rouges, ses yeux légèrement peints. C’était la première fois que je voyais quelqu’un se maquiller dans ce monde. La femme était juste un peu plus petite que Chem et portait une robe élégante, lui donnant un air de classe supérieure. À côté de mes villageois, elle se distinguait.

Gams lui tendit la main, et elle se leva.

« Oh. »

J’avais haleté à voix haute. Chem et Murus étaient elles-mêmes très belles, mais cette femme était hors du commun. Ce n’était pas seulement son visage, mais la façon dont elle se tenait. Elle suintait le charme féminin. Chem lui jeta un regard terrifiant, fixant l’endroit où la femme tenait la main de son frère.

Oh, mon Dieu. Chem et Carol n’allaient certainement pas apprécier la présence d’une femme magnifique et raffinée parmi elles.

Je sens qu’un bain de sang va arriver.

***

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