Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 3 – Chapitre 3 – Partie 2

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Chapitre 3 : Acte 3

Partie 2

« Raagh, bon sang ! Juste une putain d’étincelle ! » Crachant les mots dans la frustration, Yuuto avait déplacé l’archet dans sa main dans les deux sens à grande vitesse.

D’avant en arrière.

D’avant en arrière.

Encore et encore.

« Argh, franchement ! Pourquoi ne s’allume-t-il pas ? » demanda-t-il pour lui-même.

Gémissant à haute voix, Yuuto avait regardé la planche de bois devant lui avec tant de haine que l’on pourrait supposer qu’elle avait tué ses parents.

Il y avait plusieurs petites entailles noircies dans la planche, dont l’une était munie d’une tige de bois. La ficelle de l’arc court était enroulée autour de la tige de bois de telle sorte que le déplacement de l’arc en avant et en arrière faisait tourner la tige en place.

C’était une méthode pour faire du feu par friction, connue sous le nom de méthode de fabrication du feu par friction à l’arc ou archet. C’était censé être une façon courante d’allumer un feu à Yggdrasil, mais malgré le fait qu’il était à l’ouvrage depuis presque cinq minutes, il n’y avait même pas de fumée.

Ses bras commençaient vraiment à lui faire mal, à tel point qu’il ne pouvait s’empêcher de grogner à haute voix.

Lorsqu’il entendit un *soupir* las d’en haut, Yuuto leva les yeux pour voir Sigrun, qui était probablement venue le voir et le regarda d’un air exaspéré.

« ᛚᛖᛜᛞ: ᛃᚨᚷ ᚷᛟᛉ. » Sur quoi, Sigrun arracha avec force l’archet des mains de Yuuto et enroula de nouveau la corde autour de la tige de bois.

En moins de dix secondes, des bouffées de fumée blanche s’échappèrent de la planche.

« Attendez, mais comment !? » Yuuto fit entendre sa voix en raison de son émerveillement.

Sigrun l’avait ignoré et, d’un mouvement bien maîtrisé, elle ramassa le petit tas de sciure noircie — contenant maintenant une minuscule et fragile braise — et le transféra sur un morceau de coton fait de fougère d’osmunda.

Elle avait ensuite placé le coton au centre des brindilles minces et des bâtonnets qui avaient été empilés comme du bois d’allumage, et avait soufflé doucement dessus. Après quelques instants, le feu avait pris vie.

« Ohh, wôw ! » Yuuto s’était surpris à exprimer son étonnement et à applaudir avec ses mains.

Sigrun fronça les sourcils en le regardant avec une expression compliquée, et lui fit un geste de le repousser avec ses mains.

Même sans comprendre sa langue, Yuuto pouvait comprendre qu’elle lui disait qu’il était sur son chemin.

Comme il n’avait plus rien à faire, Yuuto s’était dirigé vers Félicia.

Alors que Yuuto s’approchait, Félicia se retourna comme si elle pouvait sentir sa présence et le salua avec joie. « ᛒᛉᛟᛞᛖᛉ! »

Cela lui avait d’autant plus réchauffé le cœur qu’il venait tout juste de se faire geler par Sigrun.

Elle avait chanté le galldr de Connexions sans que Yuuto ait à dire quoi que ce soit. Le processus était devenu une seconde nature pour elle.

« As-tu pu allumer le feu ? » demanda Félicia.

« Pas du tout. Sigrun a fini par me repousser après être exaspéré par moi, » répondit Yuuto.

« Oh là là ! » Félicia avait ri après ça.

Elle était occupée à utiliser un couteau pour éviscérer le poisson qu’elle avait attrapé plus tôt. S’ils étaient au Japon, alors une fille d’à peu près son âge serait sûrement dégoûtée par une telle activité, mais Félicia ne semblait pas du tout s’en faire, saisissant et jetant les tripes avec ses mains nues.

« Félicia. À propos de ce couteau, est-il en or ? » demanda Yuuto.

« Grand Frère, c’est du bronze. L’or est beaucoup trop précieux pour être utilisé pour quelque chose comme la cuisine, » répondit Félicia.

« Est-ce vraiment du bronze ? Mais ce n’est pas du tout vert, » répondit Yuuto.

Le bronze que Yuuto connaissait bien était d’une couleur verdâtre et opaque, comme la vieille statue dans la cour de son école. Mais le couteau saisi dans les doigts fins et pâles de Félicia était d’une couleur dorée brillante. Il avait un lustre réfléchissant qui ne ressemblait en rien à l’image qu’il avait du bronze.

« Je pense que ce que tu décris est probablement du bronze qui s’est terni, » déclara Félicia.

« Ahh, j’ai compris. Donc le truc vert était terni, » déclara Yuuto.

En y repensant, cette statue dans la cour de l’école avait été exposée aux éléments. Après des mois et des années de vent et de pluie, bien sûr, il aurait été terni. Il serait étrange qu’il ne l’ait pas fait.

Huh, donc le bronze commence comme cette couleur, s’était-il dit.

« C’est la couleur des couteaux en bronze et d’autres lames, mais le bronze que nous utilisons dans des choses comme les miroirs est d’une couleur blanc argent, » déclara Félicia.

« Attends, il y a aussi du bronze de cette couleur ? » demanda Yuuto.

« Oui, sa couleur varie selon la quantité d’étain que tu mélanges dans le métal, » expliqua Félicia.

« Euh, vraiment..., » Yuuto avait regardé de plus près le couteau en bronze.

Il avait un aspect inédit pour un Japonais comme Yuuto, dont l’image de la coutellerie de cuisine était l’éclat argenté terne d’un couteau de cuisine en acier de style hocho [1].

« Hmm... mais attends. Pour commencer, pourquoi utilises-tu un couteau en bronze ? Pourquoi pas en fer ou en acier ? » lui demanda Yuuto.

« Oh mon Dieu. Grand Frère, tu dis des choses si drôles, » déclara Félicia.

« Quoi ? Eh bien, je veux dire, n’est-ce pas normal d’utiliser du fer ? » demanda Yuuto.

« Euh... ? Ah, je comprends maintenant. Après tout, le fer est un don du ciel. Il est donc largement utilisé dans le pays au-delà des cieux d’où tu viens, » déclara Félicia.

« Attends. On arrête là ! Je ne comprends pas ce que tu dis, » s’était opposé Yuuto. « Le fer est-il un don du ciel ? »

« Oui. Pour nous, le fer est quelque chose d’incroyablement précieux, qui ne peut être obtenu que par les étoiles qui tombent du ciel. On l’appelle même le métal des dieux. Pour en acquérir, il faudrait cinq ou même dix fois son montant en or, » expliqua Félicia.

« Tu te fous de moi..., n’est-ce pas ? » Yuuto fut si choqué que sa réponse fut d’une voix faible et rauque.

Yuuto avait grandi en tant que fils d’un fabricant d’épées traditionnel, et le fer faisait donc partie de sa vie depuis aussi longtemps qu’il s’en souvenait. Et c’était censé avoir cinq à dix fois plus de valeur que l’or ? Cela signifierait que même les objets ratés amassés dans le bâtiment de stockage de l’atelier de son père seraient une véritable montagne de trésors dans ce monde.

« Hein ? Attends, mais c’est bizarre. » La tête de Yuuto s’était inclinée d’un côté quand un doute soudain était apparu.

Félicia venait d’affirmer qu’ils ne pouvaient s’approvisionner en fer qu’auprès des « étoiles filantes » — en d’autres termes, des météorites — et nulle part ailleurs. Mais cela ne devrait pas du tout être le cas.

« Attends, ce n’est pas possible... ! » Une réponse potentielle avait traversé l’esprit de Yuuto comme un éclair, le laissant abasourdi.

Jusqu’à présent, il avait une compréhension vague et générale du fait qu’Yggdrasil était un monde avec un niveau assez primitif de civilisation et de technologie. Mais il n’avait pas pensé que ce serait à ce point.

Yuuto parlait en serrant les dents, avec ressentiment. « J’ai enfin trouvé quelque chose que je suis le seul à pouvoir faire, mais... si c’est censé être ma “mission”, alors le dieu du destin a un sens de l’humour vraiment tordu. »

 

☆☆☆

 

Cette nuit-là, Yuuto poussa son corps fatigué dans les escaliers de la Hliðskjálf et se tint devant le miroir divin.

Il était venu parler à Mitsuki... mais ce n’était pas tout.

Ce soir et seulement ce soir, il devait d’abord faire quelque chose de plus important.

« Ouais, le voilà... donc je suis connecté à internet, » déclara-t-il.

Il avait supposé que, comme les appels téléphoniques pouvaient être faits, cela fonctionnerait peut-être aussi, et c’était exactement ce qu’il avait supposé.

Il avait utilisé la reconnaissance vocale pour effectuer une recherche en ligne, et comme d’habitude, les résultats de la recherche étaient apparus à son écran.

« Mais ça doit être ça, de toutes les choses..., » murmura-t-il, en grimaçant.

Un sentiment douloureux emplissait son cœur quant à ce qu’il devait faire.

C’était une voie à laquelle il aspirait depuis son plus jeune âge. Mais, poussé par la mort de sa mère, c’était une voie dont il avait décidé de se détourner définitivement.

Le vieux dicton japonais « Si vous détestez un moine, vous détesterez même sa robe » était très approprié. Yuuto ne pouvait pas se débarrasser de la répulsion qu’il ressentait maintenant à l’égard de tout ce qui concernait son père.

Mais...

Si ça m’aide à revoir Mitsuki, je ferai tout ce qu’il faut. Je survivrai à toutes les souffrances, les humiliations et les épreuves. Il se souvenait des paroles qu’il s’était juré d’avoir prononcées après avoir été encouragé par le vieux patriarche Fárbauti, et avant qu’il ne le sache, il avait déjà commencé à les regretter.

Il n’était pas possible qu’il ait pu savoir que l’une des épreuves qu’on lui infligeait serait quelque chose d’aussi clairement fait pour le contrarier jusqu’au tréfonds de son être.

Ce qui l’avait le plus frustré, c’était qu’il ne semblait pas non plus avoir le choix.

Le Clan du Loup était déjà dans un compte à rebours avant sa destruction. Au moment où cette ville tomba aux mains de l’ennemi, ni Loptr ni Félicia ne seraient probablement encore en vie.

Yuuto ne voulait pas perdre à nouveau sa famille.

Notes

  • 1 Hocho : Il s’agit des couteaux de cuisine japonais les plus connus, utilisés pour leur cuisine de tous les jours.

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3 commentaires :

  1. Merci pour le chapitre.

  2. Merci pour le chap ^^

  3. Merci pour le chapitre !

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