Acte 1
Table des matières
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Acte 1
Partie 1
Yuuto était complètement incapable de bouger, tel un cerf paralysé pris dans les phares d’une voiture.
La situation empirait chaque minute.
Comment les choses avaient-elles fini de cette façon ? Bien qu’en repensant à la séquence des événements qui avaient mené à ce point, il avait estimé que c’était probablement la seule façon dont cela aurait pu se conclure.
« W-Wow ! Hmm, c’est assez difficile, n’est-ce pas ? » La voix de Linéa à côté de son oreille était presque aussi faible qu’un murmure.
Peut-être en raison de la nervosité, sa voix était raide et faible. D’une certaine manière, cette timidité était incroyablement mignonne.
Une fille qui était encore à mi-chemin de ses années d’adolescence, Linéa était le Patriarche du Clan de la Corne, la souveraine des terres fertiles le long des rivières Örmt et Körmt. Elle était aussi la sœur cadette assermentée de Yuuto, un type de subordonné lié au clan grâce au Calice.
Habituellement vêtue de vêtements de haute qualité et d’accessoires décoratifs convenant à son rang élevé, elle était maintenant aussi nue que le jour de sa naissance. Son corps se développait encore alors qu’elle était actuellement quelque part à mi-chemin entre l’enfant et l’adulte, avec une instabilité qui était à sa manière inviolable et sacrée.
« Oh ! Et c’est vraiment bien..., » Linéa déclara ça avec un soupir d’admiration.
Son souffle chatouilla le lobe de l’oreille d’Yuuto, et un frisson parcourut son dos.
« Oh ! J-Je suis désolée, est-ce que je frottais avec trop de force ? » Linéa s’était excusée et avait arrêté de déplacer ses mains.
« N-Nullement, c’était tout simplement parfait ! » Troublé, Yuuto répondit d’un ton qui ne convenait pas vraiment à sa position.
Tout son esprit semblait se concentrer sur l’endroit que Linéa frottait, et il était incapable de penser à autre chose. L’air torride et humide s’accrochait à son corps. Sa tête commençait même à tourner.
Tout son corps était rouge de chaleur et il avait l’impression de pouvoir s’évanouir à tout moment.
C’était sûr que son allure était vraiment médiocre, mais Yuuto ne pouvait pas y faire grand-chose. Après tout, c’était également sa première fois.
« Je ne suis pas très bonne dans ce domaine, n’est-ce pas ? Euh ! S’il vous plaît, s’il y a la moindre chose que je pourrais faire afin de m’améliorer, alors n’hésitez pas à me dire. Grand Frère, je ferais tout pour vous..., » déclara Linéa.
« V-Vous le faites très bien. Je vous promets que je me sens très bien ! » lui assura Yuuto.
« Merci Déesse. Il s’agit de la première fois que je lave le dos d’un homme, alors..., » répliqua Linéa.
Et c’est la première fois que mon dos est lavé par une femme ! Yuuto bloqua les mots dans sa gorge avant qu’ils ne s’échappent et il resta ainsi silencieux.
Dans son esprit, il s’était excusé pour la énième fois à son amie d’enfance qui l’attendait dans un lointain pays.
La salle aux murs de pierre était remplie d’épais nuages de vapeur. Il s’agissait dans un bain privé du Palais de Sessrúmnir, au cœur de la capitale du Clan de la Corne, Fólkvangr.
En préparation d’une cérémonie officielle afin de célébrer la récente victoire sur le Clan du Sabot, Yuuto était venu ici pour se nettoyer et se purifier. Cependant...
« Je pense que je devrais maintenant me charger du rester, » une voix claire comme une cloche parla depuis derrière lui. « J’ai suivi le décorum et je vous ai laissé commencer parce que vous êtes au-dessus de moi, mais je veux également laver le dos de Père. »
« Oh mon Dieu, Run, qu’es-tu en train de dire là ? » une autre voix, douce comme de la soie, avait répondu à la première personne. « Dans ce cas, je vais y aller en deuxième. »
« Quoi !? » s’exclama Run.
« Tee hee ! Bien sûr, céder face à tes supérieurs est juste et approprié dans un tel cas. Donc, en tant que sœur cadette, je devrais avoir la priorité sur une enfant subordonnée telle que toi. »
« Grrr...! »
Les voix familières des deux filles qui se disputaient se répercutaient sur les murs depuis derrière lui. Il s’agissait de Sigrun et Félicia. Ces deux jeunes femmes appartenaient au Clan du Loup, dont Yuuto était le Patriarche, et elles faisaient partie des guerrières les plus puissantes du clan.
La maîtrise de soi d’Yuuto l’empêchait de se retourner afin de regarder, mais il n’avait pas besoin de le voir pour savoir ce qui se passait. Après tout, ils se trouvaient tous dans un bain. Naturellement, leurs corps minces et attrayants seraient généreusement et entièrement exposés.
L’enfant subordonnée Sigrun était grande et mince, sa beauté rafraîchissante et juvénile était accentuée par de longs cheveux argentés rappelant la lune dans une nuit sombre et sans nuages. En revanche, Félicia aurait ébloui quiconque l’aurait regardée avec ces cheveux dorés comme le soleil et une beauté mature et glamours.
Une simple rotation de tête lui donnerait indubitablement une vue à la hauteur de Shangri-la. Si c’était une question de savoir s’il voulait regarder ou non, il l’aurait certainement fait. Mais...
« Protégez-moi contre les pensées impures ! Protégez-moi contre les pensées impures ! La forme est le vide, le vide est la forme, la forme est le vide, le vide est la forme..., » fermant ses paupières avec force, Yuuto se répétait des mantras bouddhistes dans une tentative désespérée de se débarrasser de ses désirs charnels.
En partie parce que son père était un forgeron de katana traditionnel, il avait été énormément exposé à ces sortes de chants et de mantras destinés à focaliser l’esprit, et il en avait mémorisé plusieurs au cours des années. Cependant, même les mantras sacrés avec des centaines d’années d’histoire de répulsion du mal étaient à peine capables de refréner son envie qui jaillissait en lui.
Le jeune homme se comportait comme si son contrôle de soi était le seul facteur important dans cette situation, ce qui aurait pu sembler assez arrogant pour certains, mais il n’était pas vraiment responsable de cette situation. Après tout, il savait que s’il les regardait très attentivement, ces belles filles pourraient probablement... non, elles l’accepteraient dans tous les cas avec plaisir.
Dans le monde d’Yggdrasil, il y avait une pratique issue de leurs coutumes où deux personnes échangeaient des vœux et devenaient une famille assermentée, et cela à l’aide d’un rite sacré connu sous le nom de Serment du Calice. On ne pouvait pas choisir les parents qui nous faisaient naître, mais avec le Calice, une personne pouvait choisir un parent ou un frère selon sa propre volonté. Pour la personne choisie comme parent assermenté, le Serment du Calice exigeait un engagement de loyauté absolue et un service perpétuel, à la fois avec son corps et son âme. Telle était la loi de la terre d’Yggdrasil.
Ce qui signifiait que peu importe ce que Yuuto voulait, ces filles qui lui étaient liées par serment ne pouvaient pas refuser. Il se réprimait avec une volonté de fer, mais pour un garçon comme Yuuto dans les affres de la puberté, c’était tout simplement une torture. Et malgré le fait qu’il ait presque dépassé sa limite mentale...
« Hahaha ! C’est donc ça ! Père, je crois avoir réussi à gagner du mérite lors de la dernière bataille. Je voudrais recevoir ma récompense pour ça, ici et maintenant. S’il te plaît, permets-moi d’avoir l’honneur de te laver le dos avant Félicia ! » déclara Sigrun.
Agissant comme si elle était tombée sur une bonne idée, Sigrun lui avait soudainement fait cette demande avec une attitude presque triomphante, alors que ses paroles étaient passionnées.
Lors de la dernière bataille, Sigrun avait à elle seule abattu le commandant suprême de l’ennemi, une réalisation bien au-delà de ce que ses paroles pourraient suggérer. Cela devrait être un accomplissement digne de tous récompense matérielle ou titre honorifique si elle le souhaitait, faisant qu’Yuuto se demandait bien pourquoi elle souhaiterait quelque chose d’aussi insignifiant.
« Run, le mettre maintenant sur la table est lâche ! » Félicia avait crié sur Sigrun, comme si elle condamnait une lâche qui avait utilisé la corruption et la tromperie pour gagner sa récompense. « N’es-tu pas le Mánagarmr, une guerrière vertueuse et fière ? Quand es-tu devenue une femme aussi éhontée ? »
C’est bien loin d’être éhontée, n’est-elle pas plutôt trop modeste ? pensa Yuuto, mais il savait aussi qu’il y avait un certain fossé dans les valeurs morales entre une personne du 21e siècle comme lui et des personnes provenant du monde antique d’Yggdrasil.
C’était un peu injuste pour les deux filles après qu’elles aient exprimé un tel désir, mais Yuuto avait pris la parole. « Vous deux, c’est déjà suffisant. Grâce à Linéa, je suis plus que suffisamment propre, donc je n’ai plus besoin que mon dos soit lavé. »
« Grand Frère !? » demanda Félicia.
« Père !? » s’exclama Sigrun.
Félicia et Sigrun avaient toutes deux haussé la voix en panique, comme si elles ne pouvaient pas le croire. Même un chien qui verrait sa friandise s’en aller loin de ses yeux au dernier moment ne lâcherait pas un cri si désespéré.
C’était presque suffisant pour faire qu’Yuuto les laisse faire, mais il continua en restant ferme. « Désolé, mais à ce rythme, si mon dos était encore frotté pour être nettoyé, ça commencerait à être à vif. »
Linéa avait, conformément à sa nature honnête et travailleuse, frotté vigoureusement son dos avec toute sa force. Il se sentait vraiment bien là, et maintenant il se sentait plus propre que jamais, mais il avait l’impression que si quelqu’un continuait à le faire, son dos risquait d’être blessé.
De plus, il ne fallait pas oublier que la célébration pour la victoire allait bientôt se tenir. Cela pourrait être vu comme une occasion joyeuse pour faire la fête, mais sous cette façade, il s’agissait surtout d’une réunion pour une diplomatie internationale sérieuse, avec des motivations cachées et des intrigues à bout de bras. On pourrait parfaitement appeler ça un autre type de champ de bataille qui allait se dérouler sous peu.
Il ne serait vraiment pas drôle pour lui si un manque de concentration dû à une légère douleur entraînait une erreur politique de sa part.
« Je... Ohh... » Pleurnicharde, Sigrun laissa échapper un gémissement morose et rongé par la culpabilité.
Pour Sigrun qui avait vécu toute sa vie consacrée aux arts martiaux, des situations comme celle-ci étaient sa plus grande faiblesse. Elle était immensément loyale envers Yuuto, et avait sûrement été désireuse de lui montrer cette loyauté par les actes, même sous la forme de ce qui était censé être une récompense pour elle. Elle n’était pas très bonne quand il fallait masquer ses émotions, comme maintenant avec sa déception. Mais cette honnêteté était aussi l’une des choses les plus charmantes la concernant.
D’autre part, Félicia avait continué à exprimer son mécontentement d’une manière boudeuse. « Eh bien ! Même si c’est toi, Grand Frère, c’est bien trop insultant comme attitude. Suggères-tu que je serais égoïste en ignorant tes besoins ? En outre... ne penses-tu pas qu’il est injuste que tu chérisses une parente de l’extérieur comme Grande Sœur Linéa tout en ignorant une parente de ton propre clan ? »
Il est vrai que Linéa était la sœur d’Yuuto par le Serment du Calice, mais elle venait de l’extérieur du Clan du Loup. Le fait de donner à quelqu’un avec un lien plus étroit un traitement moindre dans le clan était quelque chose d’inapproprié. Yuuto savait qu’à un certain niveau, la logique de Félicia tenait l’eau, mais...
« Attends un peu, » Yuuto venait de réaliser la scène mise en place. « Félicia, c’est toi qui au départ as insisté pour que Linéa me lave le dos ! »
« G-Grand Frère... mais... ne vous... ne vous ai-je pas causé des douleurs ? » Linéa lui parlait comme si elle était sur le point de pleurer.
« Non, euh, c’est... ce n’est pas ça ! Regardez, et ne pleurez pas... Ah !! » Yuuto s’était tourné par réflexe vers la tête de Linéa pour la consoler, et aperçut la peau, et se retourna rapidement pour faire face à sa direction d’origine. Il avait décidé de prétendre qu’il n’avait pas vu de protubérances roses.
« D-Désolé ! Euh, après avoir passé tant de temps à m’occuper de cette gamine pleurnicheuse qui était comme une petite sœur pour moi, j’ai maintenant cette habitude, » expliqua Yuuto. « Chaque fois que je vois une fille se mettre à pleurer, je tapote par réflexe sur sa tête. OK, c’est juste une excuse stupide. Pardon. Je suis sérieux. »
« N-Non, ce n’est pas... G-Grand Frère, cela ne me dérange pas si vous me regardez. V-Vous savez, puisque vous allez être mon... M-M-Mari... Je ne suis peut-être pas aussi impressionnante que Lady Félicia, mais, s-s’il vous plaît, regardez-moi autant que vous le voulez ! » déclara Linéa.
« Qu-Quoi !? Quoi !? Attendez... Attendez un peu ! » Yuuto agita sa main dans un geste derrière lui alors qu’il parlait. « C-Calmez-vous, je vous en supplie ! Calmez-vous un petit peu ! »
« Si je peux être franche, c’est alors peut-être toi, Grand Frère, qui ferais mieux de te calmer, » répondu Félicia.
Bien sûr, Félicia avait totalement raison. Prenant de profondes respirations, Yuuto se reprocha d’avoir tant perdu son calme. Mais même ainsi, son rythme cardiaque n’avait affiché aucun signe de vouloir se stabiliser.
« Et Grande Sœur Linéa, je me demande si vous n’avez pas pris vos désirs pour la réalité un peu trop en avance, » Félicia ajouta froidement cela. « La proposition d’avant n’a pas encore été acceptée. »
« Arg. Euh. Mais euh..., cependant, un mariage entre mon Grand Frère et moi profiterions à nos deux clans, la Corne et le Loup, » Linéa avait réussi à argumenter à Félicia. Cependant, son balbutiement était la preuve qu’elle avait compris qu’elle dépassait ses limites.
Mais en même temps, cela signifiait également que Linéa elle-même était tout à fait en faveur à cet arrangement.
En ce moment, il s’agissait d’un problème qui contrariait Yuuto bien plus que toute maladresse puérile.
***
Partie 2
Avant ça, Yuuto Suoh avait été un étudiant normal, fréquentant un lycée au Japon moderne. Pour une raison inconnue, il avait été convoqué dans cet ancien monde d’Yggdrasil, où il avait passé les deux dernières années à survivre.
À en juger par des choses comme la position des constellations, il était presque sûr que ce monde était encore la Terre, mais certains points ne se superposaient pas correctement.
Par exemple, il y avait l’époque où il se trouvait. En se basant sur les outils utilisés par les habitants et les matériaux employés pour leurs armes, le niveau de civilisation était à peu près le même qu’à la fin de l’âge du bronze.
Alors, avait-il été jeté dans le passé ? Cela ne semblait pas aussi simple et direct que cela. La position de l’étoile du Nord signifiait que cette zone devait se situer entre le 50 et le 55 degrés de la latitude-nord. Mais aucune carte de cette latitude ne correspondait à la géographie locale qu’il avait vue ou dont il avait entendu parler.
Bien sûr, un exemple encore meilleur serait l’existence de personnes dotées de pouvoirs surhumains, connues sous le nom d’Einherjar.
« Te voilà, Grand Frère, » déclara Félicia en lui tendant une coupe remplie d’eau.
Il se trouvait au milieu de l’été, mais la tasse était glacée. Naturellement, il n’y avait pas de réfrigérateurs ou d’autres commodités présent dans le monde d’Yggdrasil. Elle l’avait refroidi par la magie, un sort musical appelé galldr.
On disait qu’il y avait des douzaines, peut-être des centaines, d’individus avec des pouvoirs comme celui-ci dans Yggdrasil. Ils ne pouvaient pas être expliqués par la science et le bon sens du monde d’où venait Yuuto. Alors...
Où suis-je, vraiment ? Un malaise qu’il n’arrivait pas à exprimer était toujours en train de ronger son cœur.
Yuuto avait mis ces pensées de côté. Le fait d’y habiter n’aiderait en rien et, à l’heure actuelle, il était plus important de se concentrer sur le problème se trouvant devant lui.
« Grand Frère ! S’il vous plaît, épousez-moi ! »
Moins de trente minutes s’étaient écoulées depuis la proposition soudaine et véhémente de Linéa. À ce moment-là, Félicia l’avait sauvée avec tact :
« Le fait d’effectuer une intrusion dans le bain d’un supérieur et faire immédiatement une telle demande est irrespectueux. Une jeune sœur devrait commencer par laver le dos de son frère pour lui rendre hommage avant d’exiger des faveurs. »
Son esprit rapide l’avait temporairement sorti de cette situation, mais... il avait été tellement distrait par les filles se trouvant dans son dos qu’il n’avait pas été capable de rassembler correctement ses pensées.
En fait, même si Félicia avait commencé à se demander qui serait la suivante, c’était peut-être pour lui donner un peu plus de temps pour réfléchir à la réponse à sa proposition. Ce niveau de considération et d’attention était si caractéristique d’elle.
Il avait un peu honte de ne pouvoir s’en rendre compte qu’après coup. D’autre part, comment s’attendait-il à être calme et observateur, entouré de trois belles filles nues ? Quel était l’intérêt d’avoir du temps supplémentaire dans une situation où il ne pouvait pas penser rationnellement ?
Mais il n’avait pas le luxe de se plaindre. Yuuto était le patriarche du Clan du Loup, chargé de la vie de dizaines de milliers d’hommes de son clan. C’était une position qui ne permettait pas de trouver des excuses, quelle qu’en soit la raison.
« Ahhhh, si bon ! L’eau glacée juste après un bain chaud est la meilleure des choses ! » déclara Yuuto en buvant le contenu d’un autre verre.
Maintenant qu’il était sorti du bain, Yuuto en avait profité pour rafraîchir sa gorge et ses pensées. La vapeur qui avait obscurci son esprit pour diverses raisons semblait disparaître avec l’eau froide, et il pouvait penser beaucoup plus clairement.
« Oh, et merci aussi, Run. » Yuuto se retourna pour remercier Sigrun, qui se tenait à sa gauche.
Elle avait répondu avec un ton sérieux, inclinant la tête. « Ah ! Non, c’est un honneur d’être à ton service, Père. »
Pourtant, en regardant de près, il pouvait voir les coins de sa bouche se plisser vers le haut, et l’éventail à plumes de paon qu’elle tenait se déplaçait plus vite, comme un chien qui remuait sa queue.
Avec son corps nettoyé avec ce bain chaud au milieu de l’été, la brise qu’elle lui envoyait était merveilleuse... mais Yuuto ne pouvait tout simplement pas se sentir à l’aise avec le fait d’avoir une fille qui travaillait comme ça pendant qu’il s’allongeait sur une chaise. Cependant, il pouvait pratiquement déjà voir le triste visage de chiot qu’elle ferait s’il refusait l’offre, alors il la laissait faire ce qu’elle voulait.
« C’est vrai. Maintenant, ayons toute l’histoire, » commença Yuuto.
Assise sur une chaise en face de lui, sa jeune sœur nommée Linéa l’avait regardé avec un regard tendu alors qu’il lui demandait d’avoir tous les détails. Tout le monde était maintenant habillé, donc il n’y avait plus besoin de s’inquiéter d’être agité ou distrait.
« Vous et moi, pour que nous nous marrions ? D’où est-ce que ça vient ? » poursuit-il.
« Hein ? Est-ce si étrange que ça ? » demanda Linéa, inclinant la tête d’un côté en raison d’une curiosité sincère.
C’était un geste mignon, assez doux pour faire battre le cœur d’un homme, mais il n’y avait pas de place pour rester là à l’admirer dans cette situation.
Linéa avait alors continué alors que son ton était devenu soudainement très sérieux. « Pendant de nombreuses années, nous, du Clan de la Corne et le Clan du Loup de Grand Frère, nous nous sommes battus entre nous comme des ennemis inconciliables. Cependant, maintenant que mon Grand Frère et moi avons prêté le Serment du Calice, les deux clans sont devenus parents. Si nous devenons mari et femme, le lien entre nos clans s’en trouverait renforcé. Ce serait extrêmement précieux pour nous deux. »
« Bon, d’accord. Je peux comprendre ça, mais..., » Yuuto avait tâtonné dans ses paroles et il avait détourné son regard, incapable de résister à la sincérité passionnée présente dans les yeux de Linéa.
C’était une coutume qui s’était répétée d’innombrables fois tout au long de l’histoire de l’humanité, partout dans le monde : Les dirigeants de deux puissances opposées s’unissaient à l’aide d’un mariage, ce qui facilitera les relations amicales et servirait de garantie de non-agression mutuelle.
Rationnellement, il l’avait compris. Cependant, Yuuto avait été élevé avec les valeurs du Japon d’aujourd’hui. Il s’opposait par principe à l’idée d’un mariage dit stratégique ou politique. Et il savait que Linéa ne comprendrait sûrement pas ce sentiment s’il le lui expliquait. Dans cette situation, dans ce monde, celui qui avait d’étranges façons de penser était Yuuto.
« Vous êtes le chef du Clan de la Corne, leur patriarche. Ça ne vous dérange pas de laisser passer une si lourde responsabilité ? » Yuuto avait décidé de contre-attaquer à la place avec une question différente.
Si Linéa devait épouser Yuuto, elle devrait venir vivre avec le Clan du Loup. Cela nuirait dans tous les cas sérieusement à sa capacité à s’acquitter de ses fonctions de patriarche.
Il ne connaissait pas Linéa depuis très longtemps, mais ses sentiments envers son peuple étaient sincères. Elle avait offert son propre corps à un moment donné pour garantir leur sécurité. Il n’y avait pas plus de compassion que ça. Alors, une fille comme elle négligeait-elle son devoir de diriger son peuple pour le bien d’un mariage politique ? Ça avait l’air bizarre.
« C’est pourquoi je voudrais que mon Grand Frère reste ici à Fólkvangr et gouverne le Clan de la Corne avec moi..., » répondit Linéa.
« Qu’est-ce que vous dites ? » Yuuto avait poussé un cri hystérique avant qu’il ne puisse s’arrêter, coupant la parole à Linéa.
Yuuto et Linéa pourraient être un frère et une sœur liés par l’intermédiaire du Calice, mais cette conversation était aussi un entretien diplomatique entre les chefs de deux nations, avec leurs intérêts nationaux en jeu. Avec cela à l’esprit, Yuuto avait bien sûr pris soin de garder ses émotions près de sa poitrine et de maintenir un visage impassible, mais la suggestion de Linéa était si inattendue qu’il avait perdu son sang-froid.
« Quelle absurdité ! » Sigrun avait également élevé sa voix dans l’indignation. « Père est notre patriarche ! Pourquoi le Clan du Loup devrait-il le donner à la Corne !? »
Cependant, Linéa avait égalé son regard empli de force et elle avait crié en retour. « Bien sûr qu’il pourrait continuer à diriger le Clan du Loup ! Mais dites-moi, Grand Frère n’est-il pas le calibre d’un leader qui ne devrait pas rester patriarche d’un clan aussi chétif que le Loup !? »
« Hmmm... » Sigrun avait grimacé, mais n’avait rien dit de plus. Il était clair qu’elle avait des sentiments mitigés. Cela allait certainement aggraver la situation que son clan soit déclaré « chétif », mais le maître qu’elle aimait et respectait était aussi loué par ces paroles. À cause de cela, il lui serait difficile de le réfuter.
En tant que fille qui n’avait consacré sa vie qu’aux arts martiaux, Sigrun n’était pas douée pour la conversation. Tandis qu’elle s’efforçait de trouver les mots pour répondre, Linéa la pressa davantage.
« Le territoire montagneux du Clan du Loup est principalement un sol rocheux impropre à l’agriculture, n’est-ce pas ? En revanche, nous, du Clan de la Corne, sommes bénis par les terres fertiles entre les rivières Örmt et Körmt ! De plus, Iárnviðr semblait être une ville prospère, sans doute grâce à l’influence de Grand Frère, mais notre capitale Fólkvangr est à une tout autre échelle ! Pour une personne destinée à conquérir et à régner sur les autres, il devrait être facile pour vous de voir laquelle d’entre elles serait un meilleur choix pour sa forteresse. ».
« Quoi !? Êtes-vous en train de plaisanter là ? » cria Yuuto. « Avez-vous une idée de ce que vous dites !? »
Yuuto était à moitié en colère, et à moitié inquiet. Offrir de céder la souveraineté de sa nation à un étranger n’était pas seulement téméraire ; il ne serait pas surprenant que les membres du clan la voient comme un traître. C’était complètement en dehors des limites du raisonnable.
« Je suis bien au courant, » poursuit Linéa. « Je fais cette offre après mûre réflexion ! Alors, je vous le redemande, s’il vous plaît ! Veuillez m’épouser et diriger mon peuple, diriger le Clan de la Corne... »
« Attendez une minute, Sœur aînée, » Félicia avait interrompu la discussion et elle s’était interposée entre eux.
Linéa s’était emportée dans la tension de la discussion, et avait quitté sa chaise et avait commencé à se rapprocher de Yuuto. Félicia, qui normalement maintenait un air calme quand c’était à propos d’elle, peu importe la situation, avait une expression exceptionnellement troublée.
« C-Certainement, je pense que c’est une demande en mariage favorable, mais, comment le dire... ? » Félicia s’était arrêtée un moment. « C’est trop pratique. Le Clan du Loup gagnerait beaucoup trop là dedans. »
Elle avait exactement dit ce que Yuuto venait de penser.
Pour le Clan du Loup, il n’y avait en effet rien de plus attrayant que la possibilité de doubler leur territoire, avec la plus grande partie de ces terres fertiles entre les deux rivières jumelles. D’un autre côté, il ne voyait pas beaucoup d’avantages pour le Clan de la Corne. Si un étranger comme lui se présentait et commençait à donner des ordres, ce serait désagréable pour tout le monde. Les roturiers seraient mécontents et les plus hauts gradés du clan le considéreraient comme une épine constante dans leurs pieds. Devenir un État vassal signifierait percevoir des impôts pour leur nouveau souverain, et il y avait toujours la possibilité qu’ils reçoivent une demande déraisonnable d’hommage.
Bien sûr, si l’on était prêt à payer ce prix, il y avait aussi beaucoup à gagner en entrant sous la protection d’une nation forte.
« Si vous vous battez avec nous, vous feriez mieux d’être prêt à affronter nos puissants alliés ! »
Si une telle dissuasion parvenait à réduire suffisamment le risque d’invasion, l’État vassal pourrait concentrer ses efforts sur les améliorations intérieures plutôt que sur la défense, et ses citoyens pourraient avoir plus de tranquillité d’esprit.
Mais il était juste de dire que le Clan de la Corne était déjà sous sa protection. Ils étaient devenus ainsi lorsque leur patriarche Linéa était devenue sa petite sœur par la Cérémonie du Calice. Cela avait été prouvé dans leur bataille contre le Clan du Sabot. Son clan était venu à leur secours avec des renforts importants et avait chassé les envahisseurs.
Même si le Clan de la Corne renforçait davantage ses liens avec le Clan du Loup, il était difficile de penser qu’il en tirerait un effet dissuasif supplémentaire à ce stade.
« Linéa, » dit Yuuto, la regardant directement dans les yeux, « Je ne veux plus de ce jeu de devinettes diplomatiques. Soyons francs l’un envers l’autre. Qu’est-ce que vous cherchez vraiment ? Qu’attendez-vous de nous ? »
Un tel accord serait une chose si le Clan du Loup exerçait encore une pression militaire sur eux et qu’ils l’acceptaient à contrecœur, mais c’était loin d’être le cas. Elle lui avait apporté l’offre ; il soupçonnait qu’il devait y avoir une arrière-pensée.
« Comme je l’ai dit plusieurs fois, ce que je veux, c’est que Grand Frère dirige et guide le Clan de la Corne. »
« Félicia l’a dit tout à l’heure, mais toutes les bonnes affaires ont un piège, » déclara Yuuto froidement. « Il n’y a rien de plus cher que “gratuit”. Il n’y a aucune chance que je prenne ce que vous dites pour argent comptant. »
Il était bien sûr très conscient du fait que Linéa était une personne ayant une personnalité sincère et honnête, mais il devait être prudent. Il ne pouvait pas se permettre de ne pas l’être. En tant que patriarche du Clan du Loup, la décision de Yuuto allait influencer le destin de dizaines de milliers de personnes.
« Mais c’est vraiment ce que je veux ! » Linéa avait insisté.
Yuuto s’arrêta et prit une grande respiration. « ... Linéa. »
Il avait baissé la voix, mais son ton était plus sévère. Si ce va-et-vient continuait, ce ne serait qu’une perte de temps.
Linéa semblait s’irriter et fit un petit signe de tête. « Je comprends. Je vais vous dire toute la vérité. »
« S’il vous plaît, » implora Yuuto.
L’amour de Linéa pour son clan et sa volonté de tout faire pour son peuple avaient fait une grande impression sur Yuuto. Le Calice en avait fait des frères et sœurs assermentés, mais il était venu à vouloir s’occuper d’elle comme s’il était une vraie petite sœur. C’était encore une discussion entre deux patriarches, de sorte qu’il ne pouvait pas faire de promesses hâtives, mais il avait l’intention de répondre à ses besoins du mieux qu’il le pouvait.
Linéa avait pris plusieurs respirations profondes pour se calmer, avait avalé une fois comme si elle se préparait émotionnellement, puis avait parlé d’une voix grave.
« Je n’ai pas mérité mon poste de patriarche. J’en ai hérité. »
***
Partie 3
Yuuto s’était résolu à faire semblant de ne pas être surpris par ce qu’elle pourrait dire. Malgré tout, ses yeux s’étaient écarquillé. Il s’était vite rattrapé et avait jeté un coup d’œil à Félicia pour avoir une confirmation.
Elle avait l’air aussi surprise que lui. Félicia ne le savait pas non plus.
« Hé, c’était d’accord pour que vous nous disiez ça ? » demanda Yuuto.
En tant que leur voisin et ancien ennemi, la situation interne du Clan de la Corne était quelque chose à laquelle Yuuto avait accordé beaucoup d’attentions. Le fait que cette information ne lui soit jamais parvenue, ainsi qu’au Clan du Loup par extension, signifiait que cela avait été délibérément dissimulé.
La raison en était claire. L’héritage de la lignée sanguine signifiait que la succession d’un dirigeant n’était pas due au mérite ou à la capacité. Dans ce monde, cela suffisait amplement pour mériter le mépris.
Yggdrasil était un monde brutal basé sur la survie du plus fort, où les forts prenaient ce qu’ils voulaient et les faibles étaient opprimés. Si quelqu’un sans puissance ou capacité devenait un patriarche de clan, il pourrait se retrouver avec son pays harcelé et envahi par ses voisins environnants en un rien de temps.
« J’essaye après tout de transmettre cet héritage, » dit Linéa. « Il n’y a plus de raison de le cacher. »
« Eh bien, je suppose que c’est vrai, je comprends. » Yuuto avait encore du mal à accepter la situation, parce qu’il avait vu l’esprit de Linéa comme étant celui d’un patriarche de première main. Mais il l’avait écoutée et l’avait laissée continuer son histoire.
« Mon père, le patriarche précédent Hrungnir, était un guerrier et général courageux, et ses ennemis le craignaient sous le nom de Gullfaxi, “l’Étalon d’Or”. Il aimait le peuple, enrichissait le pays et était juste et équitable avec tous ses subordonnés. Tous les membres du clan ont chanté ses louanges et l’ont appelé Gullveig, “le Héros d’Or”. Je sais que cela semble partial venant de sa fille, mais c’était vraiment un splendide patriarche. »
« Je vois. On dirait que votre père était un grand homme, » déclara Yuuto.
« Oui, il l’était... mais même un grand homme comme lui était aveugle lorsqu’il s’agissait de son seul enfant par le sang. Je suis née tard dans sa vie, après qu’il eut essayé d’avoir des enfants pendant longtemps, alors peut-être que cela m’a rendue trop précieuse à ses yeux et cela a obscurci son jugement. Même si Rasmus et plusieurs autres chefs de clan étaient des candidats plus forts pour le poste, c’est moi qu’il a choisi comme successeur, » déclara Linéa.
« Maintenant, je comprends », dit Yuuto, en y repensant. « Ça explique la remarque avec le terme “princesse”. »
Pendant la célébration après la cérémonie du Serment du Calice, le commandant en second de Linéa, Rasmus, l’avait appelée ainsi. Maintenant qu’il y avait réfléchi plus attentivement, dans une société de clan où les relations parents-enfants forgées par les Calices avaient beaucoup plus d’importance que la lignée, c’était une chose extrêmement étrange d’entendre un chef être appelé ainsi. Et puis il y avait eu son jeune âge.
Il y avait eu beaucoup d’indices. Cependant, dans Yggdrasil, l’idée même d’une succession héréditaire ressemblait à un tabou. Par inadvertance, Yuuto avait éliminé cette possibilité de son esprit.
« Naturellement, il y avait plus d’un petit nombre de personnes qui considéraient ma succession comme un problème et exprimaient leurs préoccupations. » Linéa baissa les yeux pendant qu’elle parlait. « Puis il y a mon âge et le fait que je ne suis pas une Einherjar. Ça les a aussi mis mal à l’aise. »
Ses mains, reposant sur ses genoux, se serraient en des poings.
Yuuto avait déjà déduit que Linéa n’était probablement pas une Einherjar. Avec sa personnalité honnête, si elle avait eu une sorte de pouvoir, elle en aurait parlé à Yuuto pour qu’ils puissent l’utiliser pour les aider dans leur combat contre le Clan du Sabot.
« Mais je voulais également être patriarche ! » La voix de Linéa vacilla. « Je voulais suivre les traces de mon père bien-aimé, pour protéger ce qu’il avait passé sa vie à protéger ! Je pensais... Je pensais pouvoir le faire. »
Il devait y avoir un optimisme têtu né de la jeunesse qui l’avait poussée. « Si je crois en moi, je me débrouillerai. » Mais Yuuto ne pensait pas que la confiance en soi était nécessairement déplacée. Il était, au mieux, naïf de penser qu’un non Einherjar ne pouvait pas être capable et talentueux. Même dans le Clan du Loup, il y avait des gens comme Jörgen qui était des non-Einherjars, mais qui avait pu acquérir un rang très élevé, et il n’était pas le seul de loin.
L’une des raisons en était que la plupart des pouvoirs d’Einherjar étaient fortement orientés vers les capacités martiales. Mais il fallait bien plus que de la bravoure au combat pour gouverner une nation.
Dans Yggdrasil, la capacité était tout. Peu importe la magnificence du patriarche précédent, Rasmus et les autres officiers du clan n’auraient pas choisi de suivre l’enfant de cet homme aussi longtemps, simplement parce qu’elle était son sang.
Du moins, d’après les souvenirs de Yuuto quant à l’affrontement en tant qu’adversaire dans la guerre, il ne pensait pas que Linéa avait commis d’importantes erreurs. Le Clan de la Corne avait attaqué le Clan du Loup seulement après avoir rassemblé presque le double de la force des troupes ennemies. Ils avaient gardé une chaîne de commandement stable, elle avait évité le péché cardinal d’éparpiller les troupes trop finement, et s’était assuré que tous leurs soldats se déplaçaient vers des positions où ils pouvaient être utiles. Elle avait aussi gardé leurs lignes d’approvisionnement intactes.
Lorsque l’on parle de stratégie et d’art de la guerre, c’étaient des choses que l’on pourrait qualifier d’évidentes ou logiques. Mais en temps de guerre, même l’évidence était plus facile à dire qu’à faire. Il n’était pas facile de comprendre les mouvements de milliers de soldats, de les nourrir, de contrôler leurs actions.
« Mais je n’ai pas pu le faire », poursuit Linéa. « J’ai commencé une guerre pour être repoussé, je me suis fait saisir les terres de mon clan, j’ai été faite prisonnière. Je me suis abaissée moi et mon clan sous un autre avec le Serment du Calice, j’ai invité l’invasion du Clan du Sabot, et j’ai menacé l’existence même de mon peuple. C’est ce que mon règne a apporté. » Linéa tremblait de frustration envers elle-même.
Au sommet de la Hliðskjálf dans la capitale du Clan du Loup, Linéa avait déjà confronté Yuuto pour exprimer son amour pour les membres de son clan. Elle devait avoir des espoirs et des rêves qu’elle voulait accomplir en tant que patriarche. Et malgré cela, elle admettait maintenant qu’elle était impuissante quant à leur accomplissement. Même Yuuto pouvait dire que la douleur qu’elle ressentait la déchirait de l’intérieur.
« Comparez cela au leadership de Grand Frère. Sur le champ de bataille, vous remportez victoire après victoire, battant même facilement le héros du Clan du Sabot Yngvi. En seulement une année de règne, vous avez reconstruit le Clan du Loup à partir d’un état de pauvreté et de faiblesse, et les citoyens d’Iárnviðr sont souriants et heureux. Vous m’avez fait réaliser à quel point la différence entre moi et vous est infranchissable. » Avec un faible sourire, Linéa se tourna pour regarder par la fenêtre.
C’était le regard de quelqu’un qui aspirait à quelque chose qui avait disparu depuis longtemps.
C’était le regard de quelqu’un de si épuisé qu’il avait simplement abandonné.
« Si un imposteur comme moi continue d’être patriarche, le Clan de la Corne continuera sur son déclin. Dans ce cas, je pense que le moins que je puisse faire pour tout le monde, c’est d’utiliser mon statut de femme et d’attirer un véritable patriarche fort et capable afin de diriger le clan. Ma dernière tâche, » déclara Linéa.
« Wôw, attendez un peu ! » cria Yuuto. « Vous savez que les gars de la Corne ne vont certainement pas la fermer et l’accepter si facilement ! Et quand est-il de votre commandant en second, Rasmus ? Il va certainement être contre... »
« C’est Rasmus lui-même qui m’a proposé ce plan de mariage, » annonça Linéa.
« ... Hein ? » Yuuto avait perdu le compte du nombre des fois où aujourd’hui, il émettait un son ridicule en réponse à des nouvelles surprenantes.
« Dès le début, il s’est inquiété du fait qu’il devait être difficile pour une femme comme moi de maintenir le clan uni. Il m’a souvent conseillé de trouver un homme fiable pour en faire mon mari, afin que nous puissions gouverner ensemble en tant que couple. Rasmus est devenu complètement épris de vous, Grand Frère. Il a dit des choses comme : “On peut confier la princesse à un homme comme lui !” et il essaye de convaincre tous les autres officiers du clan, » déclara Linéa.
« Quand est-ce que je suis devenu si populaire auprès de lui ? Ça n’a aucun sens... » Yuuto appuya ses mains sur son front, déconcerté.
La dernière fois, la seule fois qu’il se souvenait d’avoir échangé des mots avec Rasmus, c’était lors de la célébration après avoir échangé le Serment du Calice avec Linéa. À l’époque, Rasmus et les autres membres du Clan de la Corne avaient traité Yuuto comme un vulgaire ruffian qui avait volé leur précieuse princesse, et leurs regards avaient été pratiquement meurtriers. Comment cela pourrait-il être possible que l’opinion de cet homme envers lui ait augmenté si fortement dans un si court laps de temps ? Yuuto n’arrivait pas à s’y retrouver.
« Grand Frère, je suis inexpérimentée et vraiment bonne à rien, mais je promets de me consacrer à vous de tout mon cœur dans les jours à venir. J’espère que vous prendrez soin de moi. » Linéa avait récité les mots que l’on pourrait s’attendre à entendre lors de leur nuit de noces.
Yuuto ne pouvait faire que des sons absurdes et sans paroles alors que Linéa inclinait sa tête devant lui, rougissant doucement. « Urk ... ! Er, Hmm. Ahh, euhhh — »
S’il s’agissait simplement d’une question de oui ou de non, il ne pouvait absolument pas accepter la proposition de Linéa. Yuuto allait trouver un moyen de retourner dans son propre monde. L’idée de se marier dans un monde où il n’avait jamais prévu de passer le reste de sa vie était absurde. Après tout, s’il faisait cela, il ne serait pas en mesure de respecter jusqu’à la fin ses vœux. Ce serait malhonnête de sa part.
Plus que tout, il y avait Mitsuki, la fille qu’il avait déjà choisit dans son cœur.
Ce n’était pas la première demande en mariage dont il s’occupait, et il avait facilement réussi à refuser chacune d’entre elles jusqu’à maintenant. Cependant, cette fois, il s’agissait d’une proposition directe et personnelle du patriarche du Clan de la Corne. Et elle était accompagnée de concessions sans précédent au profit du Clan du Loup. S’il refusait avec insouciance une telle offre, Linéa perdrait la face et entacherait son honneur, et pourrait même mettre en danger l’alliance naissante entre les deux clans. En tant que patriarche du Clan du Loup, il devait éviter cela à tout prix.
Mais comment pouvait-il exactement refuser d’une manière qui ne perturbe pas leurs relations ? Il s’était retrouvé dans une panique mentale, complètement incapable de trouver la solution.
« Grande Sœur, comme je l’ai déjà dit dans le bain, vous êtes peut-être trop hâtive », répliqua doucement Félicia envers Linéa. « Le mariage d’un patriarche affecte l’avenir de tout le clan ; il s’agit d’une affaire gouvernementale sérieuse. Il serait injuste que nous soyons peu nombreux à prendre une telle décision ici, à l’improviste. »
La voix de Félicia était douce, mais résolue. C’était une suggestion sans possibilité de réfutation.
Je suis sauvé, pensa Yuuto en jetant un coup d’œil à Félicia, et elle lui avait fait un petit clin d’œil que lui seul pouvait voir. On aurait dit qu’elle n’avait pas été capable de le regarder plonger plus longtemps. C’était vraiment une aide fiable.
« C-C’est vrai, c’est tout comme Félicia le dit, » dit-il en hâte. « Pour l’instant, j’aimerais rentrer chez moi et discuter de votre proposition avec le clan. »
« Hmm... »
Yuuto avait fait de son mieux pour maintenir un air de dignité alors qu’il prenait la même voie que Félicia, mais Linéa fronçait les sourcils avec une expression douloureuse. En raison des avantages incroyables de l’offre pour les deux camps, elle avait probablement supposé que les choses seraient déjà réglées, ici et maintenant.
D’un autre côté, il semblait qu’elle était aussi d’accord avec la logique de Félicia.
« Vous avez raison. Je suis gênée de dire que j’étais peut-être trop impatiente », avait alors dit Linéa. « Alors, j’ai hâte d’entendre une réponse favorable. »
« Soyez patiente avec moi, d’accord ? » Yuuto avait à peine réussi à laisser sortir une réponse raide.
Il avait réussi à obtenir un peu de temps, mais cela ne durerait pas longtemps.
***
Partie 4
« Arghhhh, ce genre de choses est tellement oppressant ! » avait gémi Yuuto.
Dans la petite salle privée sur le côté de la grande salle des rituels, Yuuto avait demandé à Félicia de l’aider à s’habiller.
« Et maintenant, moi aussi, toute cette merde me pèse littéralement…, » protesta Yuuto.
Normalement, Yuuto renonçait aux vêtements et accessoires ornementaux, préférant une tenue légère entièrement noire qui mettait l’accent sur la facilité de mouvement, mais l’étiquette cérémonielle d’aujourd’hui n’allait pas le laisser s’en tirer ainsi.
Sa tenue lui avait fait penser à un pharaon égyptien, avec un tour de cou extravagant et doré, un bracelet doré incrusté de joyaux, et une autre chose cinglante attachée à sa tête.
« Tee hee », déclara Félicia en riant doucement. « C’est seulement pour la durée de la cérémonie, alors sois un peu patient. »
Elle s’était agenouillée sur le sol. Elle s’était penchée et enroulait soigneusement une sorte de ceinture autour de la taille de Yuuto, qui était recouverte d’ornements dorés encore plus brillants. À ses côtés se trouve un fourreau d’or avec des gravures complexes et une épée absolument luxueuse, incrustée par endroits de joyaux.
Quand il vivait encore au 21e siècle, s’il avait vu une épée comme ça, il aurait probablement pensé, Whoaaaa, si coooool ! et se serait excité comme un garçon normal. Mais là, quand il l’avait regardée, tout ce qui lui était venu à l’esprit, Arg, c’est que si vous équipiez quelque chose comme ça, ce serait difficile de marcher.
L’idée lui avait fait baisser un peu le moral, alors il avait tourné son regard pour regarder par la fenêtre. Les rues et les maisons de Fólkvangr s’étendaient en dessous de lui.
Tout comme pour le Clan du Loup, le hörgr, ou sanctuaire, où le Clan de la Corne effectuait divers rites sacrés avait été construit dans leur Hliðskjálf. Pour Yuuto, la tour sacrée du Clan du Loup avait un peu la forme d’une tour de kagami mochi empilé, mais la Hliðskjálf du Clan de la Corne ressemblait davantage à une pyramide. Sa hauteur réelle était plus importante que celle du Clan du Loup. Peut-être que les détails de ce genre variaient d’un pays à l’autre.
« Même s’ils font tous les deux partie d’Yggdrasil, nos villes et nos terres sont différentes, hein ? » déclara Yuuto, surtout pour lui-même. C’était une prise de conscience un peu tardive, mais il venait juste de commencer à s’en rendre compte.
Iárnviðr était située plus haut dans le bassin montagneux, et il y avait une source abondante de bois à proximité, de sorte que les gens du peuple avaient des maisons et des bâtiments faits principalement de bois. Pendant ce temps, le paysage urbain de Fólkvangr était taché d’un rouge brunâtre, et il n’y avait même pas encore de crépuscule.
Dans les environs de Fólkvangr, les sédiments qui descendaient le long de la rivière Körmt s’étaient lentement accumulés au fil du temps, formant ce qu’on appelle une plaine alluviale. C’était une terre fertile, bien adaptée à l’agriculture, mais dépourvue de bois ou de bonnes pierres. Par conséquent, la plupart des maisons des roturiers avaient été construites avec des briques de boue cuite séchée au soleil.
« Si tu prenais Grande Soeur Linéa en tant qu’épouse, cette ville deviendrait la tienne, n’est-ce pas, Grand Frère ? » demanda Félicia avec nonchalance.
« Félicia, tu sais qu’il n’y a aucune chance que je puisse faire ça », répondit Yuuto, exaspéré.
Pour Félicia, qui connaissait toute la vérité derrière sa situation, et qui venait à peine de venir en aide à Yuuto quand il s’était battu pour donner une réponse à Linéa, de dire quelque chose comme ça, était un peu plus que ce qu’il voulait entendre en ce moment.
Félicia avait de toute façon continué, ignorant apparemment son ton. « Que l’on regarde ces décorations extravagantes, ou les vastes champs de blé doré à l’extérieur de la capitale, il est facile de voir qu’il s’agit d’un pays riche. Si tu devenais le patriarche de cette terre, chaque jour on te servirait plus de nourriture délicieuse que tu ne pourrais jamais manger, et de belles jeunes filles de tout le pays se rassembleraient juste pour t’attendre. N’importe qui serait jaloux d’une telle vie ; tu en profiterais aussi sûrement. »
« Je ne suis pas comme ça, d’accord ? » déclara Yuuto.
Du point de vue d’un jeune homme normal, l’idée d’être populaire auprès des femmes et d’être écouté par les gens autour de lui était loin d’être inintéressante. Mais si tout cela ne venait que de l’argent ou du pouvoir politique, cela lui paraissait creux. En ce qui concerne la nourriture, le Japon du 21e siècle était au milieu d’un âge d’abondance, il l’avait déjà expérimenté.
« En ce moment, le Clan du Sabot a perdu son patriarche et son plus grand guerrier, tombant dans un état de désarroi total. Ce serait maintenant l’occasion parfaite de les envahir, » avait dit Félicia. « Avec cette terre comme base et forteresse, je pense que le chemin vers le souverain suprême de tout Álfheimr te serait ouvert... »
« Et j’ai dit que je ne veux rien avoir à faire avec le fait de devenir quelque chose comme ça ! Même avec le Clan du Loup, c’est trop pour moi. En fait, qu’est-ce qui t’arrive en ce moment ? Tu sais qu’il n’y a aucune chance que je sois d’accord avec ça ! C’est comme si tu étais juste... Non, je suis désolé, Félicia. Tu as raison, bien sûr. Quelque chose comme ça serait un rêve devenu réalité pour le Clan du Loup, n’est-ce pas ? » demanda Yuuto.
Félicia était la petite sœur assermentée de Yuuto et son adjudant, mais avant cela, elle était une membre du Clan du Loup et l’un de leurs officiers supérieurs, qui devait toujours penser à l’avenir du clan. Pour le dire franchement, il était naturel pour elle de penser aux besoins du clan avant les convenances personnelles de Yuuto.
En y réfléchissant, cela signifiait que Yuuto était clairement un échec en tant que patriarche pour ne penser qu’à ses propres désirs au lieu de la vaste richesse qu’il pourrait être en mesure d’obtenir pour le Clan du Loup.
« Eh, ah, oui, oui, certainement », bégayait Félicia. « Mais est-ce trop demander à la fin ? Je savais que c’était le cas, mais la perspective d’obtenir les terres du Clan de la Corne pour le Clan du Loup m’a fait devenir un peu avide ».
« Aïe !? Trop serré, trop serré ! » Yuuto avait gémi.
« Oh !! Je suis désolée ! » Bouleversée, Félicia desserra la ceinture qu’elle avait trop serrée. Elle était habituellement si calme et prudente dans tout ce qu’elle faisait. L’erreur n’était pas dans son genre.
« ... Alors, pourquoi as-tu vraiment dit tout ça ? » demanda Yuuto.
« Euh ? Hum ! Comme je l’ai dit, je suis devenue gourmande, et…, » répondit Félicia.
« Oui, c’est un mensonge. » Yuuto secoua la tête. « Tu ne peux pas me tromper. Après tout, ces deux dernières années, à part quand nous sommes au lit, nous avons passé presque tout notre temps ensemble. »
L’excuse de Félicia au sujet de la cupidité était clairement quelque chose qu’elle avait trouvé après coup. Et contrairement à son comportement insouciant habituel, il pouvait dire d’après le ton de sa voix qu’elle était bouleversée. Et puis il y avait eu l’erreur avec la ceinture. Il serait vraiment un échec en tant que commandant s’il n’avait pas remarqué tous ces indices.
Félicia n’avait rien dit, surprise dans son mensonge.
Les bras encore enroulés autour de la taille de Yuuto alors qu’elle nouait la ceinture, son visage était derrière lui et il ne pouvait pas voir son expression. Après un certain temps, il pensait qu’il pouvait sentir sa poignée se resserrer légèrement contre la ceinture.
« Avec ça, je peux rentrer chez moi sans soucis, » déclara Félicia.
« Qu’est-ce que tu as dit ? » Yuuto avait soudain eu l’impression qu’une griffe avait saisi son cœur. C’étaient exactement les mêmes mots à ce qu’il pensait beaucoup ces jours-ci.
« Alors, c’est ce que tu as pensé, » demanda Félicia.
« ... Alors, tu l’as réalisée, » répondit Yuuto.
« Bien sûr que je l’ai réalisé », dit Félicia avec un léger sourire. « Après tout, ces deux dernières années, à part quand nous sommes au lit, nous avons passé presque tout notre temps ensemble. J’ai commencé à devenir de plus en plus sûre de cette idée quand tu as réussi à capturer Grande Sœur Linéa... mais j’en suis devenue certaine au cours de ta conversation avec Alexis. »
Cette fois, c’était au tour de Yuuto de garder le silence. Il semble qu’il n’y avait absolument rien qu’il pouvait cacher à son adjudant.
Depuis deux ans, Yuuto voulait désespérément rentrer chez lui. Mais, dès son arrivée à Yggdrasil, le Clan du Loup qui l’avait adopté n’avait cessé d’être en guerre. Jusqu’à tout récemment, vivre pour voir un autre jour devait être sa priorité absolue, et la recherche d’un moyen de rentrer chez lui avait inévitablement été mise de côté.
Puis il y avait sa famille. Bien sûr, ce n’était qu’une construction sociale créée en jurant sur un calice sacré, mais, quelle qu’en soit la raison, il avait formé des liens familiaux. Laisser sa famille derrière lui jusqu’à une mort certaine alors qu’il s’était échappé seul et était maintenant en sécurité était quelque chose dont il savait qu’il se serait senti coupable.
Mais maintenant, le Clan du Loup était devenu beaucoup plus grand et puissant qu’il y a deux ans, et ses deux clans ennemis de longues dates, la Corne et la Griffe, étaient devenues des familles assermentées par le Serment du Calice.
Alors que la menace récente du danger commençait à s’estomper, Yuuto était conscient du fait qu’il pensait à chercher un moyen de rentrer chez lui. Ce dont il n’avait jamais rêvé, c’était que quelqu’un d’autre remarquerait ce secret caché dans son cœur.
« Maintenant qu’il n’y a plus rien pour te retenir ici, j’ai ressenti ce terrible malaise, Grand Frère, » déclara Félicia. « Comme si, si tu revenais à Iárnviðr, tu pourrais soudainement disparaître, et je... S’il te plaît, pardonne-moi. Même si tout est de ma faute, je t’ai dit des choses si impertinentes. Même si je n’en ai pas le droit. Vraiment, je ne sais pas pourquoi... »
Sa voix était remplie de regrets et elle semblait vraiment perplexe face à ses propres émotions. Il est vrai que Félicia avait toujours maintenu un niveau de sang-froid d’adulte, soutenant Yuuto dans ses moments de faiblesse. C’était très différent pour elle de perdre le contrôle d’elle-même à cause de ses émotions comme ça, et cela l’avait probablement beaucoup dérangée.
« Désolé », s’excusa Yuuto en tapotant sur la tête de Félicia.
« Tu n’as pas à t’excuser auprès de moi, Grand Frère ! J’étais simplement égoïste. J’ai perdu le contrôle de moi-même et j’ai agi honteusement envers toi. »
« Même ainsi, je suis désolé, » répondit Yuuto.
« Comme je l’ai dit, tu as — Arg ! Qu’est-ce que tu fais ? »
Yuuto avait réduit au silence l’argument de Félicia en caressant le haut de ses cheveux.
Il s’excusait parce que c’était lui qui l’avait forcée à se sentir ainsi. Elle l’avait dit elle-même : Elle en était devenue certaine au cours de sa conversation avec Alexis. Elle était probablement déjà au courant du changement dans son attitude, et cette conversation avait dû aggraver les choses pour elle.
Elle avait également montré à quel point elle avait secrètement voulu que Yuuto reste à Yggdrasil. C’était Félicia qui l’avait convoqué ici par accident. Elle avait réfréné son désir qu’il reste malgré la culpabilité qu’elle ressentait de l’avoir amené ici... ou peut-être à cause de cela.
« Je suis trop insensible, n’est-ce pas ? » déclara Yuuto doucement. « J’ai trop dépendu de toi, Félicia. »
Il sentait à nouveau à quel point il était immature.
Pendant ces deux années, la personne qui avait été la plus proche de lui, qui l’avait constamment soutenu, était Félicia. Bien sûr qu’ils agissaient pour prendre soin l’un de l’autre. Ce serait bizarre s’ils ne l’avaient pas fait. Yuuto pensait à elle comme si elle était sa vraie sœur.
Et pendant tout ce temps, il lui demandait de l’aider à chercher une méthode pour rentrer chez lui. Même lui, il pensait qu’il était un type assez terrible pour avoir ça.
« A-Arrrêtt ! Attends un instant, Grand Frère ! » Félicia avait soudainement crié d’une manière qui lui donnait l’air calme par rapport à son manque de sang-froid précédent.
« Euh !? » Yuuto n’avait pas eu le temps de réagir.
Félicia se leva brusquement et se pencha de près, amenant son joli visage jusqu’à son nez. « V-Vraiment, ça me rend très h-heureuse quand tu comptes sur moi ! Fais comme d’habitude et dis-moi tout ce dont tu pourrais avoir besoin ! »
« E-Eh bien, m-mais... »
« S’il te plaît, oublie tout ce qui vient de se passer. Moi, Félicia, j’ai fait la plus grande gaffe de ma vie. À partir de maintenant, je donnerai tout ce que je suis pour me consacrer aux besoins du cœur de Grand Frère sans être retenu par le mien, alors laisse-moi te servir ! S’il te plaît ! » déclara-t-elle.
« O-Okay. » Yuuto ne pouvait que hocher la tête en accord, déconcerté par l’air de servitude presque menaçant de Félicia.
Yuuto avait commencé à penser qu’à l’avenir, il devrait s’efforcer d’être plus attentif aux émotions de Félicia, tout en s’abstenant de trop compter sur son soutien. Mais il semblerait que ce n’était pas ce qu’elle voulait.
La dure réalité de la situation lui était aussi venue à l’esprit : le fait que, sans son soutien, il n’y avait aucune chance que quelqu’un d’aussi inexpérimenté et ignorant d’Yggdrasil que Yuuto puisse faire quelque chose.
Yuuto avait souri avec un sourire ironique. « Bon, d’accord, je vais te causer plus d’ennuis à partir de maintenant, mais merci, Félicia. Je compte sur toi. Tu es... tu sais. Tu es après tout ma confidente la plus digne de confiance. »
Immédiatement après l’avoir dit, il avait senti son visage se réchauffer. Quand il exprimait ses sentiments à une personne, il était toujours devenu comme ça. L’embarras s’était mis en travers du chemin. Mais il avait quand même réussi à dire ce qu’il ressentait vraiment.
Un confident était quelqu’un avec qui vous pouviez être honnête et ouvert sur n’importe quoi, demander des conseils sur n’importe quoi, et leur faire confiance pour faire la même chose. Sigrun était loyale à coup sûr, ni plus ni moins que Félicia, mais en tant que source de conseils privés, il n’y avait personne de plus grand que Félicia.
Après tout, c’était vrai. En dehors du moment où ils étaient au lit, ils avaient passé pratiquement l’intégralité de ces deux ans ensemble.
« Eh !?? Oh... »
Félicia avait cligné des yeux un instant, comme si elle n’avait pas compris ce qu’elle avait entendu, puis elle avait souri. Ce n’était pas son sourire habituel, mature et composé, mais légèrement ludique, auquel Yuuto était habitué. C’était le sourire joyeux et pur, plus adapté à une fille de son âge, comme une fleur brillante qui s’épanouissait soudainement.
« O.. Oui !! S’il te plaît, laisse-moi m’occuper de tout ! Moi, Félicia, j’arrêterai absolument et sans faute ce mariage avec Grande Soeur Linéa ! »
Félicia était encore plus différente d’elle-même, débordante d’enthousiasme et criant d’une voix vive, presque hystérique. Il semblerait que les paroles de Yuuto l’aient rendue très heureuse.
Maintenant qu’il y avait réfléchi, Yuuto s’était rendu compte qu’il avait déjà remercié Félicia plusieurs fois auparavant, mais il ne lui avait jamais vraiment dit à quel point il lui faisait confiance.
Rien que de penser à ces choses dans mon cœur ne suffira pas. Je dois m’assurer de les dire correctement, ou je le regretterai, s’était dit Yuuto avec une conviction renouvelée.
Il avait déjà vécu le pire exemple de cela. Il était devenu plus qu’un ami d’enfance et moins qu’un petit ami avec Mitsuki, et pendant qu’il traînait les pieds, il avait été envoyé dans ce pays lointain avant même d’avoir eu l’occasion de se confesser. Tant pis pour apprendre de ses erreurs.
« ... Ça me rappelle que je dois trouver un moyen d’expliquer ça à Mitsuki. » Yuuto se souvient d’un autre problème déprimant entre ses mains, et il était déjà déprimé.
Dans tous les cas, c’était un problème qu’il devait régler seul.
Était-il son destin d’avoir des problèmes avec les femmes ? Yuuto avait sérieusement commencé à envisager la possibilité.
***
Partie 5
Des prêtresses vêtues de minces vêtements mouvants dansaient dans toute la salle du rituel, leurs mouvements étant dans le rythme avec la musique quelque peu solennelle des flûtes.
Les torches brillaient au centre de la salle. Leur lumière vacillante jouait contre les murs de plâtre blanc, leur donnant une légère teinte rouge.
Sur l’autel de cérémonie se trouvait une jeune chèvre, entourée d’énormes quantités de blé et d’alcool. Cette offrande aux dieux était une expression de gratitude pour la victoire qu’ils avaient acquise.
Sécheresse et tempête, tremblement de terre et inondation... On pensait que tout cela était l’œuvre des dieux ici dans Yggdrasil. Il en fut de même pour la victoire et la défaite lors des guerres.
Beaucoup croyaient sincèrement que le fait de ne pas apaiser les dieux provoquerait leur colère et la destruction rapide de leur pays.
C’est pourquoi un patriarche de clan avait aussi un rôle de prêtre de cérémonie. Il ou elle représenterait l’ensemble du clan dans les rites d’offrande, agissant au nom de tout le clan pour montrer leur gratitude. Négliger ces devoirs mettrait les subordonnés de Yuuto, et son clan dans son ensemble, dans un état de malaise. L’absence de mérite scientifique n’était pas une excuse pour faire des économies.
« Pff, » soupira Yuuto avec soulagement. « Enfin, c’est fait ! »
Après avoir terminé le rite, il s’était écrasé dans le siège qui lui était réservé avec un bruit sourd et avait fait craquer son cou dans un mouvement de va-et-vient.
Normalement, il aurait pu se détendre et s’amuser à ce moment-là, mais son humeur était encore sombre. Les membres du Clan de la Corne présents regardaient tous dans la direction de Yuuto et se chuchotaient les uns aux autres... ce qui n’avait rien à voir avec cela. Il s’était déjà habitué aux regards moqueurs et aux ragots il y a deux ans. Chaque fois qu’il avait ressenti l’odeur de cette attitude, ça ne le dérangeait pas.
La source de sa mélancolie, Linéa, lui tendit joyeusement du thé. « Merci pour votre dur labeur, Grand Frère ! Voilà pour vous. »
Les cérémonies d’aujourd’hui avaient aussi pour but de montrer à l’ensemble du Clan de la Corne que leur ancien ennemi, le Clan du Loup, était maintenant leur allié. On pourrait donc dire qu’il était tout à fait raisonnable que Linéa, patriarche du Clan de la Corne, s’assoie à côté de Yuuto. Raisonnable, sauf pour la partie où il avait dû passer tout l’événement à côté de la fille dont il savait dans son cœur qu’il devait rejeter la demande en mariage.
Yuuto n’aurait aimé rien de plus que de fuir la salle de cérémonie à toute vitesse, s’il pensait pouvoir s’en tirer à bon compte.
« O-Oui. Merci. » Yuuto avait maladroitement accepté la tasse de thé d’elle et il étancha sa soif. Il pouvait à peine la goûter, et il sentit presque immédiatement sa gorge se dessécher de nouveau à cause de ses nerfs.
« Oh, c’est délicieux, » déclara Linéa, en plaçant du mouton sur la pointe d’une brochette. « J’aime vraiment ça. Vous devriez essayer aussi, Grand Frère. »
Avec son autre main tenue comme une assiette, elle avait doucement porté le morceau de viande de la taille d’une bouchée jusqu’à la bouche de Yuuto. Sa vivacité et son sourire d’adoration authentique suffisaient à donner à Yuuto des douleurs à l’estomac.
Il aurait préféré refuser poliment, mais ils étaient en public, et à sa manière, cette offre était une affaire diplomatique. En tant que frère aîné, il devait accepter le geste de sa jeune sœur assermentée et renforcer leur relation hiérarchique.
Yuuto s’était donc résigné et avait pris la bouchée de viande dans sa bouche.
Hmm. Mastiquer, mastiquer…
La viande était rôtie et croustillante, avec l’odeur forte caractéristique de la viande de mouton. C’était probablement délicieux, mais en ce moment, Yuuto était tellement préoccupé qu’il n’avait tout simplement pas la capacité mentale d’en apprécier le goût.
« Comment ça va ? » demanda Linéa.
« O-Oui. Je, euh, je pense que c’est bon. Probablement, » répondit Yuuto.
« O-oh, c’est merveilleux ! Je suis tellement soulagée que la cuisine du Clan de la Corne corresponde à vos goûts. » Linéa était tout sourire, apparemment enchantée du fond du cœur.
Si l’on s’arrêtait pour y penser, des phrases comme « je pense » et « probablement » étaient clairement étranges dans cette situation, mais Linéa ne montrait pas le moindre indice qu’elle l’avait remarqué.
En la regardant dans un tel état de bonheur, Yuuto avait l’impression que sa conscience était aussi en train d’être embrochée.
« E-Eh bien, alors, e-euh... » Linéa, soudain timide et balbutiante, commença à percer un autre morceau de viande avec la brochette.
Pourquoi ne pas me poignarder avec ce truc et en finir avec ça ? Ce serait presque plus facile à faire à ce stade ! pensa Yuuto. Le stress émotionnel de la situation commençait à faire des ravages sur lui.
Cependant, son cauchemar ne faisait que commencer.
« D-Dit “Ahhhh”... ♡ » Avec son visage rouge comme une betterave, Linéa tendait à nouveau un morceau de mouton. Son ton tout miel avait fait descendre un froid désagréable le long de sa colonne vertébrale.
Physiquement, c’était le même acte qu’il y a quelques instants, mais avec seulement ces mots, le ton de la situation avait complètement changé. Plutôt qu’une subordonnée s’occupant de son supérieur, c’était plutôt — .
« Ahh, mais vous avez tous les deux une relation si intime », un homme âgé était entré dans la scène, s’adressant à eux jovialement. « Vraiment, vous avez l’air d’un mari et d’une femme. »
C’était Rasmus, le commandant en second du Clan de la Corne. On aurait dit qu’il avait déjà vidé beaucoup de gobelets de vin. Il avait toujours ses jambes sous lui, mais il avait le visage rouge et les yeux embrumés.
Putain de merde ! Vous êtes tous à vous amuser à mes dépens ! Yuuto ne pouvait pas ne pas avoir de la rancune contre cet homme. S’il n’avait pas mis des idées bizarres dans la tête de Linéa, Yuuto aurait pu simplement profiter de la cérémonie en ce moment même.
« Ne te moque pas de ton p-patriarche ! » Linéa bégayait. Sa tentative de le gronder sévèrement s’était effilochée et cela s’était terminée en baissant les yeux vers le sol alors qu’elle était embarrassée. « D’ailleurs, c’est toi qui m’as dit de faire ça... »
La dernière partie avait presque l’air d’avoir été murmurer pour elle-même, mais Yuuto avait saisi chaque mot.
Alors la chose de « dites ahhhh », c’est vous aussi !? Yuuto avait fixé du regard Rasmus avec quelque chose de semblable à une intention meurtrière.
« Veuillez accepter mes excuses », déclara Rasmus avec un sourire plâtré. « Ahh ! Mais quand même, toute personne aussi chanceuse d’avoir notre princesse comme fiancée serait un homme heureux. Vous ne trouverez pas beaucoup de femmes aussi belles, saines et dévouées qu’elle. N’êtes-vous pas d’accord, mon oncle du Clan du Loup ? »
Yuuto se retrouva serrant le poing en silence sous la table à la question éhontée de Rasmus. Il aurait dû s’attendre à ça de l’homme chargé de gérer un clan aussi grand que la Corne. Rasmus avait formulé les choses de telle sorte qu’un déni serait problématique, tandis que l’accord pourrait être pris hors contexte.
Yuuto s’était trouvé incapable de trouver une bonne façon de changer les choses. Juste au moment où il commençait à être agité, il sentit quelque chose d’incroyablement doux se serrer contre son bras.
« Oh, mon Dieu, c’est un commentaire que je ne peux pas ignorer, » déclara Félicia avec un sourire envoûtant. « Vous savez qu’il y a beaucoup de femmes convenables dans le Clan du Loup ? » Félicia se blottit contre le bras de Yuuto et lança à Rasmus un regard significatif.
Rasmus fronça les sourcils, visiblement décontenancé.
Aussi partial que Rasmus puisse être face aux charmes de Linéa, il ne pouvait honnêtement admettre qu’elle était plus séduisante physiquement que Félicia. D’une part, il n’y avait aucun moyen qu’une Linéa encore en développement puisse l’égaler en volume et en proportion.
« Oh, et Run, tu devrais aussi remplir la tasse de Grand Frère, » avait appelé Félicia.
« Hm ? » Sigrun fronça les sourcils. « Ça m’ennuie quand tu me donnes des ordres comme ça. Mais en tant que fille assermentée, je veux quand même m’occuper de Père, alors j’irai pour lui. »
Sigrun se tenait juste en dehors du coin de la vision de Yuuto, prêtant tranquillement attention à leur environnement. Ses longs cheveux argentés s’étaient retournés comme une queue alors qu’elle se retournait pour lui faire face.
Elle était d’une beauté à égalité avec Félicia. En matière de pureté sexuelle, la victoire pourrait aller à Félicia, mais Sigrun avait une beauté presque artistique, comme si un sculpteur avait enlevé toutes les impuretés, et ses traits stoïques semblaient rayonner d’une aura divine.
« Grand Frère, s’il te plaît, place ta main autour de mon épaule », chuchota Félicia à l’oreille de Yuuto alors qu’elle caressait avec amour son cou et son menton. Ces gestes avaient chatouillé Yuuto ici et là, mais il avait réussi à se tenir assez solidement pour faire ce qu’elle avait dit.
« Hm ? Quel est le plan, Félicia — ? »
« Oooh ! ♡ » La seconde main de Yuuto toucha son épaule, Félicia poussa un cri sensuel et tomba dans les bras de Yuuto. C’était un jeu d’acteur de sa part ; Yuuto n’avait pas du tout tiré sur son épaule. Mais pour les gens qui nous regardaient, cela devait ressembler à ce que Yuuto avait tiré Félicia par la force dans une étreinte.
« Te voilà, Père. » Sigrun s’était penchée avec un minutage parfait, un pichet à la main, et avait commencé à verser du thé dans la tasse de Yuuto.
Tout cela s’était réuni pour produire ce qui était indubitablement l’image d’un homme débauché entouré par son harem.
C’est notre Loup Sage, Ráðsviðr ! Habituellement, Yuuto l’aurait repoussé à la hâte, mais en ce moment, il l’applaudissait intérieurement.
Linéa était vénérée comme « princesse » et patriarche de son clan. Sa fierté ne devrait pas pouvoir pardonner d’être traitée comme une femme parmi tant d’autres. Donc, donner l’impression qu’il avait des relations avec d’autres femmes pourrait l’encourager à retirer sa proposition. Yuuto, par exemple, pensait que l’idée n’était pas si mauvaise.
« Uuurgghhhh... ! » Linéa ne pouvait pas contenir son déplaisir, grognant et gonflant ses joues.
« Tee hee hee hee », ricana Félicia en souriant triomphalement. « Oh mon Dieu, mais quel est donc le problème, Grande Sœur Linéa ? Pourriez-vous être jalouse ? » Elle avait lentement tracé un cercle sur la poitrine de Yuuto avec son index.
Tu es vraiment dans ton élément en jouant le rôle de la méchante femme, Félicia, Yuuto avait pensé à lui-même, puis il avait rapidement chassé les mots de son esprit. C’était impoli de penser ainsi d’elle alors qu’elle faisait un tel effort pour lui.
« Je ne suis pas jalouse !! » Linéa éleva la voix avec indignation, mais son déni n’était pas du tout persuasif. Sa jalousie était évidente pour tout le monde.
***
Partie 6
Pendant quelques instants, Linéa avait baissé les yeux, se mordant la lèvre et gémissant dans la frustration, mais soudain, elle se releva.
« H-Hmm. Je comprends maintenant. Avec quelqu’un du c-calibre de Grand Frère, il est inévitable qu’une foule de femmes affluent vers lui. Très bien. Permettre un peu d’altruisme, c’est aussi le devoir d’une épouse ! »
Linéa avait serré le poing et l’avait annoncé d’une voix forte, comme si elle essayait aussi de se convaincre elle-même.
« Hein ? Hein ? » Yuuto avait commencé à avoir l’impression qu’il avait, d’une manière ou d’une autre, causé plus d’ennuis pour lui-même.
Et c’est là que c’était arrivé.
Sigrun avait été la première à le remarquer. Avec une soudaine agilité animale, elle s’était levée d’un coup et avait regardé avec méfiance vers l’entrée, abaissant son centre de gravité. Elle avait posé une main sur sa poignée d’épée, prête à dégainer à l’improviste.
Son expression était plus sérieuse que ce que Yuuto avait vu jusqu’à aujourd’hui, et une grosse perle de sueur se frayait déjà un chemin le long de sa joue.
« Que se passe-t-il, Run —, » Yuuto n’avait même pas fini sa question avant qu’il ne s’en aperçoive lui aussi.
La grande salle du rituel avait été remplie de bruit et de célébration, mais le son s’était complètement éteint comme si une vague de silence avait déferlé sur la salle en provenance de l’entrée. Tout le monde fixait le même point, avec des expressions rigides et choquées.
Debout à l’entrée, un homme d’âge moyen, bien construit, barbu, et revêtu d’une robe de soie. C’était quelqu’un que Yuuto connaissait : le goði Alexis. Il était un haut fonctionnaire du Saint Empire Ásgarðr, un représentant de l’Empereur Divin, et l’homme qui avait supervisé Yuuto et la Cérémonie du Calice de Linéa. Cependant, la personne que tout le monde regardait n’était pas Alexis, mais l’homme qui se tenait à côté de lui.
Il avait l’air jeune, peut-être une vingtaine d’années, avec des cheveux roux comme une flamme. Il était grand et mince, avec une silhouette tonique qui suggérait à la fois force et agilité.
Ses traits masculins étaient compensés par ses yeux qui débordaient d’une curiosité presque enfantine.
En effet, il n’y avait rien de particulièrement exotique ou d’anormal dans l’apparence du jeune homme. Et pourtant, Yuuto était complètement incapable de le quitter des yeux.
« Qu’est-ce que c’est que ce type !? » Yuuto haleta. Avant qu’il ne s’en rende compte, il s’était déjà levé à moitié, le corps tendu pour se préparer au combat ou à la fuite.
Il ressentait une mystérieuse terreur en lui en réaction à cet homme, comme si un instant de manque de prudence signifiait sa propre mort.
Comme si un tigre sauvage était soudainement apparu devant lui.
« Steinþórr ! Qu’est-ce qu’il fait là ? » s’écria Linéa avec une voix tremblante.
Même Yuuto avait déjà entendu ce nom auparavant.
Dans l’ouest de l’Yggdrasil, depuis la fondation du Saint Empire Ásgarðr, la région au nord de la rivière Körmt s’appelait Álfheimr, et au sud était la région de Vanaheimr.
Le Clan de la Foudre contrôlait un vaste tronçon nord de Vanaheimr tout le long de la rivière Körmt, et Steinþórr était leur patriarche.
Sa façon de se battre, moins courageuse et plus intrépide et sauvage, lui avait valu ce surnom.
« Le Dólgþrasir... C’est donc le “Tigre Affamé de Batailles de Vanaheimr”, n’est-ce pas ? » Yuuto crachait les mots avec un petit frisson, essuyant la sueur de sa joue avec le dos de sa main.
Il avait entendu les rumeurs, mais jusqu’à récemment, c’était un nom qui semblait très lointain, d’un territoire qui n’avait pas encore bordé le sien.
« Oui, » répondit Linéa. « Même le grand héros du Clan du Sabot, Yngvi, craignait son pouvoir. Après l’avoir affronté une fois au combat, Yngvi a offert en mariage la main de sa propre fille et a prêté serment de fraternité égale sur le Calice... tout cela pour éviter de combattre un homme de plus de dix ans plus jeune que lui. »
« Ça ressemble à un adversaire coriace. »
Yuuto avait déjà affronté Yngvi au combat une fois auparavant, et avait été étonné par les capacités de l’homme. Yngvi avait réussi à avoir des réponses à chacune des tactiques de combat futuristes de Yuuto, malgré le fait de les voir pour la première fois. Sa force présente dans son leadership avait ramené ses troupes du bord de la panique chaque fois que Yuuto les avait ébranlés, et son courage au combat avait même réussi à submerger le plus fort du Clan du Loup, le Mánagarmr Sigrun.
En une seule génération, Yngvi avait élevé le Clan du Sabot en une grande nation qui était prête à prendre le contrôle de tout Álfheimr. Ses capacités étaient celles d’un « souverain suprême », celui qui s’empare de la terre par la conquête militaire.
« Il est comme Takeda Shingen, » murmura Yuuto.
« Hein ? » Linéa le regarda d’un air interrogateur.
« Désolé, je me parlais à moi-même », répondit Yuuto avec un sourire ironique.
On disait souvent qu’Oda Nobunaga, le puissant conquérant militaire de l’époque des États belligérants du Japon, avait déjà cherché un traité de paix et une alliance avec Takeda Shingen. Malgré le fait d’avoir plusieurs fois la force militaire des armées de Takeda, Oda avait fait preuve de courtoisie envers lui. Cela montrait à quel point il craignait la puissance de Takeda Shingen.
Cependant, ce n’était pas seulement un problème de l’histoire récente ou ancienne. Lors de leur précédente guerre avec le Clan de la Corne, le Clan du Loup s’était emparé d’un territoire riverain, et maintenant ils partageait une frontière avec le Clan de la Foudre.
Malheureusement, il était apparu que leur nouveau voisin était un vrai problème.
« Seigneur Alexis ! Pourquoi avez-vous amené quelqu’un comme lui ici ? » Rasmus interrogea le goði barbu, n’enlevant jamais son regard de Steinþórr.
C’était le centre de la capitale du Clan de la Corne, et en plus, c’était leur site religieux le plus sacré. Il y avait plusieurs niveaux de sécurité à franchir avant d’entrer, donc ce n’était pas un endroit où un étranger devrait pouvoir se promener.
Il était clair qu’Alexis avait utilisé ses privilèges diplomatiques en tant que représentant de l’empereur pour amener le patriarche du Clan de la Foudre avec lui.
« Franchement, ne t’inquiète pas pour les détails, vieil homme. » Steinþórr était complètement infaillible. « On fait la fête ici, n’est-ce pas ? J’ai pensé venir vous souhaiter félicitations en tant que chef de votre pays voisin. »
« Comment osez-vous dire quelque chose de si honteux, alors que vous avez pris la vie de notre patriarche précédent de vos propres mains !? » cria Rasmus.
« Ahh, ce vieux Hrutin-quelque chose ou autre, n’est-ce pas ? Tout le monde disait qu’il était génial et qu’il ne s’est même pas battu. »
Le prédécesseur du patriarche du clan n’était pas seulement le père de Linéa par le sang ; il aurait été son parent assermenté par le Serment du Calice, en fait le grand-père de tout le clan. De plus, il avait été un grand-père bien-aimé, qui avait béni son clan avec de nombreuses grandes actions et laissé une marque indélébile sur leur histoire.
Steinþórr avait parlé d’un homme aussi indifféremment que comme s’il parlait de la météo d’hier, à peine mémorable. Des cris de ressentiment avaient commencé à se faire entendre dans la salle bondée.
Steinþórr avait répondu en riant et avait salué la foule. « Eh bien, voyons ! Qui de toute façon se soucie d’un vieux mort. »
« Comment osez-vous... comment osez-vous vous moquer de nous ! » Sa rage à son apogée, Rasmus avait dégainé l’épée à sa taille. Même si cela venait du patriarche du Clan de la Foudre, le fait de pardonner publiquement sans tenir compte de la dignité de Rasmus mettrait en danger non seulement la dignité de Rasmus, mais aussi la dignité du Clan de la Corne dans son ensemble. « Ne croyez pas que vous pouvez entrer effrontément seul dans cet endroit, faire des remarques comme ça et rentrer chez vous vivant ! Je prendrai votre tête pour l’offrir sur la tombe du patriarche précédent ! Hé, tout le monde ! »
Au signal de Rasmus, plusieurs hommes de la foule suivirent son exemple, dégainant leurs épées.
Il y avait quelques cris terrifiés de certaines des femmes présentes, et soudain, la salle était dans un tumulte.
Quant au jeune homme aux cheveux roux, il était sûrement conscient de toute la soif de sang qui visait sa voie, mais ne semblait pas s’en soucier. Il s’était gratté la tête avec une expression ennuyée et non impressionnée.
« Rasmus, venez maintenant, » déclara Alexis avec une expression douloureuse, en marchant entre les deux hommes. « Ce jeune homme est mon invité. Veuillez considérer ma position et pardonner son impolitesse comme une faveur. »
Clairement expérimenté comme médiateur dans les conflits, Alexis avait parlé avec confiance dans une atmosphère tendue et violente. Un seul faux mouvement et il pourrait facilement être celui qui se fait abattre, intentionnellement ou accidentellement. Pourtant, son expression calme n’avait pas changé.
Il n’était pas seulement un certain goði, mais clairement un homme d’une audace considérable.
« Khh... ! » Rasmus avait plissé son visage comme s’il écrasait un insecte dégoûtant.
Au moins officiellement, le patriarche d’un clan était un serviteur de l’Empereur Divin. Cette autorité officielle avait été utilisée pour justifier la domination d’un clan sur leur territoire. Un goði était le mandataire de l’Empereur Divin. Ses paroles étaient celles de l’empereur, et son invité était un invité impérial.
Blesser ou tuer Steinþórr ici serait une insulte à l’honneur de l’Empereur Divin. Si cela était fait en dépit de la tentative du goði de l’arrêter, le déshonneur serait impardonnable.
« Si vous le dites, Seigneur Alexis, » dit Rasmus, « Je n’ai pas d’autre choix que de reculer. » Il avait baissé son épée. Sa voix était encore amère et tremblante de colère.
La seule chose qui le retenait, c’était son sens des responsabilités en tant que commandant en second du Clan de la Corne.
Le Saint Empire Ásgarðr avait vraiment régné sur tout le territoire d’Yggdrasil il y a 200 ans. Or, sa sphère d’influence s’était réduite à quelque chose de plus comparable à un clan de taille moyenne comme le Clan de la Corne. Géographiquement et politiquement parlant, c’était loin de cet endroit. Cependant, son autorité persistante commandait toujours le respect. L’empire pourrait accorder aux voisins du Clan de la Corne le droit officiel de les attaquer.
Actuellement, le Clan de la Corne avait vu son territoire à l’est être saisi par le Clan du Loup, tandis que ses villes et villages de l’ouest avaient été dévastés par l’envahisseur du Clan du Sabot avant d’être chassés.
Avec une telle situation interne, Rasmus devait éviter d’accorder à ses clans voisins toute excuse pour attaquer.
« On dirait que tu vas vivre un autre jour, papy. » Steinþórr avait souri.
Rasmus avait recommencé à élever la voix vers lui, mais il ne pouvait pas en dire plus. En un instant, Steinþórr avait complètement réduit la distance entre eux et il arriva à bout portant.
Il était déjà si proche de Rasmus qu’une épée serait inutile, et Rasmus s’était trouvé incapable de bouger ou de réagir. Steinþórr se pencha près du visage de Rasmus, leurs nez se touchant presque, et se moqua de lui.
« Oui, je n’ai jamais été là pour toi, grand-père. À ton âge, tu n’as probablement plus beaucoup de temps, mais prends soin de toi. »
Avec ces mots, Steinþórr s’était soudainement baissé et avait frappé la lame de l’épée de Rasmus avec son doigt.
C’est tout ce qu’il avait fait.
« Vous vous moquez de moi ! » Yuuto s’étouffa devant ce qu’il vit, tandis que le sol en pierre du hall faisait écho au bruit du métal.
Certes, le bronze était plus fragile que le fer. C’était tout simplement un fait. Mais fragile ou non, il ne devrait y avoir aucun moyen pour une personne de briser une lame de bronze d’un simple coup de doigt !
Cette impossibilité venait de se produire dans la réalité, juste devant lui.
« C’est le pouvoir du Briseur, Mjǫlnir, » expliqua Linéa. « C’est une rune unique avec toute son énergie divine, son ásmegin, concentré uniquement sur le pouvoir de destruction... »
Habituellement, la rune d’un Einherjar leur donnait quatre ou cinq capacités différentes. Par exemple, la rune Hati de Sigrun lui avait donné une capacité physique globale plus forte que celle d’un guerrier masculin moyen, mais elle lui avait aussi donné un sens de l’odorat qui pouvait détecter les poisons et les présences ennemies, un sixième sens étrange au combat, et un rugissement sauvage qui pouvait inspirer ses alliés et intimider ses ennemis.
Il y avait aussi des exceptions. La rune Skírnir de Félicia était assez spéciale et lui avait conféré de nombreuses et diverses capacités et pouvoirs. Cependant, ceci avait été compensé par un coût, car aucune des capacités de Félicia n’était exceptionnellement puissante. En tant qu’homme à tout faire, un Einherjar spécialisé dans seulement quelques-unes des capacités qu’elle possédait surpasserait certainement son niveau.
Donc, le contraire devait aussi être vrai. Si toute la puissance d’une rune était comprimée et concentrée, on pourrait peut-être obtenir une force ridicule capable de briser une épée de bronze en deux d’un simple coup de doigt.
Après avoir tiré cette conclusion, Yuuto avait réalisé autre chose.
« Hm ? Mais qu’en est-il de ses mouvements à ce moment-là ? » demanda-t-il à Linéa. « Ils n’étaient pas naturels non plus, n’est-ce pas ? »
Rasmus était le chef de quatre puissants Clan de la Corne Einherjar connu sous le nom de Brísingamen, ou « Quatre Flammes », qui avait causé pas mal de défaites douloureuses pour le Clan du Loup avant l’arrivée de Yuuto. Même après sa jeunesse, Rasmus devrait être assez fort et compétent. Et pourtant, il n’avait pas été en mesure de réagir à la vitesse de l’autre. Même Yuuto, regardant de la ligne de touche, avait à peine pu le suivre. Il était difficile de croire que quelqu’un pouvait se déplacer avec une telle précision et aussi rapide comme l’éclair sans les bénédictions d’une rune.
Il y avait, bien sûr, ces guerriers comme le commandant en second du Clan du Loup, Jörgen, qui, grâce à des années d’entraînement intense, avait obtenu un niveau de compétence qui leur permettrait de combattre sur un pied d’égalité avec un Einherjar.
Ce n’était que l’intuition de Yuuto, mais il avait certainement eu le sentiment qu’un homme comme Steinþórr n’avait pas obtenu une telle compétence par de longues années d’entraînement rigoureux. Il était purement et simplement fort. Une force impeccable et non entraînée, née de l’intérieur, comme celle d’un ours ou d’un tigre, ou d’une autre bête féroce.
« Oui, » poursuit Linéa. « Il a une force phénoménale des bras et des jambes, grâce à sa rune Megingjörð, la ceinture de force. »
Pendant une seconde, Yuuto avait cru qu’il l’avait mal entendue. Si sa mémoire n’était pas erronée, il venait d’entendre parler de la rune de Steinþórr, et elle avait un nom différent. Il n’avait pas la meilleure mémoire, mais il était persuadé qu’il n’était pas le genre de personne qui oublie ce qu’on vient de lui dire, comme un vieil homme sénile.
« Linéa, dis-tu que... est-ce qu’il a deux runes ? »
« Oui, Grand Frère. Il est l’un des rares, peut-être trois au plus, dans tout Yggdrasil qui soit un double Einherjar ».
« ... Quel tricheur de merde, » déclara Yuuto avec un certain dégoût.
Il n’y avait aucune chance de mener une quelconque enquête ou mesure dans ce monde, mais la compréhension de Yuuto était que seulement une personne sur dix mille recevait la bénédiction d’une rune. Il n’avait jamais envisagé la possibilité que quelqu’un puisse s’en voir accorder deux.
« Oookay, alors. Voyons voir ici. » Steinþórr avait jeté un coup d’œil autour. « Ah, le voilà ! » Ses yeux avaient rencontré ceux de Yuuto.
Avant même que Yuuto puisse finir de penser Oh, merde... pour lui-même, le jeune homme aux cheveux roux se dirigeait vers lui avec un sourire ravi.
« Halte. » Sigrun se tenait sur le chemin de Steinþórr, sa position devant lui comme si elle protégeait Yuuto. « Je ne vous laisserai pas vous approcher de Père. »
Elle ponctua son avertissement d’un petit mouvement, sa main détachant légèrement son épée de son fourreau. Yuuto n’avait jamais vu un regard aussi sombre dans ses yeux auparavant, et son visage était couvert de perles de sueur.
Yuuto avait été choqué. Tout ce que j’ai fait aujourd’hui, c’est être témoin de l’impossible, se dit-il. Même dans ses rêves les plus fous, il n’avait jamais imaginé voir le Loup d’Argent le plus fort, le Mánagarmr, terrifié par quelqu’un !
« Hm ? » Steinþórr s’était arrêté, jetant un coup d’œil à Sigrun. Contrairement à son interaction avec Rasmus il y a quelques instants, il y avait une lueur d’intérêt dans ses yeux.
Yuuto pouvait entendre le grincement des dents de Sigrun ; le regard larmoyant de Steinþórr doit être très désagréable pour elle. Malgré cela, la petite femme au tempérament fort était restée silencieuse et avait enduré l’offense. Cela n’avait servi qu’à faire comprendre à Yuuto à quel point la menace Steinþórr était insondable.
« Ces cheveux argentés signifient que tu es le meilleur combattant du Loup, Sig-qqchose — ouu-qq chose comme ça, ouais ? » demanda Steinþórr.
« C’est Sigrun. »
« Peu importe, je m’en fous des détails. Je vois que tu as une forte aura combative. On dirait que tu as tué mon beau-père dans une bagarre en tête-à-tête, et que ce n’était pas un mensonge. Eh, toujours du menu fretin pour moi, » déclara Steinþórr.
Hochant la tête comme s’il était satisfait de sa propre évaluation, Steinþórr avait semblé perdre tout intérêt pour elle et avait tourné son regard vers Yuuto.
***
Partie 7
Il avait évoqué la mort du père de sa femme comme si ce n’était rien, sans même un soupçon de haine. Il s’agissait d’un mariage politique entre deux clans. Cependant, il n’y avait aucun signe de rancune concernant la question qui pourrait être utilisée pour justifier une guerre de vengeance, alors il n’était peut-être pas surprenant que Yuuto eût poussé un soupir de soulagement. En tant que partisan de la paix, il préférerait ne pas avoir à affronter un tel monstre.
« Vous savez certainement comment bouleverser une fête, Seigneur Steinþórr. » Linéa ne pouvait pas masquer son irritation. « Ou bien est-ce juste dans la nature d’une bête d’ignorer les ennuis qu’elle cause aux autres ? »
Cette cérémonie de la victoire était organisée par le Clan de la Corne. L’intrusion et les bouffonneries de Steinþórr avaient suffisamment gâché les choses pour que Linéa, en tant qu’organisatrice et hôte, ait subi un affront. C’était dans la nature humaine de vouloir répondre par une ou deux remarques sournoises.
« ... Hmm ? » Steinþórr avait jeté un coup d’œil vers elle. « Ohh ! Alors, tu dois être le nouveau patriarche du Clan de la Corne. Ton nom est, euh... attends, c’était quoi déjà ? »
« Quoi — ! » Linéa s’était trouvée sans voix par cette insulte supplémentaire.
Elle avait connu des temps difficiles au cours des derniers mois, mais le Clan de la Corne était toujours une nation importante et une force influente dans cette région. De plus, elle partageait une longue frontière nationale avec le Clan de la Foudre le long de la rivière Körmt. En tant que patriarche, ne pas se souvenir de son nom dans une telle situation n’était rien de moins qu’une humiliation.
« Mon nom est…, » commença Linéa.
« Ahh ! Attends, ne me le dis pas, je l’ai entendu de Röskva. Hmmm... » Steinþórr avait réfléchi à voix haute pendant un moment. Puis il avait déclaré, plein de confiance, « Ouais, c’est ça ! Je me souviens maintenant ! Borghildr ! »
C’était un nom sans aucun rapport, sans une seule syllabe correspondante. On pourrait penser que c’était une provocation évidente. Mais si c’était le cas, il y aurait au moins une certaine mesure de rancune ou de sarcasme dans son ton.
Les remarques du jeune homme étaient libres d’une telle inflexion ; il disait simplement ce qui lui venait à l’esprit. Le savoir rendait sa personnalité d’autant plus exaspérante.
Empli par sa colère, la jeune patriarche du Clan de la Corne avait annoncé son propre nom. « ... C’est Linéa. »
Elle savait ce qu’elle devait faire ici. La situation avait déjà été créée par Alexis, et son pays se trouvait dans une situation politiquement défavorable. Pour une fille fière comme elle, il s’agissait d’une impressionnante démonstration de maîtrise de soi.
« Hein ? Alors c’est donc ça. Qui se soucie des détails ? De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais affaire à une petite fille aux oreilles mouillées. Je pourrais peut-être consacrer un peu de temps à la jolie dame là-bas, avec des courbes aux bons endroits. »
« Grr... !! Espèce de salaud ! » Linéa avait finalement perdu son sang-froid, peut-être parce qu’elle avait déjà été comparée à Félicia il y a peu de temps, et la honte était encore à vif. Alors qu’elle rugissait de colère, elle s’était contractée pour se lever de sa chaise, mais un bras autour de ses épaules l’avait retenue.
Ce n’était pas une prise particulièrement forte. Mais c’était aussi une étreinte qui semblait contenir de la détermination, qui ne prendrait pas un « non » pour une réponse. Linéa avait eu un petit frisson et la force avait quitté son corps.
Yuuto avait attendu jusqu’à ce qu’il soit sûr que Linéa s’était installée de nouveau dans son siège, puis il fixa du regard le jeune homme aux cheveux roux. « Arrêtez de les harceler. C’est pour moi que vous êtes là, n’est-ce pas ? »
À cet instant, l’atmosphère avait complètement changé. Tout le monde ressentait la même sensation, comme si la température avait soudainement chuté. Et tout cela grâce à quelques mots d’un jeune garçon qui, jusqu’à ce moment-là, semblait timide et médiocre.
Pour Yuuto, la famille était plus importante que tout le reste. Ce n’était peut-être pas intentionnel, mais cet homme s’était moqué de la fille assermentée de Yuuto, de sa petite sœur assermentée et du défunt père que cette sœur adorait. C’était plus que suffisant pour que Yuuto le déteste.
Il ne criait pas, mais Yuuto avait clairement perdu son sang-froid. Assez pour faire ressortir sa vraie nature, le lion féroce caché en lui.
« ... Oh ? » Pour la première fois, le sourire arrogant avait disparu du visage de Steinþórr’s.
Le « jeune homme joyeux, ignorant et innocent » semblait lui aussi disparaître, comme si un masque avait été arraché, révélant quelque chose de terrible en dessous. L’homme devant Yuuto avait maintenant l’air d’une bête affamée. Il avait fixé le corps de Yuuto avec une expression intense comme un prédateur qui avait finalement trouvé la proie qu’il cherchait.
Les vraies personnes se retrouvant dans cette situation pitoyable étaient les membres du Clan de la Corne. Ils avaient été emportés dans leur célébration, seulement pour être aveuglés par l’intrusion soudaine du patriarche du Clan de la Foudre et submergés par sa puissance monstrueuse. Si cela n’avait pas été suffisant, le jeune homme qu’ils avaient secrètement regardé avec dédain et qu’ils avaient projeté d’essayer d’en tirer profit avait lui aussi soudainement révélé un côté caché et redoutable de lui-même.
Incapables même de s’enfuir, les membres du Clan de la Corne se tenaient en place comme alourdie par la tension oppressante et étouffante dans l’air, leur visage était pâle et leur corps tremblant.
L’impasse silencieuse s’était poursuivie pendant quelques brefs instants. Finalement, un sourire était apparu sur le visage bestial de Steinþórr.
« C’est quoi ce bordel, mec ! Pour que tu puisses faire cette tête, après tout ! Pendant une minute, j’ai cru que tu étais une déception totale, tu sais ? » déclara Steinþórr.
« Quoi ? » Yuuto avait répondu dans un grognement irrité, incapable de comprendre ce que Steinþórr disait. L’aura de colère qui émanait de son corps gonflait encore plus en intensité.
La tension dans l’air devenait encore plus forte, et on pouvait entendre ici et là, dans la foule, quelques soupirs de peur.
Mais pour le jeune homme roux, la présence intimidante qui le recouvrait n’avait fait qu’augmenter la largeur de son sourire. « Hahaha ! Je n’ai même pas eu des frissons comme ça quand j’ai rencontré mon beau-père, » déclara Steinþórr. « Franchement, je t’aime bien, mec. »
« Ah bon ? Je ne suis pas du tout heureux d’être aimé par quelqu’un comme vous, » répliqua Yuuto.
« Aww, voyons, ne sois pas si froid. » L’attitude de Steinþórr était soudainement amicale et trop familière. « Nous sommes voisins. On devrait se voir plus souvent. On va s’amuser ensemble à partir de maintenant. »
Yuuto avait fait claquer sa langue, ébranlé par le changement d’humeur de Steinþórr. « Pff. Qu’est-ce qui vous arrive dans votre tête ? »
Il détestait toujours le gars ; cela n’avait pas changé. Mais aussi facile qu’il fût de rencontrer l’hostilité avec l’hostilité, il était plus difficile de rester hostile envers quelqu’un qui se comportait amicalement envers lui.
« Hé, patriarche du Clan du Loup. Quel est ton nom ? » demanda Steinþórr.
« C’est Yuuto. Yuuto Suoh, » répondit-il.
« Yuuto-Suoh, hein ? » Steinþórr avait répété pour lui-même. « Vrrrraiment bizarre pour un nom. Mais je l’ai mémorisé maintenant. Je n’oublierai jamais ton nom, Yuuto-Suoh. »
Il l’avait annoncé haut et fort, pour que tout le monde l’entende. Ce même homme ne s’était jamais donné la peine d’essayer de se rappeler du nom du patriarche du Clan de la Corne, Linéa, ou son père, le prédécesseur du Clan de la Corne reconnu comme un grand homme, ou Sigrun, le Mánagarmr du Clan du Loup.
Yuuto n’avait pas compris le sens de cette annonce.
« Mec, tu as vraiment froid, » déclara-t-il en se retournant. « Je suppose que je vais m’arrêter là et rentrer chez moi. Après tout, j’ai bien vu quelque chose d’intéressant. À bientôt, Yuuto-Suoh. »
Il avait fait un signe de la main, le dos tourné, alors qu’il s’éloignait.
La foule se séparait devant lui sans dire un mot, comme si c’était un signal. Cela semblait être comme dans l’histoire de Moïse qui avait séparé la mer Rouge, une légende encore lointaine dans le futur.
Pendant que Steinþórr se déplaçait hors de la salle le long du chemin qui s’était ouvert pour lui, tous les autres ne pouvaient que le regarder partir, stupéfaits.
« S’il vous plaît, attendez-moi, Seigneur Steinþórr ! » Alexis l’avait appelé, comme s’il revenait à la raison, puis s’était retourné et avait salué rapidement la foule. « Maintenant, si vous voulez bien nous excuser. Veuillez prendre votre temps et vous amuser pour le reste de la soirée. Au revoir ! »
Le goði était ensuite parti, en suivant le patriarche du Clan de la Foudre.
Même après leur départ, la salle du rituel n’était revenue qu’au silence, l’air lourd et oppressant persistant pendant un certain temps.
La première chose qui avait brisé le silence avait été un grand souffle.
C’était Sigrun. Elle était à genoux, avec une respiration sifflante. Elle avait dû retenir son souffle.
« Haaaaaaaaaaaah... » Quelques secondes plus tard, Félicia avait brisé elle aussi le silence avec un grand soupir. « Aah, ma bouche est complètement sèche. » Elle avait rapidement saisi une tasse d’eau devant elle et avait commencé à l’avaler sans user de sa grâce ou de ses manières habituelles.
« Penser que ce n’était même pas une bataille et qu’il a quand même réussi à vous épuiser autant », déclara Yuuto avec inquiétude. « C’est un homme étrange, mais aussi une sacrée menace, semble-t-il. »
« Ce ne serait pas si horrible si c’était juste ce type... » avait commencé Sigrun.
« Oui, comme le dit Run, s’il n’y avait eu que lui..., » déclara Félicia.
Sigrun puis Félicia avaient parlé en termes vagues, jetant un regard significatif sur Yuuto. Sigrun, en particulier, avait parlé d’une manière inhabituellement détournée, contrairement à sa franchise habituelle si brutale.
Yuuto inclina sa tête, se demandant ce que cela pouvait signifier. Puis il s’en était rendu compte.
« Oh, c’est vrai. Vous deviez aussi vous inquiéter quant à me protéger. »
Les subordonnés de Yuuto, Félicia et Sigrun, étaient aussi sa garde personnelle. Elles avaient le devoir et la responsabilité de protéger leur patriarche avec leur vie.
Cela avait dû être incroyablement éprouvant mentalement pour rester sur une garde constante contre un homme aussi ridiculement puissant. Yuuto se sentait à la fois reconnaissant et coupable envers elles, pour avoir toujours protégé une personne faible comme lui. Il savait que cela devait être très difficile pour elles.
« Euh, eh bien, ce n’est pas exactement ça... » Sigrun avait cherché les mots justes. « On pourrait dire que c’était comme être jeté sans arme dans une cage où un lion et un tigre se faisaient face... »
« En effet, » Félicia était d’accord avec un signe de tête. « C’était exactement ça. J’avais l’impression que je pouvais tout simplement mourir de peur. »
« Aussi terrifiante que non pas une bête, mais deux..., » le ton de Yuuto était sinistre. « C’est après toute logique, c’est un possesseur de deux runes Einherjar. Pour que Steinþórr soit un monstre à ce point. »
« ... » Félicia et Sigrun ne disaient rien, leurs expressions étaient raides, comme si elles ne savaient pas comment réagir de manière appropriée.
Yuuto pensait qu’il pouvait comprendre leurs réactions. Il avait précédemment eu le même problème avec le Clan du Sabot ; il avait pensé au Clan de la Foudre comme une grande et puissante, mais lointaine nation, séparée de son Clan du Loup par le territoire du Clan de la Corne.
Mais avec sa récente victoire sur le Clan de la Corne, le Clan du Loup avait revendiqué une partie du territoire de la Corne, et il partageait maintenant une frontière avec le Clan de la Foudre. Avec un homme aussi dangereux que son nouveau voisin, franchement, essayer de comprendre comment s’y prendre avec lui faisait déjà mal à la tête de Yuuto.
Il soupira. « Il est connu sous le nom de Tigre Affamé de Vanaheimr Dólgþrasir, alors j’ai d’abord pensé à lui comme quelqu’un comme Takeda Shingen, le “Tigre de Kai”. Mais après tout ça, je dirais qu’il est plus comme Lü Bu ou Xiang Yue. »
« Puis-je présumer que ce sont les noms des héros de ton monde, Grand Frère ? » demanda Félicia.
« Oui, tous les deux avaient un courage et un talent incroyable, » répondit-il.
Lü Bu avait été un commandant militaire légendaire pendant la fin de la dynastie Han de la Chine impériale, célèbre pour sa force inégalée.
Pendant ce temps, Xiang Yue avait été salué comme ayant été le plus grand commandant militaire de l’histoire de la Chine, surpassant même Lü Bu.
« Cela dit, j’étais totalement belliqueux avec lui, n’est-ce pas ? » Yuuto avait commencé à remettre en question son comportement antérieur. Steinþórr avait clairement été celui qui avait commencé les choses en essayant de se battre, mais Yuuto avait décidé de répondre de la même manière.
« Je pense que c’était peut-être le bon choix », l’avait rassuré Félicia. « Répondre timidement à un comportement impoli ne se terminera qu’en nous faisant prendre à la légère. »
« Oui, tu as raison. » Yuuto savait qu’il y avait des conséquences à être méprisé. Cela pourrait signifier devenir une cible d’invasion ou être harcelé par des demandes farfelues.
La façon de penser qui supposait que si l’un d’eux faisait des concessions, l’autre partie ferait aussi des concessions était désespérément naïve. Dans le monde réel, les Japonais étaient les seuls à pouvoir travailler avec cette logique. Si l’un s’éloignait de la crainte de conflit, l’autre saisirait l’occasion et avancerait pour combler l’écart. C’était la réalité de la diplomatie internationale. C’était particulièrement vrai dans un monde comme Yggdrasil où la loi de la jungle prévalait.
Dans cette rencontre la plus récente, être passif ou défensif aurait été la mauvaise réponse.
« Eh bien, il semble que le gars m’aimait bien, alors peut-être qu’après tout, les choses se sont bien passées, » Yuuto avait poussé un long soupir de soulagement.
L’ennemi de longue date de son clan, le Clan de la Corne, avait été amené en tant que clan frère, et la bataille inattendue avec le Clan du Sabot avait également pris fin. Après avoir été occupées par une guerre constante pendant si longtemps, les choses s’étaient finalement calmées, ce qui lui avait donné la chance de vraiment commencer à chercher une méthode de retour chez lui. Se lancer dans une autre guerre avec son nouveau voisin aurait été le comble de la stupidité.
« Euh, eh bien... » Félicia regarda en avant et en arrière, balayant toute la salle du rituel, avec une expression difficile. « Je pense que les choses se sont peut-être bien passées pour le Clan du Loup et le Clan de la Corne, mais tout cela peut devenir un peu un problème pour toi personnellement, Grand Frère. »
Alors que Yuuto suivait son regard et regardait de l’autre côté de la salle, pour une raison quelconque, tous les membres du Clan de la Corne réunis semblaient se rigidifier tous à la fois en réponse.
Yuuto avait froncé les sourcils, perplexe. « Hé, Féli... »
« Ohh, c’est exactement ce que j’attendais de mon oncle du Clan du Loup ! Je savais qu’il y avait quelque chose en vous ! » Rasmus interrompit Yuuto avant qu’il ne puisse terminer sa question. Le commandant en second du Clan de la Corne s’était précipité vers eux, le visage plein d’excitation.
« Grand Frère... Je suis tombée amoureuse de vous encore une fois ! » Linéa avait carillonné à haute voix à côté de Yuuto, son visage rougissant d’un rouge vif et ses yeux scintillants tandis qu’elle le fixait avec amour. « Je ne peux plus penser à passer ma vie mariée à quelqu’un d’autre que vous, Grand Frère ! »
Rasmus continua sans relâche. « J’avais passé tant de temps et d’efforts à essayer de les convaincre avec mes propres mots, mais à penser que vous pourriez mettre leur cœur à bout de nerfs avec ce court échange ! Bonté divine, si ce n’est pas la preuve de votre capacité d’être un souverain suprême, alors le titre lui-même n’a pas de sens. »
Rasmus était pratiquement en train de s’exciter, mais Yuuto avait du mal à suivre exactement ce dont il parlait. Que s’était-il passé pour que ces deux-là aient une telle augmentation soudaine de leur opinion envers lui ? Tout ce qu’il avait fait, c’était de fixer d’un regard empli de fureur un crétin arrogant. Rasmus et Linéa avaient eux-mêmes fait exactement la même chose.
Il avait jeté un coup d’œil à Félicia pour demander de l’aide, mais elle tenait sa tête dans ses mains, couvrant son visage comme dans la tristesse.
« ... Qu’est-ce que j’ai encore fait ? » demanda Yuuto, déconcerté.
***
Partie 8
« C’est certainement une ville vivante, n’est-ce pas ? » Alexis avait commenté.
Après avoir quitté le palais, Alexis avait jeté un coup d’œil à gauche et à droite de son entourage alors qu’il marchait dans les rues bondées de Fólkvangr. Les petits enfants couraient dans tous les sens le long de son chemin, riant, comme guidés par la musique des flûtes et les chants qui traînaient dans les airs. La ville était inondée par l’atmosphère de fête et il y avait des sourires sur les visages de tout le monde.
Alors qu’il passait devant une échoppe de rue qui servait apparemment de bar de fortune, il avait vu des gens s’enivrer en plein jour. Chacun d’entre eux s’amusait, se réjouissant des moments de paix dont ils avaient été bénis.
« Alors, comment était-ce ? » Alexis continua, parlant au jeune roux qui marchait juste devant lui. « J’ai pris un sacré risque en venant ici avec vous pour le rencontrer. Vous avez au moins sûrement une opinion ? »
Alors que le fait de venir un goði comme lui avait assuré leur entrée dans la salle de cérémonie, il n’y avait rien de sûr quant au fait de faire irruption dans la forteresse du Clan de la Corne sans hommes ni serviteurs, sans parler du fait que Steinþórr était le tueur de leur précédent patriarche. Quand le garçon l’avait suggéré, Alexis avait de sérieux doutes sur sa personnalité. Ce n’était pas l’acte d’un patriarche responsable de la vie d’un clan entier.
De plus, Steinþórr avait interrompu une célébration sacrée avec un comportement audacieux, provoquant tout le monde autour de lui. Pendant un moment, Alexis avait commencé à douter de la santé mentale du garçon. Alexis avait beaucoup d’expérience dans sa position de goði face à des situations chaotiques et souvent violentes, et pourtant il avait encore des frissons en repensant à ce qui venait de se passer.
Bien sûr, la logique du jeune homme était sans doute très simple. S’il en arrivait là, ce jeune homme avait la certitude absolue qu’il pouvait se battre seul en étant en plein dans un territoire ennemi et rentrer chez lui vivant et en bonne santé.
Cette confiance n’était pas non plus un simple orgueil. Ce monstre avait la force ridicule nécessaire pour faire d’une telle chose une réalité. Cependant, si par hasard une telle situation s’était produite, Alexis n’aurait eu aucun espoir de survie. Goði ou pas, il n’aurait pas été étrange qu’il soit exécuté comme punition pour avoir amené Steinþórr avec lui dans le pire des cas.
Une fois de plus, il avait ressenti un profond soulagement d’avoir réussi à s’en sortir en un seul morceau.
Steinþórr s’était retourné pour répondre à Alexis avec son expression insouciante et innocente. « Ouais, merci encore de m’avoir amené ici. Je voulais le voir au moins une fois, cette soi-disant “Noirceur.” »
« N’utilisez pas ce nom avec insouciance. Cela nous causera des problèmes. » Alexis avait plissé ses sourcils et avait réprimandé Steinþórr d’une voix basse. Ce nom était le tabou le plus élevé de l’Empire d’Ásgarðr. Ce n’était absolument pas correct de parler de ça au milieu de la ville.
« Eh ! Qui se soucie des détails comme ça. » Sans même un soupçon de préoccupation pour l’avertissement, le patriarche du Clan de la Foudre avait arraché une bonne bouchée de la viande qu’il portait.
Maudit barbare. Alexis n’avait pas pu s’empêcher de maudire ce garçon dans son cœur.
Officiellement, le patriarche d’un clan était un vassal local au service de l’Empereur Eivin. Comme un haut fonctionnaire du gouvernement central avait reçu l’honneur de représenter l’Empereur Divin, un goði était beaucoup plus haut en termes de rang. Mais ce n’était, bien sûr, rien de plus que son statut officiel, et Alexis n’avait pratiquement aucun pouvoir politique réel.
Malgré cela, les seigneurs de clan locaux s’étaient appuyés sur l’autorité de l’Empereur Divin pour soutenir leur droit de gouverner leurs régions. Dans tous les cas, ils étaient tenus de faire preuve de respect verbal envers l’empereur et ceux qui se trouvaient au-dessus d’eux-mêmes en poste. Malgré cela, un goði représentant l’Empereur Divin avait dû faire face à un garçon insolent qui lui parlait comme tout le monde. C’était vraiment vexant.
« L’homme qui détruira le monde, hein ? » Steinþórr marmonnait à haute voix. « Je n’y croyais qu’à moitié, mais il a fini par être plus que ce à quoi je m’attendais. »
« Hmm. Alors, accepterez-vous notre demande ? » Alexis avait demandé.
« Oui, je le ferai. Contre lui, je pense que je pourrais vraiment devenir enragé. »
L’homme connu sous le nom de Dólgþrasir avait dénudé ses dents avec un sourire sauvage.
Merci pour le chapitre. Au fait, le nom de Steinþórr n’a pas été choisi au hasard 🙂 La dernière syllabe correspond a Thor, le dieu du tonnerre 🙂