Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 6 – Acte 5

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Acte 5

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Acte 5

Partie 1

« Bien, bien, bien. On dirait que je suis coincé à m’occuper du fort cette fois. » Alors que ses yeux finissaient de scruter le document, l’homme poussa un petit soupir.

C’était un homme maigre et plutôt sombre, mais avec un regard intensément aiguisé qui rappelait un loup affamé à la recherche de proies.

Il s’appelait Skáviðr, l’assistant du commandant en second du Clan du Loup. Mais il était aussi connu sous le sinistre alias de Níðhǫggr, l’assassinat par ricanement, et craint de nombreux membres de son clan, ainsi qu’à l’extérieur.

Assis en face du grand bureau de Skáviðr, la patriarche du Clan de la Corne, Linéa, gloussa un peu. « Héhé ! Eh bien, pour nous, du Clan de la Corne, il n’y a rien de plus rassurant que de voir l’ancien Mánagarmr restant ici avec nous à Myrkviðr. »

Des cavaliers armés avaient été repérés à maintes reprises dans les environs près de la ville de Myrkviðr, probablement dans le cadre d’une force de reconnaissance du Clan de la Panthère. L’autre jour, il y avait eu des rapports d’une escarmouche avec quelques dizaines d’entre eux, dans une petite forteresse voisine qui avait été construite pour améliorer les défenses de la région.

Il était évident que le Clan de la Panthère n’avait pas renoncé à reprendre Myrkviðr.

« En ce moment, notre mission est de protéger Myrkviðr, afin que Grand Frère puisse se battre sans se soucier de la frontière ici, » dit Linéa. « Le fait qu’on vous ait confié ce domaine montre à quel point il a confiance en vous, alors… »

« Est-ce que j’avais vraiment l’air si bouleversé ? » demanda Skáviðr.

« Ahahaha ! Juste un petit peu. » Linéa tenait son pouce et son index à moins d’un pouce l’un de l’autre.

En effet, il n’y avait eu qu’une très légère différence dans son ton. C’était juste assez pour qu’une personne comme Linéa puisse le remarquer, puisqu’elle l’avait rencontré et avait passé du temps avec lui à de nombreuses reprises pendant les mois d’hiver.

Cependant, l’homme avait généralement un visage de pierre, de sorte que même une petite démonstration d’émotion dans son expression était une grosse affaire.

C’est pourquoi Linéa avait dit ça, mais maintenant elle le regrettait, se demandant si elle n’avait peut-être pas été trop curieuse en le faisant.

« J’apprécie votre gentillesse. Je vois pourquoi un si jeune patriarche sert de patriarche de clan. Vous prenez bonne note de ceux qui vous entourent. » Skáviðr avait prononcé ces paroles d’admiration avec un petit sourire. Pour un homme qui était souvent sardonique, c’était un rare éloge poli et sans réserve.

Linéa était soulagée d’avoir l’impression qu’elle ne l’avait pas mis en colère contre elle.

« Le Dólgþrasir doit vraiment être un ennemi terrible, » fit-elle remarquer, « si une bataille contre lui inquiète même quelqu’un d’aussi fort que vous. »

Linéa n’avait rencontré Steinþórr qu’une seule fois, dans la capitale du Clan de la Corne, Fólkvangr, pendant la célébration de victoire de Yuuto.

Même à l’époque, le jeune homme avait été si intimidant par la puissance de sa présence violente que Linéa en tremblait rien qu’en se souvenant de ça. Cependant, elle ne s’était jamais opposée à lui sur le champ de bataille.

Skáviðr l’avait affronté au combat. Linéa était impatiente d’entendre son évaluation du Tigre affamé de batailles.

Malgré les paroles rassurantes qu’elle avait dites à Skáviðr tout à l’heure, Linéa elle-même était profondément inquiète pour l’homme qu’elle aimait, se rendant au combat dans un endroit trop loin pour qu’elle puisse le rejoindre.

« Si je suis honnête, ni moi ni Sigrun n’aurions une chance de le vaincre au combat, » déclara Skáviðr sans ménagement. « Ce n’est pas humain, c’est une sorte de monstre. »

Skáviðr n’était pas le genre d’homme qui mâchait ses mots pour détendre l’atmosphère d’une situation. Quels que soient l’heure et le lieu, il ne disait que ce qu’il croyait être des faits.

Bien que ce ne soit que depuis quelques mois, Linéa avait appris à le connaître assez bien à cette époque, et elle comprenait cette facette de sa personnalité.

C’est pour cette raison que les mots suivants de sa part l’avaient surprise.

« Cependant, mon maître est bien plus grand qu’un monstre, c’est la résurrection d’un dieu de la guerre. »

« Pft... Ahahahahaha ! » Linéa n’avait pas pu s’empêcher de rire. « Je n’aurais jamais pensé entendre des mots comme ça sortir de votre bouche. C’est un peu inattendu. »

Skáviðr était un réaliste qui ne parlait toujours que ce qu’il croyait être des faits. En d’autres termes, il croyait sans aucun doute que Yuuto était en fait l’incarnation d’un dieu en chair et en os.

Pour Linéa, entendre l’ex-Managarmr dire cela au sujet du jeune homme qu’elle vénérait comme son frère de sang ne faisait que renouveler son sentiment de l’être incroyable qu’il était.

Cette fois encore, il s’emparera de la victoire et rentrera triomphalement à la maison.

Juste au moment où Linéa pensait cela, il y avait eu un petit claquement ! comme si quelque chose à proximité s’était cassé. Le son était étrangement fort dans ses oreilles.

« Hm !? » grogna Skáviðr, le visage obscurci par un air renfrogné et troublé.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Y a-t-il un problème ? »

« … Non. C’est juste que la poignée en cuir de mon épée semble avoir cassé. » L’expression de Skáviðr semblait ouvertement amère.

Elle suivit son regard vers le nihontou à sa taille, et vit que le cordon de cuir enroulé de manière complexe et serrée autour de sa poignée s’était cassé, ses extrémités libres pendaient vers le bas.

Pour un guerrier, une arme était quelque chose sur quoi vous avez misé votre vie. C’était particulièrement vrai pour sa prise en main, où des changements pouvaient fortement affecter sa facilité d’utilisation.

Bien que Linéa appartenait à un autre clan, elle était toujours patriarche, cela pourrait faire honte à un guerrier qu’une telle chose se produise devant elle. C’était aussi très différent d’un vétéran chevronné comme Skáviðr.

Il était si différent de la normale, en fait, que cela remplissait Linéa d’un terrible sentiment d’effroi.

Elle savait que Yuuto avait été celui qui avait forgé l’épée de Skáviðr. Pour qu’une partie de cette épée se brise soudainement…

Linéa n’arrivait pas à se débarrasser de l’horrible prémonition qu’elle ressentait maintenant.

 

☆☆☆

La forme elliptique de la lune gibbeuse était suspendue dans le ciel comme un citron blanc brillant, sa douce lumière illuminant le paysage environnant.

Les crépitements de la combustion du bois se mêlaient aux cris lointains des hiboux, alors que les généraux de campagne de l’armée du Clan du Loup se rassemblaient en cercle autour du feu de camp.

« Aughh, même si c’est le printemps, il fait encore assez froid la nuit. » Enveloppé dans une seule couverture, Yuuto frissonna.

Sigrun était assise à côté de lui, et sans hésitation, elle enleva son manteau de fourrure et le lui tendit. « Père, s’il te plaît, prend ceci si tu as froid. »

« C’est le manteau qui a été transmis de génération en génération à chaque Mánagarmr, » dit-il. « Je ne peux pas juste porter ça. Je ne suis pas qualifié. »

« Si c’est toi, mon Père, je crois que tous les anciens détenteurs du titre l’approuveraient sûrement. »

« Ce n’est pas possible. Je ne peux pas faire comme si j’étais quelqu’un que je ne suis pas, » insista Yuuto, et il avait refusé son offre.

Au sein du Clan du Loup, ce manteau était le symbole même de la force, et presque tous les garçons qui avaient grandi dans ce clan rêvaient de le porter un jour.

En ce qui concerne sa capacité physique au combat, Yuuto était encore, honteusement, confiant qu’il était plus faible que le soldat de base moyen. En tant que tel, il ne se voyait pas digne d’enfiler un objet d’une telle importance symbolique.

« Alors je vais au moins aller te chercher une autre couverture chez… Hm !? » Avec une expression intense, Sigrun sauta soudainement en l’air, la main déjà sur son épée et elle la poussa de son pouce jusqu’aux premiers centimètres de son fourreau.

Cependant, elle ne tarda pas à lâcher prise et s’assit de nouveau.

Qu’est-ce qu’il se passe ? se demanda Yuuto.

Un instant plus tard, une voix soudaine dans l’obscurité derrière lui répondit à sa question. « Bonjour, mon Père. »

« Wôw ! » Yuuto avait failli perdre l’équilibre et s’écrouler en avant alors que deux silhouettes semblaient se matérialiser depuis l’ombre derrière lui. « Bon sang, ça m’a fait peur ! »

C’était Kristina et Albertina.

Beaucoup de généraux assis dans le cercle du feu de camp étaient tout aussi surpris. Leur choc était tout à fait raisonnable, car l’emplacement de ce feu de camp dans un grand champ avait été choisi pour sa vue dégagée sur les environs, pour s’assurer que personne d’inutile ne puisse fouiner dans leur réunion. Et pourtant, deux personnes s’étaient rapprochées à ce point sans que personne ne s’en aperçoive.

« Voici mon rapport. » Kristina était tombée à un genou et avait parlé humblement. « Le Fort de Gashina est tombé, saisi par le Clan de la Foudre. »

« Quoi !?? » Un des officiers rassemblés cria son incrédulité.

« Vous dites que Gashina est déjà tombée !? »

Une vague d’agitation s’était abattue sur eux.

Yuuto s’exclama aussi, avec un air renfrogné comme s’il venait de mordre dans une pomme pourrie. « Tch ! Merde ! Nous n’avons donc pas pu arriver à temps… »

Le Fort de Gashina était la forteresse la plus à l’ouest sur le territoire du Clan du Loup, tout près de la frontière avec le Clan de la Foudre, c’était donc aussi leur ligne de front de défense.

C’est pourquoi il avait assigné Ansgar, le sixième du clan et un homme d’expérience au combat, commandant de la forteresse et de mille soldats. Il n’avait pas prévu qu’ils seraient démantelés aussi facilement.

« Qu’est-il arrivé à Ansgar et aux soldats ? » demanda Yuuto.

« Grand Frère Ansgar est mort au combat, contre Steinþórr, » rapporte Kristina. « Tous les soldats survivants ont été mis à mort… »

« Ghh… ! Putain de berserker. Même cette partie de lui est exactement comme Xiang Yu. » Yuuto avait pratiquement craché les mots avec dégoût.

Dans le monde du XXIe siècle, il existait certaines règles de guerre qui condamnaient le meurtre ou la torture sans discrimination, même pour les prisonniers appartenant à une nation ennemie. Mais, bien sûr, de telles règles humanitaires n’existaient pas ici à Yggdrasil.

Il était particulièrement important de considérer que nous vivions à une époque où l’approvisionnement en nourriture était extrêmement limité. Rien qu’en restant en vie, les prisonniers de guerre épuiseraient leurs réserves de nourriture, et on ne pourrait jamais être sûr quand ils pourraient tenter de provoquer une révolte. Le simple fait de les tuer immédiatement réduisait le nombre de bouches à nourrir et, en même temps, permettait de créer la peur, ce qui réduisait la source de risque. Ce n’était pas une politique rare ici.

Yuuto supprima les émotions violentes en lui et parla d’une voix basse et froide, indiquant à Kristina de reprendre son rapport. « Continue. Qu’est-ce que les troupes du Clan de la Foudre ont fait jusqu’à présent ? »

En tant que commandant, il devait rester calme et sous contrôle en tout temps. Il n’était pas question de se laisser emporter par des émotions temporaires. Il l’avait très bien appris l’année dernière, lors de la bataille contre le Clan de la Panthère.

« Oui, mon Père, » dit Kristina. « Ils ont positionné leur formation principale dans un passage étroit entre deux montagnes, et nous y attendent. »

Kristina sortit une carte qu’elle avait préparée, l’étendit sur le sol et indiquait un endroit particulier.

Yuuto fixa la carte du regard pendant un moment, puis poussa un lourd soupir.

« J’avais peur que ça arrive, et on dirait que c’est le cas. Il a pris position dans une zone qui va être un vrai problème pour nous. »

« C’est comme vous le dites. » Kristina acquiesça d’un signe de tête, fronçant les sourcils.

***

Partie 2

Avec des montagnes escarpées couvrant les deux flancs de l’armée du Clan de la Foudre, le Clan du Loup n’avait d’autre choix que d’attaquer de front. Il serait difficile de mettre des soldats dans une position où ils pourraient tendre une embuscade ou attaquer à leur avantage.

En d’autres termes…

« Il veut que nous ayons un combat complet, tête à tête, sans artifices, » déclara Yuuto.

Le choix de son ennemi d’utiliser cette formation montrait qu’il était convaincu qu’il ne perdrait jamais une telle confrontation.

Et ce n’était pas exagéré de dire qu’il avait raison.

La formation de base de l’infanterie du Clan du Loup était la phalange, qui était extraordinairement forte pour attaquer les ennemis directement en face. Mais lors de leur précédente guerre contre le Clan de la Foudre, la phalange avait été brisée par la force brute d’un seul homme, un spectacle qui avait été gravé dans l’esprit de Yuuto.

Les forces du Clan du Loup étaient douze mille hommes au total. En raison de la prospérité croissante du Clan du Loup et de sa politique de protection des réfugiés, il était beaucoup plus apte à mobiliser une grande armée et, pour la première fois depuis que Yuuto était devenu patriarche, il avait levé une armée plus nombreuse que celle de son ennemi. Mais face à un adversaire comme Steinþórr, même avec cinquante pour cent plus de soldats, on n’avait pas l’impression que cela ferait la moindre différence.

« On dit “qui ne tente rien n’a rien”, mais c’est plutôt comme si nous étions en train de jeter la prudence au vent, » murmura Yuuto en réfléchissant.

Il avait été louangé comme un commandant inattaquable, mais il ne pouvait pas se résoudre à envoyer ses troupes sans un véritable plan.

En d’autres termes, si Yuuto était resté invaincu jusqu’à présent, c’est parce qu’il avait toujours commencé par créer les conditions qui lui permettraient de gagner. Il ne s’était pas engagé dans des conflits dont il ne pouvait pas être sûr qu’ils pouvaient être gagnés.

Un commandant brillant n’était pas simplement quelqu’un qui était capable de mener une petite force à une victoire bouleversante sur une grande. Un commandant vraiment brillant gagne parce qu’il doit gagner, dans une bataille inintéressante du début à la fin.

« Hmm… » Fixant la carte, Yuuto tapota son doigt contre sa jambe pendant un moment, profondément dans ses pensées.

 

 

La première chose qui lui était venue à l’esprit était le nom de Han Xin, un célèbre général de l’histoire chinoise, connu comme un brillant stratège. Yuuto avait continué à trouver des similitudes et des parallèles entre Steinþórr et le seigneur de guerre chinois Xiang Yu. Ainsi, il avait eu le sentiment qu’un indice vers la défaite de Steinþórr serait trouvé dans l’histoire des généraux qui avaient réussi à vaincre Xiang Yu.

Les officiers du Clan du Loup assis autour du feu de camp se taisaient, afin de ne pas déranger les pensées de Yuuto. Chacun d’eux le regardait avec des yeux qui portaient la lumière de la confiance absolue en leur patriarche. On pouvait voir dans leurs yeux qu’ils croyaient fermement que, tant que Yuuto serait là pour les diriger, ils ne seraient jamais vaincus.

Et comme pour répondre à leurs attentes sans paroles, Yuuto se frappa la cuisse d’une main. Il avait l’air d’avoir un bon plan.

« C’est bon, ça suffit ! Tout s’aligne parfaitement avec le 16e stratagème : “Attirer le tigre loin de sa tanière de montagne”. On va s’en servir. Rún ! »

Trois jours plus tard, le Clan du Loup arriva à l’entrée proche du passage de la montagne et commença rapidement la construction de ses forteresses à chariots.

On ne savait pas à quoi cela servirait contre Steinþórr et sa rune Mjǫlnir, le Briseur, mais il vaudrait mieux utiliser cette tactique que de ne pas le faire.

Yuuto avait déjà trouvé des stratégies pour contrer Steinþórr lorsqu’il avait quitté Iárnviðr pour la première fois.

Yuuto avait espéré qu’en installant ses troupes à l’entrée proche, il aurait l’air de dire : « Nous sommes prêts pour toi ! Maintenant, viens nous chercher ! » et le clan de la Foudre passerait par le col de la montagne pour les attaquer. Mais un jour passa, puis deux, et les forces du Clan de la Foudre ne montraient encore aucun signe de mouvement.

Il n’y avait aucun doute qu’ils étaient au courant de l’arrivée du Clan du Loup à cet endroit, mais comme une tortue dans sa carapace, ils étaient restés retirés, profondément de l’autre côté du col.

« Tch, j’avais tort à leur sujet. » Faisant claquer sa langue dans l’agacement, Yuuto se retourna et réfléchit, plaçant une main sur sa bouche.

Steinþórr était un gars simple d’esprit qui avait soif de bataille, donc Yuuto avait pensé que c’était un pari sûr qu’il mènerait son armée à attaquer dès qu’ils auraient vu apparaître les forces du Clan du Loup.

« Penses-tu après tout qu’il pourrait y avoir une sorte de piège ici ? » demanda Félicia, l’air troublé par cette pensée.

« Hmm, je ne sais pas. Ça ne ressemble pas à quelque chose que cet idiot ferait… » Yuuto se gratta la tête.

L’impression qu’il avait eue de Steinþórr lorsqu’ils s’étaient rencontrés en personne au Fólkvangr, et de nouveau pendant leur dernière guerre, était qu’il était le genre d’homme qui se précipitait tête baissée dans tout.

Pourtant, il y avait un vieux dicton dans le pays natal de Yuuto : « Si tu ne vois pas d’homme pendant trois jours, fais attention la prochaine fois que tu le verras. » C’était basé sur un dicton chinois plus ancien, et faisait référence au fait que les gens étaient capables de changer quand on ne regardait pas. Yuuto lui-même savait qu’il avait beaucoup changé en presque trois ans depuis son arrivée dans ce monde.

Il ne pouvait nier la possibilité que Steinþórr ait pu changer lui aussi, poussé par sa défaite face à Yuuto l’année précédente.

« Si j’allais sur la ligne de front et que je le provoquais personnellement, il devrait mordre à l’hameçon, non ? » Yuuto se demandait ça à haute voix, en rejetant l’idée telle qu’elle lui était venue à l’esprit.

Mais Félicia avait réagi dans la panique, pratiquement en hurlant. « S’il te plaît, Grand Frère, je t’implore de ne pas faire ça ! Steinþórr est également connu pour sa maîtrise de l’arc. C’est trop dangereux ! »

« Oh, génial, donc le monstre est aussi un archer parfait, » grogna Yuuto d’une voix maussade. « C’est comme s’il n’y avait rien qu’il ne puisse pas faire. »

Yuuto avait un petit complexe à propos de sa faiblesse physique et de sa médiocrité par rapport aux autres, alors il s’était retrouvé à détester Steinþórr de plus en plus.

On pourrait dire que c’était juste lui trouvant des raisons de ne pas aimer l’homme dans tout ce qui le concerne, un autre cas du vieil adage. « Si vous détestez un moine, vous détesterez même sa robe. »

« Il faut quand même trouver un moyen de sortir ce tigre de sa grotte, » dit Yuuto en réfléchissant bien.

Cependant, même Yuuto ne pouvait pas trouver de bonnes idées à partir de rien quand il le voulait, et la réunion du conseil de guerre de ce jour-là arriva et repartit sans parvenir à une conclusion sur ce que, exactement, il fallait faire.

Yuuto restait profondément dans ses pensées, s’efforçant de trouver quelque chose même après s’être couché pour la nuit.

Le lendemain matin, la situation sur le terrain avait soudainement changé.

Soudain, le Clan de la Foudre se mit à bouger.

« En avaient-ils marre de nous attendre ? Ou était-ce parce qu’ils avaient terminé une sorte de préparation qu’ils faisaient ? Eh bien, ça n’a pas d’importance. » Yuuto éleva la voix en sautant dans son char personnel. « Équipes d’arbalètes, préparez-vous à contre-attaquer ! »

Les cris de guerre de ses hommes résonnaient en écho avec le tonnerre des pieds et des sabots contre le sol.

C’est alors qu’Albertina avait couru à ses côtés, tissant habilement des liens avec les soldats de sa formation. « Papa ! Tiens, ça vient de Kris. »

« Oh, bien joué. » Yuuto avait repris son smartphone à Albertina, et avait rapidement ouvert l’application galerie photo.

Il tapota la vignette de la photo la plus récente pour l’agrandir, et il sourit largement avec satisfaction.

« Ah, c’est une bonne prise. C’est bien Kris. Elle a déjà totalement maîtrisé l’utilisation de ce truc. »

C’était une photo prise d’en haut d’une des montagnes, capturant le paysage en bas. Elle saisissait dans son cadre toute l’étendue des troupes du Clan de la Foudre qui marchaient à travers le col de la montagne vers la position du Clan du Loup. Les bords de l’image étaient un peu flous, probablement parce qu’elle avait beaucoup utilisé la fonction zoom.

« Si tu connais ton ennemi et que tu te connais toi-même, tu ne seras pas en danger dans cent batailles. » En temps de guerre, des informations précises sur l’ennemi avaient plus de valeur que n’importe quel métal précieux.

« Tu as aussi fait du bon travail là-bas, Al, » déclara Yuuto. « Tu dois être fatiguée, non ? Va te reposer et prendre un verre, d’accord ? »

« Eheheheh ! » Albertina gloussa et se mit à rire et à sourire joyeusement, tandis que Yuuto lui tapota la tête et lui ébouriffa un peu les cheveux en s’amusant.

Cette tactique d’utilisation de l’application « appareil photo » de son téléphone était tout aussi dépendante d’Albertina aux pieds rapides que de Kris.

Seule Albertina, manieuse de la rune Hræsvelgr, le Provocateur des Vents, avait pu se rendre à Yuuto en si peu de temps à travers la végétation sauvage et épaisse des montagnes où il n’y avait aucun chemin.

« Sa formation de marche a presque la forme d’une flèche, » dit Félicia en se penchant sur le côté pour regarder l’écran du smartphone.

« Oui, la “formation en pointe de flèche”, pour être précis. »

Shimazu Yoshihihiro, le général guerrier de l’époque Sengoku au Japon, également connu sous le nom de « Démon de Shimazu », avait utilisé cette même formation pour échapper à certains malheurs dans la bataille de Sekigahara, lorsque la victoire de ses ennemis était devenue certaine.

Plutôt que d’essayer de reculer vers l’arrière, il avait foncé droit devant sur l’armée principale de Tokugawa Ieyasu et les avait percutés, passant juste devant Tokugawa. Il avait réussi à percer et à quitter le champ de bataille, ce qui avait été par la suite connu comme « la stratégie de sortie de Shimazu ».

Comme le démontre un tel exemple historique, la pointe de flèche était une formation entièrement spécialisée pour attaquer avec une pleine charge.

« Hmph, je suppose que c’est plus comme quelque chose que cet idiot essayerait. » Yuuto ouvrit l’application « appareil photo » de son téléphone, et le dirigea vers l’armée du Clan de la Foudre qui fonçait vers lui par le col, faisant un zoom avant.

Il repéra une silhouette aux cheveux roux juste à l’avant de leur formation.

Normalement avec la formation en pointe de flèche, le général serait positionné près du centre ou à l’arrière, pas tout à fait à l’avant, mais ceci, encore une fois, était plus la façon dont Steinþórr faisait les choses.

Toutes ces choses étaient encore dans le champ des calculs de Yuuto, d’après ce qu’il savait.

« Attends, un cheval !? » cria Yuuto en état de choc et ses yeux s’élargirent.

***

Partie 3

Il s’était même frotté les yeux et avait regardé à nouveau pour confirmer qu’il le voyait vraiment, mais ce n’était pas une erreur. Steinþórr était monté sur un cheval, ses cheveux roux brillant s’envolant au vent comme un feu animé.

Au moins jusqu’à l’année dernière, l’homme n’avait été vu qu’avec des chars. Avait-il peut-être décidé d’apprendre à monter lui-même à cheval après avoir vu le Clan du Loup utiliser la cavalerie armée ?

« Et puis il y a ça… Qu’est-ce que c’est que ça !? » cria Yuuto.

Steinþórr transportait un très gros objet étrange en forme de T, qu’il tenait devant lui. En raison du zoom de l’appareil photo, l’image était granuleuse, et Yuuto ne pouvait pas voir ce que c’était vraiment, mais il avait l’impression d’être une sorte de grosse hélice.

« Quoi, il va dire “Go-Go-Steinþórr Copter !” et décoller avant de voler ? »

Une telle chose était bien sûr physiquement impossible à première vue, mais cet homme semblait toujours surpasser ou défier tout bon sens, alors Yuuto sentit un étrange sentiment qu’il ne pouvait l’exclure complètement, ce qui était troublant.

Mais il n’avait pas de temps à perdre avec des pensées aussi absurdes en ce moment.

Yuuto se concentra et cria à ses troupes. « Votre cible est l’homme roux devant ! FEU !! »

Sur l’ordre de Yuuto, il y avait le bruit de sifflement combiné d’innombrables pointes de flèches qui filaient dans les airs, alors que les carreaux d’arbalète tirés par les forces de Yuuto tiraient vers Steinþórr.

Yuuto n’attendait pas que cette volée fasse tomber Steinþórr, ni même qu’elle ait la moindre chance. Après tout, lors de leur dernière confrontation, le même homme avait utilisé son marteau de fer pour faire tomber toutes les nombreuses flèches qui s’approchaient de lui et il était resté intact. Même lui faire une égratignure serait un excellent résultat.

Plus importants encore, ils visaient le cheval.

Aussi incroyable que puisse être cet homme, même le Tigre affamé des combats Dólgþrasir devrait se concentrer sur la protection de son propre corps lorsqu’il était confronté à ce nombre de flèches, et il serait donc incapable de protéger entièrement sa monture. S’ils pouvaient le faire descendre d’un cheval et le ramener au sol, sa mobilité en souffrirait énormément.

Dans un sens, Steinþórr était l’armée du Clan de la Foudre. Tout ce qui réduisait la capacité de combat de Steinþórr réduisait aussi directement la force et le moral des forces du Clan de la Foudre dans son ensemble.

C’était une tactique solide, mais ce que Steinþórr avait fait par la suite l’avait fait échouer.

Steinþórr avait pris l’hélice comme un objet et l’avait balancée droit devant lui.

À cet instant, il changea de forme, formant un mur gris foncé qui cachait à la fois Steinþórr et son cheval.

La pluie de flèches ne tomba sur lui qu’un instant plus tard, et elles furent toutes facilement repoussées.

« Quoi… !!? » La mâchoire de Yuuto s’était abaissée face à cette scène impossible.

Il pouvait voir maintenant que l’objet en forme d’hélice était une longue tige attachée à une sorte de pièce plate, presque comme un parapluie.

Cependant, les pointes de flèches utilisées par le Clan du Loup étaient en fer et étaient tirées par de lourdes arbalètes conçues pour leur donner un pouvoir de perçage beaucoup plus important. S’il réfléchissait ces pointes de flèches de face, alors les matériaux de cet objet étaient…

« Ce n’est pas possible… C’est aussi du fer !? »

C’était aussi quelque chose qui aurait dû être impossible.

À Yggdrasil, les deux seuls clans qui connaissaient les techniques d’affinage du fer étaient le Clan du Loup et le Clan de la Panthère.

Pour tous les autres clans, le fer était un « cadeau du ciel », un métal incroyablement rare qui ne pouvait être récolté que des météorites.

Avec une plaque de métal de cette taille ridicule — et il fallait qu’elle soit très épaisse aussi pour dévier les carreaux d’arbalète en fer —, il leur fallait une quantité exorbitante de fer, et il était difficile d’imaginer qu’ils y avaient accès.

Difficile à imaginer… mais Yuuto ne pouvait pas très bien nier la réalité de ce qui se passait juste devant lui.

« Et de toute façon, à quel point les bras de cet idiot sont-ils forts ? C’est trop fort ! »

Le Clan du Loup avait tiré une seconde, puis une troisième volée de carreaux d’arbalète successivement, mais le parapluie géant en fer les avait facilement tous déviés.

Yuuto savait qu’il n’y avait pas de sens à essayer de nier la réalité, mais en même temps, il trouvait plus facile de douter de ses propres yeux que d’accepter cela.

Même si ce parapluie géant était entièrement fait de fer, il devrait peser près de cinquante kilogrammes, ou plusieurs dizaines au moins.

Et son centre de gravité était assez clairement vers le haut, ce qui signifie que son poids effectif, tout en étant tenu droit vers l’extérieur, devait être supérieur à une centaine de kilos.

Steinþórr avait été capable de le tenir facilement, en le soutenant légèrement avec un seul bras.

Yuuto n’avait d’autre choix que de réaffirmer que cet homme n’était qu’un monstre vêtu de peau humaine.

 

☆☆☆

« Ha haaaaaaaa ! On dirait que rien ne vaut un parapluie un jour de pluie, hein !? » Steinþórr ria, et d’un simple mouvement de poignet, il retira rapidement le parapluie de fer pour le porter sur son épaule.

Avec ce simple mouvement, n’importe qui pouvait voir qu’au lieu d’être soumis au poids lourd de l’objet, il le contrôlait facilement à sa guise.

Il était si lourd que trois hommes adultes avaient du mal à le soulever du sol, mais il l’avait manipulé comme s’il n’était même pas conscient de son poids.

« Très bien, alors ! Ce doit être le mur des chariots dont j’ai tant entendu parler ! » En regardant vers l’avenir, les yeux de Steinþórr brillaient d’intérêt.

Devant lui, à la sortie du passage de la montagne, un groupe de wagons hauts étaient entassés en ligne, bloquant son chemin vers l’avant.

Avec son aptitude pieuse pour la bataille, une fois qu’il l’avait vue de ses propres yeux, Steinþórr pouvait dire en un instant son efficacité en tant que tactique défensive.

Je comprends maintenant, pensa-t-il en souriant. Ce n’est pas grand-chose à première vue, mais c’est vraiment comme un petit mur de forteresse.

Si des défenses de ce genre avaient soudainement surgi de nulle part devant le Clan de la Panthère, ils auraient dû avoir beaucoup de mal à essayer et à ne pas réussir à les dépasser.

Les coins de la bouche de Steinþórr tirèrent vers le haut, et son visage se tordait lorsque la bête en lui sortit.

« Peut-être que les cavaliers armés du Clan de la Panthère s’en sont remis, mais tu ferais mieux de ne pas penser qu’une connerie comme ça va m’arrêter, Suoh-Yuuto ! »

Steinþórr cria et les muscles de son bras droit s’agrandirent, plusieurs veines bleues devenant visibles.

D’un puissant mouvement de balancement du bras, il lança l’énorme parapluie de fer devant lui comme un javelot.

« Uwaaghh! » un soldat du Clan du Loup cria.

« Qu’est-ce que c’est que ça !? » cria un autre.

« Gyaaghhh ! »

L’objet de fer avait tourné en avant avec une vitesse et une force incroyables, aussi puissant qu’un boulet de canon en fer, et certains soldats du Clan du Loup s’étaient précipités hors de leur position pour tenter d’échapper à sa trajectoire.

Le parapluie était assez grand pour qu’on puisse facilement y glisser deux adultes. Avec un objet de cette taille qui les attaquait de plein fouet, il n’était pas déraisonnable que même certains des courageux combattants du Clan du Loup tombent dans la panique à cause de cette peur.

Le parapluie de fer s’était écrasé sur l’un des wagons et l’avait envoyé en arrière à la suite de l’impact avec un énorme boum !

Les plaques de fer étaient froissées de façon grotesque et criblées de fissures, et le châssis du chariot en bois lui-même s’était brisé en morceaux sous l’effet de la seule force de la collision.

« Eh bien, ça suffit comme ça. » Sans une pause, Steinþórr avait chevauché son cheval à travers l’espace laissé par le chariot manquant.

Les soldats du Clan du Loup avaient été un moment étonnés par ce développement soudain, mais ils étaient vite revenus à la raison et avaient réalisé ce qui se passait.

Derrière la ligne des chariots, une formation serrée de soldats aux longues lances s’avançait et se tenait fermement sur le chemin de Steinþórr.

« Hahh ! » Tirant son long marteau de fer de son fourreau sur son dos, Steinþórr l’avait balancé dans une attaque rapide et balayante, et avec l’élan supplémentaire de son cheval, il avait percuté trois soldats comme un éclair.

Il avait ensuite transféré son arme dans sa main gauche et avait lancé une autre attaque de grande envergure qui avait fait exploser les soldats de l’autre côté.

Son vieux marteau de guerre avait été perdu dans les eaux de crue pendant la bataille de la rivière Élivágar, et celui qu’il utilisait maintenant était donc celui qu’il avait fait forger par le Clan de la Panthère pour lui.

Pour accompagner son nouveau style de combat à cheval, il avait fait fabriquer le nouveau marteau de guerre avec une tête au moins plus longue que le précédent.

Normalement, cela le rendrait beaucoup plus difficile à manier en mêlée, mais pour le genre d’homme qui venait de tourner et de lancer cet énorme parapluie de fer, un peu plus de poids sur son marteau n’était rien du tout.

Il était aussi menaçant qu’il l’avait été pendant la guerre précédente — non, encore plus terriblement menaçant — et cela avait fait trembler les rangs des soldats du Clan du Loup.

« Très bien, qui est le suivant !? » Steinþórr s’était moqué de ses adversaires, mais les seules réponses étaient des gémissements terrifiés et sans paroles.

« Ughh… Nghh... »

« Aaah… ah… »

Steinþórr manœuvra son marteau de fer et cria, et les soldats du Clan du Loup au visage pâle sur la ligne de front reculèrent.

Forcés de se confronter à cette démonstration inhumaine et monstrueuse de puissance brute, ils avaient perdu la volonté de se battre.

« Uuuraaaaaaaaaaaaghhhhh !! » Juste derrière Steinþórr, les rangs hurlants des soldats du Clan de la Foudre s’étaient mis en branle.

Juste en face d’eux, ils étaient témoins de la force pieuse de Steinþórr, et la chaleur et la passion de la bataille avaient fait monter leur moral au plus haut niveau.

Pour eux, cette bataille n’était plus un concours de force.

***

Partie 4

Avec la brèche dans le mur de chariots, la première ligne de défense du Clan du Loup s’effondra peu après.

Ce rapport était rapidement arrivé à Yuuto.

« C’est techniquement supposé être une tactique avancée de trois mille ans dans le futur, mais ce bâtard est un tricheur à lui tout seul. » Yuuto cracha les mots avec dégoût.

Même pendant leur dernière guerre, à commencer par la phalange invaincue, Steinþórr avait fait son chemin à travers chacune des stratégies de Yuuto tirées de l’histoire future, alors que chacune d’entre elles était sans précédent dans cette ère.

Yuuto avait toujours été méticuleux et précis dans ses stratégies, travaillant toujours en amont pour trouver une « solution gagnante » avant de s’engager dans la bataille. Il ne supportait pas de voir tout ce qu’il avait construit réduit en pièces comme ça. C’était comme si l’homme se battait seul avec la sagesse collective de l’histoire militaire humaine.

Cela dit, même Yuuto soupçonnait en douce que les choses finiraient par en arriver là. Il était choqué, mais pas tant que ça.

Il en va de même pour les troupes du Clan du Loup.

Déjà, ils avaient vu la défense du mur des chariots vaincue une fois par le Clan de la Panthère, bien que cela n’ait été dû qu’à un plan extraordinairement astucieux à ce moment-là. Les troupes savaient que le mur des chariots n’était pas absolu.

Et Yuuto s’était assuré de l’annoncer à l’avance : « Il y a de fortes chances que le Clan de la Foudre parvienne à percer le mur de chariots, mais ne vous inquiétez pas. J’ai un plan. » Ses troupes avaient toutes entendu l’annonce ou étaient au courant.

Grâce à cela, l’ensemble des soldats du Clan du Loup n’était pas tombé dans la confusion, et ils se déplaçaient toujours correctement selon les ordres de Yuuto.

Les soldats de la deuxième ligne de défense semblaient se battre vaillamment contre le Clan de la Foudre en ce moment.

Bien sûr, ils se mesuraient à l’homme connu sous le nom de Dólgþrasir, le Tigre affamé de batailles, ainsi qu’à ses audacieux guerriers du Clan de la Foudre. Et l’ennemi attaquait en utilisant la formation en pointe de flèche, qui se concentrait uniquement sur le labourage des lignes ennemies sans se soucier de rien d’autre.

Le Clan du Loup était complètement repoussé.

Et en plus, ce n’était pas seulement à cause de qui était leur ennemi.

L’avantage écrasant que les alliés du Clan du Loup possédaient sur les autres clans leur avait été retiré.

« Ils… ont tous des armes de fer !? » cria Yuuto.

En effet, l’armée du Clan de la Foudre disposait apparemment d’un tout nouvel équipement.

C’était difficile pour lui d’y croire. Mais il y avait aussi cet énorme parapluie en fer que Steinþórr avait utilisé plus tôt.

Le front de Yuuto était plissé. « Ce n’est pas possible… c’était donc le Clan de la Panthère !? »

Il gémit en s’en rendant compte.

C’était la seule possibilité qui lui venait à l’esprit. Cela expliquerait aussi pourquoi Steinþórr se battait à cheval.

Si ce raisonnement était correct, alors le Clan de la Foudre et le Clan de la Panthère avaient uni leurs forces. Pour le Clan du Loup, il n’y avait pas de plus grande menace que celle-ci.

« Mais je n’ai jamais reçu de rapports à ce sujet de Kristina… » murmura-t-il.

Kristina était une espionne qui pouvait entrer et sortir n’importe où. Mais… elle n’était aussi qu’une seule personne. Elle avait quelques subalternes de confiance qu’elle avait reçue de son père biologique Botvid, mais ils n’étaient pas aussi exceptionnels qu’elle. Naturellement, il y avait une limite à la quantité de bons renseignements qu’ils pouvaient recueillir.

Le cri d’un messager du Clan du Loup avait fait sortir Yuuto de sa pensée. « Monsieur, la deuxième ligne de défense a été franchie ! »

« Tch, merde ! Je n’ai même pas le temps de réfléchir ! »

À l’heure actuelle, il devait tout faire pour régler le problème qui se présentait à lui.

Ce problème était Steinþórr.

Avec un ennemi comme lui, même un seul moment d’insouciance pouvait être fatal.

« C’est vrai. Félicia ! » s’exclama-t-il. « On suit le plan dont on a parlé. Je compte sur toi ! »

« Oui, Grand Frère ! Al, je compte sur toi pour le protéger, d’accord ? »

« Okaaay ! » Albertina avait répondu.

Félicia hocha la tête à la réponse énergique, et avec le secret du plan en main, elle s’avança à cheval.

☆☆☆

« Rraaaaaaagh !! » En hurlant à tue-tête, Steinþórr balança son marteau avec l’élan de son cheval, et il le plongea au plus profond des entrailles du soldat du Clan du Loup qui s’était jeté stupidement sur lui.

L’homme qu’il avait frappé avait été envoyé à reculons, s’écrasant sur quatre ou cinq hommes derrière lui et les envoyant tous tomber au sol.

Steinþórr saisit alors une lance qui le poussa de l’autre côté, et la souleva dans les airs.

« Uwaa !? » s’écria avec surprise le soldat qui tenait la lance.

Sur le champ de bataille, perdre son arme était la même chose qu’être condamné à mort. Le lanceur s’était rabattu sur ce bon sens et avait gardé la poignée de son long manche, mais c’était le début de la fin pour lui.

Il tenait une lance aussi longue que la taille de trois hommes adultes, mais il s’était retrouvé soulevé dans les airs par l’homme qui tenait l’autre extrémité. Pendant un court instant, il sentit sa colonne vertébrale gelée.

« Hragh ! »

Avec un gros effort, Steinþórr fit tournoyer la lance et il écrasa le soldat sur un groupe de ses camarades.

La dernière chose qu’il ressentit fut la sensation de voir son corps écraser ses alliés à mort, avant qu’il ne respire plus à son tour.

« J’en ai vraiment marre de jouer avec ces mauviettes ! Où est ce vieux loup ? » Imprégné du sang de ses ennemis de la tête aux pieds, le Tigre affamé de batailles avait crié ses exigences. « Si tu n’es pas là, je me contenterai de cette louve argentée ! »

Il avait été contraint d’attendre cette revanche pendant six mois.

Il n’avait rien pu faire d’autre que de s’asseoir et d’économiser ses forces, attendant son heure jusqu’à maintenant.

Et pourtant maintenant, il se sentait complètement insatisfait de ce résultat.

Puis Steinþórr s’était arrêté alors qu’il attrapait un bref éclair de cheveux dorés du coin de l’œil. « Hm ! »

Se retournant, il tourna ses yeux vers une belle fille dont l’apparence semblait déplacée sur le champ de bataille.

Il y avait quelque chose de vaguement familier sur son visage.

Ohh, c’est ça, se dit-il, elle doit être l’une d’elles. Cette jeune fille faisait partie du groupe de sept Einherjars qui l’avaient entouré pendant la bataille de la rivière Élivágar.

Bien sûr, c’est tout ce dont il se souvenait d’elle, elle ne l’avait pas vraiment impressionné. En d’autres termes, c’était l’étendue de sa force en tant qu’adversaire.

C’était quand même une Einherjar, il n’y a pas eu d’erreur là-dessus. Elle devrait au moins être un peu plus amusante que les autres petits avortons.

« Heh heh heh heh heh... À ce moment-là, ayons un bon com —, » alors que Steinþórr tournait son cheval pour s’avancer vers la fille aux cheveux d’or, c’était arrivé.

Quelque chose avait scintillé dans la main de la fille.

Qu’est-ce que c’est que ça ? Pensa-t-il, et il plissa les yeux.

« Gah !? » Steinþórr hurla alors qu’une lumière intensément brillante lui fut projetée droit dans les yeux, transformant sa vision en un blanc éclatant.

Il avait tout de suite su ce qui s’était passé.

Ce truc que la fille tenait devait être un miroir.

Elle s’en servait pour réfléchir la lumière du soleil, ajustant habilement l’angle avec précision pour qu’il aille droit dans ses yeux.

Steinþórr tourna rapidement le cou sur le côté et ouvrit à nouveau les yeux, mais la lumière vive l’attendait.

« Préparez-vous, Steinþórr ! » cria la jeune fille.

« MEURT !! » Steinþórr avait entendu le cri de colère d’un soldat du Clan du Loup alors qu’ils l’attaquaient tous en masse.

Lorsque les attaques étaient arrivées, il avait essayé de se défendre normalement, mais la fille aux cheveux dorés avait continué à manipuler le miroir pour que la lumière le frappe toujours dans les yeux au pire moment.

« Putain de merde ! Tu te crois malin avec tes petits tours stupides ? Wh-whoa ! »

Steinþórr recula violemment en essayant d’échapper à la lumière, et tira aussi sur les rênes de son cheval.

Bien sûr, il l’avait fait sans contrôler l’écrasante force de son bras.

Les pattes avant du cheval s’élevèrent en l’air, et il se tenait presque verticalement sur ses pattes arrière.

L’instant d’après, une pointe de lance s’enfonça dans la zone où le corps de Steinþórr se trouvait juste avant.

« Ouf, ce n’était pas loin. » Même pour Steinþórr, cela lui avait fait peur pendant une seconde.

C’était une menace réelle qu’on lui ait volé sa vue en plein milieu de ces attaques.

Une fois de plus, la lumière vive et une lance ennemie le frappèrent.

Mais cette fois, Steinþórr n’avait pas essayé de détourner la tête et avait calmement enfoncé son marteau sur le crâne du soldat attaquant du Clan du Loup.

Il tendit l’autre main dans la direction de la lumière, c’est-à-dire dans la direction de son angle mort, et saisit facilement la prochaine lance d’attaque, la balançant de toute sa force.

« Haaaauugh ! » Avec un cri, il fit tourbillonner son long marteau de guerre, lançant une attaque percutante avec la pointe aiguisée au bas de sa poignée.

Il frappa de nouveau, encore une fois, une poussée après l’autre.

Aucune d’entre elles n’avait raté sa cible.

Chaque coup avait frappé avec une extrême précision, abattant un ennemi.

En quelques instants, il était entouré d’une pile de cadavres du Clan du Loup.

« Non… impossible… comment… !? » Bien que sa vision fût sombre, la voix faible de la jeune fille atteignit facilement ses oreilles aiguisées. On aurait dit qu’elle n’arrivait pas à croire ce qui venait de se passer devant elle.

C’était tout à fait naturel. Steinþórr s’était après tout battu les yeux fermés.

En souriant de façon vicieuse, Steinþórr frappa la poignée de son marteau contre la plaque de métal sur son épaule. « Ha ! Contre de petits alevins comme ça, se battre à l’aveugle est à peu près juste pour un handicap. »

Steinþórr avait été forcé de reculer à cause de la lumière vive parce que ses yeux étaient ouverts. Il n’avait plus qu’à se battre avec elles fermé.

Le petit pincement qui coulait le long de sa colonne vertébrale lui faisait savoir quand une attaque approchait.

Le bruit de l’arme qui traversait l’air lui indiquait exactement quel type d’attaque se préparait, et de quelle distance.

Son odorat pouvait lui dire s’il était à côté d’un allié ou d’un ennemi, ainsi que leur rang.

Avec toutes ces informations à sa disposition, il pouvait se passer de toute vue.

Normalement, bien sûr, ce ne serait pas le cas pour un humain normal, mais pour Steinþórr, c’était certainement le cas.

« D’accord, maintenant arrêtons de jouer et faisons ça. » Steinþórr avait envoyé sur la fille aux cheveux d’or un regard perçant, et il avait pointé son marteau sur elle.

« Ghh… ! » La jeune fille grinça des dents de frustration et tourna son cheval en s’éloignant. Apparemment, elle avait réalisé que son plan avait échoué et s’enfuyait.

Comme si je te laissais partir ! Steinþórr pensa, et il commença à donner un coup de pied à son cheval au galop pour la poursuivre, mais il s’arrêta.

Il y avait quelque chose à propos de l’image de sa fuite, quelque chose qui lui rappelait le vieux loup qu’il avait combattu lors de cette dernière bataille.

Il avait un mauvais pressentiment.

***

Partie 5

« Je suis vraiment désolée, Grand Frère, » pleura Félicia. « J’ai été incapable de vaincre Steinþórr. J’avais espéré lui infliger au moins une blessure, mais… »

« Non, tout va bien, Félicia. Tu as fait du bon travail. » Alors que Yuuto la rassurait, ses épaules s’étaient affaissées et il soupira en lui-même. « Pourtant, même l’attaque au pointeur laser n’a pas marché sur lui, hein ? »

Dans le monde du XXIe siècle, l’acte de faire briller une lumière vive dans les yeux d’un adversaire était parfois apparu comme un problème dans le monde du sport, où il était considéré comme un acte méprisable de tromperie et strictement interdit.

Il s’agissait cependant d’un véritable champ de bataille où la mort était en jeu, et non d’une concurrence déloyale.

La force de l’armée du Clan de la Foudre dépendait particulièrement de la force d’un individu — Steinþórr — et donc si quelque chose devait réduire ou entraver sa capacité au combat, cela entraverait le potentiel de l’ensemble de son armée.

Félicia avait raison. Même s’il était impossible de vaincre carrément l’homme, il aurait été souhaitable de lui donner une blessure ou deux, mais…

« Cet idiot est trop dur à gérer pour nous tous. » Yuuto leva les deux mains et haussa les épaules, comme pour dire : « J’abandonne. »

L’encercler et l’attaquer avec sept Einherjars n’avait pas marché.

Il s’était fait écraser par les eaux de crue d’un barrage et avait été emporté par les eaux de crue, avant de revenir dans un état optimal.

Sachant que l’attaquer de front ne ferait qu’augmenter ses propres pertes, Yuuto avait envoyé Félicia pour utiliser un tour plus sournois, mais il l’avait contrecarré sans effort.

À ce stade, même Yuuto n’arrivait pas à trouver un moyen de l’éliminer.

« Bien sûr, si nous ne pouvons pas le combattre et gagner… nous devrons juste gagner sans le combattre. » Le coin de la bouche de Yuuto s’était courbé vers le haut en un sourire espiègle.

En effet, dès le début, il n’avait pas pensé que quelque chose d’aussi simple que la tactique du laser serait suffisant pour vaincre Steinþórr.

C’était tout au plus un test de son efficacité, avec l’espoir qu’ils pourraient peut-être avoir de la chance.

Et c’était aussi un leurre.

Une attaque sournoise comme celle-là était très irritante pour la victime.

Yuuto était un peu surpris que Steinþórr n’ait pas personnellement conduit ses hommes à poursuivre Félicia, mais ce n’était pas un problème.

Tous étaient déjà bien à l’intérieur des mâchoires du loup.

Il ne restait plus qu’à mordre à l’hameçon.

Le manteau de Yuuto avait été agité de façon dramatique alors qu’il tournait autour de lui pour monter sur le rebord de son char. Il leva un bras et cria, sa voix sonnant fort dans les airs.

« Prévenez toutes les unités ! L’heure est venue. Déployez la formation “joug du bœuf” maintenant ! »

 

☆☆☆

Après que Steinþórr soit devenu le patriarche du Clan de la Foudre, la tactique de l’armée clanique avait également connu des changements. Après une période d’essais et d’erreurs, la disposition en flèches des formations de troupes était devenue l’une de leurs stratégies à privilégier.

C’est parce que cette structure tirait le meilleur parti de l’incroyable force de leur commandant, Steinþórr lui-même.

Þjálfi, l’assistant en second du Clan de la Foudre, était de retour au plus profond de la flèche, tout au fond. Comme Steinþórr se trouvait à la tête de la formation, Þjálfi prenait cette position à sa place, surveillant et envoyant des ordres à toutes les troupes.

C’est précisément parce que Þjálfi contrôlait les troupes par derrière comme ça que Steinþórr n’avait pas à se soucier des détails, et pouvait se concentrer sur les combats aussi follement qu’il le voulait.

Steinþórr était un homme d’action dynamique. Þjálfi était, en revanche, plus ferme et stoïque. Pensant toujours avec une tête calme et droite, il n’était pas un homme très voyant ou tape-à-l’œil, mais son penchant pour les tactiques solides et fiables lui avait valu son surnom de Járnglófi, le Gantelet de Fer.

« Putain de merde ! Qu’est-ce qui se passe, bon sang !? » Þjálfi cracha ses mots avec une agitation visible.

C’était ridicule. C’était vraiment trop ridicule.

Jusqu’à présent, les forces du Clan de la Foudre avaient complètement dominé le Clan du Loup.

Ils avaient franchi les première et deuxième lignes défensives du Clan du Loup et avaient totalement saisi le flux de la bataille pour eux-mêmes.

Alors qu’ils se frayaient un chemin vers la troisième ligne, Þjálfi était certain de leur victoire, que c’était plus qu’une question de temps avant que les forces du Clan du Loup ne s’écroulent.

C’est pour ça que ça n’avait pas de sens.

Soudain, cet état d’avantage avait été complètement renversé.

Sans avertissement, des cris de guerre s’étaient levés de la gauche, de la droite et de l’arrière, et la terre avait tremblé quand les soldats du Clan du Loup étaient arrivés en masse des trois côtés.

Cela aurait dû être impossible.

Les soldats du Clan du Loup avaient été divisés et dispersés par la charge féroce du Clan de la Foudre, et réduits à une simple populace désordonnée, et pourtant soudain ils avaient tous changé de cap et attaquaient à nouveau sans aucun signe d’hésitation.

« Donc, ce que Père a dit était vrai. » Þjálfi expira profondément et essuya la sueur qui coulait de son front.

Un peu plus tôt, il avait reçu un message de Steinþórr :

« L’ennemi me semble trop faible. Il se passe quelque chose. Je pense qu’ils vont essayer quelque chose, alors dis-le aux troupes et assure-toi qu’ils ne laissent pas tomber leurs gardes. »

À l’époque, cela avait semblé être une précaution inutile.

L’ennemi avait employé le mur de fer qui avait autrefois facilement repoussé la force de plus de dix mille cavaliers du Clan de la Panthère, et avait même utilisé une nouvelle technique consistant à réfléchir la lumière avec un miroir, le tout dans une tentative désespérée d’arrêter la charge. Et toutes ces tactiques n’avaient toujours pas suffi à l’arrêter.

Plutôt que d’être trop faibles, ils n’étaient tout simplement pas assez forts, d’après Þjálfi.

Mais en fin de compte, l’intuition de Steinþórr avait eu raison.

« Si je n’avais pas donné les ordres aux hommes quand je l’ai fait, en ce moment même, toute la force aurait été sur le point de s’effondrer sur elle-même, » murmura Þjálfi à lui-même.

Si les soldats qui avançaient s’étaient soudain rendu compte qu’ils étaient complètement pris dans une attaque en tenaille sans aucun avertissement, ils auraient été beaucoup plus secoués que Þjálfi ne l’avait été.

Leur confusion et leur peur se seraient propagées dans tous les rangs en un clin d’œil, et les forces du Clan de la Foudre auraient indubitablement perdu leur capacité d’agir comme une armée unifiée.

« Mais quand même… qu’est-ce qu’on est censés faire !? » Le visage de Þjálfi, les sourcils plissés de douleur parcouraient son visage.

Grâce à son préavis et au charisme de leur chef Steinþórr, les troupes n’étaient pas tombées dans la panique totale, mais cela n’avait rien changé à la réalité que le Clan du Loup s’accumulait et faisait pression en masse des deux côtés.

Les formations de champ de bataille étaient, en général, conçues pour attaquer les ennemis qui les devançaient. Ils étaient vulnérables aux attaques latérales et arrière. C’était particulièrement vrai pour la formation en forme de flèche que le Clan de la Foudre utilisait maintenant.

Ils tenaient à peine l’assaut soudain grâce au moral élevé qu’ils avaient accumulé jusque-là, mais ils ne pouvaient pas échapper à l’incroyable désavantage de cette situation, et il était évident que tôt ou tard, ils se mettraient sous la pression et se repliaient sur eux-mêmes.

 

☆☆☆

Pendant ce temps, les différents généraux des unités du Clan du Loup hurlaient tous de bonne humeur, comme s’ils libéraient la frustration refoulée qu’ils avaient endurée jusque-là.

« Voilà l’ordre que j’attendais ! Unité Claes, charrrrrrrrrrrge !! » De l’aile droite de la ligne de front du Clan du Loup, Claes criait et poussait ses hommes vers l’avant. Il était le commandant en second de la famille Jörgen, la plus grande faction subsidiaire du Clan du Loup.

De l’autre côté de l’aile, David, l’assistant du second de la même faction de Jörgen, mit également ses troupes en route.

« Très bien, unité David, en avant ! Ne laissez pas le Grand Frère Claes nous dépasser ! »

De l’intérieur de la deuxième ligne retentit la voix d’Alrekr, le jeune commandant du fort Gnipahellir. Il leva sa lance haut dans les airs et se précipita vers l’avant.

« Unité Alrekr ! C’est l’occasion idéale pour nous de nous distinguer ! »

À partir de la troisième ligne, Olof cria et son unité commença aussi à converger.

« Unité Olof, chargez ! Montrons-leur que le Clan du Loup est rempli de plus de grands combattants que Sigrun et Grand Frère Skáviðr ! »

Olof était actuellement le quatrième au sein du Clan du Loup et il était le gouverneur de la ville de Gimlé, devenue dernièrement le grenier du Clan du Loup.

« D’accord… d’accord ! » Voyant que les choses se déroulaient comme prévu, Yuuto avait inconsciemment commencé à serrer les poings dans l’excitation.

La principale formation défensive entourant Yuuto était située autour du sommet d’une colline voisine, et de sa position, il pouvait clairement observer le déroulement de la bataille. Petit à petit, les troupes du Clan du Loup commencent à envelopper le Clan de la Foudre.

En regardant la même scène ci-dessous, Félicia était incapable de contenir un souffle d’émerveillement et murmurait ses pensées à voix haute. « Incroyable… ça ressemble presque à un flux de sables mouvants. »

En effet, l’analogie de Félicia semblait tout à fait appropriée aux oreilles de Yuuto. Une fois qu’une personne avait mis les pieds dans une tourbière de sables mouvants, luttant comme on pourrait le faire, le sol liquide continuait de se presser vers l’intérieur, submergeant ainsi la victime.

« Oui, il semble que notre formation correspondait parfaitement à la situation, » répondit Yuuto.

La formation du « joug du bœuf » : C’était l’une des formations de champ de bataille traditionnellement utilisées pendant l’ère Sengoku du Japon, connue sous le nom de « Huit Formations » ou hachijin, qui s’inspirait d’écrits encore plus anciens sur les tactiques militaires de la Chine. Les escadrons étaient divisés en deux grandes colonnes verticales qui pouvaient alors converger vers l’ennemi, restreindre ses mouvements et l’anéantir.

Le but de la stratégie était d’attirer l’ennemi dans l’espace entre les deux grandes colonnes, puis de faire tourner les colonnes vers l’intérieur et de lancer une attaque en tenaille.

Il était particulièrement efficace contre les formations offensives ennemies étroites axées sur le mouvement vers l’avant, comme la formation en forme de flèche qu’utilisait le Clan de la Foudre. En effet, la « pointe de flèche » était une autre des Huit Formations, et il y avait donc beaucoup de preuves historiques.

Yuuto avait prédit qu’en tenant compte des capacités et du tempérament de Steinþórr, il utiliserait ce type de formation axée sur l’assaut dans la bataille.

Il est vrai que rien ne pouvait arrêter les charges de Steinþórr.

Cependant, il s’agissait d’une bataille militaire.

Pas un combat en tête-à-tête, mais un affrontement entre groupes massifs.

Si le Clan du Loup pouvait éviter un affrontement direct avec Steinþórr lui-même et détruire tous les escadrons derrière lui, ce serait leur victoire.

Les troupes du Clan du Loup se pressaient de plus en plus fort sur le Clan de la Foudre depuis les flancs, comme pour serrer un nœud coulant.

***

Partie 6

« Tu m’as fait un sacré numéro. » Steinþórr avait ri lorsqu’il avait appris la situation critique de son armée par l’intermédiaire d’un messager de Þjálfi.

Il était, bien sûr, pleinement conscient que ce n’était pas le genre de situation dans laquelle il fallait rire.

Ses forces étaient maintenant prises au piège, sans échappatoire, et la situation était désespérée.

C’est exactement pour ça qu’il aimait tant ça.

Certains pourraient simplement appeler cela une sorte d’arrogance, mais Steinþórr était troublé par le fait qu’il était tout simplement trop fort. Les choses se terminaient toujours avant qu’il n’ait eu la chance de libérer toute sa force. Il gagnait trop facilement.

Il se sentait toujours insatisfait.

Il avait toujours cherché un rival contre qui il pouvait jeter tout son pouvoir.

« Tu es vraiment le meilleur, Suoh-Yuuto, » dit-il à haute voix en souriant.

Pendant la bataille de la rivière Élivágar, Steinþórr s’était retenu, jaugeant son adversaire.

Ce n’était pas parce qu’il avait sous-estimé Yuuto.

C’est simplement que jusque-là, toutes ses batailles s’étaient terminées si vite et sans effort, et qu’il avait voulu les apprécier davantage. Sans s’en rendre compte, il avait pris l’habitude de retenir toute sa force.

Mais cette fois, il était entré à pleine puissance dès le début. Il avait lancé son assaut frontal pour de vrai, et ça s’était retourné contre lui.

En d’autres termes, la pleine puissance de Steinþórr a été contrée avec succès.

Quoi de plus divertissant que cela ?

Pour Steinþórr, une bataille n’était une compétition que si les deux parties étaient dans une véritable lutte. C’est ce qui avait vraiment échauffé le sang et fait danser les muscles.

« Ce n’est pas le moment de complimenter l’ennemi ! » cria Narfi. « Vite, vous devez donner l’ordre de battre en retraite ! Le Clan de la Foudre a déjà fait plus qu’assez pour remplir son rôle de force de diversion ! S’il vous plaît, laissez tout le reste à Père ! Le Patriarche Hveðrungr s’occupera du reste ! »

Le général du clan de la Panthère Narfi le suppliait avec ferveur, ce qui le distinguait de son comportement calme habituel.

En temps normal, un homme comme Narfi n’aurait jamais été utilisé comme messager de Steinþórr. Il était trop haut placé, par exemple, et fraternité ou non, il était membre d’un autre clan.

Cependant, au sein du Clan de la Foudre, seul Steinþórr et un petit nombre d’autres avaient réussi à maîtriser pleinement l’équitation au combat, et avec une situation de guerre aussi désespérée et urgente qu’elle l’était, il n’y avait personne de mieux placé qu’un cavalier nomade comme lui pour accomplir cette tâche.

« Ha, une retraite ? » Steinþórr ricana. « Ne sois pas stupide. C’est ici que le vrai combat commence. »

Steinþórr se léchait les lèvres, son visage se tordait alors que la bête sauvage en lui se révélait.

En effet, pour lui, une compétition avec lutte réelle suffisait pour faire couler le sang chaud, et les muscles danser. Et il fallait que ce soit une lutte entre égaux. Après avoir perdu sa dernière bataille contre Yuuto, s’il se retirait ici, comment pourrait-il vraiment prétendre que les choses étaient égales ?

Ce n’est qu’en surmontant cette situation critique par sa force et en renversant la situation qu’il pouvait enfin prétendre que lui et cet homme étaient de véritables rivaux.

La fierté de Steinþórr était digne de son célèbre nom de Dólgþrasir, le Tigre affamé de batailles, mais ce n’était pas quelque chose qu’un étranger comme Narfi pouvait comprendre.

« Qu’est-ce que vous dites !? Monsieur, je vous demande de ne pas faire une suggestion aussi stupide. Nous devons battre en retraite maintenant, sinon toute la force pourrait être anéantie ! »

« Tu te trompes. C’est le choix qui conduit à la mort, » répondit Steinþórr en toute confiance, en toute franchise.

La formation en forme de flèche de son armée était axée sur le chargement en avant et n’était pas bien adaptée pour reculer.

Plus que tout, s’il donnait l’ordre de battre en retraite maintenant, les soldats se rendraient compte qu’ils avaient perdu la bataille. Si cela se produisait, leur force morale se briserait, n’ayant jusqu’à présent que très peu tenu le coup dans ces circonstances. Il savait qu’ils tomberaient dans la peur et la panique. Et une fois que ce sera arrivé, ce sera fini. Ils ne seraient rien d’autre qu’une proie savoureuse pour le Clan du Loup.

« Alors, qu’avez-vous l’intention de faire ? » demanda Narfi.

« Hehe ! La seule chose que je fais toujours, peu importe le moment ou l’endroit. » Steinþórr avait saisi les rênes de son cheval, et un sourire terrifiant et rieur se répandit sur son visage.

Avec l’armée du Clan de la Foudre de Steinþórr, il n’y avait qu’une seule voie à suivre.

Comme c’était le cas jusqu’à présent, il en serait de même à partir de maintenant…

« Relayez ça à toutes les troupes. Si vous battez en retraite, vous mourrez. Si vous voulez vivre, regardez en avant et avancez à toute vitesse. Ne craignez rien. Je vais moi-même ouvrir le chemin ! »

☆☆☆

« Haaaaaaaaaaaaah !! Dégagez le passage !! » Hurlant, Steinþórr balança librement son marteau de guerre à droite et à gauche, en de grands cercles.

Encore et encore, l’arme tourbillonnait autour de lui.

Encore et encore, elle frappait de nouvelles cibles.

Bien que les soldats du Clan du Loup n’aient pas cessé d’essayer de s’en prendre à lui, tout ce qui se trouvait sur le chemin du jeune homme avait connu la même fin effroyable.

Aucun d’entre eux n’avait même pu ralentir sa progression.

« Uraaaaghhhhh ! En avant, en avant, en avant, en avant ! » hurla un soldat du Clan de la Foudre.

« Le Clan du Loup ne peut rien faire contre nous ! »

« Nous avons le Seigneur Steinþórr ! Personne ne peut l’arrêter ! »

Les soldats du Clan de la Foudre derrière Steinþórr avaient rallumé le feu de leurs esprits, et avaient couru toujours en avant.

Pendant ce temps, les soldats du Clan du Loup, qui auraient dû être dans une position résolument avantageuse, s’étaient retrouvés quelque peu dépassés par l’intensité contre nature de leurs ennemis.

« Qu’est-ce qu’ils ont, ces types… ? »

« Si-Si fort... C’est ridicule. »

« Regarde leurs visages. C’est un démon ! Ils ont un démon à leur tête ! »

Les combattants du Clan de la Foudre étaient toujours motivés par leur moral élevé au combat, mais c’était différent. En ce moment, c’était comme si la nature sauvage et l’esprit combatif inhumain de Steinþórr s’étaient répandus dans tous les soldats du Clan de la Foudre, jusqu’au dernier homme.

Avec encore plus d’élan qu’auparavant, ils avaient percé les rangs des forces du Clan du Loup, comme s’ils étaient vraiment devenus une flèche.

Un rapport à ce sujet parvint rapidement à Yuuto dans sa formation de commandement à l’arrière des lignes du Clan du Loup.

« Il savait qu’il était encerclé, et il a toujours pressé vers l’avant… » Yuuto avait craché les mots avec dégoût.

C’est exactement ce que Yuuto avait voulu que l’homme fasse. Ce qui est terrifiant dans l’armée du Clan de la Foudre, c’est son pouvoir destructeur écrasant dans un assaut, né d’un guerrier charismatique comme Steinþórr qui les menait depuis les lignes de front.

En d’autres termes, si l’armée du Clan de la Foudre pouvait être forcée de renoncer à avancer, le sort de Steinþórr sur eux serait rompu et ils seraient réduits à une populace désorganisée, sans savoir où aller. À ce moment-là, ils ne seraient plus une menace pour les forces du Clan du Loup.

C’est ainsi que les choses auraient dû se passer… mais…

« Quoi !? Avance-t-il parce qu’il est stupide et que c’est tout ce qu’il sait faire ? Ou bien a-t-il un instinct d’animal sauvage ? » Yuuto se plaignait de frustration.

Chargez en avant. C’était le seul moyen d’échapper au piège que Yuuto avait tendu.

Steinþórr était un guerrier-héros, invincible sur le champ de bataille.

Il n’y avait personne de vivant qui pouvait se mettre en travers de son chemin.

Qu’il s’agisse de Sigrun, l’actuel Mánagarmr, ou de son prédécesseur Skáviðr, l’homme connu sous le nom de Níðhǫggr, le Bourreau Ricanant, le résultat serait le même. Personne ne pouvait bloquer l’avance de Steinþórr.

Yuuto avait été répugné à sacrifier inutilement plus de ses hommes, et il avait donc délibérément rendu les lignes défensives directement en face de Steinþórr plus minces.

« Grand Frère, à ce rythme, ils échapperont aux forces qui les entourent ! » s’exclama Félicia. « Tu dois envoyer un message à toutes les unités les exhortant à se préparer et à pousser plus fort. Nous devons anéantir le Clan de la Foudre ici, quoi qu’il en coûte ! »

Les conseils de Félicia à Yuuto étaient assez sanglants dans la nature, tout à fait en désaccord avec la beauté gracieuse de son apparence. Après tout, c’était une générale qui avait grandi dans les terres déchirées par la guerre d’Yggdrasil. En ce moment, en particulier, elle avait vu son clan sur le point de prendre la tête de Steinþórr, l’un de ses plus grands ennemis.

Il n’était pas surprenant que l’agitation et l’adrénaline de ce moment soient à leur comble.

Cependant, après un court moment de silence, Yuuto secoua la tête. « … Non, il ne vaut mieux pas. En fait, envoie un message à toutes les unités leur ordonnant strictement de ne pas appuyer trop profondément sur l’attaque. »

Fondamentalement parlant, Félicia avait toujours été fidèle à Yuuto dans ses ordres et ses décisions, mais elle ne pouvait apparemment pas l’accepter. « P-Pourquoi ? C’est une chance que nous n’aurons plus bientôt ! »

« Parce qu’il ne faut pas combattre un ennemi pris dans une frénésie suicidaire, » dit Yuuto, avec une expression intensément amère.

Il savait que de bons résultats dans une bataille comme celle-ci venaient toujours, pour la plupart, de la poursuite et de l’attaque de l’ennemi pendant qu’il tentait de battre en retraite.

Comme Félicia, il voulait profiter de cette chance tant qu’il l’avait. Mais il connaissait aussi une situation historique qui ressemblait étrangement à celle-ci, et cela lui traversait l’esprit.

C’était « la stratégie de sortie de Shimazu », de la bataille de Sekigahara.

Shimazu Yoshihihiro n’avait détenu que 1 500 hommes sous son commandement, tandis que son ennemi Tokugawa Ieyasu en avait détenu près de 100 000. Malgré cela, quand l’armée Tokugawa avait tenté d’attaquer Shimazu alors qu’il s’enfuyait, ils avaient subi de graves contre-attaques. Même le grand général Ii Naomasa, connu comme l’un des quatre gardiens des Tokugawa, avait été gravement blessé, de même que le quatrième fils de Tokugawa, Matsudaira Tadayoshi.

Et dans L’Art de la Guerre de Sun Tzu, l’œuvre bien-aimée de Yuuto, il y avait une phrase qui disait grossièrement : « … jette [tes soldats] dans le désespoir et ils montreront le courage d’un Chu ou d’un Kuei. »

Ce que cela signifiait, c’est que si les soldats étaient jetés dans une situation désespérée dans laquelle il n’y avait aucune possibilité de retraite, alors même les soldats normaux se battraient avec une intensité égale à celle de personnes comme Chuan Chu et Ts'ao Kuei, figures historiques célèbres au moment où ce passage avait été écrit.

En ce moment, le Clan de la Foudre se trouvait en effet dans ce genre de situation désespérée, dans laquelle ils n’avaient d’autre choix que de se battre pour aller de l’avant, et la férocité qui leur était accordée était suffisante pour faire couler le sang d’un homme.

Si le Clan du Loup venait à tenter sa chance ici, il pourrait finir par être repoussé par une riposte désespérée de ses ennemis, revivant ainsi les pertes des forces de Tokugawa à Sekigahara.

Yuuto soupira. « Eh bien, au moins cette première bataille va se terminer avec notre —»

« P-Père, tu dois entendre ça ! » Il avait été interrompu par Kristina, qui s’était précipitée vers lui en criant.

Cette jeune fille n’avait jamais manqué d’être calme et même agir avec suffisance, quelle que soit la situation, mais maintenant elle avait l’air d’être désespérée, ce qui n’est pas caractéristique. Elle était haletante et essoufflée, elle avait dû courir à toute vitesse pendant tout le trajet pour remettre son rapport.

« Haah... haah... P... par le sud, il y a une énorme bande de cavaliers qui s’approche ! Ils sont déjà presque arrivés ! Ils sont plus de dix mille ! »

« Quoi !?? » cria Yuuto.

« Qu’est-ce que tu as dit !? » Félicia s’écria en même temps avec incrédulité.

C’était impossible.

La seule nation d’Yggdrasil capable de déployer dix mille cavaliers armés était le Clan de la Panthère, avec son accès à la technologie des étriers.

Et le territoire du Clan de la Panthère s’étendait de l’extrême nord des steppes de Miðgarðr jusqu’aux parties nord d’Álfheimr. Mais c’était au sud de la rivière Tanais, entièrement dans la région de Vanaheimr.

Entre ici et le territoire du Clan de la Panthère se trouvait le clan du Sabot, et bien qu’ils aient perdu beaucoup d’influence ces dernières années, ils avaient été l’un des dix plus grands clans d’Yggdrasil.

Comment le Clan de la Panthère a-t-il pu traverser ces terres ?

En ce moment, le Clan du Loup allait enfin réussir à repousser l’attaque de son puissant ennemi Steinþórr.

Pour que dix mille cavaliers armés se présentent maintenant… « inattendu » ne pouvait même pas commencer à le décrire.

Et pour empirer les choses, le Clan du Loup avait placé ses formations de champ de bataille face à l’ouest, vers le Clan de la Foudre qui avançait. Une armée de cavaliers du sud les frappait de plein fouet sur le côté.

Cette situation était soudainement devenue la pire possible.

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