Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 2 – Chapitre 1 – Partie 2

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Acte 1

Partie 2

Avant ça, Yuuto Suoh avait été un étudiant normal, fréquentant un lycée au Japon moderne. Pour une raison inconnue, il avait été convoqué dans cet ancien monde d’Yggdrasil, où il avait passé les deux dernières années à survivre.

À en juger par des choses comme la position des constellations, il était presque sûr que ce monde était encore la Terre, mais certains points ne se superposaient pas correctement.

Par exemple, il y avait l’époque où il se trouvait. En se basant sur les outils utilisés par les habitants et les matériaux employés pour leurs armes, le niveau de civilisation était à peu près le même qu’à la fin de l’âge du bronze.

Alors, avait-il été jeté dans le passé ? Cela ne semblait pas aussi simple et direct que cela. La position de l’étoile du Nord signifiait que cette zone devait se situer entre le 50 et le 55 degrés de la latitude-nord. Mais aucune carte de cette latitude ne correspondait à la géographie locale qu’il avait vue ou dont il avait entendu parler.

Bien sûr, un exemple encore meilleur serait l’existence de personnes dotées de pouvoirs surhumains, connues sous le nom d’Einherjar.

« Te voilà, Grand Frère, » déclara Félicia en lui tendant une coupe remplie d’eau.

Il se trouvait au milieu de l’été, mais la tasse était glacée. Naturellement, il n’y avait pas de réfrigérateurs ou d’autres commodités présent dans le monde d’Yggdrasil. Elle l’avait refroidi par la magie, un sort musical appelé galldr.

On disait qu’il y avait des douzaines, peut-être des centaines, d’individus avec des pouvoirs comme celui-ci dans Yggdrasil. Ils ne pouvaient pas être expliqués par la science et le bon sens du monde d’où venait Yuuto. Alors...

Où suis-je, vraiment ? Un malaise qu’il n’arrivait pas à exprimer était toujours en train de ronger son cœur.

Yuuto avait mis ces pensées de côté. Le fait d’y habiter n’aiderait en rien et, à l’heure actuelle, il était plus important de se concentrer sur le problème se trouvant devant lui.

« Grand Frère ! S’il vous plaît, épousez-moi ! »

Moins de trente minutes s’étaient écoulées depuis la proposition soudaine et véhémente de Linéa. À ce moment-là, Félicia l’avait sauvée avec tact :

« Le fait d’effectuer une intrusion dans le bain d’un supérieur et faire immédiatement une telle demande est irrespectueux. Une jeune sœur devrait commencer par laver le dos de son frère pour lui rendre hommage avant d’exiger des faveurs. »

Son esprit rapide l’avait temporairement sorti de cette situation, mais... il avait été tellement distrait par les filles se trouvant dans son dos qu’il n’avait pas été capable de rassembler correctement ses pensées.

En fait, même si Félicia avait commencé à se demander qui serait la suivante, c’était peut-être pour lui donner un peu plus de temps pour réfléchir à la réponse à sa proposition. Ce niveau de considération et d’attention était si caractéristique d’elle.

Il avait un peu honte de ne pouvoir s’en rendre compte qu’après coup. D’autre part, comment s’attendait-il à être calme et observateur, entouré de trois belles filles nues ? Quel était l’intérêt d’avoir du temps supplémentaire dans une situation où il ne pouvait pas penser rationnellement ?

Mais il n’avait pas le luxe de se plaindre. Yuuto était le patriarche du Clan du Loup, chargé de la vie de dizaines de milliers d’hommes de son clan. C’était une position qui ne permettait pas de trouver des excuses, quelle qu’en soit la raison.

« Ahhhh, si bon ! L’eau glacée juste après un bain chaud est la meilleure des choses ! » déclara Yuuto en buvant le contenu d’un autre verre.

Maintenant qu’il était sorti du bain, Yuuto en avait profité pour rafraîchir sa gorge et ses pensées. La vapeur qui avait obscurci son esprit pour diverses raisons semblait disparaître avec l’eau froide, et il pouvait penser beaucoup plus clairement.

« Oh, et merci aussi, Run. » Yuuto se retourna pour remercier Sigrun, qui se tenait à sa gauche.

Elle avait répondu avec un ton sérieux, inclinant la tête. « Ah ! Non, c’est un honneur d’être à ton service, Père. »

Pourtant, en regardant de près, il pouvait voir les coins de sa bouche se plisser vers le haut, et l’éventail à plumes de paon qu’elle tenait se déplaçait plus vite, comme un chien qui remuait sa queue.

Avec son corps nettoyé avec ce bain chaud au milieu de l’été, la brise qu’elle lui envoyait était merveilleuse... mais Yuuto ne pouvait tout simplement pas se sentir à l’aise avec le fait d’avoir une fille qui travaillait comme ça pendant qu’il s’allongeait sur une chaise. Cependant, il pouvait pratiquement déjà voir le triste visage de chiot qu’elle ferait s’il refusait l’offre, alors il la laissait faire ce qu’elle voulait.

« C’est vrai. Maintenant, ayons toute l’histoire, » commença Yuuto.

Assise sur une chaise en face de lui, sa jeune sœur nommée Linéa l’avait regardé avec un regard tendu alors qu’il lui demandait d’avoir tous les détails. Tout le monde était maintenant habillé, donc il n’y avait plus besoin de s’inquiéter d’être agité ou distrait.

« Vous et moi, pour que nous nous marrions ? D’où est-ce que ça vient ? » poursuit-il.

« Hein ? Est-ce si étrange que ça ? » demanda Linéa, inclinant la tête d’un côté en raison d’une curiosité sincère.

C’était un geste mignon, assez doux pour faire battre le cœur d’un homme, mais il n’y avait pas de place pour rester là à l’admirer dans cette situation.

Linéa avait alors continué alors que son ton était devenu soudainement très sérieux. « Pendant de nombreuses années, nous, du Clan de la Corne et le Clan du Loup de Grand Frère, nous nous sommes battus entre nous comme des ennemis inconciliables. Cependant, maintenant que mon Grand Frère et moi avons prêté le Serment du Calice, les deux clans sont devenus parents. Si nous devenons mari et femme, le lien entre nos clans s’en trouverait renforcé. Ce serait extrêmement précieux pour nous deux. »

« Bon, d’accord. Je peux comprendre ça, mais..., » Yuuto avait tâtonné dans ses paroles et il avait détourné son regard, incapable de résister à la sincérité passionnée présente dans les yeux de Linéa.

C’était une coutume qui s’était répétée d’innombrables fois tout au long de l’histoire de l’humanité, partout dans le monde : Les dirigeants de deux puissances opposées s’unissaient à l’aide d’un mariage, ce qui facilitera les relations amicales et servirait de garantie de non-agression mutuelle.

Rationnellement, il l’avait compris. Cependant, Yuuto avait été élevé avec les valeurs du Japon d’aujourd’hui. Il s’opposait par principe à l’idée d’un mariage dit stratégique ou politique. Et il savait que Linéa ne comprendrait sûrement pas ce sentiment s’il le lui expliquait. Dans cette situation, dans ce monde, celui qui avait d’étranges façons de penser était Yuuto.

« Vous êtes le chef du Clan de la Corne, leur patriarche. Ça ne vous dérange pas de laisser passer une si lourde responsabilité ? » Yuuto avait décidé de contre-attaquer à la place avec une question différente.

Si Linéa devait épouser Yuuto, elle devrait venir vivre avec le Clan du Loup. Cela nuirait dans tous les cas sérieusement à sa capacité à s’acquitter de ses fonctions de patriarche.

Il ne connaissait pas Linéa depuis très longtemps, mais ses sentiments envers son peuple étaient sincères. Elle avait offert son propre corps à un moment donné pour garantir leur sécurité. Il n’y avait pas plus de compassion que ça. Alors, une fille comme elle négligeait-elle son devoir de diriger son peuple pour le bien d’un mariage politique ? Ça avait l’air bizarre.

« C’est pourquoi je voudrais que mon Grand Frère reste ici à Fólkvangr et gouverne le Clan de la Corne avec moi..., » répondit Linéa.

« Qu’est-ce que vous dites ? » Yuuto avait poussé un cri hystérique avant qu’il ne puisse s’arrêter, coupant la parole à Linéa.

Yuuto et Linéa pourraient être un frère et une sœur liés par l’intermédiaire du Calice, mais cette conversation était aussi un entretien diplomatique entre les chefs de deux nations, avec leurs intérêts nationaux en jeu. Avec cela à l’esprit, Yuuto avait bien sûr pris soin de garder ses émotions près de sa poitrine et de maintenir un visage impassible, mais la suggestion de Linéa était si inattendue qu’il avait perdu son sang-froid.

« Quelle absurdité ! » Sigrun avait également élevé sa voix dans l’indignation. « Père est notre patriarche ! Pourquoi le Clan du Loup devrait-il le donner à la Corne !? »

Cependant, Linéa avait égalé son regard empli de force et elle avait crié en retour. « Bien sûr qu’il pourrait continuer à diriger le Clan du Loup ! Mais dites-moi, Grand Frère n’est-il pas le calibre d’un leader qui ne devrait pas rester patriarche d’un clan aussi chétif que le Loup !? » 

« Hmmm... » Sigrun avait grimacé, mais n’avait rien dit de plus. Il était clair qu’elle avait des sentiments mitigés. Cela allait certainement aggraver la situation que son clan soit déclaré « chétif », mais le maître qu’elle aimait et respectait était aussi loué par ces paroles. À cause de cela, il lui serait difficile de le réfuter.

En tant que fille qui n’avait consacré sa vie qu’aux arts martiaux, Sigrun n’était pas douée pour la conversation. Tandis qu’elle s’efforçait de trouver les mots pour répondre, Linéa la pressa davantage.

« Le territoire montagneux du Clan du Loup est principalement un sol rocheux impropre à l’agriculture, n’est-ce pas ? En revanche, nous, du Clan de la Corne, sommes bénis par les terres fertiles entre les rivières Örmt et Körmt ! De plus, Iárnviðr semblait être une ville prospère, sans doute grâce à l’influence de Grand Frère, mais notre capitale Fólkvangr est à une tout autre échelle ! Pour une personne destinée à conquérir et à régner sur les autres, il devrait être facile pour vous de voir laquelle d’entre elles serait un meilleur choix pour sa forteresse. ».

« Quoi !?  Êtes-vous en train de plaisanter là ? » cria Yuuto. « Avez-vous une idée de ce que vous dites !? »

Yuuto était à moitié en colère, et à moitié inquiet. Offrir de céder la souveraineté de sa nation à un étranger n’était pas seulement téméraire ; il ne serait pas surprenant que les membres du clan la voient comme un traître. C’était complètement en dehors des limites du raisonnable.

« Je suis bien au courant, » poursuit Linéa. « Je fais cette offre après mûre réflexion ! Alors, je vous le redemande, s’il vous plaît ! Veuillez m’épouser et diriger mon peuple, diriger le Clan de la Corne... »

« Attendez une minute, Sœur aînée, » Félicia avait interrompu la discussion et elle s’était interposée entre eux.

Linéa s’était emportée dans la tension de la discussion, et avait quitté sa chaise et avait commencé à se rapprocher de Yuuto. Félicia, qui normalement maintenait un air calme quand c’était à propos d’elle, peu importe la situation, avait une expression exceptionnellement troublée.

« C-Certainement, je pense que c’est une demande en mariage favorable, mais, comment le dire... ? » Félicia s’était arrêtée un moment. « C’est trop pratique. Le Clan du Loup gagnerait beaucoup trop là dedans. »

Elle avait exactement dit ce que Yuuto venait de penser.

Pour le Clan du Loup, il n’y avait en effet rien de plus attrayant que la possibilité de doubler leur territoire, avec la plus grande partie de ces terres fertiles entre les deux rivières jumelles. D’un autre côté, il ne voyait pas beaucoup d’avantages pour le Clan de la Corne. Si un étranger comme lui se présentait et commençait à donner des ordres, ce serait désagréable pour tout le monde. Les roturiers seraient mécontents et les plus hauts gradés du clan le considéreraient comme une épine constante dans leurs pieds. Devenir un État vassal signifierait percevoir des impôts pour leur nouveau souverain, et il y avait toujours la possibilité qu’ils reçoivent une demande déraisonnable d’hommage.

Bien sûr, si l’on était prêt à payer ce prix, il y avait aussi beaucoup à gagner en entrant sous la protection d’une nation forte.

« Si vous vous battez avec nous, vous feriez mieux d’être prêt à affronter nos puissants alliés ! »

Si une telle dissuasion parvenait à réduire suffisamment le risque d’invasion, l’État vassal pourrait concentrer ses efforts sur les améliorations intérieures plutôt que sur la défense, et ses citoyens pourraient avoir plus de tranquillité d’esprit.

Mais il était juste de dire que le Clan de la Corne était déjà sous sa protection. Ils étaient devenus ainsi lorsque leur patriarche Linéa était devenue sa petite sœur par la Cérémonie du Calice. Cela avait été prouvé dans leur bataille contre le Clan du Sabot. Son clan était venu à leur secours avec des renforts importants et avait chassé les envahisseurs.

Même si le Clan de la Corne renforçait davantage ses liens avec le Clan du Loup, il était difficile de penser qu’il en tirerait un effet dissuasif supplémentaire à ce stade.

« Linéa, » dit Yuuto, la regardant directement dans les yeux, « Je ne veux plus de ce jeu de devinettes diplomatiques. Soyons francs l’un envers l’autre. Qu’est-ce que vous cherchez vraiment ? Qu’attendez-vous de nous ? »

Un tel accord serait une chose si le Clan du Loup exerçait encore une pression militaire sur eux et qu’ils l’acceptaient à contrecœur, mais c’était loin d’être le cas. Elle lui avait apporté l’offre ; il soupçonnait qu’il devait y avoir une arrière-pensée.

« Comme je l’ai dit plusieurs fois, ce que je veux, c’est que Grand Frère dirige et guide le Clan de la Corne. »

« Félicia l’a dit tout à l’heure, mais toutes les bonnes affaires ont un piège, » déclara Yuuto froidement. « Il n’y a rien de plus cher que “gratuit”. Il n’y a aucune chance que je prenne ce que vous dites pour argent comptant. »

Il était bien sûr très conscient du fait que Linéa était une personne ayant une personnalité sincère et honnête, mais il devait être prudent. Il ne pouvait pas se permettre de ne pas l’être. En tant que patriarche du Clan du Loup, la décision de Yuuto allait influencer le destin de dizaines de milliers de personnes.

« Mais c’est vraiment ce que je veux ! » Linéa avait insisté.

Yuuto s’arrêta et prit une grande respiration. « ... Linéa. »

Il avait baissé la voix, mais son ton était plus sévère. Si ce va-et-vient continuait, ce ne serait qu’une perte de temps.

Linéa semblait s’irriter et fit un petit signe de tête. « Je comprends. Je vais vous dire toute la vérité. »

« S’il vous plaît, » implora Yuuto.

L’amour de Linéa pour son clan et sa volonté de tout faire pour son peuple avaient fait une grande impression sur Yuuto. Le Calice en avait fait des frères et sœurs assermentés, mais il était venu à vouloir s’occuper d’elle comme s’il était une vraie petite sœur. C’était encore une discussion entre deux patriarches, de sorte qu’il ne pouvait pas faire de promesses hâtives, mais il avait l’intention de répondre à ses besoins du mieux qu’il le pouvait.

Linéa avait pris plusieurs respirations profondes pour se calmer, avait avalé une fois comme si elle se préparait émotionnellement, puis avait parlé d’une voix grave.

« Je n’ai pas mérité mon poste de patriarche. J’en ai hérité. »

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4 commentaires :

  1. Dominique Ringuet

    Merci pour le chapitre !

  2. Ethan_Nakamura

    Merci pour le chapitre.

  3. Merci pour le chapitre.

  4. L'amateur d'aéroplanes

    Merci pour le travail.

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