Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 3 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Acte 1

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Acte 1

Partie 1

« Aïe ! » La douleur aiguë qui avait traversé le cou de Yuuto l’avait ramené à la raison.

Pendant un instant, il s’était retrouvé envoûté par le charme presque divin de l’adolescente devant lui, rappelant les belles valkyries des mythes. Mais ce n’était pas le moment ou l’endroit pour de telles pensées.

« ᚻᛟᛉᛞᛖ ᛞᚢᛁᛜᚦᛖ? ᚹᛖᛞ ᚨᛉ ᛞᚢ !? » La jeune fille guerrière s’adressa à lui d’un ton froid et tranchant, ses longs cheveux argentés se balançant derrière elle à chacun de ses mouvements.

Yuuto avait réussi à comprendre qu’il était interrogé par la femme, mais il n’avait aucune idée de ce qu’elle disait. Il comprenait encore moins bien pourquoi il s’était retrouvé dans cette situation.

Yuuto était un étudiant tout à fait normal, une deuxième année du Lycée public de la Ville de Hachio. Après avoir été invité par son amie d’enfance Mitsuki Shimoya pour un test de courage nocturne, il avait utilisé la caméra de son téléphone intelligent au sanctuaire de Tsukimiya pour essayer de prendre un selfie avec le miroir sacré qui y était enchâssé. Soudain, il avait entendu une voix étrange, et avant de s’en rendre compte, il s’était retrouvé ici.

C’était quelque part à l’intérieur, mais même s’il était sorti du bâtiment, la fille devant lui et le groupe d’hommes rassemblés derrière lui n’étaient manifestement pas japonais, ce qui était illogique en soi.

« ᛇᚹᚨᛉ! » La voix de la jeune fille guerrière aux cheveux argentés augmenta en intensité avec irritation, et la partie plate de la pointe de son épée poussa la mâchoire de Yuuto vers le haut.

La sensation de froid du métal contre sa peau avait fait frissonner sa colonne vertébrale. L’épée dorée pointée sur sa gorge n’était certainement pas un accessoire ou un jouet. Il avait rapidement compris qu’il s’agissait d’une situation grave, de vie ou de mort.

« A-ai amu Japaniizu. » Il s’était identifié du mieux qu’il pouvait dans un anglais maladroit, tout en levant les mains en l’air pour indiquer qu’il n’était pas hostile. « M-mai nehmu izu Yuuto Suoh. »

Il allait sans dire que l’anglais était une langue internationale commune dans le monde entier, et il n’utilisait que les mots anglais les plus élémentaires que même un élève d’une école enfantine connaîtrait de nos jours. Il avait misé sur l’espoir que cela fonctionnerait au moins, mais...

« ... ? ᚹᚨᛞ ᛇᚨᚷᛖᛉ ᛞᚢ ? » La fille aux cheveux argentés ne faisait que froncer les sourcils de façon suspicieuse face à ses paroles. Elle n’avait pas l’air de le comprendre.

 

 

« Argh, bon sang, qu’est-ce que je suis censé faire !? » Yuuto n’avait pas pu s’empêcher de crier d’une voix misérable.

En vérité, il suppliait intérieurement qu’il puisse s’agir d’un rêve dont il pourrait se réveiller sous peu. Cependant, un peu de sa peau avait déjà été coupé, et la douleur aiguë dans son cou était indubitablement réelle.

Alors qu’il était complètement incapable de communiquer dans cette situation désespérée, Yuuto était rapidement devenu à bout de nerfs.

À ce moment-là, la voix d’une autre fille l’avait interrompu. « ᚹᚨᛜᚦᚨ ’ᚱᚢᛜᛖ. »

Contrairement à la voix digne et imposante de la jeune fille aux cheveux argentés, cette nouvelle voix était comme une clochette, claire et douce.

Quand Yuuto avait jeté un coup d’œil dans sa direction, il avait vu une fille aux cheveux d’un blond doré, et elle était tout aussi incroyablement belle que la fille aux cheveux argentés, qui marchait lentement vers lui.

Les minces vêtements blancs et flottants qu’elle portait rappelaient le costume d’un ange, et comparé aux vêtements de la jeune fille guerrière aux cheveux argentés, ils permettaient de voir beaucoup plus de sa peau. Même s’il savait que ce n’était ni l’heure ni le lieu, Yuuto avait du mal à détourner les yeux.

« ♪~~~ ! » Tandis qu’elle se tenait devant lui, la fille aux cheveux dorés ouvrit lentement la bouche et commença à chanter une belle mélodie.

Pourquoi chantez-vous tout d’un coup !? pensa Yuuto pour lui-même, sa confusion ne faisant qu’empirer. Cependant, en même temps, il était devenu admiratif face à la voix étonnante qu’elle avait. Il n’était nullement un expert quand il s’agissait de musique, mais même lui pouvait dire qu’elle était bien meilleure que beaucoup des idoles maladroites qu’il avait vues à la télévision.

Finalement, la jeune fille aux cheveux dorés s’arrêta et elle prit une profonde respiration, s’accroupissant de sorte que ses yeux étaient au même niveau que ceux de Yuuto. Puis elle avait doucement souri. « Pouvez-vous comprendre mes mots ? Oh, Enfant de la Victoire, Gleipsieg. Je m’appelle Félicia. »

« Connaissez-vous le japonais !? » Les yeux de Yuuto s’ouvrirent largement et, inconsciemment, il se rapprocha de la fille qui s’appelait Félicia.

Cela devait être la même chose que de rencontrer le Bouddha en enfer, de trouver une oasis dans le désert. Il y avait quelqu’un avec qui il pouvait parler, une personne avec qui il pouvait communiquer. Il n’aurait jamais pensé qu’une chose aussi simple apporterait un tel soulagement à son cœur !

« Non, je ne connais pas la langue de ceux qui habitent dans les cieux, » déclara Félicia.

« Hein ? Mais regardez, vous êtes en ce moment même en train de me parler, » déclara Yuuto.

« C’est un effet de mon galldr, ma chanson magique. Celui que j’ai utilisé s’appelle “Connexions”. Les mots que nous prononçons sont porteurs de nos pensées et de nos intentions. En d’autres termes, l’esprit du langage réside en eux. Pour ceux qui entendent cette chanson, la capacité d’envoyer et de recevoir cet esprit du langage est acquise pendant un certain temps, » expliqua-t-elle.

« Galldr ? Esprit du langage ? » Yuuto répéta ces mots.

Ces deux termes avaient une résonance assez occulte en eux. Il avait été élevé à l’ère scientifique du XXIe siècle, de sorte qu’il était assez sceptique à l’égard de ce genre de choses. Mais il ne pouvait pas non plus nier son explication.

Il avait sauté sur la conclusion qu’elle parlait japonais parce qu’il la comprenait. Mais au fur et à mesure qu’il se calmait et commençait à écouter, il s’était rendu compte que les mots prononcés par Félicia ressemblaient à ceux de la fille aux cheveux argentés de tout à l’heure, et qu’ils n’étaient pas du tout japonais.

Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, il pouvait comprendre leur signification. C’était absolument en dehors du domaine du bon sens de Yuuto.

En parlant de choses étranges, il y avait le fait d’avoir été transporté ici soudainement. Après avoir été à l’extérieur dans les montagnes, il s’était soudain retrouvé dans une sorte de temple. C’était un véritable mystère surnaturel.

Mais même si cela allait à l’encontre du bon sens, cela ne servait à rien de nier que ces choses se produisaient réellement, que c’était bel et bien la réalité. Il était difficile de se débarrasser complètement de la pensée que tout cela pourrait encore être un rêve, mais bien sûr, c’était une expérience beaucoup trop réaliste pour n’être qu’un rêve.

« Où... où est-ce que je suis ? » Yuuto bégaya ça. « Est-ce que c’est ailleurs que sur Terre ? »

« La Terre... Une étoile bleue flottant au milieu d’un vide sombre et chaotique ? Je vois. C’est donc dans ce monde que résidait l’Enfant de la Victoire, » Félicia acquiesça d’un signe de tête, comme si elle digérait bien les nouvelles informations.

À en juger par les mots qu’elle venait de prononcer, le concept du monde en tant que corps céleste flottant dans l’espace lui était étranger. Et pourtant, un seul mot — Terre — lui avait transmis ce concept.

C’est donc l’esprit du langage, hein ? Sans un mot d’explication verbale supplémentaire, l’image subconsciente et la description associée que Yuuto entendant lorsqu’il pensait au mot « Terre » pouvaient être clairement transmises. C’était un pouvoir tellement pratique !

Yuuto tremblait devant les implications. S’il avait ce pouvoir, il était certain qu’il pourrait éviter la douleur et les peines d’étudier et qu’il pourrait devenir un expert du jour au lendemain en anglais.

« Ça sonne si différent de notre monde. Ohh ! Vous êtes vraiment l’Enfant de la Victoire, Gleipsieg, qui nous a été envoyé du ciel par notre divin protecteur, Angrboða ! » Alors qu’elle était dépassée par l’émotion, les yeux de Félicia se mirent à laisser sortir des pleurs. Elle était tombée à genoux sur place et avait serré ses mains l’une contre l’autre devant son ample poitrine.

« Euhh..., » Yuuto s’était gratté la tête, perplexe et ne sachant rien sur la façon de réagir face à ça.

Il ne se souvenait pas d’avoir déjà entendu le nom Angrboða. Il ne savait pas comment répondre à l’appel d’un dieu dont il n’avait jamais entendu parler, mais en toute honnêteté, c’était un peu troublant.

En même temps, il y avait une chose qui avait agi en lui comme une sonnette. Comme tout lycéen normal, Yuuto aimait les œuvres de fiction comme les mangas, les anime et les jeux.

« Vous dites qu’il y a des méchants, ou une chose comme ça, dans ce monde, et que vous voulez que je les batte ? », avait-il demandé.

Ce qui lui était venu à l’esprit, c’était la situation typique d’un JDR fantastique, alors il était allé de l’avant et l’avait demandé à haute voix. Il y avait probablement des gens en crise, menacés par un Seigneur-Démon maléfique ou un méchant puissant de ce type, et donc ils avaient convoqué un héros venant d’un autre monde, et le suppliaient maintenant de les sauver. L’histoire de l’« isekai » était si courante aujourd’hui qu’elle avait dépassé le cliché et était devenue en quelque sorte un genre respecté.

« Oui, nous, du Clan du Loup, sommes actuellement assaillis à l’est par le Clan de la Griffe, et à l’ouest par le Clan de la Corne, et nous avons été poussés au bord de la ruine », avait répondu Félicia. « Même en ce moment même, le Clan de la Griffe nous envahit, et nous offrions nos prières de supplication pour la victoire lors de nos prochains combats. C’est à ce moment-là que vous êtes apparu soudainement devant nous, venant de nulle part. S’il vous plaît, prêtez votre puissance au Clan du Loup, et sauvez-nous. »

« Ohhhhhh ! C’est ça ! C’est donc ça la véritable raison ! » En réponse à l’appel à l’aide presque douloureux de Félicia, Yuuto avait haussé la voix et il avait poussé un cri d’excitation. C’était une attitude tellement légère et désinvolte que l’on peut se demander s’il comprenait vraiment la situation.

Grâce au galldr de Connexions, les deux individus pouvaient communiquer leurs pensées l’un à l’autre sans problèmes, et pourtant il y avait un fossé fatal dans la compréhension entre eux.

« Oh, bon sang, maintenant je suis tout excité ! » s’était-il exclamé.

Un monde d’épées et de sorcellerie ! Y avait-il d’autres mots pour faire vibrer le cœur d’un garçon ? Non, il n’y en avait pas !

De tels fantasmes abondaient dans le monde de l’imagination, mais la chance d’en faire l’expérience dans la vie réelle était tout à fait différente.

Peut-être en raison du fait que Yuuto avait une personnalité optimiste au départ, ses sentiments de curiosité et d’anticipation avaient maintenant enterré l’inquiétude et le malaise qu’il éprouvait à l’égard de sa situation.

« Ohh ! Alors, êtes-vous prêt à nous prêter votre aide, ô, Gleipsieg ? » demanda Félicia.

« Oh, arrêtez avec cette histoire de Gleipsieg. Je m’appelle Yuuto. Yuuto Suoh, » répondit-il.

« Je vois. Alors vous êtes le Seigneur Yuuto-Suoh, » déclara Félicia.

« Juste Yuuto est très bien. Je n’ai de toute façon jamais vraiment aimé le nom de famille Suoh, » déclara-t-il.

« Bien, alors je m’adresserai à vous en tant que Seigneur Yuuto, » déclara Félicia.

« Euh, non, vous n’avez pas besoin du titre. “Seigneur” et autres ne me conviennent pas, » déclara Yuuot.

Yuuto était un garçon normal qui avait grandi dans le Japon rural, dans une famille descendant de nombreuses générations de roturiers. Le fait qu’on lui ait attribué des titres aussi honorifiques l’avait rendu nerveux.

« Non, je ne peux pas m’adresser à l’Enfant de la Victoire par son nom sans titre honorifique. Ce serait..., » déclara Félicia.

Une voix froide l’avait interrompu. « Attends, Félicia ! Je ne pense pas que ce type soit le Gleipsieg. »

Cela provenait de la fille aux cheveux argentés qui pointait une épée sur la gorge de Yuuto il y a une minute. Son arme était maintenant de retour dans son fourreau, et elle regardait Yuuto d’un air suspicieux, les bras croisés.

Avec l’effet du galldr Connexions, Yuuto pouvait cette fois comprendre ce qu’elle disait.

***

Partie 2

« Run, tu es grossière ! » Félicia avait crié. « Je peux dire que c’est lui. Je le jure sur ma rune Skírnir, le Serviteur sans Expression. Quand le seiðr de ma rune, Gleipnir, s’est activé, j’ai senti, sans aucun doute possible, la sensation qu’elle avait saisi avec succès l’élu de la “victoire”. Il est indubitablement le Gleipsieg ! »

L’esprit du langage présent dans les paroles de Félicia lui avait communiqué ce concept.

Seiðr signifiait « art secret » et faisait référence à un type d’art magique qui pouvait produire des effets beaucoup plus puissants qu’un galldr, mais en échange, il fallait plus de temps et une série de procédures rituelles compliquées afin de l’activer, en plus d’être plus épuisant pour l’utilisateur.

Quand Yuuto avait eu une vision de Félicia dansant au sanctuaire de Tsukimiya, ce devait être son interprétation de ce rituel. En tant qu’interprète de la magie, elle avait apparemment ressenti une sorte de réaction à cela.

Pourtant, contrairement à l’affirmation confiante de Félicia, le visage de la jeune fille aux cheveux argentés restait obscurci par la suspicion. « Ton pouvoir l’a appelé ici, c’est vrai. Il est soudainement apparu de nulle part, et il porte des vêtements bizarres comme je n’en ai jamais vu auparavant. Cependant... »

La fille nommée Run s’était soudain penchée très près de moi. Son beau visage glacial était juste devant le sien, touchant pratiquement son nez.

« Qu-Que se passe-t-il ? » La voix de Yuuto vacilla légèrement, et il sentit son pouls s’accélérer.

Les sentiments négatifs de la jeune fille aux cheveux argentés à son égard étaient évidents — il pouvait le constater à sa manière, ainsi qu’à l’esprit du langage qu’elle lui transmettait à travers ses mots — mais c’était une chose, et le reste était une autre chose bien différente. Avec une fille si belle et si proche de lui qu’il pouvait voir la longueur de ses cils et le lustre de ses lèvres lisses, il aurait été beaucoup plus ridicule pour son cœur de ne pas battre ainsi.

« Hm, comme je le pensais, » déclara-t-elle avec mépris. « Je ne sens rien venant de cet homme. Ma rune Hati, le Dévoreur de la Lune, est capable de renifler et de discerner toutes les sources de danger. Mon nez ne réagit pas du tout avec lui. Mais c’est compréhensible. Je pourrais le dire d’après la conversation entre vous deux. Il n’a pas de cran. Il manque de détermination. Félicia, il n’y a aucune chance que tu ne sois pas capable de le dire toi aussi, n’est-ce pas ? »

Run n’avait pas mâché ses mots ; son explication était brutale et franche.

« E-Eh bien, c’est..., » Félicia avait l’air troublée, et elle ne voulait pas regarder Sigrun dans les yeux. En d’autres termes, au fond d’elle, une partie de Félicia avait ressenti la vérité dans ces mots.

En regardant derrière elles, Yuuto avait vu le groupe de personnes qui avaient regardé la scène pendant tout ce temps commencer à hocher la tête l’un à l’autre en accord, jetant des regards suspicieux sur lui. Bien sûr, c’était plus que suffisant pour l’énerver.

« Hé, je n’ai jamais rien fait pour mériter d’être traité ainsi par quelqu’un que je viens juste de rencontrer ! N’allez pas juger les individus selon leur apparence, leur odeur ou quoi que ce soit du genre ! » s’écria Yuuto.

« Oh ? Eh bien ! Au moins, vous avez un aboiement assez courageux, non ? » Sigrun avait souri. « J’ai une idée. Et si je testais votre puissance ? Ça devrait clarifier les choses... si vous êtes vraiment le Gleipsieg, ou juste un faux sans valeur. »

Le coin de la bouche de la fille aux cheveux argentés se courba vers le haut en un sourire féroce.

« Comment la situation en est-elle devenue ainsi ? » Maintenant, à la dernière minute, Yuuto avait ressenti des doutes.

Juste à sa droite se dressait une imposante structure rouge-brun. Apparemment, il avait été convoqué dans une sorte de sanctuaire ou de temple situé près du sommet de ce bâtiment.

Après avoir quitté le sanctuaire et être descendu un très long escalier jusqu’au sol, on lui avait donné une épée de bois et on l’avait fait se tenir debout face à la fille aux cheveux argentés. Apparemment, Run était un surnom et son vrai nom était Sigrun.

Leur environnement sombre était éclairé par la lumière rouge des feux présents dans les braseros en métal. Le cercle lumineux de la pleine lune était suspendu dans le ciel.

Il se demandait comment allait Mitsuki en ce moment. Après tout, il avait soudainement disparu. Elle devait s’inquiéter pour lui.

Oh, je viens de me souvenir de quelque chose, pensa Yuuto, c’était seulement maintenant qu’il se rendait compte que le smartphone qu’il tenait dans sa main avait disparu. Il avait tapoté dans les poches de son pantalon pour vérifier, mais il n’était pas non plus là. Tout ce qu’il avait, c’était le chargeur de batterie solaire qu’il transportait toujours en cas d’urgence.

Il était probable qu’il avait laissé tomber son téléphone en raison de la surprise au moment où Sigrun avait pointé une épée sur sa gorge. Il devait aller le chercher le plus tôt possible.

Alors qu’il pensait cela, Sigrun avait parlé. « Vous n’avez pas l’air très calme. Qu’est-ce qui vous arrive ? Avez-vous commencé à perdre votre sang-froid ? Si vous ne voulez pas vous embarrasser, vous devriez probablement reculer, vous savez. »

« Tch. Taisez-vous ! Je n’ai pas besoin de vos conseils, » déclara Yuuto en faisant claquer sa langue.

Le téléphone pesait sur son esprit, mais pour l’instant, il devait régler le problème se trouvant devant lui. Après avoir été autant railler par les autres, s’il fuyait une bagarre avec une fille, cela affecterait son honneur en tant qu’homme.

Sur le côté, la blonde nommée Félicia avait l’air troublée. Yuuto pouvait voir des signes d’une importante fatigue sur son visage.

Elle avait déjà dépensé beaucoup d’énergie à utiliser le seiðr connu sous le nom de Gleipnir, puis Yuuto avait eu besoin d’elle pour réappliquer le galldr Connexions après que ses effets temporaires se soient dissipés. Ses techniques magiques étaient certainement très utiles, mais il semblait que leurs effets ne duraient pas très longtemps et qu’ils épuisaient l’énergie de l’utilisateur. Ils n’étaient pas quelque chose qui pouvait être utilisé un nombre illimité de fois par jour sans prendre de repos.

« Hehe. Je suppose que je vais prier pour que votre attitude ne soit pas seulement pour le spectacle, » avec une dernière insulte implicite, Sigrun avait préparé son épée de bois.

Sa position était bonne, et cela montrait qu’elle avait de l’expérience. On aurait dit qu’elle avait au moins suivi une formation, de sorte que sa confiance n’était pas que des paroles.

Mais à la fin, elle n’était encore qu’une fille. Elle avait adopté une attitude condescendante avec lui, mais son corps était beaucoup plus mince et délicat que celui de Yuuto. En regardant ses longs et minces bras, on aurait dit qu’elle aurait du mal à soulever une arme lourde dans une vraie bataille.

Si elle avait eu la corpulence et la force musculaire d’une lutteuse professionnelle ou quelque chose d’autre, cela aurait pu en faire une histoire différente, mais il n’y avait pas moyen qu’elle puisse se comparer à un garçon comme lui sur le plan de la force musculaire.

Les réflexes de Yuuto et sa capacité athlétique globale étaient légèrement au-dessus de la moyenne chez ses pairs de son école. Son père étant un fabricant d’épées japonaises traditionnelles, il avait eu plusieurs occasions d’apprendre les bases du kenjutsu auprès des praticiens du kenjutsu qui étaient les clients de son père. Et il avait gardé la routine de faire 100 frappes de pratique chaque jour. Avec une arme appropriée en main, il était sûr de pouvoir gagner un combat contre n’importe quel autre jeune homme moyen.

« Et bien, je suppose que je vais devoir faire attention à ne pas la blesser, » déclara-t-il en souriant. Il n’aimait pas vraiment cette fille, mais après tout, c’était quand même une fille.

Bien sûr, il était sur le point d’apprendre à quel point sa mentalité chevaleresque était déplacée en ce monde.

« Alors, commençons, » déclara Sigrun.

« Qu — !? » s’exclama-t-il.

Un instant plus tard, il se rendit compte que l’écart de près de cinq mètres entre eux deux avait disparu et que le beau et digne visage de la jeune fille remplissait déjà sa vision.

*Bam !* Yuuto avait ressenti un impact intense sur son articulation de l’épaule, suivi d’une douleur intense.

« Guh... ! Aaahhhhhh !! » cria Yuuto en raison de la douleur et du choc. Incapable de rester debout, il lâcha l’épée de bois et pressa sa main sur son épaule, tombant dans une position accroupie.

Cela faisait si mal qu’il ne pouvait même pas bouger. La sueur coulait de tous les pores de son corps.

« Hmph, c’est à peu près ce à quoi je m’attendais. Non, je pense que c’est encore pire. Félicia, cet homme n’est pas le Gleipsieg. Il ne servirait à rien, et cela même en tant que fantassin, » déclara Sigrun.

« Attends, Run ! Tu as été trop dure avec lui ! » déclara Félicia.

« Non, je me suis retenue comme il se doit. Je ne pensais pas qu’il serait aussi incapable de bloquer une attaque, » Sigrun avait laissé tomber une réprimande de Félicia, complètement indifférente.

Il n’y avait même plus de mépris dans son ton. Elle avait complètement perdu tout intérêt pour Yuuto, comme s’il n’était rien d’autre qu’un caillou sur le bord de la route, une existence complètement dénuée de sens pour elle.

« ... Attendez, » endurant la douleur, Yuuto avait réussi à parler.

Il n’était pas masochiste, et normalement il faisait tout ce qu’il pouvait pour éviter de se blesser. Cependant, il ne supportait pas de laisser les choses se terminer avec une fille qui le regardait comme ça.

Il avait à nouveau saisi l’épée de bois alors qu’il serra les dents en se tenant debout, reprenant sa position. « Encore un round. »

« ... Oh ? » demanda Sigrun. « Alors vous voulez à nouveau vous blesser. Vous êtes un type assez étrange. Très bien. Cette fois, allez-y et venez vers moi. Je vais vous faire bouger un peu. »

Même si ses paroles se moquaient de lui, son ton n’était pas complètement désintéressé. Son expression était glaciale, mais Yuuto pensait qu’il y avait un soupçon de plaisir quelque part là-dedans.

Yuuto avait déjà vu ce type de personne auparavant. C’était le type de personnalité « membre de club sportif », celui que l’on pouvait voir sur la tête d’un membre d’un club d’athlétisme ou d’une équipe sportive.

Avec une respiration profonde, Yuuto avait pris la position chuudan, son épée pointée correctement vers les yeux de son adversaire. Il avait stabilisé sa respiration et s’était concentré. Le paysage autour de lui semblait s’estomper, le bruit s’était estompé, et il n’avait vu que la fille aux cheveux argentés.

En vérité, il l’avait sous-estimée. Il avait dû admettre qu’il avait été celui qui tenait bêtement son talent pour acquis.

Même si le combat n’avait duré qu’un instant, grâce à cet échange, Yuuto s’était rendu compte de la différence de compétence entre lui et son adversaire. Il l’avait maintenant reconnu à un niveau profond. Son saut pour réduire la distance avait été aussi rapide que l’éclair, sa frappe vers le bas puissante et véritable, sans le moindre décalage. Il ne pensait pas pouvoir gagner contre elle dans un combat direct, pour dire franchement.

« Mais je ne peux toujours pas accepter d’être humilié par une fille, » avait-il crié en plaçant son épée en diagonale au-dessus de son épaule.

Mais utiliser la violence contre une fille allait à l’encontre de ses croyances, mais son adversaire était clairement beaucoup plus puissant que lui. Il n’avait pas besoin de se retenir ici.

Avec un thwack ! sec, elle avait bloqué son attaque comme il l’avait prédit. Sans s’arrêter, il avait continué en déclenchant plusieurs autres attaques successives.

« Ce n’est pas bon, » avait déclaré Sigrun. « Vous ne contrôlez pas votre épée. C’est comme si vous la balanciez simplement. Allez, avancez plus fort, et ne laissez pas vos épaules larges. Resserrez les aisselles. »

La fille aux cheveux argentés avait facilement dévié chacune de ses attaques, tout en soulignant les défauts de sa position.

Avec chaque attaque, la différence si importante de compétence entre eux devenait de plus en plus évidente pour lui. À ce rythme, il pourrait continuer pendant une centaine d’années et ne jamais la faire suer.

Même en sachant cela, Yuuto avait continué son assaut imprudent, en frappant encore et encore.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Vous êtes déjà lent, mais vous devenez encore plus lent maintenant. On dirait que vous n’avez pas non plus beaucoup d’endurance. Est-ce tout ce que vous pouvez faire ? » demanda Sigrun.

« Fermez-la... !! » Avec un hurlement, Yuuto lança toute sa force dans une attaque visant la poitrine de Sigrun.

« Quelle naïveté ! » Bien sûr, Sigrun l’avait facilement dévié avec sa propre frappe. C’était un contre puissant complètement différent de la façon dont elle avait bloqué ses attaques jusqu’à présent.

L’épée de bois de Yuuto s’était envolée de sa main, tournant dans les airs.

... comme Yuuto l’avait prévu.

« C’est vous qui êtes naïve ! » Sans arme, Yuuto s’était rapproché d’elle.

Dès le début, il n’avait de toute façon pas l’intention de frapper une fille avec une épée. Il lui avait lancé ses attaques en sachant qu’elle les bloquerait toutes.

« Hein !? » Pour la première fois, l’expression de Sigrun avait changé. Mais il était déjà trop tard !

Il y avait un vieux proverbe japonais : « Après la victoire, resserrez le cordon de votre casque. » Il existait à cause de situations comme celle-ci. Cela signifiait que les individus avaient tendance à baisser la garde et à s’ouvrir à l’instant même où ils pensaient avoir gagné.

En retournant la situation, vous pourriez aussi forcer les individus à baisser la garde si vous leur faisiez croire par erreur qu’ils avaient gagné.

C’était un truc qui apparaissait tout le temps dans les mangas, etc.

« Raaaaaghhh ! » Yuuto s’était laissé tomber, abaissant son centre de gravité, et s’était jeté sur Sigrun dans un tacle. Il avait envoyé ses deux bras afin d’entourer les jambes de Sigrun. C’était une attaque de judo de ramassage des deux jambes, appelé le morote-gari.

C’était un peu antisportif d’utiliser un mouvement comme celui-ci, mais les techniques de saisie du jujitsu qui étaient devenues la base du judo avaient leurs origines dans le monde des combats effectués sur les champs de bataille. Elle avait déjà baissé son épée, mais cela ne voulait pas dire que le combat était fini. C’était à cause de ça qu’elle avait baissé sa garde à ce moment-là.

Il voulait la renverser et la bloquer au sol pour l’empêcher de bouger. Cela aurait dû se faire en un battement de cil. C’était ce qui aurait dû arriver...

« Qu’est-ce que... !? » s’écria-t-il.

Son tacle avait directement touché son adversaire, mais le corps de la fille n’avait pas été affecté. Pour le dire franchement, il n’avait même pas le moins du monde bougé. C’était comme si elle était un arbre massif fermement ancré dans le sol. Comment peut-il y avoir autant de force dans son corps mince et délicat ?

Yuuto avait senti un frisson de terreur couler le long de sa colonne vertébrale, et il leva les yeux pour voir un regard plein de fureur froide qui le regardait depuis en haut. Et c’est là qu’il avait finalement réalisé où se trouvait sa tête.

Normalement, on devrait frapper avec l’une des épaules lors d’une prise de morote-gari, mais Yuuto était inexpérimenté, et son tacle avait été imprudent. Yuuto avait plaqué avec sa tête...

Il était placé pile entre les deux jambes de Sigrun.

« Khhh... ! » cria-t-elle. « Hyah !! »

 

 

Son épée s’était baissée avec force.

« Gah ! » Yuuto avait senti un lourd impact à l’arrière de sa tête, et il perdit connaissance.

***

Partie 3

« Wah ! »

Quand il ouvrit les yeux, Yuuto regardait un plafond inconnu. Les doux rayons du soleil qui pénétraient dans la pièce à un angle lui indiquaient combien de temps s’était écoulé.

« Attends ! Où est-ce que je me trouve ? » déclara-t-il pour lui-même.

Yuuto s’était levé du lit dur et avait jeté un coup d’œil autour de lui. Il avait dû être transporté ici après avoir perdu connaissance.

Les murs étaient peints avec un enduit blanc durci, mais la finition était rugueuse et la surface du mur était grossière et inégale. Franchement, ça avait l’air bâclé.

Sur une simple étagère assemblée avec des bouts de bois grossiers, il y avait des petits bols et des tasses en terre à côté d’objets qui rappelaient à Yuuto des figurines d’argile haniwa [1].

Yuuto avait pensé aux images qu’il avait vues à l’occasion à la télévision ou sur Internet, des maisons des peuples indigènes d’Afrique ou aux tribus minoritaires qui vivaient dans les montagnes rurales de la Chine et de l’Inde.

En même temps, cela avait fait naître chez lui le sentiment que ce qui s’était passé la nuit précédente n’était pas un rêve.

« ᚨᚻ ’ᚹᚨᛞ ᚻᚨᛜᛞᛖ? »

Yuuto se tourna vers la voix familière et douce, et la jeune fille aux cheveux dorés d’hier se tenait là, souriante et heureuse.

Alors que leurs yeux se croisèrent, Félicia se racla la gorge, et sa belle voix chantante résonna doucement dans toute la pièce. À ce moment-là, Yuuto se rendit compte qu’il avait déjà entendu la mélodie trois fois, et il avait pu en déduire qu’il s’agissait du galldr de Connexions.

Une fois qu’elle eut fini de chanter, Félicia expira doucement et se retourna pour lui parler. « Je vois que vous vous êtes réveillé, Seigneur Yuuto. Avez-vous mal quelque part ? »

« Non... non, je vais bien. Mais quand même... dès mon arrivée ici, j’ai affiché un spectacle vraiment pathétique, » découragé, Yuuto poussa un long soupir et se gratta la tête.

Les souvenirs de ce qui s’était déroulé juste avant de s’évanouir étaient encore vifs en lui. Au milieu d’une foule de spectateurs, il avait perdu contre une fille sans même se battre, et elle l’avait assommé. Il s’était lui-même humilié.

Et c’était sans parler du fait qu’il avait perdu après avoir fait un geste sournois. Franchement, il n’avait pas d’excuses pour ce qu’il avait. Plus il se le remémorait, et plus cela le rendait tout empli de gêne. Il aurait aimé effacer toute cette expérience de sa mémoire s’il l’avait pu.

« Teehee, » ria Félicia.

« Quoi — !? Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? » Yuuto éleva la voix alors qu’il s’irritait contre l’attitude de Félicia. Pourquoi avait-elle laissé sortir un petit rire ? Il la considérait comme une personne gentille qui était de son côté, et c’était comme si elle l’avait trahie d’une certaine façon en ce moment.

« Oh ! Je suis désolée, » déclara-t-elle. « Je ne peux pas dire ce que les autres pensent, mais je ne pense pas du tout que vous ayez été pathétique. Au contraire, ce combat n’a fait que confirmer ma conviction que vous devez être l’Enfant de la Victoire, Gleipsieg. »

« Hein ?? Qu’est-ce que vous racontez ? Je viens de me réveiller après avoir été assommé froidement, » déclara-t-il.

« En effet, » déclara-t-elle. « Cependant, si cela avait été une véritable bataille, et que vous aviez manié un couteau ou une épée courte, le cadavre de Run aurait été celui qui se trouverait sur le sol. »

Félicia acquiesça d’un signe de tête satisfaisant, puis elle fit un sourire enjoué et vilain qui semblait beaucoup plus en accord avec une fille de son âge que l’aura plus vieille et plus sage qu’elle projetait habituellement.

« Run était si frustrée... et le regard de déception qui était clairement visible sur son visage... ! Hee hee hee hee hee ! Oh, c’était vraiment un spectacle à contempler, » déclara Félicia en riant.

« Elle était donc frustrée..., » Yuuto avait du mal à imaginer cette fille au visage de glace montrant tant d’émotions. Si cela voulait dire qu’il lui avait causé un petit choc, alors au moins, c’était peut-être une petite réussite. « Même à ce moment-là, elle se retenait vraiment contre moi. »

Sigrun avait facilement bloqué chacune des attaques de Yuuto, et elle avait même commencé à lui donner des instructions comme l’aurait fait un entraîneur.

Si cela avait été une véritable bataille, alors ce combat aurait été duel où la vie et la mort étaient en jeu. Dans un tel cas, Sigrun n’aurait pas perdu de temps à jouer en restant sur la défensive. Par exemple, au premier round de leur combat, elle l’aurait frappé en un instant, l’abattant, et c’était la fin de l’histoire.

« Même si elle se retenait, c’est impressionnant, » répondit Félicia. « Même moi, je ne peux pas la toucher quand elle se bat à son meilleur. »

« Eh bien ! Même si vous dites que..., » Yuuto trouva ses yeux naturellement attirés par la volupté de la poitrine de Félicia. Sigrun, avec sa silhouette élancée, semblait au moins assez agile, mais le corps de Félicia était beaucoup plus galbé et abondant en douceur féminine. Elle ne ressemblait pas du tout à une personne capable de se battre.

« Oh, mon Dieu ! » avait-elle grondé un Yuuto qui la pensait une faible femme. « Sachez qu’en tant qu’Einherjar qui porte la rune de Skírnir, le Serviteur sans Expression, je suis assez forte. Au sein du Clan du Loup, il n’y a peut-être qu’une dizaine de personnes qui pourraient me battre. »

Le sens de ce mot lui était venu à l’esprit. Einherjar : Une personne choisie par les dieux qui porterait un symbole de leur sanctification, une rune, quelque part sur leur corps. Ils étaient capables d’utiliser des pouvoirs mystérieux inaccessibles aux humains normaux.

L’esprit du langage dans les mots de Félicia avait transmis le concept à Yuuto. Et Yuuto s’était rendu compte qu’il faisait l’expérience directe de l’un de ces pouvoirs mystérieux. Il n’avait pas d’autre choix que d’y croire.

« Je vois, » déclara Yuuto d’un signe de tête. « C’est pour ça qu’elle était si forte. »

Une tentative de plaquage à pleine puissance d’un garçon n’avait pas réussi à déplacer le corps de Sigrun d’un pouce. Ça lui avait paru étrange. Il y avait aussi les seiðrs qui l’avaient invoqué dans ce monde, et il y avait les galldrs qui ressemblaient à des chançons magiques tel que Connections. Ce monde était vraiment plein de magies et de mystères !

Le cœur de Yuuto, presque brisé, avait été ravivé de l’intérieur par les feux de l’excitation et de l’attente. « Génial ! Alors, si je devenais l’un de ces Einherjars, pourrais-je aussi devenir plus fort !? »

« Oui, en tant que Gleipsieg, je suis sûre que très bientôt vous manifesterez sûrement une magnifique rune, Seigneur Yuuto. Peut-être, comme le Tigre Affamé de Batailles, Dólgþrasir, du Clan de la Foudre, vous pourriez même être béni par les dieux avec des runes jumelles, » déclara Félicia.

« Ohhhh, des runes jumelles ! Ça a l’air trop cool ! » s’exclama Yuuto.

Dans son esprit, il s’imaginait avec des symboles brillants apparaissant sur le dos de ses deux mains, ou bien, peut-être en avoir une dans chaque œil. Et à ce moment-là, il obtenait un pouvoir qui le distinguait complètement des autres, et il abattait les ennemis alignés devant lui. Quand c’était arrivé, même cette Sigrun pourrait être aussi faible qu’un enfant par rapport à lui.

Cette idée lui avait donné un si bon pressentiment. Il avait l’impression qu’il tremblait rien qu’en l’imaginant.

« Oh, c’est vrai ! » déclara-t-il. « J’ai raté l’occasion d’obtenir une réponse hier. Mais où est-ce que je me trouve ? Ce n’est clairement pas le monde d’où je viens. »

Au moins, dans le monde de Yuuto, il n’y avait pas d’individus avec des pouvoirs aussi puissants que les Einherjars.

Et c’était sans parler de la magie comme le galldr, qui lui permettait déjà aujourd’hui de comprendre une langue totalement inconnue. Si une technique aussi étonnante existait dans le monde de Yuuto, il n’aurait pas besoin d’être forcé d’étudier à l’école une langue étrangère comme l’anglais.

« Ah, bien sûr, » déclara Félicia. « Il s’agit de Yggdrasil, une terre que l’on dit formée à partir du corps de l’ancien Dieu Géant, Ymir. »

Lorsque Yuuto entendit l’explication de Félicia, il avait eu en tête l’image d’un énorme géant allongé face contre terre dans une mer sans fin. De l’autre côté de son dos s’étendaient des montagnes, des plaines, des rivières et des forêts, et tout le monde généreux de la nature. C’était ainsi que Félicia, ou plutôt les habitants qui vivaient à Yggdrasil percevaient leur monde.

« Au pied des montagnes Himinbjörg qui se trouvent dans le centre approximatif de cette grande terre se trouve la capitale de notre Clan du Loup, Iárnviðr. C’est là que vous êtes arrivé dans ce monde, Seigneur Yuuto, » expliqua Félicia.

« Incroyable ! » s’enthousiasma-t-il. « C’est un monde fantastique parfait ! Et je crois que j’ai déjà entendu le mot de Yggdrasil. N’était-ce pas dans la mythologie nordique ? »

Yuuto avait placé une main sur sa bouche et s’était creusé les méninges. C’était un savoir qu’il avait acquis à partir de médias comme les jeux vidéo, mais il s’était remémoré que c’était le nom d’un arbre géant dans la mythologie scandinave qui avait formé la racine et l’axe du monde. Quoi qu’il en soit, la connexion avait fait battre la chamade à son cœur.

« Alors, y a-t-il des noms comme Gungnir, ou Odin, ou aussi Asgard ? » Yuuto avait fait entendre quelques-uns des plus grands noms de la mythologie nordique dont il se souvenait. Il était incapable de cacher l’enthousiasme présent dans sa voix.

« Euh, je ne reconnais pas les deux premiers mots, mais Ásgarðr est le nom de l’empire qui règne sur Yggdrasil, » répondit Félicia.

« L’empire... Donc, même si les mots sont les mêmes, ils peuvent se référer à des choses complètement différentes. Franchement... mais quand même, on peut communiquer si parfaitement, que c’est carrément effrayant, » déclara-t-il.

Il y avait eu des moments où Yuuto et Mitsuki avaient des difficultés à communiquer et à se comprendre, et ils étaient des amis d’enfance qui parlaient la même langue et se connaissaient depuis aussi longtemps qu’ils pouvaient s’en souvenir. Et pourtant, il pouvait parfaitement communiquer avec cette femme qu’il avait rencontrée il y a moins d’un jour, et qui parlait une langue complètement différente.

C’était tellement pratique qu’il n’avait pas pu s’empêcher de se sentir troublé par cela. Cependant, cela avait certainement aidé à faire avancer la discussion plus rapidement.

« On s’en fout des détails ! » avait-il déclaré. Il avait serré son poing et il s’était excité. « D’accord ! Alors tout d’abord, à propos de ces runes... hein ? »

L’estomac de Yuuto avait alors émis un grognement long et puissant. Maintenant qu’il y réfléchissait, il n’avait rien mangé d’autre qu’une petite barre énergétique avant de commencer l’épreuve de courage hier soir.

En entendant ça, Félicia cligna des yeux, puis sourit de façon enjouée. « Teehee ! Si on prenait d’abord le petit-déjeuner ? »

Notes

  • 1 Haniwa 🙁埴輪, « cylindres de terre cuite ») sont des terres cuites funéraires japonaises. On les a retrouvées sur de nombreuses tombes de la période Kofun (古墳時代, kofun jidai), du iiie siècle au viie siècle. Le mot kofun désigne en japonais le type de tertres funéraires, souvent « en trou de serrure », mais aussi rond ou carré, qui apparaît dans la seconde moitié du iiie siècle et disparaît au cours du viie siècle.
    Ils sont un sujet de recherches scientifiques et archéologiques depuis l’ère Edo (江戸時代).

***

Partie 4

C’est dur. Il s’agissait de la première impression de Yuuto.

« Euh ! N-n’est-ce pas à votre goût ? » Une femme d’âge moyen aux cheveux bruns attachés dans le dos demanda ça à Yuuto, d’une manière un peu effrayée.

Apparemment, elle s’appelait Angela, et elle avait servi comme servante dans la famille de Félicia depuis plus de dix ans. Elle s’occupait de tous les travaux ménagers, et elle avait préparé toute la nourriture qui se trouvait devant Yuuto.

« Euh, non, c’est bon, vraiment, » déclara Yuuto en toute hâte. « Ça m’a juste un peu surpris parce que c’est différent du pain auquel je suis habitué. Ce n’est pas mal du tout. » Yuuto agita les mains en essayant de dissiper les inquiétudes de Angela, puis il recommença à mâcher en hâte.

Le pain devant lui avait une taille et une forme presque identiques à celles du « pain melon [1] », un petit pain sucré avec lequel il avait grandi au Japon, sans le motif de hachures croisées caractéristique sur le dessus. Et c’était dur, plutôt que mou. C’était un spectacle assez familier dans ce monde alternatif.

Même chez lui, dans la Terre moderne, il y avait des variétés de pain dur, comme les baguettes françaises. Yuuto avait d’abord été découragé parce qu’il était tellement habitué à manger du pain mou, mais il avait un bon arôme du fraîchement cuit qui le rendait savoureux.

Il avait pris une autre bouchée. Crunch, Crunch, Crunch, Crunch, Clac !

« Argh ! Qu-qu’est-ce que c’est que ce bordel !? » s’écria-t-il.

Il était prêt à démontrer qu’il appréciait la nourriture comme étant savoureuse même si elle ne l’était pas vraiment, afin de leur épargner toute inquiétude à son sujet. Mais lorsqu’il avait soudainement mordu quelque chose d’incroyablement dur, une sensation de douleur avait jailli dans ses dents jusqu’au sommet de sa tête, et il n’avait pas pu s’empêcher de grimacer.

Quoi que ce soit, c’était beaucoup trop difficile à mâcher correctement. Il l’avait craché dans sa main et avait vu qu’il s’agissait d’une petite pierre.

Choqué, il regarda Félicia et Angela, mais toutes les deux le regardèrent d’un air interrogatif.

Félicia croyait que Yuuto était un être appelé le Gleipsieg, l’Enfant de la Victoire. Si elle pensait que sa servante avait été impolie ou qu’elle avait mal fait son travail, elle réprimandait sûrement la femme ou lui ordonnait de s’excuser auprès de Yuuto. Le fait qu’aucune de ces choses ne se produisait signifiait...

Pas possible... ça veut dire que c’est normal pour ce monde !? Yuuto avait réfréné son envie maladive de lever les yeux vers le plafond dans un geste d’incrédulité.

Il se souvenait d’avoir entendu son grand-père raconter qu’à l’époque où son grand-père était encore un jeune garçon, il était courant de trouver de petits morceaux de gravier mélangés au riz quotidien, mais Yuuto ne s’était jamais attendu à vivre une situation semblable.

« Seigneur Yuuto ? » demanda Félicia.

« Oh, Hmm. Avez-vous quelque chose à boire ? » demanda Yuuto.

« Oui, juste ici. Voilà pour vous, » déclara Félicia.

Après avoir reçu la coupe, Yuuto n’avait pas pu une fois de plus cacher sa surprise. Elle semblait remplie de lait, mais le problème venait de la tasse elle-même. L’objet se trouvait être une simple faïence faite d’argile et de terre pressées et durcies.

On dirait que j’ai trouvé un endroit vraiment primitif en arrivant ici, se dit Yuuto avec un sourire ironique et exaspéré.

« Eh bien, comme on dit, “quand on est à Rome...”, » il accepta la coupe et la vida d’un trait. Sa capacité à surmonter ces circonstances en une seule phrase avait démontré qu’il était à la base un jeune homme optimiste.

Ses yeux s’étaient élargis face à la saveur incroyablement riche du lait, qu’il n’avait jamais goûtée. « Oh, c’est vraiment bon. »

S’il devait tenter de le deviner, c’était probablement fraîchement traillé. L’un de ses camarades de classe était un jour parti en vacances dans la préfecture riche en agriculture d’Hokkaido. Dès lors, ce type n’arrêtait pas de dire à tout le monde : « Le lait que nous buvons ici n’est pas la vraie affaire ! » Yuuto avait maintenant l’impression de comprendre pourquoi.

Le Japon était connu dans le monde entier comme une nation pleine de nourriture délicieuse, mais pouvoir profiter d’ingrédients biologiques frais comme celui-ci coûtait cher pour une personne de la classe moyenne. S’il voyait les choses de cette façon, on pourrait dire qu’il s’agissait d’un repas de riche, recouvert d’un piètre décor.

« Oh, ça me fait me souvenir de quelque chose ! » Félicia avait soudainement frappé ses deux mains ensemble, puis elle s’était levée et s’était précipitée jusqu’à l’étagère présente sur le mur. Elle était revenue après ça avec quelque chose dans la main. « Est-ce peut-être le vôtre, Seigneur Yuuto ? »

« Ah ! » s’écria Yuuto, surpris de voir ce qu’elle tenait dans ses mains. Son lustre sombre et sa forme distinctive étaient visiblement hors de propos dans ce monde. Il l’avait perdue pendant tout le vacarme provoqué après avoir été convoqué ici, et il voulait se mettre à sa chercher le plus tôt possible.

« Oui, c’est le mien, » lui confirma-t-il.

Il s’agissait du « LGN09 alias Laegjarn », le smartphone bien-aimé de Yuuto qu’il avait acheté après son entrée en première année du collège. Après l’avoir pris dans ses mains, il avait poussé le bouton de mise en service à moitié par habitude.

Comme la plupart des jeunes d’aujourd’hui, Yuuto avait un peu de ce que les adultes appelaient la dépendance à Internet, et le fait de passer de longues périodes sans accès à un quelconque appareil connecté l’avait laissé insatisfait et incapable de se calmer. Alors même qu’il appuyait sur le bouton d’activation, il avait commencé lui-même à se taquiner pour avoir imaginé qu’il recevrait un signal ici.

« Hein !? » Il avait écarquillé les yeux face aux nombreuses notifications d’appels reçus.

Son doigt tremblant avait tapé sur l’icône du journal des appels, et il avait vu le nom de son amie d’enfance encore et encore. Il y avait eu des notifications quasi continues de 21 heures hier soir jusqu’à environ 4 heures de ce matin.

Son cœur souffrait de voir à quel point il l’avait clairement fait s’inquiéter pour lui, mais en ce moment, il y avait quelque chose d’autre qui retenait bien plus son attention.

« Est-il possible... que je puisse avoir un signal ici ? » murmura Yuuto.

L’épreuve de courage qui comprenait toute la classe avait commencé vers 20 h. Après avoir attendu leur tour pour commencer à marcher, ils avaient dû se rendre au sanctuaire et trouver le miroir divin juste avant 21 h. Cela signifie que ces appels comprenaient les appels reçus après l’arrivée de Yuuto dans ce monde.

Yuuto avait immédiatement ouvert sa liste de contacts et avait sélectionné le nom de Mitsuki, puis avait appuyé sur le bouton Appel.

« ... Donc ça ne se connecte pas, hein ? » murmura-t-il. « Je peux dire que c’est logique, mais... »

Le seul son émis par les haut-parleurs était le bip ennuyant, bip, bip, bip indiquant une incapacité de connexion. Il avait essayé plusieurs fois, mais le résultat était resté le même.

En y regardant de plus près, l’icône sur l’écran affichant l’intensité du signal affichait un X rouge.

C’était logique, bien sûr. Même au Japon, il y avait des endroits isolés dans les montagnes où il était normal que les téléphones cellulaires soient incapables d’obtenir un signal. C’était fou de penser que ça marcherait dans cet autre monde de qui sait où.

« Mais alors, comment cela explique-t-il ce journal d’appels ? » se demanda-t-il à voix haute.

Les appels reçus étaient clairement arrivés après son arrivée dans ce monde. Il regrettait vraiment d’avoir mis son téléphone en mode silencieux afin de préserver l’atmosphère sinistre d’un test de courage classique. Si sa sonnerie avait retenti, il l’aurait remarquée et aurait peut-être même été capable de répondre.

Il se tenait là, pensant à tout cela avec une expression difficile.

« Euh, quelque chose ne va pas ? » demanda Félicia, regardant de près le smartphone avec beaucoup d’intérêt. « Je n’ai jamais vu un objet briller comme un arc-en-ciel avec des couleurs si vives avant. De quel type d’outil s’agit-il et comment peut-il être utilisé ? »

Yuuto réalisa qu’il était à nouveau tellement absorbé par ses propres pensées qu’il avait ignoré Félicia et l’avait complètement laissée pour compte. Il devrait vraiment réfléchir à son mauvais comportement. Il venait tout juste de rencontrer Félicia, mais il comptait déjà sur ses soins et son aide à bien des égards. Il ne devrait pas être si impoli avec elle.

Il s’était raclé la gorge avant de répondre. « C’est donc ce qu’on appelle un “smartphone”, et c’est un objet pratique avec beaucoup de fonctions différentes. Par exemple... aha. Pourriez-vous vous mettre là un instant ? »

« Hum, comme ça ? » demanda Félicia.

« Ok, juste comme ça ! » répondit Yuuto.

B1-bip... clic !

« À l’instant, c-c’était quoi ce bruit !? Je pense jamais entendu avant aujourd’hui un tel bruit, » déclara Félicia.

« C’était le son de l’obturateur de l’appareil photo. Tenez, jetez un coup d’œil là, » déclara Yuuto.

Yuuto avait tendu le smartphone pour le montrer à Félicia, et elle cligna des yeux avec stupéfaction devant l’image affichée à l’écran.

« Qu-Quoi !? Est-ce... est-ce... moi !? » s’écria Félicia.

Intérieurement, Yuuto gloussa un peu, comme s’il venait de faire une farce. C’était le genre de réaction qu’il espérait.

« Un miroir... non, c’est différent d’un miroir, n’est-ce pas ? » Félicia jeta un regard nerveux entre le smartphone et Yuuto, l’air mal à l’aise. « C’est si étrange... comme si je regardais un seul instant de moi-même qui a été découpé... Eu-Euh, cela n’enlève pas mon âme ou n’absorbe pas ma vie ou... ou quoi que ce soit de cette nature, n’est-ce pas ? »

Yuuto n’avait pas pu s’empêcher de sourire avec ironie. Il était bien connu qu’à l’époque japonaise du Bakumatsu, au milieu du XIXe siècle, beaucoup de personnes étaient superstitieuses à propos des appareils photo venant de l’Ouest, craignant que l’appareil ne vole leur âme. Il semblerait qu’il y avait quelque chose d’universel dans les réactions humaines face à ce genre de choses.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter, » lui avait-il assuré. « Il n’y a pas d’effet secondaire comme ça, vraiment. »

« Je... Je vois. C’est bon à entendre, » déclara Félicia.

Félicia poussa un soupir de soulagement en entendant la nouvelle, et Yuuto gloussa un peu en mettant son doigt sur l’écran du téléphone. Il avait l’intention de parcourir ses photos pour montrer à Félicia un exemple du genre de monde dans lequel il vivait, mais l’image suivante qui était apparue l’avait fait se figer.

Sur un fond d’une dense forêt, son amie d’enfance se tenait debout avec une expression visiblement effrayée, ressemblant à un petit animal menacé. C’était la dernière photo qu’il avait prise avant de commencer l’épreuve de courage avec elle.

Il se souvenait de la longue liste d’appels manqués d’elle dans son journal d’appels. À l’heure actuelle, elle était sans doute accablée avec encore plus de peur et d’anxiété qu’elle n’en avait sur cette photo.

La main qui tenait le smartphone l’avait serré avec force. Il avait alors pris une grande respiration pour se calmer. Après avoir rassemblé sa détermination, il s’adressa à l’autre fille.

« Félicia, désolé pour tout ça. Mais pour l’instant, pouvez-vous me renvoyer dans mon monde ? » demanda-t-il.

« Hein !? Euh, Seigneur Yuuto ? A-Ai-je peut-être fait quelque chose qui vous a contrarié ? Si c’est à propos de Run, je la réprimanderai sévèrement, » déclara Félicia.

« Ah, ce n’est pas du tout ça. Ne vous inquiétez pas. C’est juste qu’il y a quelqu’un qui s’inquiète vraiment pour moi à la maison, surtout depuis que j’ai disparu si soudainement. » Il montra à Félicia l’écran de son smartphone une fois de plus, souriant maladroitement et en étant embarrassé.

Il était vrai que l’idée de devenir un puissant Einherjar l’avait pratiquement fait emplir d’être trop d’excitations.

Chaque jour, Yuuto allait à l’école et s’asseyait dans des cours ennuyeux, échangeait des banalités sans importance avec ses camarades de classe, rentrait chez lui et s’amusait sur son smartphone pour passer le temps. Comparé à cette vie quotidienne répétitive qui ressemblait à une force de l’habitude, passer ses journées dans ce monde semblait être plein de plaisirs et de stimulations.

Cependant, pour profiter de tout cela, il devait aller voir son amie d’enfance terriblement inquiète, lui faire part de la situation et lui demander la permission d’y retourner. Il pensait que c’était le moins qu’il pouvait faire.

« Hm-hm... euh..., » le regard troublé de Félicia s’était déplacé ici et là. « Mais même si vous me demandez ça, c’est... »

« ... Hein ? M-Mais, attendez. Est-ce vous qui m’avez fait venir ici ? » Yuuto sentit un frisson le traverser alors qu’il avait une horrible prémonition sur la direction que tout cela allait prendre.

« O-Oui, je l’ai fait. J’ai déjà fait plusieurs fois cette offrande rituelle et cette supplication pour la victoire, mais un messager arrivant du ciel a été une première pour moi aussi, et... franchement, je n’ai aucune idée de la façon dont vous pourriez rentrer chez vous, Seigneur Yuuto... »

« A-Attendez, attendez, attendez, êtes-vous sérieuse !? » s’écria Yuuto.

« Je... Je suis vraiment désolée. Il ne m’est jamais venu à l’esprit que les choses pourraient se produire de la sorte..., » répondit Félicia.

Félicia était si gênée que son expression était voilée, et son regard errait autour d’elle, incapable de rencontrer ses yeux.

Yuuto sentit ses jambes commencer à lâcher sous lui. Elle avait été en mesure de l’amener ici, alors bien sûr, il avait supposé qu’elle serait en mesure de le renvoyer chez lui. Après tout, le convoquer ici sans sa permission et sans aucun moyen de le renvoyer chez lui ne serait pas différent d’un kidnapping.

« C-C’est quoi cet enfer... ? Ce n’est pas drôle... Vous ne m’avez jamais rien dit à ce sujet... oh ! Oh, d’accord ! Ce sanctuaire ! » Yuuto s’était levé en criant.

Il venait de se souvenir des miroirs divins à l’intérieur du sanctuaire de Tsukimiya et du sanctuaire où il avait été convoqué. Celui du sanctuaire de Tsukimiya avait été rouillé et obscurci au point qu’il ne servait plus de miroir fonctionnel, mais qu’il avait la forme et la taille exactes de celui d’ici.

Quand Yuuto s’était trouvé attiré dans ce monde, le miroir avait émis une sorte de lumière mystérieuse. Les appels manqués s’étaient également démarqués. Si le miroir divin avait quelque chose à voir avec cela, peut-être le fait qu’il était loin de lui expliquait maintenant pourquoi il ne recevait plus de signal.

Il y avait aussi cette légende urbaine sur le sanctuaire de Tsukimiya.

« Si vous regardez dans le miroir à travers un miroir opposé la nuit de pleine lune, vous serez entraîné dans un autre monde. »

Il n’y avait aucune chance que cela n’ait rien à voir avec ces circonstances extraordinaires.

Notes

  • 1 Pain melon : (メロンパン, meron pan) est une spécialité boulangère dégustée au Japon, dont la partie interne est constituée de brioche classique et la croûte faite d’une sorte de cookie. La texture de cette croûte rappelle celle du melon cantaloup, d’où le nom (mais il peut aussi parfois être aromatisé au melon). Il existe de diverses saveurs : chocolat, citrouille, ananas... Des feuilles de chocolat peuvent être intercalées entre le pain et le cookie.

***

Partie 5

« Haah... haah... » Yuuto respira lourdement, complètement essoufflé, alors qu’il se penchait avec les deux mains sur ses genoux.

Il était évident que le sanctuaire dans lequel il avait été convoqué se trouvait près du sommet d’une grande tour. Mais il n’avait pas compté sur la différence d’effort qu’il fallait pour gravir une tour par rapport à sa descente.

Après avoir forcé Félicia à lui servir de guide et avoir fait un grand spectacle de course jusqu’à la tour, il avait commencé à monter la tour à pleine vitesse. L’escalier interminablement long avait finalement complètement sapé son endurance.

Apparemment, cette tour s’appelait la Hliðskjálf, un nom qui signifie « tour sacrée ». Au premier coup d’œil, elle semblait mesurer entre quinze et vingt mètres de haut. C’était à peu près la même hauteur que le toit du lycée que Yuuto fréquentait. Yuuto avait escaladé tout cela à pleine vitesse, donc dans un sens, il était inévitable qu’il soit aussi épuisé.

Bien sûr, Félicia était toujours à ses côtés et n’était pas à bout de souffle. « Allez-vous bien, Seigneur Yuuto ? »

C’est simplement parce que j’ai couru trop fort au départ, et je n’ai pas eu un petit déjeuner complet, se dit Yuuto, mais sa tentative de se consoler était creuse.

C’était une Einherjar, tout comme Sigrun, et on lui avait accordé des capacités physiques beaucoup plus impressionnantes que celles d’une personne ordinaire. Yuuto comprenait cela sur le plan intellectuel, mais plus il restait longtemps dans ce monde, plus sa fierté en tant qu’homme était complètement détruite.

« Ouff... Oh, wôw. Voilà donc à quoi ressemblent les villes de ce monde. » Yuuto avait enfin repris son souffle. Il se retourna et vit les rues de la capitale du Clan du Loup s’étaler sous lui.

Les bâtiments alignés à l’intérieur des hautes murailles du centre-ville étaient tous d’un étage avec des toits plats, mais il y avait une certaine grandeur dans leur apparence, une indication qu’ils faisaient partie de l’enceinte du palais où les puissants résidaient. Yuuto avait toujours associé les palais et les châteaux avec une couleur blanche, alors voir tout teinté du rouge de briques lui avait semblé un peu bizarre.

À l’extérieur de ses murs, c’était un monde totalement différent.

Tout près des murs se trouvaient des rangées de maisons simples et modestes. Il les avait vus de près sur le chemin du retour, et ils avaient l’air de n’être faits que de boue et d’argile malaxées. Aux yeux de Yuuto, ils ressemblaient à une version plus grande de quelque chose qu’un enfant pourrait construire pour le plaisir.

Mais même ces maisons étaient apparemment celles des personnes relativement plus aisées, et à mesure que l’on s’éloignait, les maisons étaient de minces cabanes aux toits de chaume.

Il s’était rendu compte d’un fait important grâce à des choses comme les murs de la chambre de Félicia et sa faïence. Il semblerait que la civilisation de ce monde n’avait pas vraiment progressé.

« Eh bien, oubliez ça. Le miroir est plus important en ce moment. » Yuuto se retourna et fit son premier pas vers le sanctuaire.

L’intérieur était un peu plus petit que le gymnase du lycée de Yuuto. Contrairement à la nuit précédente, il n’y avait plus les dizaines de personnes présentes, et les lieux étaient complètement vide et silencieux maintenant, assez pour que les pas de Yuuto fassent écho sur les murs.

Les murs intérieurs avaient été recouverts de ce qui ressemblait à du plâtre durci, et la belle surface blanche avait été recouverte de diverses peintures murales. Et comme dans un temple bouddhiste ou une église occidentale, il y avait une atmosphère à la fois grandiose et solennelle qui s’imposait à lui.

« Oh, le voilà, » déclara-t-il.

Se dirigeant vers le fond de la pièce, il y trouva le miroir divin exposé sur un autel et acquiesça d’un signe de tête de satisfaction. Cette similitude entre les miroirs ne pouvait en aucun cas être une coïncidence.

« Euh ! Y retournez-vous vraiment ? » lui demanda Félicia, ses yeux de cobalt vacillaient en lui demandant ça.

Pour elle, Yuuto était l’Enfant de la Victoire Gleipsieg, envoyé par les dieux pour la sauver, elle et son peuple, de la crise dans laquelle ils se trouvaient. S’il retournait dans son monde natal sans rien faire ici, qu’en adviendrait-il d’eux ? Cette inquiétude et cette peur étaient écrites sur son visage.

« ... Oui, je veux le faire. Je suis désolé, » Yuuto posa avec douceur une main sur la tête de Félicia pendant qu’il parlait.

Peu importe la situation, il n’aimait pas voir une fille qui avait l’air de vouloir pleurer. Il n’aimait pas cette Sigrun, mais Félicia l’avait bien traité. Il voulait faire quelque chose pour elle en retour et il désirait devenir le genre de personne qui pourrait l’aider, mais il savait qu’un tel rôle le dépassait comme il était en ce moment. En pensant les choses d’un point de vue plus équilibré, il y avait une limite à ce qu’un élève du collège médiocre comme lui pouvait accomplir dans un monde comme celui-ci.

« Eh bien, je suis sûr que c’est un chemin difficile pour vous, mais faites de votre mieux ! » déclara Yuuto.

Puis, levant la main en signe d’adieu, Yuuto avait allumé son smartphone et activé l’application d’appareil photo. Debout, dos à l’autel, il avait pris une photo de lui et du miroir divin avec la caméra tournée vers l’avant —.

— et il ne s’était rien passé.

***

Partie 6

« Hein ? » Après quelques minutes d’attente, Yuuto inclina la tête, confus.

« Seigneur Yuuto ? » Félicia l’appela, tout aussi perplexe. Sa tête était penchée d’une manière interrogative.

Le fait qu’il ait fait un signe d’au revoir et même déclaré ses adieux « faites de votre mieux ! » avait rendu cette situation incroyablement gênante et embarrassante.

« Il y a quelque chose qui m’échappe, là ? » Yuuto avait alors parcouru les informations présentes dans ses souvenirs liées à la légende du sanctuaire de Tsukimiya.

« Si vous regardez dans le miroir à travers un miroir opposé la nuit de pleine lune, vous serez entraîné dans un autre monde. »

La réponse lui vint rapidement. Dehors, le soleil était haut dans le ciel. Il brillait comme il se devait, à cette heure-ci de la journée.

« ... Félicia, quand sera la prochaine pleine lune ? » demanda-t-il.

« Eh !? Hier, c’était la pleine lune, donc le prochain devrait avoir lieu dans un mois, » répondit Félicia.

« Aghhhh, franchementtttttt ? » Yuuto avait gémi de désespoir alors qu’il s’accroupissait, la tête dans les mains.

Si un mineur comme lui disparaissait pendant un mois, il n’était pas difficile pour lui d’imaginer à quel point les choses redeviendraient graves de l’autre côté.

Franchement, il n’en avait rien à faire de son père, mais il allait probablement subir de lourdes réprimandes et subir un interrogatoire sérieux quant à l’endroit où il avait été et ce qu’il avait fait de la part de la police, de l’école et de Mitsuki.

Et le fait d’essayer d’utiliser l’excuse, « j’ai été envoyé dans un autre monde, donc je ne pouvais pas entrer en contact, » ne ferait rien de plus que de verser de l’huile sur le feu.

Dans tous les cas, il aimerait signaler qu’il était en sécurité et demander aux personnes à la maison de ne pas en faire un incident majeur, mais un autre regard sur l’écran de son téléphone avait confirmé que l’icône de puissance du signal affichait toujours un X rouge.

Rien que d’y penser, il devenait de plus en plus déprimé. En d’autres termes — .

« Eh bien, je suppose que perdre du temps à y penser ne va rien arranger. » Yuuto s’était déconnecté de cette ligne de pensée et s’était levé.

C’était maintenant un fait avéré qu’il serait coincé ici pendant un mois entier, incapable de contacter qui que ce soit chez lui, et qu’il allait connaître l’enfer à son retour. Dans ce cas, plutôt que d’avoir peur des retombées, la meilleure chose qu’il pouvait faire pour lui-même était d’oublier cela pendant qu’il était ici et de se concentrer à profiter au maximum de cet autre monde.

Et mieux encore, tant qu’il serait ici, il n’aurait pas à voir le visage de l’homme dans son monde qu’il détestait par-dessus tout. Il n’y avait rien de mieux que cela.

C’était l’étendue de la compréhension de Yuuto des choses à l’époque.

C’était un garçon toujours positif et optimiste.

Il n’avait pas encore connu la dureté et la cruauté du monde d’Yggdrasil.

***

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