Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 8 – Acte 3 – Partie 2

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Chapitre 3 : Acte 3

Partie 2

Elle avait une tonne de questions à poser sur Yuuto, mais elle faisait de son mieux pour réprimer ses sentiments d’impatience. Ce ne serait pas bon pour elle d’intervenir et de prendre le contrôle de la discussion maintenant.

On pourrait dire que le jugement de Mitsuki ici était le fruit de ses préparatifs avant de venir à Yggdrasil. Une fois qu’elle s’était engagée à épouser Yuuto — et, par conséquent, à devenir la femme d’un patriarche de clan — elle avait fait des recherches sur diverses épouses célèbres (et infâmes) de l’histoire japonaise et chinoise, pour servir d’exemples.

« Merci, » dit Jörgen. « Dans ce cas, j’aimerais commencer cette réunion du conseil. Je remercie sincèrement toutes les personnes présentes d’être venues si tôt le matin. »

Il se leva de sa chaise et, après s’être adressé aux membres assis, s’inclina une fois devant eux.

« Je suis sûr que tout le monde ici veut savoir la même chose… Tante Félicia. Comme tu as pratiqué le rite, j’aimerais que tu nous racontes ce qui s’est passé hier soir. »

« Oui. » Félicia s’était levée.

Les yeux de tout le monde s’étaient fixés sur elle. Peu de ces regards étaient amicaux ou encourageants, en fait, il semblait que la majorité la regardait avec des reproches dans les yeux.

Au milieu de tous ces regards critiques, Félicia avait affirmé son point de vue avec fermeté. « En ce qui concerne le rite d’invocation lui-même, je crois que toutes les étapes ont été effectuées sans erreur ou oubli, et que ce n’était pas le problème. La convocation de la Grande Soeur Mitsuki en est la preuve. »

Plusieurs des membres du clan assis avaient froncé les sourcils et leurs regards s’étaient durcis.

Comme pour parler en leur nom, un homme âgé aux cheveux blancs cracha : « Il n’y a donc aucune faute de votre part, est-ce ce que vous essayez de dire ? Mais le fait est que vous n’avez pas pu invoquer le seigneur Yuuto ! »

« Grand-oncle Bruno, s’il vous plaît, » intervint Jörgen. « Je pense qu’il pourrait être difficile pour tante Félicia de parler librement si vous êtes si conflictuel avec elle. »

Mais l’homme à la langue acérée appelé Bruno n’avait pas reculé. « Vous êtes trop mou, commandant en second ! Cette femme ne comprend pas la gravité de la situation. Après l’énorme défaite de Gashina, et alors que le seigneur Yuuto est introuvable, l’inquiétude gagne les soldats et les citoyens. Les Clans de la Panthère et de la Foudre ont forgé une alliance avec le Serment du Calice de la Fraternité. Vous savez à quel point il sera dangereux pour le Seigneur Yuuto de rester absent plus longtemps… »

« Héhé. » Jörgen avait souri.

« Vous trouvez ça drôle ? »

« Ah, non, non, pardonnez mon impolitesse, grand-oncle, » dit rapidement Jörgen. « C’est juste que, en entendant ces mots de votre part, alors que vous étiez autrefois si opposé à ce que Père assume la position de patriarche… les choses ont vraiment une façon de changer avec le temps. »

« Pourquoi remontez-vous ça maintenant !? » Bruno lui avait répondu. « Et même à l’époque, j’agissais dans ce que je croyais être le meilleur intérêt du Clan du Loup… Maintenant, je le vois comme le pilier central du Clan du Loup, quelqu’un dont nous ne pouvons pas nous passer ! »

« Oui, oui, je sais, » dit Jörgen. « C’est une raison de plus pour laquelle nous ne pouvons pas nous permettre un autre échec, et nous devons donc rester calmes et laisser tante Félicia parler. Sinon, nous n’aurons rien sur quoi baser nos plans. »

« Grr… ! Bien. » Bruno grogna et fit une grimace aussi amère que s’il avait avalé un insecte, puis acquiesça à contrecœur.

Mitsuki avait eu le sentiment que Bruno avait dit la vérité, du moins de son point de vue. Peut-être même que cet homme était tourmenté par des sentiments d’anxiété et de malaise.

Et à en juger par le nombre de regards hostiles dirigés vers Félicia, il n’était probablement pas le seul. C’était potentiellement vrai pour beaucoup de personnes ici.

La situation ici pourrait être beaucoup plus grave que ce que Mitsuki avait initialement pensé.

Après avoir confirmé que les choses s’étaient calmées, Félicia avait repris la parole. « Est-ce que je peux continuer ? »

« Oui, vas-y. » Jörgen lui avait fait signe de le faire.

Félicia avait hoché la tête. « Il y a quelque chose que j’ai remarqué lors de la première exécution du rite, que j’ai pensé être juste un malentendu de ma part, mais lors des deuxième et troisième tentatives, je l’ai ressenti beaucoup plus clairement. »

« Hmm, continue. »

« Quand j’ai lancé la Gleipnir, j’ai vraiment senti qu’il s’accrochait à quelque chose. Cependant, l’instant d’après, elle a été repoussée, puis s’est dissoute comme si elle avait été annulée. »

« Alors, veux-tu dire que quelqu’un d’autre s’en mêlait ? »

« Oui. Je pense que c’est le Fimbulvetr de Sigyn, qui a annulé mon précédent Gleipnir. Je crois que les effets de ce sort peuvent encore être actifs. »

Jörgen avait fait claquer sa langue en signe d’irritation. « Tch. Je vois. Alors c’est ça. » Il avait pratiquement craché les mots avec dégoût. « En d’autres termes, même si nous effectuons le rite d’invocation à la prochaine pleine lune, il est fort probable qu’il soit à nouveau bloqué par Fimbulvetr et qu’il échoue. N’est-ce pas ? »

« … Oui, malheureusement. Mon pouvoir en tant qu’utilisateur de seiðr est très, très inférieur à celui de Sigyn. La nuit dernière n’a fait que me faire prendre conscience de cette grande différence de pouvoir entre nous. Je ne pense pas qu’il me soit possible de briser la puissance de son sort. »

« Vous ne pensez pas que c’est possible ? » rugit Bruno. « Ne nous faites pas ce coup-là ! Comment pouvez-vous parler de cela avec autant de légèreté ? Vous devez le faire ! Si le sort de l’ennemi vous bloque, alors faites preuve d’un peu de volonté et passez au travers ! »

Une fois de plus, Bruno avait bombardé Félicia de cris de colère, sa voix grondant.

Quelques-uns des autres officiers du Clan du Loup avaient aussi crié, suivant l’exemple de Bruno.

« O-Oui, c’est ça ! »

« Vous ne pouvez pas vous en sortir en disant simplement que vous ne pouvez pas le faire ! Le destin du Clan du Loup lui-même en dépend ! »

Il est vrai qu’en ce moment même, la menace militaire des Clans de la Panthère et de la Foudre se pressait sur eux. À ce stade avancé, ils ne pouvaient peut-être pas se permettre d’accepter la parole de Félicia selon laquelle elle était incapable de convoquer Yuuto.

Soudain, une voix froide avait tranché le brouhaha comme un couteau.

« Si vous comprenez à quel point c’est sérieux et que vous ne faites que parler de choses stupides comme la “volonté” et la “détermination”, alors fermez votre bouche. Vous nous faites perdre notre temps. »

C’était Sigrun.

Ses remarques à l’égard de son grand-oncle juré étaient si clairement insultantes qu’elles avaient instantanément provoqué un silence dans la salle.

« Espèce de petit… ! Tu oses me parler de cette façon, ma fille !? » Le visage de Bruno se tordit d’indignation alors qu’il commençait à la réprimander, mais Sigrun lui rendit la monnaie de sa pièce.

« Oh, la ferme ! Tu sais qu’il est impossible que Félicia n’ait pas fait tout ce qui était en son pouvoir ! N’as-tu pas vu par toi-même, hier soir, comment elle a continué jusqu’à ce qu’elle s’effondre !? »

Bien sûr, maintenant que Bruno s’était fait parler de façon si irrespectueuse par une fille d’un rang inférieur au sien, il ne pouvait plus reculer, de peur de perdre la face.

Ils s’étaient lancé des regards furieux, et des étincelles avaient semblé jaillir entre eux.

« R-Rún, je suis heureuse que tu veuilles me défendre, mais…, » dit Félicia nerveusement.

« Oui, c’était une façon bien trop grossière d’agir envers ton grand-oncle, Sigrun », avait coupé Jörgen. « Excuse-toi. »

Aucun des deux ne semblait vouloir laisser ce conflit se poursuivre.

La raison pour laquelle seule Sigrun était réprimandée était que, selon les coutumes officielles du clan, Bruno avait un statut beaucoup plus élevé qu’elle dans « l’arbre généalogique », en tant que grand-oncle.

La majorité des personnes présentes dans la salle de réunion lançaient des regards réprobateurs à Sigrun.

Toutefois, il y avait des exceptions.

« Il se trouve que je suis d’accord avec l’opinion de Grande Soeur Sigrun. » Une petite fille, dont l’apparence détonnait avec cette assemblée d’officiers de clan à l’allure féroce, se moqua de ça. « Par un calcul et une préparation minutieuse, on gagne la bataille à dessein. C’est ainsi que fonctionne mon père biologique Botvid, et c’est aussi l’idéal de Père. Exiger que l’on se contente de la volonté est la déclaration d’un imbécile. »

« Comment oses-tu parler ainsi ! » rugit Bruno. « Tu es peut-être la fille du patriarche de la Griffe, mais ici tu n’es rien de plus qu’un nouveau venu de bas rang ! »

« Je dirais à peu près la même chose de vous, quelqu’un qui est loin d’être le fidèle subordonné de Père, » ricana Kristina. « Après tout ce temps, vous n’avez toujours pas échangé le Serment du Calice avec lui, à quelque titre que ce soit. En tant que branche morte de cette famille, veuillez vous abstenir de nous interrompre toutes les quelques secondes, si vous le pouvez. Cela ralentit vraiment notre discussion. »

« Quoi !? » Cela semblait être trop pour Bruno, et il avait regardé Kristina avec indignation, mais elle lui avait juste souri froidement et n’avait rien dit.

À côté d’elle, Albertina se tenait debout, les deux mains sur la bouche, jetant un regard inquiet entre les deux individus, qui se dévisageaient.

Wôw, ça devient vraiment désagréable, pensa Mitsuki. Si Yuuto n’arrive pas bientôt, il pourrait vraiment y avoir une sorte de division interne dans le clan.

C’était déchirant à regarder, mais elle ne pouvait rien faire d’autre que de regarder tranquillement et de voir où les choses allaient aller.

Elle avait déjà entendu le dicton « Rassemblez trois personnes et vous obtiendrez une division en factions », et ce qu’elle avait vu jusqu’à aujourd’hui lui indiquait que le Clan du Loup n’était certainement pas une organisation monolithique.

D’un autre côté, elle pouvait ressentir la même loyauté absolue envers Yuuto de la part de tout le monde ici en ce moment.

Peut-être que la présence de Yuuto avait été si importante et si influente qu’elle avait permis à tout le monde de rester soudé jusqu’à maintenant.

« Ahem. » Jörgen s’était éclairci la gorge et s’était tourné vers Félicia, reprenant la discussion. « Peu importe, continuons. Tante Félicia. »

Son comportement était tout à fait ce que l’on attend d’un commandant en second d’une organisation.

« Je n’ai aucune raison de douter que tu aies utilisé toutes tes capacités la nuit dernière, » continua Jörgen. « Cependant, la situation actuelle du Clan du Loup signifie que l’échec ne sera pas une excuse pour toi, ni pour nous. N’y a-t-il rien que nous puissions faire à ce sujet ? »

« Comme je l’ai expliqué il y a quelques instants, l’écart de pouvoir entre Sigyn et moi est trop important. Je serais prête à sacrifier même ma vie si cela pouvait faire la différence. Mais… »

Félicia se mordit la lèvre inférieure, visiblement frustrée au-delà des mots. Ses épaules et ses poings serrés tremblaient.

Tout le monde savait que cette femme était l’amie et la conseillère la plus fiable de Yuuto. Et Mitsuki avait l’impression, bien que ce ne soit encore qu’une supposition de sa part, que Félicia aimait aussi Yuuto de manière romantique.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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