Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 5 – Chapitre 3 – Partie 2

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Chapitre 3 : Le roi bestial, Gruyère

Partie 2

Alors que Wein se demandait ce qu’elle faisait ici, Gruyère avait fourni une réponse.

« Hmph… C’est ma fille. Tolcheila. »

« Ah, je vois, votre fille… Attendez ! Votre fille… !? »

Wein n’avait pas pu s’empêcher de regarder dans les deux sens entre Gruyère et sa fille. Comparée à l’obésité personnifiée, elle était petite et mince et ne lui ressemblait pratiquement pas.

« Nous partageons la même personnalité, mais elle tient du look de sa mère… Tolcheila, que fais-tu là ? Ne t’ai-je pas dit de rester à l’écart alors que nous avons un invité spécial ? »

Le ton de Gruyère montrait clairement qu’il avait un faible pour elle. Il avait offert un sourire en coin, comme s’il était heureux de ce désagrément.

Elle savait qu’elle l’avait enroulé autour de son doigt.

Tolcheila avait gonflé sa poitrine. « Je crois que je ne peux pas obéir à tes ordres, Père. »

Il y avait quelque chose de distinct dans sa façon de parler.

« Ce serait vraiment dommage de ne pas pouvoir échanger quelques mots avec le Prince Wein. Je veux dire, je pense que tout le monde sur ce continent le connaît. Je demande humblement à me joindre à vous. »

« Hmph… » Gruyère y avait réfléchi. « Demande au prince. Si tu peux obtenir son accord, tu pourras rester. »

Quoi ? Depuis quand est-ce mon travail ?

Wein avait immédiatement jeté un regard à Gruyère alors que Tolcheila s’était approchée de lui sur la pointe des pieds et lui avait fait un élégant salut.

« C’est un plaisir de vous rencontrer, Prince Wein. Je suis Tolcheila, la fille du roi Gruyère. »

« Merci, Princesse Tolcheila. Si ma mémoire est bonne, nous avons eu le plaisir de nous rencontrer auparavant. »

« Ah, vous m’avez eu. » Elle ne semblait pas se sentir coupable de l’avoir espionné. « On dit qu’il faut du tact pour agir… Quoi qu’il en soit, j’étais curieuse d’en savoir plus sur le “Prince Wein” dont parlent les rumeurs. Pardonnez-moi pour mon incivilité. »

« Bien sûr. Ne le mentionnez pas. Avoir l’attention d’une belle femme est l’une des joies de l’homme. »

« Ça me chatouille en rose. Si vous me laissez me joindre à vous, mes yeux seront tous à vous. Qu’en dites-vous ? Je connais quelques trucs sur notre cuisine. »

Wein avait réfléchi à sa proposition. Sa priorité absolue était de négocier avec Gruyère. Le temps était essentiel. Il n’était pas stratégique de le dépenser sur des tiers. Cependant, il semblerait que Gruyère et Tolcheila s’entendaient bien. Il était mieux de la convaincre.

Et d’ailleurs…

En tant que personne ayant une petite sœur, comment pourrait-il la refuser ?

« Je ne pouvais pas en demander plus, » répondit Wein. « Nous festoyons avec nos yeux. D’ailleurs, je souhaiterais en savoir plus sur vos goûts culinaires. Je vous en prie. »

« Je savais que vous changeriez d’avis. Vous ne le regretterez pas, Prince Wein. »

Tolcheila hocha la tête en signe de satisfaction, et ils s’assirent tous les trois aux sièges d’honneur. Le banquet commença.

Pour être tout à fait honnêtes, ses attentes pour le festin n’étaient pas très élevées.

Après tout, il était de la famille royale. Toute sa vie, il avait eu l’occasion de déguster les mets les plus fins. En tant qu’étudiant d’échange dans l’Empire et pendant son voyage à Mealtars, il avait pu goûter à des plats élaborés.

Écoutez. Je suis un prince. Évidemment, j’ai un palais raffiné. La meilleure nourriture du continent ? On est dans la cambrousse, mec ! Ça ne peut pas être si différent de Natra. Je suppose qu’ils compenseront par la variété, puisque ce sont de gros commerçants. Je veux dire, ne vous méprenez pas. Je suis évidemment intéressé par la découverte de nouvelles saveurs.

Wein s’accrochait à son attitude condescendante… pour des raisons stupides. Personne ne semblait se soucier de la nourriture à Natra, et il ne voulait pas admettre que ses repas quotidiens étaient plutôt mauvais.

La nourriture était placée devant lui.

« En entrée, nous avons une salade de poisson blanc et d’herbes. »

C’était un plat composé de fines tranches de poisson blanc agrémenté de légumes rouges, verts et jaunes. Tolcheila commença à expliquer.

« Pêché dans les eaux côtières, c’est un poisson délicat à conserver. Mais il est exquis lorsqu’il est frais. À vous de le goûter. »

« Je le ferai. Je veux dire, la fraîcheur est proche de la piété, » dit-il, bien qu’il regardait la nourriture avec dédain.

C’est quoi ce bordel ? C’est le plat le plus fade du coin. Je veux dire, ouais, ça a l’air bon. Peut-être même très bon. Mais le meilleur du continent ? Ils ont totalement élevé trop haut la barre. Je pensais que ce serait plus fantaisiste. Huh. C’est un échec total. Quelle déception !

Wein s’était aventuré à prendre une bouchée. Il avait mâché, l’avait laissé reposer sur son palais, l’avait avalé, puis, il avait pris une bonne bouffée d’air.

C’EST DÉLICIEUUUUUUUX ! Wein avait crié. En interne.

Comment ça se fait ? Attendez. C’est impossible ! Comment ça peut être aussi bon ? Mais c’est juste du poisson ! Comme du bon vieux poisson coupé en tranches !?

Le poisson blanc avait un goût subtil, mais la sauce semblait rehausser ses saveurs, et le parfum des herbes lui chatouillait les narines. Ils s’étaient harmonisés sur la langue.

« Vous aimez ? »

« O-oui, c’est tout à fait délicieux… »

Wein paniqua intérieurement en hochant la tête. À ce rythme, la nourriture de Natra sera unanimement élue la plus fade du monde !

Calme-toi ! Ce n’est que le premier plat ! Ça aurait pu être un miracle. Nous n’avons pas encore perdu… !

Wein avait dévoré le poisson blanc tout en se ressaisissant.

On se régale avec nos yeux ! Le goût est incroyable, mais la présentation est… médiocre ! Les meilleurs plats font attention à la présentation et au palais !

« Il semble que le prochain plat soit arrivé. »

L’assiette avait été placée devant Wein.

Ngh… C’est… !?

« Un bol taillé dans un fruit, rempli d’une délectable mousse à base de poisson, de crustacés et d’œufs. Sa présentation n’attire-t-elle pas le regard ? »

Tolcheila avait raison. L’orange brillant du fruit et la mousse blanche à l’intérieur créaient un délicieux contraste. La moitié supérieure du fruit coupé servait de couvercle décoratif, donnant l’impression d’un coffre à trésor ouvert.

Gah… ! Je n’ai pas d’autre choix que de lui donner un parfait dix… ! Bien, laisse-moi-le goûter d’abord… Putain ! C’est délicieux ! Je mets un douze !

Contrairement au plat précédent, le goût riche des fruits de mer avait presque fleuri dans sa bouche, et l’acidité du bol de fruits avait servi à nettoyer le palais d’un arrière-goût gras.

« Il semble que vous êtes conquis par ce plat. »

« Je… en effet. C’est parfait jusque dans les détails. »

Wein s’était intérieurement serré la tête. N’avait-il pas d’autre choix que d’admettre que sa nourriture laissait à désirer ? Soljest n’avait-il pas de faiblesses dont il pouvait s’emparer ?

Ce n’est pas encore fini ! Peut-être que la présentation et les saveurs sont fantastiques ! Mais ça ne fait pas d’effet. Pour un banquet, il doit y avoir quelque chose pour faire un impact.

« Voici le cochon rôti. »

AAAAAAAH !?

Il pouvait le sentir de l’autre côté de la pièce lorsque plusieurs serviteurs entrèrent dans le hall avec une plaque de fer qui contenait un cochon entier, dodu comme un fruit. L’huile bouillonnante grésillait, et l’arôme délicieux remplissait la pièce. Sa présence était indéniable. Pourquoi la viande a-t-elle si bon goût ? semblait-il demander. Parce que c’est de la viande, évidemment. Même s’il fermait les yeux, il ne pouvait pas calmer son appétit furieux.

Même son entourage et les vassaux avaient poussé des soupirs d’étonnement. Avec tous les yeux fixés sur lui, les serviteurs avaient commencé à découper le porc. Même les estomacs les plus pleins avaient créé un espace supplémentaire pour lui.

Alors qu’il savourait le morceau qui lui était servi, son estomac lui disait la vérité. Il n’y avait pas à tergiverser. Ce n’était pas nécessaire. Son profil de saveur était plus que suffisant pour satisfaire le palais.

… J’ai perdu… Ils m’ont totalement battu… avait admis Wein en mangeant le rôti.

Le transporter sur une plaque d’acier faisait partie du spectacle. Les deux premiers plats avaient atténué les choses, pour que le cochon rôti puisse avoir un tel impact. Leur attention aux détails en disait long sur leur culture alimentaire.

 

 

« Délicieux, non ? »

« Très… Il est à la hauteur des rumeurs. C’est exquis. »

« Nous encourageons la création d’aliments nouveaux et innovants. Nous avons une arène désignée où nous pouvons tester nos compétences, et ceux qui ont du potentiel reçoivent une récompense et un titre. Des chefs talentueux de tout le pays se réunissent à Phithcha pour faire avancer le progrès. Tout cela sous la direction de mon père. »

N’est-ce pas ? Tolcheila semblait demandée à son père. Il s’était arrêté de manger pendant un moment. Il avait devant lui de quoi nourrir une famille de cinq personnes.

« Ce n’est pas grand-chose. Je me demandais comment dévorer toute la nourriture délicieuse du monde entier, et c’était trop de travail d’aller la chercher moi-même. J’ai donc imaginé un plan qui inciterait les chefs à venir ici. »

« J’admire votre quête de la bonne cuisine, Roi Gruyère. Si ma mémoire est bonne, ne considérez-vous pas la nourriture comme le moyen d’atteindre un but — obtenir votre physique ? »

« En effet. Et n’est-ce pas la façon la plus royale d’atteindre mon objectif ? »

« Vous avez raison. »

Wein et Gruyère s’étaient souri.

Jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé que leur culture alimentaire soit aussi avancée.

Il était impatient de s’imprégner d’autant de connaissances que possible sur leur cuisine pendant son séjour. Il allait la rapporter chez lui et voir s’il pouvait la populariser. Si tout se passait bien, ce voyage en vaudrait la peine. Wein hocha la tête, et…

… Attendez ! Ce n’est pas pour ça que je suis ici ! Il s’était mis à crier intérieurement. Je veux faire équipe avec Soljest ! Je veux dire, leur nourriture est géniale ! Et ce serait génial si je pouvais en ramener à Natra ! Mais je n’ai pas le temps pour ça maintenant !

Wein avait frissonné. Il avait réalisé que son esprit avait été envahi par des pensées de nourriture. Cette cuisine était quelque chose à craindre.

« Prochain plat, » annonça Tolcheila.

« Gah... ! »

Ses pensées avaient immédiatement commencé à se tourner vers son assiette, mais Wein s’était rattrapé au dernier moment.

Tiens le coup ! Notre avenir dépend de ta capacité à être gentil avec Gruyère ! Arrête de penser au repas, même si c’est la meilleure chose que tu aies jamais mangée !

Il avait pris une inspiration.

— Je refuse de perdre à cause de la nourriture !

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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