Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 9 – Chapitre 2 – Partie 3

***

Chapitre 2 : Acte 2

Partie 3

« Je vois, et c’est donc pour cela que vous vouliez la construire, » dit Jörgen.

« Bien. J’aimerais aussi trouver un moyen de faire de la soupe miso et de la sauce soja. Après tout, je suis la seule à connaître les saveurs du pays de Yuu-kun. Si je veux qu’il les goûte, alors c’est à moi de faire en sorte que ça arrive. » Mitsuki avait ponctué sa déclaration en frappant du poing sur sa poitrine.

Yuuto allait continuer en tant que patriarche, un dirigeant qui devait porter le fardeau de la vie et de l’avenir de tant de personnes. Cela allait sûrement être très dur pour lui.

La nourriture était la base de tout le reste dans la vie. Si vous pouviez manger des aliments délicieux, cela vous donnait de la force.

« Bwa hah hah hah ! » Jörgen avait laissé échapper un grand rire franc, puis il avait hoché la tête avec satisfaction. « Père est sûrement l’homme le plus heureux de tout Yggdrasil, d’être béni par une épouse aussi généreuse et dévouée. Je souhaiterais même échanger ma propre femme contre vous ! »

« Oh, vraiment ? Réalisez-vous que si vous dites des choses comme ça, votre épouse va vous tuer ? Et je pense que mon propre mari n’aimerait pas non plus entendre ça. » Mitsuki avait gloussé.

« Ahh, et bien, c’est beaucoup trop effrayant pour moi. J’abandonne tout de suite ce genre de conversation. » Jörgen avait fait un haussement d’épaules.

Il était évident que ces deux-là étaient devenus totalement à l’aise et ouverts l’un envers l’autre.

À ce moment-là, un soldat avait couru sur les lieux en criant. « Commandant en second ! Commandant en second, monsieur ! Oh, et ma Dame est là, elle aussi. C’est bien que je vous trouve tous les deux ensemble. »

Comme Jörgen n’était pas à son bureau, l’homme avait dû le chercher.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Jörgen.

Le soldat avait repris son souffle avant de poursuivre. « À l’instant, nous avons reçu un pigeon messager de Fólkvangr. Père a complètement détruit l’armée principale de sept mille soldats du Clan de la Panthère qui campaient le long de la rivière Körmt ! Il a capturé trois mille soldats vivants et en a fait des prisonniers ! »

« Ohhh ! Comme prévu du Père ! » s’exclama Jörgen avec un soupir d’admiration.

Il était clairement joyeux de la nouvelle, et sans la moindre trace de doute que tout cela était vrai. Pour lui, il était évident que Yuuto pouvait accomplir un tel exploit.

Cela avait donné à Mitsuki un petit aperçu de l’importance de Yuuto dans ce monde.

Le soldat poursuit. « Il y a plus : à la suite de cette victoire, la force de trois mille soldats du Clan de la Panthère qui encerclait Fólkvangr a commencé à battre en retraite. »

« Oh-ho, alors cela signifie que la menace restante pour la sécurité du Clan du Loup a enfin été dissipée. » Jörgen prit une grande inspiration et laissa échapper une longue expiration de soulagement.

C’était lui qui avait été chargé de diriger le Clan du Loup en tant que commandant en chef pendant l’absence de Yuuto. La pression causée par cette responsabilité avait dû peser lourdement sur lui.

« Euh ! Alors, cela signifie-t-il que Yuu-kun est en sécurité, et qu’il va revenir à Iárnviðr ? » demanda Mitsuki.

« Oui, » répondit Jörgen. « Bien sûr qu’il va bien et qu’il revient. Après tout, Père est le seul et unique vrai seigneur d’Iárnviðr. »

« Oh, d’accord. Merci mon Dieu…, » Mitsuki avait placé une main sur sa poitrine et avait soupiré de soulagement.

Après trois longues années de séparation, elle avait enfin retrouvé son ami d’enfance, pour être à nouveau séparée de lui par les barrières du temps et de l’espace. Et, alors qu’elle avait finalement réussi à les surmonter, le champ de bataille l’avait à nouveau éloigné d’elle.

En plus de cela, il avait quitté la ville en toute hâte, ce qui signifiait que la situation de la guerre était vraiment mauvaise.

Contrairement à Jörgen, Mitsuki ne savait rien du Yuuto d’Yggdrasil, si ce n’est par des bribes de ouï-dire et des récits de seconde main. Parfois, elle avait vu des choses qui lui donnaient un petit aperçu, mais la plupart du temps, l’image qu’elle avait de lui était celle de son ami d’enfance, un « garçon parfaitement normal ». Elle s’était donc inquiétée à mort pour lui.

« Je suppose que cela règle l’un de mes plus gros soucis, » dit-elle. « Mais… »

Mitsuki était maintenant d’autant plus préoccupée par l’un de ses autres plus grands soucis :

L’absence de la fille qui avait fourni les conseils et fourni d’énormes efforts pour permettre le retour de Yuuto, et qui ressemblait à Mitsuki en apparence : Sigrdrífa, le Þjóðann, ou « impératrice divine », du Saint Empire Ásgarðr.

Elle et Mitsuki partageaient une connexion mystérieuse, leur permettant de se parler dans leurs rêves. Mais depuis le rituel d’invocation qui avait ramené Yuuto, Mitsuki n’avait plus été en mesure de le faire.

Pendant le rituel lui-même, Mitsuki avait vu quelque chose d’étrange lui arriver : le bras droit de sa forme spirituelle s’était dissous comme de la brume dans l’air.

Mitsuki ne pouvait qu’espérer qu’elle aille bien.

Pour l’instant, c’était vraiment tout ce qu’elle pouvait faire.

+

Dans l’obscurité profonde de la nuit, Hárbarth marchait seul dans un couloir silencieux.

Son œil droit était fermé, et une vieille cicatrice de combat descendait le long de la paupière en une ligne verticale distincte. Son visage était creusé de plusieurs couches de rides profondes, qui témoignaient de sa longue et riche vie. Ses cheveux et la longue barbe de son menton étaient entièrement blancs.

Il avait au moins soixante-dix ans, peut-être même quatre-vingts, mais son dos était parfaitement droit et il marchait d’un pas vigoureux.

Cet homme était actuellement le patriarche du Clan de la Lance, l’une des dix nations les plus puissantes d’Yggdrasil, et en même temps, il occupait la position de grand prêtre du Saint Empire Ásgarðr, plaçant une quantité vraiment énorme de pouvoir politique entre ses seules mains.

Il était en effet l’image même de l’expression « s’épanouir dans la vieillesse ».

« Cette situation était un peu en dehors de mes attentes, » murmura Hárbarth pour lui-même, et passa une porte au fond du sanctuaire sacré, le hörgr, dans la pièce au-delà.

C’était la chambre à coucher du maître du hörgr — en fait, le souverain même du Saint Empire Ásgarðr. Ce n’était donc pas un endroit où même le grand prêtre de l’empire pouvait être autorisé à entrer avec autant de désinvolture, mais le vieil homme n’y faisait pas attention.

C’est parce qu’il n’y avait plus personne dans le gouvernement impérial qui osait le défier.

« Maintenant, que faire exactement de toi… ? » murmura le vieil homme en regardant la jeune fille aux cheveux blancs allongée à ses pieds.

Elle était habillée d’une tenue luxueuse et ornementée.

Ses cheveux blancs étaient différents de ceux de Hárbarth, étant sa couleur naturelle et non le produit délavé de l’âge. Les siens étaient magnifiquement soyeux et semblaient presque translucides.

Sa peau aussi était d’un blanc pur comme la neige, et ses traits étaient tout à fait charmants. Même sa silhouette tranquille et endormie avait l’air divine.

Sigrdrífa, la divine impératrice.

Officiellement, elle était la souveraine de l’empire, la souveraine légitime de toutes les terres d’Yggdrasil. Et elle était la fiancée de Hárbarth, qui devait l’épouser à l’automne de cette année.

Sa future épouse avait apparemment succombé à une sorte de maladie, et était dans le coma depuis trois jours.

Elle avait été une fille maladive dès le départ, et rester au lit n’était pas un événement rare pour elle, mais ne pas se réveiller pendant trois jours d’affilée était certainement une première.

« Après tout ce qu’il lui a fallu pour venir ici, ce serait un problème si elle devait mourir maintenant, » se dit Hárbarth en fronçant les sourcils.

Il avait beau l’épouser, il n’y avait pas d’amour en jeu. Ce n’était rien de plus qu’un mariage politique, et pour Hárbarth cette fille n’était rien de plus que quelque chose dont il avait besoin pour réaliser ses ambitions.

Il pourrait même la remplacer, après un certain temps.

Le facteur essentiel qui désignait le Þjóðann était les runes jumelles qui étaient héritées par la lignée impériale, portées par une seule personne à la fois. Hárbarth avait mené des recherches approfondies sur la lignée et l’histoire des précédents empereurs et impératrices divins, et avait réussi à découvrir la véritable nature de la transmission des runes jumelles.

La première règle était que le détenteur actuel des runes pouvait les accorder directement à un successeur. Tant que leur lien de sang n’était pas trop éloigné, l’échange pouvait se faire sans problème. Cela avait été prouvé par le Þjóðann d’il y a six générations.

La deuxième règle concernait ce qui se passait lorsque le porteur actuel des runes jumelles quittait ce monde sans choisir de successeur.

Lorsque cela se produisait, les runes apparaissaient sur la personne la plus jeune parmi celles qui étaient les plus proches par le sang du détenteur précédent.

En d’autres termes, si le pire devait arriver à cette fille Rífa, les runes devraient logiquement passer à son jeune cousin Tiwaz, l’actuel chef de la maison Jarl, l’une des trois grandes familles nobles de l’empire.

Hárbarth avait depuis longtemps comploté pour prendre à ce stade le contrôle de la Maison Jarl, donc si Tiwaz devait monter sur le trône en tant que prochain Empereur Divin, Hárbarth n’aurait aucun problème à manipuler le garçon comme sa marionnette.

Il était censé être un garçon extrêmement calme et velléitaire, et il serait probablement beaucoup plus facile à contrôler que Rífa, qui était un garçon manqué et se rebellait souvent contre la volonté de Hárbarth.

En effet, il n’y aurait pas de problèmes immédiats avec cet arrangement. Cependant…

« Si je dois avoir un réceptacle pour ma volonté, je préfère après tout que ce soit quelqu’un qui porte mon sang. »

Hárbarth avait donné naissance à deux fils et une fille, mais il avait déjà perdu ses deux fils, l’un à cause de la maladie et l’autre à cause de la guerre.

Quant à sa fille restante, il l’avait mariée au commandant en second du Clan de la Lance, et elle l’avait béni de quatre petits-enfants, mais tous étaient des garçons. Malheureusement, cela ne lui laissait aucun héritier de sang féminin qu’il aurait pu marier à Tiwaz.

S’il devait créer un futur Þjóðann portant sa lignée, il avait besoin de Rífa.

Cela dit, si elle restait dans cet état comateux, il était clair qu’elle allait bientôt dépérir et périr.

Alors que Hárbarth réfléchissait à ses options, une voix l’avait interrompu, résonnant dans sa tête.

« Monsieur. »

C’était la voix du prêtre impérial Alexis, qui était l’« œil » de Hárbarth à l’extérieur.

Alexis était un Einherjar de la rune Gnævar, le Voyageur des Cieux, qui lui permettait de converser instantanément avec quelqu’un d’autre sur n’importe quelle distance, en utilisant des miroirs spéciaux appariés.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Hárbarth, semblant interroger l’air vide.

« Monsieur, euh, c’est un peu désagréable à annoncer, mais le “Ténébreux” est retourné au Clan du Loup. »

« Quoi ? » Le seul œil valide de Hárbarth s’était ouvert en grand.

Sigyn était connue comme la sorcière de Miðgarðr, l’une des trois plus grandes utilisatrices de sorts magiques seiðr dans tout le pays d’Yggdrasil.

Il était difficile d’imaginer que quelqu’un dans ce monde aurait pu briser le sort de Sigyn, un sort dans lequel elle avait versé chaque once de sa vitalité et de son esprit.

Et pourtant, allongée ici, devant Hárbarth, se trouvait peut-être la seule fille qui aurait pu le faire.

« Est-ce la cause de tout cela ? » s’était-il demandé à haute voix.

Si c’était le cas, pas mal de choses auraient un sens.

Rífa avait secrètement quitté la capitale impériale pour voyager au cours de l’hiver précédent, et avait séjourné à Iárnviðr pendant un certain temps. Hárbarth avait entendu dire qu’elle était devenue une amie intime de Yuuto.

Peut-être que son lien avec lui lui avait donné une raison de prêter ses pouvoirs pour aider à son retour.

« Chaque fois, tu ne cesses de me causer des ennuis. » Hárbarth avait craché les mots avec amertume.

Il avait travaillé si dur pour préserver la gloire de l’empire, élaborant des plans en secret, des plans qui avaient réussi, seulement pour que la divine impératrice elle-même les réduise en pièces.

Au moment de sa fuite et de ses voyages secrets, Hárbarth avait décidé de fermer les yeux et de la laisser partir pour lui permettre un dernier accès d’égoïsme avant le mariage. Elle était, dans le pire des cas, remplaçable. Mais de voir maintenant qu’elle lui avait rendu sa gracieuseté d’une telle manière lui donnait des frissons de colère.

« Monsieur, que devons-nous faire ? »

« Hahhh… » Les sourcils profondément froncés, Hárbarth laissa échapper un grand et long soupir.

Le retour du garçon était bien sûr au-delà de ses prédictions, mais ce qui était encore plus surprenant était ce qui s’était passé avec le Clan de la Foudre et le Clan de la Panthère. Les deux clans étaient eux-mêmes comptés parmi les dix plus grandes nations d’Yggdrasil, et pourtant, même après avoir formé une alliance, tous deux avaient été facilement écartés de leur campagne d’invasion. C’était un résultat qu’il n’aurait jamais pu imaginer, même dans ses rêves.

Il semblait que le « Ténèbreux » avait amassé un pouvoir bien plus grand que ce que même Hárbarth avait imaginé.

Enfin, il était devenu trop puissant pour être contrôlé.

Inquiet de l’effet que ses actions pourraient avoir sur la confiance dans l’autorité de l’empire, Hárbarth avait jusqu’à présent cherché à faire avancer ses plans pour effacer le garçon en secret. Mais maintenant, il semblait qu’il n’y avait plus de place pour se soucier de sauver les apparences.

« Hmm, oui… » Hárbarth jeta un coup d’œil à la jeune fille gisant inconsciente sous lui, et les coins de sa bouche se retroussèrent en un rictus.

« Je suppose que cette fille est exactement ce dont nous avons besoin. Utilisons-la pleinement. »

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

Laisser un commentaire