Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7 – Prologue

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Prologue

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Prologue

Partie 1

Tôt le matin, lors d’un de mes jours de congé, je m’étais rendu au marché. Il était situé sur une place en plein air avec des étals alignés en rangées, et la vivacité des gens qui s’y trouvaient suffisait à faire oublier le froid glacial du matin. La lumière du soleil se répandait à travers les espaces étroits entre les bâtiments qui encadraient la place, et la façon dont ces rayons orange se déversaient donnait à la scène un air de conte de fées.

Des marchands pleins d’entrain faisaient de la publicité pour eux-mêmes, désireux de vendre leurs produits, tandis que les clients têtus essayaient de marchander les prix. Le bruit était si assourdissant que vous vous surpreniez à crier juste pour que la personne à côté de vous puisse entendre.

« Les gens sont si vivants, même à cette heure matinale », avais-je grommelé, pas encore tout à fait réveillé.

Mon partenaire, Luxon, planait dans les airs à côté de moi et me répondit : « Oui, tu as l’habitude d’être groggy au petit matin. Je pense que c’est dû à ta propension à rester éveillé si tard. S’il te plaît, fais plus d’efforts pour mener une vie saine. »

« Tu sais bien que je suis un oiseau de nuit. »

Comme d’habitude, je ne m’étais pas donné la peine de trouver une excuse valable, je n’étais pas vraiment un oiseau de nuit. Sa façon insistante de soulever la question m’avait suffisamment énervé pour que je veuille lui rendre la monnaie de sa pièce, c’est tout. Luxon semblait le sentir. « Même tes excuses sont devenues insipides. »

« J’ai sommeil, lâche-moi la grappe. J’ai enfin eu un jour de congé et quelqu’un m’a obligé à me lever tôt. Être chassé de la maison pour faire des courses ne me met pas vraiment d’humeur joyeuse. »

La seule raison pour laquelle j’étais venu à ce marché, c’est parce que Marie m’avait réveillé ce matin en disant : « Je suis occupée, alors j’ai besoin que tu ramènes les courses ici. » Elle était ma petite sœur dans ma vie précédente. Le fait d’être traité comme son valet cette fois-ci… eh bien, je me sentais sacrément pathétique. Normalement, je n’aurais pas hésité à refuser sa demande, mais…

« Désolée, Léon. Ce serait un peu difficile de tout porter toute seule, » déclara une voix de femme.

Oui, vous l’avez deviné, la personne chargée de faire les courses cette fois-ci était Noëlle, une fille dont les longs cheveux étaient attachés en une queue de cheval sur le côté droit de la tête. Ce qui la distinguait vraiment, c’est que ses cheveux étaient blonds sur le dessus, mais se transformaient en un ombré rose tendre aux extrémités.

Noëlle portait une tenue normale de tous les jours, bien que, malgré l’heure matinale, elle avait soigneusement relevé ses cheveux et appliqué un léger maquillage. Cela la distinguait d’autant plus du reste de la foule, qui ne semblait guère se soucier de son apparence. Les hommes, en particulier, la regardaient avec intérêt.

L’expression de Noëlle ne correspondait pas à son visage magnifiquement coordonné. Elle avait l’air coupable en s’excusant de m’avoir dérangé.

« Désolé, je n’essayais pas de te blâmer, Noëlle, » avais-je dit. « C’est Marie qui est en faute ici. »

« Mais tu m’aides. »

Mon travail était d’agir comme l’assistant de Noëlle et de porter ses affaires. Elle faisait la moue parce qu’elle semblait penser qu’elle m’accablait.

Alors qu’une atmosphère gênante commençait à s’installer entre nous, un Luxon déçu intervint pour me blâmer. « Je vois que tu es toujours aussi ignorant. »

« Ferme là », avais-je craqué.

« Oh ? Es-tu en colère parce que j’ai mis le doigt sur le problème ? C’est toi qui es en faute ici, Maître. Tu aurais dû savoir que rouspéter sur la situation ne ferait que mettre mal à l’aise Noëlle. »

Il savait exactement quel bouton pousser. Je lui avais lancé un regard noir. « Essaie d’être un tout petit peu plus gentil avec moi, pourquoi ne le fais-tu pas ? Crois-tu vraiment que je suis immunisé contre toutes les choses désagréables que tu me dis ? »

« Tu me demandes d’être gentil avec quelqu’un qui piétine constamment les sentiments des autres ? S’il te plaît, même dit en plaisantant, ce n’est pas du tout humoristique. »

Me détestes-tu vraiment à ce point !? Quand ai-je piétiné les sentiments de quelqu’un d’autre, hein !?

« Excuse-moi, je suis un gars qui aime la paix. Ma devise est : “Vas-y doucement avec toi-même… et avec les autres aussi.” »

Luxon m’avait regardé. « Est-ce que tu professes une incapacité à être strict avec toi-même ? De plus, comment un homme qui prétend qu’être gentil avec les autres est sa devise peut-il aussi être responsable de l’incitation à des conflits constants ici dans la République ? Je sens une contradiction. »

« Dans ma tête, il n’y a pas du tout de contradiction. Donc rien à craindre. »

« Tu n’es pas très exigeant envers toi-même, Maître. Cela fait presque un an que tu es venu ici, dans la République d’Alzer, pour étudier à l’étranger, et tu as créé un certain nombre de désordres pendant cette période. Ou bien l’as-tu déjà oublié ? »

D’accord, bien sûr. J’avais fait quelques bêtises une ou deux fois ici. La première fois, c’était quand j’avais affronté Pierre de la maison Feivel. La République avait été invaincue dans les batailles défensives jusqu’à ce moment-là, mais Luxon avait pris Einhorn et avait mis le bazar dans leurs forces, mettant fin à leur confiance dans leur propre invincibilité.

Après ça, j’avais affronté Loïc de la maison Barielle. Il avait harcelé Noëlle de façon obsessionnelle et l’avait fait chanter pour qu’elle l’épouse, mais j’étais arrivé à la dernière minute et j’avais empêché leur mariage, volant la mariée. La bataille qui avait suivi, au cours de laquelle je l’avais mis en pièces avec Arroganz, avait anéanti le peu de fierté qui restait à la République.

Le troisième incident concernait une bataille avec Serge, qui avait essayé de sacrifier Mlle Louise à l’Arbre Sacré. J’avais aussi fait un travail rapide sur lui.

Oh, attends une seconde. Ça veut dire que je me suis déjà battu trois fois pendant l’année que je suis ici ?

« Oui, trois fois », avais-je répondu après mûre réflexion. « Tu vois ? Je n’ai pas oublié. »

« Je suis formidablement heureux de constater que ta mémoire fonctionne encore. Cela étant confirmé, ne vois-tu pas de contradiction entre cela et ta prétention à être pacifiste ? »

J’avais haussé les épaules. « Ce n’est pas moi qui ai déclenché ces conflits. C’est toujours moi qui me défends. »

« Mais tu les provoques pour quils déclenchent des conflits avec toi. Si la République a commis des erreurs, c’est bien la décision de t’accepter comme étudiant d’échange. »

« Oh, arrête ça. Tu t’es impliqué et tu t’es aussi déchaîné ! Tu agis comme si c’était entièrement ma faute, mais tu es tout aussi coupable que moi. »

Il avait agité son œil d’un côté à l’autre, comme s’il secouait la tête. « Je crains que, contrairement à toi, je ne sois pas humain. Tu es celui qui détient le pouvoir de me commander, ainsi, mes actions sont de ta responsabilité, Maître. »

Luxon n’avait pas tort. C’est moi qui lui avais ordonné de s’impliquer et de créer encore plus de problèmes. Je grinçais des dents de frustration, incapable d’argumenter davantage.

Noëlle, qui avait écouté notre badinage sans intérêt jusqu’à ce moment, avait finalement souri. Apparemment, elle avait apprécié notre va-et-vient. « Vous vous entendez bien tous les deux », avait-elle dit.

« Hein ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ? »

« Noëlle, je crois que ta compréhension de notre relation a besoin d’être revue en profondeur. »

Luxon et moi avions répondu en même temps avec des sentiments similaires. Dès que nous avions terminé nos phrases, nous avions fermé nos bouches.

 

 

Noëlle avait souri d’une oreille à l’autre. La lumière du soleil matinal qui se déversait sur elle la faisait étinceler. « Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais je vois combien vous êtes proches tous les deux. »

« C’est une blague », avais-je grommelé.

Luxon avait déchargé un petit choc. Il était similaire aux chocs souvent utilisés dans les traitements médicaux — il procurait une sensation légèrement douloureuse, mais pas désagréable, mais il provoqua un cri de surprise de ma part.

Noëlle sortit son carnet de notes de sa poche, vérifiant une nouvelle fois quelles provisions nous devions acheter ici au marché. « Tu as encore l’air à moitié endormi, donc je pense que nous devrions finir nos achats rapidement. »

Luxon baissa la voix pour qu’elle ne puisse pas entendre et demanda : « Maître, as-tu vraiment l’intention de ne pas répondre à ses sentiments pour toi ? »

Si j’étais aussi doué pour gérer mes émotions et mes relations interpersonnelles, je ne serais pas dans ce pétrin pour commencer. D’ailleurs…

« Anjie et Livia ne t’ont-elles pas dit de garder un œil sur moi pour être sûr que je ne fasse pas deux fois la même chose ? Et tu as encore le culot de me dire de poser mes mains sur Noëlle ? » avais-je murmuré en réponse.

« Dans le cas de Noëlle, je ne les informerais pas qu’elle a triché, » dit Luxon. Il avait l’air beaucoup plus sérieux qu’il ne l’avait été jusqu’à présent. « Si tu fais un geste, Noëlle retournera avec nous au Royaume de Hohlfahrt. Je n’y vois aucun problème, et toi ? »

Ouais, le problème est qu’il a complètement oublié de prendre en compte mes sentiments.

Noëlle avait fait quelques pas devant nous, jetant un coup d’œil aux étals. Il était clair qu’elle était une habituée des lieux, vu l’assurance avec laquelle elle cherchait les articles dont nous avions besoin. Elle était vive et agréable à parler, ce qui la rendait agréable à côtoyer. Cela ne veut pas dire que je trouvais Anjie ou Livia ennuyeuses, mais Noëlle avait un certain charme qu’elles n’avaient pas. Elle était mignonne, mais ce qui m’avait vraiment impressionné chez elle, c’est sa volonté de fer.

Je voulais que Noëlle trouve le bonheur, mais j’étais inquiet de savoir si je pouvais vraiment le lui apporter. Personnellement, je voulais qu’elle trouve un partenaire bien meilleur que quelqu’un comme moi.

« Marie et toi m’accordez beaucoup plus de crédit que je n’en ai, » avais-je dit à Luxon.

Aussi ignorant que je puisse être, je m’étais rendu compte que Marie avait planifié toute cette aventure pour nous forcer, Noëlle et moi, à être seuls ensemble. C’était probablement sa façon de veiller sur Noëlle, mais je n’avais pas besoin qu’elle mette son nez là-dedans.

« Je ne t’accorde ni plus ni moins de crédit que ce qui t’est dû. Je pense simplement que tu es veule, Maître, » dit Luxon.

« Je ne suis pas veule, merci beaucoup. »

Luxon devait attendre que je dise cela, car il passa immédiatement à l’offensive. « Aurais-tu oublié les événements qui ont conduit à tes fiançailles avec Angelica et Olivia ? C’est précisément ta nature veule qui a obligé ces deux-là à avouer leurs sentiments en premier. »

« Allez, ne parle pas de ça. C’est totalement injuste. » J’avais coupé court à la conversation. Je savais que j’étais voué à perdre si nous continuions à débattre de ce point.

Noëlle avait dû trouver ce qu’elle cherchait pendant que nous nous chamaillions, elle s’était arrêtée devant l’un des stands et négociait avec le propriétaire. Elle voulait marchander le prix, car elle achetait en gros, et le vieil homme qui tenait l’endroit était plus qu’heureux de passer un accord avec elle. Il n’aurait jamais adopté la même attitude si c’était moi qui demandais. Seules les jolies filles comme Noëlle peuvent gérer ça.

À proximité, une femme d’âge moyen, à la présence digne, essayait également de marchander avec l’un des propriétaires de l’étal. J’avais jeté un coup d’œil sur eux, écoutant leur conversation.

« Arrêtez-vous là, » dit la femme. « Un insecte semble avoir mangé une partie de ce produit. Voulez-vous vraiment me dire que vous allez le vendre au même prix que le reste de vos produits ? Soyez raisonnable. Personne d’autre ne l’achèterait. »

« N-non, je veux dire… c’est juste… »

« J’en achèterai un à votre prix normal, et vous pourrez me donner celui qui a été rongé par les insectes comme cadeau. C’est vous qui aurez des problèmes si l’un de vos produits n’est pas vendu, n’est-ce pas ? »

« Eh bien, oui, je suppose… B-bien alors. »

« Splendide. Je vais prendre ceci et cela aussi. »

« Quoi !? »

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Partie 2

La femme en arracha quelques autres qui avaient été rongés par les insectes et demanda au marchand de s’en séparer gratuitement. Le marchand céda, ne serait-ce que parce qu’il valait mieux s’en débarrasser que d’en avoir encore, ce qui avait permis à la femme d’obtenir plusieurs légumes pour le prix d’un.

Peut-être qu’être mignon n’a rien à voir avec le fait de pouvoir marchander avec succès ou non.

« Certaines femmes ont vraiment du cran, » avais-je marmonné. Cette femme en particulier faisait passer le marchandage de Noëlle pour un adorable jeu d’enfant.

Alors que j’observais la femme de dos, impressionné par ses compétences, j’avais remarqué du coin de l’œil une boutique à l’aspect suspect. Elle était installée dans une petite ruelle entre deux bâtiments et vendait des médicaments. Un certain nombre de clients s’arrêtaient pour regarder et faire un achat, mais la majorité d’entre eux me semblaient être des aventuriers.

« Des aventuriers de la république, hein ? »

Serge était le seul aventurier que j’avais vraiment vu depuis mon arrivée dans la République d’Alzer. Contrairement au Royaume d’Hohlfahrt, les aventuriers de la République avaient un statut très bas.

Les clients s’étaient dispersés dès qu’ils avaient fini d’acheter leurs marchandises. Curieux, je m’étais approché. Le marchand responsable de l’étal avait une capuche qui lui couvrait le visage, projetant des ombres suffisamment sombres pour qu’il soit impossible de distinguer ses traits.

« Bienvenue », a-t-il dit.

Ce salut aurait pu sembler amical à quelqu’un d’autre, mais la façon dont il l’avait prononcé était brusque. Peut-être s’est-il douté que je ne faisais que du lèche-vitrine et que je n’avais pas l’intention d’acheter, ce qui l’avait mis de mauvaise humeur. L’homme avait une feuille de tissu étalée avec ses marchandises alignées dessus au lieu d’un étalage formel. Je m’étais agenouillé et j’avais attrapé l’un des produits qu’il vendait pour l’examiner.

« Est-ce une drogue ? » avais-je demandé en chuchotant.

« Oui, celle-là rend celui qui la prend plus fort. Cependant, je doute que quelqu’un comme vous en ait besoin. »

Luxon expliqua à voix basse : « Ce doit être la drogue que Serge a prise précédemment. Bien que cela semble être de qualité inférieure à ce qu’il a utilisé. »

Un amplificateur de force est un objet de jeu vidéo assez standard. Ils augmentent généralement vos statistiques physiques ou vos statistiques d’attaque pour une courte durée. Ceux qui étaient en vente étaient des potions contenues dans de petites fioles, et la couleur du liquide qu’elles contenaient était particulièrement frappante — des pourpres profonds et des azurs riches.

« Hmm, intéressant. Dans ce cas, donnez-moi un exemplaire de chaque sorte que vous avez, » avais-je dit.

Le marchand avait d’abord hésité, mais maintenant qu’il savait que je voulais sincèrement acheter ses marchandises, son attitude s’était adoucie. Tout en rangeant les bouteilles dans une petite boîte en bois, il me conseilla : « Faites attention en les utilisant. Et veillez à laisser un intervalle d’au moins six heures entre chaque utilisation. Les prendre en succession rapide ne fera que détruire votre corps. »

J’avais penché la tête sur le côté en lui remettant son argent, trouvant son avertissement curieux. Il avait presque l’air d’un vrai pharmacien ou quelque chose comme ça. Mais la vraie raison pour laquelle je trouvais cela étrange, c’est que l’utilisation de potions en succession rapide était plutôt standard dans les jeux vidéo. Je lui avais pris mon paquet et m’étais éloigné.

« La façon dont il parlait donnait l’impression que ce truc était un vrai médicament », avais-je dit à Luxon en riant.

« Ce n’est pas “comme un vrai médicament”, c’est un vrai médicament. »

« Quoi ? »

« Tu sembles avoir de fausses impressions, Maître. Je pense que c’est toutes tes connaissances des jeux vidéo qui te gênent. » Il secoua son petit corps rond d’avant en arrière, comme pour me faire la morale. « L’explication la plus simple que je puisse offrir est la suivante : ce sont essentiellement des stéroïdes. Penses-tu vraiment qu’une drogue aussi puissante n’a pas d’effets négatifs sur le corps humain ? »

Il me disait essentiellement que le concept de toniques améliorant le corps sans aucun démérite n’existait que dans les jeux vidéo, pas dans la réalité. Il donnait l’impression que tout personnage de jeu vidéo qui utilisait des potions comme ça était un drogué.

« Quoi, alors même si j’ai acheté toutes ces potions, je ne peux même pas les utiliser ? Je ne les ai prises qu’en cas d’urgence. » Après avoir vu Serge utiliser ces trucs avant, j’avais pensé que ça pourrait être utile d’en avoir quelques-uns comme atout dans ma manche. « Maintenant que j’y pense, Serge les a aussi consommés l’un après l’autre. Peut-être que les produits de qualité supérieure n’ont pas d’effets secondaires négatifs ? »

Je m’étais battu avec Serge lorsque j’étais intervenu pour sauver Mlle Louise, et il avait pris deux de ces potions en peu de temps. La seule conclusion logique que je pouvais tirer était que celles qu’il avait prises étaient de meilleure qualité et n’avaient pratiquement aucun impact négatif sur son corps.

« Il est possible que ceux qu’il a pris aient eu moins d’effets secondaires, mais pour commencer, j’ai également du mal à croire que Serge ait suivi les procédures de dosage appropriées », déclara Luxon.

Il avait raison. Serge m’avait semblé être du genre rude et violent rien qu’en le regardant, et il avait une attitude qui allait de pair. Il était difficile de croire qu’il ait suivi les conseils appropriés pour la consommation de potions, ce qui ne pouvait que signifier qu’il avait poussé son corps au-delà de ses limites dans son combat contre moi… non ?

Ou peut-être que le médicament n’était pas très puissant au départ, et que c’est pour cela qu’il n’avait pas d’effets secondaires.

J’avais claqué des doigts. « Ouais, ça doit être ça. Je l’ai mis à terre d’un seul coup de poing au visage, donc il est logique que les stéroïdes qu’il a pris ne soient pas très puissants. » J’étais sûr que Luxon serait d’accord avec moi, et il l’avait été. Enfin, en quelque sorte.

« Cela semble l’explication la plus probable. Si des gens comme toi ont pu le vaincre, alors il est logique que Serge soit moins puissant que nous l’imaginions. »

« D’accord, je sais que c’est moi qui l’ai suggéré pour commencer, mais ton évaluation de moi n’est-elle pas un peu trop basse ? » Je lui avais lancé un regard noir.

« Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Tu devrais donner la priorité à l’entraînement physique de ton corps plutôt que de compter sur la médecine pour résoudre tes problèmes — surtout des potions aussi peu soignées que celles-ci. Étant donné qu’elles s’accordent mal avec ta constitution, je te suggère de t’en débarrasser complètement. »

« Ma constitution ? » J’avais froncé les sourcils en le regardant. « Attends, tu veux dire que tu pourrais en fabriquer toi-même des puissantes ? »

Après une petite pause, il avait admis : « Oui, je suis capable de produire ce genre de médicaments, oui, mais as-tu vraiment l’intention de t’en servir ? »

« C’est toujours mieux d’avoir un atout dans sa manche, non ? »

J’avais décidé de laisser Luxon analyser les potions que j’avais achetées. Il pourrait alors les utiliser comme base pour en créer d’autres qui conviendraient mieux à mon corps.

J’avais pris la boîte en bois sous mon bras et j’étais retourné vers Noëlle, qui me faisait signe de la main gauche. Son autre bras était occupé à soutenir un sac en papier brun rempli de provisions. « Léon, où étais-tu ? » m’avait-elle demandé.

« J’ai juste repéré quelque chose qui a piqué mon intérêt. De toute façon, je vais porter tes affaires pour toi ». Je lui avais pris le sac, et nous avions commencé à marcher tous les deux au milieu de la clameur qui nous entourait.

Noëlle avait légèrement rougi en disant : « Le domaine est devenu beaucoup plus animé qu’avant. Je pense que M. Julius et les autres profitent peut-être un peu trop de leur liberté. » Elle avait souri, bien que visiblement troublée par leurs pitreries.

Je ne pourrais pas être plus d’accord. « Oui, Julius est devenu un crétin obsédé par les brochettes, et l’habitude de Jilk de collectionner les antiquités est plus intense que jamais. Toutes ces ordures qu’il a rapportées ont fait ressembler une partie du domaine à un dépotoir. Quant à Brad… eh bien, comparé à eux, je suppose qu’il n’est pas trop mal. »

Bien sûr, le sujet allait tourner autour des cinq idiots. Depuis leur arrivée dans la République d’Alzer, les pitreries du prince et de ses petits serviteurs n’avaient fait qu’empirer.

Noëlle avait soudainement eu l’air hagarde. « J’ai l’impression que ce n’est pas à moi de dire quoi que ce soit puisqu’ils m’ont accueillie, mais j’aimerais que quelqu’un fasse au moins quelque chose au sujet de M. Greg et de M. Chris. Ils se promènent pratiquement tout le temps à moitié nus, et c’est un peu dérangeant. » Le fait d’avoir été témoin de ces corps presque nus — de ces deux hommes qu’elle aurait préféré voir entièrement vêtus, rien que ça — avait laissé Noëlle épuisée.

« Oui, ces deux-là sont de vrais idiots. »

Greg s’était réveillé avec une obsession pour la musculation, si bien qu’il se promenait maintenant tout le temps torse nu dans le domaine. Normalement, il portait au moins un débardeur, mais il choisissait de l’enlever après une séance d’entraînement pour pouvoir montrer ses pectoraux, ses abdominaux et tout ce qui s’ensuit.

Je lui avais donné quelques coups de pied par-derrière pour essayer de l’amadouer et de le faire changer d’attitude, mais ça n’avait rien donné pour l’instant. Comme l’avait dit Greg, « Je veux que Marie voie à quel point j’ai entraîné mon corps ». Le plus dégoûtant, c’est que Marie semblait plutôt heureuse de le voir. Elle le grondait pour qu’il mette des vêtements, tout en reluquant son corps. Elle était aussi désespérée que lui.

L’autre enfant à problèmes était Chris, qui avait pris l’habitude de se pavaner dans la propriété dans rien d’autre qu’un pagne traditionnel japonais. Il portait un manteau happi sur sa moitié supérieure, mais il était fermement opposé à porter quoi que ce soit sur le tissu fin qui cachait ses parties inférieures. Il avait également commencé à nettoyer et préparer le bain quotidiennement comme un homme possédé. C’était bien qu’il travaille dur, mais le faire en étant presque nu annulait tout point positif.

Jilk était le seul à avoir mis quelqu’un en danger financièrement, mais le groupe dans son ensemble était fou. Au moins, Jilk lui-même avait l’air normal de l’extérieur et était même plutôt compétent dans la vie de tous les jours — sauf sa tendance à escroquer ou à être escroqué. Le principal problème avec Jilk était… eh bien, que c’était une ordure.

Le reste des gars étaient relativement inoffensifs, si ce n’est un peu désagréable dans leur propre droit. Je doute que quiconque ait pu prévoir qu’ils prendraient tous les chemins qu’ils avaient pris. Jusqu’à l’année dernière, ils avaient été les héritiers estimés de familles respectables. Ils avaient fini dans des états si pitoyables que je ne pouvais même pas en rire.

J’arrivais à être gentil avec Marie, malgré tous ses défauts. C’est elle qui s’occupait de tous ces crétins. Bien que pour être honnête, c’était sa propre faute : elle avait essayé d’utiliser sa connaissance de l’itinéraire de chaque garçon dans le jeu pour les cajoler et s’offrir une vie de harem inversé. Hélas, ma sœur de ma vie précédente avait fait un mauvais calcul. Elle était maintenant coincée avec la tâche peu enviable de garder ces cinq enfants à problèmes, chacun d’entre eux étant un crétin légitime. Sa misère me procurait une belle schadenfreude (joie malsaine), alors la traiter gentiment ne me coûtait rien.

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Partie 3

« Je peux les forcer à s’habiller si ça te dérange tant que ça », avais-je proposé. Une partie de moi se demandait pourquoi ces mots étaient sortis de ma bouche. Je détestais ces types depuis le début — ils étaient mes anciens ennemis.

Noëlle avait été prise au dépourvu par ma suggestion. Elle avait hésité un moment avant de secouer la tête. « Je ne pense pas que tu doives aller aussi loin. »

C’était encore l’hiver en République, raison de plus pour laquelle je ne pouvais pas croire qu’ils se promenaient encore à moitié nus. Ont-ils des lésions cérébrales ?

« Oh oui, ce n’était pas sur la liste, mais j’aimerais prendre quelques fruits. Léon, ça te dérange si on s’arrête encore à un endroit ? » demanda Noëlle.

« C’est le travail d’homme à tout faire, de se taire et de suivre. » C’était précisément la façon dont les hommes étaient censés se comporter dans le Royaume de Hohlfahrt, mais il s’avérait que les choses étaient différentes dans la République.

« Je vais porter les fruits, » dit-elle. « Je me sens mal de te faire tout trimballer pour moi. »

L’entendre dire quelque chose d’aussi réconfortant m’avait pratiquement fait monter les larmes aux yeux. Ah, la République est un pays étonnant en effet !

Noëlle avait dû remarquer que mes yeux s’embuaient parce qu’elle avait fait la grimace. « Tu sais, à chaque fois que ça arrive, je me dis la même chose : pourquoi es-tu si émotif pour des choses qui n’ont que du bon sens ? »

« Parce que ta version du bon sens est comme la bienveillance d’une sainte. »

Combien de fois avions-nous eu cet échange exact ? Noëlle inclinait toujours la tête et disait : « Les femmes du Royaume sont-elles vraiment si terribles ? Les deux filles avec qui tu es fiancé avaient l’air vraiment gentilles. » Elle n’avait pas rencontré beaucoup de femmes du Royaume. Anjie et Livia étaient exceptionnellement rares parmi les étudiantes qui fréquentaient l’académie de Hohlfahrt. Elles ne pouvaient pas être comparées à la racaille typique : un groupe de filles, chacune issue d’une famille dont les rangs vont de « baron » à « comte ».

« Ce n’est qu’une petite partie d’entre elles qui sont complètement intolérables, » avais-je avoué. « Ou peut-être devrais-je dire étaient-elles complètement intolérables ? »

La tête de Noëlle s’était penchée en raison de sa curiosité. « Étaient ? Pourquoi le passé ? »

« Je suis parti étudier à l’étranger avant que les conditions sur place ne commencent à s’améliorer. »

« Se sont-elles améliorées ? »

C’était une longue histoire. En gros, l’extrême hiérarchie matriarcale qui existait autrefois à l’académie avait finalement été rectifiée — prétendument, en tout cas. J’étais parti pour la République avant d’avoir pu voir le résultat final de ces changements, donc je n’avais aucun moyen de savoir comment les choses s’étaient passées.

Pendant notre bref échange, Noëlle avait continué à chercher un magasin vendant des fruits frais. Dès qu’elle en avait repéré un, elle s’y était rendue. Chaque produit exposé était un délice fraîchement cueilli, mais Noëlle avait l’intention de ne sélectionner que les meilleurs d’entre eux. La maison Lespinasse faisait autrefois partie des Sept Grandes Maisons (aujourd’hui réduites aux Six Grandes), et tous ses membres étaient des nobles de haut rang. Noëlle était l’une des rares survivantes de cette maison, et son statut éminent faisait d’elle l’équivalent d’une princesse. Voir une personne d’une telle importance errer dans le marché matinal en se demandant quel fruit choisir sur l’étal était un spectacle époustouflant.

« Monsieur, j’aimerais ceux-ci ici et ceux-là là-bas. » Une fois que Noëlle avait fait sa sélection, le marchand chargé de l’étal fourra ses fruits dans un sac. Il me jeta un regard fugace et ajouta un fruit supplémentaire, même si nous ne l’avions pas payé.

« Voyez ça comme un cadeau, puisque vous semblez si proches tous les deux. Vous avez trouvé une jolie fille, mon garçon. Je vous envie. » Les lèvres du marchand s’étaient fendues d’un large sourire, et il avait gloussé un peu trop fort. Noëlle et moi avions échangé des regards avec des sourires troublés sur nos visages. C’était gentil de la part de l’homme de nous donner un cadeau, et aucun de nous ne voulait le gâcher en le corrigeant, alors nous l’avons simplement remercié pour sa gentillesse avant de quitter le marché.

Sacs en main, nous étions retournés à la propriété de Marie. Il devait être environ neuf heures à ce moment-là, je suppose. Nous avions pris notre temps pour regarder toutes sortes de produits, et le temps passa très vite. Comme nous n’avions pas encore pris de petit-déjeuner, j’étais vraiment affamé.

Noëlle, par contre, ne semblait pas préoccupée par son estomac vide. Elle était trop occupée à s’inquiéter de ce que ce marchand nous avait dit. Ses joues étaient rougies par la gêne, son discours plus rapide que d’habitude. « Je n’aurais jamais imaginé que nous aurions l’air d’un couple aux yeux des autres. Ah ha ha, j’espère que ça ne t’a pas dérangé. Si ? »

Pas en particulier. Je me suis dit que ça la dérangerait.

« Non, je vais bien », avais-je dit. « Mais ça a dû être un peu ennuyeux pour toi, non ? »

« Qu-Quoi ? Bien sûr que non ! »

En voyant avec quelle insistance elle le niait, j’étais d’autant plus sûr qu’il devait y avoir une erreur, comment une femme de son calibre pouvait-elle tomber amoureuse d’un crétin comme moi ? Un jour ou l’autre, un partenaire plus digne de ce nom se présenterait, et elle se réveillerait enfin. C’est ce que je voulais croire, en tout cas, je ne la méritais sûrement pas. Et Anjie et Livia, alors ? C’était aussi curieux qu’elles m’aient choisi comme partenaire, puisqu’elles étaient toutes les deux si merveilleuses. Mais… Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander comment les choses auraient pu tourner si j’avais rencontré Noëlle en premier.

J’avais repéré un café avec une terrasse ouverte alors que nous flânions dans les rues. Il y avait plus de couples que d’habitude, étant donné que c’était le week-end, et ils semblaient tous engagés dans une conversation animée, peut-être en train d’élaborer des plans sur l’endroit qu’ils allaient visiter ensuite. Parmi les couples, j’avais repéré un homme assis seul. Il avait l’air terriblement mal à l’aise. Je m’étais tout de suite senti concerné.

« Les gens ont l’air de bien s’amuser, même si c’est si tôt », avais-je commenté.

Noëlle s’était figée sur place. Elle avait ouvert la bouche pour dire quelque chose, avait changé d’avis et l’avait refermée aussitôt.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » avais-je demandé.

« Ce n’est rien, vraiment ! De toute façon, nous devrions nous dépêcher de rentrer. Rie doit nous attendre. »

Bien qu’elle semblait impatiente de rentrer, je trouvai mon regard errant vers le café. « Non, je ne vois aucun problème à les faire attendre. Allons d’abord manger un morceau ! Nous pourrons nous vanter à notre retour auprès de Marie d’avoir été manger quelque chose de délicieux. »

Je savais que Marie grincerait des dents d’envie si on mangeait dehors. Sa vie doit être bien misérable pour qu’elle soit jalouse d’une chose aussi minuscule. Je m’étais souvenu que dans notre vie précédente, elle sortait à la moindre occasion pour manger un morceau, prétextant que c’était trop compliqué de cuisiner à la maison. Les chemins de la vie étaient bien mystérieux.

J’avais attrapé Noëlle par la main et l’avais traînée jusqu’à l’entrée. Le personnel nous avait conduits à nos sièges et avait apporté les menus en un rien de temps. Noëlle avait posé ses affaires et m’avait fait face. Son agitation à être entourée de tant de couples était plutôt évidente.

« Ah ha ha, d-désolée de te faire faire ça, » dit-elle.

« Non, tu ne me causes aucun problème. J’avais faim, et je me suis dit que ce serait une bonne idée de manger quelque chose de consistant avant de rentrer. »

Noëlle avait secoué la tête. « Si tu manges trop ici, tu ne pourras pas prendre ton petit-déjeuner plus tard. »

« Psh, je suis un garçon qui grandit. Je suis sûr que je peux tout ranger. » Être jeune avait ses avantages. Peu importe combien je mangeais, mon estomac semblait perpétuellement vide.

Alors que je jetais un coup d’œil au menu, Luxon parla assez doucement pour que je sois le seul à l’entendre. « C’est précisément ce qui me trouble tant chez toi, tu es un lâche et pourtant tu prends des décisions aussi audacieuses sorties de nulle part. Mais bon. Même avec cette atmosphère romantique que tu as créée, tu es toujours trop veule pour mettre le doigt sur elle au final, donc le fait demeure que tu es un lâche. »

Il m’agace au plus haut point.

J’avais jeté un coup d’œil à Noëlle. Elle était occupée à scruter le menu. « Hmm, peut-être ça ? Oh, mais ce ne serait pas bon de trop en manger… » C’était adorable de voir avec quel sérieux elle se débattait pour savoir quoi commander. Quand elle avait finalement pris une décision et levé la tête, nos regards s’étaient croisés. Ses joues étaient devenues rouge vif. Cette vision m’avait rendu triste, car je n’avais jamais profité de telles situations dans ma vie précédente. Mais je n’avais pas à me plaindre, j’étais heureux maintenant, et c’est ce qui comptait.

« Ne me regarde pas comme ça. C’est embarrassant, » dit Noëlle.

« Hein ? Quelle partie est embarrassante ? »

« Tu me regardes m’agiter sur ce que je vais commander. »

Je n’avais pas pu m’empêcher de glousser.

« Pourquoi ris-tu ? »

J’avais haussé les épaules. « Rien, j’ai juste pensé que c’était mignon. Bref, pourquoi ne pas commander ? »

Noëlle avait fait la grimace, mais peu importe à quel point elle essayait de paraître grincheuse, sa voix était trop claire pour me tromper. « Tu es tellement méchant, tu sais. Et tu es un plus grand coureur de jupons que tu ne le dis. »

« Je suis un jeune homme gentil et droit qui manque de s’affirmer à l’occasion. Rien de plus, rien de moins. »

« Et un menteur aussi ! La façon dont tu as trompé Louise la dernière fois était particulièrement minable. » Autant elle me grillait, autant elle n’était jamais allée jusqu’à la vraie critique.

« Mentir pour le bien de quelqu’un d’autre est un véritable fardeau pour mon cœur honnête, » lui avais-je dit. « Tu devrais essayer de me réconforter. »

« Tu en fais tellement trop que c’est plutôt attachant. Bien que je suppose que ça n’a pas d’importance… »

La conversation s’était arrêtée là pour le moment, et j’en avais profité pour lever la main et faire signe à un serveur. L’homme que j’avais identifié comme une âme sœur un peu plus tôt m’avait lancé un regard furieux et avait fait claquer sa langue en signe d’agacement. J’étais le seul à nous considérer comme semblables, il semblait que, de son point de vue, nous devions ressembler à n’importe quel autre couple.

Luxon murmura : « Tu as l’air de t’amuser. Je suppose que cela ne te dérange pas si je considère cela comme une double aventure ? »

S’il te plaît, laisse tomber ça. On est juste deux bons amis qui sortent prendre un petit-déjeuner, d’accord ?

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Claramiel

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