Chapitre 3: Négociations
Table des matières
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Chapitre 3: Négociations
Partie 1
— 20e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — Château de Van
« Maintenant... J’arrive, Sire ! » cria Aisha.
« Allez-y, épatez-nous, Aisha ! » ai-je répliqué.
Nous étions aux terrains d’entraînement se trouvant à l’intérieur du Château de Van. Dans cet environnement, qui était à ciel ouvert comme l’aurait été un champ de tir à l’arc au Japon, je me tenais face à une Aisha entièrement équipée. Dans son armure légère habituelle, Aisha avait pris position avec sa grande épée pointée vers moi. J’avais des poupées Petit Musashibo de taille moyenne avec moi. (Ceux qui étaient de la taille d’un jouet étaient petits, alors que ceux qui étaient assez grands pour s’adapter à une personne étaient appelés grands.) Cinq de ces poupées de taille moyenne (ci-après dénommé A-E) me protégeaient.
En bordure de vue, je voyais l’arbitre, Liscia, lever la main droite.
À l’instant suivant, Aisha avait fait une grande frappe vers le bas avec son épée. Et une onde de choc clairement visible s’était élevée vers moi et le Petit Musashibo.
J’avais fait placer à l’avant le Petit Musashibo A (équipé d’un bouclier dans les deux mains), en ayant mis en place ses boucliers. Au moment où l’onde de choc nous avait frappés, il y avait eu un clang incroyable, mais en quelque sorte, le Petit Musashibo A avait réussi à rester en place.
« Ce n’est pas encore fini ! » cria Aisha.
Il n’y avait même pas de délai d’attente pour pouvoir reprendre mon souffle. Aisha se tourna sur le côté, tout en gardant la lame de son épée pointée dans ma direction, puis elle poussa de toutes ses forces. Le Petit Musashibo A avait tenté de placer ses deux boucliers superposés afin de se défendre, mais l’attaque d’Aisha avait frappé avec la force d’un bélier, perçant les deux boucliers et le Petit Musashibo A.
Uwah... Elle peut percer deux épais boucliers... ? J’étais presque stupéfaite par la quantité absurde de puissance qu’elle avait, mais Aisha arrêta momentanément de se déplacer.
Alors que je pensais que c’était une chance de gagner, j’avais envoyé le Petit Musashibo B (équipé de deux épées) et le Petit Musashibo C (équipé d’une lance) pour l’attaquer des deux côtés.
Aisha avait alors enfoncé son épée, ce qui empala dans le sol le Petit Musashibo A. Puis elle l’utilisa afin de s’élever dans les airs comme si s’agissait de la roue d’une charrette.
Aisha se tenait sur ses mains au sommet de la poignée de son épée.
« Voilà ! » criai-je.
Avec les deux autres Musashibos restants, le D et le E (tous deux équipés d’arbalètes), j’avais tiré sur Aisha, qui ne pouvait sans doute pas manœuvrer avec les pieds ne touchant plus le sol. Les deux carreaux furent tirés pile vers Aisha.
« Ce n’est pas assez ! » déclara Aisha.
Toujours attachée à sa grande épée qui la maintenait en l’air, Aisha avait fait quelque chose de semblable à l’un de ces coups de pied de capoeira où vous vous tenez sur vos mains (je ne connais pas le nom exact pour eux), en faisant tourner ses pieds et en donnant des coups de pied directement dans les carreaux alors qu’ils volaient vers elle.
« Ho ! » dis-je.
Avec un son de splash, un léger impact sur mon front avait envoyé ma tête en arrière.
Au milieu de mon front, il y avait une boule d’argile écrasée de la taille d’une pièce de 10 yens. Si cela avait été un couteau de lancer ou une pierre, je serais instantanément mort.
Eh bien, il s’agissait d’un match d’entraînement, les carreaux n’avaient pas de pointe de flèches, et nous utilisions de l’argile au lieu de pierres, donc aucun d’entre nous ne pouvait être tué, mais quand même, le fait de perdre était déprimant.
Je m’étais alors assis, abattu.
« Ha ! Merde... Je ne suis même pas un adversaire valable pour vous, n’est-ce pas, » dis-je.
« C-Ce n’est pas vrai..., » bégaya Aisha, essayant en toute hâte de me rassurer.
« Aisha, une analyse précise de sa force de combat est importante, alors vous devriez être honnête avec lui, » déclara Liscia.
Elle avait raison. Je cherchais en ce moment un style de combat qui me convenait. En tant que roi, j’étais en mesure d’être protégé, mais cela ne me ferait pas de mal de pouvoir me protéger, surtout si jamais cela devenait nécessaire. Car après tout, je m’étais tiré de justesse face à Gaius lors de la bataille que j’avais faite il y a pas longtemps.
« Liscia a raison, » dis-je. « Soyez franc avec moi. »
« E-Eh bien, dans ce cas... cela peut sembler dur à entendre, mais même si vous avez fait augmenter les capacités de vos poupées dans des groupes d’aventuriers, elles ne se sont pas si fortes que ça, » déclara Aisha. « J’ai l’impression que si vous leur donniez deux épées et que vous leur aviez demandé de se précipiter sur moi, cela aurait été plus difficile pour moi de traiter avec eux. »
J’avais alors réfléchi à ce qu’elle venait de me dire. « Mes tactiques, Hmm... mais ne les avez-vous pas également bloquées quand je l’ai faite avant ça ? »
« Je suppose que cela signifie que ce que vous auriez pu faire était encore pire que ça ? » déclara Liscia.
« Arg..., » murmurai-je.
Après que Liscia l’avait souligné, j’avais affaissé mes épaules. Puisque ma première tactique ne fonctionnait pas, j’avais essayé d’utiliser une composition basée sur un groupe d’aventuriers telle que celui de Juno, celle avec laquelle j’avais fait des aventures avec le Petit Musashibo, mais... le résultat avait été une misérable défaite.
« Après tout, dans un groupe d’aventuriers, il y aurait un mage, » Aisha avait dit ça sans avoir l’air de trop s’en soucier. « Si ces boucliers avaient été renforcés avec de la magie, j’aurais eu du mal à les percer, et si j’avais eu des sorts lancés sur moi au lieu de flèches, il aurait été plus difficile de répondre face à cela. »
Ce qu’elle avait dit était que cela aurait été plus « difficile » pour elle, plutôt que de ne pouvoir « faire » face à ces choses. Tout cela n’aurait servi qu’à montrer à quel point Aisha était ridiculement puissante.
« Nous pouvons parler de mages autant que vous voulez, mais je ne peux pas utiliser la magie élémentaire ou la magie de renforcement..., » dis-je. Je ne pouvais utiliser aucune magie, donc je ne pouvais pas l’utiliser pour donner un enchantement élémentaire aux armes portées par les poupées que je contrôlais avec les Poltergeists Vivants ou encore être capable de leur faire lancer des sorts de feu ou de glace.
« Peut-être que si j’allais dans une école de magie, ou dans un endroit comme cela afin de m’entraîner, alors pourrais-je apprendre comment le faire ? » demandai-je.
« Non, ce n’est pas possible, » Liscia avait rapidement rejeté mon idée. « Ce que je veux dire par là, c’est que je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un ayant une aptitude en magie noire qui fut capable d’utiliser un autre élément. »
Elle avait ensuite expliqué cela plus en détail. « Les quatre éléments principaux, le feu, l’eau, la terre et le vent, manipulent le magicium se trouvant dans l’atmosphère afin de produire divers phénomènes, et l’élément lumière interfère avec le magicium se trouvant dans le corps afin d’accélérer le processus naturel de guérison ou de permettre de renforcer le corps. L’élément noir n’a aucune sorte de capacité comme ça. Alors... il faut que vous abandonniez cette idée. »
« Il semble donc que je pourrais m’entraîner autant que je le voulais, je ne deviendrais jamais un mage, » dis-je.
Après tout, après que j’eus la chance d’être appelé dans un monde avec de la magie, mais alors... je suis en quelque sorte déçu. J’avais alors fait baisser mes épaules tout en pensant ça.
« Qu’est-ce que vous racontez ? » demanda Liscia avec un regard exaspéré. « Vous savez, l’élément noir n’est pas si commun que ça ! Je n’ai vu jusqu’à maintenant que trois personnes avec cet élément. »
« Trois ? » demandai-je. « En supposant que deux des trois personnes sont Tomoe et moi... Qui est la troisième ? »
« Ma mère. Ou du moins d’après ce que j’ai entendu dire, » répondit Liscia. « Bien qu’elle n’ait jamais voulu me dire quel était son pouvoir. »
Hmm... Dame Elisha peut utiliser la magie noire, Hmm, pensai-je. Dame Elisha est la mère de Liscia. Si je me souviens bien, Dame Elisha était celle qui avait hérité du trône, mais elle est partie en laissant le contrôle du pays à son mari, Sire Albert, n’est-ce pas ? Nous n’avons pas eu beaucoup l’occasion de parler, mais elle sourit toujours et semble être une personne aimable.
« Mais avec les capacités que j’ai, je ne vois aucune possibilité de me défendre..., » dis-je.
« Reposez-vous, Sire ! Je serai toujours là à vos côtés afin de vous défendre ! » déclara Aisha, frappant sa poitrine avec fierté. Alors qu’elle semblait fiable, je commençais à me sentir encore plus pathétique.
« C’est assez misérable pour un héros d’avoir besoin de filles qui le défendent..., » dis-je.
« Que dites-vous après tout ce temps ? » dit Liscia brusquement. « Pour commencer, vous n’avez jamais été un héros. »
Je savais parfaitement qu’elle avait raison... mais ne pourrait-elle pas le dire avec un peu plus de considération pour mes sentiments ? Je pensais qu’elle aurait pu le faire, mais après ça, elle avait dit, « D’ailleurs, le fait de déléguer les tâches que vous ne pouvez pas gérer n’est-elle pas l’une de vos forces, Souma ? Vous nous protégez tous d’une manière que vous seul pouvez faire. » Elle avait souri avec tendresse quand elle déclara la fin.
Aisha acquiesça en signe d’accord. « La princesse a raison ! Sire, vous protégez le pays dans lequel nous vivons tous, alors laissez-nous vous protéger à notre tour ! »
Après qu’elles présentèrent ça ainsi, je me sentais toujours aussi pathétique, mais j’étais un peu heureux. Je pourrais être un roi peu fiable, et seulement un héros de nom, mais j’ai juste besoin de les protéger à ma manière... non, je veux les protéger. Je me sentais ainsi au fond de mon cœur.
« Votre Majesté ! » cria une voix. Puis, je me retournai pour voir Juna en uniforme de marine s’incliner devant moi avec une main posée sur sa poitrine.
« Sire Hakuya vous recherche, » déclara Juna. « Il a dit qu’il souhaite discuter des districts de la ville. »
« D’accord, » dis-je. « J’arrive tout de suite. »
Je m’étais alors levé et j’avais enlevé la terre qui était sur moi. Laissant le nettoyage de la zone aux soldats, j’avais fait venir avec moi Liscia et Aisha jusqu’au bureau des affaires gouvernementales.
Il était maintenant temps pour moi de faire ce que j’étais capable de faire.
***
Au moment où j’étais arrivé au bureau des affaires gouvernementales, Hakuya et le capitaine de la Garde Royale, Ludwin, m’attendaient.
Je m’étais assis à mon bureau, tandis que Liscia, qui avait été ma secrétaire depuis un moment, et Juna, qui faisait la même chose ces derniers temps parce que nous manquions de personnel, se tenaient derrière moi, de chaque côté. Aisha se tenait près de la porte, agissant en tant que garde. Dernièrement, c’était devenu la norme pour nous de travailler avec cette formation.
Une fois que j’avais pu confirmer que tout le monde était prêt, un Hakuya un peu endormi avait exposé une carte des districts de Van qu’il avait préparée. « J’ai terminé ma proposition pour le redécoupage de Van, alors je voulais que vous y jeter un coup d’œil. »
À la demande de Hakuya, j’avais regardé la carte. Les murs carrés de la ville étaient verticaux, tandis que les lignes représentant les routes principales couraient vers le palais princier au centre. Chacune de ces routes principales avait des routes latérales qui partaient avec un angle droit à intervalles réguliers, ce qui lui donnait une grille de carrés, comme un plateau de Go. C’était comme une carte de l’une des anciennes capitales du Japon, Heijo-kyo ou Heian-kyo, que vous pourriez voir dans les manuels d’histoire.
Les résidences des nobles étaient regroupées dans le nord-est, tandis que les ateliers étaient regroupés dans le sud-ouest. Les garnisons pour les gardes avaient été réparties uniformément tout au long, et cela semblait très efficace.
J’étais resté silencieux. Je m’étais penché en arrière sur ma chaise, levant les yeux vers le plafond, puis j’avais soupiré. « ... Hakuya. »
« Oui, Sire, » répondit-il.
« Ceci va trop loin, » dis-je.
En quoi consiste cette mise en page axée sur l’efficacité ? pensai-je.
Ane san rokkaku tako nishiki, je me sentais comme si j’avais besoin de chanter la chanson de la route de Kyoto, ou j’allais me perdre.
En fait, si nous changeons beaucoup trop de choses, il serait plus rapide de brûler toute la ville du château et de repartir de zéro, pensai-je. Essaies-tu de me transformer en Empereur Néron ?
« Je suis désolé, » déclara Hakuya. « Quand j’ai vu le chaos présent dans l’agencement de la ville, j’ai été obligé de le rendre plus efficace... »
Hakuya semblait comprendre ce que je voulais dire par là. Il avait alors souri ironiquement et il pointa du doigt vers les rues principales. « Cependant, en tant que mesure contre les incendies, la ville doit être divisée en districts. Je pense que poser ces routes principales serait une nécessité. »
« Je suis d’accord avec ça, mais, pour tout le reste, j’aimerais que les changements reflètent la volonté des personnes qui vivent ici, » dis-je. « Quel genre de ville veulent-ils faire, comment veulent-ils le rendre plus vivable pour eux ? Je veux que les personnes qui vivent ici pensent à ça. Je veux dire par là que si nous décidons tout nous-mêmes, ils vont probablement y faire opposition. »
« J’ai déjà contacté certains des architectes qui vivent ici, mais... voulez-vous vraiment faire réfléchir les habitants ? » demanda Hakuya avec scepticisme. « Avec l’atmosphère actuelle de la ville, ils sont susceptibles de le transformer en une œuvre d’art avant-gardiste. »
« Une ville artistique, hein... cela pourrait être intéressant à sa manière, » dis-je. Il pourrait aussi être bon d’essayer de construire des galeries d’art et des musées.
... Attends, hein ? Le marché semble déjà se transformer en quelque chose comme Ameyoko. Si je construis un tas de galeries et de musées en plus, j’ai l’impression que Van va se retrouver de plus en plus comme Ueno. Peut-être que je devrais aussi construire un zoo et arrêter pour aujourd’hui.
Si j’empruntais le pouvoir de Tomoe, cela serait facile à accomplir. Je pourrais déjà recréer la Montagne des Singes.
Cependant, Hakuya secoua la tête. « Van sera la ville sur notre ligne de front face à Amidonia. À ce stade, nous ne pouvons pas leur permettre d’avoir trop de chose fantastique présente lors de sa conception. »
« ... Je suppose que non, » dis-je. Car après tout, nous ne pouvons pas compter sur une ville artistique pour être particulièrement défendables.
« Dans ce cas, je suppose que tout en facilitant la vie, nous devrons maintenir la fonction de Van en tant que ville militaire, » dit-il.
« Je suppose que c’est comme ça que ça doit être », dis-je. « S’il vous plaît, faites avancer les choses dans cette direction. »
« Compris, » Hakuya s’inclina et quitta la pièce. Après ça, je m’étais tourné vers Ludwin.
« Comment progresse le déploiement du réseau de transport ? » demandai-je.
« Sire, » dit-il. « L’Armée de Terre et vos forces directement contrôlées dans l’Armée Interdite font tous les efforts pour réaliser cet objectif. Une route pour Van se situant sur le territoire du Royaume a déjà été achevée, et nous commençons les travaux des routes vers les petits villages voisins qui sont actuellement sous notre contrôle. Et aussi... nous avons construit huit ponts sur les rivières, mais... »
« Mais quoi ? » le questionnai-je. L’homme semblait évasif.
Ludwin m’avait regardé comme s’il ne comprenait pas ce que je voulais dire. « Sire. À l’heure actuelle, y a-t-il une raison de déployer un réseau de transport jusqu’à Van ? D’accord, je comprends l’importance de la mise en place de routes d’approvisionnement militaires. Cependant, si nous construisons des routes et des ponts vers les villes plus petites se trouvant autour de Van à une époque où l’Empire ne reconnaît pas notre souveraineté ici, cela n’aurait-il pas été inutile quand nous serons poussés à leur rendre ces terres ? »
« C’est vrai... bien sûr, je suis sûr que l’Empire demandera le retour de Van à la Principauté, » déclara Liscia. « Mais c’est un peu exagéré de penser que Julius et sa clique n’utiliseront pas les routes et les ponts que nous construisons. » Elle fronça les sourcils.
« Cela ne sera pas le cas, » Hakuya avait immédiatement rejeté l’opinion de Liscia. « Même si nous retournons Van et que le prince héritier Julius revient ici, il n’utilisera jamais l’infrastructure construite par le royaume. Peu importe ce que c’est, il travaillera afin d’éliminer toute trace de l’influence du royaume dans Van. Il ne peut pas se permettre de les garder par commodité, car il pourrait y avoir un attachement pour le royaume chez le peuple de Van. »
« Pour ma part, j’utiliserais tout ce que je pourrais, Amidonien ou non, » dis-je.
« Hehe. Je suis sûr que vous le feriez, Sire, » Juna déclara ça avec un sourire. « N’avez-vous pas utilisé leur commandant féminin avec la voix rauque en tant que chanteuse ? »
« Oh, vous parlez de Margarita Wonder, » dis-je. « Elle était une bonne trouvaille. »
J’avais initialement embauché Margarita seulement comme chanteuse, mais dernièrement, elle avait aussi organisé les concours de chant amateur. J’avais profité de son courage qui lui avait permis de devenir commandant dans ce pays patriarcal en dépit d’être une femme, et en vue de la façon dont elle parlait franchement, et cela même aux hommes, cela la rendait populaire auprès des femmes partout dans le monde. Oh, j’avais commencé un peu trop à diverger. Bon, oublions Margarita et concentrons-nous pour l’instant sur Julius et ses disciples.
« Je le sais..., » dis-je. « Si c’est ce qui va se passer, alors essayons de jouer un peu avec eux. »
« Jouer avec eux ? » demanda Liscia.
« Nous allons mettre nos noms sur les ponts, » dis-je. « Il y en a bien huit, n’est-ce pas ? Eh bien, nous allons faire sculpter les noms de Pont Souma, Pont Liscia, Pont Albert, Pont Hakuya, Pont Ludwin, Pont Poncho Ishizuka et le Pont Aisha sur leurs rambardes. Si les ponts eux-mêmes disent : “Ce pont a été construit grâce au Royaume d’Elfrieden”, la faction anti-royaume est sûre de les détruire, n’est-ce pas ? »
« Saviez-vous que vous pouviez être un sacré numéro, Souma ? ... » Liscia avait dit avec un soupir, à moitié impressionné, à moitié abasourdi.
Cependant, parce qu’il n’y avait pas d’objection, cette idée avait été réalisée comme je l’avais proposée. Et aussi, pour que cela n’ait pas d’importance s’ils étaient détruits, nous avions confirmé qu’ils ne devaient être construits que pour être robustes, sans aucun aspect artistique.
C’était tout ce qui devait être réglé pour l’instant. Une fois que nous avions vu Ludwin et Hakuya quitter la pièce avec les plans et les politiques que nous venions de décider, Liscia m’avait alors demandé. « Si l’Empire exige que nous retournions Van, pensez-vous toujours qu’il serait difficile de leur refuser ça ? »
Je pouvais seulement hocher la tête en réponse à cette question. « Eh bien, oui... Je n’ai nullement l’intention de changer mon plan d’ensemble, mais je ne peux pas nous voir forcer la main à Madame Jeanne. Ce serait une énorme perte pour l’image de l’Empire. Nous n’avons pas le pouvoir de nous battre avec eux maintenant, donc si l’Empire nous voit comme hostiles, ce serait un échec diplomatique. »
« N’avez-vous pas dit que vous avez rencontré Jeanne Euphoria ? » demanda Liscia. « Est-ce vrai que l’invocation du héros était leur manière de montrer quelques considérations envers notre pays ? »
J’avais alors dit. « Oui, c’est bien ça. »
« Quand vous êtes-vous rendu compte de ça ? » demanda-t-elle.
« Quand j’ai entendu que l’Impératrice Maria était surnommée la Sainte, » dis-je. « Je pensais que quiconque étant considérée comme une sainte ne ferait jamais quelque chose de trop malsain. Cela dit, d’après ce que Madame Jeanne m’a dit, Madame Maria n’aime pas trop avoir ce titre. »
« Avez-vous fait confiance à ce titre ? » demanda Liscia.
« Les personnes adoptent des titres parce qu’ils sont commodes, » dis-je. « Et parce qu’ils sont bien commodes, ils essaieront aussi de les maintenir. »
Dans une nation comme l’Empire qui couvrait une vaste étendue de territoire et incorporait de nombreuses personnes de diverses origines raciales et culturelles, un titre comme « sainte » devait être utile pour accumuler du pouvoir. Parce qu’après tout, cela lui avait permis de hisser le drapeau d’une résistance humaine unie en réponse à la menace du Domaine du Seigneur-Démon. C’est pourquoi Maria avait choisi d’agir comme une sainte, continuant à porter un titre dont elle ne se souciait pas.
« En interprétant la demande de l’Empire sous un jour positif, et en tenant compte de tout cela, cela serait probablement quelque chose comme ça... Voilà ce que je pensais, » dis-je.
C’était quelque chose que je n’étais pas sûr avant d’avoir parlé à Jeanne. Mais après avoir parlé à Jeanne, j’étais certain de ça.
L’Empire Gran Chaos n’était pas un empire maléfique, comme ceux qui apparaissent dans les histoires, ou même une superpuissance orgueilleuse. Il était juste un autre puissant pays, essayant désespérément de se maintenir à flot.
« Voilà pourquoi nous ne pouvons pas baisser nos gardes, » dis-je. « Face à un adversaire sérieux, il n’y a pas de place pour la négligence ou la fierté. »
« C’est vrai, » répondit Liscia. « Nous devons faire face à cela avec résolution. »
Liscia et moi avions tous deux hoché la tête, tout en ayant des regards graves.
Cela sera demain que Jeanne Euphoria viendrait, accompagnant Julius, prince héritier d’Amidonia, en tant qu’émissaire pour négocier le retour de leur territoire.
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Partie 2
— 21e jour du 10e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental — La Muraille de Van
« Oh, quelle vue ! Quelle vue ! » criai-je.
En regardant vers le bas des murailles du château, il y avait un peu plus de 50 000 soldats de l’armée d’Elfrieden en formation autour de Van. En face d’eux se trouvaient, selon une estimation approximative, plus de 50 000 soldats de l’Armée Impériale en formation, avec environ 5 000 soldats supplémentaires de l’armée amidonienne à leurs côtés, pour un total combiné d’environ 60 000 hommes. Il y avait un plus grand nombre de troupes ici que lors du dernier engagement.
« Est-ce le moment d’être impressionné ? Et si cette armée nous attaquait ? » demanda Liscia avec exaspération. Elle était debout à côté de moi.
« Il n’y a pratiquement aucune chance que nous gagnions, » dis-je. Puis je regardai Hakuya, qui se tenait aussi à côté de moi. « N’est-ce pas ? »
« En effet, c’est correct, » dit-il en hochant la tête. « En nombre de troupes, en nombre de commandants, équipement, entraînement, moral. Peu importe lequel de ceux que vous choisissez de regarder, notre pays est derrière l’Empire dans chacune de ses catégories. En cas de guerre, nos forces n’ont aucune chance de gagner. »
Le flux de la guerre était censé être décidé par les cieux, la terre et les personnes. C’est-à-dire, l’avantage temporel du ciel, l’avantage territorial de la terre, et l’unité harmonieuse entre les personnes.
L’avantage temporel était donné à l’Empire, principal promoteur de la Déclaration de l’Humanité, tandis que l’avantage territorial résidait dans les forces de la principauté. Si l’on me demandait si le royaume avait une unité harmonieuse qui pourrait s’opposer à ces deux-là, j’aurais dû dire non. Il n’y avait pas longtemps que l’Armée de Terre et l’Armée de l’Air m’avaient prêté allégeance, alors même qu’elles pourraient être motivés à combattre les envahisseurs amidoniens, il serait difficile de maintenir leur moral contre les forces impériales qui leur étaient de loin supérieures.
Bref, nous n’étions pas supérieurs aux forces combinées de l’Empire et d’Amidonia dans l’une de ces trois catégories.
« J’aurais souhaité que nous ayons pu au moins avoir l’avantage de l’équipement..., » dis-je.
L’un des types de troupes que la force impériale avait et que je pouvais voir d’ici était des rhinosaurus portant des canons. J’avais entendu dire que les rhinosaurus étaient utilisés comme armes de siège, mais il semblait que l’Empire les utilisait comme plates-formes d’artillerie mobiles.
En fait, j’avais eu la même idée, mais avant que nous puissions charger des canons sur les rhinosaurus, ils avaient besoin d’être entraînés pour ne pas être surpris quand ils entendaient le bruit des tirs de canons. Nos rhinosaurus avaient été rassemblés avec les compétences de négociation de Tomoe, et donc, sans temps disponible pour la formation, ce plan avait été abandonné.
C’était frustrant de voir qu’un type de troupe que j’avais inventé était déjà utilisé par l’Empire, mais, bien, c’était quelque chose qu’un amateur militaire serait certainement capable de trouver. S’il y avait une demande pour eux, la plupart des idées de ce genre auraient déjà été mises à profit.
Eh bien, de toute façon, avec les choses comme elles étaient, nous ne pouvions pas nous battre.
Pour commencer, je n’avais jamais eu l’intention de me battre. Mais si nous avions été dans une position où nous pouvions avoir un avantage, cela aurait été une carte de plus sur la table des négociations. Dans l’autre sens, la force étalée devant mes yeux qui pourraient facilement nous vaincre était une carte dans la main de l’autre.
Alors que je savais que cela arriverait, c’était encore une situation difficile qui se présentait devant moi.
« Sire, il y a un type de troupe que je ne connais pas, » Aisha, qui surveillait les forces ennemies à distance, avait dit ça.
« Un type de troupe avec lequel vous n’êtes pas familier ? » demandai-je.
« Il y a un groupe vêtu dans une armure de plates toute noire ! » déclara-t-elle.
« Sont-ils entièrement en noir ? » demandai-je. « ... Attendez, wôw. Je suis étonné que vous puissiez voir ça. » À cette distance, les personnes semblaient aussi petites que les grains de riz.
« Les elfes sombres ont de bons yeux ! » Aisha gonfla sa poitrine avec fierté. « Ce groupe en armure noir porte des armes assez longues de plusieurs types. »
« C’est probablement l’“Unité d’Armures Magiques” ou encore “Unité d’Armures Anti-Magies, » expliqua Hakuya.
Maintenant, il y avait un mot inconnu.
« L’Unité d’Armures Magiques ? » demandai-je.
« Je suppose que vous pourriez les appeler la version anti-magie du piquier lourd, » répondit Hakuya. « Cette armure noire produit en tout temps une barrière qui bloque tout type de magie. Quand ils forment des rangs et avancent, il est dit que chaque pas qu’ils font est un autre pas où le territoire de l’Empire se développe. Ils sont le trésor de l’Empire, qui en est extrêmement fier. »
Hmm... Si je me souviens bien, les piquiers sont une unité avec de longues lances destinées à être utilisées contre la cavalerie, n’est-ce pas ? pensai-je. Mes connaissances viennent du fait d’avoir joué à des jeux de simulation de guerre, mais il s’agit d’un type de troupe qui forme une phalange contre la cavalerie qui charge, qui sort ses lances et qui repousse la charge. Si je me souviens, ils peuvent arrêter la cavalerie, dont la mobilité est leur point fort. Selon la situation, je pense qu’ils peuvent être un type de troupe puissant, mais parce que la tactique est avant tout une tactique d’attente, ils peuvent être difficiles à utiliser.
« Même s’ils peuvent annuler la magie, sont-ils vraiment un trésor ? » demandai-je.
Hakuya m’avait regardé avec consternation, puis il m’avait demandé ça à mon tour. « Vous souvenez-vous de la raison pour laquelle les armes à poudre n’ont jamais été développées sur ce continent ? »
« Puisque la magie est plus puissante et a une meilleure portée, elles n’étaient pas nécessaires. Est-ce correct ? » demandai-je. « C’est pourquoi seulement les canons ont été mis au point, mais ils étaient destinés à être utilisés en mer, où la magie est plus faible, ou pendant un siège, où ils peuvent encore faire du bon travail. »
« Tout à fait, » répondit Hakuya. « Il y a aussi le fait que les peaux de créatures vivant sur ce continent sont dures et résistantes, donc une arme à poudre ordinaire ne pouvait même pas les blesser. »
En d’autres termes, le fait qu’ils ne pouvaient pas les utiliser pour la chasse était une autre raison pour laquelle les armes à poudre n’avaient jamais été développées.
Si les personnes ici avaient développé le fusil, alors elles auraient su qu’il était possible d’augmenter le pouvoir de pénétration de la balle en le faisant tourner, et donc les choses auraient pu être différentes. Cependant, c’était une invention qui était venue parce que le mousquet (Le mousquet hinawaju du Japon était équivalent au premier mousquet), qui tirait simplement une balle, s’était déjà propagé. Ils n’avaient même pas la base pour que cette recherche se produise.
Alors que je pensais que je devrais peut-être développer le fusil pour eux, Hakuya avait dit. « Pour couronner le tout, nous avons des sorts attachables dans ce monde. Certains objets défensifs sont meilleurs que d’autres, mais ils ont souvent un sort qui réduit les dégâts qui leur sont attachés. L’inverse est également vrai, et une arme aura normalement un sort attaché qui augmente ses dégâts pour percer cette défense. »
« Et puis, zut ! » dis-je. « Cela ressemble trop à un jeu de tape-taupe... »
« Avec tout le respect que je vous dois, je crois que c’est la façon dont la technologie progresse, » déclara Hakuya. « Et pour les sorts attachés aux armes et aux armures, plus la masse de l’objet est grande, plus il peut être puissant. En d’autres termes, dans ce monde, la balle est plus faible que la flèche et la flèche est plus faible que la lance. »
Est-ce que cela signifie que même si je développe le fusil, les petites balles n’auront pas beaucoup de puissances en elles ? pensai-je. Une unité de tireurs semble de moins en moins pratique. Eh bien, je ne veux pas transformer ce pays en une société d’armes à feu, alors ça ne me dérange pas vraiment.
Hakuya continua. « Dans un monde comme celui-ci, il y a un groupe sur lequel la magie et le bombardement par wyvernes ne fonctionnent pas, les charges de cavalerie ne peuvent pas passer, et parce qu’ils sont de taille humaine, ils ne peuvent pas être ciblés avec des canons. Ce groupe en armure noire se déplace lentement vers l’avant. Du point de vue de leurs ennemis... »
« ... cela sonne quelque peu horrifiant, c’est vrai..., » dis-je. « Ils ressembleraient aux armées de l’enfer. »
Dans une bataille sur un champ de bataille dégagé, ils sont probablement invincibles, pensai-je. Si je pouvais me battre quelque part comme une colline ou un marécage avec de mauvaises bases, ou si je pouvais les attirer quelque part avec des tas de pièges et briser leur formation, alors les entourer...
Mais ces idées reposaient toutes sur moi en combattant dans une bataille défensive. Il était difficile pour l’attaquant de choisir où se battre. En ce sens, je pouvais voir pourquoi ils parlaient de chaque pas de l’expansion du territoire de l’Empire.
« De plus, l’Empire a d’autres unités puissantes en plus de l’Unité d’Armures Magiques, » déclara Liscia tout en regardant vers l’ennemi. « Ils ont les chevaliers-griffons, qui rivalisent non seulement avec la cavalerie-wyverne, mais avec les chevaliers-dragons en ce qui concerne la puissance. Ils ont une unité de mages qui dépasse largement les nôtres en nombre et surclasse les nôtres en puissance. Ils ont une unité de rhinosaurus entraînée au combat. Si nous combattons l’Armée Impériale, cela signifie que nous devons tous les prendre en même temps. »
Pourquoi, oui... oui, je le sais, pensai-je. L’ennemi avait bien plus que l’Unité d’Armures Magiques.
Il s’agissait de la pensée superficielle d’un amateur qui m’avait laissé croire que si je pouvais choisir l’emplacement de la bataille, alors je pourrais ainsi gagner.
« ... Nous ne sommes vraiment pas à la hauteur de l’Empire, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Souma..., » Liscia avait l’air inquiète, alors je lui ai souri.
« Ça n’arrivera pas tout de suite, » avais-je alors dit. « Mais finalement, je vais construire cela dans ce pays pour qu’il puisse se tenir côte à côte avec eux. »
J’avais alors frappé des mains, donnant le signal.
« Maintenant, que diriez-vous d’aller accueillir Madame Jeanne ? » demandai-je.
Ils étaient dans la salle d’audience de Van.
Dans cette zone, avec des couleurs et des décorations beaucoup plus ostentatoires que ceux de Parnam, la plus jeune sœur de l’impératrice Maria de l’Empire Gran Chaos, Jeanne Euphoria, et le fils aîné du Prince Souverain d’Amidonia Gaius VIII, Julius, se tenaient sur un tapis à plusieurs pas en dessous de moi alors que j’étais assis sur le trône.
Donc ce jeune homme était Julius. Il avait l’air d’être dans le milieu de la vingtaine, un bel homme avec un air de génie calculateur, tout comme Hakuya, mais Julius semblait encore plus froid et austère. Il semblait réprimer ses émotions, mais dans ses yeux je pouvais voir son hostilité envers moi qui vacillait comme une flamme bleu pâle.
En revanche, Jeanne était vraiment magnifique. Il s’agissait d’un territoire ennemi pour elle, donc le courage qu’elle avait montré en venant ici sans gardes du corps, avec uniquement Julius à ses côtés, m’avait profondément impressionné.
Afin de pouvoir saluer ces deux personnes, nous nous étions alignés avec Liscia et Hakuya de chaque côté de moi, et Aisha derrière moi en diagonale, debout en tant que garde du corps.
Voyant cela, Jeanne pencha la tête sur le côté. « C’est une surprise. Je m’attendais à ce que notre réunion compte un grand nombre de soldats. »
« Si j’apportais trop de soldats à la réunion, cela ne ferait que vous rendre mal à l’aise, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Je vois, » dit-elle. « Vous êtes une personne courageuse. »
Jeanne avait dit comme si elle était impressionnée, mais à l’intérieur, je souriais avec ironie.
C’était simplement ce que j’avais lu une chronique historique dans laquelle un certain dirigeant avait accueilli un envoyé ennemi avec une attitude semblable à celle de Jeanne. Cet envoyé avait dit des choses comme. « Est-ce une manifestation de respect dans votre pays de placer autant de troupes avec vous afin de rencontrer une seule personne ? » et « Où êtes-vous un lâche qui ne se sent pas en sécurité sans que ses soldats le protègent ? » Il avait humilié ce dirigeant, et je venais juste de m’en souvenir, et donc... J’avais décidé de ne pas laisser Jeanne pouvoir me faire ça.
« Bien sûr, avec celle qui est derrière vous, vous devez vous sentir tout à fait en sécurité, » Jeanne regarda avec perspicacité Aisha. Peut-être était-ce parce qu’ils partageaient quelque chose de commun en tant que guerriers, mais elle avait jugé avec justesse de la capacité d’Aisha. « Je peux dire qu’elle est une bonne guerrière. Si je demandais un combat contre elle, il pourrait s’avérer difficile pour moi de gagner. Vous avez une bonne vassale, Sire Souma. »
« ... Merci, » dis-je.
Il n’y avait aucun moyen pour moi de savoir à quel point elle était sérieuse avec ses louanges, mais à en juger par la crispation d’Aisha, Jeanne ne devait pas être sous-estimée en tant que guerrière.
« Vous aussi, » continuai-je. « C’est très courageux de votre part d’affronter le roi d’une autre nation sans amener une escorte de gardes. Ne vous inquiétez-vous pas de ce que je pourrais vous faire assassiner ici ? »
« Je suis venu en tant qu’envoyée de paix, » Jeanne sourit. « Pourquoi devrais-je avoir peur qu’on décide de me faire du mal ? »
Je pourrais dire qu’elle était tout à fait une bonne actrice. Elle n’avait peut-être pas de gardes avec elle ouvertement, mais peut-être des agents secrets étaient-ils entrés pour la surveiller. Même maintenant, quelque part où nous ne pouvions pas les voir, ils pourraient être en concurrence féroce contre Juna et ses marines.
Après ça, j’avais regardé Julius. « Ceci est notre première rencontre. Je suis Souma Kazuya. »
« ... Je suis le Prince Souverain d’Amidonia, Julius, » ne cachant pas l’hostilité présente dans ses yeux, Julius se donna ce titre. Il devait en avoir hérité à la mort de Gaius VIII. Du fait que nous occupions Van, il n’avait probablement pas encore été officiellement couronné, mais moi (en tant que roi provisoire) j’étais dans le même bateau, donc je ne l’avais nullement signalé.
« Maintenant, écoutons pourquoi vous êtes tous les deux venus ici, » dis-je.
Julius avait immédiatement ouvert sa bouche. « Permettez-moi d’aller droit au but. J’exige que vous nous redonniez immédiatement Van. »
« Sire Julius... » Jeanne sembla troublée par son explosion, mais Julius continua, ne se souciant nullement d’elle.
« Notre nation est signataire de la Déclaration de l’Humanité. Dans le texte de l’accord, il est dit : “Le déplacement des frontières nationales par la force sera jugé irrecevable.” Le Royaume d’Elfrieden a occupé Van par la force. En tant que tel, conformément à la déclaration, je suis venu ici avec Mme Jeanne, un émissaire envoyé par l’Empire Gran Chaos, pour obtenir la restitution de Van et de ses environs. »
« Cela semble terriblement égoïste, » j’avais alors mes coudes sur les accoudoirs du trône et mes joues sur mes paumes, lançant un regard noir à Julius. « Vous avez commencé par envahir Elfrieden en premier. D’abord, vous essayiez de vous développer par la force, puis, lorsque vous perdez, vous vous tournez vers la Déclaration de l’Humanité pour avoir une protection, et vous vous accrochez à la puissance de l’Empire afin de chercher la récupération de votre territoire. Ne pensez-vous pas que c’est pathétique ? »
« La décision d’envahir Elfrieden était celle de mon père, Gaius, réalisé de son propre chef, » déclara froidement Julius.
« Vous l’avez accompagné lors de cette campagne, alors vous partagez son crime, » dis-je. « D’ailleurs, avant de commencer à négocier le retour de votre territoire, n’est-ce pas une excuse pour envahir mon pays par la même occasion ? »
« Argg... »
« Sire Julius, » déclara Jeanne. « Sire Souma a raison. Nous sommes dans la position de demander qu’il rende votre terre. Nous devons commencer par leur montrer votre sincérité. »
Julius semblait profondément mortifié par cette pensée, mais avec sa seule ligne de vie, Jeanne, le pressant de le faire, il recula à contrecœur, puis, toujours à contrecœur, il baissa la tête. « ... Alors que l’invasion de votre pays était uniquement la décision de notre ancien dirigeant, Gaius, c’était mon propre manque de vertu qui m’a empêché de l’arrêter. Permettez-moi de m’excuser pour ça. »
Cela ne ressemblait pas vraiment à des excuses, mais il semblait que c’était tout ce qu’on pouvait s’attendre de sa part.
Julius avait continué à parler. « Cependant, c’est votre pays qui porte atteinte à nos frontières. En tant que signataires de la Déclaration de l’Humanité, nous avons le droit de demander à l’Empire de nous rendre notre territoire. »
« ... Voici ce que vous dites Julius, mais quel est le point de vue de l’Empire ? » demandai-je, faisant tourner la conversation vers Jeanne.
Elle avait haussé les épaules. « L’Empire préférerait ne pas aider Amidonia, qui n’a vraiment que ce qu’elle mérite... mais, en tant que signataires de la Déclaration de l’Humanité, nous n’avons pas d’autre choix que de répondre à leur demande. »
« Fondamentalement, vous dites que l’Empire demandera que nous retournions tous les territoires occupés, y compris Van ? » demandai-je.
« Ce serait ce que cela signifie, oui, » dit-elle.
Ouais, pensai-je. Je pensais que l’Empire prendrait cette position. C’est un peu agaçant de voir Julius agir comme si c’était sûr qu’ils le feraient, mais tout cela est dans les limites de ce à quoi je m’attendais. Alors, laissez-moi aussi leur donner la réponse que je m’attendais à donner.
« Je refuse, » répondis-je.
« Quoi... !? » Jeanne en eut le souffle coupé.
Julius était momentanément à court de mots. Peut-être qu’il ne s’était pas attendu à un tel rejet. Cependant, il s’était immédiatement repris et alors, il avait dit après avoir pris une expression furieuse. « Êtes-vous sain d’esprit !? Pour oser défier la Déclaration de l’Humanité ! »
« Mon intention n’est pas de défier la Déclaration de l’Humanité, » dis-je. « Cependant, je ne peux pas respecter la façon dont Amidonia fait les choses. D’abord, vous envahissez le territoire d’Elfrieden, puis quand nous lançons une contre-invasion, vous vous plaignez de nous à propos de ce changement de frontière par la force. Cela ne résiste pas à la raison. »
« C’est... Tout cela a été décidé par l’ancien dirigeant Gaius, de son propre chef, » bredouilla Julius.
« C’est du pur sophisme, et vous le savez, n’est-ce pas ? » demandai-je.
Julius semblait ne pas savoir quoi dire au début, mais il répondit. « Dites ce que vous voulez, cela ne changera pas le fait que les habitants de mon pays vivent sous votre occupation. Moi, en tant que dirigeant de ce pays, je dois libérer mon peuple. »
C’était son argument. La libération de l’occupation, hein.
« Je me demande si les habitants de Van veulent être libérés, » dis-je.
« Quoi ? » s’exclama Julius.
« Sire Julius, » dis-je. « N’avez-vous pas vu les rues de Van en venant jusqu’ici ? »
En réponse à ma question, les yeux de Julius s’étaient écarquillé, et il m’avait immédiatement lancé un regard furieux. « Van est la cité où je suis née et où j’ai grandi. Je la connais mieux que vous. »
« Vraiment... ? Eh bien, que pensez-vous de la couleur de Van en ce moment ? » demandai-je.
« La couleur ? » demanda-t-il d’une manière hostile. « J’ai vu un certain nombre de maisons avec leur toit et leurs murs peints de couleurs criardes et insipides, mais qu’en est-il ? »
C’était ça... Eh bien, peut-être qu’il n’était pas injuste de les décrire comme insipides.
« Nous avons chacun notre sens de l’esthétique, donc je ne commenterai pas cela, » dis-je. « Cependant, Sire Julius. Si les personnes étouffaient sous le joug de notre oppression, pensez-vous qu’elles voudraient rendre leurs toits et leurs murs plus colorés ? »
J’avais soigneusement choisi mes mots, afin de ne pas pousser Julius dans un accès de rage.
« Si un dirigeant est oppressif, les personnes vont essayer d’agir d’une manière qui ne se démarque pas des autres. C’est ainsi, car s’ils devaient attirer l’attention en faisant quelque chose de voyant, on ne sait pas quel genre de catastrophe leur arriverait. Donc, plus les personnes sont opprimées, et moins vous les entendrez se plaindre. Elles ne montrent pas leurs sentiments ou leurs mentalités, gardant leurs véritables sentiments enfouis profondément dans leurs cœurs. Elles ne rêveraient jamais de faire quelque chose comme peindre leurs toits et leurs murs avec des couleurs voyantes. »
Après ça, j’avais fait une pause pendant un petit moment afin de pouvoir regarder Julius dans les yeux.
« Maintenant, dites-moi, de quelle couleur étaient les couleurs de Van quand vous et votre père étiez là ? » demandai-je.
En réponse à ma question, Julius serra la mâchoire. Bien sûr, il le savait parfaitement.
Quand j’étais entré dans Van, la couleur que j’avais ressentie ici était le gris.
Les rues labyrinthiques, qui n’étaient même pas correctement divisées en districts, avaient seulement eu des maisons avec des murs gris et des toits en terre, sans le moindre soupçon de personnalité. Même si elles n’avaient pas fait partie d’un schéma de couleurs unifié, elles avaient toutes semblé standardisées parce que les habitants de cette ville n’avaient pas été libres dans leurs pensées.
« Entre Van sous mon autorité, et Van quand elle était sous votre domination, qui ressemble plus à “sous occupation” ? » demandai-je.
« Vous... Êtes-vous en train de dire que nous étions oppressifs ? » cria Julius.
« Oui, parce que c’est un fait que vous l’étiez, » dis-je. « Il semble que la majeure partie de votre budget national allait aux dépenses militaires. Les taxes que paient vos habitants étaient censées être rendues aux personnes sous la forme de bien-être. Au lieu de maintenir votre ville, ou vos routes, ou l’industrie de soutien, vous avez saigné votre peuple avec de lourdes taxes qui ne sont finalement allées que dans l’armée. Qu’est-ce que c’est si ce n’est pas une manière de régner oppressive ? »
« Sale Chien ! » Julius cria, se précipitant vers moi.
« Sire Julius ! » déclara Jeanne en tendant la main pour l’arrêter.
Alors que Julius s’arrêtait après seulement un demi-pas, il grinçait toujours des dents dues à la frustration. Je ne leur avais pas permis de porter des armes pendant l’audience, mais cela aurait été une situation risquée si Jeanne n’était pas intervenue.
« Aisha, enlevez également la main de votre garde, » dis-je.
« ... Oui, Sire, » déclara Aisha.
J’avais été capable de sentir la soif de sang derrière moi, alors j’y avais mis un terme. Sa voix semblait abattue, comme une enfant qui avait été grondée.
Bien qu’elle n’avait pas à se sentir si abattue, car la raison pour laquelle je pouvais aller vers un affrontement avec Julius était que je me sentais en sécurité en sachant que, si cela se passait mal, Aisha était là afin de me protéger.
« Sire Souma... Je vous demanderais de ne pas causer d’agitation chez Sire Julius, » Jeanne objecta, avec un soupir.
« Je ne lui ai dit que la vérité, » répondis-je. « Gouverner la nation et fournir un soulagement aux personnes... ne sont-elles pas les deux devoirs d’un dirigeant ? Cependant, de leur côté, ils ont lourdement taxé la population afin de payer leurs dépenses militaires inutiles. N’est-ce pas la définition même de l’oppression ? »
« Et à qui revient la faute ? » cria Julius. « Si la famille royale d’Elfrieden n’avait pas volé de terres à mon grand-père... ! »
« Pas encore ça... » En entendant Julius débiter les mêmes arguments usés, j’avais laissé échapper un soupir. « La famille royale d’Amidonia appelle à tout moment à la vengeance contre Elfrieden, mais ni vous, ni même Gaius ne participiez à ces événements. De plus, je ne suis pas présent dans ce monde depuis aussi longtemps. Alors, quelle rancune auriez-vous pu avoir contre moi ? »
« Ah ! C’est..., » répondit Julius.
« C’est plutôt votre pays qui est celui qui a continuellement essayé de faire du mal au mien, » dis-je. « ... Hakuya. »
« Oui, Sire, » Hakuya sortit deux morceaux de papier enroulés à l’intérieur d’un tube cylindrique et en tendit un à chacun d'eux.
Sur le papier avait été écrit un certain nombre de noms. Quand ils virent ces noms, Jeanne semblait confuse, mais Julius avait un regard clairement visible sur son visage comme s’il venait de mordre quelque chose de désagréable.
« Qu’est-ce... que c’est que ça ? » demanda Jeanne.
Après s’être incliné, Hakuya commença à expliquer. « Les noms que vous voyez écrits ici sont des nobles du Royaume d’Elfrieden qui ont été incités à la sédition par la Principauté d’Amidonia. Certains d’entre eux se sont soulevés pendant le règne de l’ancien roi et ont été réprimés. Amidonia les a incités à le faire, fomentant la rébellion, les tentant à l’aide de la corruption, et les encourageant à adopter une position non coopérative envers la famille royale. »
« Oh mon dieu..., » quand Jeanne se retourna froidement vers lui, Julius serra la mâchoire.
On aurait dit qu’ils essayaient d’attiser la rancune des trois ducs, alors j’avais demandé à Hakuya d’y jeter un coup d’œil. Et, franchement, que n’avions-nous pas trouvé comme trucs louches ? Je pouvais voir sur la liste les noms des nobles corrompus qui avaient pris part au soulèvement, mais certains des noms que j’ai vus appartenaient à des nobles qui avaient refusé de prendre parti dans le récent conflit. Quand je serai revenu à la capitale royale, j’allais devoir faire quelque chose à ce sujet.
« Madame Jeanne, » déclara Hakuya. « Alors qu’ils se font l’éloge de la Déclaration de l’Humanité, la Principauté d’Amidonia se livre à toutes ces magouilles dans les coulisses. Il est difficile de voir comment ils peuvent parler de la vengeance contre notre royaume après avoir fait tout cela. »
« Même quand il s’agit de cette vengeance, ils ne l’évoquent que quand cela leur profite, » j’avais fixé Julius du regard pendant que je parlais, suivant l’exemple de Hakuya. « “Notre pays est pauvre à cause du royaume, tout le monde a faim à cause du royaume, nos habitants souffrent sous leur dur labeur à cause du royaume, les lourds impôts que nous prélevons vont à l’armée et non aux habitants à cause du royaume.” »
« Où voulez-vous en venir ? » demanda Julius.
« C’est terriblement pratique, » dis-je. « Si vous utilisez simplement cette excuse pour vous enorgueillir du thème de la vengeance, vous pouvez cacher vos erreurs politiques et rediriger la colère de votre peuple vers Elfrieden. »
« Sale chien ! Comment osez-vous dire cela !? » s’exclama Julius tout en se précipitant vers moi.
« Sire Julius ! » déclara Jeanne d’un ton brusque, l’arrêtant à nouveau.
Puis elle tourna un regard tout aussi dur dans ma direction. « Sire Souma, je crois que je vous avais demandé de ne pas le troubler ainsi. »
« ... Désolé, » dis-je. « C’est juste que nous voulons que vous sachiez que nous sommes aussi furieux du comportement d’Amidonia. »
« C’est... je comprends, » répondit Jeanne.
« Merci beaucoup, » dis-je. « Maintenant, j’ai une proposition à vous faire. »
Je m’étais tourné vers eux, comme si je leur disais, maintenant, il est temps de se mettre au travail.
« Pourrions-nous faire sortir Sire Julius ? » demandai-je.
Le visage de Julius se contorsionna de rage. « Ne sois pas absurde ! Pourquoi devrais-je être retiré des négociations qui détermineront le sort de la capitale de mon pays !? »
Un visage intelligent et beau montrant toute cette colère était au moins cinquante pour cent plus intimidant que celui d’une personne ordinaire qui aurait été dans le même cas. Avant de venir dans ce monde, j’aurais probablement été submergé par son attitude menaçante. Mais... maintenant, j’avais passé environ une demi-année en tant que roi, traitant avec des gens très effrayants tels que Gaius lui-même, pour des questions de vie et de mort, après tout cela, ce niveau d’intimidation n’était pas une pression suffisante pour me décourager.
« Franchement, c’est simple, » dis-je. « Et pour commencer, je n’ai même pas besoin de négocier avec Amidonia. »
« Qu’est-ce que vous avez dit !? » cria-t-il.
« Je suis à la table des négociations parce que je veux que l’Empire reconnaisse ma souveraineté sur Van, » dis-je. « L’Empire prend la position qu’ils ne peuvent pas reconnaître le changement de frontières dû à l’exercice de la force, alors ils sont ici pour négocier parce qu’ils veulent que je retourne Van, n’est-ce pas ? Dans ce cas, l’affaire peut être réglée entièrement par des négociations entre le royaume et l’Empire. »
Cela avait toujours été une négociation entre le royaume et l’Empire. La principauté n’avait jamais été plus qu’une simple spectatrice. Si son ressentiment allait arrêter le bon déroulement des négociations, je serais plus heureux de le voir retiré d’eux. Jeanne semblait aussi comprendre cela.
« ... Sire Julius, » déclara-t-elle. « Puis-je vous demander de me laisser gérer cela ? »
« Madame Jeanne !? » s’exclama-t-il. « Mais... »
« Ces négociations n’iront nulle part avec vous deux qui tenez l’autre à la gorge, » déclara Jeanne. « L’Empire ne veut pas passer son temps à arbitrer les disputes des autres nations. Je vais certainement récupérer Van, alors je voudrais que vous me laissiez m’occuper de ça. »
« C’est... très unilatéral de votre part, n’est-ce pas ? » demanda Julius avec colère. Il semblait prêt à continuer à se disputer, mais Jeanne le coupa net.
« Alors l’Empire n’aura plus rien à faire avec cette affaire, et vous pourrez négocier par vous-même. À mon avis personnelle, la faute incombe à cette occasion à Amidonia. Nous faisons ce que nous pouvons pour vous aider parce que vous êtes signataire de la Déclaration de l’Humanité, mais si vous vous trouvez incapable de nous faire confiance, l’Empire se retirera tout simplement de ces négociations. »
Julius savait que la principauté ne pouvait pas récupérer Van seule. Si l’Empire laissait entendre qu’ils pourraient se retirer des négociations, il n’y avait rien qu’il pouvait dire.
Julius avait l’air angoissé, étouffant les mots. « Allez-vous... nous faire récupérer Van ? »
« Je le jure sur le nom de ma sœur, l’impératrice Maria Euphoria, » déclara-t-elle.
« Je compte sur vous, » Julius inclina la tête vers Jeanne, puis quitta la salle d’audience.
Après l’avoir vu, Jeanne et moi nous regardâmes et soupirâmes.
« ... Je suis désolée, » déclara Jeanne. « Nos signataires peuvent être si nombreux. »
« ... Je comprends votre douleur, » répondis-je.
Nous avions alors tous deux souri. Afin de cacher nos vrais sentiments, nous avions naturellement tous les deux souri. L’air de danger avait disparu de la pièce, mais l’air était toujours aussi tendu. Non, au contraire, c’était encore plus tendu qu’avant.
Ces pourparlers décideraient de ce qui allait se dérouler d’ici pour le royaume et l’Empire, ce qui était probablement inévitable.
« Peut-être, avez-vous délibérément fait enrager Julius pour préparer le terrain ? » demanda Jeanne.
Je secouai la tête avec un sourire ironique. « Je voulais lui dire la plupart des choses que je lui ai dit. À cause de son père et lui, le rétablissement du royaume a été retardé et j’ai dû faire beaucoup de travaux inutiles. Je voulais évacuer un peu tout cela. »
« Vraiment ? » déclara Jeanne, ne semblant pas se soucier de tout ça. Puis Jeanne porta une main à sa poitrine, faisant une révérence. « Permettez-moi de me présenter une fois de plus, Sire Souma. Je suis Jeanne Euphoria, émissaire de l’Empire Gran Chaos. Je viens représenter ma sœur Maria Euphoria. »
« Bienvenue, Madame Jeanne, » dis-je. « Je suis le roi (provisoire) d’Elfrieden, Souma Kazuya. »
Pour recommencer les choses, Jeanne et moi nous nous étions représentés.
Jeanne avait été un peu taciturne auparavant, mais elle prenait maintenant un ton enjoué, complètement en désaccord avec ce qu’elle était avant. Elle avait alors souri à Liscia qui se tenait à côté de moi. « Je suis soulagée de voir que vous allez bien, Princesse Liscia. »
« Vous semblez être en bonne santé, Madame Jeanne, » déclara Liscia, tout en lui retournant le sourire.
« Hm ? Vous connaissiez-vous toutes les deux ? » demandai-je.
« Oui, » répondit Liscia. « Nous nous sommes rencontrés juste une fois, quand nous étions plus jeunes. N’était-ce pas avant que le Domaine du Seigneur-Démon n’apparaisse ? »
« Oui, c’est le cas, » répondit Jeanne. « Si je me souviens bien, c’était au moment où j’ai forcé le ministre responsable des négociations avec votre ancien roi, Sir Albert de m’emmener avec lui. En raison de notre âge très semblable, nous avons joué ensemble. »
Je vois, pensai-je. Comme elles sont toutes deux des personnes appartenant à la royauté, elles ont ce genre de liens.
Jeanne regarda le corps de Liscia de haut en bas avant de dire. « Vous devez être encore plus forte maintenant que vous étiez à l’époque. Je peux le dire juste en vous regardant. »
« Je pourrais dire la même chose de vous, » répondit Liscia. « À l’époque, je n’ai jamais réussi à vous mettre à terre une seule fois. »
Wôw, attendez ! Comment cela peut être un jeu le fait de mettre à terre l’autre !? pensai-je.
« Vous étiez toutes les deux des garçons manqués, » murmurai-je.
« Même le doux Marx était en colère contre nous, » déclara Liscia, nostalgique.
« Notre ministre des Affaires étrangères était aussi en larmes, » Jeanne eut un petit rire. « Hahaha ! »
Non, non, ce n’est pas un sujet de plaisanterie... Je me sentais mal pour Marx et ce ministre de l’Empire dont je n’avais jamais vu le visage.
« Eh bien ! De toute façon, nous nous sommes assez souvenus de l’ancien temps, » commença Jeanne. « Je pense qu’il est temps que nous parlions à cœur ouvert. »
« Je le sais, » dis-je. « Pour commencer, passons à autre chose. »
Je voulais saisir cette occasion pour parler franchement avec l’Empire. Afin de rendre cela possible, le site de réunion devait être un endroit où les deux parties se sentiraient à l’aise. J’allais aussi vouloir un stylo et du papier.
« Mais, d’abord... Liscia, pouvez-vous faire appeler Serina pour moi ? » demandai-je.
Liscia acquiesça, quittant la pièce. Peu de temps après, une femme en uniforme de femme de ménage entra.
Il s’agissait de la servante personnelle de Liscia, la servante en chef Serina. La femme de chambre, une beauté intellectuelle qui était légèrement plus âgée que moi, souleva légèrement l’ourlet de sa jupe-tablier et fit une révérence. « Je suis venue à votre demande, Votre Majesté. »
« Serina, » dis-je. « Le dirigeant d’Amidonia... non, le Prince Souverain d’Amidonia, Julius, est dans la chambre des visiteurs. Il est fort probable que je parle encore un moment avec Madame Jeanne, alors commencez le banquet sans nous et faites en sorte qu’il soit le bienvenu. »
Après que je lui eus donné cet ordre, Serina s’inclina respectueusement. « Très bien. Dans ce cas, je voudrais avoir la permission d’ouvrir une bouteille de tequeur très âgé de la cave à vin du château. »
Au moment où elle avait dit ça, j’avais cru voir une lueur suspecte dans les yeux de Serina.
Veut-elle boire cette boisson alcoolisée, peu importe comment elle le demandait ? Me demandai-je. Elle a l’air d’être le genre de femme qui à l’air coincé et sérieux, mais peut-être qu’elle est en fait une buveuse. Est-ce qu’elle dit que c’est pour notre invité, alors qu’elle voudrait elle-même le boire ?
« Je vais laisser cette affaire à votre discrétion, » dis-je finalement. « Tant que notre invité s’amuse bien. »
« Compris. Je vais verser la part de Sire Julius et le divertir personnellement, » avec ces mots et un sourire glacial, Serina s’inclina et sortit de la pièce.
Son sourire m’inquiétait, mais elle avait dit qu’elle le divertirait, alors j’avais pensé que c’était probablement correct. En pensant à cela, j’avais regardé à côté de moi pour voir Liscia et Hakuya grimaçant.
« Qu’est-ce qui se passe avec vous deux ? » demandai-je.
« Souma... le tequeur est un alcool très connu pour être extrêmement fort, » répondit Liscia.
« Il a un goût agréable, cela encourage la consommation excessive d’alcool. Cependant, si quelqu’un qui n’est pas habitué à boire le fait, il l’enverra rapidement au pays des rêves. Normalement, c’est le genre de chose que vous en buviez quelques gouttes mélangées dans un verre de thé ou de jus, » expliqua Hakuya, ayant l’air d’avoir mal à la tête.
« Hein !? Attendez. Si elle lui verse des verres de cette chose, » commençai-je.
« Le banquet sera terminé au moins dix minutes après son début, » répondit Hakuya.
« Elle n’a donc aucunement l’intention de le divertir !? » m’exclamai-je.
La femme de chambre Serina. Elle avait une élégante beauté, elle s’acquittait parfaitement de ses devoirs, elle était polie et elle pouvait aussi faire preuve d’une grande considération, ce qui la rendait parfaite en tant que femme de chambre. Cependant, elle était aussi un peu trop sadique.
Quand il s’agissait de jolies filles, elle voulait toujours les tourmenter et les taquiner. Non qu’elle fasse tout ce qui pourrait leur faire du mal. Elle aimait juste éveiller un peu leur sens de la honte.
Tout en restant seul avec Serina, Julius n’avait aucune chance.
Eh bien, le but du banquet est toujours d’empêcher Julius de découvrir ce qui se passe lors de nos négociations avec l’Empire, pensai-je. Si elle le fait boire jusqu’à un état d’ébriété, c’est aussi une façon de le faire...
« ... Juste pour cette fois-ci, je me sens mal pour Julius, » déclara Liscia avec des yeux aussi impassibles que ceux d’un poisson mort. « Serina, elle aime juste jouer avec des types vantards comme lui. »
« I-Il semble que vous ayez une expérience personnelle avec cette..., » dis-je.
« Chaque fois que je me comportais mal, c’était Marx qui me grondait, mais Serina était toujours chargée de me discipliner, » répondit Liscia. « Bien sûr, Serina est une femme de ménage, donc elle ne pouvait pas me punir physiquement. Non, elle est allée chercher plutôt des attaques psychologiques. Si seulement... Si seulement elle ne connaissait pas cette chose... Non, il y a aussi, n’est-elle pas là... ? Arg, pourquoi a-t-elle toujours, toujours besoin de me voir aux pires moments ? »
Alors que j’essayais de consoler Liscia, qui tenait sa tête dans ses mains, je laissai échapper un soupir. « Quelle quantité de matériel de chantage a-t-elle sur vous... ? »
« Hehe. C’est vraiment un... pays intéressant, » dans le coin de mon œil, je vis Jeanne qui faisait de son mieux pour retenir un sourire.
Après cela, nous avions changé de lieu et nous avions été avec Jeanne jusqu’au bureau des affaires gouvernementales. C’était parce que, si nous devions nous asseoir et négocier longuement, je pensais que c’était le meilleur endroit pour le faire.
Il était assez grand pour contenir un nombre raisonnable de personnes, et il y avait beaucoup de stylos et de papiers là-bas. Être capable de mettre facilement la main sur tous les documents dont nous pourrions avoir besoin était un autre point en sa faveur.
... Cependant, lorsque Jeanne entra dans la pièce, la première chose qui avait attiré son attention fut le lit dans le coin.
« Sire Souma, à quoi sert ce lit ?? » demanda-t-elle.
« C’est le mien, » dis-je. « Je suis bien trop occupé pour avoir ma propre chambre. »
« Dormez-vous dans le bureau des affaires gouvernementales !? » demanda-t-elle.
« J’ai honte de l’admettre, mais oui, » ce fut Hakuya et non pas moi qui lui répondit, et cela semblait profondément embarrassant.
Cependant, ce n’était apparemment pas le fait que j’avais dormi dans le bureau lui-même qui avait surpris Jeanne. « Je n’ai jamais pensé qu’il y aurait un roi qui ferait les mêmes choses que ma sœur... »
« Pardon ? » demandai-je, étonné.
Sa sœur... Cela ne veut-il pas dire Madame Maria ? Hein !? L’Impératrice dort-elle également dans le bureau des affaires gouvernementales ? pensai-je.
Avant que je puisse lui demander la moindre chose, Jeanne avant répondue d’un ton embarrassé. « Bien sûr, elle a sa propre chambre, mais quand elle est occupée par le travail administratif, elle dort dans un lit qui a été installé dans le bureau. De plus, dans le cas de ma sœur, elle ne se contente pas d’un simple lit. Elle a apporté un bon et très confortable lit. Cela fait que c’est encore pire. »
Je restai silencieux devant cette révélation.
Je me demande pourquoi, pensai-je. En ce moment, je ressens une parenté incroyable avec la Sainte de l’Empire.
« Ma sœur doit se rendre compte qu’elle est la souveraine d’un vaste empire, » déclara Jeanne. « Je ne cesse de lui dire de ne pas le faire, et de considérer à quoi cela ressemble pour ses vassaux, mais tout ce que je reçois en retour est : “Je ne vois pas le problème. Je dors si bien dans ce lit.” Elle ne m’écoute pas du tout. »
Après que Jeanne ait dit cela avec un soupir, pour une raison inconnue, Hakuya hochait la tête. « Je vous comprends parfaitement. Je ne sais pas combien de fois j’ai conseillé à Sa Majesté d’avoir sa propre chambre et d’y dormir. Pourtant, chaque fois que je le fais, il me repousse avec un simple, “Mais c’est plus efficace ainsi”. »
« Oh, je comprends bien, » déclara Jeanne. « Je sais qu’elle est fatiguée de son travail, mais j’aimerais qu’elle se demande un peu plus comment ses subordonnés la voient. Surtout depuis que ma sœur a cette image d’être une sainte, je préférerais qu’elle ne fasse rien de trop malséant. »
« Je peux également comprendre cela, » déclara Hakuya. « J’ai abandonné sur ce front. Sa Majesté a peut-être le titre de “héros”, mais tout ce qu’il fait est tellement... »
Les deux n’arrêtent pas de dire : « Je comprends, je comprends », pensai-je. Pourquoi semble-t-il autant en accord ?
« Je pense que c’est bien que quand Sire Souma le fait, au moins il le fait de manière calculée, » déclara Jeanne. « Car quand ma sœur le fait, c’est juste de la paresse. Elle peut être aussi un peu tête en l’air, quelquefois... »
« Eh bien, au moins c’est mignon, » répondit Hakuya. « Dans le cas de Sa Majesté, je pense que c’est pire parce qu’il l’a planifié. Pourquoi le roi qui écoute si bien ses sujets en matière de gestion de l’état prétend-il ne pas entendre les mots que je lui dis quand il s’agit de le conseiller sur sa vie personnelle ? »
« Je vois que vous avez aussi beaucoup souffert, Sire Hakuya, » déclara Jeanne.
« Non, non. Madame Jeanne, vous avez dû avoir pire, » répondit Hakuya.
Jeanne et Hakuya étaient vraiment en train de s’entendre à merveille. Ils semblaient pouvoir échanger une poignée de main ferme à tout moment.
Et ainsi, ici même, maintenant, « l’Association des Victimes de Maîtres Paresseux » avait été formée. Il s’agissait d’une blague dont je ne pouvais pas en rire. Ça devenait gênant pour moi, et je voulais faire avancer rapidement la conversation sur un autre sujet, mais si je les interrompais maintenant, j’allais me faire gronder et me faire gifler avec un éventail de papier, alors j’avais décidé de me taire un peu plus longtemps.
Je regardai attentivement leur conversation s’installer peu à peu, puis, me raclant la gorge à haute voix, je fis signe à Jeanne de s’asseoir à la longue table se trouvant au milieu de la pièce. « Eh bien ! De toute façon, asseyez-vous. Passons aux négociations. »
« Ah... C’est vrai. Très bien, » l’expression de Jeanne avait changé, et elle s’était assise à la table.
Une fois que nous étions assis l’un en face de l’autre à la longue table, Jeanne m’avait regardé dans les yeux et avait commencé. « Je suppose que le premier ordre du jour est votre occupation actuelle de Van. »
Je n’avais rien dit en retour.
« Bien que je regrette vraiment de devoir le dire, j’ai donné ma parole à Sire Julius, de sorte que l’Empire a un rôle à remplir ici, » dit-elle. « Pourriez-vous s’il vous plaît leur redonner la ville de Van ? »
« Il n’y a pas besoin de se précipiter à la conclusion comme ça, » dis-je. « Je veux dire, c’est une chance rare pour le chef du royaume et le numéro deux de l’Empire de négocier directement. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles je veux saisir cette opportunité pour discuter, et beaucoup d’informations que je veux partager. Laissons tout sujet qui pourrait nous mettre tous les deux dans une mauvaise humeur pour après tout cela. »
Jeanne prit un air pensif, mais finalement elle hocha la tête. « ... Eh bien. Dans ce cas, je voudrais faire venir ici les bureaucrates de mon pays qui se tiennent à l’extérieur du château. Est-ce que ce serait acceptable ? »
« Je vais vous le permettre, » dis-je. « Bien qu’ils devront d’abord passer une fouille au corps. Est-ce qu’il y a quelqu’un ? »
Alors que je demandais la fin en direction de l’entrée, Serina m’avait répondu, « Pardonnez-moi, » puis elle entra dans la pièce.
Attends ! Pourquoi Serina est là !? pensai-je.
« ... Ne vous ai-je pas demandé de faire que Sire Julius s’amuse en attendant ? » demandai-je.
« J’ai déjà fini avec le divertissement, » répondit Serina avec un air nonchalant sur son visage.
C’est seulement le début du soir, mais Julius est déjà saoul ? pensai-je, incrédule. Serina... vous êtes vraiment une femme terrifiante.
« Il y a-t-il un problème, Sire ? » demanda-t-elle.
« Oh ! Non... s’il vous plaît, faites rassembler nos bureaucrates et ceux qui sont venus avec Jeanne. Assurez-vous au moins d’effectuer une recherche rapide pour les armes et autres outils du genre. »
« Très bien, » déclara-t-elle avant de faire une élégante révérence avant de partir.
S’il y avait une personne dont je ne voudrais jamais être son ennemi, c’était elle.
Merci pour le travail 🙂 On moins, la, on des chefs d’états qui buchent, pas comme un certain Trump si l’on en croit les dernières rumeurs 😉