Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 5 – Chapitre 3 – Partie 3

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Chapitre 3 : Le roi bestial, Gruyère

Partie 3

« Le plan a échoué… »

Bourré à craquer, Wein s’était effondré sur le lit de la chambre qui lui avait été préparée.

« Tu n’as pas réussi à te détourner de la nourriture, hein ? » observa Ninym avec exaspération.

Elle avait raison. Wein avait dévoré plat après plat. En fin de compte, pas un mot d’alliance n’avait été prononcé.

« Je ne suis pas un saint ! La nourriture était tellement bonne ! »

« Je comprends… mais tu as mangé deux fois plus que d’habitude. Comment ton estomac tient-il le coup ? »

« Ça fait mal… »

« Il fallait s’y attendre. » Ninym poussa un long soupir en lui frottant le dos. « Ça ira mieux avec le temps. Allonge-toi… Je dois admettre que je suis surprise. Je sais que tu étais trop concentré sur le repas, mais je ne m’attendais pas à ce que le Roi Gruyère ne parle de rien. »

« Huh... Tu as raison… »

C’était Gruyère qui avait invité Wein en prétextant une cérémonie. Cela ne pouvait pas être juste pour manger et discuter. Il devait avoir une motivation politique à l’esprit.

« Eh bien, nous avons prévu de rester trois jours. Je suppose qu’il ne ressent pas le besoin de se presser ? » dit Ninym.

« Je ne pense pas que ça lui soit sorti de l’esprit… J’en parlerai demain. Je veux dire, tout ce qui est au programme est le rituel simple de la cérémonie du matin, non ? »

« Oui. La cérémonie d’ouverture est demain, et l’événement de clôture est deux jours après. Je suis sûre qu’il prendra le temps de discuter de sujets importants avec nous. Essayez de ne pas te perdre dans la nourriture la prochaine fois. »

Il s’était mis à sourire. « Détends-toi. Je ne suis pas le genre d’homme à faire deux fois la même erreur. »

« Ce n’est pas la première fois que tu te donnes des crampes en mangeant trop. »

« … Hum. Je ne ferai pas deux fois la même erreur… À partir de maintenant ! »

Ninym soupira en entendant sa pathétique tentative d’excuse.

 

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À ce stade, ils avaient encore des soupçons d’optimisme.

Wein était certain que Gruyère voulait parler de questions politiques.

Et pour de bonnes raisons. Même d’un point de vue objectif, tout le monde s’attendrait à ce que les pays approfondissent leurs relations.

Wein avait assisté à la cérémonie au palais, essayant d’attraper Gruyère par la suite.

« Roi Gruyère, puis-je vous parler ? »

« Oh, si ce n’est pas le prince. Timing parfait. Ils viennent juste de finir de préparer de la nourriture. »

« Hum… des œufs brouillés mélangés à des légumes hachés. Les deux profils de saveurs se complètent. »

« Exactement. Aimé par nos roturiers. C’est aussi excellent avec les pommes de terre. »

« Intéressant. Je ne manquerai pas de l’essayer dès que je rentrerai chez moi. J’aimerais vous parler de… »

« Oh, désolé, j’ai du travail. On se retrouve plus tard. »

« Huh ? Hum… »

Gruyère s’était glissé dans son palanquin et avait été emmené.

… Quoi ? Wein n’avait pas compris, mais il n’allait pas abandonner.

Après s’être ressaisi, il avait réessayé à l’heure du déjeuner.

« Ah, Prince Wein. Merci d’être venu, » salua Tolcheila, à la place de Gruyère.

Devant lui se trouvait la plus grande montagne de sucreries qu’il ait jamais vue.

« Je suis obsédée par ça. J’ai commencé à en faire moi-même, car je n’en ai jamais assez. Essayez ça. C’est du chocolat. Servez-vous. »

« Ça fond dans la bouche. Quelle étrange sensation. Et l’arôme est très unique. Je comprends pourquoi vous y êtes attachée, princesse Tolcheila. »

« Pas vrai ? Je prends des graines cueillies dans le Sud, je les écrase en une fine poudre, puis je la mélange avec du lait et du beurre. Je demande à nos chefs de chercher d’autres utilisations possibles. »

« J’aimerais bien en ramener pour ma petite sœur… À propos, sauriez-vous par hasard où se trouve le roi Gruyère ? »

« Mon père, hm ? Un poids aussi lourd qu’un rocher, un cœur aussi léger qu’une plume. Qui peut dire ce qu’il prépare ? Eh bien, je suis certaine qu’il reviendra bien assez tôt. Tenez. Essayez celle-là. »

Wein était resté derrière, discutant avec elle en attendant Gruyère, mais le roi n’était jamais venu.

… Quoi ?

Même si Wein était impatient de former une alliance, il n’avait jamais réussi à mettre la main sur Gruyère.

Pas que ça l’empêchait d’essayer.

Huh — !?

Wein n’avait pas échangé un seul mot avec le roi Gruyère ce jour-là.

 

+++

« — C’est bizarre. »

Assis sur une chaise dans sa chambre, Wein croisa les bras et regarda le plafond.

« Cela m’a fait réfléchir hier, mais nous n’avons toujours pas eu l’occasion de nous rencontrer aujourd’hui. Il doit se passer quelque chose. »

Ninym avait répondu avec un regard troublé. « Peut-être qu’il essaie de nous éviter ? »

« … »

Cela semblait être une conclusion raisonnable. Mais pourquoi ?

Leur relation avec Delunio était en train de s’effondrer. Soljest gagnerait s’ils se battaient en un contre un. Mais si Natra s’alliait à leur ennemi ? Qui sait ce qui se passerait ?

C’est pour cela qu’ils avaient invité Wein à Soljest — pour créer des liens avec Natra. Du moins, Wein avait imaginé que c’était le cas.

Cependant, Gruyère défiait toutes les attentes, évitant toute tentative de discussion. Il ne semblait pas être quelqu’un qui voulait renforcer les relations.

Peut-être qu’il n’a pas l’intention de faire équipe avec Natra… ? On pourrait penser que nous éloigner de Delunio serait en haut de leur liste de priorités…

Il n’arrivait pas à comprendre la situation. Pour l’instant, c’était la seule conclusion qu’il pouvait tirer.

Disons que c’est le cas. Pourquoi suis-je ici ? Ça ne peut pas être juste parce qu’il voulait montrer sa nourriture et bavarder avec moi.

Peut-être s’ils étaient de bons amis. Cependant, ils étaient des fonctionnaires avec peu de temps sur leur agenda. Ce serait du gaspillage d’inviter Wein à une cérémonie et de ne rien faire d’autre que de manger. Ils n’avaient même pas eu une seule conversation décente.

Pourquoi le roi Gruyère inviterait-il un prince avec qui n’a aucun intérêt à former une alliance ?

— Assassinat.

C’était au premier plan de son esprit.

Natra avançait à grands pas, ce qui signifiait que Soljest devait sentir le danger. Ils pourraient comploter pour assassiner Wein afin de geler leur progression.

… Mais irait-il jusqu’au bout ? Je veux dire, c’est une Sainte Élite, mais sa réputation va s’effondrer s’il assassine le prince d’une nation étrangère.

Wein avait tué Ordalasse, le roi de Cavarin et un autre membre de la Sainte Élite. Il avait fait porter le chapeau à l’un des généraux du roi et avait échappé à la censure, mais il avait du mal à croire que Gruyère serait capable de s’en sortir. Même s’il faisait en sorte que cela ressemble à un accident, le scandale atteindrait les coins les plus reculés du continent, ne lui laissant aucune échappatoire.

De plus… il a déjà eu l’occasion de me tuer. Pourquoi est-ce qu’il lambine… ?

Cela avait frappé Wein instantanément.

Pour prolonger mon séjour… et gagner du temps… ! En quoi suis-je désavantagé en restant ici… ?

« En étant loin de Natra… ! » Wein s’était levé de sa chaise, faisant sursauter Ninym.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Wein ? »

« Ce porc ! Il complote pour faire quelque chose à Natra en mon absence… Il a peut-être même commencé à faire son coup… ! »

À ce stade, ce n’était qu’une supposition, une théorie, une hypothèse. Cependant, il ne pouvait pas se permettre d’être négligent maintenant.

« Ninym ! Prépare-toi à rentrer ! Dis à tout le monde de se tenir prêt à recevoir mon ordre ! »

« Compris ! » Ninym était prête à s’élancer hors de la pièce, mettant fin à sa confusion momentanée.

C’est alors que quelqu’un avait frappé à sa porte.

« Veuillez m’excuser. Puis-je entrer, Prince Wein ? »

Ninym et Wein avaient échangé un regard. Il avait fait le plus petit des hochements de tête. Elle avait ouvert la porte avec un couteau dissimulé, prête à frapper à tout moment.

« Je m’excuse de passer à cette heure-ci, Prince Wein. »

Tolcheila se tenait devant la porte, accompagnée d’un préposé.

« … Princesse Tolcheila, que puis-je faire pour vous si tard dans la soirée ? Vous n’êtes pas venue pour un rendez-vous secret, j’imagine. »

Elle avait souri. « Ça a l’air amusant, mais je suis ici pour autre chose. Père a enfin fini de remplir ses fonctions. Il aimerait savoir s’il peut avoir le plaisir de votre compagnie pour un verre de vin. Je serai là, moi aussi. » Elle avait l’air fière.

« Je vois. » L’esprit de Wein s’était emballé.

Est-ce que j’ai tiré une mauvaise conclusion… ? Mais je dois supposer le pire. Si Gruyère prépare quelque chose, je devrais…

Il avait fait face à Tolcheila, offrant un sourire. « Je n’ai aucune raison de refuser une invitation directe du roi Gruyère. Je serais ravi de le rejoindre. »

« Merveilleux. Mettons-nous en route. » Elle les conduisit triomphalement vers l’endroit où son père les attendait.

Il chuchota à Ninym, observant Tolcheila par-derrière. « Dis aux autres qu’ils pourraient nous interdire de partir ou qu’il pourrait y avoir une guerre. Ils doivent être préparés. »

Wein devait d’abord entrer en contact avec Gruyère. Le moment venu, il ne pourrait pas faire savoir au roi qu’il se méfiait de ses motivations… du moins, pas avant que Wein puisse s’informer sur l’alliance et découvrir ses véritables intentions.

Si tout se passait bien, tant mieux. Mais si Gruyère refusait —.

« Nous devrons peut-être prendre Tolcheila ou Gruyère en otage et fuir la ville, » murmura-t-il.

« Je vais m’assurer que nous sommes prêts. » Ninym acquiesça.

Wein suivit Tolcheila, les doigts parcourant l’arme dissimulée sous ses vêtements.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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