Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 3 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Acte 4

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Chapitre 4 : Acte 4

Partie 1

« Même en hiver, cet endroit est toujours aussi chaud ! » Yuuto s’était plaint.

« Tais-toi, Yuuto ! » cria la fille aux cheveux roux. « Concentre-toi sur le mouvement de tes mains, et non pas sur tes lèvres ! »

« Je le sais ! » En ronchonnant et en jurant, Yuuto ramassa plus de sable de fer avec la pelle qu’il tenait et le déposa soigneusement dans la fournaise en flammes.

De l’autre côté de la fournaise, Ingrid avait fait la même chose, dégoulinant de sueur alors qu’elle jetait une pelletée de charbon de bois.

En plus d’eux deux, il y avait une dizaine d’hommes qui s’engageaient tranquillement dans leur propre partie du travail, chacun étant entassé dans un atelier de seulement dix mètres de long pour un peu plus d’une dizaine de mètres de large. Les connaissances sur la façon d’affiner le fer ne pouvaient pas être divulguées et tomber entre les mains des clans voisins, alors ces hommes étaient des protégés de confiance que Loptr avait triés sur le volet après plusieurs séries d’examens minutieux.

Près de six mois s’étaient écoulés depuis l’arrivée de Yuuto à Yggdrasil.

Le four à tatara était un four à soufflets d’argile qui avait vu le jour pendant la période Yayoi au Japon, entre 300 av. J.-C. et 300 apr. J.-C.. Dans l’ère moderne, on pouvait encore voir la méthode du tatara exposée au festival culturel d’une université, ou utilisée comme une forme de formation parascolaire pour les étudiants d’une école professionnelle spécialisée.

Yuuto pensait qu’il était peu probable qu’il soit capable de créer la meilleure qualité d’acier japonais de qualité militaire, appelé tamahagane. Mais il était presque sûr qu’il pouvait au moins produire du fer de qualité décente en environ un mois.

Malheureusement, les résultats avaient été un échec après l’autre, et même maintenant, il n’avait pas encore réussi une seule fois à raffiner le fer.

En fin de compte, il y avait une énorme différence entre le fait de n’avoir qu’une petite quantité de connaissances et le fait d’avoir une expérience du monde réel lorsqu’était venu le temps de mettre les choses réelles en pratique.

« Hé, Ingrid, le feu n’a pas l’air assez fort, » déclara Yuuto. « Pompe encore un peu plus le soufflet. »

« Je suis déjà dessus ! » répliqua Ingrid.

Ingrid et quelques hommes pressèrent leurs pieds sur la large planche du soufflet, pompant de l’air dans le fourneau. Cela avait accéléré la combustion des flammes dans la fournaise, ce qui l’avait rendue plus chaud.

Si l’on demandait pourquoi les humains s’étaient historiquement tournés vers les armes en bronze plutôt que vers le fer qui était largement supérieur, la réponse était que les processus de fusion et d’affinage du fer exigeaient beaucoup plus de chaleur.

Une flamme plus chaude nécessitait plus d’oxygène, mais il y avait une limite à la quantité d’oxygène naturellement présente dans l’air. Ainsi, ce n’était qu’en utilisant des techniques pour pomper rapidement de grandes quantités d’air dans le four que l’on avait pu produire des flammes assez chaudes pour affiner le fer.

« Yuuto, ça devrait suffire, non ? » demanda Ingrid.

« Hm, ouais, ça devrait pour l’instant le faire, » répondit Yuuto.

Tout en vérifiant la couleur et la force des flammes, Yuuto s’arrêta pour prendre une courte pause.

À l’heure actuelle, Yuuto était enfin capable de comprendre et de parler la langue locale, mais bien sûr, pas complètement. S’il ne pouvait pas communiquer, alors il ne pouvait rien faire. Il semble que la nécessité créée par ce type d’immersion forcée ait accéléré sa capacité à apprendre la langue.

« Bon travail aujourd’hui, Grand Frère, » Félicia avait fait un éloge à Yuuto. « Tu dois être fatigué. »

Bien sûr, c’était en grande partie grâce à l’aide de Félicia, qui pouvait utiliser son galldr de Connexions pour lui permettre de comprendre le sens des mots tels qu’il les entendait.

Yuuto secoua la tête. « On n’a pas encore fini. En vérité, c’est là que le travail commence vraiment. Maintenant que nous avons la bonne température, à partir de maintenant, nous devons la maintenir pendant trois jours et trois nuits entiers sans nous arrêter pour nous reposer ou dormir. »

 

☆☆☆

 

« S-Sire, ce n’est pas bien de faire fonctionner le commandant en second comme ça..., » s’était opposé un homme.

« C’est bon, c’est bon, » déclara Loptr. « Le destin du Clan du Loup en dépend. Alors, laissez-moi-le faire. »

L’homme aux cheveux d’or avait pris une pelle de l’ouvrier déconcerté, et commença à ramasser le sable de fer pour le déposer dans le four.

En raison de sa silhouette élégante et noble, il n’avait pas l’air à sa place quand il s’agissait de faire le genre de travail manuel vous faisant normalement dégouliner de sueur. C’était plutôt ce que faisaient normalement, faute d’un terme plus poli, les gens les plus bas de l’échelle sociale.

« Et ton propre travail, Grand Frère Loptr ? » cria Yuuto de l’autre côté, sans arrêter son propre travail.

« J’ai tout lâché pour venir ici, » répondit Loptr.

« Hé ! » s’écria Yuuto.

« Hahahahaha, je disais ça seulement en plaisantant, » ricana Loptr. « C’est vrai que j’étais tellement préoccupé par la façon dont les choses se déroulaient ici que je n’arrivais pas à bien me concentrer sur mon travail. »

« N’as-tu pas confiance en moi, hein ? » demanda Yuuto.

« Après tout, si nous n’obtenons pas rapidement de résultats, les choses vont mal tourner pour nous, » répondit Loptr.

« ... Je comprends, Grand Frère, » déclara Yuuto.

Tous les deux avaient après ça continué leur travail en silence et minutieusement.

 

☆☆☆

 

Le lendemain matin, une fille aux cheveux argentés était passée à l’atelier pour une visite.

« Yuuto, je vois que tu travailles dur, » déclara Sigrun. « Je suis venue voir comment ça se passait sur ton front. »

« Oh, hé, Sigrun, » répondit Yuuto sans se tourner vers elle. « Bonjour. »

Le succès ou l’échec de la méthode du tatara reposait entièrement sur le contrôle de la température du feu. S’il faisait même un peu trop chaud ou trop froid, le processus échouerait. Yuuto n’avait pas obtenu un seul succès jusqu’à présent. Ainsi, il n’avait pas pu quitter la fournaise des yeux ne serait-ce qu’une seconde.

« Tu commences enfin à avoir l’air un peu plus en forme, » déclara Sigrun.

« Ouais, grâce à ça. » Tandis qu’ils échangeaient quelques plaisanteries, Yuuto ponctua sa remarque en enfonçant sa pelle dans l’imposante montagne de sable de fer entassée à côté de la fournaise.

La méthode du four tatara nécessitait de très grands volumes de charbon de bois et de sable de fer. Au cours des cinq derniers mois, Yuuto n’avait cessé d’aider à l’abattage des arbres et au transport du bois.

Quant au processus de fusion et d’affinage du fer, il travaillait sans relâche depuis trois jours et trois nuits à la fois, pelletant continuellement le sable de fer lourd avant de le placer dans le four. C’était le genre de travail qui était épuisant rien que d’y penser. Et ce genre de travail l’avait musclé.

De plus, à ce moment-là, son corps commençait enfin à s’adapter à la nourriture d’Yggdrasil, de sorte qu’il ne souffrait plus tout le temps de douleurs abdominales ni de maladies.

Yuuto avait quatorze ans, en pleine croissance. Il avait beaucoup mangé et travaillé dur, et il était devenu un peu plus grand au cours des six derniers mois.

« Alors, penses-tu que ça va marcher cette fois-ci ? » demanda Sigrun.

« Je vais faire en sorte que ça marche, » déclara Yuuto.

« Bonne réponse, » elle sourit malicieusement. « ... Hé, attention ! » cria Sigrun en avertissant Yuuto qui trébuchait sur ses propres pieds.

« Wouaouh — !? » s’écria Yuuto.

Son visage s’approcha dangereusement de la fournaise, mais en un instant, Sigrun avait saisi l’arrière de ses vêtements et le ramena en lieu sûr.

« Franchement, voilà ce que j’obtiens en te complimentant, » déclara Sigrun.

« D-Désolé. Merci quand même. Tu m’as vraiment sauvée, » en essuyant les sueurs froides et soudaines, Yuuto expira de soulagement.

Peut-être qu’à cause de sa concentration intense, il avait complètement bloqué toute sensation liée à la fatigue, mais il était resté au travail toute une journée et toute une nuit sans se reposer. Apparemment, l’épuisement avait atteint ses jambes.

« Donne-moi ça, » ordonna Sigrun. « Ce genre de chose est mon domaine de prédilection. »

« Mais, je ne peux pas..., » commença Yuuto.

« Ne dois-tu pas durer trois jours et trois nuits ? Je vais te remplacer un moment, alors assieds-toi et repose-toi, » Sigrun avait pris la pelle de Yuuto avec une certaine force.

Yuuto avait un sentiment de déjà vu. Il se souvenait d’une époque où il avait essayé d’allumer un feu, et quelque chose de semblable s’était produit.

À l’époque, Sigrun était complètement exaspérée par lui. Mais maintenant, malgré ses paroles brusques, il pouvait sentir qu’elle était plus attentionnée et respectueuse envers lui, même si ce n’était pas énorme.

Les choses avaient changé.

***

Partie 2

« Très bien ! Avec ça, on en a fini avec la phase de soufflage ! » Avec sa déclaration, Yuuto avait fait quelques pas en arrière sur ses jambes bancales, et s’était finalement laissé tomber par terre avec un bruit sourd.

Les parois du four d’argile étaient devenues minces, et des particules de flammes jaillissaient de l’intérieur. Trois jours et trois nuits entiers s’étaient écoulés depuis l’allumage du feu, et ils avaient finalement atteint le quatrième jour fatidique.

Les ouvriers avaient retiré un à un les tuyaux de ventilation du fourneau et scellé les ouvertures avec de l’argile.

Pendant que Yuuto les observait, Ingrid s’approcha de lui.

« Il nous reste plus beaucoup de temps, hein ? » demanda-t-elle.

« Ouais, maintenant on attend que le feu refroidisse un peu et on casse le four d’argile. » Yuuto hocha la tête, puis il prit une houe et se leva. Son épuisement avait atteint son apogée, mais il ne pouvait pas rester assis.

Il s’était approché et s’était immobilisé près de la fournaise pendant un certain temps, inspectant la force des flammes.

« D’accord, cassons-le ! » déclara Yuuto.

« Très bien ! » cria Ingrid.

Ingrid avait elle aussi pris une houe et se tint à côté de Yuuto.

Les flammes brûlaient encore à l’intérieur de la fournaise, remplissant l’air autour d’eux de chaleur, mais le feu s’était affaibli par rapport au moment où ils l’avaient pompé à pleine puissance.

Yuuto plaça la houe contre le bord supérieur de la fournaise, et tira de toutes ses forces. Ingrid avait suivi son exemple.

Les parois du four d’argile étaient assez épaisses lorsqu’elles avaient été construites et séchées, mais après trois jours d’exposition aux puissantes flammes qui s’y trouvaient, l’argile était maintenant cassante et mince, et elle s’était facilement effritée grâce à leurs efforts combinés.

Des étincelles s’étaient envolées dans les airs, et quelques-unes leur avaient été soufflées au visage, mais ils les avaient ignorées et avaient continué leur tâche.

Et enfin, toutes les parois du four tatara avaient été arrachées, et au centre se trouvait le produit métallique, connu sous le nom de loupe ou kera. Elle brillait en orange vif comme de la lave fondue.

« Beau travail, Yuuto ! » cria Ingrid. « On l’a fait ! »

Elle se tourna vers Yuuto et lui tendit la main.

« Toi aussi, Ingrid. Merci. » Sans perdre une seconde, Yuuto lui avait tendu la main et lui avait donné un « tope là ! ».

Tous deux avaient tout dépensé, corps et âme, dans le travail qu’ils venaient de terminer.

Il ne restait plus qu’à laisser la loupe refroidir pendant deux heures, puis à la sortir et à la refroidir davantage avec de la neige et de la glace.

« Hé. Yuuto, pourquoi tu n’irais pas un peu dormir ? » demanda-t-elle.

« Il en va de même pour toi, Ingrid. Va te reposer, » déclara Yuuto.

Tous deux avaient travaillé sans dormir jusqu’à ce moment, et tous les deux avaient des poches sombres sous les yeux.

Cependant...

« Je m’inquiéterais trop de la tournure que ça va prendre, » répondit Ingrid. « Comment diable pourrais-je dormir ? »

« Il en va de même pour moi, » déclara Yuuto.

Ils avaient tous les deux ri.

Pendant un quart d’année, ils avaient travaillé ensemble vers le même but, partageant les joies et les peines qui accompagnaient cette tâche. Ils étaient devenus des amis proches qui se comprenaient vraiment.

« Crois-tu que... ça va enfin marcher cette fois-ci ? » demanda Yuuto alors qu’il s’assoyait sur le sol, fixant devant lui la loupe encore ardente.

Il avait déclaré fièrement à Loptr et Sigrun qu’il réussirait certainement, mais c’était alors qu’ils étaient encore à mi-parcours. Maintenant que sa participation était terminée et qu’il n’avait plus rien à faire, Yuuto s’était soudain senti dépassé par l’anxiété.

« Aie confiance en toi, » répondit Ingrid.

« Pas vraiment, et c’est pour ça que je te le demande, » déclara Yuuto.

« Hahaha, eh bien, c’est juste. Après tout, tu étais vraiment lent et maladroit quand tu as commencé, » déclara Ingrid.

« Vas-tu vraiment en reparler ? » Yuuto soupira, déprimé.

« Tu as raison, et je vais le faire. Quelques coups de hache et tu te fais mal au dos. Tu as essayé de porter le sable de fer, et tu l’as renversé partout. J’ai maudit ma chance d’être forcée de travailler sous tes ordres, » répliqua Ingrid.

« Ouais, et bien, je suis vraiment désolé pour ça, » déclara Yuuto d’une voix triste.

« Oh, ne t’inquiète pas. Maintenant, je suis reconnaissante à Angrboða de nous avoir permis de nous rencontrer, » déclara Ingrid.

Sur ce, Ingrid s’était assise à côté de Yuuto. Sans regarder dans sa direction, elle continua à parler tout en regardant la loupe.

« Je me porte garante de toi en tant qu’Ingrid, le plus grand forgeron d’Yggdrasil. Ces trois derniers mois, tu as travaillé comme un acharné. Alors, si quelqu’un essaie de te faire de la peine ou de t’insulter, je le frappe avec mon marteau. Tu dois donc avoir un peu plus confiance en toi. En plus, je suis l’“Enfanteuse de Lames”, tu t’en souviens ? On ne peut pas échouer éternellement avec moi au travail. Eh oui, c’est ce que mon instinct me dit : Cette fois, ça va marcher. Ton dur labeur va payer. Et si ce n’est pas le cas, je t’aiderai à nouveau. Je t’aiderai autant de fois qu’il le faudra. Alors... Hé, réponds-moi, Yuuto ! Ce genre de choses est vraiment embarrassant à dire en face de quelqu’un, tu sais ! Hé ! ... Yuuto ? »

Ingrid avait légèrement poussé le bras de Yuuto avec son coude, et son corps avait basculé et s’était ensuite renversé pour s’appuyer contre son épaule.

« Qu’est-ce qui t’a pris de t’endormir ainsi ? » s’exclama-t-elle. « Et cela juste après avoir dit que tu n’y arriverais pas. Tu aurais dû rester éveillé et m’écouter, idiot. Je ne vais pas te dire tout ça une seconde fois. »

Après ça, Ingrid avait pris doucement la tête de Yuuto dans ses bras et, se plaignant tout le temps, la déplaça pour la poser sur ses genoux.

Puis elle caressa tendrement ses cheveux et sourit. « Très bien, c’est une récompense pour tout ton dur labeur. Dors bien, Yuuto. »

 

 

« Yuuto ! Yuuto, debout ! » déclara Ingrid.

Quand Yuuto s’était réveillé, il avait senti son corps se faire bousculer. Mais son esprit était boueux et obscurci, et il n’arrivait pas à penser clairement.

Il avait l’impression qu’il s’était passé quelque chose de vraiment important, mais à ce moment-là, son désir de se rendormir l’avait fait disparaître.

Oui, dormir. Yuuto voulait juste continuer à dormir.

Après tout, cet oreiller était vraiment le meilleur.

Il en avait tellement marre des oreillers rigides qu’il avait dû utiliser pendant les six derniers mois. Il allait apprécier celui-ci pour tout ce qu’il avait à offrir, il n’y avait vraiment pas d’autre choix.

« Réveille-toi, Yuuto ! » s’écria Ingrid.

« Ahh, tais-toi et laisse-moi dormir... » Yuuto repoussa la main qui le serrait, et tenta de se retourner pour se coucher de l’autre côté...

Squish.

Ce faisant, il sentit sa main s’accrocher à quelque chose de mou.

Qu’est-ce que c’est que ça ? Il serra la main par pur réflexe pour tenter d’identifier ce que c’était.

« Qu’est-ce que tu fous, espèce d’abruti !? » s’écria Ingrid.

*Clac !*

« Gaaah ! » Le soudain élan de douleur avait forcé Yuuto à retourner dans le monde des éveillés, et il avait ouvert les yeux.

Quand son esprit s’était éclairci, il s’était souvenu où il était et sur quoi il travaillait quand il s’était endormi.

« C’est vrai ! Comment est la loupe !? » cria-t-il.

« Ils l’ont déjà sortie et l’ont refroidie, » répondit Ingrid.

« Quoi — !? Pourquoi tu ne m’as pas réveillé pour ça ? » demanda Yuuto.

« Parce que c’est un travail que les travailleurs peuvent bien faire tout seuls. Tu dois te concentrer sur le travail que toi seul peux faire, et ce serait un problème si tu manquais tellement de sommeil que tu irais faire une erreur en inspectant cette foutue chose. Allez, lève-toi, maintenant, » déclara Ingrid.

Sur ce, Ingrid avait tiré sur l’oreille de Yuuto pour le forcer à s’asseoir.

Au moment où elle l’avait fait, Yuuto avait réalisé où il dormait. « A-Attends, hein !? L’oreiller était donc tes genoux !? »

« T-Tu t’es assoupi. Et tu m’es tombé dessus d’un coup ! » Ingrid avait crié sur la défensive. « Je me serai sentie mal de te réveiller alors que tu étais si épuisé, alors je me suis forcée à le supporter pendant un moment. Franchement... »

« Désolé..., » murmura Yuuto.

Avec un « Hmph ! » Ingrid se leva et sortit rapidement. Leur travail sur la fournaise était terminé depuis longtemps, mais pour une raison ou une autre, son visage était rouge.

« Hé, attends, » déclara Yuuto, en se dépêchant de la suivre.

À l’extérieur, il y avait des agglomérats gris de forme irrégulière éparpillée sur le sol. Ces morceaux étaient ce qui restait après que la loupe brillante se soit refroidie.

« C-C’est... ! » Yuuto s’était soudain précipité vers l’un de ces agglomérats.

Il était resté planté là, le visage gelé sous le choc, et le corps tremblant légèrement.

« H-hey, l’a-t-on fait !? Yuuto, est-ce du fer raffiné !? » Incapable de cacher son excitation, le regard d’Ingrid avait fait des allers-retours entre le morceau de métal et le visage de Yuuto.

Dans le monde d’Yggdrasil, le fer était un métal incroyablement rare, obtenu uniquement à partir de météorites qui tombaient du ciel. Ingrid était assez célèbre comme forgeron pour que son nom soit même connu dans la Capitale Impériale Glaðsheimr, mais même elle n’avait jamais vu la vraie chose en personne.

Au bout d’un moment, Yuuto lui répondit...

... en secouant la tête.

« Non, ce n’est pas du fer, » déclara-t-il catégoriquement.

Cependant, c’était quelque chose de très familier pour lui.

En vérité, c’était exactement ce à quoi il avait été habitué toute sa vie, aussi loin qu’il s’en souvienne.

Il n’y avait aucun moyen qu’il puisse en confondre l’apparence.

C’était juste qu’il avait supposé qu’il n’y avait aucune chance qu’un amateur comme lui puisse le créer.

Treize tonnes de sable de fer. Treize tonnes de charbon de bois.

C’était cette énorme quantité de ressources qu’il avait fallu pour obtenir seulement 200 kilogrammes de ce matériel.

Il s’agissait du métal dont on disait être le plus adapté pour forger une épée japonaise —

« C’est... du tamahagane. L’acier de la plus haute qualité, » annonça Yuuto.

***

Partie 3

« Félicitations pour avoir fini, Yuu-kun ! » cria Mitsuki. « Ça a dû être un travail très dur. »

C’était la nuit, Yuuto était maintenant debout dans le hörgr pour la première fois depuis un moment.

Le sanctuaire au sommet de la Hliðskjálf n’avait aucune protection contre le vent, et il faisait donc un froid glacial à cette époque-ci de l’année, mais Yuuto s’était bien préparé en s’enveloppant dans plusieurs couches de fourrures.

La théorie était qu’il pourrait être capable de rentrer chez lui s’il accomplissait sa « mission ». En d’autres termes, en créant des armes de fer qui pourraient transformer même une nation faible comme le Clan du Loup en une nation forte, peut-être avait-il rempli son rôle destiné dans ce monde.

Et ce soir, c’était aussi la nuit de la pleine lune.

Cela ressemblait plus à de la providence qu’à une coïncidence, et il avait mis de l’espoir, mais...

« J’imagine... que ça n’a pas marché, » déclara Mitsuki.

« Ouais..., » répondit Yuuto à regret.

Après tout, ce n’était qu’une coïncidence.

Yuuto avait essayé de créer l’effet miroir opposé, mais il n’avait pas ressenti la sensation que le monde vacillait, le phénomène qu’il avait vécu en changeant de monde.

Leurs attentes plus élevées n’avaient fait qu’accroître la déception.

« Eh bien, je suppose que c’est “parce que je n’ai pas vraiment gagné leur guerre pour eux”, » déclara finalement Yuuto. « On dit qu’après tout, les résultats sont ce qui compte dans le monde réel. Je suppose que j’allais trop vite. »

Il avait essayé de hausser les épaules et avait parlé sur un ton décontracté. Il essayait de changer d’attitude, car il n’y avait aucun sens à se morfondre et à s’attarder sur ce qui s’était déjà produit.

« Ça veut juste dire que le Clan du Loup a toujours besoin de mon aide, » continua-t-il.

Il le disait autant à lui-même qu’à Mitsuki.

Yuuto avait été convoqué à Yggdrasil pour apporter la victoire au Clan du Loup. Le raffinage du fer avait créé une opportunité pour eux, mais il serait certainement prématuré de dire qu’ils étaient sortis de la crise actuelle.

Leur premier raffinement réussi leur avait permis d’obtenir à peine deux tonnes métriques de bon fer. Il faudrait plusieurs autres répétitions réussies du même processus pour en faire assez pour fabriquer des armes et du matériel en fer pour toute l’armée du Clan du Loup.

En commençant par Ingrid, Yuuto avait enseigné toutes les informations pertinentes qu’il connaissait aux autres personnes travaillant avec lui sur le projet. Mais il y avait un problème dans le manque absolu d’expérience parmi les autres travailleurs.

Il ne faisait aucun doute que Yuuto, avec ses connaissances et son expérience, devrait continuer à diriger lui-même le projet afin d’assurer les meilleures chances de succès.

« Yuu-kun... tu es devenu plus fort, » déclara doucement Mitsuki.

« Hein ? Oui, c’est normal après tout le travail manuel que j’ai fait, » répondit-il.

Yuuto avait envoyé des photos actuelles de lui à Mitsuki, alors il s’était dit qu’elle faisait des commentaires à ce sujet.

« Non, ce n’est pas ce que je veux dire. C’est comme si j’avais l’impression que tu as un peu mûri. Ce que je veux dire, c’est que tu n’es même pas découragé en ce moment. Si j’étais à ta place, je serais si bouleversée que j’irai me pelotonner au lit et ne sortirais pas avant une semaine. »

« ... Oh, » en entendant ces mots, Yuuto se souvint qu’il avait été ainsi six mois plus tôt.

À l’époque, il s’était perdu dans le désespoir de ne pas pouvoir rentrer chez lui et avait essayé de s’isoler émotionnellement des gens qui l’entouraient.

Au moins par rapport à l’époque, Yuuto pensait qu’il aurait pu devenir un peu plus fort.

Ses tentatives d’affiner le fer avaient été une série d’échecs. Il avait failli abandonner dans le désespoir à plusieurs reprises, accablé d’anxiété et de pensées, c’est impossible de le faire seulement avec des connaissances de base glanées sur Internet. Mais même à ce moment-là, il avait continué à lutter, s’emparant finalement du succès par la force brute de sa détermination.

Il avait fait l’expérience d’accomplir quelque chose en donnant tout de lui-même face à l’effort. Et il y avait quelque chose dans la vie qu’une personne ne pouvait obtenir sans une telle expérience.

Le succès du jeune homme lui avait redonné confiance en son cœur — une vraie confiance qui ne vacillait ni ne se brisait à chaque petit revers, qui lui permettait de croire en lui-même quoiqu’il arrive.

 

☆☆☆

 

Alors que Yuuto terminait son appel téléphonique avec Mitsuki, il entendit une voix derrière lui.

« Après tout, tu étais donc là, » se retournant, il vit Loptr debout là, soupirant de soulagement. « Vu que le processus de raffinement du fer a réussi. Alors j’avais peur que tu ne sois peut-être déjà retourné au paradis après avoir terminé ta mission ici. »

« J’ai essayé, et ça n’a pas marché, » dit Yuuto.

« Quoi ? Alors tu as vraiment essayé de partir ? Tu es un type sans cœur. Tu aurais au moins dû nous dire au revoir, à Félicia et à moi, avant de partir, » déclara Loptr.

« Les deux dernières fois, je vous ai fait mes adieux et je n’ai pas pu rentrer chez moi. Alors, je suppose que je ne voulais pas me porter la poisse. Bien qu’à la fin, ça n’avait pas vraiment d’importance. Eh bien, si cela avait semblé fonctionner, j’avais l’intention de laisser ça ici, alors j’aurais pu de toute façon vous dire au revoir. » Yuuto regarda le smartphone dans sa main.

Félicia l’avait vu l’utiliser plusieurs fois. Elle devrait pouvoir imiter ses actions et répondre à un appel s’il arrivait.

Cela dit, cela n’avait pas changé le fait que c’était une façon froide de partir. Loptr avait raison à ce sujet. Même Yuuto le pensait.

« Ne te l’ai-je pas déjà dit ? » demanda vivement Loptr. « Je t’ai dit que tu le paierais si tu faisais pleurer ma mignonne petite sœur. »

« Je ne voulais pas non plus voir ma mignonne petite sœur jurée pleurée, d’accord ? » déclara Yuuto.

« Donc tu allais me laisser ramasser les morceaux ? Bon sang, c’est cruel. » Loptr s’était étiré en soupirant et en secouant la tête.

Il était vrai que si Yuuto avait réussi à rentrer chez lui, il aurait imposé à Loptr le rôle le plus difficile.

Il savait que cela aurait été mauvais pour lui, mais il aimait et respectait vraiment cet homme en tant que frère aîné, et il savait vraiment qu’il aurait pu faire confiance à Loptr pour bien gérer la situation.

« Hé, Yuuto, » déclara l’homme. « Serais-tu prêt à renoncer à rentrer chez toi et à prendre Félicia pour épouse ? »

« Quoi — !? Es-tu soûl ou quoi !? Qu’est-ce que tu racontes ? » Yuuto s’était mis à paniquer, confus par le fait que c’était hors de tout contexte ou prévision.

Sa première réaction avait été de penser qu’il s’agissait d’une blague, même si elle était de très mauvais goût, mais le regard de Loptr avait raconté une histoire différente. C’était sérieux et sincère d’une manière difficilement imaginable étant donné la facilité, la légèreté et de la difficulté d’y voir clair dans son comportement habituel.

« Je n’ai pas bu une goutte, » lui répondit Loptr. « Et je suis absolument sérieux. »

« Alors c’est encore pire, » déclara Yuuto. « Je te l’ai déjà dit, non ? Il y a déjà une fille que j’aime bien chez moi. N’as-tu pas dit à la rivière que tu ne pardonnerais pas deux à la fois ? »

« Je l’oublierai dans ce cas. Une fois que la neige fondra, la guerre reprendra. Cette fille est une Einherjar. En tant que commandant en second du clan, je ne peux pas laisser ses pouvoirs inutilisés, » déclara Loptr.

Le territoire du Clan du Loup s’étendait dans une zone élevée du bassin de Bifröst entourée de montagnes, et les neiges étaient épaisses à cette époque de l’année. Cela servait de défense naturelle, et à l’heure actuelle, cela empêchait le Clan de la Griffe d’envahir davantage la zone. Mais dans deux ou trois mois, la neige fondrait.

Les pas de la guerre, qui ne cessaient de s’empiéter, atteignaient déjà le seuil de leur porte.

« Je n’ai pas la moindre intention de la laisser mourir là-bas, bien sûr, mais on ne sait jamais ce qui va se passer sur les champs de bataille, » déclara Loptr. « Même si ce n’est que pour un petit moment, je veux qu’elle puisse vivre un peu du bonheur de la vie de femme, tant qu’elle le peut encore. En tant que son frère, c’est la seule façon pour moi de le faire. »

« ... Je suis désolé, » Yuuto tourna la tête, incapable de rencontrer le regard de Loptr. C’était tout ce qu’il pouvait faire pour faire sortir ses mots.

« Félicia t’aime bien, » dit Loptr. « Tu tiens à elle aussi, n’est-ce pas ? »

« S’il te plaît, arrête ça, Grand Frère, » déclara Yuuto.

« ... Je vois, » déclara Loptr avec regret. « C’est vraiment dommage. Je n’aurai pas de soucis à te confier ma petite sœur, tu sais. Comme avec personne d’autre. »

« Je suis sûr que Félicia pourra trouver quelqu’un d’encore mieux pour elle, pas un homme sans cœur comme moi, » rétorqua Yuuto. Ne voulant pas continuer cette conversation, il avait changé de sujet. « Et toi, Grand Frère ? Pourquoi ne te dépêches-tu pas de te marier ? Ce n’est pas bon pour le commandant en second d’être célibataire. »

Vers le début de la nouvelle année, Loptr avait mentionné qu’il avait vingt-deux ans. À Yggdrasil, où il était normal de se marier avant vingt ans, c’était assez vieux pour qu’il ne soit pas étrange d’avoir déjà un enfant.

Et ce n’est pas comme s’il n’était pas populaire, Loptr avait déjà trois femmes qui avaient des sentiments pour lui. Pour son âge, il était censé s’être marié bien avant Félicia ou Yuuto.

« Tu l’as dit, » déclara Loptr avec tristesse. « Je suis le commandant en second. Je finirai par... succéder au patriarche du Clan du Loup. Et c’est mon rêve depuis enfant. »

D’un seul coup d’œil, Loptr se retourna pour contempler le paysage qui se trouvait en dessous d’eux.

C’était la ville d’Iárnviðr, illuminée par la lumière blanc pâle de la pleine lune. C’était là que Loptr était né et avait grandi.

« Bien, alors c’est une raison de plus pour que tu le fasses..., » commença Yuuto.

« Et quand je l’aurai fait, si j’ai gardé la position de “femme légitime” vide, je pourrai l’utiliser pour la diplomatie, non ? » Les coins de la bouche de Loptr s’élevèrent en souriant.

Partout dans le monde et tout au long de l’histoire, les mariages dits politiques avaient été l’un des moyens les plus rapides et les plus faciles pour deux pays d’établir des relations amicales.

En tant que Japonais du 21e siècle, l’idée avait rendu Yuuto mal à l’aise, mais en même temps, il avait l’impression qu’on venait de lui montrer le fossé entre les deux.

Son frère aîné assermenté, Loptr, pensait d’abord à sa nation et, après s’être résolu à assumer le fardeau de la diriger, il agissait en pensant aussi loin.

Même si Yuuto avait mûri au cours du dernier semestre, même s’il n’y avait qu’une différence d’âge de six ans entre eux, Yuuto ne pouvait s’empêcher de penser que son frère aîné était inatteignable, loin devant lui en tant que personne.

Yuuto admirait Loptr et le respectait sincèrement. Il n’avait aucun regret d’avoir échangé le Serment du Calice et d’être devenu frère assermenté.

Mais le sentiment d’inadéquation en tant qu’homme par rapport à lui était insupportablement frustrant.

Il ne pouvait pas réfréner l’envie de se motiver vers l’objectif qu’un jour, il rattrape son retard.

Cependant, cette admiration enfantine allait déclencher les engrenages du destin et devait devenir le déclencheur de la tragédie qui allait suivre.

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