Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 9 – Chapitre 3 – Partie 5

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Chapitre 3 : Acte 3

Partie 5

Il y en avait sûrement beaucoup qui accepteraient d’être engagés, pour autant que les récompenses soient suffisamment satisfaisantes.

Leurs prisonniers ne laissaient rien à désirer en termes de force et d’habileté sur le terrain, mais la véritable inconnue était de savoir combien d’entre eux allaient réellement jurer fidélité au Clan du Loup.

En marmonnant pour lui-même, Yuuto s’était levé et s’était dirigé vers un mur de la pièce, qui était entièrement recouvert de cartes. « Pendant que nous attaquons le Clan de la Panthère, si le Clan du Sabot ou le Clan du Vent prenaient l’attention du Clan de la Foudre, cela faciliterait grandement les choses… »

Le Clan de la Foudre partageait ses frontières avec le Clan du Sabot et le Clan du Loup au nord, ainsi qu’avec le Clan du Vent au sud.

À l’ouest se trouvait la mer, et son côté oriental était bordé par les montagnes Þrúðvangr, qui empêchaient les invasions ennemies venant de cette direction.

Ainsi, bien que le Clan de la Foudre soit expansif en termes de territoire total qu’il contrôle, il pouvait concentrer sa puissance militaire uniquement au nord et au sud. La géographie leur permettait d’envahir facilement les autres, mais aussi de se protéger.

Et malheureusement, les choses n’étaient pas si optimistes concernant les Clans du Sabot et du Vent. Tous deux avaient autrefois été comptés parmi les dix nations les plus puissantes du pays, mais le Clan du Sabot s’était récemment vu arracher plus de la moitié de son territoire par le Clan de la Panthère.

Quant au Clan du Vent, Yuuto savait qu’il avait été contraint à une situation plutôt médiocre en raison d’une invasion par son voisin plus au sud, le Clan de la Flamme, et que sa force s’était considérablement affaiblie.

Il ne semblait pas que ces deux clans soient assez forts pour égaler le Clan de la Foudre.

« Oh, il y a quelque chose que j’ai oublié de te dire, Grand Frère, » dit Félicia. « Il y a un mois, le Clan du Vent a été complètement envahi et détruit par l’invasion du Clan de la Flamme. »

« Quoi !? » Yuuto s’était retourné pour lui faire face.

La dernière chose qu’il avait entendue était que le Clan de la Flamme et le Clan du Vent étaient en guerre, et que le Clan de la Flamme avait l’avantage dans le conflit. Il n’avait pas entendu une seule chose sur la destruction du Clan du Vent.

Cependant, d’une certaine manière, c’était une chose de plus qui ne pouvait être évitée.

Pendant le séjour de Yuuto au Japon, sa seule option pour communiquer avec Yggdrasil avait été avec Félicia, en utilisant le smartphone qu’il avait laissé derrière lui.

La batterie solaire qu’il utilisait ne pouvait l’alimenter qu’une trentaine de minutes par jour tout au plus, et avec le danger constant que courait son clan, bien sûr, la grande majorité de ces communications avaient nécessairement porté sur les clans de la Panthère et de la Foudre.

Pourtant, penser qu’un tel incident s’était produit à son insu…

C’était un choc total.

« Nous n’avons nous-mêmes appris la nouvelle qu’il y a une semaine environ, » dit Félicia. « Nous avons vérifié auprès d’un certain nombre de marchands ambulants qui sont venus du sud, et nous pouvons donc supposer que c’est vrai. »

« Je vois. » Yuuto avait mis une main sur sa bouche, et avait réfléchi en silence pendant un moment.

L’une des dix grandes nations d’Yggdrasil, le Clan de la Flamme, venait d’écraser un voisin tout aussi puissant et de prendre tout son territoire. Cela signifiait qu’il était désormais un clan dont la force nationale était supérieure à celle du Clan du Loup. Peut-être même faisait-il maintenant partie des trois nations les plus fortes du royaume.

On pouvait difficilement demander un meilleur adversaire pour le guerrier sans égal qu’était Steinþórr.

« Très bien, envoyons un émissaire au Clan de la Flamme, avec le message que je voudrais très certainement prêter le serment du Calice de la Fraternité avec leur patriarche, à parts égales, » dit Yuuto. « Dans les Trente-six stratagèmes, le numéro vingt-trois : “Se lier d’amitié avec un État lointain, frapper un État voisin.” »

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Tape ! Tape !

« J’arrive, » répondit Félicia au léger coup frappé à sa porte, et l’ouvrit.

Dans l’obscurité qui régnait sur le seuil de sa porte, la lumière de sa lampe éclairait le visage de son visiteur.

C’était Sigrun.

« Bienvenue, » dit Félicia. « Je suis désolée de t’appeler ici au milieu de la nuit de cette façon. »

« Ce n’est pas un problème. Après tout, tu as dit que c’était à propos de Père. Peu importe l’heure ou le lieu, je me précipiterai toujours pour aider. »

« Merci. Je t’en prie, entre. »

« Bien sûr. »

À la réponse sèche de Sigrun, Félicia s’était écartée et l’avait fait entrer dans la pièce.

Sigrun avait été invitée ici de nombreuses fois auparavant, et elle se dirigea vers le lit au centre de la pièce et s’assit avec autant de familiarité que si c’était sa propre chambre.

« Oh, Grand Frère et Grande Sœur sont actuellement occupés à créer un héritier dans la pièce d’à côté, alors nous devrons être silencieuse, » ajouta Félicia.

« Hm. J’ai compris. »

« … Cela te donne-t-il matière à penser ? »

« C’est vrai. Je suis sûre que si c’est l’enfant de Père, il sera en bonne santé et talentueux. C’est une autre chose à laquelle on peut s’attendre dans le futur. » Sigrun avait hoché la tête plusieurs fois, visiblement sûre d’elle.

« Erm, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je veux dire… n’as-tu pas eu une sensation d’oppression, de douleur dans ta poitrine ? »

« Non, pas vraiment. Je ne souffre d’aucune maladie à ce que je sache. Quoi, trouves-tu que je ne suis pas dans mon assiette ? »

« Non. Non, tu sembles vraiment être la même que d’habitude. » Félicia avait laissé échapper un long soupir.

Elle ne doutait pas que les sentiments de Sigrun pour Yuuto étaient purs et vrais.

Ce que Félicia se demandait, c’était si ces sentiments pouvaient ne pas être simplement ceux d’un guerrier loyal, mais aussi ceux d’une femme envers un homme. Ses déclarations étaient une façon d’aller à la pêche à la réponse. Mais à en juger par la réaction de Sigrun, Félicia était complètement à côté de la plaque.

Honnêtement, elle avait trouvé que c’était un peu décevant.

« Pourtant, j’envie beaucoup Mère, » dit Sigrun. « Moi aussi, j’aimerais porter un jour un des enfants de Père. »

« Qu… !? » Les yeux de Félicia avaient failli sortir de sa tête en entendant cela. C’était comme si elle avait vu une attaque la manquer, pour apprendre qu’il s’agissait d’une feinte après que le vrai coup l’ait frappée à l’arrière de la tête.

Sigrun avait dû remarquer l’étrange expression sur le visage de Félicia, car elle fixait Félicia, perplexe et clignant des yeux.

« Hm ? Ce que j’ai dit était-il vraiment si étrange ? Oh, bien sûr, nous aurons la question de la campagne contre le Clan de la Panthère pendant un certain temps, et le fait que je devienne incapable de combattre serait un vrai problème, donc je prévois d’attendre que les choses se soient un peu plus calmées d’abord. »

« … Depuis quand veux-tu des enfants ? Tu n’as jamais eu l’air de t’y intéresser. »

« Eh bien, oui, je n’ai aucun intérêt pour le mariage ou autre, mais j’aimerais certainement porter l’enfant de Père. Mère a déjà déclaré qu’elle le permettrait, après tout. »

« … Je vois. Cela doit être agréable pour quelqu’un de simple comme toi. » La tête de Félicia s’était affaissée et elle avait posé une paume sur son front.

Sigrun avait un cœur si simple que Félicia en était jalouse.

Bien sûr, Mitsuki avait dit qu’elle tolérerait la présence d’autres femmes dans le tableau, mais seulement tolérer, cela ne signifiait-il pas qu’au fond d’elle-même, elle trouvait l’idée désagréable ? Et compte tenu de la singularité de l’amour de Yuuto pour Mitsuki, faire un geste ne lui causerait-il pas des problèmes ?

C’était le genre de questions compliquées dans lesquelles Félicia s’était engouffrée, et maintenant elle avait l’impression d’avoir l’air d’une idiote pour s’en préoccuper autant.

« Mais tu as raison, » dit-elle enfin à Sigrun. « Peut-être que suivre simplement ces sentiments dans mon cœur est le mieux, n’est-ce pas ? »

« Je ne comprends pas vraiment ce que tu veux dire, mais est-ce que c’est ce dont tu voulais discuter ? » demanda Sigrun sans ambages.

« Ah, non, j’ai bien peur que nous nous soyons éloignées du sujet, » répondit Félicia. « Je vais en parler maintenant. Mais avant de commencer, veux-tu du thé ? »

« Non. Dépêche-toi et va droit au but. »

« Bien. » Félicia avait hoché la tête et s’était assise à côté de Sigrun.

Elle n’avait pas rencontré les yeux de Sigrun, mais avait plutôt regardé dans le vide.

« Dis-moi, quelle est ton impression sur le Grand Frère depuis qu’il est revenu parmi nous ? »

« Mon impression ? »

« J’ai l’impression qu’il y a quelque chose en lui qui est différent d’avant. Ne le sens-tu pas toi aussi ? »

Sigrun était silencieuse, avec un regard difficile et pensif. Peut-être que la question lui avait fait penser à quelque chose.

« C’est vrai, c’est comme si l’air qui l’entoure était beaucoup plus lourd et tranchant qu’avant, » dit-elle enfin. « Je pensais que c’était dû à sa nouvelle détermination, à sa conviction de vivre et de mourir avec le Clan du Loup… mais il semble que tu aies une idée différente. »

« Je pense que tu as aussi raison, bien sûr, » dit Félicia. « Mais ça me semble aussi être du désespoir, comme si quelque chose le forçait à agir avec une grande hâte. »

« Hmm. »

« Cette campagne visant à subjuguer le Clan de la Panthère en est un exemple particulièrement frappant, » dit Félicia. « Le grand frère que j’ai connu jusqu’à présent n’aurait pas choisi de commencer dans un mois seulement. Au minimum, il se préparerait pendant une demi-année, s’assurant doublement de ses préparatifs et s’assurant d’abord que nous sommes sur des bases absolument solides. »

« Je vois ce que tu veux dire, » dit Sigrun. « Maintenant que tu le dis, il y a aussi ce que nous avons fait lors de notre dernière bataille contre le Clan de la Panthère : nous avons d’abord coupé tout moyen de fuite avant de les éradiquer complètement. À l’époque, j’étais simplement submergée par l’admiration, pensant : “Je ne peux pas croire que la tactique du ‘pêcheur et du bandit’ puisse être appliquée de cette façon !”. Mais jusqu’à présent, même si Père avait pensé à de telles tactiques, je ne pense pas qu’il aurait choisi de les employer. »

« Oui. Avant maintenant, Grand Frère n’aurait pas voulu de tueries inutiles, et je crois donc qu’il se serait contenté de pouvoir les chasser. »

« Hmm… »

« Jusqu’à présent, Grand Frère ne s’est battu que dans le but premier de nous défendre, » dit Félicia. « Mais maintenant, depuis son retour, il me semble qu’il soit prêt à attaquer les autres de manière proactive. »

« Ne se pourrait-il pas que le fait de s’engager à vivre dans Yggdrasil ait également éveillé l’ambition de Père ? Il abrite en lui un incroyable esprit de conquérant, après tout. »

« Je serais heureuse si ce n’était que ça. » Félicia avait expiré profondément.

Il n’y aurait rien de mieux que de savoir que ses inquiétudes étaient injustifiées.

« Cependant, » poursuit-elle, « Si ce sentiment que j’ai n’est pas erroné, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui peut bien exercer une telle pression sur le Grand Frère, le forçant à se dépêcher ainsi. »

« En d’autres termes, tu es blessée par le fait que, bien que tu sois la confidente le plus fiable de Père, il ne t’a pas parlé de ce problème ? »

« N-Non, ce n’est pas vrai ! » s’exclame Félicia. « Umm, eh bien, non, je suppose que c’est vrai que le fait qu’il ait eu la gentillesse de m’appeler sa plus proche confidente et qu’il ait ensuite gardé ce secret a pu me rendre un peu malheureuse — juste un peu, remarque ! Mais en réalité, je suis surtout inquiète pour lui ! »

« Dans ce cas, tout ce que nous avons à faire est de continuer à le soutenir. S’il ne nous a pas parlé du problème, c’est que nous ne sommes pas encore assez fiables pour le mériter. Si nous le soutenons loyalement du mieux que nous pouvons, il finira certainement par nous mettre au courant. » Sigrun finit de parler et rit un peu.

Face à un tel argument formulé avec tant de facilité et d’assurance, Félicia n’avait pu s’empêcher de répondre par un sourire.

Certaines choses n’avaient jamais changé…

« Ça doit être bien d’être simple comme toi. »

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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