Chapitre 6 : Le chevalier le plus fort
Partie 4
Erica fut la prochaine à se retourner sous l’effet de la douleur. Elle plaqua une main sur sa bouche, luttant pour respirer. Julian se précipita à ses côtés et lui caressa le dos. « Erica ! Tu n’es toujours pas bien ? »
Erica secoua la tête. « Non, je vais bien… Ce n’était qu’un choc momentané. Je ne suis pas très en forme. Rien de plus, frère aîné. »
« Si tu es sûre. »
Jilk se dirigea vers eux. « Votre Altesse, la bataille au dortoir semble se terminer. Poursuivons-nous notre route vers le palais comme prévu ? »
Julian leva son regard vers le ciel au-dessus d’eux. Le dirigeable ennemi avait épuisé les munitions de ses canons et battait en retraite. « Bonne question. Vu toute l’agitation qui règne à l’extérieur du campus, je pense que nous devrions aller de l’avant et nous rendre à —. »
Alors qu’ils discutaient de leur prochaine destination, Anjie et tout un groupe sortirent du dortoir des filles, Creare en tête. L’IA se mit à crier à tue-tête dès qu’elle aperçut Brave.
« Noooooooonnnn ! Tout le monde, éloignez-vous de cette chose ! »
Tout le monde sursauta au volume de sa voix. Plusieurs robots s’étaient rassemblés dans la zone pour pointer leurs armes sur Brave. Craignant qu’une bataille n’éclate si elle n’intervient pas, Marie se jeta devant Creare.
« Attends ! Nous n’avons pas à nous battre maintenant. »
« Rie ? Oui, je comprends. »
« C’est un grand soulagement, Creare. » Les épaules de Marie s’affaissèrent visiblement tandis que sa tension se dissipait, mais sa joie ne dura pas longtemps. Marie avait sous-estimé la profondeur de la haine des IA pour les armures démoniaques.
« Je comprends… qu’ils t’aient trompé, mais tu n’as pas à t’inquiéter. Je vais te débarrasser de leur mauvaise influence tout de suite ! »
Les yeux des robots brillèrent d’une lueur inquiétante tandis qu’ils préparaient leurs armes.
« Je savais que les IA étaient incorrigibles ! » siffla Brave. Il avait adopté sa propre position de combat. « Il n’y aura pas de terrain d’entente avec eux ! »
« Vous allez arrêter, bande d’idiots ? » Anjie surgit de nulle part et asséna à Creare un coup de crosse de mitraillette.
« Mais euhhh ! J’essayais juste de protéger tout le monde de cet ennemi de l’humanité ! » se lamenta Creare.
« Nous allons nous précipiter sur le palais. Des incendies se sont déclarés dans toute la capitale. » Le choix de la destination d’Anjie s’expliquait par son désir de mieux comprendre la situation actuelle.
Bien que réticente à s’exécuter, Creare le fit, mais avec un avertissement acide. « Mais attendez un peu. Une fois que le Maître sera de retour, je jure que je réduirai cette chose en miettes ! » La lentille bleue au centre de son corps se focalisa sur Brave. Elle n’avait pas renoncé à le détruire.
Anjie soupira. « Vérifie d’abord que tous les élèves sont en sécurité. Tu devrais être capable de faire ça maintenant, non ? »
« Bien sûr que je peux faire ça mu — hm ? Euh, qu’est-ce que c’est ? Oh là là ! » Creare devint silencieuse avant de tourner follement autour de la zone dans une étrange démonstration émotionnelle qui fit froncer les sourcils à tout le monde. Il devait y avoir quelque chose qui clochait, vu la voix tremblante de Creare. « Je ne trouve pas Fin. »
Anjie leva la main pour se protéger les yeux et regarder le ciel. Léon était toujours en train de se battre avec l’armure démoniaque, mettant ainsi une certaine distance entre lui et l’académie.
☆☆☆
« Il est de mon devoir, en tant que saint chevalier, de vaincre tous les ennemis du Saint Royaume ! »
J’avais engagé l’armure démoniaque armée d’un trident tout en l’incitant à me suivre loin de l’académie. Schwert, actuellement arrimé au dos d’Arroganz, avait émis des lasers guidés l’un après l’autre. Des arcs de lumière traversaient l’air et s’écrasaient sur l’armure démoniaque, brûlant sa surface et rougissant sa couche extérieure violette. Ces attaques avaient fait fondre certaines des défenses de mon adversaire, mais elles n’infligeaient que des dégâts substantiels. Bizarrement, je ne ressentais pas la même détermination que lors de mon affrontement avec Hering.
« Jusqu’à présent, nous avons eu droit au feu, à la glace et à la foudre… Quelle magie symbolise le violet ? Je suppose que c’est le vent ou la terre ? »
J’essayais seulement de prévoir les attaques à longue portée que notre ennemi avait en réserve, mais Luxon avait été irrité par mon attitude. C’était une grande surprise. Il ne manquait jamais une occasion de me critiquer.
« Pourrais-tu envisager de prendre ce combat plus au sérieux, Maître ? »
« C’est ma faute. Un peu épuisé après m’être fait botter le cul par le chevalier de l’Empire, au cas où tu l’aurais oublié. »
« De telles bévues ne se produiraient pas si tu étais plus vigilant. »
« S’il te plaît. Il utilise essentiellement des pouvoirs de triche. Sinon, comment pourrait-il être plus fort que ce vieux chevalier noir ? J’étais sûr qu’il m’aurait achevé plusieurs fois là-bas. »
« Ces échecs répétés sont dus à ton manque d’assiduité dans tes entraînements quotidiens », me rappela consciencieusement Luxon.
« Oui, et je le regrette maintenant. »
« Je n’ai pas les données nécessaires pour une analyse complète, mais je peux confirmer que l’armure démoniaque de Hering est plus performante que celle-ci. Cela dit, l’homme qui la pilote est plus compétent que ne l’était le Chevalier noir. »
« C’est incroyable que j’aie réussi à le battre. C’est de la chance », avais-je dit.
« Une personne qui a de la “chance” ne se retrouverait pas à plusieurs reprises au bord de la mort. »
Notre échange insignifiant était ponctué d’esquives et de louvoiements tandis que j’évitais l’armure démoniaque qui me poursuivait. Je le faisais en tournant le dos à mon adversaire et en accélérant en marche arrière. Une façon certes anormale d’engager le combat, c’est certain. Cela avait rendu mon adversaire fou de rage.
« Veux-tu te moquer de moi, chevalier ordure ? » Sa rage était à son comble. Le nombre d’yeux effrayants et réalistes sur la surface de son armure se multiplia.
« Tu es trop facile à contrarier », avais-je marmonné.
« Il perd de plus en plus le contrôle de ses sens. Il commence à montrer son vrai visage. »
Les mots de Luxon jetèrent de l’huile sur le feu. Alors que la colère de l’armure démoniaque enflait, des veines pulsantes commencèrent à saillir à la surface de son armure.
« Je suis un saint chevalier ! L’épée de son Éminence ! Un héros… de Rachel… » Un torrent tourbillonnant se manifesta à la pointe de son trident et se transforma en une lame tranchante. L’armure démoniaque le déchaîna sur Arroganz.
J’esquivai rapidement les attaques, déçu d’avoir complètement raté mes prédictions. « Quoi, c’est de l’eau cette fois ? C’est complètement à côté de la plaque. »
« Pourquoi insistes-tu pour jouer en plein milieu de la bataille ? Maître, mon analyse est terminée. » Il y eut une courte pause après cette annonce avant qu’il ne poursuive avec le rapport. « Sur le plan des performances, cette armure démoniaque est bien inférieure à celle qui possède un noyau. De plus, le début des attaques magiques est un signe que notre adversaire est en train de perdre le contrôle. Ni l’armure démoniaque ni le pilote ne sont une menace pour nous. »
« Une personne faible face aux provocations, hein ? »
« Nous avons également réussi à l’éloigner suffisamment de la capitale pour que la bataille ne cause aucun dommage à nos environs. »
« Alors je crois qu’il est temps de passer aux choses sérieuses. » J’avais ajusté ma prise sur les commandes, me penchant en avant dans mon siège alors que je lançais les propulseurs de Schwert au maximum, créant une distance supplémentaire entre moi et l’ennemi. Je pointai mon doigt gauche vers l’armure démoniaque, libérant toute la puissance des lasers à tête chercheuse de Schwert. Les faisceaux étaient plus épais que jamais, et ils transpercèrent le blindage de l’ennemi en succession rapide. Ils fondirent jusqu’à l’intérieur de l’armure.
« Gaaaah ! » Le cri de douleur de l’armure démoniaque a traversé l’air. Il a érigé une barrière, mais mes lasers n’ont eu aucun mal à la transpercer.
La lentille rouge de Luxon brillait à l’intérieur du cockpit tandis qu’il évaluait les dégâts. « La résistance est futile. J’ai terminé mon analyse. Ton temps est écoulé. »
« Je dois te remercier de m’avoir suivi docilement jusqu’ici », avais-je dit à mon ennemi.
Alors même que les lasers le grillaient, il agita son trident, invoquant d’autres lances d’eau pour les lâcher sur moi. Arroganz les évita avec facilité, elles étaient trop faibles et trop lentes pour représenter la moindre menace.
« Qu’est-ce que c’est ? », s’exclama l’ennemi, incrédule. Il n’avait pas dû se rendre compte que je l’avais fui exprès.
« Je t’ai fui parce que te faire tourner en bourrique dans l’école ou dans la capitale m’aurait donné du fil à retordre. T’abattre n’aurait pas été une mince affaire, mais…, » j’avais fait une pause, laissant Luxon terminer l’explication.
« Nous souhaitions obtenir d’autres informations de ta part. Malheureusement, ce que nous avons recueilli ne nous sera d’aucune utilité. Tu es la plus faible armure démoniaque que nous ayons affrontée jusqu’à présent. » Luxon n’avait aucun scrupule à piétiner la fierté de cet homme. Il détestait vraiment les armures démoniaques.
Nos moqueries n’avaient fait qu’alimenter l’indignation du pilote, déstabilisant encore plus son état mental. Bien qu’il ait gardé une forme humaine jusqu’à présent, il commença à gonfler de l’intérieur et à prendre une apparence plus monstrueuse.
« Ne vous avisez pas de vous moquer de moi ! »
La forme gonflée de l’armure démoniaque prit bientôt l’allure d’une masse de viande graisseuse. Un énorme œil injecté de sang apparut à sa surface et fixa Arroganz. Un liquide noir en suintait, presque comme des larmes.
« Finissons-en. Je vais t’abattre avec tout ce que j’ai. »
« Cela a effectivement pris plus de temps que je l’avais prévu. »
J’avais chargé l’armure démoniaque et l’avais transpercée de mon épée. Dès que j’avais été à proximité, plusieurs tentacules en étaient sortis pour tenter d’attraper Arroganz. Chaque tentacule fut arraché par les lasers de Schwert. J’appuyai mon pouce sur les boutons situés à l’extrémité des manettes de commande.
« Impact », déclara Luxon.
Chacune des mains d’Arroganz devint rouge, transférant son pouvoir à travers l’épée qu’elle tenait jusqu’à ce qu’elle change de couleur à son tour. Une chaleur brûlante s’en dégagea, provoquant un cri d’agonie de la part de l’armure démoniaque.
« Ça brûûûûûûûûûûûûle ! »
Les cris ressemblaient à ceux d’un enfant qui gémissait. Luxon avait coupé tous les sons après ce cri, laissant le cockpit totalement silencieux. Je pouvais voir ce qui se passait à travers les moniteurs, même sans pouvoir l’entendre.
L’amas charnu avait été projeté en l’air. Il explosa, faisant pleuvoir du sang et des morceaux de chair tout autour de nous. Une fois que j’eus la certitude que l’acte était accompli, je m’étais tourné vers Luxon.
« Pourquoi avoir coupé le son ? Et avais-tu vraiment besoin de le pousser à bout avec cette dernière phrase ? »
La lentille rouge de Luxon me fixa droit dans les yeux. Il répondit sèchement : « J’ai pensé que cela te causerait moins de stress mental s’il n’était pas sous forme humaine lorsque nous l’avons vaincu. Quant à l’audio, il était désagréable et inutile à écouter. Je l’ai éteint par égard pour toi. »
« Je ne comprends pas… ce qui se passe avec toi, » j’avais failli grommeler qu’il prenait un peu trop de libertés, mais son attitude typiquement merdique mise à part, j’avais senti qu’il pensait ce qu’il disait, à savoir qu’il le faisait pour mon bien. « Quoi qu’il en soit, dépêchons-nous de rentrer. »
merci pour le chapitre