Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7 – Chapitre 13

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Chapitre 13 : Rémunération

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Chapitre 13 : Rémunération

Partie 1

Je me sentais épuisé quand j’étais revenu sur le vaisseau principal de Luxon. C’était en partie dû aux stéroïdes que j’avais pris, mais ce qui me faisait vraiment souffrir, c’était la fatigue mentale que j’avais accumulée.

« Affreux. Argh… Je ne veux plus jamais me retrouver en tête à tête avec un vaisseau de guerre, un objet de triche, tant que je vivrai. »

« Oui, tu t’es encore une fois blessé avec tes propres mots vicieux, comme cela semble être une habitude pour toi à ce stade. Mais plus important encore, je suis surpris de voir qu’un jeune arbre tout neuf a pris racine à l’endroit où l’Arbre sacré est tombé, » dit Luxon.

« Oh, ça. »

Lelia s’était réveillée et avait trouvé un jeune arbre à proximité qui ressemblait beaucoup à l’Arbre sacré. Enfin, je dis « ressemblait » — il était surtout similaire en ce sens qu’il s’était manifesté à partir de rien, tout comme le premier Arbre sacré. Nous avions trouvé Lelia le serrant dans ses bras et criant le nom d’Émile.

« Il me semble que Lelia ait obtenu tout ce qu’elle avait toujours voulu et qu’elle l’ait perdu d’un seul coup. »

D’après Lelia, Émile avait appris sa réincarnation ici, quand ils avaient fusionné. Il l’avait acceptée, elle et son passé, dans son intégralité. Elle avait enfin rencontré un homme qui connaissait tous ses secrets, un homme qui l’avait acceptée, mais à peine avait-elle rendu son amour réciproque qu’il était temps de se dire au revoir. J’avais compati à sa douleur.

« Émile l’a maudite, » avais-je dit.

« Ne confonds-tu pas le mot “malédiction” avec le mot “bénédiction” ? »

« Non, c’est une malédiction. Vois ça du point de vue de Lelia. On lui a arraché son bonheur. Elle va devoir passer le reste de sa vie à penser à Émile, qui est déjà mort depuis longtemps. »

Une bien meilleure fin pour elle aurait été qu’il la snobe à la place. Peut-être qu’Émile était un bien meilleur tacticien que je ne le croyais : Dans la mort, il avait lié Lelia à lui de manière irrévocable. S’il avait agi par pure bonté d’âme, alors c’était encore pire. Lelia avait perdu un homme qui connaissait tous ses défauts et les avait acceptés. Elle allait passer le reste de sa vie à comparer tous les autres hommes avec lesquels elle sera sortie avec Émile. Laisser passer le bonheur qu’elle aurait pu avoir autrement était un terrain fertile pour le regret.

« Maître, je te conseille également d’être prudent. »

« Je suppose que tu as raison. »

« Tu te comportes de façon exemplaire aujourd’hui, » commenta Luxon. « Dois-je te faire subir une évaluation détaillée ? »

« Pourquoi ? Je me sens toujours comme une ordure, ce n’est pas une nouvelle. Écoute, même moi j’ai des moments où je reconnais mes erreurs et où j’essaie de grandir. »

« Bien sûr. Mais les actions sont bien plus éloquentes que les mots. »

Je lui avais lancé un regard noir. « Tu es le plus insupportable, le plus suffisant des petits monstres ! »

Au lieu de me lancer une réplique intelligente, Luxon m’avait informé : « Maître, j’ai reçu une transmission d’Albergue. Il semblerait qu’il souhaite discuter de quelque chose. »

« Monsieur Albergue veut me parler ? »

 

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Quand nous étions retournés à l’Einhorn, le chevalier masqué n’était plus là. Julian avait assisté à notre réunion à la place, l’air pas très content que Greg et les autres se moquent de son alter ego.

« Ce bâtard. Il agit comme un imbécile, mais il donne de bons ordres. »

« Ne dis plus rien de plus. » Julian avait du mal à cacher sa joie. Ils avaient beau détester l’homme masqué, ils reconnaissaient son talent.

Vous êtes sérieusement encore en train de jouer le jeu, bande d’idiots ? J’étais plus préoccupé à m’inquiéter de la demande de Monsieur Albergue. Elle concernait spécifiquement le Saint Royaume de Rachel. Hilarant, vraiment, qu’ils s’appellent eux-mêmes un royaume saint alors que leur comportement était sournois et trompeur à un tel degré absurde. Rachel était hostile envers le pays d’origine de Miss Mylène, donc ils étaient aussi contre moi. Ses ennemis étaient mes ennemis. Ils finiraient par payer pour toutes leurs erreurs.

« L’armada du Saint Royaume a-t-elle pris possession de la République ? » j’avais demandé à Albergue de préciser.

« Correct. Ils ont envoyé leur propre flotte pour prendre le contrôle du territoire de la Maison Feivel, vraisemblablement parce qu’ils savaient que nous n’étions pas en état de nous défendre. Je prévois des renforts supplémentaires à partir de maintenant pour renforcer leur contrôle de la zone. »

Rachel était déterminée à revendiquer toutes les terres de la République.

Brad secoua la tête avec consternation de l’endroit où il était assis à côté de moi. « Rachel et Hohlfahrt sont des ennemis, donc s’ils renforcent leurs territoires, ce n’est pas de bon augure pour nous. Ils seraient une épine encore plus grosse dans notre pied si nous les laissions prendre l’Arbre sacré. »

« Alors quoi ? On les chasse ? » avais-je demandé.

« Le problème réside dans le fait que c’est à la République de s’en occuper. Cela n’a rien à voir avec Hohlfahrt. Nous n’avons aucune raison valable d’organiser une intervention, et plus important encore, nous n’avons pas la force militaire pour le faire. »

J’avais soupiré. « N’y a-t-il vraiment rien que l’on puisse faire ? »

« Eh bien, il y en a quelque chose, mais… » Brad avait détourné son regard de moi, les lèvres pincées comme s’il hésitait à suggérer ce que c’était.

« Dis-le, » avais-je craché.

« Eh bien, pour être parfaitement honnête, même si nous les chassions, ils reviendraient aussitôt. Notre implication ne ferait que retarder l’inévitable. »

Il n’y avait aucun moyen de protéger la République indéfiniment, quel que soit le temps que son peuple mettrait à reconstruire son pays. Comme Brad l’avait admis, toute assistance de notre part serait un gaspillage garanti. Il prétendait que nous n’avions qu’un seul plan d’action à notre disposition.

« Notre seul choix est d’occuper nous-mêmes la République. »

Je l’avais regardé fixement. « Tu es plus bête que tu n’en as l’air, hein ? » Notre but était de garder la République en sécurité assez longtemps pour rétablir leur propre gouvernement. Comment le fait de les occuper pourrait-il résoudre tout ça ?

« Tu es la dernière personne de qui j’ai envie d’entendre ça », s’emporta Brad.

Albergue se caressa le menton et acquiesça. « Ce n’est pas une mauvaise idée. »

« Hein ? »

Jilk, qui était également assis à côté de moi, se lança dans une explication — tout en me regardant de haut. « Permets-moi d’élaborer en termes plus simples que tu sois en mesure de comprendre, Comte Bartfort. C’est un concept assez simple. S’ils pensent que la République n’est pas de taille pour eux, alors tu n’as qu’à la revendiquer à leur place et dire : “Cette terre est désormais la propriété du Royaume !”. Rachel ne pourra plus y mettre la patte aussi facilement après ça. »

Maintenant que la République avait perdu sa réputation autrefois redoutable, utiliser le nom du Royaume pour le revendiquer serait une méthode bien plus efficace pour repousser nos adversaires potentiels. Certes, il était pathétique de devoir compter à ce point sur l’aide d’Hohlfahrt, mais faire autrement dans l’état actuel des choses entraînerait la chute de la République. Il faudrait du temps pour la reconstruire. Nous étions leur seul espoir.

« Vous voulez dire que nous allons emprunter le nom de Hohlfahrt et revendiquer ces terres jusqu’à ce que la République se remette sur pied, » avais-je supposé.

« Correct. »

J’avais jeté un coup d’oeil à Monsieur Albergue, qui avait hoché la tête. Il semblait prêt à accepter notre plan. Il n’y avait qu’un seul problème, et l’homme à côté de moi avait déjà la bouche ouverte pour l’expliquer.

« Je crains cependant que le temps ne soit un facteur essentiel dans la résolution de ce problème, » dit Jilk avec une expression troublée. « Nous n’avons pas le temps d’attendre que notre gouvernement prenne la décision. Pourtant, cela ne fera que causer des problèmes à Sa Majesté si nous allons de l’avant sans permission… »

Je m’étais agité à l’idée de causer des problèmes à Roland, et mes lèvres s’étaient mises à grimacer. Tout le monde autour de moi avait l’air exaspéré par ma réaction, et alors ? C’était le dernier coup de pouce dont j’avais besoin pour mettre ce plan à exécution.

« Parfait ! »

Je serais plus qu’heureux de prêter main-forte à la République si ça donnait au vieux Roland un ou deux ulcères d’estomac supplémentaires. D’une pierre, deux coups, on doit aider les gens et rendre ce bâtard malheureux, tout en même temps.

 

☆☆☆

 

La flotte du Saint Royaume qui survolait la région de la Maison Feivel était composée de six vaisseaux. C’était leur unité d’avant-garde, ils avaient plus de plusieurs centaines de navires en réserve. À l’origine, le but de cette flotte était de fournir un soutien à l’armée rebelle de Serge, mais après la chute de l’armée rebelle, la République était restée enfermée dans un état de confusion sans véritable gouvernement.

L’officier commandant l’armée du Saint Royaume n’était pas prêt à laisser passer cette opportunité. Il ordonna à ses unités de sécuriser le territoire de la Maison Feivel dans l’espoir de s’emparer des terres de la République. À sa grande surprise, la flotte s’aperçut rapidement qu’elle avait des visiteurs. « Que fait la flotte de Hohlfahrt ici !? »

Léon avait avec lui l’ensemble de la flotte de Hohlfahrt : les trente vaisseaux, tous fabriqués avec la technologie de pointe qui avait permis de vaincre l’armée rebelle. Le nombre écrasant du Saint Royaume ne signifiait rien ici. Ils ne pouvaient pas lancer une attaque. Léon lui-même était leur plus grande menace.

L’Einhorn, le vaisseau amiral de la flotte, avait glissé vers l’avant, et une voix avait proclamé : « Cette terre appartient désormais au Royaume. Si vous avez l’intention de l’envahir, je dois supposer que vous êtes prêts à en subir les conséquences. »

L’Arroganz se tenait fermement sur le pont d’Einhorn, les regardant fixement. Il tenait le drapeau du Royaume de Hohlfahrt dans une main, la bannière ondulant au gré du vent.

Le commandant de la flotte du Saint Royaume avait regardé les effectifs inférieurs de son adversaire et avait dit à ses subordonnés : « Ils sont deux fois moins nombreux que nous, et nous pouvons appeler des alliés en renfort. C’est notre chance de nous faire un nom et d’écraser le héros du Royaume une fois pour toutes. À toutes les unités, commencez l’assaut ! »

À son commandement, leurs navires avaient pivoté pour pouvoir pointer leurs canons. L’Einhorn était une autre histoire. Il pouvait pointer ses canons sans se retourner, et a donc instantanément lancé ses projectiles sur le vaisseau abritant le commandant du Saint Royaume. Le vaisseau entier s’était mis à trembler sous le feu de l’ennemi.

« Ils peuvent nous frapper à cette distance !? »

Ses forces étaient aussi secouées que lui, les tirs du vaisseau ennemi venaient de bien plus loin et pourtant ils étaient bien plus puissants que leurs propres armes. Pendant qu’ils essayaient de se remettre de l’assaut, Arroganz avait volé vers le vaisseau principal du Saint Royaume, drapeau en main, et avait atterri.

« C’est… parti ! » Arroganz avait enfoncé le drapeau dans le blindage, où il avait transpercé le plafond du pont.

Furieux de cette humiliation, le commandant cracha : « Tu oses planter ton drapeau sur notre vaisseau amiral ? Quel héros tu es, ordure ! On va te remettre à ta place. Attention à toutes les unités : Quiconque abattra cette armure aura ce qu’il souhaite comme récompense ! »

Les soldats avaient répondu en envoyant des Armures les unes après les autres pour inonder Arroganz en masse, mais l’Armure les avait facilement écartées de son chemin et les avait renvoyées voler plus loin. Les tirs de fusils avaient été déviés par son blindage extérieur, et toute tentative d’attaque à l’épée n’avait laissé aucune égratignure. Les autres dirigeables ne pouvaient pas lancer une attaque directe puisque l’Arroganz était située au sommet de leur vaisseau amiral.

« Merde ! » Le commandant avait hésité, ne sachant pas comment procéder. Viser Arroganz était presque impossible avec lui juste au-dessus de sa tête. La situation semblait sombre, leur défaite inévitable, mais alors Léon bougea.

L’Arroganz décolla du pont et se glissa sous le vaisseau, le poussant vers la flotte Hohlfahrtienne et l’éloignant de ses alliés.

« Qu-Qu’est-ce que tu fais !? » demanda le commandant.

« Qu’est-ce que je fais ? » Léon gloussa et répondit : « Je vous invite, bien sûr ! Bienvenue sur le nouveau territoire de Hohlfahrt. Nous sommes plus qu’heureux de vous accueillir, hommes de Rachel ! Vous serez nos honorables invités… en tant que prisonniers de guerre ! »

Il était parti avec leur vaisseau amiral en main. Le Saint Royaume de Rachel avait été témoin de cette scène finale et avait décidé qu’il était prudent de se retirer.

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Partie 2

Le palais de Hohlfahrt recevait quotidiennement des rapports sur la situation de la République pendant cette escarmouche politique. À peine avaient-ils appris qu’une révolution était en cours que le lendemain, ils étaient informés que Léon l’avait réprimée. L’Arbre sacré avait été détruit, disait un rapport… pour que le rapport suivant annonce qu’un nouvel arbre avait pris sa place. Puis il y a eu une petite échauffourée entre les forces Hohlfahrtiennes et Rachel, Léon les avait chassées et avait revendiqué une partie de la République comme territoire occupé au nom du Royaume.

Il n’était guère surprenant qu’un homme à l’intérieur du palais de Hohlfahrt — le roi Roland — soit très mécontent des actions de Léon.

« Ce satané morveuuuux ! » rugit-il en déchiquetant le dernier rapport qu’il avait entre les mains. Chaque missive défaisait tout ce pour quoi il avait peiné lors des réunions avec le reste des administrateurs de son gouvernement. Il était furieux. La participation de Léon au conflit avait privé Roland de sommeil pendant des jours et occupé toutes ses heures de veille. « Il ne s’en tirera pas comme ça. Je jure que je vais lui faire payer. Je ferai tout ce qu’il faut pour me venger de lui, même si c’est la dernière chose que je fais ! »

Il avait imaginé Léon en train de se moquer de lui, et cela lui avait fait bouillir le sang. Sa seule source de soulagement émotionnel était de contempler comment il allait se venger du garçon.

Un énorme sourire se dessina sur le visage de Roland alors qu’une idée lui vint à l’esprit. « C’est ça ! Je vais envoyer cette sale petite ordure directement en enfer ! » Il ne perdit pas de temps, prit un morceau de papier et adressa la lettre à Albergue de la République. « Considère ceci comme un cadeau de ma part, petite nuisance. J’espère que tu l’apprécieras. »

Les manœuvres secrètes de Roland, toutes destinées à se venger, s’étaient mises en branle.

 

☆☆☆

 

Près d’un mois s’était écoulé depuis la tentative de coup d’État de Serge. Dans l’intervalle, la République avait retrouvé un semblant de calme. L’ancien territoire des Lespinasses avait subi d’énormes pertes, tandis que les six autres territoires — anciennes propriétés des Six Grandes Maisons — étaient restés indemnes.

Le plus gros problème concernait la perte des blasons des nobles. Sans eux, les nobles ne pouvaient plus utiliser leurs armements. La seule grâce qui les avait sauvés était que le nouvel arbre sacré leur avait fourni juste assez d’énergie pour survivre.

La République était en train de développer un nouveau système de gouvernement avec Monsieur Albergue au centre de tout. Pour notre part, des ordres étaient arrivés exigeant notre retour au Royaume de Hohlfahrt. Nous avions fait toutes sortes de petits boulots pour aider à l’effort de reconstruction, mais notre travail là-bas devait prendre fin avec notre départ.

Alors que nous préparions l’Einhorn pour le vol de retour, une foule était venue nous saluer. Julian et le vieil homme chez qui il avait travaillé dans l’étalage avaient échangé des poignées de main fermes, tandis que Brad avait eu une conversation animée avec les gérants du théâtre où il s’était produit. Chris était entouré d’un cercle d’hommes criant en manteaux et pagnes, bien que je ne puisse pas comprendre un mot de ce qu’ils criaient. Greg était heureux de se lier d’amitié avec une foule de compagnons musclés.

Pas une femme en vue… mais les gars ont l’air de s’amuser.

Quant à Jilk, un groupe de personnes riches s’était réuni pour s’occuper de lui. En essayant de les escroquer tous, il avait eu la chance de trouver un trésor d’œuvres d’art anciennes authentiques et rares et avait gagné leur respect pour cela. Le comble de l’ironie, vraiment, vu sa vraie nature d’escroc.

Et puis il y avait moi. Jean, un ami que je m’étais fait après être venu ici, avait apporté un charme à me donner. « S’il te plaît, prends ça, Comte. Je l’ai apporté de ma ville natale. »

Il ressemblait à un bracelet d’amitié, des cordes enfilées ensemble dans un motif. Je l’avais fixé autour de mon poignet gauche. « Merci », avais-je dit.

« Les autres membres de l’académie voulaient aussi venir te dire au revoir, mais ils sont tellement occupés en ce moment… Je suis venu ici à la place en tant que leur représentant. »

J’avais hoché la tête. « C’est logique. Je suis sûr qu’ils ont leurs propres problèmes à régler. »

« Hum… Comte, je réalise que tu auras probablement tes propres problèmes à affronter maintenant que tout cela est terminé. J’espère que tu resteras fort ! »

C’était un soulagement de s’être fait un si bon ami ici dans la République. Nous avions bavardé un moment avant que Lelia ne s’approche, Clement la suivant de près. Des murmures avaient résonné dans la foule, et un chemin s’était dégagé pour qu’elle puisse marcher jusqu’à moi. Jean s’était poliment écarté pour nous laisser de l’espace.

Mes épaules s’étaient affaissées. « La prêtresse peut-elle se présenter à une réunion aussi agitée ? »

Lelia était désormais la prêtresse de la République, avec le blason qu’elle portait sur le dos de sa main droite. Elle était leur nouveau symbole d’espoir.

« Je suis ici précisément pour cette raison. Je suis venue exprimer ma gratitude à mon sauveur. » Elle hésita avant de dire : « En fait, ça te dérange si on parle un peu ? J’aimerais aussi rencontrer Marie. »

« Alors je suppose que nous devrions aller à l’intérieur du vaisseau, hein ? » Je l’avais guidée à bord.

 

☆☆☆

 

Nous étions tous les quatre assis dans une pièce : Luxon, Marie, Lelia et moi. Nous n’avions aucun moyen de savoir quand nous trois, ceux qui s’étaient réincarnés du Japon, aurions l’occasion de parler ensemble comme ça. Nous avions chacun nos propres positions à considérer, ce qui compliquerait nos chances de rencontres futures.

Lelia avait forcé un sourire. « C’est vraiment une situation méprisable. J’ai été le plus gros poids mort de tous dans cette histoire. Les blessures de ma grande sœur sont si graves qu’il faudra du temps avant qu’elle ne puisse même bouger, et pendant ce temps, la République est en lambeaux et peine à se reconstruire. »

Marie enfonça ses mains dans ses poches et détourna la tête. Cette fois-ci, son attitude méchante ne provenait pas de son mépris pour Lelia mais plutôt de son mécontentement face à la voie qu’elle avait choisie.

« Quoi ? Est-ce une raison suffisante pour que tu deviennes Prêtresse ? Tu savais à quel point cette position serait difficile. Pourquoi l’as-tu accepté ? » grommela Marie.

Pour ceux qui essayaient de reconstruire leur monde après qu’il ait volé en éclats autour d’eux, la Prêtresse était un symbole d’espoir. Elle était le visage de leur pays tout entier. La position apportait beaucoup de bagages avec elle, il était donc étonnant pour Lelia de l’avoir choisi de son plein gré. Je n’aurais jamais envisagé de faire la même chose si j’étais à sa place.

« J’ai tout volé à ma sœur. Le moins que je puisse faire est de devenir la prêtresse à sa place. C’est le seul moyen pour moi d’équilibrer les choses. »

Marie secoua la tête. « Crois-tu que tu seras libre d’aimer qui tu veux en tant que prêtresse ? Non, tu t’es choisi une bien mauvaise main. Il n’y a pas d’autre façon de le dire. »

La tentative de coup d’État et tout ce qui l’avait entourée avaient mis la République à genoux. La reconstruction serait une tâche ardue, et en tant que prêtresse, Lelia devrait assumer une énorme quantité de responsabilités. Elle devra travailler pour son pays, se marier pour son pays et renoncer à la plupart de ses libertés.

« Tu es une idiote », avais-je déclaré. « Tu aurais dû fuir le pays quand tu en avais l’occasion. »

« Tout le monde ne peut pas fuir les responsabilités avec autant d’habileté que toi, Maître », déclara Luxon avec franchise.

« Oh, la ferme. Quand ai-je fui mes responsabilités ? »

« Je t’invite à te souvenir de ta cérémonie de fiançailles — . »

« Cette conversation est terminée, merci beaucoup ! »

J’avais décidé de l’arrêter là. Il me désavantageait beaucoup trop.

Lelia m’avait fixé d’un regard égal. « Tu ferais mieux de bien t’occuper de ma sœur. Je veux qu’elle vive comme elle l’entend à partir de maintenant. Je sais que la route sera difficile, mais je peux être tranquille tant qu’elle est avec toi. »

« En es-tu sûre ? »

La voie qu’elle avait choisie était loin d’être aussi enviable que son entourage pourrait le penser.

« Tant de personnes ont connu la douleur et la misère à cause de moi. Si je ne faisais rien pour me repentir de ce que j’ai fait, alors je serais vraiment un déchet humain. Transmets mes salutations à ma sœur, d’accord ? Dis-lui de ne pas s’inquiéter pour la République et de se concentrer sur son propre bonheur. » Lelia avait l’air hantée tout le temps qu’elle avait parlé.

Marie avait froncé les sourcils. Elle ne comprenait pas pourquoi quelqu’un pouvait faire ce choix. « Pourquoi porter un si lourd fardeau au nom de Noëlle ? »

« C’est ma malédiction. »

« Malédiction ? Quelle malédiction ? »

« Je vous en parlerai une autre fois, » dit Lelia. « De toute façon, vous êtes tous prêts à partir ? »

« Comme si j’avais besoin que tu me dises de faire mes bagages et de partir d’ici ! Hmph. » Marie avait fait une pause et m’avait regardé. « Hey, Grand Frère ? »

« Hein ? »

« Es-tu sûr que c’est bon ? »

Je pouvais sentir sa réelle inquiétude : elle se demandait si c’était une bonne idée pour nous de venir en République. Je n’avais pas répondu, alors Luxon avait offert une réponse complète à ma place.

« Les problèmes auraient été résolus sans ta présence et celle du Maître. J’irais même jusqu’à penser que c’est mieux que l’alternative, certainement pour vous tous. Ce n’est peut-être pas une fin heureuse, mais c’est préférable à une mauvaise fin. » C’étaient des mots de réconfort de la part d’une IA qui, d’habitude, n’émettait que des sarcasmes acerbes.

« Ce n’est pas si facile pour moi de hausser les épaules et d’accepter cela, mais d’accord. » Marie n’était pas entièrement satisfaite, mais elle ravala son mécontentement et reporta son attention sur les autres sujets qui pesaient sur son esprit : avant tout, ma relation glaciale avec Luxon avant le coup d’État. « D’ailleurs, je dois te demander… est-ce que Luxon et toi soupçonniez vraiment Ideal depuis le début ? »

« Il était bien trop louche. Ne sous-estime pas mon intuition. »

« Uh-huh, et si ton intuition avait été à côté de la plaque ? Que se passerait-il alors ? »

J’avais haussé les épaules. « Alors rien. »

« Alors tu as continué à faire croire que vous étiez à couteaux tirés ? Juste sur la base d’une intuition ? »

« Il y avait une chance qu’Ideal nous surveille, » ajouta Luxon.

Marie avait répondu avec indignation, « Alors vous auriez dû me dire quelque chose plus tôt ! Je croyais que vous vous battiez pour de vrai ! »

Honnêtement, tout n’était pas de la comédie. « Eh bien, j’ai prévu d’être plus subtil à ce sujet. Cet abruti n’arrête pas de m’énerver avec toutes les conneries qu’il dit », avais-je grommelé.

« Mon irritation envers le Maître était réelle. Cette fois, j’ai choisi de ne pas me taire et d’exprimer une partie de mes critiques… oh, environ trente pour cent d’entre elles, peut-être ? »

Je lui avais lancé un regard furieux. « Excuse-moi, qu’est-ce que ça veut dire ? “Trente pour cent” ? Tu me détestres vraiment, c’est ça ? »

« Je me suis trompé. As-tu déjà eu l’impression que je t’appréciais vraiment ? Ton ego démesuré est en effet troublant. »

« C’est toi qui me harcèles toujours. Pourquoi ne pas te mettre à ma place pour une fois, hein ? Ou au moins, faire semblant d’avoir un minimum de courtoisie, comme Ideal ? »

L’œil de Luxon bougeait d’un côté à l’autre, comme s’il secouait la tête. « Je suis trop sérieux pour m’abaisser à une telle tromperie. »

« Une IA sérieuse ne pleurnicherait pas tout le temps comme un bébé auprès de son maître ! »

Nous nous chamaillons tous les deux tandis que les épaules de Marie s’affaissent d’exaspération. « Vous êtes exactement comme deux pois dans une cosse. »

« Qu’as-tu dit là ? »

« Marie semble se tromper lourdement à notre sujet. Je dois lui recommander de réviser son opinion en toute hâte. »

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Partie 3

Mlle Louise m’attendait quand j’étais sorti sur le pont.

« Cela fait un moment », avait-elle dit.

« C’est le cas. » Je ne l’avais pas vue depuis presque un mois. J’étais occupé pendant tout ce temps, et elle aussi, si occupée que les semaines passaient sans que nous nous rencontrions une seule fois. Le désordre avec Serge avait rendu les choses encore plus gênantes.

« Je suis venue ici pour te remercier. »

« Pour me remercier ? Super ! Pour ma récompense, voyons voir… Je n’aimerais rien de plus qu’un baiser d’une belle femme comme toi ! » C’était une tentative pour détendre l’atmosphère, mais elle avait souri tristement à ma plaisanterie. Conscient que ma blague était tombée à plat, je me raclai la gorge. « Ahem. Je ne fais que plaisanter. »

« Je peux le dire. J’ai appris à te connaître assez bien l’année dernière. Je dois me demander pourquoi j’ai vu une partie de mon petit frère en toi ? Mon Léon était beaucoup plus terre à terre et un gentleman en plus. »

Quelle impolitesse ! J’essayais d’être un gentleman aussi, un gentleman aussi exceptionnel que mon maître.

« Je suppose que j’ai été élevé avec de mauvaises manières. Désolé pour ça », avais-je dit.

« Je pense que ton tempérament est plus à blâmer que ton éducation. Tu as une personnalité assez tordue. »

Du tempérament, hein ? Elle n’avait peut-être pas tort. J’avais moi-même remarqué que j’étais un peu plus blasé que la moyenne des gens ici et j’avais supposé que c’était lié au fait de me réincarner avec des souvenirs de ma vie précédente. J’étais seulement un peu plus blasé. Un peu.

Mlle Louise baissa son regard vers le sol. « Hé, une dernière fois… J’aimerais que tu m’appelles “Grande Soeur”. »

« Hein ? N’ai-je pas déjà dit ça ? »

Le menton de Mlle Louise s’était relevé. « C’est faux ! Je m’en serais certainement souvenu si tu l’avais fait ! »

Était-ce si important que ça ?

« J’en avais l’intention, en tout cas », avais-je dit avec un sourire taquin.

Elle avait gonflé ses yeux et avait détourné son visage. « Tu es si cruel. Oublie ça. Je m’en vais. Passe une bonne vie, » dit-elle, avant de partir en trombe.

J’avais fait un signe de la main à sa forme qui s’éloignait. « À plus tard, grande sœur. »

Mlle Louise s’était figée, tournant toujours le dos à moi. Nous nous étions dit au revoir, alors je m’étais retourné et j’avais commencé à partir. Ses pas avaient résonné derrière moi. J’avais fait une pause sans me retourner vers elle, et elle avait jeté ses bras autour de moi par derrière.

« Pourquoi le dire maintenant ? Je me retenais, tu sais. Je le gardais à l’intérieur parce que je savais que ça ne ferait que rendre la séparation avec toi plus difficile ! » Elle avait pressé son visage dans mon dos et avait sangloté. Elle s’était montrée si courageuse, et elle avait raison. Voir à quel point elle tenait à moi rendait le départ plus difficile.

Je lui avais tourné le dos pour pouvoir lui parler comme un petit frère plutôt que comme Léon. Je ne savais que trop bien que je redeviendrais comme avant si je la regardais dans les yeux. « Nous nous reverrons, grande sœur. »

« C’est une promesse. Si tu ne reviens pas me voir, je te jure que j’irai là-bas pour te voir. »

Je n’avais jamais imaginé que les grandes sœurs pouvaient être si mignonnes. Je commençais à douter de la créature qu’était ma sœur que j’avais à la maison. Peut-être qu’elle était quelque chose d’entièrement différent ? Je méditais sur ces idées ridicules quand Miss Louise, enfin, s’était éloignée.

Je m’étais tourné vers elle juste à temps pour qu’elle dépose un baiser sur mes lèvres.

« Hein ? » Je m’étais exclamé.

Mlle Louise sourit triomphalement, les yeux encore rouges et gonflés d’avoir pleuré. « C’est la récompense que tu voulais. Tu ferais mieux d’être heureux de l’accepter. »

J’avais pressé mes doigts sur ma bouche. J’étais trop étourdi pour réagir.

Mlle Louise avait descendu la rampe du pont pour retourner au port. Elle s’était retournée une dernière fois et avait fait un grand signe de la main. « Tu ferais mieux de revenir un jour, Léon ! »

Je lui avais rendu son salut avec le même niveau d’enthousiasme.

Une grande sœur, hein ? Ce n’est peut-être pas si mal d’en avoir une après tout.

 

☆☆☆

 

Dès notre retour de la République, nous avions été convoqués au palais. On nous avait informés que nous serions récompensés pour nos services distingués, mais que nous devions prendre part à une brève réunion avant de procéder à la cérémonie officielle dans la salle d’audience. Nous pouvions nous dispenser des formalités en attendant. J’avais été rejoint par les cinq idiots, tandis que Marie attendait dans une pièce séparée. Le Royaume n’avait pas oublié son faux passage en tant que Sainte, ni les pertes énormes qu’elle leur avait fait subir. Anjie et Livia étaient absentes, car elles logeaient chez moi, chez mes parents. Nous avions l’intention de nous y retrouver ensemble une fois la cérémonie terminée.

La seule chose étrange dans toute cette affaire était que nos contacts étaient habituellement gérés par des fonctionnaires du gouvernement, mais pour une raison quelconque, Roland avait jugé bon de se joindre à nous aujourd’hui. Nous n’étions pas obligés d’être super formels, mais nous ne pouvions pas non plus risquer d’être trop décontractés avec un roi dans la pièce. Personnellement, j’avais l’intention de lui témoigner le strict minimum de respect.

« Votre teint est terrible, Votre Majesté. Ne me dites pas que vous n’avez pas dormi ? » avais-je dit, en souriant largement.

Ses yeux injectés de sang s’étaient rétrécis en un regard noir. « Tu es plus perspicace que tu n’en as l’air. Je crains qu’à cause d’une certaine personne, non, je n’aie pas beaucoup dormi ces derniers temps. Pourquoi ne pas essayer d’être un peu plus courtois, morveux ? »

J’avais feint d’être choqué par son accusation. « Je suis parfaitement courtois ! Ce sont les autres qui me provoquent. »

« Après les avoir provoqués, je présume ? C’est écrit de manière évidente sur ton détestable visage. »

« Votre Majesté, vos talents de comédien sont inégalés. Quand je pense que vous avez dit une chose aussi terrible sur un serviteur aussi sérieux et loyal que moi… »

Il ricana. « Un serviteur vraiment loyal et sérieux ne me ferait pas perdre le sommeil la nuit avec ses pitreries. »

Nous gardions tous les deux un sourire sur nos visages, même si nous échangions des regards noirs.

Le ministre Bernard, qui était assis avec nous, s’était éclairci la gorge. Il était loin d’être le seul gros bonnet présent — un certain nombre d’autres grandes figures étaient présentes, dont le père d’Anjie, le duc Redford, qui avait souri dans ma direction.

« J’ai entendu parler de vos activités dans la République. C’était assez exaltant rien qu’en lisant les rapports. » Il semblait de bonne humeur, ce qui me rendait heureux d’avoir fait l’effort… Bien que pour être honnête, j’étais plus heureux que mes actions aient causé des problèmes à Roland.

Mlle Mylène était également présente à la réunion. Elle avait ajouté : « Vous avez fait le bon choix en chassant le Saint Royaume de Rachel. Je vous suis très reconnaissante, marquis de Bartfort. »

« Oh, ma reine, j’étais plus qu’heureux de m’offrir au service de — hm ? »

Attendez une seconde. Sa Majesté s’est trompée dans mon titre, n’est-ce pas ? Elle m’a appelé marquis au lieu de comte. Un marquis n’est qu’un échelon en dessous d’un duc, et c’est une position que seuls ceux qui sont affiliés directement à la lignée de la famille royale peuvent occuper. En gros, à moins d’avoir un lien personnel avec eux, vous ne pouvez pas être un marquis ou plus. Et en tant qu’homme né dans une pauvre baronnie, il n’y avait aucun moyen pour moi d’avoir une relation avec la maison royale.

« Euh, Reine Mylène, je suis un comte, pas un marquis », avais-je corrigé.

Elle rougit, apparemment embarrassée par son erreur.

Ah, c’est adorable.

 

 

« Comme je suis bête. C’est parfaitement logique que vous soyez confus encore une fois. Nous ne vous l’avons pas encore dit. »

« Encore une fois ? » Quelque chose n’allait pas ici.

Julian et ses amis avaient échangé des regards et chuchoté entre eux.

« Hé, que pensez-vous de ça ? »

« Eh bien, si nous débattons de la question de savoir si c’est réellement possible ou non, je parierais que c’est à peine dans le domaine du possible. »

Mais de quoi parlaient-ils ?

J’étais resté assis, abasourdi, pendant que le ministre Bernard — le père de Miss Clarisse — explique : « Comte Bartfort, nous, à Hohlfahrt, sommes fiers de vos nombreuses réalisations. Pour vous récompenser convenablement de tout ce que vous avez fait, nous avons choisi de vous conférer le titre de marquis et un rang supérieur de troisième rang à la cour. »

Ma mâchoire s’était décrochée, incrédule. Vous vous moquez de moi, hein !? Marquis est assez incroyable comme ça, mais je sais que seuls ceux qui ont de fortes affiliations avec la famille royale obtiennent un rang supérieur au troisième. Je pensais que j’avais déjà grimpé aussi haut que possible dans l’échelle sociale, et maintenant ils me disent que j’ai crevé le plafond !? « Ça n’a aucun sens ! Je ne fais pas partie de la famille royale ! »

Roland avait souri, content de lui. Il se leva, écarta les bras et déclara : « C’est parfaitement logique ! Tu sembles l’avoir oublié, mais tu es fiancé à la fille du duc Redgrave. Si l’on regarde les choses au sens large, on pourrait dire que tu Es déjà apparenté à la famille royale ! »

Pourquoi as-tu l’air si content de toi ? Tu crois que tu as trouvé un plan génial, là ? De plus, marquis n’était pas un rang qu’ils pouvaient donner si facilement. Mes fiançailles avec Anjie n’auraient pas dû être une justification suffisante, et la famille royale avait trop d’importance pour qu’ils distribuent des titres comme des bonbons. Voir à quel point Roland était un roi pourri pourrait remettre cela en question, mais j’étais certain que le reste des officiels du gouvernement ne permettrait pas que ce rang soit attribué sans une bonne base.

« Ce n’est pas possible », avais-je insisté.

« Je te l’ai dit, ça l’est ! Je suis le roi, et ma parole a force de loi ! » Les yeux injectés de sang de Roland s’ouvrirent en grand pour correspondre à son sourire triomphant.

J’avais jeté un coup d’œil au ministre Bernard et au duc Redgrave, espérant un soutien, mais ils avaient secoué la tête.

« Toutes mes excuses, mais c’est ce que dit Sa Majesté. »

« Sa Majesté a réussi à convaincre les autres seigneurs que c’était une récompense appropriée pour vos réalisations. »

Argh, ce stupide roi fait tout pour m’emmerder.

J’avais jeté un regard furieux à Roland. « Eh bien, je refuse ! »

« Hm. Dans ce cas, je refuse ton refus ! »

« Espèce de sale bâtard pourri ! » J’avais bondi vers lui, m’accrochant au col de sa chemise. Roland avait gloussé et m’avait donné un coup de poing. Énervé par son audace, j’avais enfoncé mon genou dans son estomac. Personne autour de nous, pas même les gardes, n’avait bougé un muscle pour intervenir et nous arrêter.

+++

Partie 4

Roland avait hurlé : « Je n’ai pas fermé l’œil depuis des jours et c’est à cause de toi ! »

« Grincheux parce que tu dois faire un peu de travail !? Essaie de faire ton devoir pour une fois ! »

« Très bien alors ! Je vais faire mon devoir… pour que tu montes en grade ! »

Ce roi était le mal absolu. Pourquoi s’embêtait-il à canaliser autant d’efforts dans quelque chose d’aussi inutile ?

Une fois que nous étions tous deux épuisés par la bagarre, nous avions fait une pause pour reprendre notre souffle. J’avais profité de ce bref répit pour expliquer pourquoi ce n’était pas autorisé. Et non, ce n’était pas un jeu futile de résistance de ma part. J’étais sincère.

« Je n’ai même pas le territoire pour correspondre à ce genre de statut ! »

Comme s’il avait attendu que je dise cela, Roland avait sorti un papier de sa poche et me l’avait mis sous le nez. J’avais tout de suite vu la signature de Monsieur Albergue dessus.

« Qu’est-ce que c’est ? » avais-je demandé.

« Lorsque je les ai informés que tu n’avais pas de terres à toi, la République a jugé bon de t’en accorder. Ils ont généreusement accepté de céder une partie de l’ancien territoire des Feivels qui abrite un port. »

« C’est une blague ! »

« Ce n’est pas le cas. Je les ai simplement induits en erreur en leur faisant croire que tu étais dans une position désavantageuse, et Lord Albergue s’est tellement préoccupé de ton cas qu’il a décidé de te donner des terres. Quelle chance qu’il ait autant confiance en toi ! Oh, mais c’est le seigneur Albergue qui sera le responsable de la région. Il ne fera qu’emprunter ton nom. Il a proposé de nous payer des impôts, mais la République a encore du mal à se construire, non ? J’ai donc refusé à ta place. »

Donc la terre ne m’appartenait que de nom, les Rault en supervisaient l’entretien. Roland avait également refusé, sans que cela ne lui apporte quelque chose, tout bénéfice ou avantage que je pourrais tirer de sa propriété. C’était une bonne chose que je n’aie pas à assumer la responsabilité du terrain, mais comme je n’en retirais rien non plus, c’était un gain net nul dans l’ensemble — Roland avait délibérément agi dans mon dos juste pour orchestrer mon amélioration de statut. Pire encore, Monsieur Albergue avait suivi le plan par souci sincère pour moi.

« Oh ! » Roland tapa dans ses mains. « J’allais oublier. J’ai un message de Lord Albergue pour toi : “J’espère que ceci vous servira de remboursement pour tout ce que je vous dois.” Vraiment, quel homme droit ! »

« Dommage que vous soyez tout le contraire, un vrai salaud. »

« Oh ? Et qu’est-ce que ça fait de devoir servir un roi sac à merde ? S’il te plaît, dis-le. »

Vexé, je ne pouvais que serrer les dents.

Mlle Mylène avait jeté un regard furieux à son mari et avait dit : « Votre Majesté, cessez ces jeux puérils. »

Il avait haussé les épaules. « Bien, bien. Ce petit arriviste est un marquis avec un rang supérieur de la troisième cour à partir d’aujourd’hui. Nous l’annoncerons officiellement lors de la prochaine cérémonie, alors soyez prêts. »

Malgré ce grand coup, je n’avais pas pu faire un seul geste pour me protéger. Mes épaules s’étaient affaissées en signe de défaite, mais Roland n’en avait pas encore fini avec moi. « Et puisque tu es un marquis maintenant, tu auras besoin de tes propres serviteurs, n’est-ce pas ? Je suis un homme au grand cœur, j’ai donc jugé bon d’envoyer quelques-uns de mes proches partisans pour remplir ce rôle. »

En termes modernes, le QG avait envoyé un groupe de personnes pour me servir de subordonnés à la suite de ma promotion au poste de directeur de succursale.

« Je passe mon tour », avais-je dit.

Le sourire de Roland était toujours aussi narquois et il roucoula : « Allons, ne dis pas ça. J’ai choisi la crème de la crème, spécialement pour toi. Permets-moi de te les présenter ! »

Il n’y avait pas de jeunes chevaliers présents dans la pièce qu’il pouvait présenter. J’avais penché la tête sur le côté lorsque son regard s’était promené sur le groupe derrière moi. De la sueur froide avait soudainement commencé à couler sur mon visage. « N-non, vous ne pouvez pas dire… »

« Félicitations ! Jilk, Brad, Greg et Chris seront désormais à ton service ! Tu peux les appeler tes vassaux, ce qui fait de toi leur lige — autrement dit, l’homme responsable d’eux. »

Tout le sang s’était vidé de mon visage. Mon corps entier tremblait quand je m’étais retourné pour les regarder. Quatre des cinq idiots me souriaient.

« Donc, Marquis Bartfort, je suppose que cela fait de toi notre patron maintenant. Il semblerait que le destin agisse de façon mystérieuse, » dit Brad en croisant les bras derrière sa tête.

« On s’est déjà attiré des ennuis avant, alors je suppose que ce n’est pas un mauvais endroit pour finir, hein ? J’ai hâte de rester avec toi, Bartfort. » Greg croisa les bras sur sa poitrine et hocha la tête.

Chris ajusta ses lunettes. Il souriait faiblement en disant : « Je n’ai pas à me plaindre que tu sois notre chef, mais c’est un peu formel de continuer à t’appeler par ton nom de famille, Bartfort. Tu es notre seigneur maintenant, il est donc logique que nous exprimions notre fidélité en t’appelant Léon. »

Pourquoi avez-vous l’air d’aimer ça, bande d’idiots ?

« Résistez un peu, voulez-vous ? N’êtes-vous pas énervés de devoir travailler sous mes ordres à partir de maintenant ? » avais-je dit.

Bien sûr, ça avait l’air bien sur le papier, ils étaient des héritiers respectables de leurs maisons respectives. Mais maintenant, ils n’étaient guère plus que des parasites vivant aux crochets de Marie. J’avais quatre albatros malchanceux accrochés à mon cou en même temps.

Jilk gloussa. « J’avoue que cela ne me plaît pas tout à fait, mais je reconnais tes talents. Que notre relation soit fructueuse, Léon. »

Ils n’essayaient même pas de refuser. Oubliez ça, ils avaient tous pris l’habitude de m’appeler par mon prénom aussi facilement que n’importe quoi. Ma tête tourna.

Comme pour enfoncer le clou, Roland ajouta : « Et pendant que tu y es, occupe-toi aussi de la petite Marie. »

« Pourquoi ? » Maintenant, me confiaient-ils officiellement la responsabilité de la surveiller ?

La reine Mylène avait souri en s’excusant. « D’ordinaire, nous aurions préféré l’envoyer ailleurs, mais elle possède le pouvoir de la Sainte… que le temple l’admette ou non. Nous ne pouvons pas risquer de la confier à de mauvaises mains, et cela causerait sûrement d’autres problèmes si nous la séparions des garçons. »

En d’autres termes, ces idiots feraient une crise s’ils emmenaient Marie, alors ils me l’avaient confiée en observation. J’avais pris ma tête dans mes mains et m’étais affalé sur mon siège. Tout le monde autour de moi m’avait envoyé des regards de pitié. Roland, seul, souriait comme un idiot.

« C’est arrivé parce que tu me faisais chier », m’avait-il rappelé. « J’espère que tu as réfléchi un peu à tes actions. »

« Oh, vous pouvez être sûr que je n’oublierai pas ça. Je suis le genre de gars qui se venge toujours, peu importe qui me contrarie. »

« Alors, j’attends avec joie ton prochain mouvement. Si tu es vraiment si désireux de revendiquer le titre de duc, continue à jouer avec moi. Et pendant que nous sommes sur le sujet, je dois t’informer que je ne me contente jamais d’une “égalité”. Je suis un homme qui a toujours le dessus. »

Quelle conversation méprisable cela avait été. Si j’avais su que cela se profilait à l’horizon, je serais resté dans la République et j’aurais joué avec ma grande sœur Louise. Julian m’avait regardé avec un air désolé dans les yeux.

« C’est quoi ton problème ? » Je m’étais emporté.

Julian avait l’air sincèrement envieux. « Bartfort — non, Léon… serait-il possible pour moi de me joindre à vous ? »

« Pourquoi !? Tu es un prince, pour l’amour du ciel ! »

« Évidemment, parce que je me sens seul ! Ce n’est pas juste que je sois le seul à être exclu ! »

Quelle partie de tout ça est injuste ? Pourquoi veux-tu aussi être un de mes subordonnés ? Si toi et tes abrutis d’amis aviez la tête droite, je ne serais jamais arrivé aussi loin dans l’échelle sociale !

 

☆☆☆

 

Une fois notre petite réunion terminée, Julian et les autres garçons étaient partis dans une pièce séparée où Miss Mylene allait discuter de l’avenir avec eux (et les sermonner pendant qu’elle y était). Ils n’avaient même pas besoin de revenir en ce qui me concerne, mais une partie de moi souhaitait y aller pour que Miss Mylene puisse me gronder aussi. Ces crétins chanceux ne savaient pas à quel point ils étaient chanceux.

J’étais retourné dans la salle d’attente où Marie, Carla et Kyle m’attendaient.

« Léon, que s’est-il passé ? » demanda tout de suite Marie.

« Je suis coincé avec le travail de s’occuper de vous, les gars. »

« Pardon ? »

J’avais expliqué comment Roland m’avait attiré dans son vilain petit piège et m’avait accablé de toutes les choses qu’il savait que je détestais. Je grommelais en moi-même à propos de la situation au fur et à mesure que je la détaillais. « Ça craint. Je dois aussi m’occuper de Julian maintenant ! Je les ai supportés pendant que nous étions en République, mais maintenant je suis coincé avec la garde d’enfants après être rentré à la maison — euh… hein ? »

Marie s’était accrochée à ma jambe. Carla et Kyle avaient rapidement suivi son exemple en s’accrochant à moi partout où ils pouvaient s’agripper. « À quoi vous jouez tous les trois ! »

Marie avait crié à pleins poumons : « Je ne te lâcherai plus jamais ! »

« Quoi ? »

Carla avait ajouté : « Sans vous, Marquis Bartfort, nous n’aurions aucun espoir de garder ces garçons sous contrôle. Je vous en prie, ne nous abandonnez pas ! »

Je leur avais lancé un regard noir. « Ne me faites pas passer pour le méchant parce que je ne veux pas être votre gardien ! Pour commencer, je ne me souviens pas d’avoir accepté de vous prendre ! »

Kyle était le suivant à plaider sa cause. « Je vous en prie, employez-nous. Nous n’arriverons jamais à nous en sortir si vous nous mettez dehors. Nous jurons de remplir nos fonctions ! »

« Pourquoi diable t’accroches-tu à moi ? Où est passé l’individu insolent et cool d’avant ? Je comptais sur toi pour regarder de loin et soupirer d’irritation devant ces deux-là ! »

 

J’avais essayé de les décoller de moi, mais Marie s’était accrochée de toutes ses forces.

Où est-ce qu’elle trouve ce genre de force ? Perdant patience, j’avais attrapé sa tête et j’avais essayé de la pousser en arrière. « Lâche-moi ! »

« Non ! Je ne te laisserai jamais partir. Jamais, je te dis ! » Sa voix s’était réduite à un murmure dès qu’elle avait fait sa déclaration, suffisamment faiblement maintenant pour que je sois le seul à l’entendre. Un sourire sombre se dessina sur ses lèvres, des ombres bloquèrent tout semblant de lumière dans ses yeux. « Nous allons être ensemble pour toujours, Grand Frère. »

C’était déjà assez mal qu’elle m’ait suivi dans ce monde après ma mort, mais cette phrase m’avait donné des frissons. C’était un film d’horreur. De la sueur glacée avait coulé dans le bas de mon dos, et ma voix s’était transformée en un cri strident. « Laissez-moi partir ! »

Marie m’avait tellement fait peur ce jour-là que j’en avais fait des cauchemars.

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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