Joou Heika no Isekai Senryaku – Tome 2 – Chapitre 8

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Chapitre 8 : Discorde

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Chapitre 8 : Discorde

Partie 1

« Majesté… ! Votre Majesté ! »

Quelqu’un m’appelait. Mais comment était-ce possible ? Pourquoi me traiter comme une reine ? J’étais juste une joueuse, une fille solitaire qui faisait une fixation sur le seul jeu qu’elle aimait. Pourquoi m’aurait-on appelée « Votre Majesté » ?

Oh, c’est vrai… Je dois encore mettre mon reste de repas dans le micro-ondes. Je n’ai même pas encore dîné. Je crois que j’ai aussi de la sauce à salade quelque part. Je dois juste la réchauffer et ensuite je ferai un bon repas.

« S’il vous plaît, je vous en supplie, réveillez-vous… » la voix sanglotait.

Mes yeux s’ouvrirent. Alors que ma vision s’ajustait, je vis que je n’étais plus dans mon appartement familier. J’étais allongée sur un lit dans une autre pièce, une pièce à l’ancienne avec des détails d’allure exotique. Il n’y avait ni lampe ni ampoule, et la seule chose qui illuminait la pièce était la lumière naturelle qui brillait à travers la fenêtre. Une femme me tenait le bras, son visage était enfoui dans ma poitrine.

« Sérignan… ? » Son nom était sorti de ma bouche.

« Votre Majesté ! Vous êtes réveillée ! »

La femme s’était levée d’un bond et m’avait regardée avec excitation.

« Je… Que m’est-il arrivé ? »

Je n’arrivais pas à comprendre ma situation. Il y a quelques instants, j’étais encore dans ma chambre, en train de jouer au jeu vidéo. Pourquoi étais-je ici maintenant ? Mon esprit était complètement dérangé.

« Votre Majesté, avez-vous mal ? »

« Je suis… Je ne suis pas une reine », avais-je dit en secouant la tête.

« Oh non. Avez-vous perdu vos souvenirs ? Peut-être avez-vous contracté une maladie qui a brouillé vos souvenirs… ? »

« Hum, je ne sais pas. Je n’ai aucune idée de ce que vous dites, je le jure. »

Je n’étais qu’une joueuse ordinaire qui se trouve être très douée pour utiliser l’Arachnée. Attends, l’Arachnée ? N’ai-je pas beaucoup joué avec cette faction dernièrement ?

« Lysa ! Sa Majesté est réveillée, mais quelque chose ne va pas ! Viens ici ! »

Lysa ? Un autre nom familier… N’est-ce pas la nouvelle unité jouable qu’ils ont introduite dans la dernière mise à jour ? Elle était dans ma faction lors du dernier match, et elle avait aidé Sérignan à gérer la charge de la cavalerie.

« Je suis là ! », s’écria une autre fille en courant dans la salle.

Comme dans le jeu, c’était une fille elfe ayant la moitié inférieure d’un insecte, et elle portait un arc long. Elle positionna l’arc dans son dos et se précipita à mes côtés.

« Votre Majesté, comment vous sentez-vous ? Est-ce que ça va ? »

« Je suis un peu confuse… »

Pourquoi est-ce que je parle à un personnage de jeu vidéo ? Je joue à un jeu de stratégie en temps réel, pas à un jeu de rôle. Mais… tout a l’air si réel. Les joues de Sérignan et les bras élancés de Lysa ont l’air si doux et soyeux, comme s’ils étaient agréables au toucher.

« Euh, agréable… ? Eh bien, euh, si c’est ce que vous voulez, Votre Majesté », bégaya Sérignan.

« Hein ? ! »

Elles ont entendu mes pensées ? C’est impossible. Mais attendez, ne suis-je pas…

« Sérignan, pouvez-vous me dire quelle est ma position ? », avais-je demandé, en pensant soudainement plus clairement qu’avant.

« Votre position, Votre Majesté ? Vous êtes notre reine, la reine d’Arachnée. Vous avez promis de nous conduire à la victoire. »

Oui. Maintenant, je me souviens.

Tout me revenait en mémoire. C’était un monde où l’Arachnée existait, mais était traitée comme une étrangère. Un coup d’État avait éclaté dans le duché de Schtraut, j’avais alors fait entrer une armée d’Essaims dans cette nation pour la réprimer. Nous devions achever notre conquête avant son invasion par la Papauté de Frantz.

Mes souvenirs étaient revenus, mais un doute subsistait dans mon esprit.

« Mais un jour, je sauverai votre âme. Je vous le promets, je vous sauverai avant que la cage du diable ne se referme. »

Est-ce que cet endroit est une cage ? Que voulait dire cette fille ?

J’avais pris une grande respiration.

« Sérignan… et Lysa, je me souviens de tout maintenant. Je suis votre reine. Je ne peux pas croire que j’ai oublié quelque chose de si important. Je suis censée mener la conquête… Je suis tellement, tellement désolée. »

« Oh, Votre Majesté ! »

Sérignan s’accrocha à mon corps et se mit à pleurer une fois de plus.

« Allez, pas de pleurs. Tu es un chevalier. Tu sais que tu dois être digne, hein ? », lui dis-je en la prenant dans mes bras.

« Je pensais vraiment que vous nous aviez oubliés ! J’ai été complètement inutile pendant que vous dormiez… Je ne savais pas ce que je ferais si vous ne vous étiez pas réveillé. »

« Ça suffit. Je suis désolée de t’avoir inquiété, Sérignan. Je vais bien maintenant. Je n’irai nulle part, pas tant que nous n’aurons pas gagné la victoire que je t’ai promise. Je ne reviendrai jamais sur ma parole. De toute façon, combien de temps ai-je dormi ? », lui dis-je en essuyant ses larmes avec un coin de ma chemise.

« Deux ou trois jours », dit Lysa, le soulagement écrit sur son visage.

« Nous avons appliqué un antidote petit à petit. »

« Deux ou trois jours, hein ? Est-ce que quelque chose a changé depuis ? »

« Rien n’a bougé. On dirait que l’ennemi a du mal à rassembler ses forces. », rapporta Sérignan.

« C’est vrai. Alors, venons-en à eux. Ils doivent être punis pour ce sale tour qu’ils ont joué. S’ils veulent assassiner, je leur montrerai de première main comment on fait. »

« N’oubliez jamais votre cœur humain. »

Je n’oublierais pas, mais c’était quelque chose qui devait être fait. Nous devions nous venger. Nos ennemis avaient massacré les citoyens de Marine, et ils voulaient souiller de sang toutes les autres villes. Il était juste que nous les massacrions en retour.

Œil pour œil… Ce n’est pas comme ça que les humains fonctionnent ?

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« C’est ridicule ! »

Un cri retentit dans le camp principal de l’armée des nobles.

« Nous sommes venus pour nous battre et gagner, alors pourquoi devons-nous attendre notre heure ici ? ! Nous devrions engager l’ennemi, le pousser dans une bataille décisive ! Vous voulez dire que nous sommes condamnés à perdre cette bataille ? ! Nous devrions nous battre contre l’ennemi dès maintenant ! N’êtes-vous pas d’accord, mes amis ? ! »

Celui qui lança ce discours passionné était le marquis Adrian de Arden, qui menait une armée de 50 000 hommes. Il critiquait vivement les actions du quatorzième duc de Schtraut, Léopold de Lorraine.

« Le moment est venu de tenir notre position, Lord Arden », déclara Roland de Lorraine, le frère cadet de Léopold et le commandant de l’armée des nobles.

« Riposter serait faire le jeu de l’ennemi. Nous avons appris que l’armée de Léopold commençait à marcher, nous devrions donc les rencontrer et joindre nos forces avant d’engager le combat avec l’ennemi. Notre adversaire veut que nous agissions avec négligence afin qu’il puisse exploiter la moindre erreur. »

« Il a raison, Seigneur Arden. Oh, et gardez à l’esprit que le Duc de Lorraine pend ses adversaires à gauche et à droite. Vous feriez bien d’obéir à ses ordres, en supposant que vous ne souhaitez pas être le prochain sur la potence. », dit un noble.

« Bon sang. Nous n’aurions jamais dû laisser le Duc de Lorraine prendre le contrôle. Ce genre de chose ne serait jamais arrivé si le duc Sharon était toujours au pouvoir. Le destituer était une erreur. Il est peut-être trop tard pour le dire maintenant, mais je ne peux pas m’empêcher de me plaindre. Je veux dire, regardez l’état des choses ! », dit un autre.

Beaucoup de nobles étaient très mécontents de « l’administration » de Léopold. Ils détestaient et craignaient sa rapide exécution de ceux qui s’opposaient à lui, et ils détestaient que son incompétence ait conduit à l’invasion de l’Arachnée.

« S’il vous plaît, ne dites pas cela. Léopold a établi une alliance avec le Royaume Papal, nous n’avons plus besoin de craindre l’Arachnée ou Nyrnal. », supplia Roland tout en essayant de les calmer.

« Alors maintenant nous sommes censés plier un genou devant les saints hommes sordides de Frantz ? Nous ferions mieux de servir Nyrnal. »

« C’est vrai ! Le Royaume Papal de Frantz n’est qu’un autre pays arrogant qui cherche à dominer. Ils agissent comme s’ils étaient la seule nation à suivre le Dieu de la Lumière. “Des dons importants à l’Église vous absoudront de vos péchés”… Pah ! Je ne me serais jamais attendu à ce que le Dieu de la Lumière fasse tant de mal pour de l’argent, franchement. »

Les tentatives de persuasion de Roland tombèrent dans l’oreille d’un sourd lorsque les nobles firent connaître leurs griefs.

« Le Royaume Papal de Frantz fera un grand allié. J’en suis sûr. », dit-il fermement.

Il était difficile de dire à quel point Roland faisait confiance au Royaume Papal. Frantz s’était depuis longtemps armé de sa foi dans le but de soutirer toutes sortes de choses au duché et à ses citoyens, y compris des fonds pour les cérémonies d’inauguration papales et les festivals religieux. Pour beaucoup, le Royaume Papal était une sangsue qui utilisait n’importe quelle excuse pour aspirer plus d’argent des autres nations.

S’allier avec un tel pays était-il vraiment la bonne idée ? Le Populat de Frantz et l’Empire de Nyrnal étaient tous deux des pays hautains et puissants à leur manière. Compte tenu des événements récents, peut-être que le duché aurait vraiment été mieux placé sous le contrôle de Nyrnal.

« Seigneur Roland… S’il vous plaît, soyez honnête. S’allier avec le duché était-il la bonne décision ? Votre frère nous a-t-il menés sur le mauvais chemin ? », demanda un des nobles.

Son expression était grave.

« C’est… difficile à dire à ce stade. Pour parler franchement, messieurs, je pense que la mise en accusation était une erreur. Changer de dirigeant pendant une crise nationale crée bien plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il est difficile de juger si mon frère peut faire preuve des qualités de leader que le Duc-erm, le Seigneur Sharon, avait. Purger tant de noblesse en ces temps difficiles provoquera un fossé encore plus grand entre nos peuples. »

Roland n’était pas d’accord avec la mise en accusation, car il connaissait les nombreux problèmes qu’un changement de dirigeant causait lorsque la guerre se profilait à l’horizon. Maintenant, l’Arachnée rampait à l’extrémité occidentale de ses terres, et Roland commençait à douter qu’ils aient un moyen de repousser l’invasion. Peut-être que s’ils s’étaient alliés avec l’Arachnée, comme l’avait proposé César de Sharon, toute cette épreuve et cette tragédie auraient été évitées.

L’un des nobles soupira.

« Pourtant, nous avons déjà donné au Duc de Lorraine le pouvoir de diriger ce navire. Tout ce que nous pouvons faire maintenant est de nous assurer que nous ne coulerons pas au fond. »

« C’est vrai. Nos mains sont maintenant tachées du sang des nobles et noircies par le fait d’avoir brûlé leurs terres. Nous pourrions prier tout le reste de notre vie, c’est une chose qui ne changera pas. »

Les nobles présents étaient ceux qui avaient été chargés de détruire les opposants à Léopold. Sous le prétexte d’unifier Schtraut, ils avaient pendu des innocents et réduit leurs terres en cendres.

« Pardonnez-moi, messieurs ! J’ai un rapport ! »

Un soldat à cheval s’était approché d’eux au galop.

« Les monstres ont été aperçus ! Cinquante individus ! Ils semblent fuir vers l’ouest ! »

« Nous y voilà ! Enfin une chance de montrer notre valeur ! »

Le marquis et les autres nobles s’étaient rapidement levés.

« Attendez, ça pourrait être un piège ! », avertit Roland.

« J’en ai assez entendu ! C’est le moment de se battre ! Le Royaume Papal est peut-être notre allié, mais nous devons encore défendre notre propre pays ! Nous montrerons à Frantz que nous avons toujours l’esprit d’une nation indépendante ! »

Les nobles au tempérament chaud ordonnèrent à leurs soldats de se diriger vers l’ouest, espérant se venger de leurs récentes pertes. Quelque 1 600 cavaliers et 150 000 fantassins prirent d’assaut la poursuite de l’ennemi.

Pas un seul d’entre eux n’en revint.

Deux jours plus tard, Roland apprit que toute la force détachée avait été décimée. Il rassembla rapidement les nobles restants, et ils s’enfuirent tous aussi vite qu’ils le purent vers l’est.

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Partie 2

« L’ennemi divise ses forces », avais-je observé, tout en regardant le carnage se dérouler devant moi.

L’escouade d’éventreurs que j’avais envoyée en éclaireur avait réussi à attirer l’ennemi. Une fois les soldats conduits dans une zone où le terrain jouait en notre faveur, toute l’armée d’Essaims Éventreurs était descendue sur eux. Les troupes ennemies avaient pris d’assaut notre piège avec une soif de sang et du zèle, pour finir par devenir des taches de sang sur le sol.

Je trouvais étrange que l’ennemi ait détaché une autre partie de son armée pour nous envoyer d’abord 100 000, puis 150 000 soldats. Normalement, il aurait été beaucoup plus logique de consolider ces forces pour créer une armée de 250 000 hommes. L’envoi de plusieurs bataillons dispersait les unités trop largement et en faisait des cibles faciles.

« Peut-être y a-t-il un problème avec la chaîne de commandement de l’ennemi ? » proposa Sérignan.

« Peut-être. Après tout, le coup d’État est frais dans la mémoire de tous. »

Léopold venait à peine de prendre le contrôle du duché de Schtraut à César de Sharon. Aussi stupide et mesquin qu’il fût, le premier acte de Léopold avait été d’entamer une purge politique. Il lui serait impossible de maintenir l’ordre maintenant.

« N’attendent-ils pas l’armée du Royaume Papal de Frantz ? » demanda l’un des Essaims Éventreurs.

Les pensées de chaque Essaim individuel étaient transmises par la conscience collective, et leurs paroles étaient généralement assez brèves. Selon le collectif, ils venaient de terminer l’annihilation des 150 000 soldats.

« C’est possible. Si le Royaume Papal a reçu l’autorisation d’entrer dans Schtraut, peut-être que les sous-fifres de Léopold divisent leurs forces pour gagner du temps en attendant l’arrivée de l’armée de Frantz. J’imagine que les nobles responsables de ces soldats se trouvent être les rivaux politiques de Léopold… »

Traditionnellement, le duc de Schtraut était choisi par le biais d’une élection. Léopold voyait probablement les autres nobles ayant de l’autorité comme des menaces pour sa réélection. Il avait décidé de les faire taire en les faisant mourir au combat. Plus je pensais à cet homme, plus je le détestais.

« C’est un traître à son propre pays. Il continue à réduire l’armée du Duché et maintenant il la force à se nourrir d’une autre nation pour la protéger. Si le duché place ses affaires militaires entre les mains du Royaume Papal, il sera entièrement soumis à la volonté de Frantz. Quel homme stupide et lâche ! Je ne peux pas m’empêcher de le haïr, et je ne suis même pas de son côté. », déclara Sérignan tout en se hérissant.

« En effet », j’avais fait un signe de tête sinistre.

« Je ne peux pas supporter Leopold. Je n’hésiterais pas à le tuer… et comme par hasard, je le peux. Quoi qu’il en soit, continuez à aller vers l’est, et éliminez l’ennemi au fur et à mesure. Ruinez aussi leurs villes. Les villes qui restent appartiennent aux nobles qui ont détruit Marine, donc pas besoin de leur montrer de la pitié. Transformez leurs citoyens en boulettes de viande et ramassez tout leur or. Nous devons débloquer de nouvelles structures. »

Nous approchions rapidement du cœur de Schtraut. Les routes bien pavées du pays du commerce facilitèrent notre marche. Nous avons construit des Base d’Opération Avancée près des lignes de front en cours de route. Nos objectifs étaient simples : déverser sur les villes ennemies une vague d’essaims d’éventreurs, réduire les citoyens en boulettes de viande, et rassembler tout leur or.

Un, deux, un, deux.

Même sans tambour et sans fifre pour nous donner le rythme, nous avions continué à avancer. Finalement, les murs de la première ville étaient apparus. J’avais ordonné à l’essaim Mascarade qui y était stationné de faire sauter les portes. En plus du mimésis, l’Essaim Mascarade avait aussi une capacité spéciale d’autodestruction. L’explosion qui en résultait créait un trou assez large pour que nous puissions le traverser.

« Dieu, oh, Dieu de la Lumière ! S’il vous plaît, délivrez-nous de ce mal ! », s’écria un des soldats qui gardaient les portes.

Le reste de ses camarades récitèrent également des prières, terrifiées.

Prier ne vous mènera nulle part. Cherchez dans le monde entier, mais vous ne trouverez pas Dieu.

Leur foi ne signifiait rien. Elle ne leur évitera pas d’être écrasés sous nos pieds.

Une légion d’Essaims Éventreurs s’était précipitée dans la ville. Ils grimpèrent sur les remparts, tuant les soldats qui tentaient de les viser avec des balistes. Les mages avaient également été rapidement retrouvés et exterminés. Je n’avais pas oublié la fois où Sérignan avait été repoussée par une vague de magie sous mes yeux.

« Votre Majesté, quels sont vos ordres ? »

« Les mêmes que d’habitude. Écrasez-les. Détruisez-les. »

Les envahir.

Les essaims s’étaient répandus dans les rues de la ville, tuant aveuglément tous ceux qu’ils rencontraient, qu’ils soient soldats ou civils. Une partie de moi se demandait si c’était la bonne chose à faire.

« N’oubliez jamais votre cœur humain. »

La voix de cette fille résonnait dans mon esprit. Avais-je perdu ma sensibilité humaine ? Avais-je fait quelque chose que ma nature humaine m’interdisait ? Mon cœur était-il devenu le cœur d’un monstre ?

« Quelque chose pèse-t-il sur votre esprit, Votre Majesté ? », demanda Sérignan, sentant mon anxiété à travers la conscience collective.

« Juste un peu. Sérignan… Pensez-vous que je suis encore humaine ? »

« Vous êtes humaine, Votre Majesté. Peu importe ce que les autres peuvent dire, ce fait ne changera pas. Cependant, vous êtes toujours la reine de l’Arachnée, celle qui devait nous guider. Vous êtes humaine, mais pas seulement. »

« Je vois. »

Tu dis que je suis toujours humaine, mais je suis à peu près convaincue d’être devenue un monstre maintenant, avec un cœur monstrueux.

Il n’y avait pas cependant lieu de s’attarder sur ce point. Nos mains étaient déjà tachées par l’acte de guerre anormal. La guerre était une chose particulière. Le fait qu’une personne pouvait lâcher une bombe atomique sur des centaines de milliers d’innocents et être saluée comme un héros n’était possible qu’en temps de guerre. J’étais moi-même profondément investie dans la guerre, alors peut-être que le fait de devenir folle était assez logique en soi.

Pour mettre fin à cette guerre et me venger, je détruirais cette ville et toutes les autres que nous rencontrerions. Nous tuerions. Nous ferions nos boulettes de viande. Nous pillerions ce qui restait.

Tout cela pour mettre fin à la lutte pour le duché de Schtraut et pour permettre à l’Arachnée de vivre en paix. Je devais être prête à massacrer, mais ce n’était pas sans signification. Même si je perdais mon cœur humain, l’Arachnée m’accepterait. Et tant qu’ils me donnaient une place à laquelle j’appartenais, j’étais heureuse.

Mais j’avais eu le sentiment de m’éloigner du Japon et du monde que j’appelais vraiment mon chez-moi. Je sentais que si je continuais sur cette voie, je ne reviendrais jamais dans mon propre monde. Je ne passerais plus jamais un moment précieux avec mes amis ou ma famille. Cette pensée m’avait laissé une pointe de solitude dans le cœur.

☆☆☆**

« Léopold ! »

Roland traversait la résidence du duc à Doris, la capitale de Schtraut.

« Où est Léopold !? », s’écria-t-il, en prenant au collet un domestique du coin.

« Euh, Sa Grâce se repose au deuxième étage », dit le serviteur en s’étouffant.

« Allongé dans un moment pareil… », dit Roland avec amertume.

Il monta l’escalier à la recherche de son frère. Le bureau et la chambre du duc se trouvaient au deuxième étage. Roland vérifia d’abord sa chambre.

« Léopold ! » dit-il en ouvrant la porte sans prendre la peine de frapper.

« Qu’y a-t-il, Roland ? »

Léopold se reposait en effet. Il était entouré de plusieurs prostituées et d’innombrables bouteilles d’alcool, discutant avec quelques autres hommes. Ce n’est certainement pas ainsi qu’on voudrait trouver un homme politique en temps de guerre. Si les habitants de Schtraut apprenaient cela, cela pourrait facilement déclencher une révolte.

« Qu’est-ce que je veux ? Léopold, as-tu une idée de ce qui arrive à notre pays ? Une armée de monstres nous arrive de l’ouest, et l’armée des nobles est en lambeaux ! Et pourtant tu es juste assis ici à boire avec des putes ? ! »

Enragé, Roland attrapa une bouteille et la jeta par terre. Le verre s’était brisé, et son contenu piquant s’était accumulé sur le sol.

« Qu’est-ce qui te rend si nerveux, mon cher Roland ? L’armée de la noblesse a été un peu réduite, c’est tout. Même si elle est anéantie, notre victoire est assurée. Nous avons après tout nos fidèles alliés de la Royauté Papale ! » dit Leopold, en ouvrant une nouvelle bouteille pour servir un verre à l’un des hommes.

Les hommes qu’il divertissait étaient des officiers du Royaume Papal de Frantz. Leur armée était stationnée juste à l’extérieur de la frontière nationale, prête à passer sur le territoire du duché dès que l’ordre serait donné. La seule raison pour laquelle ils n’avaient pas encore franchi la frontière était que Léopold voulait permettre à l’Arachnée de blesser les autres nobles en détruisant leur armée collective.

« Alors, dis à nos alliés de venir nous aider ! Nos lignes de front sont sur le point de s’effondrer, et nos villes tombent les unes après les autres ! As-tu l’intention de régner sur un tas de décombres !? »

« Comment oses-tu ! Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver ce pays ! J’ai posté des soldats supplémentaires dans nos villes, et j’ai ordonné que les villes se trouvant sur le chemin de l’ennemi soient brûlées ! Cela aurait dû ralentir leur progression ! Et pourtant, tu restes là à me critiquer !? »

« Et je dis que tout ce que tu as fait était absolument inutile ! Notre ennemi est déjà au plus profond du territoire du Duché ! Bientôt, ils vont percer nos maigres défenses et s’enfoncer encore plus profondément ! Pensais-tu vraiment que la tactique de la terre brûlée fonctionnerait contre les monstres mangeurs d’hommes ? ! »

Ces tactiques de terre brûlée avaient inopinément rendu le chef de l’ennemi comateux pendant quelques jours, mais elles ne pouvaient pas ralentir l’Arachnée. Non seulement l’Essaim n’avait pas besoin de nourriture, mais ils avaient même utilisé la chair des cadavres trouvés dans les villes incendiées pour créer plus de ressources. Tout ce que Léopold avait fait, c’était de provoquer la colère de leur reine.

« Tu dis que mes stratagèmes n’ont eu aucun effet… ? »

« Autant que je puisse voir, rien n’a changé pour le mieux. »

« Alors nous n’avons pas d’autre choix que de nous appuyer sur l’armée de la Royauté Papale », dit Leopold avec amertume.

Il se tourna alors vers l’un des officiers.

« À partir de maintenant, vous avez mon accord pour traverser la frontière. S’il vous plaît, commencez votre marche. »

« Cela prendra à notre armée environ deux semaines. Est-ce acceptable ? »

« Quoi ? »

Léopold était devenu livide.

« Pourquoi ça vous prendrait autant de temps ? ! Vous devez venir à notre secours immédiatement ! »

« Nos soldats ont attendu à la frontière tout ce temps. Il faudra un certain temps pour démanteler leurs campements et préparer les provisions pour la marche. J’ai bien peur que ce soient des mesures que nous devons prendre. »

Il y avait une part de vérité dans les paroles de l’officier. L’armée du Royaume Papal était fatiguée d’avoir passé si longtemps dans les camps frontaliers, et il lui faudrait du temps pour se réorganiser. Au total, il faudrait environ une semaine aux soldats pour se préparer.

Mais ce n’était pas bien sur l’entière vérité. Les officiers attendaient également que le duché de Schtraut s’effondre pour pouvoir intervenir et l’incorporer dans le Royaume Papal.

« Je vous ai dit que faire autant confiance à une armée étrangère était une erreur », déclara Roland en soupirant.

« Ah, j’avais presque oublié… Seigneur Roland, vous allez devenir un paladin », dit un des autres officiers.

« À la lumière de votre esprit courageux et de votre service au peuple, Sa Sainteté a décidé de vous accorder cet honneur. Nous espérons que vous continuerez à vous battre d’une manière digne de ce titre. »

« Vous voulez que je devienne paladin pour vous faire gagner du temps ? »

Frantz voulait affaiblir le duché pour qu’il puisse prendre le pouvoir, mais le Royaume Papal ne cherchait pas à acquérir un pays qui avait été complètement détruit, il fallait au moins qu’il vaille la peine d’être pris. Pour cela, ils avaient élevé Roland au rang de paladin afin de remonter le moral. Naturellement, cette décision avait été prise dans l’intérêt de Franz lui-même.

« Bien. J’accepte. »

« Splendide. Prenez ça, alors. Normalement, Sa Sainteté vous le donnerait elle-même, mais les circonstances actuelles font que cette tâche me revient. »

L’officier qui avait parlé fixa sur la poitrine de Roland une médaille portant l’insigne des Chevaliers de Sainte-Agniya.

« Il n’y a rien pour moi ? », demanda Léopold, mécontent.

« Si nous gagnons cette bataille, vous recevrez aussi des honneurs, Votre Grâce. »

« En supposant que nous vivions aussi longtemps. Ils chargent vers Doris à une vitesse folle. Je suggère que vos amis de Frantz quittent cet endroit, à moins qu’ils ne cherchent aussi à être mis en pièces. », dit Roland sèchement.

Les officiers de Frantz regardaient Roland avec mépris, mais ils n’étaient certainement pas intéressés par un affrontement avec les lignes de front de l’ennemi.

« Je vais aller à la rencontre de leur armée avec nos meilleurs soldats. La cavalerie, tous. Des objections ? », demanda Roland à son frère.

« Fais ce que tu veux », dit Leopold tout en versant son énième verre.

« Que la victoire soit sur nous », murmura Roland.

Sur ce, il se mit en route pour donner ses ordres aux troupes.

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