Le Dilemme d’un Archidémon – Tome 10
Table des matières
- Prologue
- Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude : Partie 1
- Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude : Partie 2
- Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude : Partie 3
- Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude : Partie 4
- Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude : Partie 5
- Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude : Partie 6
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 1
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 2
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 3
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 4
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 5
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 6
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 7
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 8
- Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer : Partie 9
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 1
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 2
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 3
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 4
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 5
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 6
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 7
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 8
- Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien : Partie 9
- Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable : Partie 1
- Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable : Partie 2
- Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable : Partie 3
- Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable : Partie 4
- Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable : Partie 5
- Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable : Partie 6
- Épilogue
- Histoires courtes en prime
- Illustrations
***
Prologue
« Je n’arrête pas de te le dire, mais tu devrais vraiment essayer de sourire plus souvent, Ashy. »
Le jeune homme devant moi, qui portait des lunettes rondes, avait souri alors qu’il affichait un certain trouble. Ses lunettes étaient de grande qualité, ses cheveux étaient soigneusement peignés, et il portait des vêtements bien coupés et bien rangés. Sa tenue donnait l’impression d’être un chambellan plus qu’un noble, même si ce n’était pas comme s’il servait vraiment quelqu’un. Selon lui, ces vêtements lui permettaient de se fondre facilement dans la masse, même lorsqu’il était en ville. Il portait sur son dos un long paquet enveloppé qui ressemblait à une canne à pêche.
Lorsqu’on m’avait dit de sourire à nouveau, mon regard avait fait ressortir mon mécontentement. Il savait que je détestais être appelé par ce nom, mais il continuait à le faire. Le jeune homme me regarda avec ses yeux argentés et un sourire rafraîchissant. Et, après que nous nous soyons regardés comme ça pendant un moment, il avait haussé les épaules et avait cédé.
« Eh bien, je suppose que c’est bien pour l’instant. Plus important encore, j’ai complété ta demande. »
Ses paroles avaient mis fin à mon regard fixe.
« Alors, pourrais-tu peut-être arrêter de me regarder comme ça… ? »
Je n’avais pas l’intention de continuer à le regarder plus longtemps, mais apparemment, cela ne passait pas. Non pas que ce soit différent de nos interactions habituelles. Le jeune homme se résigna et commença à défaire le paquet qu’il avait avant ça sur le dos. Il détacha la corde, déroula le parchemin et dévoila un cylindre d’acier d’aspect rustre.
« Longueur totale 1447,5 millimètres. Calibre 12,7 millimètres. Poids total 12,9 kilos. Vitesse initiale de 853 mètres par seconde. Il utilise des munitions perforantes sculptées avec des sorts draconiques. Il est capable de pulvériser la barrière d’un séraphin à 2000 mètres de distance. »
Le morceau d’acier était plus long que ma taille. C’était une arme que nous avions préparée pour aider à tuer les séraphins. Cependant, je ne pouvais rien voir à 2000 mètres de distance. Alors que je l’informais de cela, le jeune homme avait levé l’arme comme s’il attendait cette question exacte. Et à ce moment-là, j’avais vu un autre cylindre posé au sommet du canon principal.
« Jette un coup d’œil par ici. C’est ce qu’on appelle un viseur. Cela devrait te permettre de voir des choses qui sont très, très lointaines. Si tu combines cela avec tes compétences, tu devrais être capable de tirer sur une cible à 2000 mètres de distance. »
Le jeune homme avait ensuite décrit l’arme avec beaucoup de détails, mais je n’écoutais qu’à moitié. Avec cela, même moi, je pourrais lutter contre les séraphins.
Mes émotions, qui étaient depuis longtemps au point mort, menaçaient de se libérer de ma poitrine. Il semblait que je vivais ce que la plupart des gens appellent de l’excitation. Cependant, en prenant l’arme, j’avais appris que ce n’était qu’une pensée superficielle. Elle était beaucoup trop lourde. Le fait de peser à peine 13 kilos, c’était comme attacher plusieurs épées ensemble. Elle ne pouvait pas être utilisée à bout portant.
« Je veux dire, c’est exactement le genre d’arme que c’est. Le but est de les abattre avant même qu’ils ne s’en rendent compte, tu t’en souviens ? De plus, n’importe quel humain mourrait au combat rapproché contre un séraphin, non ? » demanda le jeune homme.
De toute façon, je ne vais pas mourir, non ? pensais-je en le regardant une fois de plus. Et cette fois, il avait compris. Le jeune homme s’était assis à côté de moi et avait soupiré.
« Écoute, Ashy, je comprends que tu te sentes obligée d’affronter la mort. Je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet. Ton désespoir n’appartient qu’à toi. Tes motivations sont différentes des miennes. Mais Marchosias et moi voulons que tu vives. Si tu vis, tu vas sûrement… »
Quels ont été les mots qui ont suivi ? Je ne saurais le dire… J’avais été distrait par le jeune homme qui me tapotait la tête. Je détestais qu’on me touche la tête. Surtout parce que c’était là qu’était la preuve que mes amis n’étaient plus là. Cela m’avait rappelé qu’ils avaient été pulvérisés. Ce monde était cruel pour tous les humains. Le monde appartenait à Dieu et aux séraphins. Les humains n’étaient pas nécessaires. Ceux qui avaient des compétences utiles étaient reconnus comme des outils, mais ceux qui n’en avaient pas étaient purifiés.
Il y avait beaucoup de gens comme moi dans ce monde. Beaucoup avaient vécu des choses bien pires que moi. Une personne sur dix avait choisi la mort après avoir fait face à un tel désespoir. Je n’avais aucune raison de vivre, précisément parce que c’est ainsi que le monde tournait. Cependant, je ne supportais pas d’être jeté comme un déchet.
C’est pourquoi j’avais choisi de me battre. Je me battrais, je me battrais, je me battrais avant de mourir. J’avais pu accepter cela. Et pourtant, ils m’avaient dit de vivre.
Ce n’est pas comme si je ne pouvais pas comprendre leurs sentiments. Ils m’avaient prêté leur force non pas pour que je puisse mourir, mais pour que je puisse vivre. J’avais dit que je voulais me battre, que je ne voulais pas être quelque chose d’inutile, que je voulais lutter contre les séraphins. Et ils avaient cru en moi. J’avais compris cela.
J’avais regardé l’arme et j’avais interrogé le jeune homme, lui demandant comment l’appeler.
« Et Marduk ? C’est le nom d’un héros d’une légende qu’Orobas m’a raconté un jour. Un héros te prêterait sûrement son pouvoir, » répondit-il.
Le jeune homme ne laissera rien derrière lui pour l’avenir, pas même son nom. Cependant, je savais. Même après mille ans, je ne l’oublierais sûrement jamais, car il était le héros qui m’avait donné le premier un faible sentiment d’espoir dans ce petit monde.
◇◇◇
« … Un rêve ? » Alshiera s’était réveillée à moitié hébétée dans la grande grotte souterraine en dessous du château de Zagan. Elle avait les chasseurs de séraphins, Stern et Mond, démontés et éparpillés sous ses yeux. Il semblait qu’elle s’était endormie au milieu de leur entretien. C’était la première fois en 500 ans qu’elle s’était endormie sur une table.
Elle avait poussé un soupir de nostalgie. Combien d’années s’étaient écoulées depuis qu’elle avait fait un rêve ? Il se pouvait très bien que cela fasse plusieurs centaines d’années.
Depuis ce jour, sa guerre n’avait pas cessé. Elle s’était battue, et s’était battue encore plus, en vainquant beaucoup de séraphins. Elle s’était fait des alliés en cours de route, qui s’étaient battus à ses côtés. Ces alliés étaient morts, et beaucoup d’autres personnes étaient mortes aussi. Cependant, elle était restée forte, et il y avait toujours ceux qui continuaient à se battre et ceux qu’elle avait continué à essayer de sauver.
Pendant ce temps, ils avaient créé d’autres chasseurs de séraphins en dehors de Marduk, mais les seuls qui lui restaient à portée de main étaient les deux qui se trouvaient sous ses yeux. Ironiquement, ils étaient les Chasseurs de séraphins destinés au combat rapproché, qui était censé être leur dernier recours.
Ce qui était encore plus ironique, c’est que même si elle avait le plus voulu mourir, elle avait fini par être la dernière survivante. Il était risible de dire que les morts-vivants restaient parmi les vivants, mais c’était la seule façon d’exprimer la chose.
Elle pensait vraiment qu’ils étaient une bande irresponsable et égoïste. Même s’ils lui avaient dit de vivre, ils étaient partis et étaient morts avant elle.
« … Oui. Je sais. Tu m’as obstinément dit de vivre, n’est-ce pas, mon Roi aux yeux d’argent ? »
Les hommes qu’Alshiera avait appelés par ce nom à part Zagan lui avaient tous exprimé le même désir, elle ne pouvait donc pas le trahir.
L’actuel roi aux yeux d’argent me dira-t-il un jour la même chose ? Eh bien, les Archidémons avaient une longue vie. Il était tout à fait possible que le jour vienne où il exprimerait une telle notion. Mais elle ne croyait pas qu’il prononcerait ces mots comme il était maintenant, à moins que le ciel et la terre ne soient inversés.
Alshiera s’était agrippée le côté. Même maintenant, elle saignait lentement. C’était une blessure incurable. Combien de temps sa vie allait-elle encore tenir ? Et, alors que cette pensée lui traversait l’esprit, elle avait forcé un sourire.
Je suppose que je suis aussi égoïste… Elle avait passé mille ans à penser à la mort, et ce n’est que maintenant qu’elle s’était attachée à la vie. C’était vraiment risible.
À ce moment précis, elle avait entendu des pas s’approcher de la grotte. C’était probablement Zagan, car il était le seul à pouvoir entrer librement dans cette partie du château. Alshiera rassembla rapidement les Chasseurs de Séraphins et vérifia leur état. Elle les avait utilisés l’autre jour pour frapper une bande de voyous sans valeur, et certaines pièces étaient donc endommagées. Il était probablement nécessaire de les réparer avant la bataille finale. Cependant, celui qui maniait les armes était différent de celui qui les avait créées. Même après un millier d’années à manier des instruments similaires, Alshiera ne pouvait pas devenir un créateur.
Mais je ne veux pas vraiment me fier à cet imbécile… Les chasseurs de séraphins avaient disparu du monde il y a mille ans, mais une personne savait encore comment les créer. Il y en avait deux il y a un an, mais l’un d’eux avait récemment péri.
Alshiera étouffa un soupir et remit les chasseurs de séraphins dans leurs étuis à ses cuisses avant l’arrivée de Zagan.
« Bonjour à vous, mon Roi aux yeux d’argent. Est-ce l’heure du repas ? » demanda-t-elle.
Comme elle l’avait appelé sans vergogne par ce nom, Zagan… n’avait pas fait de grimace comme il l’avait toujours fait.
« Non, je veux te demander quelque chose, » déclara Zagan.
Elle pouvait dire que quelque chose n’allait pas en se basant sur son expression horrible. Alshiera avait honte de son propre échec. Elle avait l’habitude de libérer des chauves-souris pour comprendre la situation autour d’elle, mais elle n’avait aucune idée de ce qui se passait, car elle s’était endormie comme une bûche. Il aurait dû savoir qu’elle ne pouvait répondre à aucune question concernant Azazel, mais…
« … Quelque chose s’est passé ? » demanda prudemment Alshiera.
« Alshiera, est-il vrai que tu es bien informée sur les bains ? » répondit Zagan avec la majesté d’un Archidémon.
Elle comprenait les mots qui sortaient de sa bouche, mais il lui fallait encore quelques secondes pour les traiter.
« Bains… ? Vous voulez dire, comme des baignoires d’eau ? » demanda Alshiera.
« Hhm. Exactement, » répondit Zagan.
« Uhhh, um… Je suppose que j’ai une connaissance assez standard du sujet…, » répondit Alshiera.
L’Archidémon Zagan avait souri avec un certain soulagement. Le faire devant sa femme était une chose, mais c’était la toute première fois qu’il montrait à Alshiera une telle expression.
« Alors, viens avec moi. Ton savoir est une nécessité, » déclara Zagan.
« Pourriez-vous expliquer tout cela d’une manière plus simple ? » demanda Alshiera.
« Je dis que nous allons faire un grand bain ici dans mon château ! » proclamait Zagan en lui lançant un regard troublé, peut-être parce qu’il s’attendait à ce qu’elle le comprenne dès le début.
« Uhhh… »
Cela faisait environ mille ans qu’Alshiera ne s’était pas sentie aussi épuisée.
« Si tu vis, tu vas sûrement… » Elle se souvint soudain de son rêve. Elle n’avait pas entendu ce qui était venu après ces mots, mais…
« Y a-t-il un problème ? » demanda Alshiera en remarquant le regard choqué de Zagan.
« Non, c’est juste que c’est la première fois que je te vois sourire de tout ton cœur, » répondit Zagan.
Et maintenant, c’était au tour d’Alshiera d’être choquée. Elle avait essayé de toucher son propre visage, et comme il l’avait dit, ses lèvres et ses joues s’étaient étirées d’eux-mêmes en un sourire.
« Oui, c’est vrai… Si tu vis, tu vas sûrement… »
Elle avait l’impression de pouvoir enfin entendre les mots qui lui avaient échappé ces mille dernières années.
« Qu’est-ce que tu marmonnes ? » demanda Zagan.
« Teehee, ce n’est rien, » répondit Alshiera.
Cela dit, elle se demanda pourquoi l’Archidémon Zagan avait soudainement fait une telle déclaration.
Mais la réponse à la question qu’elle se posait lui échappait, car tout avait commencé le matin même…
***
Chapitre 1 : Mon père et ma mère sont tous deux en colère, alors nous avons essayé de créer une source chaude
Partie 1
« Je suis très en colère, Archidémon Zagan. »
La salle du trône de Zagan. Celle qui se tenait devant lui et parlait d’une voix tremblante et furieuse était son amie jurée et la mère de Néphy, l’Archidémon Orias.
Il y a un mois et demi, les hostilités entre Zagan et l’Archidémon Shere Khan avaient commencé pendant l’Alshiere Imera. Et il y a un mois, Orias et Bifrons s’étaient retranchés de chaque côté de l’affrontement lors de l’incident dans la trésorerie de Raziel. Le conflit avait pris de l’ampleur et impliquait désormais quatre Archidémons. Ils avaient réussi à battre Bifrons, mais ils n’avaient toujours pas trouvé le moyen de localiser Shere Khan.
Si seulement nous étions parvenus à capturer les subordonnés de Shere Khan à l’époque… Les deux filles qui avaient accompagné Raphaël étaient apparemment des subordonnées de Shere Khan. Zagan avait essayé de retracer leur mana, puisqu’elles étaient en contact direct avec Raphaël et tout ça, mais comme on pouvait s’y attendre de la part d’un Archidémon, toutes les traces avaient été complètement éliminées. Il était impossible de les retrouver.
Pendant ce temps, Orias avait séjourné au château de Zagan pour se réconcilier avec Néphy. Cependant, elle était maintenant en pleine ébullition. Elle avait les cheveux blancs, les oreilles pointues et les yeux azurés. Tous ces éléments prouvaient qu’elle était un spécimen supérieur parmi les elfes, une haute elfe. Elle portait l’Armure Sacrée d’un chevalier angélique tout en prenant la forme d’une adolescente lorsqu’ils s’étaient rencontrés il y a un mois, mais actuellement, elle revêtait une robe d’un blanc pur et prenait sa forme de sorcière.
Son état mental avait apparemment changé, car elle ne portait pas la cagoule qui lui masquait normalement et qui descendait jusqu’aux yeux. Cependant, cela ne faisait qu’accentuer la colère sévère qui émanait de ses yeux azurés. Toute personne normale aurait probablement déjà perdu conscience. Ou plutôt, elle avait l’impression de pouvoir arrêter le cœur d’une personne avec son regard furieux. Et pourtant, Zagan s’était assis sur son trône et avait croisé les jambes comme s’il balayait une brise rafraîchissante.
« Je n’ai aucune idée de ce que tu veux dire, Archidémon Orias, » répondit Zagan sur un ton léger, comme s’il racontait une blague, mais ses mots étaient emplis d’un mana intense qui était assez puissant pour même écraser la colère d’un Archidémon. Une tempête invisible de mana se déchaîna entre eux, et d’énormes fissures s’ouvrirent sur le sol depuis le trône de Zagan jusqu’à l’endroit où se tenait Orias. C’était une reproduction de ce qui s’était passé lorsque ces deux individus s’étaient rencontrés en tant qu’ennemi dans le village elfique caché.
Ils étaient les seuls dans la salle du trône. C’était une sorte de rencontre secrète entre Archidémons, mais la tension dans l’air ressemblait beaucoup plus à un baril de poudre déjà allumé. Néanmoins, le plus terrifiant n’était pas les deux Archidémons, mais la puissante barrière qui empêchait même un fragment de la quantité anormale de mana qui faisait rage dans la pièce de s’échapper. Elle était si puissante qu’elle ne dérangeait même pas le membre toujours prudent du Clan de la Nuit qui dormait profondément à plusieurs dizaines de mètres en dessous d’eux. Si les Archidémons devaient soudainement commencer un combat à mort, personne n’entendrait plus qu’un oiseau qui gazouille.
« Tu as vraiment fait preuve de vanité. Pensais-tu vraiment pouvoir me tromper ? » demanda-t-elle.
Un vent violent avait soufflé telle une tempête tourbillonnante et s’était abattu sur le dos du trône de Zagan. Mais malgré cela, il était resté calme et il répondit de manière autoritaire.
« Je ne sais pas de quoi tu parles. Écoute, je te respecte peut-être en tant que mère de Néphy, mais cela ne vaut pas forcément pour toi en tant qu’Archidémon, » répondit Zagan.
Cette fois, les tuiles de pierre aux pieds d’Orias avaient été réduites en miettes. En y repensant, c’était probablement inévitable. Au cœur même de leur être, les sorciers étaient des individus qui ne pensaient qu’en termes de pertes et de gains personnels. Et, en tant que rois parmi les sorciers, les Archidémons étaient essentiellement des calamités ambulantes qui volaient tout ce qu’ils désiraient et effaçaient tous ceux qui s’opposaient à leur volonté.
C’était la seule issue possible lorsque deux Archidémons résidaient sous le même toit. Honnêtement, c’était un miracle qu’ils aient réussi à vivre en harmonie pendant 31 jours. La confrontation entre eux avait déjà atteint un point tel qu’elle ne pouvait être réglée qu’avec la mort de l’un d’eux.
« Tu as juré sous serment que j’étais autorisée à agir selon ma volonté à condition que je ne fasse aucun mal à tes subordonnés, » déclara-t-elle.
« Je l’ai fait, sans aucun doute. C’est ce maudit contrat qui nous lie, » répondit Zagan.
« … Et je dis que c’était un mensonge, » déclara Orias en serrant les dents. Puis, elle avait poursuivi. « Je me suis enfin réconciliée avec ma fille, mais je n’ai pas pu avoir une conversation convenable avec elle le mois dernier. Le seul moment où nous parlons, c’est quand je lui enseigne le mysticisme céleste. Qu’est-ce que cela signifie exactement ? »
Cette fois, l’arrière du trône de Zagan s’était envolé, et ses yeux s’étaient ouverts de colère.
« Ne te moque pas de moi. Même moi, je veux passer du temps de qualité avec Néphy comme le font la plupart des couples, mais je n’ai pas eu l’occasion de sortir avec elle depuis notre retour de Raziel, » répondit Zagan.
Le mana avait alors déferlé comme un tsunami et avait ouvert d’énormes trous autour d’Orias.
« Tu vis déjà avec ma fille, n’est-ce pas suffisant ? Je ne peux pas rester ici pour toujours, » cria Orias en pointant le doigt sur Zagan. Après une brève pause, elle s’exclama. « Cède-la-moi. »
« Je refuse, » répondit Zagan.
Les deux Archidémons étaient en pleine lutte pour Néphy. Pourtant, leur regard menaçant donnait l’impression qu’ils étaient sur le point de détruire le monde.
« Tu peux parler avec Néphy quand tu le veux. Pourquoi ne pas préparer des repas avec elle dans la cuisine ? Ce serait une bonne excuse, » répliqua Zagan à l’Archidémon, ce qui laissa Orias sans voix.
« Je suis occupée…, » répliqua Orias en un murmure.
« Quoi!? N’as-tu jamais cuisiné avant ? Ne t’inquiète pas. Tout le monde a de la difficulté au début, » déclara Zagan.
La princesse des succubes, Lilith, avait précisément fait cette affirmation, mais elle était maintenant une chef compétente. Il y avait des gens comme Chastille et Barbatos qui n’avaient pas le sens du goût, mais avec des professeurs prêts à intervenir, c’était juste une question de pratique. Cependant, Orias tenait tristement les côtés de sa robe.
« C’est vrai… Cependant, ce sont tes subordonnés qui sont à blâmer ici, » déclara Orias.
« … Quelle est la signification de ça ? » demanda Zagan en baissant la tête, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire.
« C’est difficile à expliquer, mais voyons voir… Raphaël, c’est ça ? Ce majordome est venu me voir pour apprendre le maniement de l’épée, et j’ai été obligée d’accepter, car même ma fille voulait que je l’aide, » répondit Orias.
Raphaël était un ancien Archange. Il possédait toujours l’Épée Sacrée du nom de Metatron, et il était impatient d’apprendre comment libérer son véritable pouvoir, la Confession.
« Oh… Eh bien, désolé pour ça… Est-ce que ça prend autant de temps ? » demanda Zagan.
« … Non, il a un talent terrifiant pour les lames. Je n’ai pas vraiment besoin de lui apprendre grand-chose. Il atteindra de grands sommets grâce à l’autoapprentissage. Je l’ai simplement encouragée, » répondit Orias.
« Hein ? Alors comment t’occupe-t-il du temps ? » demanda Zagan.
« Tout ce discours sur le maniement de l’épée m’a rappelé le passé, alors je lui demande de me tenir compagnie pour un léger entraînement, » avoua Orias.
« Hmm. Ça, c’est intéressant. Comment est ton dossier contre lui ? » demanda Zagan.
« En environ 200 combats, j’ai subi trois défaites, » répondit Orias en faisant une grimace.
Il semblait que Raphaël était du côté des perdants. Bien que, vu l’âge d’Orias, ce résultat soit inévitable.
« N’est-ce pas bien ? » demanda Zagan.
« Pas du tout. Ces trois défaites ont toutes eu lieu au cours des derniers jours. Cet homme deviendra bientôt plus fort que moi, » répondit Orias.
Zagan avait été surpris par cette réponse. Il pensait que les humains ne pouvaient que dépérir avec l’âge sans sorcellerie, mais cela ne semblait pas s’appliquer aux Chevaliers angéliques. Non seulement il ne dépérissait pas, mais il se dévouait encore plus au point qu’un Archidémon se sentait troublé.
Ou peut-être est-ce l’art qui ne se flétrit pas… Zagan n’avait aucune idée de la façon de traiter les arts martiaux. Et à cause de ça, il avait perdu son sang-froid juste à cause de ce fait qui s’était imposé à lui. Franchement, Raphaël lui semblait éblouissant de pouvoir accomplir de tels exploits.
Zagan s’était débarrassé de ses pensées oiseuses. Il semblait que celui d’Orias était plutôt compatible avec son compagnon de vieillesse. Elle aimait beaucoup Raphaël. Il n’y avait probablement aucun autre chevalier angélique dans l’histoire de l’Église qui ait été aussi bien notée par un Archidémon. Cependant, c’est exactement pour cela que Zagan s’était mis à froncer les sourcils.
« Tu sembles t’amuser, alors pourquoi me critiques-tu ? » demanda Zagan.
« J’ai dit que je l’autoriserais. Mais qu’est-ce qui se passe avec tes autres subordonnés ? Par exemple, ce sorcier nommé Shax, » déclara Orias.
« Hein ? Il a encore fait quelque chose ? » demanda Zagan.
L’incapacité de Shax à lire l’humeur était quelque chose qui avait même frustré Zagan. Il ne pouvait pas nier la possibilité que l’homme eût réussi à offenser Orias.
« Il prétend vouloir en apprendre davantage sur la guérison par le mysticisme céleste et assiste à mes leçons avec ma fille, » déclara Orias.
« Aaah... C’est… Désolé. Je vais lui parler, » répondit Zagan.
« De plus, tes autres subordonnés viennent pour des explications et des avis sur les grimoires et autres. Et comme ils sont si nombreux, j’ai fini par m’adresser à eux tous en même temps. Avant que je ne m’en rende compte, c’est devenu un rassemblement de masse de sorciers au sein du château, » expliqua Orias.
Zagan était quelque peu perplexe quant à son explication.
« Oh, maintenant que j’y pense, tu as dit que tu voulais emprunter une grande salle. L’as-tu utilisée pour enseigner la sorcellerie à mes subordonnés ? » demanda Zagan.
« Eh bien, c’est comme ça que ça s’est passé, » répondit Orias.
« N’était-il pas évident qu’ils se précipiteraient pour écouter une conférence donnée par un Archidémon ? » demanda Zagan.
***
Partie 2
Et même en mettant cela de côté, il était de notoriété publique qu’elle était la mère de Néphy. Dans ces conditions, il était tout à fait naturel que leur curiosité l’emporte sur leur méfiance.
« Ils semblent beaucoup t’aimer et tu n’as pas l’air si mécontente que ça, » déclara Zagan avec étonnement.
« … C’est pourquoi je suis troublée. Je ne trouve pas de temps à passer avec ma fille, » répondit Orias.
« Ne peux-tu pas simplement leur refuser ça de temps en temps ? » demanda Zagan.
« … » Orias était une fois de plus à court de mots.
Oh, je vois. C’est comme ça, hein ? Comme la façon dont Shax ne fait jamais fuir les enfants malgré ses grognements… Il aurait été bien de les laisser seuls, mais en voyant un enfant blessé, cet homme maladroit les soignait ou leur donnait du pain et tout ça. C’est ainsi qu’il finissait par être submergé par les enfants chaque fois qu’il était en ville. Et incapable de les chasser, il finissait toujours par s’occuper d’eux. Zagan n’était pas vraiment du genre à dire du mal des autres, mais il ne pensait pas être aussi mauvais qu’Orias ou Shax à cet égard. Les choses auraient probablement été différentes si Kuroka était intervenue, mais la probabilité que cela se produise était assez faible. Elle semblait beaucoup aimer Shax, y compris cette facette de lui.
Je pense qu’il serait bien pour Kuroka de jeter son épée et de vivre comme une femme normale… Elle avait enfin recouvré la vue et s’était libérée des chaînes de son passé. Elle en savait probablement plus sur la « vie normale » que Zagan, il était donc temps pour elle de choisir un chemin qui la mènerait à son propre bonheur. Bien que, pour être juste, il était clair que Kuroka choisirait de se battre. Après tout, Shax marchait sur le chemin des sorciers.
Non, je suppose qu’on pourrait aussi faire en sorte que Shax prenne sa retraite… Après avoir bien réfléchi, Zagan s’était rendu compte que la conversation dérapait.
En fait, pourquoi viens-tu quand même me voir avec tes plaintes ? C’est une vraie douleur… Mais il pouvait au moins comprendre qu’elle voulait s’en remettre à Zagan parce qu’elle se trouvait incapable de les refuser elle-même. Et donc, après avoir réfléchi un peu, Zagan était arrivé à une réponse.
« Que dirais-tu de choisir des jours spécifiques pour organiser des cours ? Je doute que quelqu’un se plaigne si ce n’est qu’une fois par semaine, » demanda Zagan.
« Hmm… Tu as raison, » répondit Orias.
« En fait, si tu es si occupée, ne peux-tu pas simplement forcer quelqu’un comme Gremory à t’aider ? C’est ta disciple, n’est-ce pas ? » demanda Zagan.
Cette grand-mère faisait toujours tout un plat du pouvoir de l’amour à chaque occasion, mais elle était devenue aussi douce qu’un agneau devant son professeur. Et malgré son comportement, elle était une sorcière au talent inépuisable.
« Elle s’est enfermée dans le palais Archidémon et refuse de me faire face, » expliqua Orias en faisant une nouvelle grimace.
« … J’ai trouvé que c’était un peu calme par ici. Que diable fait-elle ? » demanda Zagan.
Il avait l’impression que cette grand-mère pouvait même aimer une herbe, mais le couple le plus digne d’être taquiné était clairement Kuroka et Shax. Et Kuroka était en plein pique-nique au château de Zagan à cause du traitement de ses yeux. Devoir mettre cette chance de côté rendait probablement Gremory folle.
Non pas qu’ils puissent ouvertement rester ensemble avec Raphaël dans la zone… Honnêtement, c’est Zagan qui aurait dû avoir honte, puisqu’il n’avait fait aucun progrès avec Néphy malgré le calme ambiant. Ou peut-être que c’est pour ça qu’elle est partie ? Peut-être que Gremory s’était enfermée dans le palais de l’Archidémon parce que Zagan et Shax ne montraient aucun signe de progrès. En d’autres termes, ils pouvaient attirer Gremory en sortant de l’impasse…
Zagan était bien conscient qu’il perdait peu à peu son calme, alors il s’était ressaisi en poussant un soupir.
« Haaah... Nous devrions tous les deux réfléchir à une façon de prendre une pause, » répondit Zagan.
Orias semblait s’être calmée après avoir laissé échapper toutes ses plaintes oiseuses, tandis qu’une expression d’excuse ornait son visage.
« Tu as raison. Il semble que j’ai aussi perdu mon calme, » avoua Orias.
« C’est bien, vraiment. Ne t’inquiète pas, » répondit Zagan.
En y repensant, Zagan avait eu l’impression de ne pas avoir assez de considération pour Orias en ce qui concerne le respect de sa position de mère de Néphy. Sa fausse lune de miel de l’autre jour était amusante, alors peut-être que cela valait la peine d’envisager un voyage en famille à un moment donné.
Orias avait alors quitté la salle du trône, et Zagan avait eu recours à la sorcellerie pour la restaurer dans son état d’origine. Immédiatement après, quelqu’un avait frappé à la porte.
« Hé ! Qu’est-ce qui se passe ici, Votre Majesté ? »
Un cri bruyant résonna dans la salle du trône, forçant un soupir aux lèvres de Zagan. Le château était plus paisible que jamais.
◇◇◇
« Hé, Lilith. Tu as l’air d’être en pleine forme. S’est-il passé quelque chose de bien ? »
Elles se trouvaient dans le château de Zagan, dans le couloir qui va de la chambre des domestiques à la cuisine. Lilith avait balayé ses cheveux roux en souriant à la remarque de son amie d’enfance.
« Heehee, ça se voit ? J’étais en train de nettoyer le bain aujourd’hui. Ça ne fait-il pas plaisir de prendre un long bain après avoir tout rendu joli ? » demanda Lilith.
Maintenir sa beauté était la plus grande joie de la princesse des succubes. La fatigue était l’ennemi naturel de la beauté, et un bain nettoyait toutes les formes de fatigue et restaurait l’hydratation de la peau. C’était donc le plus grand traitement de beauté disponible.
Lilith n’était pas le seigneur du château, et le nettoyage du bain se faisait à tour de rôle, ce qui n’était pas toujours parfait. L’équipement en lui-même n’était pas mauvais, mais en fonction de la personne qui s’en chargeait, le nettoyage n’était pas aussi minutieux, ce qui la laissait souvent insatisfaite.
Cependant, il était également vrai que Zagan était un roi qui récompensait les efforts de ses sujets. Lorsqu’elle essaya une fois de lui exprimer ses désirs, il permit à la personne de service de préparer le bain comme elle le voulait quand c’était son tour. Cela permettait à Lilith de préparer des choses coûteuses comme des bains moussants et des bains de lait à sa guise. Et comme elle le nettoyait également, elle pouvait l’embellir jusqu’à ce qu’il soit conforme à ses normes.
Eh bien, si je pouvais le dire, je voudrais mon bain personnel… Mais Zagan était un Archidémon, alors Lilith avait compris que demander plus était une requête de noble. Il avait déjà répondu à ses besoins de manière grandiose bien qu’elle ne soit pas sorcière. Elle pensait vraiment que sa générosité en tant que roi était extraordinaire.
En bref, le plus grand plaisir de Lilith dans ce château était l’heure du bain. C’était une chose qu’elle ne cédait à personne d’autre.
« Tu es vraiment douée pour le nettoyage, hein, Lilith ? »
« Hmph. Je te ferai savoir que je suis la noble princesse des succubes. Tout ça n’est rien, » répondit Lilith.
Lilith s’était si bien adaptée au château qu’elle ne doutait plus du sentiment d’accomplissement que procurait le nettoyage d’un bain.
« J’ai préparé un bain de lait pour aujourd’hui. L’eau a tendance à rendre mes mains rugueuses, j’en ai donc besoin d’un au moins une fois par semaine, » expliqua Lilith.
Un bain moussant aurait peut-être été plus relaxant, mais Lilith était sûre qu’un bain de lait était meilleur pour sa peau, et Selphy avait hoché la tête à plusieurs reprises en accord.
« Les bains de lait, c’est super sympa, hein ? C’est tellement relaxant, et tu ne te fâches jamais pendant toute une journée après en avoir pris un. C’est les meilleurs, » déclara Selphy.
« Hmhmm, bien sûr, mais pourquoi... Hein ? »
Lilith pensait qu’elle venait d’entendre quelque chose d’inexcusable, mais Selphy continuait de parler avec un sourire, repoussant ses faibles inquiétudes.
« Tu as toujours aimé les bains, hein ? » déclara Selphy.
« Eh bien, je ne les déteste certainement pas. En fait, je préférerais en avoir trois par jour, mais…, » déclara Lilith.
Quand elle était à Liucaon, elle se baignait trois fois par jour, pendant trois heures au total. Aujourd’hui, cette durée avait été réduite à une heure au maximum. Ce n’est pas non plus qu’elle n’avait pas de temps libre. Elle devait juste sortir rapidement parce que tout le monde devait se relayer. Mais une heure, c’était quand même assez long. Elle voulait aussi des sources d’eau chaude, un sauna et d’autres commodités de ce genre. Mais si elle commençait à énumérer tout ce qu’elle voulait, ce ne serait pas fini.
Les sorciers n’étaient pas du genre à se baigner si souvent, ce qui l’avait amenée à remettre en question leur hygiène, mais cela lui avait donné plus de temps pour prendre son bain, donc elle ne pouvait pas vraiment se plaindre.
J’aimerais aussi que les bains des hommes et des femmes soient au moins séparés… Les heures de bain des hommes et des femmes étaient prédéterminées et suffisamment séparées pour qu’il n’y ait jamais de conflit. D’après ce qu’elle avait entendu, il y a quelques mois, Zagan et Néphy étaient les seuls habitants du château. Ce seul bain aurait vraiment suffi pour eux deux. Il était après tout assez grand pour que deux personnes puissent y entrer en même temps.
Ou pas… Se baigner ensemble est définitivement hors de question pour eux… Il était facile d’imaginer que, même si par miracle, ils prenaient un bain ensemble, ils ne pourraient pas se regarder dans les yeux.
En tout cas, l’important était le bain de lait. Lilith était tout sourire.
« Alors, tu vas prendre un bain après ça ? » demanda Selphy.
« Oui. Probablement après que les préparations en cuisine soient terminées, » répondit Lilith.
« Et si nous y allions ensemble ? » demanda Selphy.
« Qu-Quoi ? E-E-E-Ensemble… ? » s’exclama Lilith.
En tant que noble princesse des succubes, elle pouvait révéler son corps aux autres, mais le concept de se baigner avec quelqu’un d’autre n’existait pas. Les deux amies n’étaient plus des enfants. Et bien sûr, elles étaient toutes les deux des filles, mais c’était quand même un peu gênant. Puisque les deux nobles princesses prenaient toutes deux des bains et faisaient la vaisselle, cela n’avait peut-être pas d’importance.
Lilith devint plus rouge à chaque seconde qui s’écoulait, alors l’expression de Selphy s’assombrissait de déception.
***
Partie 3
« Aww, je ne peux pas ? N’avait-on pas l’habitude de se retrouver tout le temps ensemble ? » demanda Selphy.
« Nous étions des enfants, tu t’en souviens ? »
Avant que Selphy ne s’enfuie de la maison, quand Lilith avait encore huit ans, elles prenaient des bains ensemble avec leur autre amie d’enfance, Kuroka. « O-Oh, eh bien… si Kuroka se joint à nous, alors… Je suppose que c’est bon ? » Lilith marmonnait d’un ton bien moins insatisfait qu’elle ne le laissait entendre alors que ses joues rougissaient.
Kuroka avait traversé des épreuves indescriptibles par rapport à elles deux, mais maintenant que ses yeux étaient guéris, elle restait au château. Heureusement, son état postopératoire semblait bon, mais elle avait été aveugle pendant plus d’un an, et elle avait donc besoin d’une période d’adaptation. Ils avaient également utilisé un pouvoir instable appelé mysticisme pour la guérir, ce qui signifiait qu’elle devait être gardée sous surveillance étroite. Lilith voulait donc l’aider à se détendre autant qu’elle le pouvait.
« Vraiment ? Yaaay ! J’appellerai Kuroka plus tard, » déclara Selphy en jetant joyeusement les deux mains en l’air.
« … Bon sang. Juste cette fois, d’accord ? » Lilith marmonnait en calmant son cœur qui battait la chamade. C’était assez embarrassant d’entrer dans le bain ensemble, mais elle ne détestait pas l’idée. Elle avait été troublée par le fait qu’une partie d’elle n’avait pas grandi comme ses deux amies d’enfance, mais cela ne suffisait pas à la calmer. Lilith était angoissée par cet indicible conflit, mais…
« Hmm, allez-vous toutes les deux à la cuisine ? » demanda Raphaël en apparaissant de l’autre côté du couloir. C’était un homme d’âge moyen avec une cicatrice qui courait sur son front jusqu’à sa joue. Son bras gauche était artificiel et couvert d’une armure. Et même s’il n’était pas un sorcier, il était le majordome du château qui dirigeait tous les subordonnés de Zagan.
« Bonjour à vous, majordome en chef… Hein ? Eeek !? »
« Salut ! Nous allons nous préparer pour… Fwah ? Sire Raphaël ! Vous avez une mine affreuse ! Qu’est-ce qui s’est passé ? »
On aurait dit que Raphaël avait traversé l’enfer et en était revenu. Il était couvert de sang et de saleté. S’était-il battu contre quelque chose ? Il dégoulinait de sang de la tête aux pieds, et ses vêtements étaient couverts de tellement de boue qu’il était difficile de dire qu’il portait une queue-de-pie. Franchement, cette vue était suffisante pour les faire pâlir toutes les deux.
« Hmph, ne faites pas attention. Cela n’a rien à voir avec vous, » répondit Raphaël.
Même s’il avait dit cela, cet homme avait agi et parlé d’une manière maladroite qui rivalisait avec celle de Zagan… Ou plutôt, il surclassait complètement Zagan. Malgré tout cela, c’était une personne gentille dans l’âme qui savait s’occuper des autres. Lilith et Selphy ne pouvaient pas l’ignorer dans ses moments difficiles, et en les voyant paniquer toutes les deux, même Raphaël avait compris qu’il n’en avait pas dit assez.
« Je ne faisais que m’entraîner. Je ne suis pas blessé, donc je serai bientôt dans la cuisine, » expliqua Raphaël.
« Est-ce que c’est… vraiment le cas ? »
« C’est bien, alors… Mais pourquoi ne pas au moins prendre un bain d’abord ? Vous ne devriez pas entrer dans la cuisine comme ça, » proposa Lilith.
« Vous avez raison. Si vous voulez bien m’excuser, je vais faire exactement cela, » déclara Raphaël en hochant docilement la tête à la suggestion de Lilith.
« C’est bien. On doit juste commencer à faire la soupe, non ? »
« Il reste encore une tonne de temps, alors pas besoin de se presser. »
Lilith et Selphy lui avaient fait signe de partir, et le majordome s’était dirigé vers le bain. Après qu’il se soit éloigné, Lilith était tombée à genoux.
« Que se passe-t-il, Lilith ? » demanda Selphy.
« Ce n’est rien…, » murmura Lilith en essuyant les larmes de ses yeux et en souriant.
Je voulais d’abord prendre un bain… se dit-elle. Cependant, Lilith n’était pas assez têtue pour refuser un bain au majordome après avoir vu l’état dans lequel il se trouvait. De plus, Raphaël était plutôt hygiénique par rapport aux autres habitants du château, donc il garderait le bain propre. Mais par-dessus tout, il lui enseignait toujours son métier au mieux de ses capacités. Il avait même fait l’éloge de sa cuisine récemment, alors elle voulait au moins lui rendre la pareille, si ce n’est plus. Alors, Lilith s’était ressaisie et s’était levée… pour trouver un autre visage familier.
« Oh, Monsieur Shax, contente de vous voir. »
« Kuroka n’est pas avec vous aujourd’hui ? »
C’était le subordonné de Zagan, Shax. La fiancée de Zagan, Néphy, était celle qui avait effectivement guéri les yeux de Kuroka, mais c’était elle et cet homme qui observaient les progrès postopératoires de Kuroka.
En fait, c’était Néphy qui avait fait les examens proprement dits. Cependant, il semblait que son rôle était d’écouter ses rapports et de porter des jugements sur la base de ceux-ci. Honnêtement, cela semblait être un arrangement assez fastidieux.
Shax semblait être essoufflé et en sueur, peut-être parce qu’il s’était également entraîné. Il était également curieux que les revers de son pantalon soient barbouillés de boue. Il regarda Lilith avec une expression compliquée sur le visage, l’air presque blessé par ce qu’elle insinuait.
« Je veux dire, ce n’est pas comme si j’étais toujours à ses côtés. Kurosuke veut aussi du temps pour elle, non ? »
« Hmm… ? » marmonna Lilith en regardant Shax avec suspicion. Il était bien connu que Kuroka faisait une fixation sur ce sorcier peu attirant, ou qu’elle s’accrochait à lui, en gros. L’idée qu’elle voudrait avoir du temps pour elle semblait plutôt farfelue. Lilith se demandait si elle devait le pousser à donner des réponses, mais…
« Oh, allez. Tu dis ça, mais n’as-tu pas eu une grosse dispute avec Kuroka ? » demanda Selphy en riant.
« Hein ? N-N-N-Non ! Ce n’est pas — ! » Shax s’était mis à transpirer abondamment et à bégayer de façon incohérente.
« Hein ? Sérieusement… ? » demanda Selphy, clairement à court de mots.
« Haaah... Je parie que tu lui as fait quelque chose de bizarre. Ça doit être quelque chose de sérieux si cette fille est en colère. »
Quoi qu’il en soit, ils savaient tous que Shax était horrible pour lire l’humeur et qu’il était obtus comme un roc. C’était en fait assez touchant qu’il s’efforce de soutenir Kuroka, et il était donc étrange qu’elle lui en veuille. Mais ce n’était pas impossible que Kuroka ait craqué à cause de son idiotie.
Les deux filles avaient continué à fixer Shax, et il avait finalement cédé.
« Je veux dire… ce n’est… pas un malentendu… Bien sûr, j’ai énervé Kurosuke, mais je n’ai rien fait de cruel. Enfin, du moins, je n’en avais pas l’intention. Absolument pas, » déclara Shax.
Il agissait de manière extrêmement suspecte. Pourtant, il était probablement vrai qu’il ne voulait rien lui faire de cruel.
Je pense que tu devrais au moins arrêter d’utiliser ce surnom ridicule… C’était simplement l’opinion de Lilith, cependant, alors elle n’avait pas cherché plus loin.
Peut-être pensait-il avoir adouci l’air, alors que Shax se grattait l’arrière de la tête avec insouciance.
« Eh bien, cela fait environ un mois maintenant, et elle ne m’écoute absolument pas du tout, ce qui est bien, vraiment, » déclara Shax.
« Cela ne semble pas du tout correct… »
« Je suppose que le plus gros problème est que le vieux Raphaël l’a découvert et que je dois fuir pour sauver ma vie chaque fois que je le vois. Hahaha…, » continua Shax.
Lilith ne voulait pas l’envisager, mais cette guerre aurait pu durer tout un mois. C’était effrayant rien qu’à y penser, alors elle avait décidé de faire comme si elle n’avait rien entendu.
« Ah oui, le bain est-il prêt ? » Shax frappa dans ses mains et posa cette question en se souvenant de quelque chose.
« O-Oui, c’est prêt, mais… »
« Très bien, alors je vais y aller. Je peux me débarrasser de la saleté avec de la sorcellerie, mais un médecin ne peut pas se promener en sueur, » déclara Shax.
« Ah, attendez un peu —, » Shax était parti avant que les cris de Lilith n’atteignent ses oreilles.
« N’est-ce pas, vraiment, mais vraiment mauvais… ? » demanda Selphy.
« Quoi ? »
« Le maître d’hôtel est dans son bain en ce moment, n’est-ce pas ? » demanda Selphy.
« Mhm... » murmura Selphy en hochant la tête avec un regard vide, laissant Lilith étourdie.
« Le majordome en chef ne l’a-t-il pas beaucoup grondé ces derniers temps ? » demanda Selphy.
« Peut-être ? Mais c’est le bain, non ? Ils devraient savoir qu’il ne faut pas —, » commença Lilith.
Un éclair soudain et un grondement de tonnerre avaient parcouru le couloir.
« Eeep ! Pourquoi êtes-vous ici, chef ? » demanda Shax.
« N’ayez pas peur. Je vais simplement te couper la tête. Je t’accorderai ma compassion et je t’épargnerai toute douleur ! » cria Raphaël.
La salle de bain avait explosé. Shax était sorti en courant, terrorisé, suivi par le majordome, presque totalement nu, armé seulement d’une serviette et de son épée sacrée. La gentillesse de Raphaël ne connaissait pas de limites, en contraste total avec son visage effrayant. Cependant, Shax semblait avoir encouru sa colère au point qu’il n’hésita pas à dégainer son épée. Et, alors que Lilith regardait cette scène se dérouler dans un état d’hébétude, elle s’était effondrée sur le sol.
« Ce bain… Je l’ai tellement embellie…, » murmura Lilith.
Les habitants du château étaient pour la plupart de célèbres sorciers. Chacun d’entre eux pouvait restaurer un ou deux bains en un instant. Ce n’était sans doute pas si difficile pour Néphy, qui était une novice. Cependant, cela ne changeait rien au fait que le bain de lait que Lilith avait fait de son mieux pour préparer était devenu inutile.
« Uhhh… Courage, Lilith, » déclara Selphy.
Les paroles d’encouragement de son amie d’enfance étaient restées vaines. Lilith avait eu besoin de plusieurs minutes pour se ressaisir. Et après avoir repris ses esprits, elle était partie avec rage…
***
Partie 4
« C’est donc ce qui s’est passé. Je demande une amélioration de l’usage du bain ! »
Après avoir pleuré à chaudes larmes… ou plutôt, avec des larmes sortant de ses yeux rougis, la persistance de Lilith commençait à donner mal à la tête de Zagan. Il avait érigé une barrière pour que les sons de la salle du trône ne s’échappent pas pendant sa conversation avec Orias, mais cela signifiait aussi qu’il n’entendait rien de l’extérieur. Il n’avait jamais pensé qu’un tel vacarme se produirait ailleurs dans le château.
Que font ces deux idiots… ? Raphaël était un homme parfaitement doué pour le combat et la cuisine. Cependant, quand il s’agissait de Kuroka et Shax, il en était réduit à cet état. Ce n’était même pas la première fois qu’il causait un tel désordre. Ce n’est pas que Zagan ne comprenait pas ses sentiments à ce sujet.
Zagan avait déjà interrogé Shax sur les circonstances, mais indépendamment du fait qu’il s’agisse d’un accident ou de ses intentions, Shax avait clairement tort. Pourquoi n’avait-il pas consulté Zagan ou quelqu’un d’autre à ce sujet avant que la situation n’explose comme cela ?
Même Zagan et Néphy, qui étaient présents à l’époque et avaient servi de médiateurs entre eux, ne pouvaient pas sympathiser avec lui. Cela dit, il est vrai que laisser la situation se poursuivre serait problématique.
Shax était talentueux et loyal, tout comme Raphaël, ce qui le rendait trop bon pour être simplement mis de côté. Mais c’était un problème suffisamment important pour que le fait de l’abandonner implique une personne complètement désintéressée comme Lilith.
Kuroka était la seule capable de tout régler proprement, mais son humeur ne montrait aucun signe d’amélioration, même après un cycle menstruel complet. Elle était de toute façon en plein traitement pour ses yeux, et elle n’était donc pas en mesure de servir de médiateur entre les autres. Les griefs de Lilith étaient donc tout à fait fondés.
« Eh bien, je comprends la situation. Je vais faire réparer le bain. Je vais aussi avertir ces deux idiots de ne pas se déchaîner dans le bain… Voyons voir… Je vais aussi te permettre d’ajouter la punition que tu veux. C’est à dire, dans le domaine du raisonnable, » déclara Zagan.
Les sorciers étaient en grande partie ceux qui faisaient le déraisonnable dans leur domaine personnel de la raison, mais Lilith n’était pas une sorcière. Il était sûr que tout irait bien. Peut-être. De plus, Lilith était une civile normale, il lui était donc difficile de se plaindre des sorciers. Avec cela, elle pouvait se défouler un peu et faire que les autres obéissent.
« Euh — même si vous me dites de choisir une punition… »
Cela dit, il semblerait que la suggestion de Zagan était tout à fait inattendue. Lilith hésitait à dire quoi que ce soit. Cette question posait un problème avec ses sentiments. Le simple fait d’avoir le droit de choisir une punition l’aiderait certainement à réduire son stress.
Les bains, hein… ? Zagan, bien sûr, avait reconnu que prendre un bain était relaxant. Il croyait aussi comprendre que les femmes le considéraient comme très important. Cependant, il ne comprenait pas vraiment la raison. Il les appréciait, mais il ne savait pas comment expliquer ce qu’il y avait de merveilleux dans le bain, et il ne savait pas pourquoi elle était si en colère alors que cela pouvait être réparée immédiatement.
Je suppose que c’est assez important pour qu’elle se mette en colère à ce sujet… Il ne comprenait pas sa fixation sur les bains, mais il pouvait au moins dire qu’elle était passionnée par eux. Mais surtout, il fallait protéger sa santé émotionnelle maintenant qu’il l’avait intégrée comme l’un de ses subordonnés. En tant que tel, il était de son devoir de roi de lui garantir la possibilité de prendre un bain à sa guise. Et après réflexion, Zagan remarqua que Lilith faisait une expression troublée.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu n’as pas besoin de décider immédiatement. Tu peux même choisir de leur faire écouter ce que tu as à dire. Réfléchis-y quand tu le veux, » déclara Zagan.
« Hum, ce n’est pas vraiment le problème…, » répondit-elle.
Zagan avait penché la tête avant de la mettre sous pression. « Hmph. Si tu as quelque chose à dire, alors parle. Je compatis vraiment avec toi cette fois-ci. Je vais m’en occuper du mieux que je le peux. »
« Ummm, alors je vais juste le dire… Plutôt qu’une punition… J’aimerais que la baignoire soit rénovée…, » déclara-t-elle.
« Rénovée… ? » demanda Zagan.
Zagan était resté perplexe pendant un moment. Ce château n’avait pas vraiment de bain avant. Eh bien, il y avait ce qui représentait un bain, mais c’était composé d’un tuyau de drainage d’où l’eau sortait et d’un seau — qui pouvait se casser à tout moment — qui montait jusqu’aux genoux. Apparemment, on ne pouvait pas vraiment parler de bain.
Une fois que Manuela l’avait appris, elle avait fait irruption dans le château et avait crié sur Zagan. Il avait donc fini par l’améliorer jusqu’à son état actuel. Néanmoins, il l’avait fait correspondre aux normes minimales qu’elle avait indiquées. Il était apparemment encore loin d’un bain luxueux.
Je ne suis toujours pas doué pour traiter avec cette femme, alors je préfère ne pas avoir à compter sur elle… D’une manière ou d’une autre, c’était les nuisances absolues qu’étaient Manuela et Gremory qui avaient été les seules à enseigner à Zagan et Néphy des choses « normales » qu’ils ignoraient. Bien que les deux femmes aient formé une étrange alliance en bavardant sur le pouvoir de l’amour ou autre, il ne voulait pas s’engager avec elles plus qu’il ne le devait. En tout cas, il y avait apparemment encore des possibilités d’amélioration, et il pouvait même dire qu’il s’agissait d’une compensation liée au travail. Il voulait répondre à ses besoins en se basant sur ce courant de pensée, mais…
« Je vais y réfléchir. Mais je n’ai pratiquement aucune connaissance des bains. Tu dois être plus précise, » déclara Zagan.
Zagan n’avait jamais ressenti de mécontentement après avoir passé dix ans avec ce seau. Il n’avait pas la moindre idée du type de rénovations qui l’amélioreraient.
« Eep ? P-P-P-Plus précise… ? »
C’était apparemment difficile pour elle de le dire. Le visage de Lilith était devenu rouge vif et elle était restée là à se déhancher et à toucher les ourlets de ses vêtements. Zagan attendit patiemment qu’elle se reprenne, et elle finit par prendre sa résolution.
« J’aimerais une baignoire assez grande pour que tout le monde puisse s’y installer confortablement. »
C’était maintenant au tour de Zagan d’être déconcerté. Il était vrai que la baignoire actuelle était assez grande pour que deux personnes puissent s’y baigner en même temps dans le confort. Elle serait à l’étroit avec une troisième personne. À l’époque où il l’avait fabriquée, Manuela avait dit qu’elle était un peu plus grande que celle utilisée par un ménage moyen. En voyant ce qu’était le bain à l’origine, c’était un changement assez spectaculaire. Il était vrai que le fait de l’agrandir permettrait à plus de personnes d’y entrer en même temps, mais…
« Ça ne me dérange pas de l’agrandir, mais plusieurs personnes qui se baignent en même temps ? N’est-il pas plus relaxant d’y aller seul ? » demanda Zagan.
Zagan ne s’était jamais emballé pour les bains, mais il pensait qu’il se sentait plus à l’aise quand il prenait son bain seul.
Si quelqu’un comme Barbatos se joignait à moi, j’aurais l’impression de devoir le noyer. Une telle situation semblait être le contraire de la détente. Le bain actuel était plus que suffisant. Le rendre plus grand tout en étant plus relaxant pour l’utiliser un à la fois impliquerait également plus de travail pour le nettoyer. Et après avoir repris son courage, Lilith avait agité ses doigts.
« J’aime aussi prendre un bain toute seule… Mais, parfois… C’est agréable d’y aller avec tout le monde, » déclara Lilith.
« Vraiment ? » demanda Zagan.
« C’est le cas ! » affirma Lilith.
Zagan ne l’avait toujours pas compris, mais Lilith semblait être très fixée sur ce sujet. Les femmes qui séjournaient actuellement dans ce château sont Néphy, Foll, Lilith, Selphy et Kuroka. Gremory faisait techniquement partie de ce groupe, ainsi que les invitées de Zagan, Orias et Alshiera. Il y avait aussi plusieurs subordonnées de Zagan, mais elles se baignaient rarement avant ça, donc il était probablement bon de les exclure.
Cela fait huit personnes au total. Il y avait aussi ses visiteurs occasionnels qui venaient jouer comme Nephteros, Manuela et Chastille. Et bien qu’il soit très rare qu’elle vienne, Stella, l’amie d’enfance de Zagan, venait aussi de temps en temps, ce qui faisait plus de dix personnes. En réalité, Lilith espérait seulement quelque chose d’assez grand pour qu’elle, Selphy et Kuroka puissent l’utiliser ensemble. Mais Zagan l’avait interprété comme signifiant toutes les femmes du château.
Si nous rénovons la salle de bain actuelle pour cela, il faudrait deux ou trois autres pièces. Cela signifierait qu’il faudrait agrandir le bâtiment au-dessus du jardin ou quelque part plus loin. J’ai vraiment l’impression que l’ampleur d’une telle rénovation serait trop importante pour compenser le stress lié au travail de Lilith. Elle était traitée favorablement en tant que principale liaison avec Liucaon, mais cela donnerait un mauvais exemple à ses autres subordonnés s’il lui en accordait trop. Cela valait la peine de le prendre en compte si les autres faisaient également des demandes similaires, mais cette affaire dépasserait le domaine du traitement favorable.
Zagan avait fait une expression compliquée alors qu’il se trouvait dans une impasse complète, et Lilith avait baissé les épaules.
« Umm, je suppose que c’est vraiment déraisonnable… ? » demanda Lilith.
« Hmmm... C’est un peu difficile. Mais ce serait une autre histoire si tout le monde faisait la même demande. » Et juste à ce moment, un certain doute était venu à l’esprit. « Attends. Maintenant que j’y pense, j’ai entendu dire que Liucaon a une culture du bain assez avancée. Est-ce vrai ? »
Lorsque Zagan avait visité Liucaon, il avait séjourné dans la ville sous-marine d’Atlastia, dans les profondeurs sombres de l’océan, et n’avait donc pas eu la chance d’en être témoin lui-même. Si leurs bains étaient tellement plus agréables, alors il y avait lieu de les rénover.
Lilith avait mis son doigt sur ses lèvres rouges et avait réfléchi.
« Même si vous me le demandez… Je suppose que oui ? Si l’on s’en tient aux normes de la baignade ici, on peut peut-être dire que nous sommes assez avancés ? » déclara Lilith.
« Hmm. Par exemple ? » demanda Zagan.
« Pour commencer, nous avons les sources d’eau chaude. Elles utilisent les gaz et la chaleur du sous-sol pour créer naturellement un bain d’eau chaude avec toutes sortes de bienfaits. »
Cela signifie qu’il y a différents types de bains ? Zagan était soudainement devenu curieux en entendant parler de la catégorisation des bains pour la première fois.
J’ai au moins entendu parler du nom lui-même… Le terme « source chaude » était quelque chose qu’il avait entendu en se promenant pendant sa fausse lune de miel dans la ville sainte de Raziel, lors d’une visite touristique. Il y avait apparemment aussi des sources chaudes sur le continent, mais il n’avait aucune idée de ce que c’était.
***
Partie 5
« Chauffer l’eau avec de la sorcellerie est-il insuffisant ? » demanda Zagan.
« Ce n’est pas différent d’un bain normal. Hmm, je suppose que je ne connais pas moi-même les détails précis, mais quand il est chauffé par la terre, il y a des minéraux et autres substances provenant du sous-sol qui donnent au bain une sorte d’effet médicinal, » déclara-t-elle.
« Hein… ? Donc c’est comme un bouillon de soupe ? » demanda Zagan.
« Ne soyez pas si franc, Votre Majesté, » répondit-elle.
Cependant, maintenant qu’elle l’avait mentionné, cela avait du sens. Même en sorcellerie, la création d’homuncules et de chimères nécessitait l’utilisation d’une sorte de fluide de conservation pour les empêcher de se décomposer. Et lorsqu’ils subissaient des dommages ou étaient maudits d’une manière qui nécessitait un traitement à long terme, il y avait aussi des moments où ils étaient stockés dans un récipient rempli de fluides aux propriétés curatives. La préparation du liquide utilisé dans un bain était peut-être quelque chose d’une importance inattendue.
« Je vois. Tu as éveillé mon intérêt. C’est vrai que de tels bains… ou, des sources chaudes, n’est-ce pas ? En effet, je n’ai jamais vu une telle chose à Kianoides, » déclara Zagan.
Zagan avait honnêtement montré son admiration, laissant Lilith de très bonne humeur.
« Le sauna est un autre élément essentiel de la baignade, » déclara Lilith.
« Le sauna… ? Qu’est-ce que c’est ? » demanda Zagan.
Contrairement aux sources chaudes, Zagan n’avait jamais entendu ce terme auparavant. Lilith bomba sa poitrine plate avec fierté.
« C’est une pièce qui utilise le charbon et la vapeur pour faire monter la température. Hum, il fait environ 90 degrés ? » déclara Lilith.
« Hé, les races de Liucaon sont peut-être bien avec cela, mais la plupart des êtres du continent ne peuvent pas survivre dans un tel environnement, » répondit Zagan.
Foll, la fille de Zagan, serait probablement correcte, étant un dragon et tout ça, mais il serait quand même inquiet en tant que père. Maintenant qu’il y avait pensé, il y a des légendes qui disaient que Liucaon possédait de multiples montagnes appelées volcans qui déchargent de la lave en fusion. Il pensait que ce n’était qu’une légende, mais ils auraient après tout pu vivre dans un tel environnement. C’était peut-être parce qu’ils s’entraînaient chaque jour dans des environnements aussi intenses que des experts comme Kuroka étaient nés.
Zagan frissonna soudainement à cette pensée, et Lilith devint rouge au visage en lui criant dessus.
« Vous vous trompez ! Pour quel genre de sauvage nous prenez-vous ? » demanda Lilith.
« Un pays de gens où un monstre comme Alshiera se promène avec désinvolture. Je ne serais pas du tout surpris si les gens vivaient comme des salamandres, » répondit Zagan.
« Argh, c’est… » Il semble que Lilith n’ait pas pu réfuter le fait en entendant le nom d’Alshiera mentionné. « Ce n’est pas ce que je veux dire. Même s’il fait 90 degrés, c’est juste cette pièce, et on n’y reste pas longtemps. Comment dire… ? Ça fait du bien de laisser sortir un peu de sueur après avoir pris un bain, vous savez ? Et puis, c’est super de se rafraîchir dans un bain froid après avoir pris un bain chaud. »
Rien que d’y penser, Lilith avait mis ses mains sur ses joues en transe.
« Je ne comprends pas. Tu vas te mettre à transpirer après avoir pris un bain ? » demanda Zagan.
« Vous le saurez si vous essayez, Votre Majesté, » répondit Lilith.
C’est vrai qu’il ne le savait pas parce qu’il n’avait jamais essayé. Voyant que les mérites du sauna commençaient à se faire sentir, Lilith s’était agitée et avait continué à donner d’autres exemples.
« Il y a une tonne d’autres choses étonnantes, vous savez ? Comme un bain avec des bulles qui jaillissent d’en bas ! » expliqua Lilith.
« D’en bas ? Je connais les bains à bulles, mais est-ce différent ? » demanda Zagan.
« Umm, ce ne sont pas des bulles de savon, mais des bulles d’air qui jaillissent constamment. C’est un peu comme un massage. Ça fait du bien, » expliqua Lilith.
« Hmm. Je ne comprends pas vraiment ça, mais il semble qu’il y ait un intérêt à créer un dispositif pour tirer de l’air comme ça, » répondit Zagan.
Il était tout à fait possible d’utiliser la sorcellerie pour le faire, et si elles créaient également le sauna, la vapeur pouvait être utilisée pour créer les bulles. Aucune de ces deux méthodes n’était si compliquée.
Lilith avait joint ses mains en ressentant la joie pendant un moment, mais elle avait immédiatement fait un sourire compliqué. Elle était heureuse de le faire faire, mais elle était un peu frustrée de ne pas pouvoir lui montrer les mérites d’un tel bain. Néanmoins, Lilith ne se laissa pas décourager.
« Il faut aussi qu’il y ait un bain en plein air ! Plonger dans une source d’eau chaude tout en profitant de la nature et du ciel étoilé, c’est ce qu’il y a de mieux. Je pourrais passer une demi-journée non-stop comme ça… Mais je serais incapable de me déplacer à cause des vertiges, » déclara Lilith.
« Attends. En plein air ? N’est-ce pas visible de l’extérieur ? » demanda Zagan.
Zagan ne s’en préoccupait pas, mais Néphy utilisait aussi le bain de ce château. Il ne pouvait pas permettre une chose aussi éhontée. Les habitants de Liucaon ne possédaient-ils pas le concept de la honte ? Zagan fut complètement déconcerté lorsque Lilith devint rouge vif et rejeta ce qu’il disait.
« Il n’est pas possible qu’ils soient faits pour être vus de l’extérieur, n’est-ce pas ? Vous les mettez en hauteur ou vous les entourez d’une clôture, » expliqua Lilith.
« Aah, je vois. C’est logique, » déclara Zagan.
Zagan acquiesça de la tête, mais il ne pouvait pas s’empêcher de s’intéresser davantage au sujet. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qu’elle disait, mais le fait de la voir si zélée lui avait fait comprendre à quel point Lilith y tenait. C’était sûrement suffisant.
« Argh… Les mérites ne passent pas du tout. Pourquoi ? Mon vocabulaire est-il insuffisant ? Même si c’est un élément de base pour les voyages en famille…, » déclara Lilith.
Lilith avait baissé les épaules d’une manière déprimante. Cependant, il y avait quelque chose qu’elle avait mentionné et que Zagan ne pouvait pas laisser passer.
« … Hé, qu’est-ce que tu viens de dire ? » demanda Zagan.
Il avait involontairement utilisé une voix sévère, faisant sursauter Lilith sur place.
« Eek! Ai-je dit quelque chose d’étrange ? » demanda Lilith.
« Peu importe, répète simplement ce que tu as dit, » ordonna Zagan.
« Hein ? Euh, je n’ai pas assez de vocabulaire ? Et les mérites ne passent pas… ? » demanda Lilith.
« Après cela, » demanda Zagan.
« A-Après cela ? Euh, c’est… un élément de base des voyages en famille… ? » demanda Lilith.
« C’est ça ! » déclara Zagan.
« Eek!? »
Zagan se leva par réflexe, et Lilith tomba sur ses fesses en tremblant de peur. Ignorant les larmes qui coulaient de ses yeux, Zagan la désigna d’un geste brusque.
« Permets-moi de vérifier. Ce grand bain ou autre est quelque chose qu’une famille utilise ensemble, n’est-ce pas ? Ceux qui le font seront-ils satisfaits ? » demanda Zagan.
« E-Euh. Hm. Je pense qu’ils seront contents, » répondit Lilith.
Lilith avait hoché la tête à plusieurs reprises, et Zagan en avait été étrangement ému.
Hmph, c’est étrange venant d’un Archidémon, mais c’est une révélation divine. Zagan avait peut-être fait de Lilith sa subordonnée pour cet instant même. Il avait ouvert son manteau et était descendu de son trône vers elle.
« Bien joué, Lilith. Désormais, nous allons créer un grand bain ici dans mon château ! » déclara Zagan.
Ainsi, Néphy et Orias pourraient parler à l’aise, et ce serait un bon geste pour lui rendre hommage en tant que mère. Et surtout, cela pourrait se faire sans enlever à Zagan de son temps personnel avec Néphy. Il pourrait également dédommager Lilith pour ses ennuis. Tout cela était bien. Au point qu’il pensait qu’il y avait quelque chose de mal à ce qu’il ne s’intéresse pas aux bains avant.
« Mais… les bains ? Y a-t-il des sorciers qui connaissent bien les bains ? » demanda Zagan en croisant les bras.
« Hein ? Je veux dire, on n’a pas vraiment besoin d’un sorcier qui…, » déclara Lilith.
« Ne sois pas stupide. Je suis un sorcier. Comment allons-nous créer ce bain si ce n’est avec la sorcellerie ? » demanda Zagan.
L’auteur du grimoire préféré de Néphy était un sorcier appelé le fastidieux Cao Lainen. C’est lui qui avait développé une sorcellerie révolutionnaire en matière de cuisine et de nettoyage. Il avait également mis au point des savons pour le bain, mais il n’avait pas touché à la création des bains eux-mêmes.
Il y avait un sorcier qui excellait dans la cuisine et le nettoyage, donc il y en avait probablement aussi un qui était spécialisé dans les bains. Mais Zagan ne pouvait pas en trouver un lui-même. S’il y en avait un, il était évident qu’ils auraient laissé au moins un grimoire derrière lui.
Les grimoires étaient cependant encore difficiles à acquérir. Il était sûr de pouvoir en trouver un s’il cherchait suffisamment, mais cela pouvait prendre des années. Il ne pouvait pas faire attendre Néphy et Orias aussi longtemps. Il n’avait donc pas d’autre choix que d’espérer que l’un de ses subordonnés connaisse les bains, mais est-ce que ça fonctionnerait vraiment aussi bien ?
Zagan avait gémi en pensant à ce sujet, et Lilith marmonna soudain quelque chose. « J’ai l’impression que M-Ma Dame devrait être assez familière avec les bains… »
« Sérieusement ? Tu as vraiment été parfaite aujourd’hui. Permet-moi de te féliciter, » déclara Zagan.
« S-Superrrrr… Euh, est-ce bon ? C’est le château d’un Archidémon, non ? » demanda Lilith.
Lilith avait spontanément fait la fête, mais elle avait été profondément déconcertée. Ainsi, Zagan était allé réveiller Alshiera de son rêve nostalgique pour qu’il puisse créer un bain.
***
Partie 6
« Ne semble-t-il pas y avoir un peu de bruit dehors ? »
Une certaine chambre d’hôtes dans le château de Zagan.
Deux filles étaient assises en face l’une de l’autre sur de petites chaises. C’était la pièce accordée à Kuroka pendant qu’elle était en traitement. Kuroka s’enquit avec curiosité du bruit qu’elle avait capté avec ses oreilles triangulaires de chat, et elle passa sa main sur ses oreilles humaines tout en fronçant les sourcils en étant emplie de doutes. C’était une cait sith de la nation insulaire de Liucaon. Sa petite taille et ses cheveux noirs brillants lui donnaient une beauté charmante qui était rare sur le continent. Elle portait une robe indigène de Liucaon, mais dernièrement, elle avait porté le même type de robe qu’Alshiera. C’était apparemment sur les instructions de Zagan.
Ses yeux rouges, qui avaient auparavant perdu toute lumière, regardaient maintenant autour d’elle avec agitation. En la voyant ainsi, l’expression de Néphy s’était considérablement adoucie. Néphy avait des cheveux d’un blanc pur et une peau blanche d’aspect pratiquement transparent. Ses yeux étaient azurés et ses traits étaient pratiquement à l’opposé de ceux de Kuroka. Elle portait son uniforme de bonne comme toujours, avec son collier grossier orné d’un ruban. Ses oreilles pointues tremblaient dans l’air alors qu’elles essayaient de rechercher les sons dont Kuroka parlait.
Elle semble vraiment bien se rétablir. Les yeux de Kuroka avaient été traités par le mysticisme. C’était une grande puissance, mais elle était aussi instable et quelque peu imprévisible. La vue de Kuroka était meilleure que celle de Néphy après le traitement, mais sa blessure avait empiété sur les nerfs optiques de son cerveau.
Il était nécessaire d’observer attentivement son état pour s’assurer que les effets secondaires n’endommagent pas les autres fonctions de son cerveau, comme ses souvenirs. Un mois s’était écoulé depuis. Bien que l’objectif principal de Néphy soit de faire des examens médicaux, il était tout à fait naturel qu’elles s’ouvrent l’une à l’autre en se rencontrant si souvent sur une si longue période.
Néphy avait porté le péché de laisser mourir son propre peuple, tandis que Kuroka avait porté le péché d’être un assassin. Il est possible qu’elles aient ressenti une certaine affinité l’une envers l’autre à cause de cela.
Néphy plaça le doigt sur ses lèvres roses et inclina la tête sur le côté. « Je n’entends rien. Est-ce que cela a un rapport avec l’explosion de tout à l’heure ? »
Il y a environ une demi-heure, lorsque Néphy était venue dans la chambre de Kuroka pour effectuer son examen médical comme toujours, elle avait entendu une terrifiante explosion à l’extérieur, suivie du rugissement de Raphaël et des cris de Shax. Elle avait pu constater que c’était le même vacarme que d’habitude, rien qu’à partir de là.
Et bien qu’elle se soit demandé si ces bruits étaient une continuation de cela, Kuroka avait secoué la tête.
« Euh, je pense que c’est autre chose. On dirait des bruits de pas, comme si plusieurs personnes couraient dans la précipitation. Cela dit, on n’a pas l’impression que quelque chose de mal est arrivé, » expliqua Kuroka.
La réponse fluide de Kuroka avait fait soupirer Néphy d’admiration. « C’est incroyable. On dit que les elfes sont une race avec une ouïe formidable, mais je suis complètement incapable de faire ressortir de tels détails. »
Kuroka secoua une fois de plus la tête.
« Dans votre cas, Lady Néphy, n’est-ce pas parce que vous êtes spécialisée dans l’audition d’autres choses ? Un elfe normal que j’avais déjà rencontré m’a dit qu’ils étaient sensibles aux bruits du vent, mais qu’ils ne semblaient pas capables d’entendre les voix des esprits. »
Néphy était une espèce rare d’elfe appelée haute elfe qui était capable de manipuler le mysticisme et la mystique céleste. Elle pouvait entendre les voix des esprits communs — en termes plus simples, les voix de la nature — et en communiquant avec eux, elle était capable de réaliser des miracles dont la nature différait de la sorcellerie.
Néphy n’avait honnêtement pas une bonne opinion de ses compagnons elfes et elle lui avait rendu un sourire assez compliqué.
« C’est vraiment gênant de ne pas pouvoir faire quelque chose dont un elfe normal est capable, » déclara Néphy.
« Oh, ce n’est pas vrai. N’est-ce pas le contraire ? » demanda Kuroka.
« Que voulez-vous dire ? » demanda Néphy.
Néphy avait regardé Kuroka avec curiosité, alors qu’elle avait de son côté commencé à expliquer les choses en y réfléchissant elle-même. « Mes oreilles sont assez sensibles, mais elles n’étaient pas du tout comme ça avant. Je suis devenu capable d’entendre comme ça après avoir perdu la vue. »
« Vraiment ? » demanda Néphy.
« Oui. Alors, n’est-ce pas parce que les elfes d’aujourd’hui ont perdu le pouvoir que vous possédez que leurs autres sens se sont aiguisés pour le compenser ? » demanda Kuroka.
C’était apparemment ainsi que les elfes avaient développé un sens aigu de l’ouïe. Néphy était très heureuse de recevoir de tels encouragements de la part de Kuroka et avait souri.
« Merci beaucoup, Kuroka. Je me sens un peu plus à l’aise maintenant que vous avez dit cela, » déclara Néphy.
« Ce n’était rien… Vous avez été si bonne avec moi, Lady Néphy, » déclara Kuroka.
« Vous savez que le “Lady” est inutile, n’est-ce pas ? Vous êtes la fille de Sire Raphael. Cela fait de vous un membre de la famille ici, » déclara Néphy.
C’est du moins ce que croyait Néphy, et elle était sûre que Zagan pensait la même chose. Foll se sentait aussi très proche de Kuroka et venait assez souvent jouer dans sa chambre.
Kuroka avait commencé à rougir.
« Euh… Euh, vous êtes un peu comme mon objectif, je vous admire vraiment, » avoua Kuroka.
« Hein ? Admirer ? Moi ? » demanda Néphy.
Qu’y a-t-il à admirer chez moi, je me le demande ? Néphy savait qu’elle était aimée de Zagan, de Foll et de son entourage. Cependant, elle n’était qu’une débutante en sorcellerie et sa petite sœur Nephteros la surpassait complètement dans ses études du mystique céleste. Elle ne croyait pas qu’elle excellait suffisamment dans quelque chose pour mériter une quelconque admiration. Et alors qu’elle continuait à s’asseoir là avec un regard vide, Kuroka se mit à agiter ses doigts.
« Je veux dire, vous êtes charmante, et mignonne, et votre peau est si blanche, et chacune de vos actions est si féminine, n’est-ce pas ? » demanda Kuroka.
« Hein… ? F-Féminine ? » demanda Néphy.
Néphy avait commencé à paniquer devant cette explication tout à fait inattendue. Et voyant cela, Kuroka avait poussé un soupir d’impuissance.
« C’est exactement ce que je veux dire. Mon dieu…, » déclara Kuroka.
« Dans ce cas, vous êtes aussi très jolie et très féminine ! » C’est ce que Néphy avait audacieusement déclaré, mais Kuroka avait secoué la tête.
« Ce serait bien si c’était le cas… Mais apparemment, je ne suis même pas reconnue comme une fille…, » déclara Kuroka.
La pointe des oreilles de Néphy se raidit lorsqu’elle comprit immédiatement à qui Kuroka faisait référence.
« Euh, s’est-il encore passé quelque chose avec Sire Shax ? » demanda Néphy.
Les joues de Kuroka étaient devenues rouges comme des betteraves en un instant. Elle avait essayé de le cacher, mais elle avait fait un signe de tête brusque.
« … Comment le dire ? Il a vu mes sous-vêtements usagés, n’est-ce pas ? Et même s’il les a touchés, il a juste dit des choses comme “je n’ai pas le moindre intérêt” ou “cela n’a aucune signification pour un sorcier au-delà du matériel de recherche”. N’est-ce pas totalement inapproprié ? » demanda Kuroka.
« Aah… ! » s’écria Néphy.
Néphy s’était couvert le visage en entendant une histoire aussi déchirante.
Sire Shax, c’est aller trop loin même pour cacher votre embarras… Si Zagan lui disait une chose pareille — bien qu’elle puisse déclarer à tous les coups que c’était impossible —, Néphy ne pourrait sûrement pas s’en remettre. Si c’était lui, après avoir perdu son calme, il dirait quelque chose comme « Je voulais les rendre ». Ou pas… Cela se passerait sûrement comme ça…
« Je suis désolé, mais je ne le regrette pas. »
Et après cela, il se morfondrait de douleur en se demandant pourquoi il devait le dire comme ça.
Quoi qu’il en soit, si l’on mettait de côté l’imagination de Néphy, le problème clé ici était Shax. C’était vrai qu’il aurait été tué par Raphaël sur le champ s’il n’avait pas dit quelque chose comme ça, mais cela méritait vraiment une bonne explication par la suite. Néphy n’en pouvait plus et avait soudain tenu Kuroka dans ses bras.
« Fweh ? »
« Ce n’est pas grave. Vous êtes une femme vraiment charmante, Kuroka. Même moi, je suis jalouse de votre peau douce, de vos beaux cheveux noirs, etc, » déclara Néphy.
« Lady Néphy… » Kuroka avait réussi à se calmer au bout d’un moment, et après avoir reniflé ses larmes, elle avait lâché Néphy. « Désolée, j’ai perdu mon calme. »
« N’y pensez plus. Je peux imaginer ce que vous vivez, » déclara Néphy.
Elle ne voulait pas croire que Shax lui-même n’en était pas du tout conscient. Au contraire, il était probablement celui qui pensait le plus à elle dans un sens.
Mais il est fondamentalement beaucoup trop obtus… Le discours et la conduite de Zagan étaient vraiment gênants à cet égard, mais Néphy avait eu l’impression qu’il la regardait souvent comme une femme.
« Mais je me sens juste un peu plus joyeuse. Je ferai de mon mieux pour suivre votre exemple la prochaine fois, Lady Néphy, » déclara Kuroka.
« C’est vrai ! C’est ce qu’il faut avoir à l’esprit. » Voyant que Kuroka avait repris courage, Néphy se leva. « Voilà donc la fin de notre examen du jour. Dites-moi si vous sentez quelque chose de déplacé ou si vous avez quelque chose en tête. Même la plus petite chose est importante. »
« D’accord. Je vais bien… Oh, mais…, » déclara Kuroka.
« Y a-t-il un problème ? » demanda Néphy.
Shax avait dit que la période où ils pensaient que ses progrès postopératoires semblaient bien se dérouler était la plus dangereuse. Le corps de Néphy s’était raidi, et Kuroka avait continué tout en ayant un peu de mal à mettre ses pensées en mots.
« Hum, je suis sous vos soins depuis plus d’un mois maintenant… De plus, j’ai l’impression que mon corps s’affaiblit à force de rester dans ma chambre tout le temps…, » déclara Kuroka.
Ce n’était pas un problème pour elle de se promener, mais Shax était toujours inquiet et avait dit qu’elle devait absolument rester au lit.
Si vous êtes si inquiet, concentrez-vous sur les autres choses qui se passent avec elle…
Et sans pouvoir connaître le chagrin intérieur de Néphy, Kuroka était allée droit au but.
« Je peux voir maintenant, donc je crois que je vais pouvoir faire toutes sortes de choses. Y a-t-il un travail auquel je peux participer ? » demanda Kuroka.
« Travail ? » répéta Néphy.
« Oui. Cela étant dit, je ne peux pas faire tout cela. Mais j’apprendrai tout ce que je n’ai pas pu faire auparavant. Alors, s’il vous plaît, permettez-moi de faire quelque chose, » demanda Kuroka.
Néphy avait poussé un soupir involontaire.
Même si elle est si aimable… C’était vraiment à l’individu de décider de qui il tombait amoureux, mais il était hors de question de ne pas voir Kuroka comme une femme comme ça.
Kuroka était à la fois une patiente et une invitée ici. Il était contraire à la raison de la mettre au travail, mais celle qui avait appelé cette jeune fille comme étant de sa famille n’était autre que Néphy. D’ailleurs, Néphy connaissait bien la douleur de recevoir des faveurs sans qu’on lui demande quoi que ce soit. Ainsi, Néphy avait saisi la main de Kuroka et lui fit signe de la tête.
« Compris. Je vais demander à Maître Zagan et à Sire Raphaël si nous sommes à court de main quelque part, » proposa Néphy.
« Merci beaucoup, Lady Néphy. » Après avoir dit cela, Kuroka s’était corrigée en étant un peu gênée. « Je serai à vos côtés, Néphy. »
Néphy avait été prise au dépourvu et était restée là un moment sans rien dire, puis avait fait un doux sourire.
« De même. Faisons de notre mieux, Kuroka, » déclara Néphy.
Et juste à ce moment-là, quelqu’un avait frappé à la porte.
« Entrez, je vous en prie. »
Kuroka avait invité le nouveau venu à entrer, et Foll était entrée dans la pièce.
« Néphy, Kuroka. C’est incroyable, » s’exclama Foll.
« Que se passe-t-il ? » demande Néphy.
« Zagan dit qu’il va faire un énorme bain, » déclara Foll.
« Un bain ? » demanda Néphy.
Néphy et Kuroka avaient échangé des regards. Elles n’avaient aucune idée de la raison pour laquelle il avait décidé de le faire à un tel moment. Mais comme il s’agissait de Zagan, cela n’allait sûrement pas se révéler être quelque chose de mauvais. Et sans que l’une soit incitée par l’autre, les deux jeunes filles se mirent à sourire.
***
Chapitre 2 : Le pouvoir de l’amour, c’est le plaisir de découvrir la beauté et de l’admirer
Partie 1
« Haaah, je veux juste mourir… »
Celui qui gémissait d’une voix androgyne et infiniment léthargique n’était autre que l’Archidémon Bifrons. Il était assis sur un trône semblable à celui du château de Zagan… mais il avait les pieds sur le dos du siège. Même si le sorcier aimait jouer les excentriques, cette vue était tout à fait indigne d’un Archidémon.
Et en parlant d’inconvenance, sa chemise, sa robe et son manteau n’avaient pas été nettoyés et étaient tous froissés. Ses cheveux étaient également ébouriffés. L’ancienne subordonnée de l’Archidémon, Nephteros, se serait sûrement évanouie si elle l’avait vu maintenant. Quant à savoir pourquoi l’Archidémon qui avait réussi à tourmenter Zagan était réduit à un tel état…
« Bifrons… Ce n’est… pas… Le bâton d’Azazel. »
C’est ce qu’avait déclaré l’allié juré de Bifrons, Shere Khan, après qu’ils se soient donné la peine de pénétrer dans la salle du trésor des Chevaliers angéliques, qu’ils aient déjoué douze Archanges et trois Archidémons, qu’ils se soient splendidement emparés du bâton de Mithril et qu’ils se soient échappés sains et saufs.
Zagan avait l’air sidéré par cette vue, Orias restait choquée, et Andrealphus ne pouvait rien faire malgré le fait qu’il ait été remarqué, car il devait rester neutre. Bifrons croyait avoir surpassé tous ces Archidémons, alors qu’en fait, ils étaient les plus grands imbéciles de tous.
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! »
L’Archidémon s’était ébouriffé les cheveux et il les avait empirés. Le plus douloureux dans toute cette situation est le fait que l’affreux roi-tigre avait détourné maladroitement son regard et avait essayé de réconforter Bifrons en disant quelque chose comme. « Je suis aussi en faute pour ne pas avoir bien compris à quoi cela ressemblait. »
Arrête ça ! Ne me regarde pas comme si j’étais un pauvre idiot !
La sympathie avait parfois causé du tort aux autres. Et Bifrons aimait généralement cette facette disgracieuse de l’humanité, mais c’était vraiment douloureux quand c’était lui qui était mis dans cette position… En fait, c’était totalement différent de la disgrâce et de la misère que Bifrons aimait tant regarder.
Lorsque l’Archidémon n’avait pas réussi à récupérer Nephteros et que Zagan y ait gravé une promesse, il avait ressenti une amertume inesthétique. Cependant, Bifrons s’était bien amusé, puisque c’était la première fois qu’il en faisait l’expérience. Et le goût sucré l’avait enivré précisément parce que c’était le genre de disgrâce que Bifrons aimait.
Le simple fait de se souvenir de ce temps lui donnait envie de voir Zagan désespéré lors de leur prochaine rencontre, mais d’un autre côté, il espérait aussi voir s’il serait celui qui goûterait à nouveau à la défaite. Les seuls qui pouvaient négocier à la même table que l’Archidémon Bifrons étaient les autres Archidémons, et Zagan était particulièrement arrogant et impitoyable, ce qui le rendait encore plus merveilleux.
La poursuite de la sorcellerie était généralement reléguée aux grands esprits, mais les sorciers étaient toujours des êtres ordinaires dans l’âme. Profiter de la vie leur donnait un sens. Et la façon dont les gens se tortillaient lorsqu’on les mettait à genoux était extrêmement sale, mais aussi extrêmement belle. Bifrons aimait voir des gens comme ça, et il n’était pas contre le fait d’être lui-même contraint à un tel état. Les gens qui se battaient dans l’angoisse n’avaient pas de prix, et le moment où ces gens dépassaient les attentes de Bifrons était à ses yeux la chose la plus émouvante au monde.
Cependant, être réconforté par pitié était tout à fait différent. Bifrons ne souhaitait pas une telle humiliation ou gentillesse. Un Archidémon était censé être bien plus cruel. Shere Khan aurait dû le traiter d’incompétent ou de décevants et le regarder avec mépris tout en libérant des injures. Lorsque Bifrons s’était embrouillé pour la première fois avec Zagan, il lui avait fait sauter la tête. Alors, pourquoi un Archidémon lui avait-il gentiment dit. « Ne désespère pas, personne ne penserait que c’est un balai » ?
Bifrons était si mauvais pour gérer la gentillesse régulière que cela lui donnait même de l’urticaire. Il avait une personnalité et un penchant particulièrement tordu pour les sorciers, sans parler des Archidémons, si bien que toute cette situation l’avait irrité. Il avait cependant eu recours à la sorcellerie pour supprimer ces émotions. En tout cas, le cœur de Bifrons était en fait déchiré en lambeaux, mais c’était complètement différent de ce qu’il voulait.
« … Haaah, je veux vraiment mourir. »
Ainsi, l’Archidémon fut rendu totalement léthargique. Si Nephteros était là avec lui, elle aurait sûrement ignoré ses plaintes oiseuses et l’aurait grondée, mais cette petite poupée avait été volée par Zagan.
Ce satané Zagan. A-t-il prévu cela quand il a récupéré Nephteros vivante ?
Si c’est le cas, c’était un comploteur terrifiant. Et le fait de penser à la façon dont ce terrifiant Archidémon et Azazel étaient en train d’essayer de le déjouer l’un et l’autre avait donné des frissons de peur à Bifrons. Cela lui avait fait souhaiter que ce sentiment dure pour toujours.
« Haaah... Mais je suppose que c’est vraiment douloureux, alors ça ne va pas le faire. »
Bifrons ne serait plus capable de conserver son corps sous forme humaine si son état mental s’éternisait. L’affaire impliquant le bâton d’Azazel était essentiellement une affaire d’autodestruction de Bifrons, mais cela avait conduit Zagan à le tourmenter indirectement. C’était vraiment un homme détestable. Mais c’est ce qui le rendait si amusant, et c’était le fait le plus frustrant de tous.
Ainsi, après avoir passé un mois entier dans un état aussi pitoyable…
« Bi … frons… »
Une voix l’appelait, et elle était accompagnée du grincement d’un fauteuil roulant. Ce fauteuil roulant était capable de se déplacer tout seul en utilisant le mana. C’était un outil magique sur lequel était gravé le blason d’un Archidémon. Un tigryn à la fourrure blanche et au corps flétri s’y asseyait. Il était autrefois l’Archidémon le plus puissant, annoncé comme le puissant Roi Tigre. Mais il n’était plus que l’ombre de lui-même. Bifrons afficha l’image même d’un sourire pur à l’Archidémon sifflant alors qu’il était, bien sûr, toujours à l’envers sur le trône.
« Salut, mon cher ami juré, Shere Khan. Désolé pour mon apparence, » déclara Bifrons.
« Oh, mmm… Est-ce que tu… vas bien ? » demanda Shere Khan.
Le regard attentionné de Shere Khan avait blessé le cœur encore plus souffrant de Bifrons. Cependant, celui qui se trouvait au sommet de tous les sorciers, un Archidémon, s’agitait comme un enfant gâté aux vêtements ébouriffés, si bien que ses paroles étaient assez compréhensibles.
Cela dit, Bifrons savait que rien d’amusant n’arriverait s’il se vautrait constamment dans ses échecs. Il s’était donc redressé et il avait décidé cette fois-ci de s’asseoir sur le haut du dos du trône… Peut-être avait-il une étrange maladie qui l’empêchait de s’asseoir normalement sur une chaise.
« Alors, le fait que tu viens me voir doit signifier que tu as imaginé un nouveau plan, n’est-ce pas ? » demanda Bifrons.
Ils avaient échoué dans la capture d’Alshiera, de Kuroka et du bâton d’Azazel. Avec une telle série d’échecs, même le Roi Tigre s’était retrouvé dans une impasse. Shere Khan n’avait montré aucun signe d’activité pendant tout le mois que Bifrons avait passé à se rouler par terre.
« J’ai fini… de réparer… mes subordonnées…, » déclara Shere Khan.
« Oh, ça, » déclara Bifrons.
Comme les apparences le laissaient entendre, Shere Khan était incapable de se tenir debout tout seul. Il avait deux subordonnés pour l’aider, mais ils avaient été très endommagés pendant l’affaire dans la trésorerie. Il semblerait que Shere Khan avait travaillé à leurs réparations pendant le mois où Bifrons ne l’avait pas vu.
« J’aurais au moins pu réparer tes proches si tu m’avais demandé de l’aide… Non, je suppose qu’il est préférable de dire que je t’aurais au moins écouté, même si je ne sais pas quoi faire, » dit Bifrons en haussant les épaules.
« … Elles sont… spéciales… »
« Heeheehee, est-ce bien ça ? On dirait que tu les as faits de façon assez particulière, » déclara Bifrons.
C’était Bifrons qui avait fait sortir Dexia et Aristella de la trésorerie. Et, bien sûr, il avait extrait autant d’informations que possible des jumelles sans leur consentement. Les filles n’avaient elles-mêmes rien dit, mais leurs expressions et leurs corps contenaient des informations.
Eh bien, c’était le prix à payer pour demander mon aide, donc il ne peut pas vraiment se plaindre…
Shere Khan n’avait pas encore dissipé la sorcellerie jetée sur Bifrons. Et c’était tout à fait logique, puisqu’il ne savait pas si Bifrons le trahirait sur le champ en la faisant enlever. Il ne pouvait pas être insouciant, mais Bifrons avait besoin de garanties pour maintenir l’alliance entre eux. Ainsi, Bifrons avait réussi à acquérir quelque chose qui allait bien au-delà de ce qu’il avait prévu.
Je pourrai peut-être m’en servir pour atteindre mon objectif… C’est pourquoi le petit Archidémon avait maintenu sa relation amicale avec Shere Khan et avait été contraint de continuer à agir. À cause de tout cela, il n’était pas exactement clair qui tenait les rênes de leur alliance. Mais Bifrons savait que ce n’était probablement pas lui. Et en tant qu’Archidémon, il méprisait vraiment le sentiment d’être contrôlés. En fait, il ressentait même le sentiment de peur longtemps oublié à cause de cela, ce qui lui donnait envie d’usurper le contrôle.
C’est tellement amusant !
Contrairement à Zagan, Bifrons avait apprécié le fait de négocier avec Shere Khan, bien que ce ne soit peut-être qu’en raison de leur âge avancé. Cela dit, il était également vrai qu’il en savait probablement trop.
Shere Khan avait simplement regardé en silence.
« Il n’est pas nécessaire d’être aussi prudent. Je ne suis pas si effronté que je mettrais la main sur les affaires de mon allié. Hahahaha ! » déclara Bifrons.
« … »
Le Roi Tigre se tut comme s’il cherchait les véritables intentions de Bifrons, mais il avait fini par abandonner.
« Il serait… difficile de… cibler Alshiera… ou les espèces rares…, » déclara Shere Khan.
« J’en suis sûr. Zagan est en fait assez astucieux. Et il semble que la vieille Orias soit avec lui en ce moment. Cela va sûrement mal se terminer pour nous si nous faisons ne serait-ce qu’un faux pas, » déclara Bifrons.
Il y avait aussi Valefor, que Bifrons avait évalué comme étant comparable à un Archidémon. Les subordonnés de Zagan, Gremory et Kimaris ne pouvaient pas non plus être sous-estimés. Et les deux manieurs d’épée sacrée de Raphaël et d’Azazel. On peut dire que Zagan avait les forces les plus puissantes parmi tous les Archidémons.
Si Bifrons faisait un mouvement maintenant, cela révélerait leur cachette, et il y avait une limite au nombre d’endroits où il pouvait se replier. Il fallait également faire un effort considérable pour s’échapper avec un Shere Khan infirme à transporter.
***
Partie 2
« Le faux… Le bâton d’Azazel… est fait… de Mithril… »
« Hmm ? »
Le Mithril était comme une cristallisation du mana avec une haute pureté. Il était généralement utilisé comme équipement ou arme pour amplifier le mana, mais il était aussi parfois fondu dans des noyaux pour les homunculus et les golems.
Mais c’est beaucoup trop cher, alors je suis probablement le seul sorcier qui le ferait… Bifrons avait ri comme si on leur donnait un tout nouveau jouet.
« N’est-ce pas intéressant ? Et alors ? Le fait que tu me dises cela maintenant signifie que tu n’en as pas encore assez, n’est-ce pas ? » demanda Bifrons.
Les deux sorciers actuels étaient des individus extrêmement intelligents qui avaient gagné un siège d’Archidémon. Une fois leurs préparatifs terminés, la simple phrase « Faites-le ! » suffisait pour qu’ils sachent quoi faire ensuite. Le fait que Shere Khan s’est donné la peine de mentionner le Mithril signifiait exactement cela.
Bifrons n’étant actuellement pas en mesure de décliner les exigences de Shere Khan, il se demanda à quel point son allié sera déraisonnable. C’était une situation difficile qui aurait fait que n’importe quel sorcier normal aurait choisi sans hésitation le suicide, mais le cœur de Bifrons dansait avec joie comme s’il attendait d’ouvrir un cadeau de son meilleur ami.
Avant de continuer, Shere Khan avait stabilisé sa respiration. Et l’exigence du Roi Tigre qui lui demandait de se calmer était…
« Je veux… un de plus… un Emblème… d’Archidémon… »
Bifrons était resté là, complètement confus pendant plusieurs instants.
« Veux-tu peut-être dire… un autre Emblème que le nôtre ? » demanda Bifrons,
« C’est… vrai. »
Shere Khan avait hoché la tête comme s’il avait dit la chose la plus évidente au monde, laissant Bifrons complètement sans voix. Il n’y avait pas d’Archidémon qui prêterait volontiers l’usage de leur Emblème d’Archidémon, ce qui signifie qu’il n’y avait pas d’autre choix que d’en voler un. En bref, le Roi Tigre disait à Bifrons de tuer arbitrairement un autre Archidémon.
La réaction de Bifrons à une demande aussi cauchemardesque avait été…
« Pffft ! Hahahahahahahahahahaha ! »
… le rire. Il avait éclaté de rire si fort qu’il en avait même eu les larmes aux yeux.
« Hahahahaaa… Tu en veux encore un ? Est-ce vraiment quelque chose que tu devrais demander comme un jouet ? Hahahahaha — aïe ! »
Bifrons était tombé du trône à cause d’un rire trop fort.
« Heh, heh, haaah... C’était une bonne blague. Maintenant, c’est bien approprié pour le Roi Tigre. Ton humour est à un tout autre niveau, » déclara Bifrons.
« Je suis… sérieux… »
Bifrons écouta cela, puis il prit place sur l’accoudoir du trône. « Oh oui, il y a un Archidémon dont nous n’avons pas besoin, hein ? »
Ce n’était pas comme si tous les Archidémons étaient aussi ambitieux et actifs que Zagan. Certains s’isolaient dans leurs châteaux et refusaient de s’impliquer dans le monde.
Comme la vieille dame Orias, par exemple… Eh bien, ceux qui s’isolaient comme elle avaient aussi tendance à cacher un pouvoir ridicule, alors les pousser à l’insouciance était une tâche insensée. Mais cela, en soi, c’était une splendide forme d’amusement pour Bifrons.
Les treize Archidémons étaient comme des diablotins imprévisibles. C’était des créatures que Bifrons, tordu comme il l’était, vénérait sans relâche. Cependant, n’y avait-il pas un seul Archidémon parmi eux qui était infiniment ennuyeux ?
« Très bien, mon cher ami. Voyant qu’il ne s’agit là que d’une demande personnelle, je vais t’obtenir un sceau, » proclama Bifrons en hochant la tête de satisfaction.
« Tu dis cela… si simplement… »
Quand il avait entendu cela, Bifrons avait souri comme un enfant espérant un joli autocollant de son professeur.
« Ce n’est pas vraiment mon style, mais je vais le faire pour toi. Mais en échange, peux-tu peut-être me prêter tes proches ? » demanda Bifrons.
Dexia et Aristella étaient les familiers de Shere Khan. Elles l’ignoraient toutes les deux, mais Bifrons considérait les jumelles comme une sorte de boîte à bijoux.
Mais elles sont complètement inutiles comme elles le sont en ce moment… Pourtant, quelque chose d’intéressant était sûr de se produire si on ajoutait juste un peu de piment au mélange. Ou peut-être qu’elles deviendraient un puissant poison qui ruinerait Bifrons, Shere Khan, et même Zagan. Quoi qu’il en soit, Bifrons pensait qu’elles seraient des jouets appropriés. Un ou deux Archidémons n’étaient rien tant qu’il avait ces deux filles à ses côtés.
« Très… bien… » Shere Khan avait consenti sans montrer aucun signe mettant en doute les motivations de Bifrons.
« D’accord, c’est un marché, » dit le petit Archidémon en souriant comme un enfant innocent qui venait de recevoir un magnifique cadeau.
◇◇◇
« Très bien ! Tout le monde est là ! »
Huit personnes étaient réunies dans la salle du trône de Zagan : Zagan, Néphy, Foll, la nouvelle venue, Alshiera, Lilith, Selphy, Kuroka et Shax.
Shax et Kuroka avaient encore l’air un peu gênés l’un par rapport à l’autre, mais cela n’avait rien à voir avec les besoins actuels de Zagan. C’est ainsi qu’il se tint devant son trône et s’adressa aux autres avec la majesté d’un Archidémon.
« Si je vous ai tous réunis ici aujourd’hui, c’est parce que j’ai besoin que vous fassiez quelque chose. »
Il s’était arrêté là, avait jeté un coup d’œil dans la pièce et avait vu Shax lever la main avec hésitation.
« Hé, patron, puis-je d’abord vous poser une question ? » demanda Shax.
« Je l’autorise. Parle, » déclara Zagan.
« Pourquoi avez-vous mis en place une barrière aussi solide ici ? » demanda Shax.
La salle du trône était protégée par la même barrière que celle qui avait été présente lors de la conversation de Zagan avec Orias. Elle empêchait toute personne d’entrer dans la salle, mais elle garantissait également que personne à l’intérieur ne puisse en sortir sans la permission de l’Archidémon. C’était à la fois une forteresse imprenable qui tenait à distance tout envahisseur et une prison de classe Archidémon. Le fait que Shax l’ait remarqué était une preuve de son talent de sorcier.
« Quoi? Ne peux-tu pas le dire ? Tu as l’esprit vif, mais tu es vraiment mauvais pour lire l’humeur…, » déclara Zagan.
« Il est comme ça, monsieur, » avait ajouté Kuroka en soupirant.
« Si tu le dis…, » déclara Zagan.
Il semblait que le mécontentement de Kuroka à l’égard de Shax s’était accumulé, alors Zagan avait simplement hoché la tête pour la réconforter. Elle semblait le critiquer, mais elle ne se serait pas donné tant de mal si c’était tout ce qu’il fallait pour que Shax réalise ce qui se passait.
« Désolé, je ne comprends vraiment pas, » déclara Shax en haussant les épaules et en devenant pâle. Puis, il avait continué en disant. « Eh bien, je suppose que nous ne sommes pas ici pour être exécutés, du moins, vu qui sont les autres que vous avez convoqués… »
« Dans ton cas, tu devrais envisager la possibilité d’être pendu, » répliqua Zagan.
« Ai-je fait quelque chose de mal ? » demanda Shax.
La réponse de Shax avait fait que toutes les filles, y compris Néphy, lui avaient jeté des regards glacés.
C’est exactement ce dont je parle… Zagan ne pouvait pas critiquer les autres pour leur manque de bon sens, mais il avait honnêtement le sentiment que Shax était dans une catégorie à part. Il s’était tout de même dit que harceler cet homme ne les mènerait nulle part, alors il avait poussé un doux soupir et avait décidé de poursuivre son discours.
« Je vais commencer par répondre à cette question. Je ne veux pas que les gens de l’extérieur, en particulier Orias et Raphaël, entendent parler de tout cela, » expliqua Zagan.
« Tu souhaites le cacher à ma mère ? » demanda Néphy en penchant la tête sur le côté avec une expression vide sur le visage.
« C’est exact, » répondit Zagan.
« Donc, la raison pour laquelle vous m’avez appelé ici est que cela est lié au Seigneur Raphaël ? » demanda Kuroka. Ses oreilles triangulaires avaient tremblé et se tortillaient en réfléchissant à sa déclaration.
« Hmm. C’est bien que tu sois rapide à comprendre, contrairement à Shax, » répliqua Zagan.
« Haha… » Kuroka avait ri, puis elle avait souri amèrement. Zagan avait espéré améliorer son humeur, mais il semblerait que c’était un cas assez grave, alors cela avait échoué.
Après un moment de silence, Alshiera avait timidement levé la main. « Puis-je également poser une question ? »
« Oui, vas-y. Ta coopération est indispensable cette fois-ci, » répondit Zagan.
Zagan était franchement assez réticent à se fier à cette vampire, mais elle était une nécessité. Aussi, tant qu’il se reposait sur elle, il la récompensait de manière appropriée et lui témoignait son respect. Il lui fallait naturellement expliquer en détail tout ce qu’elle voulait savoir. Un roi qui ne pouvait pas faire cela était pire qu’un bandit.
« Je ne vous ai pas mal entendu quand vous avez dit qu’il s’agissait de faire un bain, n’est-ce pas ? » demanda Alshiera, incapable de cacher sa perplexité.
Il semble que les rumeurs se soient déjà répandues, puisque Néphy, Kuroka et Shax n’avaient pas eu l’air le moins du monde surpris.
Ce n’est pas un problème tant que l’on ne sait pas qu’il s’agit de montrer du respect à nos parents… Zagan n’avait pas de problème avec les rumeurs mineures, alors il avait hoché la tête en bombant fièrement sa poitrine.
« Tu as bien entendu. J’ai déclaré que nous ferions un grand bain ici, dans mon château, » déclara Zagan.
Alshiera avait mis sa main sur sa tête comme pour supprimer un mal de tête. Mais c’était plutôt une douleur fantôme, puisque les morts-vivants n’avaient pas de pouls pour en déclencher un.
« S’emparer du bâton d’Azazel a été un véritable exploit, alors, pourquoi maintenant ? » demanda-t-elle.
« Parce que c’est devenu une nécessité, » répondit Zagan sans la moindre hésitation.
« N’y a-t-il pas d’autres choses, plus importantes, à portée de main ? » demanda Alshiera sur un ton interrogateur.
« Je ne sais pas contre quoi tu te bats, mais mes ennemis sont Shere Khan et Bifrons, » répondit Zagan.
« Eh bien, nos objectifs s’alignent sur ce point, » répondit la vampire.
Ils étaient enfin sur la même longueur d’onde.
« Alors, que ferais-tu après les avoir tués ? » demanda Zagan.
« Hein ? » déclara Alshiera, complètement abasourdie. On aurait presque dit qu’elle n’y avait pas pensé.
« Permets-moi de te dire que je n’ai pas l’intention de sacrifier un seul de mes subordonnés. Je ne les laisserai pas mourir dans un combat contre ces maudits Archidémon. Et même après avoir tué Shere Khan et Bifrons, je continuerai à m’occuper d’eux, car ils contribueront à ma cause. »
Cela s’appliquait évidemment aussi à Néphy, Foll et Raphaël, qui étaient sa famille. C’était peut-être juste le raisonnement d’un enfant qui refusait de sacrifier des alliés pour tuer ses ennemis, mais Zagan était un Archidémon. Il était un roi. Indépendamment de ce que les autres pensaient, il accomplissait avec arrogance l’impossible. Il avait juré de les protéger sans même le savoir.
« Mon conflit avec Shere Khan commence à s’éterniser, ce qui signifie que je dois leur montrer ma gratitude. N’est-ce pas, Lilith ? » demanda Zagan.
« Eep !? U-Umm, oui. Je… je pense…, » répondit Lilith.
Tout cela avait commencé grâce au désir de Zagan. Il avait simplement voulu que Néphy et Orias passent du temps ensemble en tant que mère et fille. Mais il voulait aussi montrer à ses subordonnés un peu de gratitude, et il avait donc décidé de faire d’une pierre deux coups.
Je ne sais pas si les sorciers seront satisfaits d’un bain, mais c’est bien tant que c’est quelque chose qui suscite la joie.
***
Partie 3
Il avait aussi supposé que Néphy pouvait lui appliquer une sorte d’effet de restauration du mana. Et si ça ne marchait pas, c’était bien si ça finissait par être quelque chose dont Néphy, Lilith et les autres filles pouvaient profiter. Après tout, les filles aimaient apparemment les bains. Cela dit, il ne pouvait pas faire travailler tous ses subordonnés pour une raison aussi personnelle, il n’avait donc réuni que ceux qui étaient liés à l’affaire ou qui avaient une raison de l’aider.
Alshiera était restée là sans rien dire pendant un moment, puis avait ri comme si elle avait trouvé la situation plutôt comique.
« Teehee, comme toujours, vos paroles dépassent mes attentes, mon Roi aux yeux d’argent. J’avais pensé que vous vouliez soudainement faire un voyage aux sources chaudes avec Lady Néphy, » déclara Alshiera.
« N-Ne sois pas si effrontée ! On ne peut pas y aller ensemble ! » déclara Zagan.
« Hein !? Un bain… ensemble ? » s’exclama Néphy.
Néphy avait soudainement bondi de joie.
Néphy est-elle également intéressée ? Mais… Zagan savait qu’ils étaient en couple, mais cela semblait encore un peu extrême. Il essayait vraiment de tuer rapidement Shere Khan pour pouvoir essayer toutes sortes de choses avec Néphy, mais il n’avait jamais rêvé d’une chose pareille… Quoi qu’il en soit, c’était quelque chose qu’il attendait avec impatience.
Zagan et Néphy étaient tous deux dans l’agonie, incapables de parler de leurs véritables désirs, laissant Alshiera complètement exaspérée.
« Vous deux… Les sources d’eau chaude sont séparées par sexe. »
Zagan avait inconsciemment pensé à entrer avec Néphy et se tordait maintenant d’agonie et se couvrait le visage de gêne. Néphy se couvrit également le visage alors qu’elle s’accroupissait.
« Hein ? Je ne sens pas Gremory, » avait curieusement commenté Foll.
« Mais franchement, même Gremory ne peut rien faire contre cette barrière, n’est-ce pas ? » répondit Shax.
Foll avait eu l’air vraiment surprise en tournant ses yeux ambrés vers Zagan.
« Zagan, ta barrière est incroyable, » déclara Foll.
« Personnellement, je pense que Gremory est plus étonnante, puisqu’on ne peut pas l’empêcher de sortir sans une barrière de cette envergure…, » ajouta Shax, apathique.
« Suppppperrrr ! » s’exclamait Selphy en levant ses deux bras en l’air. Puis, elle avait crié. « Le bain va devenir encore plus grand ! N’est-ce pas génial, Lilith ? »
« H-Hmph ! Je respecterai la décision de Sa Majesté, » répondit Lilith.
Lilith avait agi comme si la discussion l’avait troublée, mais ses joues étaient teintées d’un rouge de bonheur. À côté d’elle, Néphy s’était finalement ressaisie et avait poussé un soupir.
« Un bain… ? »
« Cela t’intéresse-t-il aussi, Néphy ? » demande Kuroka.
« Eh bien… oui. Le bain, ça fait du bien, » répondit Néphy en hochant timidement la tête, les oreilles frémissant un peu. Elle avait vraiment l’air heureuse.
Hmm… Néphy semble heureuse, donc c’était clairement le bon choix… pensait Zagan. Il savait qu’il pouvait inventer une excuse si quelqu’un se plaignait, de sorte que le développement lui plaisait… Cependant, alors que Zagan acquiesçait de la tête, Shax baissa les épaules de désespoir.
« Je pensais que vous étiez du genre plus sérieux, patron, » déclara Shax.
« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? C’est surtout de ta faute si je suis coincé à faire un bain en ce moment. Sois content que je ne réduise pas ton salaire, » répliqua Zagan.
« En quoi est-ce ma faute… ? Oh, vous voulez parler à cause des dégâts de cet après-midi ? Mais c’était hors de mon contrôle, et c’est Raphaël qui l’a vraiment détruit, » répliqua Shax.
« Arrête de pleurnicher. Je te dis que nous faisons cela pour mettre Raphaël de bonne humeur, car on en arrive au point où je ne me soucierai plus de savoir s’il te tuera tôt ou tard, » répliqua Zagan.
Shax était sur le point de mourir il y a quelques heures à peine. Il était devenu pâle à cette pensée, mais il avait immédiatement compris le sens des mots de Zagan et avait été ému aux larmes.
« Désolé, patron. Je pensais sincèrement que vous m’aviez déjà abandonné…, » se lamenta Shax.
Zagan avait voulu l’abandonner, mais il avait vite compris qu’il serait dans une masse de problèmes si Shax mourait.
Après cela, les oreilles de Kuroka s’étaient mises à vibrer lorsqu’elle avait trouvé une certaine compréhension.
« Oh, je comprends. C’est pour ça que vous faites un bain, » déclara Kuroka.
« Comment ça, Kuroka ? » demanda Néphy.
« À Liucaon, les sources d’eau chaude sont une destination de choix pour les vacances en famille. Elles sont utilisées pour rendre hommage à vos parents, je suis donc sûre que le Seigneur Raphaël et Lady Orias seront ravis, » expliqua Kuroka.
Raphaël et Kuroka étaient également père et fille. Et donc, si Shax contribuait à une telle démonstration de respect, l’attitude de Raphaël s’adoucirait sûrement. C’était la raison pour laquelle ils s’étaient réunis.
« Vraiment ? Cela me rend… un peu heureuse, » dit Néphy, déconcertée, les oreilles pointues frémissant. Il semblerait qu’elle ait aussi cherché une occasion d’avoir une conversation ouverte avec Orias, alors elle avait eu l’air soulagée.
Foll s’excita alors qu’elle serra le poing et laissa échapper un grand souffle par le nez.
« Respecter les parents… ! Je vais aussi faire de mon mieux ! » déclara Foll.
« Bien, faisons beaucoup d’efforts, Foll, » déclara Kuroka en prenant la main de Foll. Puis, Néphy avait saisi l’autre main de Foll, et toutes les trois avaient levé les bras.
Ce genre de scène est assez réconfortant… Zagan n’avait en général que Néphy et Foll en tête, mais voir Kuroka à côté d’elles lui avait donné le sentiment que sa famille s’agrandissait.
« Dans ce cas, j’aimerais également inviter Nephteros. Cela te conviendrait-il, Maître Zagan ? » demanda Néphy.
« Mhm. Tu as raison. On peut juste dire à Orias que c’est pour l’entraînement d’aujourd’hui… de toute façon, nous devrons aller en ville pour récupérer ce qui nous manque, alors nous pouvons la faire venir avec nous pendant que nous y sommes. »
« Bien ! » déclara Néphy.
Ils avaient appris leur mission, alors tous leurs regards s’étaient tournés d’un coup vers Zagan.
« Alors, que devons-nous faire ? » demanda Néphy.
« Hmm, voyons voir… » Zagan acquiesça profondément et se perdit dans ses pensées. Au bout d’un moment, il se tourna vers Alshiera et lui demanda. « Par quoi devrions-nous commencer, Alshiera ? »
« Me déléguez-vous entièrement cette tâche ? » demanda-t-elle en ouvrant grand ses yeux dorés, incrédules.
« Pourquoi es-tu si choquée ? N’ai-je pas dit que j’avais besoin de tes conseils parce que je ne connais rien aux bains ? » demanda Zagan.
Zagan soupira, se demandant comment elle avait pu ne pas comprendre tout cela. Alshiera, à son tour, s’était effondrée dans le silence en se demandant si elle n’avait pas manqué quelque chose d’évident au cours de ses 1000 ans de vie.
« Quoi qu’il en soit, n’y pense pas trop. Dis-nous simplement ce que tu aimerais utiliser. Nous ferons le travail proprement dit, » déclara Zagan.
« Haaah... Est-ce que je vais aussi utiliser ce bain ? » demanda Alshiera.
« Hein… ? Bien sûr que si. Ou quoi, tu vas me dire que ceux du Clan de la Nuit ne prennent pas de bains ? » demanda Zagan.
Zagan n’était pas si méchant qu’il dirait à la personne à qui il demandait conseil qu’elle ne pouvait pas l’utiliser. Et pourtant, Alshiera s’était raidie comme si elle venait d’entendre quelque chose d’inattendu.
« Quelque chose ne va pas… ? Écoute, je ne te forcerai pas à l’utiliser si tu ne le veux pas, » déclara Zagan.
« Non, ce n’est pas…, » Alshiera s’éloigna et secoua la tête comme pour dissiper sa confusion. Mais finalement, elle avait repris son expression habituelle et avait dit. « Bref, un grand bain, n’est-ce pas ? Personnellement, j’aimerais que l’on construise une source d’eau chaude, mais avons-nous même de la place pour en construire une ? »
« Hmm… Il n’y a rien derrière le château, donc cela devrait pouvoir se faire, » répondit Zagan.
« Ensuite, il faut d’abord commencer par une étude géologique. Il faut aussi faire quelque chose pour le paysage. Un bain en plein air n’a aucun sens si vous ne pouvez pas profiter de la vue, » expliqua Alshiera.
« Oh ! Nephteros et moi devrions pouvoir faire quelque chose pour la végétation ! » s’exclama Néphy.
« Je peux aussi m’occuper d’un simple élagage. J’ai aidé dans mon ancienne maison, » ajouta Kuroka.
Zagan avait fait un signe de tête aux deux filles fiables et avait ouvert son manteau.
« Commençons donc par enquêter sur les terres que nous prévoyons d’utiliser. Tout le monde, assurez-vous de ne pas en parler aux autres, » ordonna Zagan.
Peu de temps après, tout le monde avait suivi Zagan en petits groupes hors de la salle du trône. Et alors qu’ils sortaient ensemble, Foll avait tourné son visage et avait rapproché sa bouche de l’oreille d’Alshiera.
« C’est bien pour toi, Alshiera, » murmura Foll.
« Ce n’est pas vraiment… Mais, oui… Je suppose que c’est une occasion joyeuse, » répondit Alshiera.
La vampire semblait anxieuse, et pourtant, également heureuse.
◇◇◇
« Je pense que nous devons commencer par faire quelque chose pour l’apparence. »
C’est la première chose qu’Alshiera avait dite en sortant à l’arrière du château. Une forêt dense s’étendait devant eux, et voyant qu’il n’y avait pas de chemin vers la route principale par là, on pouvait comprendre que Néphy et les autres habitants du château ne s’étaient jamais occupés de cette zone. Ils avaient au moins enlevé les feuilles mortes, le paysage n’était donc ni beau ni laid.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Zagan d’un signe de tête.
« Ce n’est rien d’autre qu’une forêt. Il y a beaucoup de grands arbres, donc nous ne pouvons pas profiter des feuilles d’automne, et la lumière ne passe pas à travers eux. Une fois la nuit venue, il n’y aura rien d’autre à faire que de profiter de l’atmosphère effrayante, » répondit la vampire.
« La peur est-elle un avantage ? Vous, les membres du clan de la Nuit, avez certainement un goût étrange, » déclara Zagan.
« Pourriez-vous au moins le remarquer quand je suis sarcastique ? » demanda la vampire.
« Ne t’en fais pas. J’étais aussi sarcastique, » répliqua Zagan.
Il était de bon ton de rendre le sarcasme par le sarcasme. C’était l’intention de Zagan, mais Alshiera avait mis sa main sur sa tête, épuisée. L’incapacité de Shax à lire l’humeur pendant tout son séjour au château avait pu la stresser.
Cette vampire était au moins une invitée ici, donc il y avait peut-être un sens à faire faire le bain pour aussi aider à soulager son stress. C’est du moins ce que croyait généreusement cet Archidémon magnanime, qui ne pensait pas un seul instant qu’il était manipulé.
« Bref, la vue ? Je n’y ai jamais pensé. Une telle chose est-elle nécessaire pour mener une vie normale ? Il faut le savoir, Néphy, » déclara Zagan.
« Oui, Maître Zagan, » répliqua l’elfe.
Alshiera avait hésité à se laisser aller à de tels espoirs venant de Zagan et Néphy.
« Mais je ne pense pas que ce soit si grandiose que ça… »
Et peut-être ne pouvaient-elles pas laisser faire, car Lilith et Selphy s’étaient avancées.
« C’est un château, donc le paysage devrait être magnifique. Mais ce que je veux dire, c’est que c’est probablement assez joli vu d’en haut, mais la vue d’en bas n’est pas comme ça, » déclara Lilith.
« C’est vrai, la vue depuis la terrasse est assez belle, » déclara Zagan.
La chambre de Néphy était située dans la partie la plus élevée du château, dans le clocher auquel on ne pouvait accéder que par la salle du trône. La lune que Zagan avait vue à l’époque — bien que la pièce elle-même fût dans un état terrible après avoir été soufflée par la sorcellerie — était très belle. Il était vrai que lorsqu’il regardait le ciel maintenant, les grands arbres s’étendaient au-dessus de lui comme un toit, ce qui bloquait le beau ciel nocturne.
***
Partie 4
« Je suppose que nous pouvons commencer par abattre les arbres dans la région. Nous pouvons utiliser le bois comme matériau de construction, et tout ce qui est impropre à cela, nous pouvons l’éliminer par sorcellerie, » proposa Zagan.
« Et aussi, avoir une figure de proue de lion d’où l’eau sort de sa gueule est tout à fait normal ! » déclara Lilith.
« De sa gueule… ? Est-ce que cela le rend meilleur ? » demanda Zagan.
Zagan avait fait la grimace avec une expression de doute à l’idée que Kimaris soit encore plus empli d’anxiété à cause de ça. Les inquiétudes du lion ne s’étaient accumulées que récemment parce que Gremory s’était enfermée dans le palais de l’Archidémon.
« Il n’est pas nécessaire que ce soit spécifiquement une tête de lion, » répondit Lilith. « Regarder l’eau s’écouler est quelque peu relaxant. Il est préférable d’avoir quelque chose comme ça à regarder, comme une magnifique sculpture. »
« Hmm, vraiment ? Je vais trouver quelque chose, » déclara Zagan.
Il ne savait pas exactement ce qui le détendait, mais il avait quand même hoché la tête avec sérieux.
« Une statue et l’eau courante sont un bon début, mais le fait d’avoir quelques pierres naturelles autour ajoutera aussi à l’élégance, » ajouta Kuroka.
« Des pierres ? Cela a-t-il un sens ? » demanda Zagan.
« Umm, cela ne veut rien dire, mais la nature dépasse parfois le pouvoir de l’humanité, n’est-ce pas ? Il y a une élégance discrète à vivre de telles choses. C’est pourquoi je pense que ce serait bien d’en avoir, » répondit Kuroka.
Zagan ne pouvait pas dire si c’était une connaissance commune ou une particularité des sens esthétiques de Liucaon, mais c’était apparemment ainsi que l’élégance fonctionnait.
« J’ai l’impression de comprendre. » Foll semblait être d’accord avec Kuroka. « Je trouve des endroits comme la grotte du Palais de l’Archidémon très relaxant. Mais un tunnel creusé avec de la sorcellerie est un peu incertain. »
« Est-il donc important d’avoir des décorations faites naturellement ? » demanda Zagan.
Dans ce cas, le simple fait d’essayer de tout résoudre par la sorcellerie ne les mènerait nulle part. Y avait-il un endroit dans les environs qui vendait de telles choses ? Il ne semblait pas qu’ils étaient disponibles à Kianoides. Néphy avait également déplacé son regard au sol de manière troublée.
« Je peux faire en sorte que la végétation s’adapte dans une certaine mesure, mais je me demande si les pierres me répondront…, » déclara Néphy.
« Est-ce difficile à faire, même avec le mysticisme ? » demanda Zagan.
« Plus que difficile, c’est plutôt que les esprits de la terre et des pierres sont pour la plupart lunatiques. Je ne suis pas sûre de pouvoir les convaincre…, » répondit Néphy.
On disait que les elfes étaient eux-mêmes une sorte d’esprit, mais converser avec les esprits n’était vraiment que le domaine des hauts elfes. Zagan n’avait même jamais considéré que les esprits avaient des personnalités différentes.
« Lunatique… ? » demanda-t-il avec un regard surpris. « Les esprits de la végétation sont-ils différents ? »
« Oui. Les esprits de la végétation, de l’eau et du vent ont tendance à être sociables et joviaux. Ils feront presque tout ce que je leur demande par curiosité malicieuse. »
Tout le monde avait été complètement déconcerté par cette déclaration.
Curiosité malicieuse ? Est-ce vraiment bien… ? L’un des chevaliers angéliques qui avaient autrefois attaqué ce château avait failli être tué en créant de la colère chez Néphy. Il avait subi une attaque féroce, comme si la forêt elle-même avait une volonté, mais apparemment, du point de vue des esprits, c’était plutôt du genre. « On avait juste envie de le faire, teehee. »
« Oh, » s’exclama Néphy en tapant dans ses mains. « Mais Nephteros semble se spécialiser sur ce front. Après tout, elle est aimée des esprits lunatiques. »
« Aah, je parie que c’est quelque chose comme s’ils ne pouvaient pas supporter de continuer à regarder quelqu’un d’aussi diligent et maladroit et qu’ils devaient faire quelque chose pour elle. »
« Oui. C’est exactement cela, » répondit Néphy.
Néphy applaudit à nouveau, ses oreilles frémissent de joie. Il semble même qu’elle ait pensé à sa petite sœur de cette façon. En fait, Nephteros préférait l’utilisation du mysticisme céleste qui formait des cristaux à partir du sol. Cela avait probablement un rapport avec la compatibilité dont Néphy parlait. En tout cas, le pouvoir de Nephteros était désormais une nécessité.
Néphy s’était alors accroupie et avait touché le sol.
« Mais je pense que je devrais être capable de faire quelque chose pour une source d’eau, » déclara Néphy.
« Vraiment ? » demanda Zagan.
« Oui. Si je peux trouver un accord avec les esprits du feu, je devrais pouvoir faire ce truc de “source chaude”, » répondit Nephy.
« Voilà quelque chose bien approprié venant de toi, Néphy. Puis-je donc te confier cette tâche ? » demanda Zagan.
« Je t’en prie, laisse-moi faire, » répondit Néphy.
Néphy avait élégamment saisi l’ourlet de sa robe et avait fait la révérence alors que ses oreilles pointues tremblaient fièrement.
« Est-ce que tout cela concerne le paysage ? » demanda Zagan en continuant à ruminer.
« Il n’y aura pas de fin à cela si nous continuons à évoquer les choses, donc c’est probablement suffisant pour l’instant. Je pense que nous pouvons simplement rassembler ce qui nous vient à l’esprit l’un après l’autre, » répondit la vampire.
La vampire était à la hauteur de la nomination de Lilith en tant que conseiller pour le grand bain. Mais après que Zagan lui ait fait un signe de tête, Alshiera lui avait fait un signe de tête avec curiosité.
« En tout cas, vous semblez terriblement ouvert aux opinions des autres, mon Roi aux yeux d’argent, » déclara Alshiera.
« Hmph. Tout cela est un territoire inconnu pour moi. Je n’aurais jamais rassemblé quelqu’un si j’avais ignoré ses conseils. D’ailleurs, ce n’est pas si mal d’apprendre des choses dont on ne sait rien, n’est-ce pas Néphy ? » demanda Zagan.
« Oui. » Néphy hocha humblement la tête, alors qu’elle rougissait avec timidité. « Les surprises sont agréables, mais penser à des choses et les essayer avec toi comme ça, c’est… amusant, Maître Zagan. »
« Hm-Hm ! Exactement ! Ensemble ! »
Zagan avait fait de son mieux pour feindre le calme et il avait hoché la tête. Ils s’entendaient déjà assez bien pour partir en (fausse) lune de miel. Il n’hésiterait pas à se laisser aller.
« Oh allez, Monsieur Zagan. Ne sommes-nous pas ici avec vous cette fois-ci aussi ? » demanda Selphy.
« Chut, lis l’humeur, Selphy. »
« C’est bien d’être dans une relation où on se comprend… Haah, » ria Selphy.
« Ça va, Kuroka ? Dois-je demander à Shax de s’excuser ? » demanda Lilith.
« Attendez, pourquoi me regardez-vous comme ça aussi, petite dame ? » demanda Shax.
« Eh bien, je suppose que vous vous amusez…, » répliqua Lilith.
« Aaaugh… »
Zagan et Néphy s’étaient couvert le visage et s’étaient écroulés sur le sol en réalisant que tout le monde était concentré sur eux. Mais il est vrai qu’ils s’amusaient en planifiant tout cela. C’est un peu grâce à Shere Khan qui n’avait montré aucun signe d’activité au cours du mois dernier, mais Zagan avait souhaité que ces journées puissent durer éternellement.
Je suppose que Shere Khan et Bifrons ne peuvent pas mourir de faim dans un endroit hors de vue, n’est-ce pas ? Le monde deviendrait sûrement pacifique s’ils le faisaient. Et après que Zagan se soit sincèrement incliné, Shax s’était gratté l’arrière de la tête et avait sorti de nulle part un grand morceau de papier.
« Euh, puis-je vous demander quelque chose, patron ? » demanda Shax.
« Vas-y, » déclara Zagan.
« En gros, j’ai essayé de tout noter. Nous pouvons nous occuper des vestiaires en utilisant les arbres que nous avons coupés, tandis que les pierres et autres choses peuvent être gérées par Nephteros. Qu’est-ce qu’on va faire pour une sculpture décorative ? Je pense qu’on peut réduire les coûts si on apporte quelque chose du Palais Archidémon, » proposa Shax.
Zagan pensait que Shax avait été plutôt silencieux, mais il semblait qu’il avait pris le rôle de secrétaire et avait écrit tout ce qui était discuté. Zagan avait l’impression d’être confronté à une grande déception.
« Tu es si talentueux, alors pourquoi es-tu si mauvais pour lire l’humeur… ? » demanda Zagan.
« Hein ? Vous me complimentez ou me réprimandez ? » demanda Shax.
« … Eh bien, quand le bain sera terminé, je ferai savoir que tu as contribué, » répondit Zagan.
« Le Palais de l’Archidémon…, » murmura Alshiera.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Zagan.
« Pas grand-chose. Maintenant que j’y pense, en vérité, le Palais de l’Archidémon en avait un aussi. Un grand bain » déclara Alshiera.
« Vraiment ? » demanda Zagan.
« Je ne sais pas s’il existe toujours, mais il y en avait un il y a mille ans. Je me souviens que c’était assez extravagant à l’époque, » raconta Alshiera.
« Hmm. Alors, cela ira plus vite. Tous ceux qui ne connaissent pas la vraie chose peuvent aller y jeter un coup d’œil et l’inspecter, » déclara Zagan.
« Je pense que cela ne vaut que pour vous et pour Lady Néphy, mon Roi aux yeux d’argent, » déclara Alshiera.
Tout le monde avait acquiescé face à la déclaration d’Alshiera, laissant Zagan complètement choqué. Et après avoir claqué sa langue d’irritation, un doute soudain lui était venu à l’esprit.
« Attends. Pourquoi diable en sais-tu autant sur le Palais de l’Archidémon? » demanda Zagan.
Il pouvait comprendre que les chasseurs de séraphins y soient entreposés en raison de sa vieille amitié avec Marchosias. Mais le fait de pouvoir utiliser les bains signifiait qu’ils n’étaient pas de simples connaissances. Alshiera détourna son regard comme si elle avait fait un lapsus, mais finit par céder.
« J’ai vécu au Palais de l’Archidémon… pendant un court moment, » répondit Alshiera.
« C’est-à-dire que tu as servi sous Marchosias ? » demanda Zagan.
« C’était le seigneur avant lui. Mais Marchosias était là aussi, » déclara Alshiera.
Qui était exactement cette vampire ? Zagan la dévisageait, mais son profil lui indiquait clairement qu’elle ne dirait rien.
« Tch. Peu importe. Retour à la sculpture. Nos sens de l’esthétique vont finir par en faire un bain de sorcier. Je te confie cette partie, Lilith, » déclara Zagan.
« Oh mon Dieu. Vous allez faire confiance à mes sens de l’esthétique ? » demanda Lilith.
« Bien sûr. Tu es la première roturière parmi mes subordonnés. J’attends beaucoup de toi, » déclara Zagan.
« Hmhmm, laisse-moi faire… Hm ? Euh ? Une roturière ? »
Lilith avait gonflé sa maigre poitrine avec fierté, mais elle avait ensuite eu des doutes sur la raison pour laquelle elle était classée comme roturière. Shax avait lui aussi un regard interrogateur, mais il avait une fois de plus baissé son regard sur ses notes.
« Pour ce qui est de la source d’eau, je pense qu’il serait préférable que Gremory y jette un coup d’œil, » déclara Shax.
« Le mysticisme de Néphy est-il insuffisant ? » demanda Zagan.
« Pas cela. Une fois que nous l’aurons fait jaillir, il y a une question de qualité de l’eau, n’est-ce pas ? La grande dame est plus spécialiste que moi en la matière, donc il serait plus efficace qu’elle le fasse, » déclara Shax.
***
Partie 5
Zagan avait fait un signe de tête en réponse à son opinion tout à fait raisonnable.
« Je vois. Alors, Néphy et moi, on va aller en ville. Les seuls capables de capturer Gremory sont moi-même et Kimaris. Nous devons aussi aller chercher Nephteros, » déclara Zagan.
Ce n’est pas comme s’il voulait juste aller en ville seul avec Néphy. Bien sûr, il avait de telles arrière-pensées, mais ce n’était qu’environ 70 % de ses intentions. Ce chiffre montrait vraiment la retenue de Zagan.
« Oh. » Néphy avait soudain haussé la voix en se souvenant de quelque chose.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Zagan.
« Ummm, en fait…, » balbutia Néphy.
Il semblait difficile pour elle de le dire. Néphy rapprocha son visage de l’oreille de Zagan et lui chuchota. « Kuroka est à la recherche d’un travail qu’elle peut faire. Cette femme ne serait-elle pas difficile à faire renoncer ? »
C’était vraiment approprié venant de Kuroka de faire une telle demande. Zagan pouvait comprendre son incapacité à se calmer si elle ne faisait rien.
« J’ai compris. Kuroka, tu viens avec nous, » déclara Zagan.
Il voulait être seul avec Néphy, mais comme il allait de toute façon chercher Gremory, de toute façon, il ne pouvait pas s’attendre à profiter de son temps seul avec elle.
« Ummm, est-ce que je peux vraiment venir ? » demanda Kuroka.
« Oui. Quoi qu’il en soit, il y a quelque chose à propos de quoi je veux te consulter, » déclara Zagan.
« Me consulter ? » demanda Kuroka.
Les oreilles triangulaires de Kuroka s’agitèrent avec curiosité, et Zagan acquiesça de la tête.
Je me demande si elle va continuer à se consacrer au combat à partir de maintenant. Il y avait eu des occasions où Raphaël avait espéré qu’elle rangerait ses épées, maintenant qu’elle pouvait voir à nouveau. Zagan partageait les mêmes sentiments, mais Kuroka choisirait sûrement de se battre. C’était parce que Shax était infiniment maladroit et qu’il choisirait de rester sur le champ de bataille. Zagan n’avait qu’une seule réponse pour des gens comme ça. Il ne savait pas ce que Kuroka comprenait, mais elle lui avait fait un signe de tête alors même qu’elle affichait une expression neutre.
« Si c’est le cas, alors je viendrai, » déclara Kuroka.
Zagan s’était alors tourné vers Lilith. « Lilith, tu restes ici. Continue avec le plan du bain. »
« P-Plan ? Je ne sais pas comment faire un plan, » répondit Lilith.
« Ne t’inquiète pas. Je te laisse Shax. Dessiner un plan et tracer un cercle magique n’est pas si différent, » répondit Zagan.
Le visage de Shax s’était plissé à l’idée qu’on lui déléguait entièrement cette tâche.
« Hé patron, vous ne pouvez pas vraiment dire quelque chose d’aussi déraisonnable ? » demanda Shax.
« Quoi ? Ne peux-tu pas le faire ? » demanda Zagan.
« Je veux dire, je peux…, » répondit Shax,
« C’est pourquoi je te le laisse. Je compte sur toi, » déclara Zagan.
« Je ne peux pas refuser quand vous le dites comme ça… » Shax grogna de mécontentement, mais il cessa de se plaindre.
« Selphy, Alshiera, vous deux aussi, vous aidez. Vous en savez plus que moi sur les bains, n’est-ce pas ? » déclara Zagan.
Et juste à ce moment-là, un certain doute avait traversé l’esprit d’Alshiera.
« Cela ne me dérange pas, mais prévoyez-vous de faire plusieurs bains ? » demanda Alshiera.
« Plusieurs… ? Un bain pour hommes et un bain pour femmes ne suffisent-ils pas ? » demanda Zagan.
« C’est suffisant, mais il existe différents types de bains, non ? Si vous voulez faire une source d’eau chaude, ne devriez-vous pas en essayer plusieurs ? » demanda Alshiera.
Il ne savait pas s’ils étaient appropriés pour un grand bain, mais juste après sa discussion avec Lilith dans l’après-midi, il avait découvert les bains de lait, les saunas, les bains à bulles et les bains avec des bulles qui jaillissaient du bas.
« Hmm… » Zagan avait fait un signe de tête. « Tu marques un point. Mais combien peut-on en faire ? Il n’y a rien derrière le château, mais ça prendra beaucoup de place si on en fait deux de chaque côté. »
Lilith avait alors levé la main comme si elle avait soudainement eu une grande idée.
« Dans ce cas, pourquoi ne pas répartir l’utilisation des autres bains entre les hommes et les femmes en fonction des jours ? De cette façon, nous serons bien en faisant un de chaque, » proposa Lilith.
« Je vois, c’est une bonne idée. Allons-y pour ça. Donc, ça ne me dérange pas si tu en prépares un certain nombre, Alshiera, » déclara Zagan.
« Heehee, tant que cela vous plaira, mon Roi aux yeux d’argent, » déclara Alshiera.
Foll, l’autre personne qui n’avait pas encore reçu d’instructions, avait alors regardé Zagan avec curiosité.
« Zagan, et moi ? » demanda Foll.
« Oh, je te laisse le rôle le plus important, Foll, » répondit Zagan.
« Le plus important…, » répéta Foll.
Les yeux de Foll brillaient face à ces mots.
« J’ai besoin que tu pièges Raphaël et Orias pour qu’ils ne sachent pas ce qui se passe ici. Et aussi, traite avec Raphaël pour que Shax ne soit pas tué, » demanda Zagan.
« J’ai compris, » répondit Foll avec joie.
« Je suis entre vos mains, ma petite dame, » déclara Shax avec un sourire amer. « Ce ne sera vraiment pas drôle si je meurs de ça. »
Shax parlait comme si le lieu où il allait mourir était déjà déterminé, et l’expression de Kuroka s’était assombrie.
J’aimerais que ces deux-là se réconcilient maintenant… Il ne pouvait pas simplement dire à Kuroka de céder puisque tout était de la faute de Shax, mais il ne pensait pas que leur dispute durerait plus d’un mois. Il semblerait que les deux individus cherchaient une occasion de tenir une véritable conversation et ne pouvaient pas trouver cette occasion.
« Et alors ? » Kuroka secoua la tête comme pour rejeter de telles pensées, puis regarda Zagan dans les yeux. « Pourquoi vouliez-vous me consulter, Monsieur ? »
« Oh, c’est vrai. Kuroka, tu es essentiellement une chevalière angélique, n’est-ce pas ? » demanda Zagan.
Les cait siths possédaient une énorme quantité de mana et étaient une espèce rare capable de provoquer des miracles comme le mysticisme, aussi instable soit-il, mais Kuroka n’étudiait pas la sorcellerie. Ses compétences en matière d’épée étaient classées comme celles d’un chevalier angélique.
« Umm, je ne suis pas sûre que vous puissiez appeler les membres d’Azazel que…, » déclara Kuroka.
« Hm, c’est pourquoi je pensais t’accorder un pouvoir digne d’un chevalier angélique, » déclara Zagan.
« Le pouvoir d’un chevalier angélique ? » répéta Kuroka.
Le ciel sans lune de Kuroka était un trésor sacré de Liucaon qui rivalisait avec les épées sacrées, mais les épées sacrées n’étaient pas ce dont les chevaliers angéliques étaient principalement armés.
« Veux-tu dire… ? » Néphy semblait comprendre où il voulait en venir.
Zagan n’avait pas répondu et lui avait simplement souri en réponse. Le symbole du pouvoir de l’Église était les épées sacrées. Cependant, il y avait des centaines, voire des milliers de Chevalier Angélique. Ce n’était pas les épées sacrées qui avaient comblé le fossé entre les sorciers et ceux qui les combattaient. Et Kuroka ne possédait même pas cet équipement commun, mais elle pouvait combattre un Archange sur un pied d’égalité. Alors, que se passerait-il si on lui accordait un tel pouvoir après qu’elle ait recouvré la vue ? Même en tant qu’Archidémon, cette question avait piqué la curiosité de Zagan.
◇◇◇
« Vous autres, qu’est-ce qui ne va pas ? Ne pouvez-vous même pas toucher une seule fois un homme blessé !? »
Cela se déroulait au siège de l’Église dans la ville sainte de Raziel. Un jeune chevalier angélique avec un bandage enroulé autour d’un de ses bras avait rugi sur les jeunes hommes qui se trouvaient devant lui sur le terrain d’entraînement. Ils étaient trois à lui faire face, et chacun était armé d’une grande épée en bois. La plus grande force dans l’Église était les Archanges, et même s’ils étaient en plein entraînement, ils étaient tous revêtus de leur Armure Sacrée pour s’entraîner au combat réel.
Stella avait regardé cela de loin avec un regard empli d’ennui. Elle avait les cheveux cramoisis et un œil gauche cramoisi pour correspondre. Son autre œil était argenté et artificiel, mais sa longue frange le recouvrait. Elle était plutôt grande pour une femme, mais encore plus petite que les autres chevaliers.
Stella ne portait pas l’Armure Sacrée. Elle portait au contraire la tenue de cérémonie standard d’un membre de l’Église, bien que son col soit défait. Elle se reconnaissait comme une sorcière, mais son professeur Andrealphus l’avait amenée à l’Église pour une raison inconnue, en tant que la prochaine héritère de son épée sacrée. Pour cette raison, elle devait porter des vêtements aussi étouffants tout en regardant cet entraînement ennuyeux tous les jours. Elle avait choisi de ne pas porter l’Armure Sacrée simplement parce qu’elle était étouffante.
Après avoir simplement laissé échapper un énorme bâillement, la petite fille assise à côté d’elle la regarda avec anxiété. C’était la petite sœur qu’elle avait récupérée dans son ancien repaire de Kianoides, Lisette.
« Ne devrais-tu pas entraîner ? » demanda Lisette.
« Tu es une fille si sérieuse et si bonne, Lisette. Je suis un peu mauvaise avec une épée, mais quand même, les gars ici ne sont pas bons comme partenaire d’entraînement, » répondit Stella.
Elle avait envoyé tout le monde à l’hôpital dès son premier jour d’exercice, ce qui lui avait valu une bonne réprimande de la part d’Andrealphus pour ne pas s’être retenu. Elle s’était donc abstenue d’y participer depuis lors. Même les jeunes chevaliers angéliques étaient devenus complètement terrifiés par elle et refusaient même de la regarder dans les yeux.
Le type qui s’occupe un peu de leur entraîneur pourrait cependant faire mieux. Il s’appelait Arvo Juutilainen ou quelque chose comme ça. Il s’agissait de la moitié de l’équipe qui avait fait en sorte que Zagan utilise même l’écaille du ciel oriental. Son frère avait déjà guéri et était retourné sur le terrain, il n’était donc pas présent aujourd’hui.
Il avait assez de potentiel pour devenir un jour aussi fort que Chastille ou Kuroka, mais il avait malheureusement été blessé. Non seulement cela, mais son bras dominant était aussi celui qui était enveloppé de bandages, de sorte qu’il ne pouvait vraiment pas lui servir de partenaire d’entraînement. Elle s’était dit que ce ne serait pas terrible de jouer avec lui un peu après sa guérison.
En tout cas, son professeur lui avait ordonné de s’engager à suivre une formation de candidate pour être l’un des prochains Archanges, mais elle n’avait rien d’autre à faire que de s’entraîner aux frappes, si bien qu’elle s’ennuyait à l’infini. De plus, celui qui l’avait forcée à venir ici avait des affaires à régler et il avait quitté la ville. C’était tout simplement intolérable.
C’est bien plus amusant de faire des recherches sur la sorcellerie au château… Cependant, on lui avait dit de ne pas agir d’une manière qui l’exposerait en tant que sorcière, de sorte qu’elle ne pouvait même pas lire un grimoire. Elle pensait sincèrement que c’était une perte de temps totale.
« De toute façon, nous n’avons rien à faire, alors pourquoi ne pas sortir et aller chercher des bonbons ? » demanda-t-elle.
« Hm ! »
Et juste au moment où elles s’étaient levées…
« Hé, c’est Ginias. »
« Bon sang, Junior... Ses blessures vont-elles vraiment bien maintenant ? »
Les jeunes chevaliers angéliques s’étaient mis à murmurer entre eux. En regardant l’agitation, Stella aperçut un chevalier angélique assez jeune pour être appelé un gamin à l’entrée du terrain d’entraînement. Il s’agissait de Ginias Galahad II. C’était l’Archange qui était à la tête des douze Archanges. Il avait une épée sacrée à la hanche et portait son armure sacrée. Il n’avait pas l’air du tout prêt à se remettre sur pied, comme si on lui avait simplement dit de venir et de se montrer.
***
Partie 6
Oh, c’est le gamin que Zagan a intimidé… C’était un peu inévitable vu leurs positions, mais ce garçon avait été à la fois trahi par quelqu’un en qui il croyait et complètement et totalement écrasé. En effet, c’était une situation difficile pour un garçon de treize ans. Arvo avait également arrêté son entraînement et avait regardé Ginias avec un regard inquiet.
« Seigneur Galahad. Êtes-vous également ici pour participer à une formation ? »
« … Formation ? » Ginias répondit d’un ton étourdi comme s’il ne savait même pas que c’était le terrain d’entraînement. C’était comme s’il était là en corps, mais pas en esprit, comme s’il était encore au plus profond du désespoir. Un mois s’était écoulé depuis l’incident dans la salle aux trésors, mais il semblait qu’il était dans cet état depuis lors. Arvo n’avait aucun moyen de le réconforter dans un tel état.
« Hmm… » Stella se retourna et ramassa une des épées en bois qui gisaient sur le sol.
Je suppose que c’est à la grande sœur de nettoyer le désordre laissé par son petit frère. Elle s’était alors soudainement dirigée vers le garçon désemparé.
« Lady Diekmeyer… ? »
Pour l’instant, Stella était traitée comme Andrealphus… enfin, l’enfant illégitime de Michael Diekmeyer. Honnêtement, elle était extrêmement réticente à l’idée de l’appeler son père, mais c’était plus pratique de cette façon, alors elle avait dû le supporter. De toute façon, Stella n’avait jamais eu de nom de famille, donc elle s’en fichait.
Après s’être approchée de Ginias, elle s’était penchée pour correspondre à sa taille et elle avait souri.
« Hein… ? » Ginias la regarda d’un air perplexe, montrant qu’il était bien conscient.
« Salut. Tu te souviens de moi ? On ne s’est rencontrés qu’une fois, alors peut-être pas, » déclara Stella.
« … Je m’en souviens. Vous êtes la fille du Seigneur Diekmeyer, n’est-ce pas ? J’ai entendu dire que vous alliez être le prochain Archange, » répondit-il.
« C’est à peu près l’essentiel. »
Stella n’était pas habituée à de telles formalités, laissant un sentiment de démangeaison ramper dans son dos.
« Quoi qu’il en soit, c’est comme ça, » déclara Stella.
Et une fois les présentations terminées, Stella avait montré l’épée en bois dans sa main droite.
« Hein… ? »
Elle avait visé son visage abasourdi et avait impitoyablement fait tomber son épée. Un bruit sourd retentit dans la zone.
« … Qu’est-ce que vous faites ? » s’écria Ginias.
Ginias avait à peine bloqué la frappe avec la poignée de son épée.
« Hein ? » répondit Stella avec un regard vide. « Tu as regardé vers le sol, alors j’ai pensé te donner une excuse pour aller te reposer. »
Le garçon avait interprété cela comme un affront contre lui et avait serré ses molaires.
« Je… je suis… Je ne suis pas si faible ! » s’écria-t-il.
Il avait alors repoussé son épée en bois et avait utilisé l’élan pour dégainer sa lame. Ce n’était pas une épée en bois, mais l’épée sacrée qu’il avait à la taille.
« Qu’est-ce que vous croyez faire ? Arrêtez ça, Junior ! »
« Ahahah, c’est bon. Ne t’inquiète pas. »
Arvo avait essayé d’arrêter Ginias, mais Stella avait levé la main pour l’arrêter et avait donné un coup de pied impitoyable au jeune garçon.
« Les garçons ne peuvent pas faire une tête comme ça tout le temps, d’accord ? » continua Stella.
Sa tête n’était pas protégée par l’Armure Sacrée, et Stella lui avait donné un coup de pied juste là sans se retenir. Ginias s’était fait renvoyer en arrière et avait tournoyé sur le sol comme un ballon. Ce spectacle avait complètement choqué les jeunes hommes qui étaient en plein entraînement.
« Vous plaisantez… Elle a foncé plus vite que Ginias alors qu’elle n’était pas armée… et qu’elle n’était pas renforcée ? »
Les Chevaliers angéliques ne pouvaient rivaliser avec les sorciers en termes de capacités physiques qu’une fois qu’ils avaient revêtu leur Armure Sacrée. Ils avaient apparemment qualifié de non amélioré le fait de ne pas en porter une, mais Ginias portait bien sûr son Armure Sacrée. Le choc des autres chevaliers angéliques était parfaitement compréhensible.
Zagan et cette fille Kuroka seraient au moins capables de faire cela… Elle ne s’était jamais vraiment battue contre Kuroka… ou plus précisément, ses souvenirs de cette époque étaient flous. À l’époque, Kuroka ne portait rien de plus qu’un maillot de bain, et pourtant elle avait été capable de couper le bras de Decarabia. Même Chastille, qui combattait dans les mêmes conditions n’était capable que d’infliger des blessures superficielles. Si cette fille-chatte devait porter une Armure Sacrée, elle serait sûrement encore plus forte. Stella l’avait évaluée comme surpassant même Michael en matière d’habileté à l’épée.
« Que savez-vous de moi ? » Ginias avait rugi en se remettant debout.
« Pour le dire franchement, rien ? Tu n’arriveras à rien en te forçant à être tout à fait déraisonnable quand tu es en bas comme ça, d’accord ? Arrête de te forcer et va dormir. »
« Je ne me force pas ! » cria Ginias.
Elle semblait avoir touché un point sensible. Ginias avait jeté son épée sacrée et était arrivé en chargeant avec ses poings. Stella lui rendit son sourire et dévia son coup de poing d’un mouvement léger.
« Hwah !? »
Sa posture s’était brisée et son poing avait continué à s’enfoncer dans le sol. Un bruit sourd résonna dans la zone alors que le pavé de pierre se brisait.
Sa forme a encore un long chemin à parcourir, mais c’est un joli coup de poing. Même avec un entraînement, le coup de poing d’un garçon de treize ans n’aurait pas dû avoir d’effet sur le sol. Même sans son épée sacrée, il possédait assez de force destructrice derrière son coup de poing pour battre à mort le sorcier ou le monstre moyen. C’était la force accordée à un chevalier angélique par leur Armure Sacrée. C’est ce qui leur permettait de se battre à armes égales avec les sorciers. Le fossé entre les humains ordinaires et les sorciers était tout aussi grand.
Le coup de poing de Ginias ne reposait pas non plus entièrement sur son Armure Sacrée. Avec un bon entraînement, il pouvait devenir assez puissant même s’il n’était pas amélioré. Stella l’apprécia en tant que telle et déclencha un rire.
« Non, ce n’est pas bon. Tu ne peux même pas me frôler avec ce genre de coup de poing, et encore moins Zagan, » déclara Stella.
Il avait du talent, mais il était encore comme du minerai brut. Une pierre aussi peu polie ne valait pas grand-chose.
Mais… Je suppose que j’ai aussi besoin de formation… À l’époque, Stella était censée être la plus forte dans un combat. Mais avec cinq ans de souvenirs perdus et la distinction entre les sexes qui créaient un fossé à l’âge adulte, elle sentait qu’elle aurait beaucoup de mal à gagner un combat contre Zagan. Il n’y avait pas de plaisir dans un combat où la victoire était impossible, même s’il ne s’agissait que de bagarres entre frères et sœurs.
Cependant, cela ne s’appliquait que si son adversaire avait une compétence équivalente à celle de Zagan ou de Marc. Il n’y avait personne ici qui pouvait surpasser Stella en termes d’arts martiaux. Cela dit, son poing se briserait si elle frappait l’Armure Sacrée sans recourir à la sorcellerie.
Ginias avait encore une fois frappé avec ses poings, mais cette fois-ci, Stella avait doucement saisi sa main et l’avait tordue comme une poignée de porte. Le garçon avait tourné en l’air avec un regard sur son visage comme s’il n’avait aucune idée de ce qui se passait.
« Urgh ! »
Son dos s’était écrasé sur le sol, mais il avait immédiatement sauté sur ses pieds.
« Oh ! Continue comme ça ! Continue comme ça ! » On aurait dit qu’elle se moquait de lui, mais c’était la façon dont Stella essayait de lui remonter le moral.
Je peux comprendre pourquoi Zagan a fait attention à lui… Il était maladroit et direct, tout le contraire de Stella et Zagan, qui étaient tordus à la base depuis leur enfance. Peut-être que pur était le terme correct pour le décrire. Si elle avait rencontré ce garçon quand elle avait eu son âge, elle aurait sûrement ressenti de la répulsion, ou complètement oublié son existence. Mais à vingt ans, elle avait ressenti de l’admiration pour lui. Bref, elle ne pouvait pas vraiment le négliger et voulait d’une manière ou d’une autre s’occuper de lui.
Après l’avoir frappé et jeté encore plusieurs fois, lui couvrant le visage de sang et de saleté, Ginias était arrivé en effectuant une charge à toute allure.
« Wôw ? »
« Sœur ! »
Stella n’avait pas pu se dégager et était tombée par terre, la tête en bas.
Oh. N’est-ce pas un peu mauvais de monter ici ? Elle ne pourrait pas continuer à esquiver les coups de poing éternellement dans cette position. Elle mourrait sûrement si elle prenait un coup de poing sans utiliser la sorcellerie pour se protéger. Elle s’était mise en garde, mais Ginias était resté là à s’accrocher à elle et n’avait pas donné de coups de poing.
« Je ne suis pas… Je ne me force pas, » balbutia Ginias.
Il semblait être à bout de forces après avoir été battu comme un chiffon. Des larmes coulaient de ses yeux alors qu’il se répétait sans cesse. Stella était restée par terre et elle lui avait brossé doucement la tête.
« Te sens-tu un peu mieux maintenant ? » demanda Stella.
« Hein… ? » Ginias la regarda avec étonnement.
« Il n’est pas nécessaire d’être si bien élevé juste parce que tu es un enfant, » déclara Stella.
Les enfants ne tarderaient pas à piquer des colères et à trouver irrationnellement des défauts à tout ce qui les entourait. Ils étaient capables de se maintenir dans une certaine santé mentale en le faisant. Le fait de s’agiter et de crier sur les angoisses et l’amertume qui était assez lourde pour l’écraser leur avaient sûrement servi de bonne diversion. Ce serait un problème pour un homme adulte de le faire, mais Ginias était encore un enfant. C’était bien pour lui de tout laisser sortir comme ça.
Et alors qu’elle lui souriait, Ginias avait commencé à rougir pour une raison quelconque.
« Uhhh, um, bien… »
Après cela, ayant jugé que les combats étaient terminés, Lisette était venue en courant et avait arraché Ginias par le col de toutes ses forces.
« Hein… ? »
« N’intimidez pas ma grande sœur ! » cria Lisette.
Lisette étendit les bras et se plaça devant Ginias. Et pour une raison quelconque, Ginias s’était complètement figé en voyant son visage.
« Quoi !? Tu… Tu es…, » balbutia Ginias.
« Hein ? N’est-ce pas Junior qui a été brutalisé ? »
« Il s’est totalement fait tabasser… »
« Je suis un peu jaloux… »
« Hein ? »
La perplexité de Ginias avait été noyée par trois autres voix confuses. Stella sentit que quelque chose d’étrange se mêlait à ce murmure, mais décida de l’ignorer et se remit debout.
« Je ne suis pas intimidée, d’accord ? C’était, euhh… de l’entraînement ? » dit-elle en posant sa main sur la tête de Lisette. Mais sans aucun moyen de la convaincre, Lisette continua à dévisager Ginias, même si c’était un malentendu. Il avait fini par reprendre ses esprits et il s’était mis à réfléchir.
« Non, vous êtes quelqu’un d’autre… Désolé. Ce n’est pas une façon de traiter une dame. J’ai même dégainé mon épée sacrée…, » balbutia Ginias.
« Ahaha, c’est bon, c’est bon. C’est moi qui ai commencé. Allez, peux-tu te lever ? » demanda Stella.
Stella tendit la main, et Ginias la saisit timidement tout en détournant son regard. Après s’être enfin remis sur pied, il avait l’air beaucoup plus vivant qu’avant. Stella était juste curieuse, mais il semblerait que ses efforts se soient avérés utiles.
Ginias ramassa son épée sacrée, puis il baissa la tête.
***
Partie 7
« Je dois vous remercier une fois de plus. J’ai l’impression de m’être réveillé, » déclara Ginias.
« C’est bien, alors. Bon, on y va, Lisette, » déclara Stella.
Elle avait promis d’aller chercher des bonbons. Et alors qu’elle allait prendre congé, Ginias l’appela une fois de plus.
« A-Attendez ! Comment êtes-vous devenue si forte malgré le fait que vous soyez une femme ? Vous ne portez même pas l’Armure Sacrée… Alors comment ? » demanda Ginias.
Stella et Lisette avaient regardé l’autre.
« Même si tu me le demandes… J’ai été sans-abri pendant longtemps, donc je suppose que c’est juste une sorte de sens normal de l’autodéfense ? En fait, il y a beaucoup de jeunes de là-bas qui étaient relativement bons à ça, y compris Zagan, » déclara Stella.
« Je ne peux pas faire ce genre de choses, sœurette. Mais j’ai un peu appris de l’Archidémon, » déclara Lisette.
« Et alors ? Et si je t’apprenais plus tard ? » demanda Stella.
« Hm ! »
Les deux filles s’étaient souri, laissant Ginias sous le choc.
« Attendez un instant ! Venez-vous de dire Zagan ? Êtes-vous lié à cet homme maléfique ? » demanda Ginias.
« Maléfique ? Ce n’est pas un saint ou quoi que ce soit du genre, mais nous étions tous les deux juste des enfants abandonnés dans la ville, tu sais ? Il est un peu comme mon petit frère, » répondit Stella.
« E-Enfants abandonnés… ? Cet homme… ? Et vous aussi !? » demanda Ginias.
Ginias avait été laissé avec la bouche grande ouverte.
« Nous n’étions que des mômes qui volaient du pain et se faisaient battre tout le temps, » expliqua Stella.
C’était vraiment une bande de tapageurs. Les adultes qui les entouraient les battaient, mais comme ce n’étaient que des enfants, personne n’était allé jusqu’à leur enlever la vie. C’est peut-être pour cette raison que Zagan et Stella étaient tous deux tendres avec les enfants. Stella avait éclaté de rire, et Ginias s’était soudain précipité vers elle.
« Je vous en prie. Apprenez-moi à me battre. Je veux… Je veux devenir fort, » supplia Ginias.
« OK, » répondit Stella avec joie.
« S’il vous plaît, d’une manière ou d’une autre… hein ? » Ginias était une fois de plus complètement stupéfait.
« Tu veux t’entraîner, non ? Ça ne me dérange pas. Mais je ne suis pas vraiment douée avec les épées, alors je ne suis pas sûre que ça te fasse du bien, » déclara Stella.
En tout cas, Stella n’avait personne avec qui se battre, elle avait donc une tonne de temps libres. Ce garçon était capable d’utiliser la Confession tout comme Andrealphus, donc c’était probablement bien pour Stella de le combattre sérieusement.
« Je vous suis redevable ! » déclara Ginias.
« Oh, mais avant cela. » Stella avait forcé un sourire comme si elle en avait assez de tout ça. « On peut le faire plus tard ? On va aller chercher des bonbons. »
« … J’aimerais venir avec vous ! » déclara Ginias.
Lisette avait l’air malheureuse, mais Ginias avait suivi humblement pour une raison quelconque.
« Ah… Finissons notre formation ici pour aujourd’hui, » et ainsi, la voix épuisée d’Arvo résonna inutilement derrière eux.
◇◇◇
« Hein !? Je viens de sentir l’éclosion d’un tout nouveau pouvoir de l’amour ! »
Au loin, à Kianoides. Gremory, vêtue d’une robe à froufrou et pelucheuse avec un ruban de dentelle autour du cou, sous la forme d’une jeune fille, s’était soudain mise à crier avec une expression inhabituellement grave. Elle avait un panier rempli de plats de cuisine à son coude.
« Argh. J’ai même senti deux explosions du pouvoir de l’amoureux au château tout à l’heure. Quel échec de les avoir manqués ! » s’exclama Gremory.
« Miss Gremory, nous avons un client avec un enfant ! S’il vous plaît, donnez-leur un cookie ! »
« Bienvenue dans le magasin de vêtements Prycula ! Prenez un cookie ! »
Kuu avait fait le tour du magasin en appelant Gremory, qui avait sorti un biscuit de son panier avec un sourire amical. La vendeuse aviaire, Manuela, regardait ça avec un air étonné, son coude appuyé contre le comptoir.
« Camarade. Si tu es si affamée de pouvoir de l’amour, ne devrais-tu pas déjà retourner au château ? » demanda Manuela.
« Keeheehee. Je ne peux pas y retourner tant que mon professeur est là, n’est-ce pas ? Je vais certainement me faire tuer cette fois, » répondit Gremory.
Gremory s’était effondrée, les larmes aux yeux. Ce jour-là, il y a un mois, Gremory avait fait pleinement usage de son pouvoir omniscient pour sentir la visiter d’Orias et pouvoir s’enfuir. Elle s’était si bien enfuie que même deux Archidémons ne pouvaient pas la percevoir.
C’était bien de s’être échappée proprement et tout, mais elle n’avait jamais pensé qu’Orias resterait dans le château après. À cause de cela, Gremory était coincée à passer ses nuits enfermées à l’intérieur du palais de l’Archidémon tout en tremblant de peur, et elle passait ses journées à traîner dans cette boutique dans l’espoir de satisfaire sa soif de pouvoir de l’amour, même si ce n’est qu’un peu.
« Sois maudite, sois maudite, sois maudite… Je ne pensais pas que tu resterais un mois entier. Je suppose que c’est vraiment inondé par le pouvoir de l’amour, donc je comprends l’envie de rester, mais ne détestes-tu pas être entouré de gens !? Retourne maintenant dans la forêt ! » déclara Gremory.
« Le château de Zagan se trouve également dans une forêt, » répliqua Manuela.
« Alors, le seul choix est de mourir ! Keeheehee ! » s’écria Gremory.
« Je m’en fiche, puisque je dois t’habiller et tout ça, » déclara Manuela.
« Pourriez-vous déjà vous remettre au travail ? » Le cri désespéré de Kuu avait résonné dans toute la boutique, mais cela n’avait pas atteint les deux adultes désespérés.
Manuela était dans le commerce. En échange de l’hébergement de Gremory pendant la journée, elle la faisait servir ses clients en portant les vêtements de son choix comme une poupée habillée. Manuela était probablement la seule capable de réduire l’enchanteresse Gremory, que l’on pourrait même appeler le bras droit de Zagan, à un tel état.
Après que Gremory ait fini de décharger son ressentiment envers son professeur, Manuela avait tourné vers elle un sourire radieux.
« Hmhmm. Camarade. Ensuite, essaie de porter ça ! C’est un nouveau produit pour le printemps. Oh, s’il te plaît, passe à une vingtaine d’années, » demanda Manuela.
Manuela avait sorti un justaucorps serré qui était exposé à partir des épaules, des bas et d’un bandeau avec des oreilles de lapin.
« Hmm ? Cette tenue semble certainement posséder un pouvoir de l’amour, » déclara Gremory.
« Je savais que tu comprendrais. Il nous a été commandé à l’origine pour servir d’uniforme pour un casino à Raziel, mais je pensais qu’il se vendrait certainement, alors j’en ai fait faire pour ici aussi ! » expliqua Manuela.
« C’est merveilleux ! Je dois immédiatement voir les jeunes filles porter cela ! »
… Jamais.
Kuu avait immédiatement effacé sa présence et s’était assimilée au décor de la boutique. Son invisibilité était à un niveau tel que Kimaris serait surpris de pouvoir la trouver. Il se pouvait qu’un tout autre talent que celui de la sorcellerie ait germé en elle après avoir travaillé si longtemps dans cette boutique.
En tout cas, après avoir passé un mois ici, Gremory était déjà habituée aux exigences de Manuela. La capacité de la vendeuse à changer les vêtements de quelqu’un d’autre faisait même honte aux sorciers. Gremory avait pris la forme d’une belle femme et était déjà dans ses nouveaux vêtements.
« Keehee, je suis sûre qu’un fort pouvoir d’amour se dégagerait si Lady Néphy les portait devant mon suzerain. Je ne peux pas m’empêcher de baver rien qu’en y pensant ! » déclara Gremory.
« Heehee, voilà bien la camarade Gremory ! Tu les portes magnifiquement ! Mais s’il te plaît, fais une expression un peu plus appropriée pour une jeune fille. Je suis sûre que Kimaris te fera beaucoup d’éloges aujourd’hui ! » déclara Manuela.
« Keeheehwah !? Où est-il ? » demanda Gremory.
« C’est ça ! C’est l’expression ! » s’exclama Manuela.
Gremory se couvrit la poitrine par réflexe, et c’était maintenant Manuela qui fut extrêmement stimulée.
Quelle femme terrifiante ! Mais c’est ce qui fait d’elle ma camarade ! Gremory avait fini par devenir son jouet tout d’un coup, mais la compréhension du pouvoir de l’amour de Manuela avait probablement même dépassé celle de Zagan. Gremory la considérait même comme une amie éternelle. En tout cas, son sens du style était exceptionnel.
« Camarade Manuela. J’aimerais en commander quelques-uns pour mon usage personnel, » déclara Gremory.
« Bien sûr, camarade Gremory. Tu en veux une de la taille de Néphy et une de celle de Kuroka, n’est-ce pas ? » demanda Manuela.
« Oui, et une pour Lady Lilith. D’après mes sens, cette fille aurait honte de porter ce genre de vêtements malgré le fait qu’elle s’habille tout le temps comme une prostituée. J’ai l’impression que Lady Nephteros me montrerait aussi une bonne réaction dans ce sens, » déclara Gremory.
« Après tout, la honte est le summum du pouvoir de l’amour ! » déclara Manuela.
« Oui ! Le pouvoir de l’amour ! » déclara Gremory.
« C’est un non évident. Mais qu’est-ce que vous faites ? »
Après avoir donné un high five à Manuela, l’arrière de la tête de Gremory avait été soudainement saisi et elle avait été soulevée en l’air.
« Oh, mon Dieu, ça fait longtemps que je n’ai pas vu Zagan, » déclara Manuela.
Gremory ne pouvait pas regarder derrière elle, la tête écrasée et figée, souriant avec une sueur froide qui coulait sur son front.
« Hmm ? Vous avez donc amené Néphy et Kuroka aujourd’hui ! » dit Manuela avec un sourire éclatant.
« Oui. Merci de t’occuper de Miss Gremory, » déclara Néphy.
« … Hum, veuillez annuler la commande de ces vêtements, » déclara Kuroka.
Néphy semblait déjà parfaitement habituée à cela, tandis que Kuroka se cachait derrière elle en tremblant. À sa demande, Manuela ne pouvait que hocher la tête avec une expression douce.
« Je vois. La volonté de la personne en question est importante, hein ? » déclara Manuela.
« Je suis heureuse que vous soyez —, » commença Kuroka.
« Vous avez déjà des oreilles et une queue de chat, alors nous devrions en faire le meilleur usage et opter plutôt pour une fille chatte ! » déclara Manuela.
Kuroka pâlit et se cacha complètement derrière Néphy.
« Sauve-moi, Néphy, » supplia Kuroka.
« Bon sang, Manuela. Arrête de la taquiner, s’il te plaît, » déclara Néphy.
« Hahahaha. Désolée, c’est de ma faute. Zagan m’a laissé jouer avec elle autant que je le voulais la dernière fois, » répondit Manuela. Puis, elle avait regardé de plus près le visage de Kuroka et avait ajouté. « Hmmm, donc vous pouvez vraiment voir maintenant. C’est bien pour vous, Kuroka. »
« Oh, umm… Oui. Merci…, » déclara Kuroka.
Kuroka savait que ses mots venaient du cœur, alors elle avait timidement fait un signe de tête en réponse. Gremory voulait applaudir un moment aussi touchant, mais elle s’était plutôt adressée à celui qui se trouvait derrière elle avec un sourire étriqué.
***
Partie 8
« Umm, mon seigneur. Comment avez-vous su que j’étais ici ? » demanda Gremory.
« J’ai demandé à Kimaris et il m’a dit que tu serais là pendant la journée, » répondit Zagan.
« Sois maudit, Kimaris… Espèce de traître ! »
Gremory commença à s’agiter violemment tandis que Zagan transmettait ses ordres sans cœur.
« Plus importants encore, tes pouvoirs sont nécessaires. Reviens maintenant, » ordonna Zagan.
« Keehee, c’est impossible tant que mon professeur est — ai ! »
Zagan avait soudainement laissé tomber Gremory et elle était tombée sur son derrière. Elle était sur le point de prétendre qu’il y avait des demandes auxquelles elle ne pouvait pas répondre même si cela venait de son roi, mais avant qu’elle ne le puisse, Zagan l’avait libérée pour une raison quelconque. En le regardant, il haussait malheureusement les épaules.
« Je vois. Eh bien. Je vais essayer quelqu’un d’autre, » déclara Zagan.
« Hein… ? Vraiment ? » demanda Gremory.
« Ce n’est pas un travail que l’on impose à mes subordonnés. Cela ne sert à rien de te dire de faire quelque chose que tu refuses de faire, » déclara Zagan.
Sa déclaration totalement inattendue l’avait abasourdie, mais malgré cela, Gremory était ravie d’être libérée.
« Keehee, ça, c’est mon suzerain. Je vous remercie de votre générosité, » déclara Gremory.
« Mais… est-ce que cela te convient vraiment ? » demanda Zagan.
Le corps de Gremory avait été secoué par les paroles suggestives de Zagan.
« Que voulez-vous dire… ? » demanda Gremory.
« Non, oublie ça. Ce n’est pas mon hobby de forcer un subordonné réticent, » déclara Zagan.
Elle pouvait sentir un léger soupçon de pouvoir de l’amour dans chaque mot qu’il prononçait. Gremory pouvait le dire. Ce roi était sur le point de déclencher quelque chose qui ferait jaillir le pouvoir de l’amour à l’infini, comme elle le souhaitait. Cependant, elle savait que si elle cédait ici, elle devrait faire face à son professeur, qu’elle le veuille ou non. Son roi était un véritable Archidémon. Et ne pouvant plus résister aux doux murmures du diable, Gremory cria.
« Arrêtez ça ! Dites-moi juste ce que vous comptez commencer ! »
Zagan la regarda avec une expression de compassion comme s’il avait pensé qu’elle resterait simplement silencieuse.
« Ce n’est rien de majeur, » dit-il en soupirant. « J’ai juste pensé que je pourrais faire un grand bain que tous mes subordonnés pourraient utiliser en même temps. »
Gremory doutait de ses oreilles.
« Hein ? Un bain ? » demanda Gremory.
« Hm. Après tout, Lilith a récemment demandé un bain que tout le monde pourrait utiliser ensemble, » expliqua Zagan.
Un tel plan, avec un tel timing. Gremory avait immédiatement su qu’il s’agissait de rendre hommage à Orias tout en offrant un moyen de réconciliation entre Shax et Raphaël.
Un grand bain… que tout le monde peut utiliser ensemble… ? Des jeunes filles qui gloussent et bavardent en se lavant le corps, en prenant un bain et en rougissant d’histoires d’amour, en les surprenant par inadvertance en train de se changer… C’était un creuset du pouvoir de l’amour qui naissait de leur absence de défense. C’était un grand bain.
Soyez maudit ! Soyez maudit ! Soyez maudit ! Soyez maudit ! Gremory cria doucement de désespoir, puis posa ses mains sur le sol d’une manière complètement crescendo.
« S’il vous plaît… permettez-moi… de travailler au château…, » supplia Gremory.
Son esprit avait été écrasé en quelques secondes seulement. Laisser passer un événement qui lui était pratiquement destiné revenait à choisir la mort. Même si Zagan devait réaliser ce plan sans l’inviter, elle mourrait de choc ou se révolterait contre lui.
Zagan n’avait dès le début pas eu d’autre choix que de l’inviter, et elle n’avait eu d’autre choix que d’accepter. En d’autres termes, Gremory avait perdu face au destin. C’était parce qu’elle n’avait pas pu trahir le pouvoir de l’amour.
◇◇◇
« Bon, mettons Gremory de côté. Manuela, je veux que tu choisisses de nouveaux vêtements pour Kuroka, » ordonna Zagan.
Zagan avait complètement négligé Gremory, qui était accroupie sur le sol en marmonnant et s’était tournée vers Manuela. Par ailleurs, Kimaris protégeait le palais de l’Archidémon. Même si Shere Khan n’avait pas bougé depuis un mois, ils ne pouvaient pas desserrer leurs défenses autour du Palais de l’Archidémon alors qu’ils étaient en hostilité ouverte avec lui.
« Hnnngh ! » Manuela avait gémi alors que ses ailes vertes battaient. « Alors je peux jouer avec Kuroka autant que je veux encore !? Avec plaisir ! »
« Mince, Kuroka a vraiment peur, alors s’il te plaît, arrête ça, » insista Néphy.
Il y a quelques mois à peine, Kuroka était devenue un jouet ici lorsque Zagan avait acheté ses vêtements. Elle avait même les larmes aux yeux en s’accrochant au dos de Néphy. Zagan avait vraiment envie de la protéger quand elle agissait comme ça.
« Kuroka ! Fuis ! »
Juste à ce moment, une fille vulpine avait surgi.
Hein ? D’où vient-elle ? Je ne l’ai pas du tout sentie. L’invisibilité de Kuu en essayant d’échapper à Manuela avait même dépassé la perception d’un Archidémon. On avait l’impression que cette vendeuse élevait des espions ou quelque chose comme ça entre Gremory et Kuu. Si Kuroka était ajoutée au mélange, il était probable qu’ils seraient capables de voler des informations, même dans les châteaux des Archidémons, non pas que Zagan ait eu l’intention de faire faire une telle chose à des civils.
« Kuu ? Pourquoi… ? » demanda Kuroka.
« Kuu y est habitué. Alors c’est bon… ! » déclara Kuu.
La jeune fille tremblait alors qu’elle essayait courageusement de protéger Kuroka, et Zagan lui avait posé la main sur l’épaule avec un regard qui semblait la comprendre parfaitement.
« Désolé, mais j’ai encore des affaires à régler après cela. Laisse-le pour plus tard, » déclara Zagan.
« Zagan, espèce de diable ! » Manuela protesta. Avec Néphy, Kuu et même Zagan qui la bloquaient, elle ne pouvait pas traiter Kuroka comme un jouet. Elle avait l’air insatisfaite, mais elle avait quand même récupéré quelques vêtements en un instant.
« Kuroka est la fille de Sire Raphael, n’est-ce pas ? Alors, que dites-vous de ça ! C’est un uniforme militaire de style majordome de Liucaon, » proposa Manuela.
Manuela avait des vêtements noirs dans ses mains. Ils ressemblaient un peu aux uniformes de l’Église, mais à en juger par le pantalon qui différait de celui que Chastille portait avec son uniforme, il était clair qu’il était destiné aux hommes. Les manches et les poignets étaient également froufroutés et longs, donnant un aperçu des motifs caractéristiques de Liucaon. Lorsqu’il était associé à une épée, il ressemblait vraiment à un uniforme militaire. Manuela avait vraiment bon goût.
« Hm. » Zagan avait fait un signe de tête. « Je vois. Donc ça correspond aux vêtements de Raphaël. Pas mal. »
« N’est-ce pas ? »
« Objection ! »
Au moment où Zagan s’apprêtait à demander l’avis de Kuroka, Gremory s’était sortie de son état de cadavre et s’était relevée.
« Lady Kuroka devrait porter de jolis vêtements qui donnent envie de lui donner des bonbons et de la caresser ! Je vous propose ces vêtements de bonne de style yukata de Liucaon ! » proposa Gremory.
Gremory avait sorti un kimono avec un motif calme associé à un tablier à froufrous. Il semblait être une variation du yukata que le groupe portait sur l’île inhabitée près de Liucaon. Il n’avait pas l’éclat de l’uniforme militaire, mais il donnerait vraiment envie de vouloir protéger encore plus Kuroka si elle devait le porter.
Manuela et Gremory s’étaient regardées et elles avaient commencé à crier.
« Tu me déçois, camarade Gremory. La seule scène qui me vient à l’esprit avec ces vêtements est celle de Kuroka et Shax qui se rencontrent, mais qui sont trop nerveux pour dire quoi que ce soit et qui se disputent. Une fois qu’ils se séparent, il dira “hey, c’est mignon” et Kuroka rougira et s’agitera et oh mon Dieu, c’est le meilleur ! »
« Quelle bêtise, camarade Manuela ! Ces vêtements que tu as choisis ne feront que conduire à un scénario où Raphaël agira en étant heureux tout en faisant son travail, mais dira qu’il souhaite qu’elle porte quelque chose de plus féminin, et en réponse, elle lui dira qu’elle veut porter la même tenue que son père et alors ils finiront par revenir ici ensemble et tu es un putain de génie ! »
Ces deux individus n’avaient pas fait preuve de retenue et avaient échangé une poignée de main ferme pour réaffirmer leur amitié. Et alors même que Zagan restait sans voix, il se tourna vers Kuroka, dont l’âme semblait avoir quitté son corps.
« Je ne te dis pas de suivre leur exemple, mais je pense que cela te ferait du bien d’être un peu plus honnête avec tes désirs, » déclara Zagan.
« … C’est vrai. J’ai beaucoup appris de tout ça, » déclara Kuroka.
Manuela et Gremory s’étaient alors tournées vers elle en même temps, ce qui l’avait fait bondir sur place.
« Kuroka ! Qu’est-ce qui est le mieux, selon vous ? » cria Manuela.
« Eek... Hum, j’aimerais. Euh…, » balbutia Kuroka.
« D’accord ! Faisons en sorte qu’elle essaie les deux ! » cria Gremory.
« Meoooooooooooooooow ! »
Kuroka avait été pitoyablement traînée plus loin dans le magasin.
« Je me demande si Kuroka va s’en sortir ? » demanda Néphy avec un regard troublé.
« Eh bien, je suppose que oui ? Ces deux-là font leur travail correctement… à la fin, » déclara Zagan.
Néanmoins, le sentiment d’anxiété était proche de celui qu’il ressentait lorsqu’il avait amené Foll ici pour la première fois pour acheter des vêtements. Kuu se tenait derrière le couple inquiétant et elle marmonnait avec une expression.
« Je pense que les vêtements choisis par Miss Gremory sont vraiment plus mignons, mais Kuroka choisira probablement les vêtements du chef… » Cette fille semblait avoir été corrompue par les deux fans de l’amour avant que quiconque ne s’en rende compte.
Zagan s’était alors rendu compte que l’expression de Néphy était un peu sombre.
« Qu’est-ce qui ne va pas, Néphy ? Quelque chose t’inquiète ? » demanda Zagan.
« Hwah ? Hmm… Oui…, » répondit Néphy.
Ils étaient assez proches maintenant pour qu’elle ne perde pas la tête à force de voir ses pensées si facilement lues. Le bout des oreilles de Néphy avait rougi lorsqu’elle s’était éclairci la gorge en toussant.
« Pourquoi peux-tu le dire si facilement ? Mon Dieu… Umm, Kuroka peut enfin voir à nouveau, n’est-ce pas ? » déclara Néphy.
« Oui. Tu as réussi à le faire, Néphy, » répondit Zagan.
« Hauu… »
Même le visage de Néphy était devenu rouge lorsqu’elle avait été honnêtement félicitée.
« Maître Zagan, tu comptes également accorder le pouvoir à Kuroka, n’est-ce pas ? » demanda Néphy.
« Exact, » répondit Zagan.
Cela dit, c’était Néphy qui allait lui faire son Armure Sacrée.
« Je crois que Kuroka a également le choix de vivre comme une femme normale et de jeter son épée. » Néphy n’avait pas hésité à s’exprimer à ce sujet.
« Tu as raison. J’y ai aussi réfléchi, » répondit Zagan.
Il était un peu inquiet que Shax soit la personne avec elle, mais son existence était ce qui avait donné un sens à la vie de Kuroka au-delà du combat. Cependant, Zagan secoua la tête.
« Mais Kuroka choisira sûrement de se battre. C’est pourquoi je lui accorderai le pouvoir, » déclara Zagan.
« C’est… vrai… »
Zagan était capable de deux choses : assurer la protection de ses subordonnés et leur donner du pouvoir. Si Kuroka décidait de ne pas vivre sous son patronage, alors il lui accorderait le pouvoir. Mais en voyant Néphy baisser les épaules, Zagan avait repensé sa position à ce sujet.
« Mais tu as peut-être raison, Néphy, » déclara Zagan.
« Que veux-tu dire par là ? » demanda Néphy.
« J’ai l’impression qu’elle ne sait même pas qu’un tel choix existe pour elle. La laisser passer sans savoir qu’elle a le choix est différent de choisir elle-même. Même si le résultat est le même, il vaut peut-être mieux que quelqu’un lui en parle, » déclara Zagan.
Néphy avait alors souri comme une fleur en pleine fleuraison.
« Oui ! J’en parlerai avec elle plus tard ! » déclara Néphy.
Après cela, Kuroka était revenue, épuisée. Comme l’avait prédit Kuu, elle portait l’uniforme militaire que Manuela avait choisi.
« Qu’en pensez-vous ? J’ai l’impression que c’est le summum de l’accoutrement si je peux moi-même l’exprimer ! » s’exclama Manuela.
« Elle reviendra bientôt dans ce magasin, de toute façon, et tu pourras aussi voir la tenue de servante Liucaon. C’est deux pour le prix d’un ! » ajouta Gremory.
« Aah, mm. Ça va, Kuroka ? » demanda Zagan.
Zagan avait vaguement écarté les deux femmes très stimulées et avait jeté son regard sur Kuroka. Sa conscience semblait encore un peu floue, mais elle n’avait pas l’air totalement insatisfaite.
« Alors je suppose que c’est bon. Ensuite, il y a les vêtements qui conviennent à Né —, » déclara Zagan.
« Maître Zagan ! Le mien peut attendre un jour de plus ! » s’écria Néphy.
Ils n’avaient pas pu aller acheter de vêtements pendant leur (fausse) lune de miel. Zagan avait essayé de suivre le mouvement et de lui choisir de nouveaux vêtements, mais elle l’avait arrêté à peu près comme il s’y attendait.
« Oh, tu marques un point. Alors, laissons cela pour la prochaine fois, » déclara Zagan.
« … Choisissez bien cette fois. » Kuu marmonnait d’étonnement, mais Zagan ne lui faisait pas attention.
« J’attendrai avec de jolis vêtements ! Oh, s’il vous plaît, amenez Nephthéros avec vous la prochaine fois ! » demanda Manuela.
Le groupe de Zagan avait donc quitté le magasin en soupirant sur l’employée qui lui demandait d’autres jouets.
« Quoi ? Maintenant que j’y pense, c’est peut-être la dernière fois que je peux jouer ! Lady Kuroka ! Je suis peut-être aux portes de la mort ! Alors s’il vous plaît, portez aussi les vêtements de bonne ! » supplia Gremory.
« C’est bon, allons-y, » déclara Zagan.
Et traînant sa bruyante assistante, Zagan se dirigea vers l’Église.
***
Partie 9
Dans un bureau de l’église de Kianoides.
« De toute façon, pleurnicharde, ça ne va-t-il pas être mauvais à ce rythme ? »
Barbatos s’était soudain mis à parler sans qu’on le lui demande. Comme toujours, il avait un visage malsain et un nombre incalculable d’amulettes suspendues à son cou. Il portait sa robe et son manteau comme n’importe quel autre sorcier. Sa tenue n’était pas vraiment adaptée pour flâner dans l’Église, mais dernièrement, il avait passé pas mal de temps en dehors de l’ombre.
« Qu’entends-tu par “mauvais” ? » demanda Chastille.
Chastille avait plissé ses sourcils. Ses cheveux écarlates étaient attachés sur le côté et décorés d’un ornement en forme de papillon. Elle portait l’uniforme d’un évêque, ce qui lui donnait une apparence digne qui contrastait avec son comportement habituel de pleurnicheuse. Son Armure Sacrée décorait son bureau, mais c’était encore la vaillante Chastille en « mode travail ».
Barbatos s’est déjà occupé de la question du traître, il ne devrait donc pas y avoir d’autres problèmes…
Elle n’avait donc pas pu lui faire dire qui c’était, mais depuis lors, elle n’avait plus eu aucune information dans l’Église qui lui ait été cachée ou qui lui ait donné l’impression d’être isolée. Au contraire, depuis l’incident de la Trésorerie, elle avait eu l’impression qu’il y avait d’autres Archanges qui avaient une attitude positive à son égard.
Alors, y avait-il un autre problème majeur que même le mode de travail Chastille avait négligé ? Elle en était complètement perplexe alors que Barbatos marmonnait d’un ton agaçant, ses pieds toujours en l’air sur le canapé.
« Être le plus jeune à devenir un archange est ton argument de vente, n’est-ce pas ? » demanda Barbatos.
« Je ne dirais pas que c’est un argument de vente, mais c’est vrai, » répondit Chastille.
« C’est vrai, alors est-ce la même chose pour ce morveux de l’autre jour ? » demanda Barbatos.
« Hm. Moi-même et le Seigneur Galahad avons été nommés Archanges à l’âge de treize ans. Nous sommes tous les deux les plus jeunes à avoir eu cet honneur, » répondit Chastille.
« Et cette connasse de Decarabia va aussi devenir un Archange, hein ? » demanda Barbatos.
« Appelle-la Lady Stella. Mais oui, c’est exact, » répondit Chastille.
Pour être tout à fait honnête, Chastille était perplexe. Stella était une sorcière et, dans un sens, elle était la disciple personnelle de l’Archange et de l’Archidémon le plus fort, Michael.
Chastille appartenait à la faction d’unification, mais l’unification n’avait pas de sens si sa faction ne pouvait pas servir de véritable moyen de dissuasion aux sorciers. Néanmoins, elle se demandait s’il était acceptable qu’une personne capable d’influencer la volonté de l’Église soit un sorcier.
Ce n’est pas comme si elle doutait de Stella. Elle ne voyait tout simplement pas encore la réponse à la question de la ségrégation entre l’Église et les sorciers. Cependant, il ne semblait pas que c’était là où Barbatos voulait en venir. Elle n’avait aucune idée du problème qu’il avait à l’esprit.
Et sans même un soupçon de timidité…
« Si tu perds ce seul argument de vente, ne perdras-tu pas ta raison d’être ? » demanda Barbatos.
« Hwuh ? » Même en mode travail, Chastille n’avait pas pu retenir son choc. « Ce n’est pas comme si j’étais un chevalier angélique juste pour pouvoir me vanter de ça ! »
« C’est ce que tu dis, mais le monde est fait de réputation, n’est-ce pas ? Même ce connard de Raphaël t’a laissé la faction d’unification à cause de ta réputation. N’est-ce pas grave si les autres commencent à se superposer à ce qui te distingue ? » demanda Barbatos.
Il est vrai, en effet, que Chastille et Stella avaient toutes deux les cheveux et les yeux écarlates, et partageaient peut-être la même ethnie. Elles avaient toutes deux l’air assez différentes, mais il suffisait de les mettre l’une à côté de l’autre pour au moins provoquer une certaine confusion.
« Le Seigneur Raphaël ne m’a pas choisie à cause de ma réputation, » répondit Chastille avec une volonté inébranlable. « Je crois qu’il m’a confié la faction d’unification parce qu’il croyait en mes idéaux. »
« Euh, tu parles d’un gars qui a tué 499 personnes par inadvertance, tu sais ? Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup réfléchi, » répondit Barbatos.
« U-Ugh… » Chastille avait gémi, incapable de réfuter cela. « Qu’est-ce qu’il y a de si drôle à se moquer de moi ? »
« Hein ? Je ne me moque pas de toi ou quoi que ce soit. Je suis juste… je veux dire, je pense juste à l’avenir, » déclara Barbatos.
« À propos de l’avenir… ? Euh, quel avenir ? » demanda Chastille.
Chastille avait essayé d’imaginer son avenir et avait été un peu secouée à l’idée de ne pas être là elle-même.
« Je te dis que ce n’est pas ce que je veux dire, bon sang ! » déclara Barbatos.
« Hein ? Je veux dire, hein… ? Je suis dans le faux ? » demanda Chastille.
Elle ne pouvait pas cacher sa perplexité face au fait que Barbatos s’était mis à crier avec un visage rouge. L’homme en question savait sûrement qu’il était déraisonnable. Et alors qu’il se grattait la tête de frustration, il avait commencé à se reformuler.
« Aah, en bref… Tu ne devrais pas te cacher ici tout le temps. Ne devrais-tu pas sortir et faire autre chose ? » demanda Barbatos.
Chastille n’avait aucune idée de la façon dont il s’était retrouvé sur ce sujet lors de la conversation précédente, mais parler par des voies détournées était tout à fait normal pour cet homme.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » Chastille répondit avec un sourire. « Tu étais prévenant ? Désolé, Barbatos. »
« Je te dis que ce n’est pas…, » balbutia Barbatos.
Kuroka, qui avait aidé Chastille dans son travail de bureau pendant tout ce temps, était actuellement hospitalisée. Le travail de bureau de Chastille avait donc pris du retard. Nephteros l’aidait, mais elle était également absente la moitié du temps pour parfaire sa formation en mystique céleste.
Ainsi, les deux étant absentes en même temps, Chastille était restée pratiquement enfermée dans son bureau pendant le mois dernier.
« Je te suis reconnaissante pour ta considération, » déclara Chastille en s’excusant. « Mais nous sommes à court de personnel en ce moment. Je pense que j’aurai un peu plus de place pour les loisirs quand Kuroka sera de retour. »
« Les affaires internes de l’Église ne semblent-elles pas un peu grossières, étant donné qu’elles existent depuis un millier d’années ? » demanda Barbatos.
Il était vraiment perspicace à un point douloureux.
« Notre chaîne de commandement peut en effet être assez désorganisée, » répond-elle en gémissant. « Apparemment, le siège du pape est vacant depuis quelques années. »
« Hein ? Le pape ? C’est la plus grosse pointure de l’Église, hein ? Alors, le siège du haut est vide ? » demanda Barbatos.
« Oui. Cela n’a pas été annoncé publiquement, mais il semble qu’il soit mort. Mais il était encore en vie lorsque j’ai été nommée Archange, » répondit Chastille.
Selon les informations qu’elle avait reçues de ses camarades de la faction d’unification, ce fait était peu connu, même parmi les Archanges.
« Est-ce vraiment bien de me dire tout cela ? » demanda Barbatos.
Même Chastille avait été étonnée par sa question.
« Je ne te cacherai rien. De toute façon, tu le découvrirais immédiatement. Il est plus rapide de te le dire, » déclara Chastille.
« Hrgh !? Bien, je suppose que tu as raison…, » déclara Barbatos.
« Huh... ? »
Pour une raison quelconque, Barbatos s’était accroupi avec sa main qui pressait la zone de son cœur. Il ne semblait pas du tout perturbé par la mort du pape, alors de quoi s’agissait-il ? Il s’était ensuite relevé en feignant le calme.
« Alors, pourquoi est-ce un secret ? Les masses vont le découvrir tôt ou tard, n’est-ce pas ? » demanda Barbatos.
« Sa Sainteté le Pape est le symbole de l’Église. L’annonce de sa mort provoquerait de grands troubles. Il est probable qu’ils gardent le silence à ce sujet jusqu’à ce qu’un successeur ait été décidé, » répondit Chastille.
« N’est-ce pas un peu louche ? » demanda Barbatos, pensif, en posant la main sur son menton.
« Vraiment ? » demanda Chastille.
« Si c’est vrai, cela ne signifie-t-il pas que les chefs des Archidémons et de l’Église sont morts ces dernières années ? » demanda Barbatos.
« … »
Ce n’est pas tout. L’archange en chef Ginias Galahad avait également perdu la vie l’année dernière. Cela signifiait que tous les dirigeants de chaque organisation avaient dû changer. Chastille avait également trouvé cela suspect et avait fait un signe de tête.
« Je vais essayer d’approfondir la question, » déclara Chastille.
« C’est probablement une bonne idée… A-Attends ! Ce n’est pas là où je veux en venir ! » Barbatos s’était remis à crier pour une raison inconnue. « Je te dis que tu es trop enfermée dans cette pièce ! »
« C’est parce que nous sommes à court de main d’œuvre…, » répliqua Chastille.
Chastille plissa ses sourcils, et Barbatos s’était soudain giflé lui-même.
« Tu l’as déjà dit, mais heureusement pour toi, tu m’as ici, » répondit Barbatos.
« Huh... ? Eh bien ! Je suis reconnaissante que tu me protèges toujours, » répondit Chastille.
« Aaaaah ! Merde ! Tu ne comprends vraiment rien ! » s’écria Barbatos.
« Pourquoi es-tu en colère ? » demanda Chastille.
Elle était maintenant complètement perdue. Barbatos se mit debout, à bout de patience, et plaça un doigt vers elle.
« Avec moi ici, tu peux aller n’importe où —, » commença Barbatos.
« — Chastille, j’ai une lettre pour toi, » déclara une voix féminine.
« Lis cette putain d’ambiance ! » s’écria Barbatos.
« … Quoi? » demanda Nephteros, qui venait de parler.
Nephteros s’était fait crier dessus dès qu’elle avait ouvert la porte. C’était une elfe noire à la peau bronzée, aux cheveux argentés et aux yeux dorés. Ses oreilles et son visage étaient identiques à ceux de Néphy, de sorte que les deux elfes étaient comme des sœurs jumelles. Elle avait une sacoche remplie de grimoires qui pendaient à sa taille, montrant qu’elle était sur le point de sortir.
« Sire Barbatos, vous ne devriez pas parler de cette façon à une dame, » déclara Richard.
Richard était venu avec Nephteros. Bien qu’étant sous la protection d’un Archidémon et d’un archange, Nephteros était toujours l’un des trois seuls survivants connus des hauts elfes. Elle était rare parmi les espèces rares. Les gens qui la prenaient pour cible comprenaient une douzaine de personnes. Richard avait donc fini par lui servir de garde pour assurer un minimum de sécurité.
« N’est-il pas plus étrange de chercher la courtoisie d’un foutu sorcier ? » répondit Barbatos en soufflant sur le côté de manière contrariée.
« … Sire Barbatos. »
« Laisse-le. Il est inutile de s’offenser avec lui. » Nephteros fixa Barbatos, mais il était vrai qu’elle gâchait l’ambiance. « Tu es libre de séduire Chastille autant que tu veux, mais c’est le travail. Laisse ça pour plus tard. »
« Je-je-je-je-je-je-je ne la séduis pas du tout ! » s’écria Barbatos.
Richard avait applaudi avec admiration en voyant Barbatos si déstabilisé. Dans le même temps, Chastille avait enfin eu un aperçu du sujet de leur conversation précédente.
Ooh, je suppose qu’il me disait qu’il m’emmènerait quelque part pour changer de rythme. Il avait vraiment laissé sortir des mots difficiles à comprendre.
« … Chastille, tu vas bien ? Tu es rouge vive, » déclara Nephteros.
« Ce n’est rien. Ne t’inquiète pas pour ça, » répondit Chastille.
Son côté rationnel avait essayé de rester calme, mais son côté émotionnel n’avait pas réussi à cacher son malaise. Après s’être calmée d’une manière ou d’une autre, Chastille se tourna à nouveau vers Nephteros.
« Désolée de t’avoir fait venir ici alors que tu étais sur le point de partir. S’est-il passé quelque chose ? » demanda Chastille.
Le fait qu’elle soit rentrée après s’être préparée à partir avait montré clairement qu’un problème était apparu. Sinon, elle aurait pu le laisser à Richard. Et sinon, vu qu’il était son gardien, les Trois Chevaliers du ciel d’azur ou autres auraient pu le gérer.
Nephteros fronça les sourcils et les plissa.
« Ce n’est pas si grave, mais une lettre importante est arrivée pour toi. Tiens. Michael dit que ça vient de ce type, non ? » demanda Nephteros.
« Oui. C’est une lettre du Seigneur Diekmeyer, » confirma Richard.
« Du Seigneur Michael ? » demanda Chastille.
Ce nom avait mis Chastille sur ses gardes. Michael Diekmeyer avait affirmé qu’il était neutre, donc il n’était pas vraiment son allié. Dans un sens, elle avait moins de prise sur ce qui lui traversait l’esprit que sur des Archidémons comme Bifrons ou Shere Khan. Et en la voyant se raidir, Nephteros avait essayé de la réconforter.
« Eh bien, vu que c’est une lettre officielle, je ne pense pas que ce soit bizarre, » déclara Nephteros.
« Ce serait bien…, » répondit Chastille.
« Au moins, il n’y a pas de sorcellerie ou de malédiction jetée sur lui. J’ai fini de les vérifier, » déclara Nephteros.
« Je suis sûre que tu as raison, » déclara Chastille.
Nephteros possédait non seulement le pouvoir d’une haute elfe, mais aussi un rare talent pour la sorcellerie. C’était tout à fait naturel compte tenu de son ancienne position de disciple personnelle de Bifrons.
« C’est, eh bien… Ce serait gênant si tu mourais, » répondit Nephteros en rougissant.
En tout cas, elle avait apporté cette lettre parce qu’il serait préférable pour Chastille d’aller voir par elle-même si cette lettre était écrite par lui en tant qu’Archidémon. Chastille avait ouvert la lettre, puis avait hoché la tête après avoir confirmé son contenu.
« Il y est indiqué qu’il passera bientôt, » déclara Chastille.
« Hein ? Est-ce tout ? » demanda Nephteros.
« Hm. Je ne pense pas que ce soit pour quelque chose d’insignifiant, vu qu’il s’est donné beaucoup de mal pour envoyer cette notification… Pour l’instant, je vais annuler toutes mes autres tâches le jour où il prévoit de se rendre ici, » déclara Chastille.
« C’est vrai, il s’agira probablement de quelque chose de confidentiel, » déclara Nephteros.
« Je m’occuperai de vos tâches. Dois-je envoyer une réponse au Seigneur Diekmeyer pour que vous le rencontriez ? » demanda Richard.
« Ce sera génial. Je compte sur toi, Richard. Tu as aussi mes remerciements, Nephteros, » déclara Chastille.
« Je suis juste passée pendant que je partais. Je n’ai pas vraiment fait quoi que ce soit, » répondit Nephteros.
Nephteros brossa timidement ses cheveux argentés, ce qui détendit l’expression de Chastille. Elle se souvint alors soudain de quelque chose.
« Maintenant que j’y pense, Nephteros. Tes rêves se sont-ils bien passé ces derniers temps ? » demanda Chastille.
« Mes rêves… ? » demanda Nephteros.
C’était ce qui s’était passé lorsque Nephteros avait fui Bifrons et qu’elle était venue à Kianoides. Elle gémissait dans son sommeil et faisait des cauchemars pratiquement tous les soirs, tandis que Chastille restait tranquillement à ses côtés et lui tenait la main. Ces derniers temps, il n’y avait eu aucun signe de gémissement de Nephteros dans son sommeil, et son teint s’était amélioré. Elle y réfléchit curieusement pendant un moment, puis se souvient soudain de ce à quoi Chastille faisait référence.
« Oh, ces rêves ? Oui. Je ne les ai pas vus dernièrement, » déclara Nephteros.
« Dieu merci. C’est un soulagement, » déclara Chastille.
Le fait qu’elle n’ait pas pu se souvenir immédiatement d’eux signifiait probablement que tout allait bien.
« De quoi s’agit-il ? » demanda Barbatos avec un air suspect.
« Cela n’a rien à voir avec toi, » répondit Nephteros en soufflant sur le côté.
« Haah... Tu comprends au moins la position dans laquelle tu es ? Juste pour que tu saches, Bifrons n’est pas mort, et nous n’avons aucune garantie que Shere Khan ne te prenne pas pour cible en tant qu’espèce rare, » déclara Barbatos.
« … »
Ce n’est pas qu’elle n’en ait pas pris conscience. C’était plutôt qu’elle ne voulait pas y penser. En la voyant se raidir, Richard s’était mis à parler.
« Dois-je partir ? »
« … C’est bien. Ce n’est rien qui doit être gardé secret, » déclara Nephteros.
Richard avait lentement fermé la porte, et après l’avoir confirmé, Nephteros était allée droit au but avec un regard amer.
« Quand j’ai fini par venir ici, j’étais assez souvent tourmentée par des cauchemars… C’était probablement les rêves du Seigneur-Démon, » expliqua Nephteros.
« … Hé. As-tu signalé ça à Zagan, hein ? » demanda Barbatos.
« Je ne l’ai pas fait. Je veux dire, ce ne sont que des rêves. Je ne sais pas non plus s’ils sont réellement liés au Seigneur-Démon, » déclara Nephteros.
« Oh, voyons…, » déclara Barbatos.
« D’ailleurs, j’ai cessé de les voir peu après… Je crois que c’était à peu près à l’époque où nous étions sur cette île inhabitée ? » déclara Nephteros.
Chastille et Barbatos s’étaient tous deux couvert le visage à la mention de cette île. Lorsqu’ils avaient visité la ville sous-marine d’Atlastia, ils s’étaient tous rendus sur une île inhabitée pour faire une pause et s’amuser à la suite de l’invitation de Zagan. Chastille et Barbatos s’étaient disputés, puis s’étaient réconciliés et ainsi de suite, et beaucoup de choses s’étaient passées. Et alors que Chastille se remettait de ses souvenirs embarrassants de l’époque, Nephteros poursuivait son histoire.
« Cela dit, nous étions tout le temps au fond de l’océan. Honnêtement, je n’ai pas vraiment beaucoup dormi. Donc, je ne sais pas exactement quand j’ai cessé de les voir, » déclara Nephteros.
La ville sous-marine était vraiment un endroit magnifique. Mais être au fond de l’océan était inconfortable pour les gens ordinaires. Les subordonnés de Chastille se plaignaient souvent de maux de tête, et elle ne dormait pas non plus beaucoup.
« Shere Khan ne s’était pas encore impliqué à l’époque, et Bifrons n’aurait rien du pouvoir te faire après avoir été battus par Zagan, » nota Chastille.
« Eh bien… C’est vrai…, » déclara Nephteros.
Même maintenant, elle avait des sentiments mitigés en entendant le nom de Bifrons. Nephteros avait l’air plutôt sombre.
« Donc, ça n’a probablement rien à voir avec eux, mais va le dire à Zagan. C’est la chose raisonnable à faire, » déclara Barbatos en repliant ses bras en pensée. Chastille et Nephteros échangèrent des regards, trouvant cela plutôt inattendu de sa part. « Hm ? Quoi ? »
« Vous êtes vraiment détendue, hein ? » répondit Nephteros.
« Hah ? Qu’est-ce que ça veut dire ? » demanda Barbatos.
Nephteros haussa simplement les épaules, puis fixa Barbatos du regard.
« On dirait que ce type veut déjà que je parte, alors je vais y aller maintenant, » déclara Nephteros.
« Pars maintenant, » répliqua Barbatos.
« Arrête ça, Barbatos, » déclara Chastille.
Après le départ de Nephteros, le bruit de pas paniqués s’était fait entendre à l’approche du bureau de Chastille.
« Lady Chastille ! Ce voyou de Zagan est encore passé ! Devons-nous le repousser ? » un grand chevalier angélique avait rapporté ce fait d’une voix grave. C’était l’un des trois Chevaliers du ciel d’azur, Ryan.
« Non, laisse-le passer. De toute façon, il y a le problème de cette lettre…, » déclara Chastille.
Avec cela, Barbatos avait baissé sa tête dans le coin en accord.
Ummm, est-ce que c’est moi qui devrais lui demander de m’emmener faire une pause ?
Cependant, Chastille n’était pas de celles qui étaient capables de le dire elle-même et elle était angoissée par cela à sa manière.
***
Chapitre 3 : Le monde est apparemment paisible parce que les Archidémons et l’Église s’entendent trop bien
Partie 1
« Yo, Zagan. Je ne t’ai pas vu depuis la Trésorerie, donc je suppose que ça fait environ un mois ? »
Quelques jours plus tard, dans la salle du trône de Zagan. Celui qui riait sans vergogne devant Zagan était Michael Diekmeyer, également connu sous le nom d’Archidémon Andrealphus.
Ces derniers temps, Zagan s’était occupé à courir partout pour faire construire son grand bain, mais la fin était en vue. Il aurait probablement fallu plusieurs mois à un artisan ordinaire pour le construire, mais c’était un château d’Archidémon rempli de sorciers. Ils pouvaient le faire en trois jours seulement.
Il ne restait plus qu’à régler les détails de la décoration intérieure, comme le décor, la fontaine d’eau, les vestiaires, etc. La barrière pour faire face à tous les idiots qui essaieraient d’espionner — non pas qu’il s’attende à ce que quelqu’un le fasse dans le château d’un Archidémon, mais il fallait prendre des précautions parfaites vu que Néphy allait l’utiliser — était déjà préparée. Cela avait été mis en place pour s’activer une fois le grand bain terminé.
Michael était passé à peu près à la même époque. Zagan avait au moins entendu de Chastille qu’il allait peut-être lui rendre visite. Il était revêtu de son Armure Sacrée, ce qui signifiait qu’il était ici en tant qu’Archange, mais n’avait pas d’épée sacrée à la taille. Il l’avait déjà remise à Stella.
Zagan le dévisageait sans cacher le moins du monde sa colère.
« Il semble que tu aies fait de Stella un archange. Qu’est-ce que tu fais ? » demanda Zagan.
« Allons, ne sois pas si fâché. Tu m’as mis dans le pétrin dans la Trésorerie, alors on est quittes, d’accord ? Les supérieurs et mes camarades m’ont reproché d’être un traître à cause de ces conneries, tu comprends ? » déclara Michael.
« C’est toi qui l’as provoqué. Sois juste heureux que je n’aie pas révélé ton identité en tant qu’Archidémon, » déclara Zagan.
« Gah ! Je vois que tu es toujours aussi charmant, » déclara Michael.
Cependant, Zagan n’avait pas l’intention de dérailler.
« Tu as prétendu que tu allais sauver Stella. Dis-tu que tu l’as fait en faisant d’elle un chevalier angélique ? » demanda Zagan, clairement en colère.
Après que Zagan ait vaincu le sorcier connu sous le nom de Decarabia et qu’il ait retrouvé Stella, elle avait perdu son ego. Honnêtement, il ne savait pas s’il avait les moyens de la sauver, même maintenant.
Mais si j’avais su qu’il allait lui forcer la main avec une épée sacrée, il aurait mieux valu que je l’embarque. Devenir un chevalier angélique tout en étant un sorcier, c’était comme crier dans un camp ennemi pour essayer de la tuer. Zagan ne pouvait pas permettre que cela se produise. Et pourtant, Michael souriait avec désinvolture.
« Tu as tout faux. Je lui ai seulement donné la force de se battre et les moyens de survivre. Elle suivra son propre chemin à partir d’ici. Elle peut choisir d’être un sorcière, un chevalier angélique, ou les deux. C’est à elle de choisir, » déclara Michael.
« Un simple sophisme, » répliqua Zagan.
Zagan avait immédiatement coupé court à son argumentation, mais Michael avait gardé le sourire.
« Tu n’as pas tort. Mais je pense que j’ai bien fait les choses en tant que sorcier, n’est-ce pas ? » répliqua Michael.
Michael n’avait certainement pas menti, non pas que Zagan puisse l’accepter, bien sûr. Il avait été poussé par une impulsion à donner une bonne raclée à Michael, mais ce n’était pas comme s’il pouvait faire comprendre la vérité à cet homme en le faisant. Et en endurant ce sentiment irritant, Zagan avait claqué des doigts. Une chaise s’était glissée de l’ombre d’un des piliers et s’était arrêtée derrière Michael.
« Explique-toi. Je vais écouter, du moins, pour l’instant, » déclara Zagan.
« Haha, tu es d’une arrogance rafraîchissante, » répliqua Michael.
Michael avait ri et s’était assis sur la chaise. Il avait ensuite sorti une boîte de tabac de sa poche de poitrine. Il demandait probablement si c’était bien de fumer. Zagan ne se rappelait pas l’avoir interdit dans son château, alors il lui avait fait un signe de tête.
« Alors, par où commencer ? Eh bien, je suppose que c’est d’abord la façon dont tu as fini par nous rencontrer tous les trois, hein ? » déclara Michael.
« … Quoi ? Cela a aussi un rapport avec Marc ? » demanda Zagan.
« Laisse-moi te poser la question. Penses-tu vraiment que ce n’est pas le cas ? » demanda Michael.
Il ne pouvait pas répondre. Michael avait mis une cigarette à sa bouche, avait allumé le bout et avait laissé échapper une bouffée de fumée.
« Eh bien, tout a commencé avec le gars que tu appelles Marc. Il a passé beaucoup de temps à te chercher, et je lui ai donné un coup de main de temps en temps à sa demande, » déclara Michael.
« Attends ! Que veux-tu dire par là ? Marc me cherchait ? » demanda Zagan.
D’un coup, leur conversation avait commencé par quelque chose d’impensable, ce qui avait poussé Zagan à se lever involontairement de son trône.
C’est Marc qui a partagé le pain avec moi quand j’étais sur le point de mourir de faim. Il lui avait aussi donné le nom de Zagan et lui avait appris, ainsi qu’à Stella, comment survivre dans les ruelles. Zagan ne pensait naturellement pas qu’il était un garçon ordinaire, mais il n’avait jamais considéré que Marc savait qui il était avant même qu’ils ne se rencontrent.
« Qui sait ? Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle il te cherchait. Tout ce qu’il a dit, c’est que c’était pour en raison d’une vieille promesse, » déclara Michael.
« Une promesse… ? Avec qui… ? » demanda Zagan.
Il n’était pas possible que ce soit Zagan lui-même. Cependant, Zagan n’avait aucun parent vivant, alors qui aurait pu le rechercher ? Il ne valait rien à l’époque, rien de plus qu’un morveux que personne ne s’arrêtait même pas pour regarder. Et alors qu’il se tenait là, déconcerté, Michael souffla un peu plus de fumée et marmonna comme s’il parlait tout seul.
« C’est peut-être juste mon imagination, mais si tu n’as aucune idée de qui c’est, alors je parie que c’est l’un de tes parents directs ou une autre personne liée à toi. Sauve mon fils, mon frère ou autre, c’est une histoire assez courante, non ? » demanda Michael.
Mis à part les frères et sœurs, Zagan avait vécu une vie sans rapport avec l’existence même de ses parents. Il gagna une fille, Foll et rencontra la mère de Néphy, Orias. C’est alors qu’il comprit enfin l’affection qui existait entre un parent et son enfant. Il ne pensait pas avoir lui-même une telle affection. Zagan avait vaguement compris que Marc n’était pas aussi jeune qu’il le paraissait, mais combien de temps avait-il réellement vécu ?
Je suppose que je le sais déjà. Cela fait probablement mille ans. Le même temps qu’Alshiera… Alors quel nom avait-il utilisé il y a mille ans ? Pourquoi Zagan n’avait-il pas pu trouver ce nom ? Il ne voulait pas vraiment y penser, mais il y avait beaucoup trop de points en suspens ici.
« Je ne faisais qu’aider. Il ne m’a donné aucun détail, » déclara Michael.
« … Je suppose que tu ne mens pas, » déclara Zagan.
Mais cela ne signifie pas pour autant que Michael n’avait pas mené sa propre enquête. Et là, il esquivait manifestement la question. Zagan n’aurait pas pu le faire parler même en baissant la tête. Il avait donc poussé un soupir de colère et avait laissé Michael poursuivre son histoire.
« Retour sur le sujet. Lui et moi t’avons trouvé à Kianoides il y a environ dix ans… non, il y a onze ans maintenant. Et un peu avant cela, quelque chose d’inattendu, même pour moi, a fini par se produire, » déclara Michael.
« … L’épée sacrée ? » demanda Zagan.
Michael acquiesça d’un air lassé.
« Oui. Les épées sacrées choisissent leurs manieurs, tu vois. Zachariel m’a choisi il y a 800 ans et n’a pas montré le moindre signe de recherche d’un successeur, pas même une fois. Mais tout d’un coup, il a choisi une sale petite morveuse dans une ruelle, » déclara Michael.
« Attends. Alors, quoi ? L’Épée Sacrée avait-elle déjà choisi Stella à l’époque ? » demanda Zagan.
« Mhm. C’était une douleur totale, tu m’entends ? Le vieux Marchosias s’est effondré à l’idée de perdre l’une des épées sacrées, puis un groupe de manieurs originaux sont partis et sont morts avec Orobas il y a un an, alors nous avons fini par en perdre encore plus, » déclara Michael.
« Il y a un an… ? Et Orobas… ? » demanda Zagan.
« Oups, en ai-je dit trop ? Cela n’a rien à voir avec ce dont nous parlons ici, » déclara Michael.
Michael siffla sans vergogne et détourna le regard. Il y a un an, le sage Dragon Orobas avait perdu la vie, tandis que Raphaël et Marchosias avaient subi des blessures mortelles. Zagan avait enquêté sur cet incident, mais toute information à ce sujet était en quelque sorte supprimée. Il ne pouvait rien comprendre.
En bref, ils s’étaient battus contre les démons, et le sage Dragon, la moitié des Archanges et le plus vieux des Archidémons, Marchosias avaient perdu la vie. Les grandes puissances du continent étaient toutes concentrées en un seul endroit, et plus de la moitié d’entre elles étaient mortes. La question la plus importante était en premier lieu de savoir pourquoi la résurgence des démons s’était produite, mais Zagan n’avait rien trouvé à ce sujet.
« Zachariel a choisi Stella. Mais cet imbécile de Marc désapprouva le fait qu’une morveuse aussi jeune hérite de l’Épée sacrée. Et n’ayant pas d’autre choix, j’ai utilisé toutes les astuces possibles pour continuer à l’utiliser jusqu’à ce qu’elle devienne adulte, » déclara Michael.
« Est-ce possible ? » demanda Zagan.
« Appeler cela un secret commercial d’Archidémon, » déclara Michael.
Il n’avait pas l’intention de révéler ce que c’était, bien sûr.
« … Pourquoi Stella ? » gémit Zagan.
« Qui sait ? Oh, attends. Il y a eu d’autres Archanges aux cheveux et aux yeux rouges. Il pourrait y avoir une sorte de régularité chez les personnes choisies par les Épées Sacrées, » déclara Michael.
***
Partie 2
Il avait une façon irritante de tout dire, mais c’était quand même une allusion.
Cheveux et yeux rouges… Chastille ? Est-elle également liée à cette chaîne d’événements ?
Michael avait alors éteint sa cigarette dans une petite boîte qu’il avait sortie de nulle part. Il semblait avoir au moins les manières de ne pas laisser les cendres tomber par terre.
« Quoi qu’il en soit, le simple fait de gérer cette situation a été un grand bouleversement pour moi. Et c’est là que Marc t’a trouvé, » déclara Michael.
« Est-ce que cela s’est produit si aisément ? » demanda Zagan.
La personne que Marc avait passé des années à chercher était juste à côté de celle que l’Épée Sacrée de Michael avait choisie pour lui succéder. Il fallait vraiment y réfléchir davantage sous forme d’histoire pour que les gens y croient. Michael avait haussé les épaules comme s’il pensait exactement la même chose.
« Nous pensions aussi que nous étions piégés par quelqu’un et nous avons fait très attention. Mais nous n’avons rien trouvé de tel, » déclara Michael.
Si un Archidémon était prudent, mais qu’il ne trouvait rien, il était très probable qu’il n’y avait vraiment rien derrière ça. Cela semblait toujours peu convaincant, mais Zagan n’avait pas d’autre choix que de le croire.
« Nous nous sommes beaucoup disputés à l’époque. Finalement, ce connard de Marc a décidé de s’occuper de vous deux, » déclara Michael.
Cela semblait être une relation terriblement facile à comprendre, mais Zagan devenait de plus en plus empli de doute.
« Je ne comprends pas. Marc vivait dans les caniveaux à côté de nous. Si ce que tu dis est vrai, il avait un statut et un pouvoir importants, non ? Pourquoi aurait-il choisi une vie de fouille des ordures ? » demanda Zagan.
Zagan ne se plaignait pas de ne pas être pris en charge et élevé dans un environnement agréable. Mais ce genre de vie n’était pas quelque chose où des individus décideraient sans raison de subir ça. Le simple fait de manger et de dormir avec Zagan et Stella aurait dû être insupportablement angoissant.
Les yeux de Michael s’étaient ouverts en grand, trouvant la réaction de Zagan quelque peu inattendue. Il avait alors relâché ses épaules et avait souri.
« Eh bien, je suppose que c’est parce que tu étais encore un enfant, » répondit Michael.
« Qu’est-ce que tu veux dire par là? » demanda Zagan.
Michael regarda Zagan comme s’il s’agissait d’un neveu gênant ou quelque chose comme ça.
« N’est-ce pas évidemment parce qu’il voulait que vous choisissiez vous-même votre mode de vie ? » demanda Michael.
« … »
L’élément déclencheur qui avait permis à Zagan de devenir sorcier avait été l’enlèvement par un sorcier appelé Andras alors qu’il avait huit ans. Zagan avait retourné la situation contre Andras et lui avait volé ses connaissances et ses biens.
Mais il est possible que Marc ait été à proximité à ce moment-là. Il était évident qu’il était là, mais il avait simplement décidé de ne pas se montrer parce que Zagan devait s’en sortir tout seul. Parce qu’Andras était un sorcier assez doué pour qu’on lui donne le surnom, il n’était pas possible qu’il soit si incompétent qu’il permette à un enfant qui ne connaissait rien à la sorcellerie de s’échapper. Il y avait une probabilité assez élevée que ce soit Marc qui ait donné à Zagan l’occasion de s’enfuir à l’époque.
« Juste au cas où, laisse-moi te dire ceci maintenant. Si tu es un Archidémon, c’est parce que tu es devenu assez fort pour être choisi. En fait, j’étais contre à cause de mes liens avec Marc et tout ça, » déclara Michael.
« N’es-tu pas le chef des Archidémons ? Comment ai-je été choisi si tu t’y es opposé ? » demanda Zagan.
« Les autres qui t’ont vu dévorer la sorcellerie étaient tous de bonne humeur. Je n’ai pas pu les arrêter. De plus, ce type, Bifrons, était super intéressé et il a fait beaucoup d’efforts pour toi, » déclara Michael.
« … Haaah. Ce type ? » demanda Zagan.
C’était donc Bifrons, entre toutes les personnes présentes. Zagan jouissait pleinement du statut et du pouvoir d’un Archidémon, mais il avait encore des sentiments complexes à ce sujet. En tout cas, il semblait que les choix de Zagan dans la vie étaient les siens. Cependant, il secouait toujours la tête.
« Assez parlé de moi, pour l’instant. Mais comment comptes-tu expliquer le cas de Stella ? Si Marc la protégeait, comment diable s’est-elle fait attraper par cet idiot de Decarabia… ? » Et au moment où il avait dit ça, il avait réalisé la vérité lui-même. « Je vois. Il y a cinq ans… »
« C’est comme ça que ça se passe, » déclara Zagan.
Il y a cinq ans, Shere Khan avait perpétré la chasse aux espèces rares. La ville natale de Kuroka avait été brûlée, et le subordonné de Shere Khan de l’époque, Shax, avait trahi son maître et avait guidé Marc vers lui. En conséquence, Marc avait perdu la vie.
Stella avait été attaquée par Decarabia et maudite par l’Œil du Roi d’Argent à peu près à cette époque. En d’autres termes, elle avait perdu la protection de Marc il y a cinq ans.
Pour aller plus loin, c’est aussi à ce moment-là que le frère de Chastille a perdu la vie. Zagan avait reçu un rapport de Barbatos sur le traître au milieu des Archanges. Il était un peu curieux de connaître son identité et avait tout de suite compris les détails. Le frère de Chastille, Sylvester, avait été trahi par son adjudant et tué dans la bataille contre Shere Khan.
Ainsi, le siège d’un Archange était devenu vacant et Chastille avait hérité de son épée sacrée l’année suivante. Cela signifiait que Shere Khan était indirectement responsable du fait que Chastille soit devenue un Archange.
Tous les fils s’étaient réunis une fois il y a cinq ans. Et maintenant, ils commençaient lentement à s’effilocher. Il était très probable qu’il y avait beaucoup plus de choses que Zagan n’avait pas encore remarquées. La raison pour laquelle il ne pensait pas que l’incident de l’époque était lié à lui de quelque manière que ce soit, était peut-être aussi que Marc le protégeait.
« Mon subordonné qui a volé l’Œil il y a cinq ans était en fait l’espion de Shere Khan, » déclara Michael en riant. « Bref, au milieu du transport, il a été dévoré par la malédiction. C’est mon incompétence qui l’a fait tomber aux pieds de Stella. »
C’est pourquoi Michael s’était senti obligé envers elle étant donné qu’elle était la prochaine manieuse de son épée sacrée. C’est peut-être en partie pour cette raison que Shere Khan avait osé défier plusieurs Archidémons en même temps, dont Marchosias. Cela semblait extrêmement désespéré, mais un Archidémon était-il vraiment du genre à agir de manière aussi disgracieuse ?
Cela signifie-t-il qu’il avait les moyens de gagner même s’il faisait de tous les Archidémons… non, du monde entier, son ennemi ? Il n’aurait sûrement pas été aussi stupide s’il n’avait aucune perspective de victoire. Il semblerait que cela se soit terminé par l’échec de Shere Khan, mais ce moyen était peut-être encore à portée de main. C’est pourquoi il pouvait maintenant se battre calmement contre Zagan et Alshiera.
Zagan était retombé sur son trône. Il y avait trop d’informations à traiter en même temps. Il se pinça le front, et Michael se leva.
« Ce sont les circonstances qui ont conduit à la nomination de Stella comme archange. J’ai dissipé la malédiction, et elle est une adulte à part entière maintenant. Il y a des moyens pour elle de tout rejeter si elle n’en veut pas. C’est elle qui prendra sa propre décision plus tard, » déclara Michael.
« … Je vois, » déclara Zagan.
Zagan n’avait plus rien à dire sur le sujet, et Michael s’était gratté la tête comme si c’était un peu une déception.
« J’ai pensé que tu pourrais insister pour obtenir plus de réponses sur Marc, » déclara Michael.
« Me répondrais-tu si je le faisais ? » demanda Zagan.
« Pas question, n’est-ce pas ? » répliqua Michael.
Il était vraiment un homme irritant, comme toujours, mais Zagan n’était pas si en colère que ça.
Il n’y a qu’un ou deux endroits dans le coin où ce type aurait pu vivre… Il était même possible qu’il ait vécu dans les deux. Zagan avait eu un indice dans l’histoire de Michael. Il n’avait pas d’autre choix que de commencer par poursuivre cette piste, même si cela le menait à une impasse.
« Quoi qu’il en soit, c’est tout ce que j’avais à dire, » déclara Michael en changeant de ton et en prenant l’air d’un Archidémon. « C’est une compensation plus que suffisante pour que tu me confies Stella, n’est-ce pas ? »
« … Je suppose que oui. »
Il n’y avait plus rien à dire. Michael se retourna pour partir, puis se souvint soudain de quelque chose en tapant sur l’épée à sa taille.
« Oh oui. Je vais terminer Shere Khan, » déclara Michael.
Sa déclaration était sortie de nulle part, laissant Zagan avec une mine renfrognée.
« … Qu’est-ce qui a provoqué cette situation ? » demanda Zagan.
« C’est le vieux Marchosias qui est parti à ma place. En plus, j’ai un peu de karma à régler avec lui à cause de Stella et Marc. » Il souriait alors avec autant de désinvolture qu’à son habitude. « Eh bien, c’est comme ça que ça se passe. Calme-toi et profite de ton grand bain. »
Avec cela, Michael avait quitté le château. Il avait été glissant comme toujours jusqu’à la fin. Après l’avoir vu partir, Zagan se pencha à nouveau sur son trône.
« Heureusement que le grand bain semble pouvoir arriver à temps…, » déclara Zagan.
Michael prétendait qu’il allait régler les choses, mais allait-il vraiment en finir aussi facilement ? Il allait certainement avoir un besoin d’avoir un endroit où reposer son cœur. Pour Zagan, pour Néphy, et pour tous ses subordonnés.
***
Partie 3
Zagan avait trouvé Néphy après avoir quitté le château et pénétré dans la forêt. Elle semblait être en train de pratiquer le mysticisme céleste avec Orias. Elles se tenaient toutes les deux face à face.
Lorsque Michael était arrivé, Néphy avait essayé de le recevoir comme un invité, comme si c’était la chose la plus naturelle à faire. Cependant, il était clair que la conversation de Zagan avec lui n’allait pas être agréable, y compris leurs discussions sur Stella, alors il s’en était servi comme excuse pour lui faire passer du bon temps avec Orias. Il avait également fait cela parce qu’il lui semblait que cela aurait été pénible de voir Orias et Michael se rencontrer ici.
Néphy avait les yeux fermés et tenait un vieux balai usé. C’était le bâton d’Azazel. La lumière du soleil, qui scintillait à travers les arbres, ressemblait à des lames autour d’elle, dégageant une atmosphère solennelle. Si un prêtre de l’Église était témoin de cela, il dirait sûrement qu’un miracle se manifeste devant lui.
Une telle foule ne serait qu’une nuisance et il faudrait s’en débarrasser, mais c’est ainsi qu’elle avait semblé être Zagan à ses yeux. Il était complètement fasciné par elle alors que les oreilles de la charmante jeune fille avaient bougé.
« Maître Zagan ? »
Était-ce peut-être le pouvoir du bâton ? Zagan supprimait sa présence pour ne pas gêner son entraînement, mais Néphy avait remarqué qu’il était là et elle s’était tournée vers lui. Il lui fit un léger signe, mais pour une raison quelconque, les oreilles pointues de Néphy tremblèrent fortement comme si elle était complètement effrayée.
« Désolé. Je ne voulais pas te déranger, » déclara Zagan.
« Rien de tel... Hum, est-ce que quelque chose s’est-il passé avec le Seigneur Michael ? » demanda Néphy.
« Uhh… Pas grand-chose. Je vais juste sortir un peu, » déclara Zagan.
Il avait essayé d’agir de la manière la plus désinvolte possible, mais l’expression de Néphy s’était estompée.
« Cela ne me dérange pas. Va avec lui, » déclara Orias en hochant la tête et en poussant pratiquement Néphy par-derrière. Néphy avait tenu le balai précieusement contre sa poitrine et elle s’était précipitée vers Zagan.
« Hum, si cela te plaît, pourrais-je accompagner... Non, pas ça. Euh… »
Elle secoua la tête et se ressaisit, puis elle regarda une nouvelle fois Zagan avant de se pencher sur l’ourlet de sa robe et de faire une élégante révérence.
« Souhaites-tu avoir un rendez-vous ? » demanda Néphy.
Et voyant que Néphy leur suggérait enfin de faire quelque chose, Zagan acquiesça de la tête.
« Hmm, un rendez-vous, hein… ? Hwuh ? Un r-r-r-rendez-vous !? »
Ce n’était pas la première fois qu’ils sortaient ensemble, mais c’était en fait la première fois que Néphy l’invitait à un rendez-vous. Au contraire, c’était toujours fondamentalement Néphy qui avait répondu aux demandes déraisonnables de Zagan. C’était peut-être la toute première fois qu’elle l’invitait à faire quoi que ce soit.
Un r-rendez-vous ? Pourquoi ? Je veux dire, je suis heureux qu’elle m’ait invité. Mais pourquoi maintenant ? Néphy n’était pas du genre à ignorer ce qu’il venait de dire à propos de sortir pour qu’elle puisse suggérer une telle chose. En voyant les mains de Zagan trembler après avoir été si secouées, les oreilles de Néphy étaient devenues rouge vif alors qu’elle avait souri.
« Heehee. Cela valait la peine de rassembler mon courage si j’ai réussi à te surprendre, » déclara Néphy.
« C’est… Eh bien, je suis surpris et heureux, mais pourquoi ? » demanda Zagan.
Néphy avait posé sa main sur la joue de Zagan, déconcerté.
« Tu ne sembles pas en être conscient toi-même, mais tu fais une tête affreuse, Maître Zagan. Donc, euh… la thérapie de choc, je crois qu’elle l’appelle ainsi… J’ai essayé de l’utiliser, » déclara Néphy.
Zagan était bien plus secoué par ses discussions avec Michael qu’il ne le pensait, et Néphy avait vu clair dans tout cela. Elle tendit alors son balai usé et le fit tourner autour de sa taille pour s’asseoir dessus. Il n’y avait aucun signe de sorcellerie à l’œuvre, mais le balai flottait dans l’air et les pieds de Néphy s’étaient détachés du sol.
« Maman m’a appris à voler dans le ciel avec ça. Si tu as l’intention de sortir, je t’emmène ? » demanda Néphy.
« Et est-ce un rendez-vous ? » demanda Zagan.
« Oui… Euh, je me demande, est-ce que je suis trop insistante ? » demanda Néphy.
Néphy avait timidement levé les yeux vers Zagan.
« Non ! Je pense que c’est génial ! Ouais ! » s’exclama Zagan.
Zagan pourrait voler grâce à la sorcellerie, et si besoin est, il pourrait aussi utiliser la téléportation. Cependant, comment pourrait-il être assez fou pour choisir un moyen de transport aussi grossier et sans émotion ? C’était impossible. Il faudrait plutôt s’occuper de tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin, qu’il s’agisse d’Archidémon ou d’archanges. Et avant de monter sur le balai, Zagan se tourna vers Orias.
« Désolé, Orias. Je vais emprunter Néphy. Tu permets ? » demanda Zagan.
« Si ma fille le souhaite, alors c’est tout ce qui compte. Il n’est pas nécessaire de s’occuper de moi, » répondit Orias.
Il semblerait qu’il y ait une différence de clémence entre les pères et les mères. Il aurait été bien que Raphaël puisse faire preuve du même degré d’indulgence, mais Zagan ne se sentait pas capable de le faire lui-même, il ne pouvait donc pas vraiment critiquer l’homme.
« Merci beaucoup, maman, » déclara Néphy avec un grand sourire.
« M-Mm… »
Dans un virage inhabituel, Orias détourna son regard de manière troublée. Elle fit ensuite signe à Néphy de manière réservée.
« Fais attention, » déclara Orias.
« Je le ferai. À plus tard, » déclara Néphy.
Zagan avait supporté son embarras et avait enjambé le balai derrière Néphy.
« Uhhh, est-ce comme ça que je m’assois sur ce truc ? » demanda Zagan.
Un jour, il avait vu l’image d’une sorcière chevauchant un balai comme celui-ci dans un des livres d’images que possédait Foll, mais Néphy le chevauchait sur le côté. En fait, il n’y avait pas de photos de deux personnes chevauchant un balai à la fois. Le bout des oreilles pointues de Néphy tremblerait en détournant son regard.
« Hmm… Tu pourrais tomber du balai comme ça, alors tu devrais t’accrocher à moi en étant plus serré…, » déclara Néphy.
« S-Serré ? » s’exclama Zagan.
Honnêtement, c’était assez difficile pour lui de le faire avec Orias qui les regardait encore, mais c’est sa femme bien-aimée qui avait fait la demande. Zagan se résolut et mit ses bras autour de sa taille.
« M-Mmm. Comme ça… ? » demanda Zagan.
« H-Huh ? O-O-Oui… Comme ça, » répondit Néphy.
Néphy avait hoché la tête alors que ses oreilles rouges tremblaient rapidement et que son regard vagabondait dans l’air.
Son corps est si mince et si doux… Et ses cheveux ! Quelque chose sent bon et c’est tout soyeux ! Maintenant qu’il y avait pensé, même s’il l’avait déjà fait asseoir sur ses genoux, il ne l’avait jamais serrée comme ça par-derrière. Sa première expérience en tandem avec elle avait été beaucoup trop stimulante. Néphy était tout aussi gênée — il pouvait sentir son cœur battre — et elle avait serré les lèvres avant de hausser la voix.
« Alors, c’est parti ! »
Avec cela, le balai s’était envolé très haut dans les airs.
« Hmmm, maintenant, c’est tout à fait…, » murmura Zagan.
Ils s’étaient instantanément envolés assez haut que cela leur permettait d’observer le château. La vue des arbres se balançant au gré du vent était en quelque sorte rafraîchissante. Zagan poussa un soupir d’admiration, et Néphy sourit alors qu’elle était de bonne humeur.
« Heehee, je suis heureux que tu sois satisfaite, » déclara Zagan.
Zagan avait lui-même affiché un large sourire devant l’insolite assurance de Néphy.
« … »
Un moment de silence.
Ayant Néphy dans ses bras, Zagan ne savait plus quoi dire, alors que Néphy semblait se concentrer sur le contrôle du balai. Elle était restée rouge vif et n’avait pas du tout ouvert la bouche. Le balai vola au-dessus de la forêt avant de finir par arriver sur les champs où se trouvait la route principale.
Ils progressaient bien, ce qui signifiait que le balai était en fait assez rapide. Leur rythme était à peu près le même que celui d’un chariot à pleine vitesse. La sensation de flotter qu’ils avaient en le conduisant était assez agréable, donc ils n’avaient pas l’impression qu’ils allaient aussi vite.
« Ah. » Néphy avait soudain haussé la voix.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Zagan.
« Ummm, où allons-nous exactement ? J’ai fini par me diriger vers Kianoides, » déclara Néphy.
Maintenant qu’il y avait pensé, il n’avait jamais mentionné sa destination.
« Aah, Kianoides va bien. J’ai des affaires à régler à l’Église, » déclara Zagan.
« L’Église… Veux-tu rencontrer Chastille ? » demanda Néphy.
« Eh bien, les choses iront plus vite si je l’interroge à ce sujet, mais Nephteros ou autre fera l’affaire. » Et en prononçant le nom de sa belle-sœur, Zagan pencha la tête sur le côté. « Maintenant que j’y pense, je n’ai pas encore vu Nephteros aujourd’hui. »
« Oui, elle a mentionné qu’elle devait rester aux côtés de Chastille parce que le Seigneur Michael va visiter l’Église aujourd’hui. Je crois qu’elle viendra ici après la fin de leur réunion, » répondit Néphy.
« Il se peut donc que nous nous soyons manqués. Michael est juste passé par ici, » déclara Zagan.
Il était d’abord allé à l’Église. Eh bien, cet Archidémon n’était fondamentalement pas un bon vieux monsieur. Zagan avait été informé par Chastille qu’il allait venir à Kianoides, mais sans savoir ce qu’il faisait, elle n’était pas sûre s’il allait visiter le château de Zagan. Ses actions étaient imprévisibles.
« Nephteros est très dévouée, hein ? » dit Zagan avec un sourire tendu. « Ce serait bien si elle en montrait ne serait-ce qu’une partie à ce Richard. »
« Heehee. Chastille est une personne sympathique, mais il y a beaucoup de choses en elle qui t’inquiètent. Je suis sûre que Nephteros n’aime pas la laisser seule, » déclara Néphy.
« Je ne peux pas réfuter cela, » répondit Zagan.
Chastille était assez douée en mode travail, mais cette fille était essentiellement une épave du genre pleurnichard extrême. Et cette facette d’elle apparaissait parfois en mode travail, mais rarement. Il était facile de comprendre le sentiment de vouloir être à ses côtés lorsqu’elle rencontre un Archidémon, même si c’est Michael.
« Oh oui, Kuroka allait en ville aujourd’hui avec les autres, n’est-ce pas ? » demanda Zagan.
« Oui. Elles sont allées acheter quelque chose pour le bain, » déclara Néphy.
Zagan était allé inspecter le bain du Palais de l’Archidémon, mais celui-ci n’était qu’une ruine et cela ne lui avait pas dit grand-chose. Les trois filles de Liucaon, les personnes les plus normales parmi les résidents du château, avaient donc été envoyées en ville pour faire les courses. Le nom de Kuroka ayant été évoqué, c’était maintenant Néphy qui avait forcé un sourire.
« Cela signifie-t-il que Sire Shax est avec elles ? » demanda Néphy.
« Oui, il a dit qu’il allait les suivre à distance, mais c’est sans doute inutile avec Kuroka dans cette situation, » répondit Zagan.
Les sens aiguisés de Kuroka avec le temps passé à être aveugle ne s’étaient pas du tout détériorés. Il était même difficile pour Barbatos de la suivre sans se faire remarquer. Et c’était sûrement encore plus difficile pour Shax, vu qu’elle était habituée à son odeur. Il se trouve que Gremory les suivait également.
« … Ce matin, Kuroka m’a confié ses vieux vêtements, » marmonna Néphy d’un ton troublé.
« Je vois. »
Il y a quelque temps, Zagan avait acheté des vêtements à Kuroka, et Shax les cachait pour une raison inconnue. Les nouveaux vêtements qu’ils lui avaient achetés l’autre jour étaient également destinés à remplacer ses vêtements manquants.
***
Partie 4
Ce qui signifie qu’elle a fini par choisir le pouvoir… Le fait qu’elle ait remis ses vieux vêtements à Néphy signifie qu’elle a pris la résolution d’accepter le pouvoir que Zagan avait choisi de lui offrir.
« Je suppose que Kuroka a choisi de se battre maintenant, » déclara Néphy.
« Après tout, le père et la fille sont tous deux assez maladroits. Eh bien, c’est à peu près comme ça que je pensais que ça se passerait, » répondit Zagan.
« Mais… Elle a bien dit qu’elle ne les confiait que jusqu’au jour où elle n’aurait plus à tenir une épée, » répondit Néphy.
Zagan était resté émerveillé devant cette réponse inattendue.
« … Je vois. C’est bien, » déclara Zagan.
Il ne savait pas quel genre de conversation Néphy avait eue avec Kuroka, mais il était sûr que Kuroka avait changé d’avis.
« Oui, c’est vraiment le cas, » répondit Néphy avec un sourire.
Zagan avait eu l’impression d’avoir tout compris à partir de là.
J’ai l’impression que quelque chose a changé à propos de Néphy. Je parie que c’est aussi grâce à Kuroka. Ce n’était pas comme si elle avait des tendances masochistes ou quoi que ce soit d’autre, mais le sentiment d’affirmation de soi de Néphy était assez faible. C’était comme si cela avait changé petit à petit depuis qu’elle avait guéri les yeux de Kuroka. C’était probablement aussi la raison pour laquelle elle avait pu faire quelque chose d’aussi affirmé que de l’inviter à un rendez-vous. Zagan fit un signe de tête en faisant semblant de ne pas le remarquer, même s’il se sentait sincèrement touché par cela.
« Il ne lui reste plus qu’à se réconcilier d’une manière ou d’une autre avec cet idiot de Shax, » déclara Zagan.
« C’est vrai…, » murmura Néphy.
Silence une fois de plus. Mais cette fois, c’était différent. On avait l’impression que Néphy attendait Zagan.
« Aussi, euhh…, » balbutia Néphy.
« Oui ? » demanda Zagan.
« Michael a bien laissé provoquer une nuisance, n’est-ce pas ? » demanda Néphy.
« Oui, » répondit Zagan.
Néphy le savait juste parce qu’il lui avait dit qu’elle n’avait pas besoin de le traiter comme un invité. Cependant, Zagan ne savait pas trop comment exprimer ses sentiments, et une fois de plus, il s’était laissé aller dans le silence en essayant de trouver les mots appropriés. Après s’en être inquiété pendant un certain temps, il n’avait pas trouvé d’autre moyen que de le dire clairement.
« Alors… j’ai entendu parler de Marc. Il semble qu’il me cherchait sur la base d’une promesse ou quelque chose avec mes parents ou mes frères et sœurs, ou… en fait, il est assez peu probable que ce soit un frère ou une sœur… mais c’était une promesse avec ce genre de personne, » déclara Zagan.
Zagan avait environ sept ans à l’époque. Même s’il avait un frère ou une sœur, il ne pensait pas qu’un enfant proche de cet âge aurait eu l’influence nécessaire pour pousser un homme comme Marc à l’action. S’il s’agissait d’un frère ou d’une sœur un peu plus âgés que lui, il n’y avait aucune raison pour qu’ils n’entrent pas maintenant en contact avec Zagan. En bref, il était extrêmement probable que quelqu’un comme les parents de Zagan en fasse la demande.
« À cause de ça, l’identité de cette personne est quelque peu dans mon esprit… ou peut-être que je ne veux pas le savoir ? » Tout ce qu’il essayait de faire, c’était de le mettre en mots. Il ne devait rien y avoir d’étrange à cela, mais il avait ressenti une déception dans son cœur pour une raison quelconque. « Désolé. Je ne comprends pas vraiment moi-même. »
« Non, je comprends, » répondit Néphy d’un ton réconfortant tout en gardant les yeux sur l’horizon. « Est-il possible que cela ressemble à une trahison d’avoir une promesse faite avec quelqu’un d’autre qui s’insère soudainement dans la relation entre toi et l’homme que tu considères comme un frère ? »
Elle avait décrit avec brio le vague sentiment que Zagan n’avait lui-même pas pu expliquer, le laissant émerveillé.
« Est-ce que c’est si… ? » demanda Zagan.
« C’est ce qui m’a semblé être le cas. » Néphy avait retiré une main de son balai et avait touché le bras de Zagan. « Je ne sais pas avec quel genre de personne il a fait cette promesse, mais c’est ce qui vous a fait vous rencontrer tous les deux, n’est-ce pas ? Alors je suis sûre qu’ils ne voulaient pas te faire de mal, Maître Zagan. »
« Hmm. C’est un regard optimiste. As-tu une base pour dire cela ? » demanda Zagan.
Il ne critiquait pas vraiment son opinion, mais Zagan était lui-même incapable de penser de cette façon. C’est peut-être pour cela qu’il voulait des conseils. Néphy se retourna avec un regard de regrets et sourit.
« Ne m’as-tu pas appris cela toi-même, maître Zagan ? Les parents aiment leurs enfants tout comme toi et moi aimons Foll, » déclara Néphy.
Zagan était resté complètement choqué, puis il avait souri amèrement.
« Est-ce que c’est si…, » commença Zagan.
« Oui, c’est le cas, » répondit Néphy.
« Mais il semble que les enfants traversent une période de rébellion. » Heureusement, cette période n’était pas encore arrivée pour Foll, mais il avait entendu dire que les parents ordinaires se creusaient souvent la tête pour les enfants qui le faisaient. « En d’autres termes, dis-tu que je traverse une période similaire ? »
« Qu-Quoi ? N-Non, je ne voulais pas, » balbutia Néphy.
« Je plaisante, » dit Zagan en riant.
« Bon sang… Tu es méchant, Maître Zagan, » répondit Néphy en se gonflant les joues.
« Désolé. Tu me gâtes vraiment. Je vais bien maintenant, » déclara Zagan.
Néphy ne répondit pas tout de suite, mais tira sur son bras comme pour l’enlacer.
« … Tu m’en dois une maintenant. Gâte-moi aujourd’hui jusqu’à ce que je sois pleinement satisfaite, » déclara Néphy.
« Comme c’est strict, » déclara Zagan.
« Oui. »
« Alors… S’il te plaît, vole un peu plus lentement. Nous atteindrons la ville tout de suite comme ça, » déclara Zagan.
Les oreilles de Néphy étaient devenues rouge vif jusqu’à leur extrémité face à sa demande, et elle avait hoché légèrement la tête en retour.
« Ne te fâche pas si le soleil finit par se coucher, d’accord ? »
Kianoides était déjà en vue, mais le balai qu’ils montaient ne se dirigeait que très lentement vers lui.
La gâter ? Jusqu’à ce qu’elle soit pleinement satisfaite ? Il avait l’impression qu’elle venait de dire quelque chose de scandaleux. Les oreilles de Néphy étaient rouge vif et tremblaient comme pour dire qu’elle ne faisait que suivre le courant et qu’elle venait de remarquer ce qu’elle avait elle-même dit. Il sentait son cœur battre comme un marteau. Il ne pouvait pas voir son visage parce qu’elle était tournée vers l’avant, mais il savait qu’elle était au bord des larmes.
« Aaaaaaaah ! Mais j’adore ça ! »
Les deux individus avaient poussé un cri intérieur alors que le balai flottait tranquillement dans le ciel en direction de Kianoides.
◇◇◇
« Haah... Je suis finie. Je suis vraiment finie. »
« Dexia, l’abandon de la mission est passible de la peine de mort. »
« C’est ce que tu dis, mais sais-tu au moins ce que nous sommes censées faire ? »
« Pas du tout. As-tu entendu quelque chose ? »
« Nous étions ensemble tout ce temps. Penses-tu que j’ai eu l’occasion d’obtenir une explication par moi-même ? »
« … Aristella est déçue. »
« Pourrais-tu arrêter de faire croire que c’est ma faute ? »
Après avoir été jetées à Kianoides, les deux subordonnées de Shere Khan avaient été laissées sur place, toujours dans la confusion. Dexia portait un plastron uni et une jupe courte. Elle était habillée de façon décontractée, les épaules et le ventre exposés, et elle avait une épée à chaîne suspendue à sa taille derrière elle. Aristella portait une robe à froufrous qui semblait difficile à enfiler, mais elle avait toujours deux cimeterres à l’allure dangereuse sur elle.
L’une était infiniment expressive, tandis que l’autre était totalement sans expression. L’une avait les cheveux attachés à droite avec un ruban rouge, et l’autre à gauche avec un ruban bleu. Elles étaient exactement opposées à bien des égards, mais leurs visages étaient identiques.
Elles étaient à peu près au milieu du quartier commerçant. On pouvait voir le clocher de l’Église plus loin dans la rue. On aurait dit qu’elles allaient se retrouver tout de suite séparées dans le flot de personnes de races et de statuts sociaux différents si elles ne se tenaient pas la main.
Dexia n’avait aucune idée de ce qui se passait dans l’esprit d’Aristella, alors elle avait serré la main de sa petite sœur sans expression. On ne savait pas vraiment laquelle était la plus âgée des deux, mais Dexia se reconnaissait comme la grande sœur. Mais il était probable qu’Aristella se considérait également comme la grande sœur.
« Je vous confie une mission top secrète. »
C’est ce que l’Archidémon au sourire répugnant avait dit à Dexia et Aristella. Shere Khan leur avait ordonné d’obéir à Bifrons, elles n’étaient donc pas particulièrement mécontentes. Néanmoins, il était en fait gênant d’être jeté dans la ville sans qu’on lui dise ce qu’était réellement cette mission top secrète. Ainsi, elles n’avaient aucune idée de ce qu’elles étaient censées faire. Et pourtant, il serait insatisfaisant pour elles de voir leur mission étiquetée comme un échec.
Ce type est vraiment flippant. Dexia craignait que Bifrons ne porte préjudice à Shere Khan pendant leur absence. Et tandis qu’elle se plaignait à elle-même, Aristella réfléchissait un peu avant de dire ce qu’elle pensait.
« C’est le domaine d’un Archidémon. »
« Eh bien, oui. »
« Il existe plusieurs espèces rares rassemblées sous l’Archidémon Zagan… Aristella pense que nous sommes censés les capturer. »
« … Tu crois qu’on peut se battre à deux contre un Archidémon ? »
Ce ne serait sûrement pas différent du suicide. Les deux filles étaient prêtes à mettre leur vie en jeu et à être mises de côté, mais elles n’aimaient pas l’idée de mourir sans signification. Si elles devaient être jetées, alors elles voulaient au moins mourir d’une manière qui leur permette de gagner du temps.
« Uwah, oh wah… »
Dexia avait failli être renversée par le flot de personnes qui l’avaient submergée lorsqu’elle s’était enfoncée dans ses pensées.
« Il y a trop de gens ici. Aristella suggère de les réduire en charpie. »
« Tu ne peux pas. Ce sera mauvais d’attirer sur nous l’attention des Chevaliers angéliques alors que nous ne savons même pas quelle est notre mission. »
« C’est choquant. Dexia est raisonnable. »
« Tu es vraiment… » Dexia avait poussé un soupir et avait sorti quelque chose de sa poche. C’était ce que Bifrons lui avait donné quand elles avaient été jetées en ville.
« Je suppose que c’est notre seul indice. »
« Dexia. On les appelle des pièces de monnaie. Elles sont en circulation sur tout le continent. Elles ne semblent pas avoir été spécialement conçues pour la sorcellerie. »
« Je sais. »
C’était une poignée de pièces. Une en or, trois en argent et dix en cuivre. C’était juste assez d’argent pour s’amuser en ville toute la journée, et Aristella avait aussi sa propre part. Elles considéraient que les pièces avaient une sorte d’effet magique lorsqu’elles étaient assemblées, mais elles semblaient vraiment n’être rien de plus que des pièces ordinaires. Dexia en avait tenu une à la lumière du soleil, mais elle ne montrait aucun signe de changement.
***
Partie 5
« Alors, pourquoi les avons-nous obtenues ? » demanda Dexia.
« Une allocation ? »
« Et pourquoi un Archidémon nous donnerait-il une allocation ? Ce serait plus logique s’ils étaient maudits. »
Et juste à ce moment, l’estomac d’Aristella se mit à grogner. Des odeurs savoureuses flottaient de toutes parts, comme dans un quartier commerçant.
« Aristella a faim. »
« Je suppose que c’est normal vu que nous n’avons rien mangé de toute la journée. »
Les deux filles avaient regardé les pièces de monnaie qu’elles tenaient dans leurs mains. En tant que fidèles serviteurs de Shere Khan, elles ne possédaient pas d’argent à elles.
« Devrions-nous manger quelque chose avec ça ? »
« Dexia, quelle témérité. C’est de la folie d’utiliser quelque chose qui pourrait être piégé. »
« C’est ce que tu dis, mais nous n’arriverons à rien en restant là, n’est-ce pas ? »
Aristella pensait sûrement la même chose, et elle avait hoché la tête à contrecœur.
« C’est vrai. »
Dexia avait jeté un coup d’œil autour d’elle. Il y avait l’odeur de la viande cuite qui les assaillait impitoyablement depuis la boucherie. Elle voyait des charrettes vendant des jus de fruits alléchants. Il y avait des salons de thé avec des lignes de sucreries en étalage. C’était comme si des tentations de renverser les faibles de cœur les entouraient. Les deux filles tremblèrent devant la situation épouvantable dans laquelle elles venaient de se trouver.
« Et si nous allions dans ce chiche-kebab pour l’instant ? »
« Comme c’est superficiel, Dexia. Nos fonds sont limités. Nous devrions charger dans la citadelle intérieure tant que nous avons la force de le faire. »
« La viande ! »
« Les sucreries. »
Leur dispute futile n’avait pas duré longtemps, car leurs deux estomacs avaient grogné.
« Haaah... Le dessert, c’est bien. Veux-tu déjà prendre quelque chose ? »
« Comme c’est inattendu. Dexia a cédé. »
« … Peu importe. »
Dexia avait soufflé sur le côté et elle s’était dirigée vers un magasin de thé qui a attiré son attention.
« Qu-Quoi !? C’est… ! »
Elles avaient toutes deux haussé la voix à l’unisson. Un terrifiant dessert composé d’une tour de bonbons cuits et congelés était exposé. Le propriétaire du magasin était peut-être un sorcier. Le dessert congelé présentait un éclat brillant et sucré, mais ne montrait aucun signe de vouloir fondre. Les filles avaient dégluti. Avant même qu’elles ne s’en rendent compte, elles pointaient le dessert du doigt.
« Ceci, s’il vous plaît. »
« Bien sûr ! Juste un, n’est-ce pas ? »
« Hein ? Nous sommes deux, alors n’est-il pas évident que nous avons besoin de deux ? »
« Je veux dire… Ce n’est pas vraiment quelque chose que les petites filles peuvent finir toutes seules, vous savez ? »
En regardant dans le magasin, les autres clients qui avaient commandé le même dessert les mangeaient en groupe. Une telle quantité était insignifiante pour l’estomac d’un sorcier, mais ce n’était pas le moment pour elles de se distinguer. Dexia et Aristella échangèrent des regards, puis hochèrent la tête à contrecœur.
« Alors un seul. »
« Tout de suite ! »
Dexia avait remis ses propres pièces à la serveuse sous le regard étonné d’Aristella.
« Comme c’est choquant. Dexia s’est-elle réveillée au sacrifice ? »
« Oh allez, pourquoi ne pas me remercier honnêtement ? »
Aristella avait regardé Dexia d’un air ahuri pendant un moment, puis avait finalement répondu d’une voix très calme.
« … Merci. »
« De rien ! »
Il serait difficile de réagir à quelque chose qui se passerait dans une telle boutique, alors les deux filles avaient choisi un siège vers la sortie. Au bout d’un moment, un dessert géant avait été apporté à leur table.
« Oooh... »
Le verre était suffisamment grand pour qu’on puisse le confondre avec un vase. Il y avait assez de crème fouettée et de sucreries congelées pour qu’on puisse les regarder depuis la table. C’était vraiment suffisant pour qu’elles partagent toutes les deux. Les deux filles avaient échangé des signes de tête, puis elles avaient pris leurs cuillères.
« C’est si doux ! Qu’est-ce que c’est que ça ? N’est-ce pas stupide d’avoir autant de douceur ? Mmmm… Hé ! Aristella ! C’est ma moitié ! »
« Nous n’avons jamais rien décidé de tel. »
En contraste total avec l’excitation de Dexia, Aristella mettait silencieusement sa cuillère au travail et avait réussi à s’allonger jusqu’à l’autre côté du dessert.
Bon, peu importe. Dexia avait poussé le verre loin d’Aristella.
« Laisse-m’en un peu, d’accord ? »
« … ? Tu agis bizarrement aujourd’hui, Dexia. Es-tu en train de mourir ? »
« Pourquoi le serais-je ? »
Dexia n’avait pas l’intention de se battre, même si elle avait haussé la voix. Elle avait posé son coude sur la table et s’était mise à marmonner.
« Lorsque cela s’est produit… Tu m’as couverte, non ? »
« De quoi s’agit-il ? »
Aristella pencha la tête dans la confusion, et Dexia lui lança un regard aigri.
« Dans la trésorerie de Raziel, après qu’on se soit débarrassé de ce petit enfant, la femme est devenue sérieuse, tu te souviens ? »
La femme avait utilisé ses terrifiantes compétences en matière d’épée pour submerger complètement Dexia, lui arrachant l’épée des mains. Aristella avait alors sauté pour la couvrir et avait fini par subir de graves blessures. Tout cela alors que Dexia était censée s’occuper de la femme pendant qu’Aristella s’occupait du garçon.
Elle était plus dangereuse que cette fille que nous avons combattue pendant l’affaire Azazel… À l’époque où Dexia et Aristella avaient écrasé la sombre secte de l’Église, Azazel, il y avait une fille qui était anormalement plus forte que les autres. Elle avait l’air d’être une tabaxi qui maniait deux lames. Elles avaient même utilisé le sort interdit qui était l’atout de Shere Khan, mais elles n’avaient pas pu l’achever. Mais cette femme de la Trésorerie avait vu clair dans le même tour et l’avait pulvérisé en un instant.
« Aristella ne se souvient pas, » dit-elle alors que sa cuillère s’était arrêtée.
« Oui, c’est vrai. Tu étais si près de mourir là-bas. »
« Aristella ne s’en souvient pas, mais si une telle chose se produisait, alors c’était la chose rationnelle à faire. »
Dexia avait jeté un regard furieux sur Aristella, qui s’était mise à tripoter les froufrous de sa jupe comme si elle esquivait le sujet. C’était son tic chaque fois qu’elle essayait de faire l’idiote.
« Haah... C’est ce que je ressentais. Donc on est quittes ! »
Et avec cela, Aristella avait repoussé le verre vers Dexia.
« Aristella ne sait pas de quoi tu parles. »
« … Hmph. Ne t’attends pas à ce que je fasse encore quelque chose comme ça pour toi. »
Dexia avait commencé à mettre sa cuillère au travail pour cacher sa gêne. Et après cela, pendant un certain temps, environ la moitié du dessert avait été consommée.
« Dexia, la mort d’Aristella serait-elle gênante ? »
« Haah ? N’est-ce pas… ? »
Elle ne pouvait pas répondre. Ce n’était pas seulement une question de désagrément. Elle sentait qu’elle ne supporterait pas de perdre la fille qui était pratiquement son autre moitié.
« Aristella ne comprend pas… »
« Hmph. Alors, pourquoi m’avoir couverte ? »
« … Aristella ne le sait pas, mais… probablement parce qu’Aristella n’aimait pas l’idée de te voir mourir. »
Dexia fut quelque peu étonnée de voir Aristella baisser les épaules.
« Alors, ça ne va pas ? Il en va de même pour moi. »
Elle avait dû en tuer beaucoup plus pour le bien de Shere Khan. Elle ne pouvait pas supporter de ne pas avoir Aristella avec elle dans ces moments-là. Elle ne serait probablement pas capable de se battre si Aristella n’était pas avec elle. Peu importe combien elles s’étaient battues, c’est ce que cette fille était pour elle. Et pourtant, Aristella avait penché la tête de manière troublée.
« Aaah, peu importe. Arrêtons de penser à ces conneries compliquées ! Allons manger ! Tuons ! Et revenons vite au Maître Shere Khan ! »
Elle ne savait pas encore qui tuer, mais c’était tout ce qu’elles étaient capables de faire. Et pourtant, Aristella se répéta une fois de plus.
« … Aristella ne comprend pas… plus maintenant… »
« Qu’est-ce que — . »
Et juste au moment où Dexia avait essayé de lui demander ce qu’elle voulait dire…
« Ne vous moquez pas de moi ! »
Un rugissement de colère s’était fait entendre lorsqu’un homme était tombé sur leur table. Il semblait qu’une bagarre avait éclaté. Leur dessert à moitié mangé avait été envoyé dans les airs.
« Aaah... ! »
Elles crièrent de chagrin. Il aurait été simple pour elles de l’attraper par sorcellerie dans des circonstances normales, mais leurs réactions avaient été entravées par l’état d’esprit d’Aristella. Le dessert qu’elles avaient acheté avait fini par se faire éclabousser lamentablement sur le sol.
« Je vais te tuer, putain ! »
« Arrête ! Dexia ! »
Dexia plaça sa main sur son épée, mais Aristella l’arrêta et la ramena à la raison.
Oh oui, on ne peut pas se permettre de se démarquer en ce moment. Mais elle avait déjà élevé la voix. L’homme qui était tombé sur leur table avait regardé Dexia mettre sa main sur son épée.
« Mais qu’est-ce que tu regardes, sale gosse !? »
Les choses étaient devenues gênantes. L’homme semblait être une sorte de mercenaire à en juger par l’épée à sa taille et sa carrure qui impliquait qu’il n’était capable de résoudre les choses que par la force brute. Il était clair qu’il n’était pas un sorcier.
Il était simple pour Dexia de tuer un tel parasite, mais le risque d’attirer l’attention des Chevaliers angéliques ou de l’Archidémon Zagan était trop élevé en agissant ainsi. C’est ainsi parce qu’il était assez probable que son visage ait été vu dans la Trésorerie. Dexia avait poussé un gémissement, mais soudain, une voix digne s’était fait entendre dans toute la boutique.
« Vous, pourquoi cette agitation ? »
Même si c’était une voix calme, voire douce, elle possédait un air intimidant qui donnait l’impression qu’elle obligeait à se prosterner devant elle. Le propriétaire de cette voix était une elfe aux cheveux argentés. Elle semblait être liée à l’Église, puisqu’elle était accompagnée d’un jeune chevalier angélique.
Ma sorcellerie a été effacée ? La sorcellerie était une technique qui reposait en grande partie sur le dessin d’un cercle magique ou l’exécution d’un long chant. C’était précisément pour cela que les sorciers se promenaient avec plusieurs sorts déjà préparés afin de pouvoir être tirés à tout moment. Et la sorcellerie que Dexia avait préparée avait été dispersée par cette seule phrase.
Pas du tout, elle a mis du mana dans sa voix… ? Dexia frissonna en réalisant la vraie nature de ce qui s’était passé. Elle n’avait aucun moyen de le savoir, mais c’était la même sorcellerie que Zagan utilisa lorsqu’il affronta Orias. Tout comme Valefor avait pris le pouvoir que Zagan lui avait donné et l’avait développé pour en faire son propre Echo Divin, cette fille avait obtenu son propre pouvoir alors qu’elle était sous la tutelle d’Orias. C’était une forme de mana qui pouvait forcer n’importe quel sorcier moyen à s’évanouir sur place.
Mais ce qui était encore plus terrifiant, c’est que les masses autour d’elle ne montraient aucun signe d’effroi. Son attaque n’était dirigée que contre l’homme et Dexia. Elle était d’une précision épouvantable.
« Eep, qu’est-ce qui t’arrive… ? Attends, tu es… »
Le mercenaire trembla violemment et recula. Sa vigueur antérieure avait complètement disparu, et il en était maintenant réduit à se mettre à genoux et à se replier pitoyablement. Mais Dexia ne pouvait pas se moquer de lui. Au contraire, il était du côté des plus forts pour avoir gardé sa conscience.
Je ne peux pas bouger… ! Il en va de même pour Aristella. Normalement, il était impossible que Dexia et Aristella n’aient aucune chance contre leur adversaire, même contre un elfe. Cependant, la sorcellerie qu’elles avaient préparée au préalable était détruite. Elles étaient rendues impuissantes avant même que le combat ne commence.
Après avoir confirmé que l’homme avait perdu toute volonté de se battre, l’elfe avait mis sa main sur sa mâchoire.
« Alors, si vous ne voulez plus vous battre, partez d’ici. C’est-à-dire après avoir remboursé le magasin. »
« E-Eek! »
L’homme avait forcé une poignée de pièces de monnaie dans les mains d’une serveuse voisine puis s’était enfui comme un lièvre effrayé. L’elfe s’était ensuite tourné vers Dexia et Aristella.
Merde. Il leur était possible de s’échapper. Cependant, il était impossible de le faire indemne. Voilà à quel point la quantité de pouvoir que l’elfe devant elles possédait était grande. Les filles s’étaient figées instinctivement, et l’elfe leur avait soudain tendu la main.
« Vous allez bien ? »
« Huh …? » marmonna Dexia, incertaine de ce qui se passait, mais avait quand même hoché la tête. « Uhhh, oui. »
« Je vois, alors faites attention à ne pas causer de problèmes. Les Chevaliers angéliques et les sorciers sont tous deux à cran aujourd’hui. »
Les deux filles ignoraient bien sûr que l’Archidémon Andrealphus était en visite dans la ville. Néanmoins, elles s’étaient rendu compte que cette elfe était venue pour les aider. Ceux qui savaient ce qu’il fallait chercher pouvaient identifier un sorcier en un instant. Cette elfe essayait apparemment d’empêcher les sorciers de l’« extérieur » de s’attirer des ennuis.
« Ce ne sont pas vos affaires, » déclara Dexia en détournant son regard et en refusant la main de l’elfe. « Nous ne voulions pas non plus causer de problèmes, vous savez ? »
« Je vois. Et vous, vous allez bien ? »
L’elfe ne semblait pas s’intéresser le moins du monde à la question et tendit la main à Aristella. Dexia ne le remarqua pas, car elle avait fini par s’avancer, mais Aristella était retombée sur ses fesses. Son regard se promena un moment dans la confusion, mais elle finit par prendre timidement la main de l’elfe.
« Merci — argh !? »
Une fissure avait résonné dans l’air comme si le monde même grinçait. L’elfe recula comme si elle avait été repoussée, et Aristella retira sa main en toute hâte.
« Aristella ! »
« Lady Nephteros ! »
Dexia avait immédiatement soutenu Aristella par les épaules, tandis que le chevalier angélique à côté de l’elfe l’avait rattrapée avant qu’elle ne tombe.
« Ce qui s’est passé… ? » demanda-t-il.
« Je vais bien. C’était probablement un choc statique ou quelque chose comme ça… »
L’elfe avait vu le chevalier angélique se concentrer sur l’épée à sa taille et il avait secoué la tête d’un air frêle. Aristella avait également l’air d’être complètement hébétée et ne savait pas ce qui s’était passé. Il semblait qu’aucune d’elles n’avait fait quoi que ce soit du point de vue de Dexia.
« Hé, Aristella. Vas-tu bien ? »
« … Aristella va bien. Ce n’était rien. »
Elle avait hoché la tête dans la confusion. Il fallait que ce soit grave pour que l’agitation de cette jeune fille normalement sans expression soit aussi évidente.
Ça ressemblait à une sorte de résonance… Un tel phénomène était tout à fait possible entre des compagnons elfes ou Archidémon, mais Aristella et l’elfe n’avaient pas de tels points communs entre elles.
« Ne vous a-t-elle vraiment rien fait ? »
« Probablement. Aristella n’a rien fait non plus. »
Toutes deux étaient restées complètement perplexes, et Aristella avait réussi d’une manière ou d’une autre à se relever. Le chevalier angélique semblait extrêmement méfiant à son égard, mais les deux filles n’avaient aucun mérite à causer du désordre ici.
« Si vous allez bien, alors il serait préférable que vous partiez d’ici. Quelqu’un de gênant est en ville aujourd’hui, » déclara l’elfe après s’être calmée.
« Quelqu’un de gênant… ? »
L’elfe s’était abstenue de répondre et avait elle-même quitté la boutique.
« Qu’est-ce que c’était… ? »
Dexia avait douté de ses yeux en regardant l’elfe s’éloigner. L’ombre à ses pieds semblait déformée de manière grotesque. Dexia avait frotté ses yeux et avait jeté un autre coup d’œil, mais à ce moment-là, la distorsion avait disparu.
Est-ce que je voyais des choses… ? Il n’y avait personne autour qui pouvait lui répondre. Et alors qu’elle se tenait là, immobile, Aristella lui avait tiré la main.
« Dexia, nous devrions partir d’ici. »
Après être soudainement revenue à la raison, Dexia avait remarqué que tout le monde les observait. Les filles étaient des personnes de l’extérieur et elles parlaient avec une elfe. Il était impossible qu’une telle elfe ne soit pas visible au milieu de la ville. Elle avait même un chevalier angélique comme escorte.
C’est vraiment une mauvaise idée de rester ici.
Les filles avaient forcé leur chemin à travers la foule et s’étaient enfuies de la zone.
***
Partie 6
« Hahaha, on a une tonne de cadeaux, hein ? »
Selphy portait des sacs dans ses deux mains avec un sourire joyeux alors qu’elle marchait à côté de Kuroka et de Lilith. Kuroka portait l’uniforme militaire qu’elle avait reçu de Zagan l’autre jour. On pourrait aussi l’appeler « vêtement de majordome », mais cela lui donnait plus d’excuses pour parler avec Raphaël, et elle en était donc très heureuse.
Elle avait sa canne-épée à la main. Elle était inutile maintenant qu’elle pouvait voir à nouveau, mais ses épées courtes étaient essentielles si un combat devait éclater. Ses vêtements étaient un peu dépareillés par rapport à son apparence, mais ils lui convenaient mieux que la robe qu’elle avait reçue d’Alshiera. Tôt ou tard, elle devait également la remercier pour ces vêtements.
Les filles avaient fini leurs courses et se rendaient maintenant au château depuis Kianoides.
« Selphy, je me fiche que Monsieur Zagan se mette en colère contre toi parce que tu as acheté trop de trucs inutiles, d’accord ? » déclara Kuroka.
Toutes les trois étaient venues en ville pour acheter des décorations pour le grand bain. Les plus gros articles comme les statues et autres devaient être livrés, mais elles transportaient les articles plus légers comme les seaux et le savon.
J’ai l’impression que ce genre de choses devrait être interdit selon les propriétaires du château… Kuroka venait juste de commencer à vivre au château, elle n’était donc pas sûre de pouvoir choisir des objets pour la décoration intérieure. Et alors qu’elle ruminait sur ce sujet, Selphy avait élevé la voix avec beaucoup d’humour.
« C’est totalement O-OK ! Monsieur Zagan n’aime pas se soucier des petits détails. Il récompense également les personnes qui s’accrochent et font de leur mieux ! » répondit Selphy.
« Même si c’est le cas pour Sa Majesté, Lady Néphy pourrait se mettre en colère, » répliqua Lilith.
« Hein… ? Oh. Ahahah… Ça va… aller. Elle ne se fâchera pas… N’est-ce pas ? » demanda Selphy.
Selphy devint pâle et commença à trembler tandis que Kuroka regardait ça avec émerveillement.
« Néphy se met-elle vraiment en colère ? » demanda Kuroka.
Kuroka n’avait réussi à avoir de véritables conversations avec elle qu’après qu’il ait été décidé qu’elle aurait les yeux guéris, mais même avant cela, elle était assez concentrée sur Néphy de loin. Elle était toujours douce et silencieuse, nichée à côté de Zagan. Kuroka avait du mal à imaginer qu’elle se mette en colère.
« Elle se met en colère si vous insultez Sa Majesté, » dit Lilith en s’agrippant à ses épaules et en tremblant.
« L’as-tu déjà insulté ? » demanda Kuroka.
« Je n’ai pas fait exprès ! J’ai juste… euh, une langue bien pendue, » déclara Lilith.
Maintenant qu’elle y avait pensé, le groupe avait rencontré Lilith pour la première fois lorsqu’ils étaient allés en Atlastia. Néphy semblait vraiment à cran à l’époque en raison de l’anomalie de ce qui était arrivé au corps de Zagan. Apparemment, il s’était passé quelque chose entre Lilith et Néphy à ce moment-là.
« C’est bon, Lilith. Mlle Néphy n’est plus en colère contre toi, n’est-ce pas ? » déclara Selphy.
« Je le sais, » déclara Lilith.
Eh bien, on disait que les gens qui étaient habituellement doux étaient d’autant plus effrayants lorsqu’ils étaient en colère.
« De plus, elle gronde Miss Gremory, genre, tout le temps, » continua Selphy.
« Miss Gremory… ? Oh, c’est logique, » déclara Kuroka.
Kuroka avait été utilisée comme une poupée l’autre jour par Gremory. Elle était sûrement douée pour que Zagan l’emploie comme son domestique, mais Kuroka ne voulait pas vraiment s’engager avec elle.
On dirait qu’elle nous suit encore aujourd’hui… Kuroka avait pu constater que Gremory les suivait à une petite distance et veillait sur elles, peut-être en tant que garde. D’ailleurs, elle pouvait aussi sentir Shax juste un peu plus loin. Honnêtement, elle ne voulait pas qu’il garde une telle distance avec elle pour toujours, mais la considération de Zagan était vaine et elle n’avait pas encore pu parler correctement avec Shax. Tout cela alors qu’elle avait de nombreuses occasions de le faire, comme demander conseil pour la construction du bain.
Il était impossible que Lilith n’ait pas non plus remarqué cette situation. Elle avait jeté un regard derrière elle et avait soupiré d’étonnement.
« Hé, Kuroka, combien de temps comptes-tu l’ignorer ainsi ? » demanda Lilith.
« Je ne l’ignore pas vraiment…, » déclara Kuroka.
Cela étant dit, était-il même possible d’avoir une véritable conversation avec lui alors que Raphaël le dévisageait tout le temps ?
D’ailleurs, ce serait bien s’il disait lui-même au moins quelque chose…
Elle avait l’impression que son amour était complètement unilatéral et commençait à perdre confiance en elle.
« Haah... »
Et juste au moment où Kuroka soupirait et où Lilith allait la réconforter, les oreilles triangulaires de Kuroka se dressèrent.
« Lilith, arrête. »
« Hein ? »
Kuroka avait entendu des pas précipités et avait élevé la voix. Quelques instants plus tard, une petite silhouette avait surgi de l’ombre d’un bâtiment. Lilith avait réussi à éviter de les heurter, et la silhouette s’était également rendu compte qu’elle était proche et s’était arrêtée.
« Fwah ? »
« Hein !? »
Selphy s’était également arrêtée, mais elle n’avait qu’une longueur d’avance sur les autres. C’est pour cette raison qu’elle avait fini par se heurter à l’autre. Elle avait fait tomber ses sacs et était tombée à l’envers, le visage vers le haut.
« Selphy ! »
Kuroka avait lâché sa canne-épée et avait soutenu Selphy par le dos en utilisant sa main gauche tout en attrapant les sacs avec sa droite. Sa canne avait commencé à tomber par terre, mais Kuroka avait réussi à l’attraper en enroulant ses deux queues autour d’elle.
« Ouf… »
Kuroka Adelhide était un individu malheureux, mais contrairement à Chastille, elle n’était pas vraiment maladroite ou quoi que ce soit. Lilith avait bougé ses mains à la vitesse de l’éclair comme si elle faisait une scène, et Kuroka avait porté son attention sur celle avec lequel Selphy était rentrée en collision. Toute seule, elle n’avait pas d’autre choix que de cesser de soutenir Selphy.
« Est-ce que ça va ? »
Et au moment où elle l’avait appelée, elle avait réalisé quelque chose.
Hein ? Cette odeur… Celle qui était tombée sur Selphy était une fille, et elle n’était pas seule. Elles étaient deux. L’une s’habillait grossièrement avec ce qui ressemblait à un plastron et un gilet, tandis que l’autre portait une robe comme celle d’Alshiera. Celle qui portait un plastron était celle qui était tombée sur Selphy et qui était tombée sur le dos.
Cependant, Kuroka avait reconnu son odeur de peu. La fille avait également reconnu Kuroka, et s’était raidie.
« Vous êtes… Azazel est… »
Elle avait été instantanément convaincue de l’identité de ces deux filles.
Ce sont les derniers sorciers que j’ai combattus dans le cadre d’Azazel ! Elles étaient ses ennemies jurées qui avaient volé la lumière de ses yeux. Elle n’avait pas le courage de se demander pourquoi elles étaient là.
« Attends, Dexia — . »
La fille en robe avait essayé de dire quelque chose, mais la fille au plastron avait mis la main à l’épée longue à sa taille et a commencé à la dégainer.
Je suis désavantagée comme ça… !
La décision de Kuroka avait été rapide.
« Selphy, je te jette, » déclara Kuroka.
« Hein… ? »
Elle avait forcé les sacs dans les bras de Selphy et l’avait jetée hors de portée. Mais Lilith était toujours en danger. Cette civile non combattante se tenait là, à l’arrêt, et n’avait pas encore compris ce qui se passait. Kuroka avait utilisé ses deux mains pour jeter Selphy, alors elle avait lâché sa canne-épée avec ses queues et les avait enroulées autour de la queue de Lilith.
« Hyah !? »
La queue de Lilith était son point faible. Elle s’était effondrée sur le sol comme si elle avait perdu toute force dans ses hanches, et une épée longue avait coupé l’air juste au-dessus de sa tête.
Et maintenant que Kuroka était sans défense, l’épée longue s’était précipitée sur sa gorge. Mais à ce moment-là, Kuroka avait également réussi à s’accroupir et à tomber par terre. Elle avait réussi à échapper complètement à une attaque-surprise tout en couvrant les deux filles sans défense. La fille à la cuirasse avait ouvert les yeux en état de choc. Cependant, Kuroka n’était pas assez douce pour pardonner une attaque contre ses amies d’enfance.
« Prenez ça ! »
Elle avait donné un coup de pied à la canne-épée avec ses orteils en tombant en arrière et avait fait tourner son corps pour enfoncer son pied dans le visage de la jeune fille.
« Gah ! »
La jeune fille s’était penchée en arrière et avait crié de douleur, mais c’était Kuroka qui s’était raidie dans l’instant qui avait suivi. La jeune fille en robe s’était précipitée sur l’autre fille en se penchant en arrière. Elles n’avaient pas échangé de mots, mais elles avaient parfaitement compris l’intention de l’autre. Elles avaient une coordination terrifiante.
Elle avait un cimeterre dans chaque main, et ses yeux étaient dorés comme la lune — c’était les yeux maléfiques de la sorcellerie. Kuroka se souvint de ces yeux. Ils étaient la dernière chose qu’elle avait vue avant de perdre la vue.
Kuroka n’avait pas ses épées en main, et sa posture était complètement brisée après avoir protégé Selphy et Lilith. Elle était complètement sans défense. Tout ce qui l’attendait, c’était la mort.
« Kurosuke ! »
Quelque chose de grand et de chaud s’était enroulé autour d’elle comme pour la protéger de ces yeux dorés. Et un pas plus tard, un choc sourd avait traversé son corps. Le visage de ce corps chaud était suspendu au-dessus de la tête de Kuroka.
« Monsieur… Shax… ? »
Elle pouvait dire que c’était cet homme maladroit rien qu’à son odeur et à son toucher. L’un des cimeterres des filles avait été poignardé dans le dos alors qu’il serrait Kuroka dans ses bras.
« Ah… »
Ce n’était pas Kuroka qui avait laissé échapper une voix tremblante, mais la fille qui avait brandi les cimeterres. Elle tremblait comme si elle venait de poignarder un ami proche.
« Que fais-tu Aristella !? Recule ! »
La jeune fille en robe avait sorti son cimeterre et avait sauté en arrière. Au même moment, Shax avait perdu toute force dans son corps et était tombé.
« Monsieur Shax, pourquoi… ? »
Elle n’avait même pas besoin de demander. Elle savait très bien que c’était le genre d’homme qu’il était. Le sang coulait de son dos. Alors que Kuroka essayait désespérément d’arrêter l’hémorragie, Shax lui avait mis la main sur la tête et l’avait caressée.
« Désolé. J’ai encore sali tes vêtements… »
« Qu’est-ce que tu dis ? Ce n’est pas…, » demanda Kuroka.
« Désolé aussi pour… tes autres vêtements. Je savais… que tu les traitais précieusement… alors je voulais… te les rendre… d’une manière ou d’une autre…, » balbutia Shax.
Kuroka avait enfoncé son visage dans la poitrine de Shax.
« Arrête, s’il te plaît. Ne parle pas comme si c’était la fin. »
Elle avait alors regardé sur le côté. Selphy avait été projetée en l’air, mais n’était pas tombée sur le sol. Elle était caressée par une belle sorcière. En regardant de plus près, Lilith était également assise sur le sol, à côté de ses pieds. C’était l’enchanteresse Gremory, qui observait également depuis les environs.
« Alors, avez-vous besoin d’aide ? » demanda-t-elle.
« … Oui. Prenez soin de Monsieur Shax, s’il vous plaît, » demanda Kuroka.
Il semblait avoir évité un coup fatal, mais la blessure était encore profonde. Il ne pouvait même pas se tenir debout tout seul.
« Attends, Kurosuke, » déclara Shax.
« Tout va bien. Je suis plus forte que j’en ai l’air, » répondit Kuroka.
***
Partie 7
Kuroka ne perdrait face à personne, surtout pas dans l’état où elle se trouve maintenant. Et voyant qu’elle n’avait pas l’intention de reculer, Shax avait cédé.
« Tu as vu ses yeux à l’instant, n’est-ce pas ? Ce sont —, »
« Le regard emmêlé. Il détruit la vue de quiconque les regarde, n’est-ce pas ? » demanda Kuroka.
Il s’agissait de la sorcellerie qu’elles avaient utilisée lorsque Kuroka avait déjà combattu contre elles une fois auparavant. Bien qu’elle se soit défendue contre elle avec le Ciel sans lune, la lumière lui avait quand même été volée. C’était une sorcellerie si atroce qu’elle avait été désignée comme un sort interdit il y a plusieurs centaines d’années.
« Cela permet d’accélérer les choses. » Shax acquiesça alors que la sueur coulait sur son front. « Tu peux le bloquer en ne la regardant pas dans les yeux. »
Kuroka s’en était sorti plus tôt, car Shax avait couvert son champ de vision. Il avait sûrement utilisé son corps comme bouclier pour pouvoir le vérifier par lui-même. À quel point a-t-il pensé à sa propre vie ?
« Les sorts interdits ne sont pas du genre à être utilisés à volonté. Celle qui est en robe doit être à court de sorts. Fais attention à l’autre, » déclara Shax.
« D’accord. »
Cela dit, il était tout à fait naturel pour un maître de lire les mouvements de son adversaire en le regardant dans les yeux. Kuroka était en train de le faire précisément parce qu’elle avait retrouvé la vue. Combattre un adversaire de front sans le regarder dans les yeux était une entreprise quasi impossible. Néanmoins, elle se tenait devant la canne à épée qui gisait sur le sol.
Le ramasser créerait une ouverture. Les deux filles attendaient probablement cela. Elles étaient toutes les deux tendues, leurs épées à portée de main.
« C’est donc de cela qu’il s’agit, Aristella ? »
« Ce n’est pas le cas, Dexia. Aristella suggère une retraite. C’est probablement une erreur. »
« Qu’est-ce qu’une erreur… ? En tout cas, on ne pourra pas s’enfuir sans s’occuper d’elle. »
Ces filles avaient calmement impliqué Lilith et Selphy, et même blessé Shax. Kuroka n’avait naturellement aucune obligation de les laisser s’échapper.
« Avez-vous fini de parler ? » demanda Kuroka.
Kuroka avait tranquillement mis de l’ordre dans sa respiration et avait fait un pas en avant. Elle ne pouvait pas lever le regard au-delà des épaules des filles. Elle devait lire leurs mouvements en se basant sur l’odeur et la sensation sur sa peau.
« Épéiste de l’école d’Adelhide, Kuroka Adelhide. Préparez-vous. »
Elle ne s’était pas nommée comme faisant partie d’Azazel, et n’avait pas non plus choisi de se présenter comme le sujet de Zagan. Elle avait choisi son nom comme celui du clan qui se trouvait aux côtés du légendaire roi aux yeux d’argent de Liucaon.
Elle avait piétiné sa canne-épée et celle-ci s’était envolée dans les airs. Et en utilisant cela comme un signal, la fille en cuirasse avait déplacé son épée longue. Elle était hors de portée, et pourtant, sa lame s’étirait.
Une épée à chaîne. Elle avait vu cette épée la dernière fois qu’elles avaient combattu. Cependant, ses mouvements irréguliers et sa portée n’étaient pas quelque chose que l’on pouvait saisir à l’œil nu.
« Hein ? »
L’épée à chaîne n’avait que superficiellement effleuré la frange de Kuroka. C’était comme si l’épée elle-même l’avait esquivée. C’était le résultat de la perception accrue qu’elle avait acquise en perdant la vue. Alors qu’elle saisissait sa canne à épée comme si rien ne s’était passé, la jeune fille en robe avait fait irruption comme pour dire que Kuroka n’aurait certainement pas le droit de tirer ses lames. Ses cimeterres s’étaient refermés sur le torse et le cou de Kuroka des deux côtés.
« Quoi — ? »
La canne-épée de Kuroka était bien placée en diagonale entre les deux cimeterres. Elle avait ensuite fait tourner la canne autour et avait repoussé les deux épées. Lorsque tout cela fut terminé, elle avait déjà fini de dégainer ses deux lames.
« Keehee, elle est comme un derviche dansant. Le mouvement utilisé pour la défense se connecte directement à l’attaque, » dit Gremory en sifflant.
La fille en robe qui se tenait devant Kuroka était devenue pâle.
« Bon sang ! Éloigne-toi d’elle ! »
La jeune fille en cuirasse avait une fois de plus brandi son épée à chaîne. Et une fois de plus, on aurait dit qu’elle avait esquivé Kuroka toute seule, mais les autres filles avaient utilisé cette ouverture pour rouler sur le sol et s’échapper.
« Tch. Elle est forte. Gardons nos distances, Aristella. »
Kuroka était armée de ses courtes épées. Sa portée étant limitée, le combat à distance était une tactique exemplaire. Ces deux filles n’étaient pas des guerrières, mais des sorcières. En plus de cela, une attaque des deux côtés serait sûrement capable de repousser Kuroka. Cependant, cette ligne de conduite était inutile dans ce cas.
« Pouvez-vous éviter cela ? »
L’épée à chaîne avait tracé un chemin anormal dans l’air, littéralement comme un serpent. Peu importe à quel point elle excellait à voir à travers les mouvements de l’épée, elle ne pouvait pas l’esquiver puisque la lame se déplaçait comme si elle avait une volonté propre.
« Kuroka ! »
Lilith avait crié en voyant la lame la transpercer.
« Hein… ? »
Mais celle qui semblait complètement abasourdie était la jeune fille brandissant l’épée à chaîne. Kuroka disparut lorsque la lame la coupa en morceaux, et une autre Kuroka apparut de chaque côté de l’endroit où elle se trouvait. Ce n’était pas qu’il y avait deux Kuroka. Elle fit un pas sur le côté et se balança de telle sorte que sa silhouette semblait se multiplier comme un mirage.
« Qu’est-ce que… ? Je n’ai jamais entendu parler d’une telle sorcellerie ! »
« La nuit brumeuse de l’école Adelhide. Ce n’est pas de la sorcellerie, c’est un art martial. »
Les pas de Kuroka ne produisaient aucun son, et même si elle se tenait devant elles comme cela, elles ne pouvaient pas sentir ses mouvements. C’était un art qui imprimait une post-image dans les yeux en se déplaçant à un rythme variable. C’était un art secret dont la maîtrise nécessitait des décennies d’entraînement de la part de talentueux épéistes, mais après avoir traversé une vie turbulente et retrouvé la vue, Kuroka était arrivée à cet art à l’âge tendre de seize ans.
Les deux filles étaient maintenant entourées d’innombrables images de Kuroka avant même qu’elles ne s’en rendent compte.
« Très bien… Commençons. »
Les nombreuses images secondaires avaient levé leurs courtes épées d’un seul coup. Même s’il n’y avait qu’une seule vraie Kuroka, il n’existait aucune technique permettant d’identifier ses vraies lames.
« Agh ! »
« Argh ! »
Néanmoins, ces filles étaient des sorcières ayant de nombreuses années d’expérience au combat. Elles se tenaient dos à dos et, d’une manière ou d’une autre, parvenaient à éviter toute blessure mortelle.
« Dexia, mur. »
« C’est vrai ! »
Elles avaient sauté de la zone des images secondaires en frappant avec leurs épées et elles avaient ainsi réussi à s’échapper de la Nuit Brumeuse. Elles s’étaient dirigées vers un mur de briques d’apparence robuste et s’étaient plaquées contre lui. Ainsi, elles n’avaient plus qu’à se concentrer sur ce qui se trouvait devant elles. La jeune fille portant un plastron avait alors chargé du mana dans ses yeux.
« Avec ça, vous ne pourrez plus me regarder dans les yeux, n’est-ce pas ? Regard enchevêtré ! »
Kuroka avait levé sa main droite en l’air au moment où les yeux de la jeune fille étaient devenus dorés. C’était la main qu’elle utilisait pour appuyer sur la blessure de Shax. Le sang qui avait recouvert sa main s’était envolé dans les airs et avait éclaboussé le visage de la jeune fille.
« Gah !? »
La puissante sorcellerie avait de nombreuses limites pour égaler leur force. Le regard enchevêtré exigeait un contact visuel direct, précisément en raison de son potentiel destructeur. En d’autres termes, il n’était pas nécessaire de l’esquiver si la vue du lanceur était bloquée. Et avec du sang dans les yeux, cette fille était une cible simple et sans défense.
« Dexia ! »
Lorsque Kuroka avait levé son épée au-dessus de sa tête, la jeune fille portant une robe avait sauté et avait poussé l’autre fille pour la couvrir. La lame de Kuroka s’était complètement arrêtée au bout du nez de la jeune fille.
« Que fais-tu Aristella !? Bouge-toi ! »
« Pas question. »
Kuroka avait poussé un soupir en regardant les deux filles tremblantes. Elle avait alors frappé de toutes ses forces la jeune fille en robe sur le nez.
« Gwuh ! »
« Aristella !? »
Kuroka avait ignoré la fille qui criait et avait saisi la fille en robe par le col.
« … Je ne pense pas que ce soit possible, mais croyez-vous vraiment que vous ne vous ferez pas tuer vous-mêmes même si vous tuez d’autres personnes ? »
Kuroka était un assassin pour le côté obscur de l’église. Elle avait tué de nombreux sorciers pour satisfaire la rancune de son peuple. C’était le péché que Kuroka devait supporter pour le reste de sa vie. Cependant, elle ne s’était jamais battue une seule fois en pensant qu’elle ne mourrait pas.
Cela aurait également dû s’appliquer à Néphy lorsqu’elle avait laissé son peuple se faire massacrer. C’est pourquoi Kuroka avait sympathisé avec elle et l’avait respectée. Kuroka avait le désir d’atteindre son but dans la bataille, mais le simple fait de voler la vie des autres plaçait aussi sa propre vie sur la balance. C’est pourquoi elle n’avait jamais pensé à se venger de ceux qui lui avaient enlevé la vue.
Alors, quelle était cette farce devant elle ? Tuer des gens sans tenir compte de la mort des autres était une idée stupide que même les pires assassins n’abritaient pas. Cette fois, c’était la fille au plastron qui couvrait la fille en robe, qui était tombée par terre.
« Désolée. Désolée. Nous ne vous attaquerons plus. Alors, pardonnez-nous. »
Kuroka la regarda avec dédain alors que la jeune fille plaidait misérablement pour sa vie.
J’ai perdu face à cette façon de s’opposer… ? Elles n’avaient aucune fierté, aucune élégance, aucun courage et aucune détermination. Même avec tout leur talent, elles n’étaient vraiment que des enfants. Kuroka leur tourna le dos et ramassa son fourreau.
« Je vous laisse partir cette fois. Vous n’avez pas tué Monsieur Shax, après tout, » déclara Kuroka.
La jeune fille en robe était parfaitement capable d’embrocher à la fois Shax et Kuroka. La raison pour laquelle elle s’était arrêtée n’était sûrement pas simplement parce qu’elle était secouée. Cette fille avait suffisamment de doutes sur ce qu’elles faisaient pour au moins hésiter.
Kuroka leur avait pratiquement craché dessus, et la fille au plastron avait soutenu l’autre fille avec son épaule et était partie.
Kuroka se tourna alors vers Shax et ses deux amies d’enfance.
« Désolé. Vous avez eu peur ? » demanda Kuroka.
« Pardon ? Ce n’est pas la bonne chose à dire ! »
« Uwaaah ! Kurokaaa ! »
Kuroka avait été renversée par leur attaque en force.
« Ne sois pas si imprudente. J’ai cru que tu allais mourir. »
« Oui. Tu es aussi une fille, Kuroka. »
Kuroka n’avait pu faire autrement que de jeter un regard troublé sur le fait de les avoir tant inquiétées.
Shax avait alors tendu la main. « Je voudrais aussi te demander de réduire ton imprudence… »
« Je ne veux pas qu’on me dise cela après que tu aies fait quelque chose d’encore plus imprudent. » Elle souffla sur le côté, mais lui saisissait toujours la main. « Mais… Je suis heureuse que tu m’aies sauvée. »
Kuroka avait enfin pu sourire.
« Keeheehee, joli pouvoir de l’amour ! Merci pour le repas ! »
Cependant, la grand-mère qui faisait des histoires à côté d’eux avait gâché cet instant.
***
Partie 8
« Il semble que le groupe de Kuroka se soit bien débrouillé, » déclara Zagan.
« Tout à fait. »
Néphy et Zagan regardaient la scène d’en haut en étant sur un balai. Il avait remarqué la présence des subordonnées de Shere Khan dès leur entrée dans la ville. Il y avait de fortes chances que le groupe de Kuroka soit leur cible, il avait donc mis son rendez-vous en attente pour les observer, mais cela s’était avéré être une anxiété inutile.
En tout cas, je n’ai pas senti la présence de Bifrons. Contre toute attente, ce n’était pas un plan de Bifrons. Il était possible que Shere Khan complote quelque chose, mais ce serait une mauvaise idée. Même si ces jumelles gagnaient contre Kuroka, Gremory était toujours là, et Zagan observait d’en haut.
Elles manquaient cruellement de moyens pour échapper à Zagan et kidnapper Kuroka. Il était probable que la bataille qui venait d’avoir lieu n’avait été planifiée par personne et n’était qu’une simple coïncidence.
Quoi qu’il en soit, cette Kuroka est devenue beaucoup plus forte que prévu. Les subordonnés de Shere Khan n’étaient nullement faibles. Bien qu’elle les ait complètement écrasés, Zagan ne lui avait encore accordé aucun pouvoir. Il était tout à fait raisonnable que sa lame puisse atteindre un Archidémon si elle devenait encore plus forte.
Mais c’était un peu angoissant à regarder. Kuroka ne portait aucune sorte d’équipement de protection aujourd’hui. C’était peut-être une meilleure idée de lui faire porter la robe d’Alshiera, bien qu’elle soit un peu plus difficile à revêtir. Heureusement, elle s’en était sortie complètement indemne.
« Que faire de ces deux-là ? » demanda Néphy en regardant les jumelles s’enfuir.
« Laisse-les. Elles seront une bonne piste si elles retournent à Shere Khan, » répondit Zagan.
La fille en robe avait encaissé un coup de poing de Kuroka en plein dans le visage, il n’y avait donc probablement pas besoin de punition supplémentaire. Il semblerait également que son esprit ait été complètement écrasé.
« De plus…, » Zagan déclara cela en plissant des yeux. « Kuroka n’a pas semblé le remarquer, mais il se passe quelque chose d’horriblement suspect. »
« Que veux-tu dire par là ? » demanda Néphy.
Néphy était vraiment curieuse, et Zagan hésita sur la façon dont il pourrait répondre. Cependant, son principe était de ne pas avoir de secret pour Néphy. Il était inquiet, mais ne garda pas le silence.
« Te souviens-tu de cette sale petite morveuse que Stella a emmenée sur l’Alshiere Imera ? » demanda Zagan.
« Oui, Lisette, c’est ça ? » demanda Néphy.
Néphy acquiesça, et Zagan poursuit sur un ton sévère.
« Ces deux-là sont le portrait craché de Lisette, » répondit Zagan.
« Ah… ! » Néphy se retourna spontanément pour regarder Zagan.
Cela dit, Lisette était couverte de saleté et de crasse à Alshiere Imera. Elle avait aussi une odeur assez forte, il était donc assez raisonnable que Kuroka ne s’en soit pas rendu compte. Même Raphaël, qui avait passé peu de temps avec ces filles, ne s’en était pas non plus rendu compte. Mais même ainsi, en tant que rat des ruelles, il était impossible que Zagan se trompe.
« Maintenant que j’y pense, Lady Stella a dit qu’elle avait recueilli Lisette parce qu’elle était attaquée, » déclara Néphy.
« Je vois, il y a donc un lien, » déclara Zagan.
Ce qui signifiait que Shere Khan était à tous les coups impliqué.
La seule chose qui me vient immédiatement à l’esprit est que Lisette est également la subordonnée de Shere Khan… Cependant, elle était bien trop ignorante de la sorcellerie pour cela. De plus, le fait que ces jumelles aient le même visage qu’elle pesait sur son esprit. Elles étaient peut-être des homoncules comme Nephteros, mais les homoncules possédant un ego n’étaient pas facile à faire. De plus, Zagan pouvait dire si quelqu’un était un homoncule ou non en les « regardant ». Ce qui signifiait qu’il y avait autre chose en elles…
« Il semble nécessaire de mettre en garde Stella à ce sujet, » déclara Zagan.
Si les choses étaient exactement comme Michael l’avait dit, alors Stella était actuellement au siège de l’Église. Quel que soit le nombre de nouveaux arrivants inexpérimentés, ce n’était pas un endroit où même un Archidémon pouvait faire des bêtises. Il était probablement en sécurité là-bas pour le moment.
« En tout cas, ça me tape sur les nerfs, » marmonnait Zagan.
« Hm… ? Oh, tu veux dire… ? » Zagan était vague, mais Néphy avait compris ce qu’il voulait dire. « Lady Stella a rencontré Lisette au même endroit que toi… ? »
« Oui. C’est probablement la même ruelle. Lisette était après tout une des gamines à qui j’ai parlé à l’époque » déclara Zagan.
C’était à l’époque où Zagan recueillait des informations sur Marc et enseignait à ces enfants la simple autodéfense. Il aurait peut-être été préférable d’enquêter un peu plus sur la région. Beaucoup trop de réunions importantes s’y étaient déroulées. Il valait même la peine de se demander si l’endroit était maudit. Il n’était pas amusant pour Zagan de voir ses petits frères et sœurs de la rue être impliqués dans d’autres incidents étranges.
« Eh bien, Kuroka et Shax ont l’air d’aller bien, » déclara Zagan en laissant échapper un soupir de frustration. « Allons à l’église, Néphy. »
« Bien sûr, Maître Zagan. »
Leur rendez-vous étant passé, Néphy avait rapidement dirigé son balai vers l’église. Dès leur arrivée, on les avait tout de suite fait passer dans la salle d’attente. Comme toujours, les trois idiots regardaient Zagan avec insistance, mais ils s’y étaient déjà habitués. Ils avaient même apporté du thé et des friandises.
« Tout le monde est si gentil, » déclara Néphy.
« C’est parce que tu es là aujourd’hui, Néphy, » répliqua Zagan.
Zagan n’aurait pas reçu ce genre de traitement quand il était seul.
Chastille était arrivée peu de temps après.
« Il est rare que vous visitiez l’église en même temps, » déclara Chastille.
Maintenant qu’il y avait pensé, Zagan venait toujours seul à l’église quand il avait des affaires. Il ne venait pas non plus avec Néphy quand elle venait jouer avec son amie.
« Et si vous organisiez une cérémonie pendant votre séjour ? » demanda Chastille avec un charmant sourire.
« Une c-c-c-c-c-c-cérémonie !? »
« Hawawawawa, euh, c’est un peu tôt… pour nous… Je pense… »
Chastille regardait avec nostalgie l’Archidémon et sa femme qui devenaient immédiatement incohérents.
« C’est exactement ce qui fait de vous deux ce que vous êtes, hein ? » déclara Chastille.
Sa langue est-elle aussi acérée en mode travail ? Il ne pensait pas qu’elle aurait le courage de taquiner un Archidémon. Zagan avait supporté son embarras et s’était mis à s’en moquer.
« Hmph. Et c’est toi qui fais ce genre de blagues ? Tu n’as même pas pu avoir une vraie conversation pendant Alshiere Imera. »
« Fwuh !? C-C-C-C-Comment tu sais ça !? » s’écria Chastille.
« Comment ça ? C’est mon château ! » déclara Zagan.
« Gaaaah ! Je n’aurais pas dû aller au château d’un Archidémon ! » s’exclama Chastille.
Le masque de Chastille en mode travail avait été arraché en un instant et son moi pleurnichard avait été entièrement exposé.
« Calme-toi, Chastille. Tout le monde comprend. Maître Zagan, ne sois pas si méchant, s’il te plaît » déclara Néphy.
« Argh… » Les paroles de Néphy avaient mis Chastille à genoux.
Je sais que tu n’as aucune mauvaise intention, mais tu as vraiment porté le coup de grâce, Néphy… en tout cas, ils n’étaient pas venus à l’église pour s’en prendre à Chastille. C’est pourquoi Zagan s’était empressé de réveiller Chastille de son état brumeux, alors même qu’il la trouvait assez pitoyable.
« Chastille, il y a quelque chose sur lequel j’aimerais que tu enquêtes, » déclara Zagan.
« Quelque chose sur quoi enquêter… ? » demanda Chastille.
D’une manière ou d’une autre, elle avait réussi à relancer son mode de travail et s’était relevée. Il n’avait pas pu aller plus loin avec son moi pleurnichard, mais elle était vraiment douée pour faire son travail. Après avoir confirmé qu’elle avait retrouvé son calme, Zagan était entré dans les détails.
« Je crois que Clavwell était son nom ? Pendant combien de temps a-t-il été le chef de l’église ici ? » demanda Zagan.
Le précédent cardinal de cette église avait apparemment assassiné plusieurs Chevaliers angéliques dans le passé. Cette sombre histoire de l’église avait été révélée au grand jour lorsque Chastille avait été nommée chef locale. Tous ceux qui avaient mystérieusement disparu ou étaient morts de causes inconnues avaient également été rendus publics.
« Le cardinal Clavwell… ? » Chastille s’était pincé le front et avait fouillé ses souvenirs. « Je me le demande… Je vais devoir enquêter pour déterminer la période exacte, mais je suis presque sûre qu’il a servi pendant assez longtemps. Trois générations d’Archanges, dont moi-même, ont après tout servi sous ses ordres. »
« Trois générations… ? Ce qui signifie que c’était il y a plus de cinq ans. Y avait-il alors des personnes de cette église qui occupaient des postes importants et qui ont disparu, ou peut-être quelqu’un qui est venu dans cette église et qui a disparu ? » demanda Zagan.
Néphy avait sûrement compris où voulait en venir Zagan en déglutissant tranquillement.
« Maître Zagan, ne veux-tu pas vouloir dire… ? » demanda Néphy.
« C’est à peu près 50-50, » répondit Zagan.
Il y avait une limite au nombre de personnes qui pouvaient se tenir sur un pied d’égalité avec Marchosias et Michael dans cette ville, comme les hauts gradés de l’église — les archanges et les cardinaux — ou peut-être…
« Veux-tu dire que quelqu’un que tu connais est peut-être venu ici ? » demanda Chastille en plissant ses sourcils.
« C’est possible, » répondit Zagan.
« … J’ai compris. Veuillez tous les deux patienter un instant, » déclara Chastille.
Chastille avait quitté la salle d’attente et était revenue environ une demi-heure plus tard, portant un paquet de parchemins à l’aspect volumineux.
« Voici la liste des victimes et du personnel disparu au cours des cinq dernières années. La plupart d’entre eux sont des Chevaliers angéliques morts dans l’exercice de leurs fonctions, » déclara Chastille.
« Merci, » répondit Zagan.
« De plus, cela n’a peut-être aucun rapport puisque cela n’a rien à voir avec Kianoides en particulier…, » continua Chastille.
Chastille avait baissé la voix et avait jeté un regard attentif dans la pièce.
« Il y a une autre autorité dans l’église qui a connu une fin mystérieuse. Je l’ai moi-même découvert récemment… » murmura-t-elle.
« Une autorité dans l’église ? Qui ? » murmura Zagan en réponse.
Cela devait être quelque chose de très difficile à dire. L’expression de Chastille se raidit. Elle hocha alors la tête et chuchota aussi faiblement qu’elle le pouvait. « Sa Sainteté le Pape. J’ai essayé de me renseigner, mais je ne connais pas le moment exact où cela s’est produit. »
« Le pape ? » demanda Zagan.
« Chut, tu es trop bruyant, » s’écria Chastille.
Zagan reprit ses esprits et baissa à nouveau la voix. « Sérieusement ? »
« Ouais. Les archives de ses activités officielles se sont arrêtées il y a plusieurs années. La dernière que j’ai trouvée remonte à… cinq ans, » répondit Chastille.
Zagan avait été très secoué.
Impossible. Marc était-il… le Pape… ? Cependant, de nombreux points coïncidaient avec cela. Les plus remarquables étaient les noms du Chasseur de séraphins et d’Azazel. Si Alshiera disait la vérité, alors la moitié de la vie de Marc avait été consacrée à la lutte contre Azazel. Il était tout à fait raisonnable qu’il nomme le côté obscur de l’église Azazel.
Le Marc dont je me souviens aimait ce genre d’ironie. Il y avait aussi le nom de séraphin. Le mot lui-même avait des connotations angéliques. Il était anormal que ce terme n’existe pas au sein de l’église. Si l’église elle-même écrasait l’utilisation du terme, alors c’était tout à fait crédible.
Par-dessus tout, il était fort probable que Marc ait été l’une des trois personnes qui avaient créé les Chasseurs de séraphins aux côtés d’Alshiera. Alshiera était la garde, Marchosias était devenu un Archidémon, donc le dernier qui était allé dans l’église était un développement bien trop naturel.
Mais c’était encore difficile à accepter, alors Zagan avait essayé de pousser un peu plus loin.
« Chastille, as-tu déjà rencontré le Pape ? » demanda Zagan.
« Sa Sainteté… ? Hmm, à propos de ça… » Chastille avait l’air un peu troublée. « Je suis presque sûre de l’avoir rencontré, mais je ne me souviens pas vraiment. C’est peut-être juste mon imagination. »
Et c’était une preuve inébranlable. Zagan ne savait plus quoi dire.
Quelle idiotie... Cela faisait trois mois qu’Alshiera lui avait donné l’indice quant à la recherche de Marc. Et puis il y avait eu les incidents pendant la fête de l’église d’Alshiere Imera, ainsi que ce qui s’était passé dans la trésorerie de l’église de Raziel.
Cela avait fini par être plutôt trivial. Zagan se dirigeait tout droit vers Marc, mais n’avait tout simplement pas remarqué la réponse sous ses yeux. Pour commencer, il avait enquêté sur Marchosias et les épées sacrées, mais ne s’intéressait pas du tout à l’église ou à son chef. Il était tellement idiot qu’il ne pouvait que soupirer, et juste à ce moment-là…
« Tch. »
Zagan claqua brusquement la langue. Kianoides était son domaine. Il était évidemment protégé par d’innombrables barrières qu’il pouvait utiliser pour traquer les individus par mana, même si ce n’était pas dans la mesure où Barbatos le pouvait. Et le signal qu’il traçait avec sa barrière avait soudainement disparu.
« Qu’y a-t-il, Maître Zagan ? » demanda Néphy.
Néphy avait pu constater que ce n’était pas une affaire banale.
« Le signal que je recevais des deux subordonnées de Shere Khan a disparu, » répondit Zagan.
Au moins, elles ne se trouvaient plus dans la barrière de Kianoides.
« Alors… Je me demande, se sont-elles échappées de la ville… ? » demanda Néphy.
Elle avait demandé une vérification, mais il y avait un soupçon de douleur dans sa voix. Néphy connaissait sûrement la vérité.
« Il y en a peut-être une qui s’est échappée, » déclara Zagan en secouant la tête. « Mais l’autre n’a pas… Il semble que quelqu’un ait achevé l’une des jumelles. »
L’avenir fragile de ces filles pitoyables avait été cruellement interrompu.
***
Partie 9
« Haaah, haaah... »
Aristella et Dexia avaient erré dans une ruelle de Kianoides après avoir fui Kuroka.
« Ils ne peuvent pas nous poursuivre aussi loin, n’est-ce pas ? » demanda Dexia en respirant avec force.
Elle avait encore des taches de sang sur le visage, mais elle avait réussi à retrouver la vue. Après avoir confirmé qu’il n’y avait personne d’autre à proximité, elle avait touché la joue d’Aristella.
« Aristella, montre-moi ton visage… Merde, d’habitude, frappe-t-on une fille au visage comme ça !? »
Son visage semblait assez enflé et était même meurtri, mais Aristella secoua la tête.
« … Aristella va bien. Nous avons eu la chance de nous en sortir si bien. »
« Hé, Aristella. Ne me dis pas que tu crois sérieusement ce qu’elle a dit ? »
« … »
Elle ne pouvait pas répondre. Elle avait commencé à nourrir des doutes dans la trésorerie de Raziel. La femme qu’ils y combattaient était si forte qu’elle en avait des frissons dans le dos. C’était la première fois qu’Aristella avait senti la mort si près d’elle. Et pourtant, elle était bien plus terrifiée à l’idée de perdre Dexia.
C’est pourquoi elle avait pris un coup pour sa jumelle. Elle détestait l’idée de la perdre. Elle le craignait bien plus que de mourir elle-même.
Aristella ne comprend plus… Elle sait bien que les deux filles n’avaient jamais envisagé de se faire tuer, même sans que Kuroka ne le lui dise. Il était naturel que les gens qu’elles tuaient essaient de les tuer en réponse. Il y avait aussi des cas où quelqu’un qu’elles n’avaient pas réussi à tuer essayait de se venger. Alors, pourraient-elles se plaindre si elles étaient tuées de cette façon ? Les deux femmes dansaient sur une fine couche de glace, ou peut-être même sur un lit de lances.
« Aristella a peur… »
Si elles continuaient comme elles l’avaient fait, elles mourraient toutes les deux. Mais par-dessus tout…
Les personnes qu’Aristella a tuées étaient peut-être les mêmes… Elle n’avait jamais reconnu les gens qu’elle avait tués comme des humains. Mais maintenant, elle avait réalisé que les personnes qu’elle avait tuées pouvaient avoir des gens qui pensaient à elles de la même façon qu’Aristella pensait à Dexia.
En pensant à la façon dont elle avait fauché de telles vies sans y penser, elle avait eu si peur qu’elle avait eu du mal à respirer. C’était parce que si Dexia était tuée, Aristella poursuivrait son assassin jusqu’au bout du continent.
En d’autres termes, il était difficile de soutenir que la même chose ne pouvait pas leur arriver. Il y avait probablement des multitudes d’ennemis de ce type dont elles n’avaient même pas connaissance. La fille qu’elles venaient de combattre aujourd’hui était quelqu’un qu’elles avaient croisé par pure coïncidence, et elle avait de nombreuses raisons de les tuer.
Dexia avait saisi Aristella par le col. « Sais-tu au moins ce que tu dis ? Prévois-tu de trahir Maître Shere Khan ? »
« Mais… À ce rythme, Aristella et Dexia vont mourir un jour… Tu n’as pas peur ? »
« C’est… »
« Aristella ne comprend plus…, » dit-elle en se berçant les genoux. « Qu’est-ce qu’on fait ? Quelle est la chose à faire ? »
« N’est-ce pas évident ? Nous devons simplement obéir aux ordres de Maître Shere Khan. N’est-ce pas pour cela que nous avons été créées ? »
« Mais Aristella a peur de mourir… Aristella ne veut pas être jetée… »
Dexia enlaça la jeune fille tremblante.
« C’est bon… Maître Shere Khan ne nous jettera pas. Nous avons échoué dans notre mission. Je suis sûre que nous allons nous faire gronder un peu, mais rentrons. D’accord ? »
« … Hm. »
Dexia avait été gentille. C’était sûrement pour cela qu’Aristella avait réalisé quelque chose.
Aristella… ne peut plus se battre. Elle avait peur de tenir une épée. Et tout comme elle s’accrochait à Dexia…
« Heeheehee... J’ai trouvé un vilain enfant. »
Un rire doux, mais infiniment tordu résonnait dans la ruelle. Il provenait d’une « ombre » informe. Pour être plus précis, il avait vaguement la forme d’une « personne ». C’était le cas, mais Aristella ne pouvait pas le reconnaître comme tel. C’était comme si son cerveau refusait de le faire.
La cognition d’Aristella est bloquée… ? Était-ce de la sorcellerie ? Ou peut-être y avait-il un autre pouvoir à l’œuvre qui l’empêchait d’observer directement l’ombre. Deux yeux dorés flottaient dans l’ombre. Ils étaient comme des lunes suspendues au-dessus des morts la nuit. La seule pensée de ces yeux qui la regardaient éveillait en elle un sentiment de peur qui semblait devoir la rendre folle.
« Aah... »
Elle avait compris. C’était le même que le sort interdit, le Regard enchevêtré, qui leur avait été accordé par Shere Khan. Leur sorcellerie était une imitation de ces yeux devant elle.
« Qu… quoi… ? »
Dexia s’était rétractée en sentant l’être mystérieux. En fait, elle avait pu conserver une certaine santé d’esprit en le faisant. Aristella n’était même plus capable de crier après avoir eu l’esprit affaibli dans la lutte contre Kuroka.
« C-Cours… Dexia… »
Après avoir réussi à tordre la voix, Aristella avait réalisé sa propre folie. Le visage de Dexia s’était figé comme si elle avait senti la mort, et elle avait affiché un sourire comme si c’était inévitable.
« Je te dis que c’est bon. Je vais te protéger, Aristella. »
« Non… »
Son avertissement fut vain, et Dexia avait brandi son épée à chaîne contre l’ombre, qui ne se défendit pas ni n’évita. Elle avait simplement encaissé la lame.
« Que… le… ? »
L’épée à chaîne fit un bruit sourd comme si elle avait heurté une montagne de sable et commença à s’effriter.
Non… Elle est en train d’être mangée ! Des débris ressemblants à des ombres avaient rampé le long de la chaîne de l’épée et l’avaient décomposée en cours de route. Elle empiétait sur la lame à une vitesse terrifiante et se dirigeait rapidement vers la main de Dexia.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? »
Elle lâcha son épée en toute hâte, et ce fut le moment où son destin fut scellé.
« Huh... ? »
Avant qu’elle ne s’en rende compte, l’ombre était juste devant ses yeux. Elle était assez proche pour toucher son nez contre celui de Dexia, et on avait l’impression que le visage de l’ombre se déformait avec un sourire.
« Eep… »
Il n’y avait aucun moyen d’éviter ce regard d’or à bout portant. Aristella n’avait aucun moyen de savoir ce que Dexia voyait en eux lorsqu’elle avait commencé par bouger par à-coups avec les yeux qui roulaient à l’arrière avant de s’effondrer sur ses genoux. L’ombre n’avait même pas regardé une Dexia désormais complètement immobile. Au lieu de cela, elle s’était mise à murmurer d’une voix enivrante.
« Teeheehee. Quel vilain enfant ! Quel enfant stupide ! Mais quel enfant intelligent, car tu as ouvert la porte pour moi ! Hélas ! Aah ! Je viens te saluer maintenant ! Mon bien-aimé maître — ! »
À qui parle-t-elle… ? Attends… Est-ce que c’est... Aristella… ? Ces yeux dorés ne la regardaient pas, mais elle pouvait sentir que la conscience de l’ombre était concentrée sur elle.
« Fa… facilité… »
Aristella avait réussi à faire sortir sa voix par ses lèvres tremblantes, et l’avait immédiatement regrettée. Les yeux dorés de l’ombre s’étaient retournés et avaient déplacé leur attention vers elle. Elle pouvait ressentir en eux toutes les émotions négatives qui ne pouvaient pas être simplement décrites comme de la malveillance, de la haine ou du désespoir.
Sa conscience avait commencé à s’effacer. Il aurait été plus facile de s’évanouir sur place. Cela aurait été le salut dans cette situation, mais l’autre moitié d’Aristella était entrée dans sa vision.
Pas… encore… elle devait sauver Dexia. Elle avait peur de mourir, mais elle avait bien plus peur de perdre Dexia. C’est pourquoi elle s’était mordu les lèvres et avait maintenu sa conscience à travers la douleur.
« S’il vous plaît… sauvé… »
L’ombre louchait en s’amusant de sa supplication.
« Quel enfant mignon ! Quel enfant pitoyable ! Teehee, heeheehee. Hélas, ça ne va pas le faire. Même si je le souhaite, personne ne répondra à tes demandes. Eeheeheehehee. »
L’humidité froide coulait sur ses joues. Il semblait que les larmes qui coulaient de peur étaient froides. Aristella perdit toute sensation dans ses membres. Elle n’avait plus la force de saisir son épée. Mais malgré cela, elle éleva la voix avec ardeur.
« S’il vous plaît… épargnez Dexia. »
L’ombre avait cessé de rire.
« Aristella… fera… n’importe quoi… Alors, s’il vous plaît… épargnez Dexia… »
Les deux filles étaient déjà mortes. Elle savait qu’il n’y avait aucun moyen de répondre à ses demandes. Mais même ainsi, même si personne ne lui répondait, s’il n’y avait que cette seule chance, alors il était possible pour Dexia de tout recommencer.
« Si vous vivez… vous allez sûrement… »
Aristella avait eu l’impression que les yeux de l’ombre tremblaient de tristesse en entendant sa prière sincère.
« … Je vois. »
La main de l’ombre avait touché les joues d’Aristella. Elles étaient froides. Non, le froid n’arrivait même pas à commencer à la décrire. Ces mains horribles semblaient même geler son âme. Elles propageaient dans son visage le fait que sa vie était maintenant terminée, qu’elle le veuille ou non.
« Quel enfant glouton ! Quel enfant pathétique ! Oui, oui, je vais avoir pitié de toi. Donc, au moins — . »
Aristella tremblait à présent au point de ne plus pouvoir respirer, et l’ombre ouvrit grandement sa bouche juste au-dessus d’elle.
« Devrions-nous en devenir un ? »
Aristella avait peut-être crié, mais la bouche de l’ombre l’enveloppant entièrement, sa voix ne pouvait plus atteindre personne. Quelque chose avait alors coulé en elle. Il faisait si froid qu’on aurait dit que ses lèvres se déchiraient et tombaient, mais la chose qui coulait dans sa gorge était brûlante. Ses membres n’avaient plus la force de se battre et ne pouvaient plus que convulser pitoyablement. Le ruban bleu qui retenait ses cheveux s’était détaché. Des larmes coulaient de ses deux yeux grands ouverts.
Aristella est… en train de disparaître…
Elle était en train de disparaître.
Elle était en train de fondre.
Son corps tout entier disparaissait, sa vie fondait, son cœur disparaissait. Ses souvenirs de Shere Khan qui lui caressait la tête, de la bagarre avec Dexia, de cette fille qui la grondait pour la première fois, tout cela avait commencé à s’effacer. Et assez rapidement, elle avait même perdu la capacité de ressentir la peur. Elle avait perdu la capacité de penser à tout.
Mais… Mais même ainsi… Ses pensées s’étaient tournées vers son autre moitié, dont elle ne se souvenait même plus du nom, qui était juste à côté d’elle. Cette fille était meilleure qu’elle en matière de sorcellerie. C’est pourquoi elle avait décidé d’améliorer son habileté à l’épée pour la protéger.
Vivre… La lumière d’un cercle magique s’était répandue. Ce serait son dernier sort de téléportation. Il était impossible que l’ombre ne le remarque pas, mais elle n’avait rien fait. Elle lui avait permis de faire cet acte.
Comme tout et n’importe quoi avaient disparu de son esprit, la dernière chose qu’elle avait vue n’était pas son autre moitié, mais cette fille tabaxi. Elle était devenue incroyablement forte par rapport à avant. Aristella ressentait à la fois de la peur et de l’admiration à son égard. Si seulement elle avait plus de temps, alors…
Peut-être qu’Aristella… aurait pu devenir… comme ça… aussi…
Aspiration.
Ce fut le dernier sentiment d’Aristella.
◇◇◇
« Lady Nephteros ! Allez-vous bien ? »
« Hein !? »
Nephteros s’était réveillée après avoir été secouée. Il semblait qu’elle avait perdu connaissance.
« Richard… ? »
« C’est exact. Êtes-vous indemne ? »
Elle avait mal à la tête. Elle avait l’impression d’avoir vu un horrible cauchemar.
« Hmm… ? Ce qui s’est passé… ? »
« Vous ne vous en souvenez pas ? Vous ne vous sentiez pas bien après avoir rencontré ces deux sorciers cet après-midi et avoir décidé de vous reposer, et puis… »
Richard avait fait le tour de la région. Ils étaient dans une ruelle sale. Ce n’était pas un endroit approprié pour se reposer.
« J’ai réservé une chambre à l’auberge, mais vous avez disparu quand je me suis écarté pour vous servir un verre. Vous ne vous en souvenez pas ? »
Nephteros secoua la tête. « Désolée. Ce n’est pas le cas. Je me souviens plus ou moins de ces deux sorciers, mais… »
C’était deux filles qui s’étaient battues avec un voyou en ville. Ses souvenirs après cela étaient dans le brouillard.
« Revenons à l’église pour l’instant. Je crois qu’il serait bon que vous vous reposiez pour la journée. »
« Oui… Je suis désolée pour ma mère, mais je vais devoir sauter l’entraînement d’aujourd’hui. »
Ils n’avaient même pas remarqué. Il y avait un ruban bleu en lambeaux sur le sol, juste à leurs pieds. Un ruban bleu qui appartenait à l’une des deux jumelles.
***
Chapitre 4 : L’idiot qui essaie de jeter un coup d’œil est mieux mort, mais je voulais au moins sauver la fille pitoyable
Partie 1
« Maintenant, tous les acteurs sont montés sur scène. »
De minuscules cristaux ressemblant à des débris flottaient dans le ciel nocturne, bien au-dessus du château de Zagan. Ils constituaient une partie du corps de Bifrons. L’Archidémon avait réduit son existence même pour échapper à la détection de Zagan, mais c’était un état dangereux où perdre sa concentration pouvait disperser son propre ego. Zagan était vraiment un homme terrifiant pour que Bifrons doive recourir à de tels moyens pour échapper à sa détection.
« Zagan, tu es certainement fort. Tu fais preuve à la fois d’une profonde compassion et de sévérité. Tu as vraiment le calibre d’un roi. Cependant, ce qui sauvera le peuple n’est pas un roi… mais un héros. »
Les rois ne sauvaient pas les gens. Ce sont des héros qui les avaient protégés, guidés et sauvés.
« Alors, qui es-tu ? »
La ligne de conduite de Bifrons n’aurait pas changé dans les deux cas. La seule chose qui aurait un peu changé, c’était le rôle qu’il avait à jouer.
Tu m’as réduit à un tel état. Je te ferai venir avec moi sur ce chemin.
Cependant, tout ce qui allait se passer à partir de là devait être réalisé avec la plus grande prudence. Le monde entier risquait d’être détruit si facilement. « C’est après tout un monstre qui a déjà détruit le monde une fois. »
« En tout cas, la “porte” est déjà ouverte. »
Il n’y avait pas de retour en arrière. Le plus ancien des Marchosias. Le sage Dragon Orobas. L’Archange en chef Ginias Galahad. La porte qui était scellée sur une montagne de sacrifices était sur le point d’être percée.
Ainsi, Bifrons faisait de son mieux pour danser une joyeuse danse au milieu de cette destruction.
C’est pourquoi il garderait le silence et surveillerait jusqu’à ce que ce moment arrive.
Le rideau allait de toute façon bientôt se lever sur cette grande scène.
◇◇◇
Zagan se retourna avec une expression sinistre en sentant quelque chose. Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis qu’il avait découvert l’identité de Marc à Kianoides. Le grand bain était terminé et une modeste inauguration avait lieu au château.
Il était, naturellement, tenu dans le grand bain lui-même. La fête se déroulait dans le style de Liucaon, avec de l’alcool flottant sur l’eau. Il y avait aussi du jus préparé pour les mineurs comme Foll et Lilith.
Zagan avait informé ses autres subordonnés qu’ils étaient libres d’y participer, mais il y avait un intérêt surprenant, et le grand bain qui avait d’abord semblé bien trop grand était déjà plein. Contrairement à l’imagination de Zagan, il semblait que même les sorciers aimaient les bains. Il avait passé un certain temps à réfléchir à la possibilité de ne pas le construire un peu plus tôt.
Il avait prévu d’y aller aussi, mais il s’était empressé d’abandonner dès qu’il avait détecté une anomalie.
« Y a-t-il un problème, Sire Zagan ? » Kimaris, qui était entré dans le vestiaire avant lui, l’avait demandé d’une voix prudente.
« Rien. J’ai quelques petites affaires à régler. Vas-y et commence. Je reviens tout de suite. »
« … Compris. C’est ce que nous allons faire. »
Kimaris avait sûrement compris son intention. Zagan avait regardé son fiable subordonné s’incliner et s’éloigner dans le bain avant de se diriger vers le couloir qui reliait le château. Et là, il avait trouvé son ami indésirable qui souriait sans crainte.
« Yo, Zagan. »
« Barbatos. Comme il est rare que tu sois sorti de ton ombre maudite, » répliqua Zagan.
« C’est parce que tu as fait sauter des barrières comme un putain de hérisson. Je ne peux même pas ouvrir la sortie à mon ombre comme ça, n’est-ce pas ? »
En fait, cet homme possédait suffisamment de talent pour détourner facilement la sorcellerie de Zagan. C’est pourquoi les barrières ici avaient été plus scrupuleusement fortifiées que d’habitude. Pour l’instant, Zagan avait donné une note de passage à ses défenses, car Barbatos ne pouvait pas s’y introduire.
« Alors, as-tu l’intention de te joindre à la fête ? » demanda Zagan.
« Tu ne vas pas dire que je ne peux pas venir, n’est-ce pas ? J’ai fait un tas de conneries dangereuses à ta demande, tu sais ? » répondit-il.
« Bien sûr que non. Mon principe est de récompenser ceux qui se consacrent à moi. Même toi, tu ne fais pas exception à cette règle. Profites-en à ta guise, » déclara Zagan.
Barbatos haussa les épaules de façon exagérée.
« Ce n’est pas un soulagement. Il faudrait que j’aille noyer mon chagrin dans l’alcool si tu me conduisais ici. »
Alors que son ami indésirable essayait de passer devant lui, Zagan lui saisit fermement l’épaule.
« En tout cas, comme c’est étrange, » déclara Zagan.
« Quoi ? Quelque chose de bizarre est-il arrivé ? » demanda Barbatos.
« Ouais. Je veux dire, cette direction mène au —, » Zagan avait chargé ses mots suivants de mana. « bain des femmes. »
L’air lui-même tremblait à sa voix. Comme il l’avait dit, Barbatos ne se dirigeait pas vers le bain des hommes, mais vers celui des femmes. Il se retourna avec un regard vide et continua à parler comme si c’était parfaitement évident.
« Ta barrière est assez impressionnante. Même moi, je ne peux pas me faufiler de l’extérieur. Je t’en félicite sincèrement, » déclara Barbatos.
« … Et alors ? » demanda Zagan.
« Mais je peux connecter mon ombre de l’intérieur. C’est une connexion à si courte distance qu’elle n’aurait aucun sens. Mais… Je suppose que ce serait juste assez pour passer à travers un mur ou deux. »
« Hmm ? »
Zagan renforça son emprise comme pour lui écraser l’épaule, mais Barbatos continua sans cacher du tout ses intentions.
« La bébé pleureuse vient de venir ici pour aller dans le bain. »
C’était la grande ouverture du bain, alors Chastille, Kuu et d’autres personnes de l’Église avaient été invitées.
« Que cela signifie-t-il ? » demanda Zagan.
« Je serais capable de jeter un coup d’œil, » déclara fermement Barbatos d’une voix glaciale, comme s’il allait faire un pas vers une mort quasi certaine.
« Phosphore du ciel à un seul pétale. »
Zagan avait produit des flammes noires sans hésitation. Il n’avait pas balancé son poing comme d’habitude. Le simple fait qu’il ait utilisé l’un de ses atouts pour tuer les Archidémons montrait à quel point il était sérieux.
« Putain de merde !? Tu viens sérieusement d’essayer de me tuer ! » s’écria Barbatos.
Malheureusement, Barbatos avait réussi à échapper à l’attaque avec une agilité miraculeuse.
« Bien sûr que je l’ai fait. J’ai obtenu le pouvoir dans le but même de me débarrasser de parasites comme toi, » répondit Zagan.
Néphy et Foll étaient évidemment dans le bain des femmes. Zagan parierait son titre d’Archidémon sur sa capacité à empêcher quiconque de jeter un coup d’œil.
« Fais-le sur ton temps libre. Tu peux te faufiler vers Chastille pour te baigner avec elle quand tu le veux, n’est-ce pas ? » demanda Zagan.
« Je me suis donné du mal pour essayer aujourd’hui, car elle a toujours son épée sacrée avec elle, même dans le bain ! » déclara Barbatos.
« Comme si ça m’intéressait, » répliqua Zagan.
En tout cas, il essayait vraiment de jeter un coup d’œil. Barbatos était le plus bas des bas. C’était une bonne nouvelle que Chastille a encore le sens de la vertu. Zagan s’inquiétait un peu qu’elle déteigne sur Néphy si elle continuait à être une amazone tout le temps.
Il n’avait aucune compassion pour cet homme. Et alors qu’il chargeait son poing de mana, Barbatos lui chuchota comme le diable.
« Tu es également intéressé par le corps nu de ta chérie, non ? » demanda Barbatos.
Zagan s’était figé sur place.
« T-T-T-Tu es fou ! Comme si je pouvais faire quelque chose d’aussi effronté ! » s’écria Zagan.
« Es-tu un gamin dans sa putain de puberté ? Le meilleur des femmes, ce sont leurs seins et leur cul, non ? Qu’y a-t-il de mal à se laisser aller à ça ? Eh bien, la pleurnicharde manque un peu à cet égard, mais…, » déclara Barbatos.
« Tout est faux ! Ce genre de chose devrait être construit sur un consentement approprié, ou plutôt…, » répondit Zagan.
« Haaah, quel tas de conneries, » déclara Barbatos.
Zagan avait eu l’impression d’entendre quelque chose se briser dans sa tête.
« Hmm, je vois. J’ai compris. Ta définition de la virilité est de te faufiler lâchement dans l’ombre pour jeter un coup d’œil au lieu de venir hardiment de face, hein ? Je dois sympathiser un peu avec Chastille sur ça, » déclara Zagan.
« … Hein ? Qu’est-ce que la pleurnicharde a à voir avec ça ? » demanda Barbatos.
Zagan voulait vraiment passer l’heure suivante à le presser pour obtenir une réponse sur la personne exacte qu’il s’efforçait de regarder, mais il était revenu à la raison.
« Hmm ? Eh bien, tu marques un point. C’est certainement une étrangère qui ne s’intéresse pas à toi. Elle ne sera pas vraiment troublée par ta mort, » déclara Zagan.
Zagan avait semblé écraser son talon sur une mine terrestre alors qu’une veine avait jailli du front de Barbatos.
« Tu veux que je te tue, putain !? » s’écria Barbatos.
« C’est toi qui vas mourir, » répliqua Zagan.
Ainsi, ces amis indésirables et rivaux de toujours s’étaient inévitablement affrontés une fois de plus pour une raison infiniment triviale.
***
Partie 2
« … ? Est-ce qu’il y a encore un peu de bruit dehors ? »
Le côté féminin du grand bain.
Les oreilles triangulaires de Kuroka s’étaient tordues alors qu’elle remplissait un seau d’eau. Grâce aux efforts de Zagan, Shax et Gremory, le bain était équipé de suffisamment de douches pour dix personnes. Il y avait de telles installations pour les masses à Kianoides, mais ce château était probablement le seul endroit où l’on pouvait obtenir de l’eau chaude juste en tournant un bouton.
Kuroka se lavait les cheveux sous la douche. Les autres personnes présentes étaient les résidentes du château, comme Foll et Selphy, des invitées comme Chastille et Manuela, ainsi que l’invitée d’honneur, Orias. Il y avait ceux qui agissaient timidement avec des serviettes de bain enroulées autour d’eux, et ceux qui, comme Manuela, s’exposaient effrontément. Néphy était du côté timide avec une serviette enroulée autour d’elle.
Alors qu’elle se lavait avant d’entrer dans le bain, elle put entendre une terrifiante explosion de l’extérieur. Cette fois, il n’était pas nécessaire de confirmer avec qui que ce soit, car une secousse avait traversé la zone. Il n’y avait en fait qu’une seule personne qui pouvait provoquer de telles secousses à l’intérieur de ce château sans causer de dommages au château lui-même.
« Il semble que Maître Zagan soit en colère. Je me demande s’il s’est passé quelque chose ? » demanda Néphy.
« Ce ne sont que deux messieurs qui s’amusent entre eux. Tu peux les laisser tranquilles, » déclara Alshiera, exaspérée. Elle portait une serviette, mais ne l’avait pas enroulée autour de son corps. Elle venait d’arriver et semblait attendre une place libre parmi les douches.
Cela voudrait-il dire qu’il est avec le Seigneur Barbatos ? Il n’y avait pas vraiment quelqu’un d’autre qui pouvait encaisser un coup qui pourrait faire trembler le château. Néphy aurait remarqué si un ennemi de classe Archidémon s’était infiltré dans le château, et tout autre sorcier serait tout simplement mort. Chastille fit une grimace en arrivant à la même conclusion.
« Ummm, désolée d’avoir causé des problèmes après avoir été invitée ici. Je suis sûre que Barbatos a fait quelque chose, » déclara Chastille.
« Hmm ? Et pourquoi as-tu besoin de t’excuser pour lui ? » demanda Manuela en souriant.
« C’est parce qu’il est mon… Je veux dire… ! » balbutia Chastille.
« Mmmm ! Vous avez entendu ça ? C’est mon… ! » déclara Manuela.
« Je te dis que tu as mal compris, Hwah !? » s’écria Chastille.
« Tu fais du bruit, Tête de poney, » répliqua Foll.
Foll passa devant et déversa de l’eau sur la tête de Chastille, ce qui la surprit et la fit tomber de façon spectaculaire.
Je suppose que Chastille n’est pas en mode travail aujourd’hui. Néphy avait été très surprise de voir à quel point Chastille avait été vaillante quand elle était allée lui rendre visite à l’église avec Zagan. Elle savait que cette fille était si pondérée qu’elle était comme une autre personne lorsqu’elle était en service, mais elle s’était tellement familiarisée avec le comportement habituel de Chastille que la simple idée que cela soit possible lui semblait extrêmement déplacée.
Foll se dépêcha alors de se rendre à Néphy avec des petits pas.
« Néphy, j’ai fini de me laver. Puis-je entrer maintenant ? » demanda Foll.
« Oui. Mais ne cours pas, d’accord ? C’est dangereux, » répliqua Néphy.
« D’accord, » répondit Foll.
Foll semblait très excitée par l’énorme bain et elle sauta dans le bain.
« Ah ! C’est totalement injuste, ma petite dame ! J’y vais aussi ! » déclara Selphy.
« Hé ! Selphy ! Finis d’abord de laver le savon ! Bon sang…, » s’écria Lilith.
D’ailleurs, Lilith avait été la première à finir de se laver et à entrer dans le bain. Elle avait une serviette enroulée autour de son corps, mais sa queue sortait de l’eau et frétillait joyeusement.
« Haaah, c’est la meilleure des choses. Son Altesse est vraiment très généreuse, » déclara Lilith.
Lilith avait un verre de jus de fruits flottant dans l’eau à côté d’elle et semblait s’amuser au maximum, avec un léger rougissement des joues.
Maintenant que j’y pense, Maître Zagan a un petit faible pour Lilith. Même si la construction du bain était basée sur une combinaison de nombreuses raisons, le facteur le plus important avait probablement été la demande de Lilith. Ce n’était pas au niveau où il avait gâté Néphy, mais elle avait estimé que c’était environ la moitié du niveau où il avait gâté Foll. C’était en fait un montant assez important pour Zagan.
Il prenait bien sûr en considération le fait qu’elle était une civile normale, mais y avait-il peut-être une autre raison derrière tout cela ? Elle était un peu curieuse. Et, alors que Néphy continuait à l’observer, Selphy nagea jusqu’à Lilith avec ses jambes en forme de poisson.
« Lilith, quel goût as-tu là ? » demanda Selphy.
« Hé, j’ai déjà bu dans celle-là…, » déclara Lilith.
« Awww. Allez. Je vais aussi te donner un peu du mien, » déclara Selphy.
« Hwah ? C’est comme un b… i-i-i-i-indirect…, » balbutia Lilith.
« Vas-tu bien ? Tu es toute rouge, tu sais ? » déclara Selphy.
Elles avaient l’air de s’amuser à leur façon. Les prochaines à se mettre dans le bain avaient été Kuroka et Kuu.
« Ça doit être bien de ne pas se faire décoiffer par le bain, hein, Kuroka ? » déclara Kuu.
« Vraiment ? Tes cheveux sont si jolis, Kuu, » déclara Kuroka.
« Non, je veux parler de tes queues. La queue de Kuu se ratatine quand elle est mouillée, » déclara Kuu.
« Je pense que c’est mignon à sa manière. Ne l’essore pas dans le bain…, » déclara Kuroka.
Kuu était quelque peu mécontente de sa queue et elle l’essorait comme un chiffon. Ailleurs, Gremory lavait le dos d’Orias.
« Eheheh, ça gratte quelque part, Maître ? Je vais faire de mon mieux pour vous permettre de vous détendre aujourd’hui. »
« Qu’est-ce que c’est que cette tonalité d’encouragement ? C’est dégoûtant, parle comme tu le fais toujours, » répliqua Orias.
La tremblante Gremory était dans sa forme de belle femme, tandis qu’Orias était dans sa jeune forme d’Oberon.
Néphy avait demandé pourquoi elle le faisait par curiosité, et elle avait simplement répondu. « Y a-t-il une femme qui mettrait à nu une peau aussi vieille alors qu’elle est capable de rajeunir ? » Le cœur d’une femme était compliqué même dans la vieillesse. Il était tout à fait possible que le jour vienne où Néphy ressentirait la même chose. Mais cette pensée était un peu effrayante, alors elle avait secoué la tête pour l’oublier.
Dois-je demander à ma mère de m’apprendre la sorcellerie pour manipuler mon âge… ?
Soit dit en passant, Gremory avait déjà une grosse bosse sur la tête à force d’être grondée. C’est peut-être pour cela qu’Orias ne lui avait pas fait de reproches. En fait, Néphy voulait être celle qui laverait le dos d’Orias, mais Gremory étant aussi coincée qu’elle l’était, elle décida de lui céder ce rôle.
En regardant les deux dames âgées, Néphy avait fini de se laver. Elle avait alors remarqué qu’Alshiera était toujours en place.
« Mlle Alshiera, voulez-vous que je vous lave le dos ? Il y a moins de monde ici, » déclara Néphy.
Alshiera hésita un instant, mais elle hocha rapidement la tête. « Alors, faites-le, s’il vous plaît, Lady Néphy. »
« Bien sûr, » déclara Néphy.
Alshiera se plaça devant Néphy. Le Clan de la Nuit ne possédait pas de cœurs battants. Peut-être à cause de cela, sa peau était assez pâle, mais rien d’autre ne la différenciait d’une personne normale.
« Que voulez-vous faire avec vos cheveux ? » Néphy demanda en remarquant que les cheveux d’Alshiera étaient toujours attachés sur les côtés.
« Je suppose que vous pouvez les laisser libre, » répondit-elle.
« Très bien, » déclara Néphy.
Néphy avait défait les cheveux comme on lui avait dit, et elle avait dégluti un tout petit peu en voyant ça. Sous ses cheveux se trouvaient deux cornes qui avaient été écrasées à leurs racines. Elle attendait probablement que les autres entrent dans le bain, car elle ne voulait pas qu’on les voie.
« Pourriez-vous ne pas faire une telle tête ? » dit Alshiera avec un sourire curieux. « Ce sont des blessures d’il y a mille ans. Ce n’est pas gênant de les voir après tout ce temps. »
« Hm… Ok. »
Alshiera avait ensuite mis son doigt sur les lèvres de Néphy.
« Mais c’est un secret pour les autres filles, d’accord ? » déclara Alshiera.
« Oui… »
C’était sa propre façon de transmettre des informations précieuses.
Une race avec des cornes coudées… Les seuls que Néphy connaissait étaient des dragons comme Foll, des fomoriens comme Gremory, et des succubes comme Lilith. C’était tous des espèces rares. Ils avaient tous en commun d’avoir des yeux en or. Néphy avait l’impression d’avoir découvert un secret important.
Elle avait ensuite soigneusement lavé les cheveux d’Alshiera. En rinçant le dos, elle avait remarqué qu’Alshiera tenait obstinément sa serviette sur sa poitrine. C’était comme s’il s’agissait d’un substitut à la peluche qu’elle avait l’habitude de transporter.
« Je vais vous laver le dos maintenant, » déclara Néphy.
Néphy avait fait semblant de ne rien remarquer et avait commencé à frotter le dos d’Alshiera.
C’est un peu étrange. Elle ne savait pas trop comment le dire. Elle avait l’impression d’atteindre son objectif initial, qui était de rendre hommage à ses parents. Mis à part son âge, Alshiera n’était qu’un peu plus grande que Foll, et pourtant Néphy était toujours dans cette illusion. Est-ce parce qu’Alshiera avait une personnalité très adulte ? Alors qu’elle penchait la tête sur le côté, quelque chose d’autre était apparu.
« Mlle Alshiera, que…, » commença Néphy.
« Hein ? Oh mon Dieu…, » s’exclama Alshiera.
Ce qui semblait être du sang noir avait coulé sur le sol le long de la jambe d’Alshiera. En y regardant de plus près, la serviette qu’elle portait était teintée de la même couleur. Elle semblait saigner de l’abdomen.
« Je vois, donc c’est comme ça que ça se passe dans le bain. Comme je suis négligente, » déclara Alshiera.
Alshiera sourit amèrement et claqua des doigts. Après l’avoir fait, plusieurs chauves-souris apparurent dans l’air et furent aspirées dans sa blessure comme pour la refermer.
« Cela devrait tenir assez longtemps pour prendre un bain, » déclara Alshiera.
« … Est-ce de la dernière fois ? » demanda Néphy.
Néphy avait rencontré cette fille pour la première fois en Atlastie, mais lorsqu’elle l’avait retrouvée sur cette île inhabitée, Alshiera était au bord de la mort. Empruntant les termes de Zagan, le terme « au bord de la mort » était étrange, mais en tout cas, elle avait été gravement blessée. À l’époque, Zagan avait partagé son propre sang pour la soigner. Cependant, elle était loin d’être complètement rétablie.
Alshiera avait simplement haussé les épaules comme si ce n’était pas grave.
« Je viens de subir une défaite embarrassante, c’est tout. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, » déclara Alshiera.
« Est-ce douloureux ? » demanda timidement Néphy, auquel Alshiera fit un regard choqué.
« Nous, du Clan de la Nuit, ne possédons pas le sens de la douleur comme les humains, vous savez ? » déclara Alshiera.
« Mais… »
« Je vais bien. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, » déclara Alshiera.
Ce n’était pas une simple bravade.
« Cependant, » dit Alshiera en mettant une fois de plus son doigt sur les lèvres de Néphy. « S’il vous plaît, gardez aussi ce secret. Cela gâcherait la fête. »
« Compris. »
Néphy avait versé de l’eau sur les épaules d’Alshiera une fois de plus. Alshiera avait ensuite attaché ses cheveux avec sa serviette. De cette façon, elle était capable de cacher ses cornes. Les deux filles s’étaient ensuite dirigées vers le bain. Elles étaient censées être les dernières à entrer, mais Néphy avait remarqué qu’il manquait quelqu’un.
***
Partie 3
« Hein ? Où est Nephteros ? » demanda Néphy.
« Il semblerait qu’elle ne se sentait pas bien. Elle a cependant dit qu’elle se montrerait plus tard, » répondit Chastille avec une expression sinistre.
« Est-ce qu’elle va bien… ? » demanda Néphy.
« Je me le demande ? Il y avait apparemment des problèmes en ville l’autre jour et elle ne se sent pas bien depuis. Elle ne comprend pas vraiment elle-même…, » répondit Chastille.
« Je me demande, est-ce que cela a un rapport avec les rêves qu’elle faisait avant… ? » marmonna Néphy en baissant les yeux. Elle avait également entendu parler des rêves de Nephteros qui semblaient être ceux du Seigneur-Démon. Elle ne les voyait plus, mais Nephteros avait déjà été englouti par le Seigneur-Démon, même si ce n’était que ses pensées résiduelles. On ne savait pas quelles séquelles cela avait eues sur elle.
« Qu’en est-il des rêves ? » demanda Lilith avec curiosité.
« C’est…, » commença Néphy.
« Lilith. »
Cette voix avait même fait frissonner le dos de Néphy. Alshiera plissa ses yeux dorés et posa une fois de plus son doigt sur les lèvres de Néphy.
« Il ne faut pas fouiller dans les secrets des autres, » continua Alshiera.
L’air s’était glacé, et Lilith avait tremblé violemment.
« Eep… Hum, d’accord…, » balbutia. Lilith.
Néphy avait trouvé cette réaction extrême quelque peu inattendue.
Je ne pensais pas qu’elle était du genre à exprimer les choses avec autant de force. Mais lorsque cette pensée lui avait traversé l’esprit, elle en avait immédiatement compris la raison.
« Vous êtes vraiment gentille, Mlle Alshiera, » dit-elle avec un grand sourire.
« Comment avez-vous eu cette impression à l’instant ? » demanda Alshiera en plissant ses sourcils, face à quoi Néphy avait souri une fois de plus.
« Vous avez dit cela par souci de la sécurité de Lilith, n’est-ce pas ? Les rêves sont son territoire, après tout, » déclara Néphy.
Lilith était la princesse des succubes, et les rêves étaient leur spécialité. Quelqu’un ayant le niveau de pouvoir de Lilith pouvait sûrement s’immiscer dans les rêves de n’importe qui. Cependant, Lilith n’était pas une sorcière et elle ne possédait pas de capacité de combat. C’est pourquoi Alshiera l’avait avertie de ne pas s’enfoncer dans quelque chose de dangereux.
Cependant, la façon dont elle l’a présenté était un peu méchante pour Lilith… De plus, cela venait du lapsus de Néphy. Il s’était avéré que Néphy était à peu près sur la bonne voie, vu que le visage d’Alshiera était devenu tout rouge.
« Hum, étiez-vous… inquiète pour moi, Ma Dame ? » demanda timidement Lilith.
« Comme si j’allais le dire ! » s’exclama Alshiera.
Alshiera avait soufflé sur le côté et avait plongé sa tête sous l’eau. Zagan l’avait déjà démontré une fois auparavant, mais cette fille était vraiment mauvaise pour accepter une gratitude honnête. Elle était en fait assez mignonne comme ça.
C’est alors que la porte du grand bain s’était ouverte. C’était Nephteros. Elle ne semblait pas avoir beaucoup d’aversion à exposer sa peau et ne tenait qu’une serviette sur sa poitrine.
« Nephteros, te sens-tu mieux maintenant ? » demanda Néphy.
« Oh… Mmm… Je vais un peu mieux, » répondit Nephteros.
Nephteros avait touché maladroitement sa joue, puis elle avait jeté son regard sur Néphy et Orias.
« Peut-être m’attendiez-vous ? » demanda Nephteros.
« Oui. Après tout, nous ne pouvons pas commencer sans toi, » déclara Néphy.
« … Je vais me laver rapidement, alors, attendez un peu, » déclara Nephteros.
« De quoi s’agit-il ? » demanda Orias avec curiosité.
« Umm, s’il te plaît, attend un peu plus longtemps, Mère, » déclara Néphy.
« Bon, d’accord. »
Lorsque Nephteros était entrée dans le bain, Néphy avait fait passer des verres et des plateaux pour les faire flotter. Néphy et Nephteros avaient hoché la tête l’une en face de l’autre, puis elles avaient versé ensemble la boisson d’Orias.
« Vos préparatifs sont assez minutieux, n’est-ce pas ? » déclara Orias avec un regard surpris.
« Oui. »
Après avoir confirmé que tout le monde avait un verre, Néphy avait pris son propre verre et s’était éclairci la gorge.
« Merci à tous ceux qui sont venus de Kianoides pour se joindre à nous à cette occasion. Merci également à tous ceux qui ont participé à la construction du grand bain. Nous avons pu l’achever aujourd’hui grâce à tous vos efforts, » déclara Néphy.
C’était une célébration pour l’ouverture officielle des bains. Elle était un peu formelle, mais il fallait le dire, alors Néphy avait fait un bref discours et avait levé son verre.
« Puis pour célébrer l’achèvement du grand bain, et pour remercier ma mère. À la vôtre ! » déclara Néphy.
« « À la vôtre ! » »
Cela avait laissé Orias complètement sous le choc. Elle avait alors souri de façon troublée.
« Je pensais que tu étais terriblement distante aujourd’hui. Alors c’était pour ça… »
Il était impossible qu’elle soit malheureuse. Orias brandit son verre avec un léger rougissement sur les joues.
« Je ne me souviens pas avoir fait quoi que ce soit qui nécessite une telle gratitude, mais merci, » déclara Orias.
C’était un peu étrange d’avoir une mère qui avait le même âge qu’elle, mais Néphy ne connaissait pas Orias depuis assez longtemps pour en ressentir un quelconque décalage. C’est peut-être pour cette raison qu’elle avait eu l’impression de se faire une nouvelle amie. Et, alors que Néphy et Nephteros échangeaient des sourires, Foll s’était déplacée près d’Alshiera et lui avait murmuré à l’oreille.
« Je te remercie également. »
« … Chut. »
Néphy ne l’entendait pas vraiment et elle l’avait regardé avec curiosité alors que Nephteros avait entamé une conversation avec Kuroka.
« Ah oui, Kuroka. À propos de ce sorcier… Uhhh, Shax, c’est ça ? T’es-tu déjà réconciliée avec lui ? » demanda Nephteros.
Maintenant que Néphy y avait pensé, Nephteros s’était sentie malade et n’était pas venue au château le jour où Kuroka s’était réconciliée avec lui. Kuroka devint rouge comme une betterave et plongea son visage dans le bain.
« Hmm… Oui, » répondit Kuroka.
« Je vois. Tant mieux pour toi. »
Nephteros lui avait franchement donné sa bénédiction, puis avait regardé le mur en direction du bain des hommes.
« Je me demande comment les choses se passent là-bas ? » déclara Nephteros.
« Il aurait aussi dû y avoir une fête du côté des hommes, donc Shax et Raphaël sont là-bas, mais… »
« Il ne semble pas encore y avoir de signe de bagarre là-bas, » dit Kuroka en passant ses mains sur ses oreilles triangulaires. « Mais cela ne ressemble pas non plus à une célébration. »
« … Oh, mm. » Nephteros avait également été présente lors de l’incident avec les sous-vêtements de Kuroka. « Alors je suppose que Richard va se faire prendre au jeu. C’est pitoyable. »
« S’il te plaît, remercie-le de ma part après cela, Nephteros, » déclara Néphy.
« Sera-t-il heureux de l’obtenir de moi ? » demanda Nephteros.
« Oui ! Aie un peu de confiance et sois gentille avec lui, » déclara Néphy.
Nephteros fut impressionnée par les conseils inhabituellement vigoureux de Néphy et lui fit un signe de tête.
« J-J’ai compris. »
À ce moment, les oreilles de Kuroka s’étaient mises à bouger.
« Oh, Monsieur Shax et Kimaris parlent de quelque chose, » déclara Kuroka.
« Hmmm? Hé Kuroka, tu peux relayer ce qu’ils disent ? Allez, » demanda Manuela.
« Camarade Manuela, cet idiot de Kimaris n’a rien d’intéressant à dire dans le bain. » Gremory s’était ensuite installée à côté de Kuroka. « Plus important encore ! Le petit Shax pourrait dire quelque chose d’intéressant, hmmm ? »
Kuroka avait été rapidement encerclée par les deux fanatiques et s’était retrouvée complètement perdue.
« Kuroka, tu peux leur dire que tu ne veux pas, d’accord ? »
« Auu… mais… »
Gremory et Manuela s’échauffaient à propos du pouvoir amoureux potentiel et elles conduisirent Kuroka vers un désordre tremblant. Et en les voyant se déchaîner comme ça, Néphy leur avait mis les mains sur les épaules.
« Vous ne la forcez pas, n’est-ce pas ? » demanda Néphy.
« … Non, nous ne le faisons pas, » déclara Gremory.
Toutes deux avaient fait un sourire étriqué et avaient reculé en silence. Kuroka se sentit enfin soulagée, mais elle leva soudain le visage et devint remarquablement rouge.
« Attends ? Qu’est-ce que c’est ? As-tu entendu quelque chose ? »
« Raconte-nous tout ! La barrière de mon suzerain est trop forte ici et je ne peux pas écouter aux portes ! » déclara Gremory.
Il s’est avéré que la sorcellerie était complètement scellée dans la zone de baignade. Cependant, le sens de l’audition anormal de Kuroka était une capacité naturelle, donc il ne pouvait pas être bloqué par la barrière absurde de Zagan. Même les oreilles humaines de Kuroka étaient devenues rouges lorsqu’elle s’était couvert le visage.
« Non… C’est un peu… »
« Parle simplement. Ce sera plus facile si tu le fais. »
« Vite ! Vite ! »
Néphy avait ressenti un mal de tête venant des deux fanatiques très stimulées. Soit dit en passant, Orias semblait mettre de côté son rôle de professeur de Gremory pendant qu’elle buvait, et ne montrait aucun signe de vouloir les arrêter. Elle avait pourtant l’air exaspérée. Kuroka avait jeté un coup d’œil entre ses doigts, puis elle avait cédé face à leur passion.
« Ummm, il dit des trucs comme… il passe tous ses actes sous silence, mais c’est un individu sympathique au fond de lui-même. »
« C’est si gentil ! Quel beau discours d’amour ! Il nous faut de l’alcool fort ! »
« Le pouvoir de l’amour est débordant ! J’ai besoin d’un verre ! »
Manuela avait serré le poing, et avant que quelqu’un ne s’en rende compte, elle tenait une bouteille d’alcool alors qu’elle n’avait demandé qu’un verre avant. En regardant de plus près, Néphy avait pu repérer un verre et une bouteille vides sur son plateau. Quand avait-elle réussi à boire autant ?
Les yeux de Gremory brillaient d’un feu ardent. On aurait dit qu’elle allait saigner du nez à tout moment.
« Il a dit qu’elle essaie toujours de protéger les faibles, alors… il s’inquiète beaucoup, et veut la protéger… »
« Hnnngh ! Néphy ! As-tu quelque chose de plus sec ? C’est trop sucré ! » demanda Manuela.
« Keeheehee. Bien qu’il soit un tel imbécile, il est complètement dépassé, n’est-ce pas ? Bien ! Tellement bien ! » déclara Gremory.
Et juste à ce moment-là, Néphy avait senti que quelque chose n’allait pas à sa place.
Kuroka parle comme si cela ne l’impliquait pas du tout, mais étant donné qu’il s’agit de Sire Shax… Cela dit, elle ne croit pas que Shax puisse faire part de tels sentiments à qui que ce soit d’autre. Elle était presque sûre de pouvoir faire cette déclaration. Ce qui veut dire… ?
Et comme pour affirmer ce sentiment décalé…
« Miss Gremory est charmante comme ça, alors il est resté avec elle pendant les 60 dernières années, dit-il…, » continua Kuroka.
« … Hein ? » s’exclama Gremory.
Gremory s’était transformée en statue, et Kuroka s’était submergée sous l’eau et avait recouvert ses oreilles triangulaires comme si elle ne pouvait plus écouter. Elle l’avait bien résumé, mais elle avait sûrement entendu bien plus de détails que cela. Elle ressemblait à une pieuvre bouillie.
Quant à Manuela, il semblerait qu’elle ait remarqué à la moitié du chemin ce dont on parlait vraiment. Sa bouche se tordait et elle tremblait comme si elle retenait un énorme rire. Et c’est alors qu’Orias avait décidé de se joindre à la conversation.
« Aah, cela fait donc déjà 60 ans. Je me rappelle que mon idiote de disciple qui s’était soudainement enfuie est revenue avec un petit léonin en me demandant comment apprendre à quelqu’un à lire et à écrire, » déclara Orias.
« Stoooooooooooooop ! »
Gremory devint si rouge qu’elle eut les larmes aux yeux en s’élançant vers Orias. Mais son adversaire était un Archidémon. Elle fut repoussée en plein vol et coula au fond du bain. De modestes rires éclatèrent dans le bain des femmes.
***
Partie 4
Mais elle va se noyer si on la laisse comme ça, non ? La sorcellerie ne pouvant pas être utilisée dans le bain, Néphy avait sorti Gremory de là. Manuela se sentait aussi un peu responsable et l’aida. Et pourtant, il y avait là une personne qui était figée comme si elle se souvenait d’un certain traumatisme.
« Chastille ? Y a-t-il un problème ? » demanda Néphy.
Son regard avait été cloué sur Orias.
« … Umm, vous êtes Dame Orias, n’est-ce pas ? »
« Oui, c’est exact. »
« J’imagine peut-être des choses, mais nous ne nous sommes jamais rencontrées auparavant… n’est-ce pas ? Ahahaha... »
Pour une raison quelconque, Orias avait clairement hésité à lui répondre. Et en voyant cela, Nephteros intervint.
« Ne vous êtes-vous pas rencontrées à l’église ou ailleurs ? Mère… ? » Nephteros se tourna vers Orias pour voir si elle pouvait le mentionner et continua après avoir reçu un signe de tête de sa part. « Mère se fait appeler Oberon à l’Église, après tout. »
« Oberon… Comme dans Lady Oberon… ? Maintenant que vous en parlez, j’ai ressenti quelque chose de déplacé en parlant avec elle…, » déclara Chastille.
Orias avait une fois de plus détourné son regard. Il était apparemment vrai qu’elles s’étaient déjà rencontrées par le passé. Néphy se traîna vers sa mère et commença à lui chuchoter.
« Que s’est-il réellement passé ? »
« … Umm, j’ai appris un peu à cette fille à utiliser une épée quand elle était novice, » répondit Orias.
« N’est-ce pas bien de lui dire cela ? »
Orias secoua la tête.
« Hum, je ne me suis pas assez retenue, et apparemment… ça a effacé ses souvenirs de l’époque. »
Néphy et Nephteros en étaient restées bouche bée.
Chastille a dû avoir du mal, enfant… Mais cela l’avait pleinement convaincue maintenant. Chastille avait probablement eu assez de problèmes pour pouvoir faire la queue juste à côté de Zagan quand à ceux qui avaient eu une enfance difficile. Elle se demandait pourquoi une jeune fille encore adolescente était capable de manier une épée comme celle-là, mais il s’est avéré que c’était grâce aux instructions personnelles de la légendaire chevalière angélique Oberon.
Il y avait sûrement des choses qu’il valait mieux oublier, alors Néphy avait pris une bouteille d’alcool et en avait offert à Chastille.
« Chastille, c’est une liqueur inhabituelle que nous avons commandée à Liucaon. En veux-tu ? » proposa Néphy.
« Hein ? C’est bien ça ? Je n’ai pas vraiment bu d’alcool avant. Est-ce que ça va aller ? » demanda Chastille.
Elle ne le serait probablement pas, vu la concentration d’alcool dans cette liqueur, mais elle semblait quand même intéressée, alors Néphy en avait versé dans sa tasse, et Chastille avait pris un verre.
« Hmm, ça se passe plutôt bien et ça a bon goût ! Mon corps aussi s’en trouve bien et chaud. Néphy, puis-je en avoir un autre ? » demanda Chastille.
« Bien sûr. »
Et après quelques tasses supplémentaires, Chastille avait été complètement écrasée et s’était évanouie.
« Bon sang. Tu lui en as trop donné, Néphélie, » déclara Nephteros.
« J’ai pensé que Chastille ferait mieux d’oublier cette affaire, » répliqua Néphy.
Elles avaient toutes les deux sorti Chastille du bain et l’avaient déposée à côté de Gremory. Orias se sentait également un peu coupable et lui apporta une nouvelle serviette. Et en la voyant ainsi, Néphy s’était mise à sourire.
« Tu as toutes sortes de visages, maman, » déclara Néphy.
Elle était vraiment contente de cette fête, même si c’était la seule chose qu’elle en avait tirée.
« Mais aucun d’entre eux n’est bon, » répondit Orias en faisant une grimace.
« Ce n’est pas vrai. Je veux en savoir plus sur toi, » répondit Néphy.
C’est alors que le profil de Zagan de l’autre jour lui était venu à l’esprit.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Orias.
« Oh, rien…, » répondit Néphy.
Néphy avait vaguement souri, mais elle avait ensuite réalisé qu’il était injuste de se taire lorsqu’elle voulait en savoir plus sur sa mère elle-même.
« Hum, je suis vraiment heureuse d’avoir pu te rencontrer, Mère. Mais…, » commença Néphy.
Elle n’était pas sûre qu’il était correct de dire cela. Mais malgré cela, Néphy avait rassemblé son courage et avait mis ses doutes en mots.
« Je pensais juste au genre de personnes qu’étaient les parents de Maître Zagan, » déclara Néphy.
Marc avait commencé à le chercher parce qu’il avait quelque chose à voir avec les parents de Zagan. Et puis il y avait la possibilité que Marc soit le pape. Alors, qui exactement pouvait mettre le pape en action ?
« C’est certainement une question intéressante, » répondit Orias d’un signe de tête. « Alors, qui étaient-ils ? »
Et tous les regards s’étaient naturellement rassemblés sur Alshiera.
« Mais c’est gênant, ça ? » dit-elle sur un ton regrettable.
« Mais n’est-ce pas vous qui avez poussé Zagan à poursuivre ce Marc ? Il n’y a personne d’autre à qui nous pouvons demander, » déclara Orias.
Il était certainement vrai qu’Alshiera était probablement la seule personne qui avait une chance de connaître la naissance de Zagan. Stella, Barbatos, et même Zagan lui-même n’avaient aucun moyen de connaître ces détails. Et de tous, c’était Foll qui avait sauté à la défense d’Alshiera.
« Le bain est amusant. Cela ne sert à rien de la forcer pendant qu’on s’amuse, » déclara Foll.
Ces paroles innocentes avaient ramené tout le monde à la raison. Orias avait également ratissé sa frange avec un sourire tendu.
« Je suppose que ma petite-fille a raison. Nous nous sommes peut-être un peu emportées. S’il vous plaît, oubliez ce que j’ai dit. »
Avec cela, elle était retournée au bain. Néphy et Nephteros l’avaient suivie. Après avoir un peu réfléchi, Alshiera inclina légèrement son verre de vin et murmura.
« Je connaissais certainement son père. »
Néphy avait été laissée sous le choc, les yeux écarquillés. Elle ne pensait pas qu’Alshiera allait répondre.
« Alshiera, est-ce bon ? » demanda Foll d’un ton inquiet.
« Il peut être approprié que quelques bavardages oisifs accompagnent nos boissons. En outre, il se peut que je sois en train d’inventer des choses, » déclara Alshiera.
Alshiera riait, mais personne ne riait avec elle. Deux personnes étaient déjà inconscientes, mais les femmes restantes dans le bain s’étaient rassemblées autour d’Alshiera. Et, avec toute son attention, elle se mit à parler avec nostalgie.
« Par où commencer ? Oh oui, c’est vrai. Nous devrions vraiment commencer par vous, » déclara Alshiera.
Pour une raison quelconque, elle avait jeté son regard sur Kuroka.
« Hein ? Moi… ? » demanda Kuroka.
« Kuroka, cet homme est l’ancien propriétaire de votre Ciel sans lune, » déclara Alshiera.
D’autres points commencent à se connecter… Et pas seulement ça, mais d’une manière que Zagan ne pouvait probablement pas prévoir. Cela avait complètement choqué tout le monde, y compris les filles de Liucaon.
« Veuillez patienter un instant, Madame. Cela signifie-t-il que Son Altesse est de Liucaon ? »
« On peut dire cela, dans un sens. Mais on peut aussi dire qu’il ne l’est pas. Eh bien, pensez simplement qu’il est un peu lié à cet endroit, » répondit Alshiera.
Elle semblait terriblement évasive, mais c’était le côté le plus clair des choses venant d’Alshiera.
« C’était un homme très fort et splendide, » poursuit-elle d’un ton charmeur. « Il s’est battu très souvent pour tout le monde, et il s’en est sortie victorieux à la fin, peu importe les chances qu’il avait de gagner. »
Ce fut certainement un souvenir précieux pour elle. Néphy avait l’impression qu’Alshiera pleurait en parlant de cela.
« Pouvons-nous demander son nom ? » demanda-t-elle timidement.
Alshiera s’était tue, hésitant à répondre, mais avait fini par prendre la parole.
« Cet homme voulait que son nom soit oublié. C’est pourquoi je suis incapable de le prononcer. Cependant, il est aussi connu sous le nom de…, » déclara Alshiera.
Alshiera avait prononcé ce nom comme s’il était un expiatoire, et comme s’il s’agissait d’un deuil.
« — »
Le bain était resté silencieux. Ce nom était parfaitement évident, dans un sens. En fait, Alshiera l’avait appelé ainsi lorsqu’elle avait rencontré Zagan pour la première fois à Liucaon.
« Comme c’est surprenant. C’est vraiment surprenant. De penser que le jour viendrait où je pourrais vous rencontrer une fois de plus. »
Et cette personne avait probablement déjà…
Personne n’avait rien dit. Et peu de temps après, Alshiera était sortie tranquillement du bain.
« J’ai un peu trop parlé. Je vais aller profiter de la brise nocturne, » déclara Alshiera.
« Lady Alshiera, » s’écrie Orias. « C’était une histoire merveilleuse. La prochaine fois, partageons un verre entre nous deux. »
« Avec vous ? Tout à fait, » déclara Alshiera.
Ainsi, Alshiera avait laissé le bain derrière elle.
***
Partie 5
Quelque temps auparavant.
Le combat entre Barbatos et Zagan, qui avait commencé en essayant d’empêcher Barbatos de jeter un coup d’œil sur le bain des femmes, s’était déplacé au plus profond de la forêt, à une certaine distance du château.
Bon sang, Barbatos ! Il s’accroche vraiment ! Zagan n’avait jamais pensé qu’il survivrait après être allé jusqu’à utiliser le Phosphore du Ciel. Il ne voulait pas vraiment l’admettre, mais cet homme possédait un pouvoir comparable au sien. Il était tout à fait raisonnable de penser qu’il deviendrait un Archidémon et se mettrait en travers du chemin de Zagan si seulement il y avait un siège libre.
Eh bien, le voilà qui utilisait son énorme pouvoir pour essayer d’accomplir quelque chose d’aussi inepte que de jeter un coup d’œil sur le bain des femmes, alors peut-être que le siège d’un Archidémon était encore loin pour lui.
« … Hmph. Hey, Barbatos. Il est temps de mettre fin à tout ça. »
Cela dit, ce combat futile avait déjà duré deux à trois heures. Il était assez probable que Néphy et les autres arrêtent déjà leur fête. Ce qui signifie que le temps était écoulé. Zagan utilisait la sorcellerie tout en ayant l’intention de tuer Barbatos, et il avait réussi à survivre jusqu’à la fin du temps imparti. En ce sens, c’était un match nul.
Pourquoi est-il si idiot alors qu’il a tant de pouvoir ? C’était infiniment déroutant.
« Haah, putain. » Barbatos soupira et s’effondra sur le sol. « Je n’ai pas pu gagner cette fois-ci non plus. »
« Et si tu apprenais déjà cette fichue leçon ? » demanda Zagan.
« Peut-être. Je te tuerai certainement la prochaine fois, » déclara Barbatos.
Leur combat avait peut-être commencé pour une raison stupide, mais il est possible que l’objectif de Barbatos de jeter un coup d’œil ait disparu à mi-chemin. Bien qu’ils soient peut-être devenus un peu trop fous tous les deux, un Archidémon et un sorcier juste en dessous qui avaient reçu de sérieux coups. Les arbres autour d’eux avaient été fauchés et des fissures parcouraient le sol.
Un civil risquait d’avoir un accident s’il s’égarait dans un tel endroit, mais il ne s’agissait pas seulement de remettre les arbres à leur place. L’idée de devoir faire face à tout cela donnait à Zagan un mal de tête, mais cela pouvait attendre. Il avait donné un léger coup de pied à Barbatos.
« Hé, lève-toi, déjà. La fête que je me suis donné du mal à organiser est passée à cause de toi. Allons boire, » déclara Zagan.
« Ne me fais pas chier. Comme si je pouvais boire n’importe quoi après avoir eu une rupture de l’estomac, » répliqua Barbatos.
Zagan avait enfoncé son poing de plein fouet dans le ventre de Barbatos à plusieurs reprises, donc il ne mentait probablement pas. Il n’avait pas fini de réparer les dégâts, et même ses imprécations semblaient peu enthousiastes.
J’espère que cet idiot de Shax a réussi à survivre… Zagan avait appelé Kimaris juste au cas où, donc dans le pire des cas, Shax n’avait probablement pas été tué. Et juste au moment où il allait commencer à retourner au château…
« Teeheehee. Keeheehee. Aah, hélas, nous nous rencontrons enfin. »
Une voix douce et sinistre résonnait dans l’air.
Ce n’est pas… Alshiera. Qui est-ce ? Une peur froide s’était emparée de sa colonne vertébrale, et Barbatos avait sauté sur ses pieds. Il y avait là une ombre qui avait la forme d’une personne. Il y avait deux yeux dorés comme des lunes à l’endroit où se trouvait sa tête. L’état des arbres et du sol dans la région ne se prêtait pas à la promenade, alors d’où venait cette ombre ? C’était comme si elle était descendue du ciel.
Avant tout cela, même s’ils s’étaient déchaînés, c’était encore dans la barrière de Zagan. Il était impossible d’y pénétrer sans qu’il s’en rende compte — c’est-à-dire, tant qu’il n’y avait pas une brèche importante dans le pouvoir.
« … Hé, Zagan. Ce n’est pas un coup monté, n’est-ce pas ? » demanda Barbatos.
« Ne sois pas stupide. N’est-ce pas l’une de tes connaissances ? Elle ressemble beaucoup à tes ombres dégoûtantes, » déclara Zagan.
Zagan sentait qu’il serait obligé de se rétracter s’il ne gardait pas sa bouche en mouvement. L’ombre lui donnait une impression de déjà vu. Elle avait l’air complètement différente, mais elle lui rappelait en quelque sorte les pensées résiduelles du Seigneur-Démon que Bifrons avait autrefois convoqué sous forme de boue. On pouvait se demander s’il était capable de parler, mais il venait de parler, et Zagan lui avait donc donné un avertissement.
« Hé, qui es-tu ? Que fais-tu ici ? » demanda Zagan.
Il avait préparé de multiples sorts dans sa main pendant qu’il parlait. À cause de la bagarre idiote avec Barbatos, il n’avait plus beaucoup de sorcellerie à sa disposition. Son avertissement était aussi un moyen de gagner du temps pour se préparer pleinement. Barbatos semblait aussi se préparer à se disperser et était en train de construire son chemin vers le Purgatoire.
Alors qu’ils se préparaient tout en surveillant attentivement l’ombre, ils avaient remarqué qu’elle tenait soudain ce qui ressemblait à deux épées.
Est-ce qu’elle les a tenues dès le début ? Sinon, cela signifiait que Zagan ne pouvait pas voir le moment où elle dégaina ses lames. Il avait corrigé sa connaissance de cette ombre comme une menace au même titre qu’un Archidémon.
Ses yeux dorés roulaient et se concentraient sur lui.
« … Tch. Quel malheur ! »
Il avait été secoué par des sentiments de peur, de dégoût et de malaise en un instant.
Est-ce une sorte d’œil magique ? Ce sera gênant… Il n’avait pas reçu un grand choc parce qu’il avait renforcé son esprit, mais la plupart des gens perdraient conscience en regardant négligemment dans ces yeux. Se tenir à distance contre eux, c’était la meilleure des choses à faire.
« Je l’ai trouvé. Je l’ai enfin trouvée, » dit l’ombre en riant une fois de plus. « Le cœur de mon Maître bien-aimé. »
Zagan avait senti un frisson parcourir tout son corps.
Cette chose vise l’Emblème de l’Archidémon ! De plus, il semble connaître la signification de l’Emblème. C’est alors que Zagan avait terminé ses préparatifs.
Désolé, je ne suis pas si optimiste que je m’attendrais à avoir une conversation avec un monstre. Il avait des flammes noires prêtes à l’emploi dans sa main. C’était les flammes qui brûlaient la vie elle-même. Les cinq fragments s’étaient allumés et s’étaient transformés en lames lorsqu’il avait bougé son bras.
« La grande fleur du phosphore du ciel quintuple. »
C’était cette frappe qui avait une fois effacé le démon qu’Orias avait convoqué. C’était le sort interdit ultime parmi tous ses essais qui se vantaient de la plus grande vitesse et de la plus grande puissance. Les lames jaillirent des doigts de Zagan et se dirigèrent vers l’ombre depuis cinq directions différentes.
« Keeheehee. Eeheehee. Vous aimez valser ? »
L’ombre avait sauté vers l’une des lames et avait déplacé l’épée dans sa main pour l’abattre.
Rapide… ! mais c’est inutile ! Même une seule lame était capable de percer l’armure d’un démon. Il ne savait pas quel genre de lame célèbre il maniait, mais il n’était pas possible pour lui de dévier le phosphore du ciel.
Ou alors, il n’était pas censé pouvoir le faire. Un bruit clair avait retenti dans l’air alors qu’une lame se brisait. Pas l’épée de l’ombre, mais le phosphore du ciel.
« Impossible… »
Mais il y avait encore quatre autres lames. Elles poursuivaient l’ombre même si elle parvenait à leur échapper. Et pourtant, l’ombre balançait les épées dans ses mains comme si elle dansait. Une deuxième, puis une troisième lame du Phosphore du Ciel furent interceptées. Le flux de coups d’épée avait rapidement fait tomber les cinq lames. L’esprit de Zagan pouvait à peine suivre.
Il avait envisagé la possibilité qu’un démon soit capable d’y résister. Il avait également envisagé la possibilité que quelqu’un comme Barbatos puisse leur échapper en se téléportant dans l’espace. Sa sorcellerie n’était pas sans faille. Il n’était pas si vaniteux. Cependant, qui pourrait imaginer qu’il soit frappé de plein fouet ?
La Grande Fleur quintuple avait apporté une mort certaine précisément parce qu’elle était venue de cinq directions à la fois. Et cette ombre avait réussi à repousser les cinq lames en n’utilisant que des coups d’épée défensifs. Non seulement cela, mais elle l’avait aussi fait lorsqu’elle avait été témoin de l’attaque pour la première fois. Cela avait prouvé qu’elle était plus rapide que la sorcellerie de Zagan.
« Hé ! Zagan ! »
Il s’était figé un instant à l’idée de voir son ultime attaque brisée. Cependant, l’ombre avait complètement réduit la distance qui les séparait en ce seul instant. Les épées dans ses mains s’étaient refermées sur la gorge de Zagan.
Je ne peux pas l’esquiver… ! Au moment où il le pensait, le sol s’était évanoui sous ses pieds. Son corps avait été aspiré par une secousse, et les lames lui avaient effleuré le nez de façon terrifiante. L’instant suivant, il se tenait à côté de Barbatos, à une bonne distance de l’ombre.
« Éclate ! Aiguilles d’obsidienne ! »
Sur ordre de Barbatos, d’innombrables aiguilles avaient jailli de l’ombre — le chemin du Purgatoire qu’il avait ouvert — où se tenait Zagan il y a un instant. L’ombre venait de terminer de frapper avec son épée et ne pouvait plus esquiver. Tout son corps avait été embroché par les aiguilles.
« Eeheehee. Ma robe est fichue. Vous détestez valser ? »
L’ombre balançait ses épées alors qu’elle était encore percée partout. Les aiguilles d’obsidienne de Barbatos s’étaient toutes effondrées comme le phosphore du ciel.
« Vous vous moquez de moi. Est-ce que cette chose est immortelle, putain ? »
À ce moment précis, la lune avait jeté un coup d’œil à travers les nuages. Peut-être à cause des dégâts qu’elle avait subis, l’ombre qui enveloppait la mystérieuse figure s’était éclaircie et son identité avait été révélée. Zagan douta de ses yeux en voyant son visage.
« Impossible… Pourquoi êtes-vous… ? »
Il avait deux cimeterres dans les mains. Sa robe était en lambeaux. Et elle ressemblait à une jeune fille d’environ 14 ou 15 ans qui avait le même visage que Lisette. Cependant, son expression ne ressemblait pas du tout à ce qu’elle avait l’habitude de faire. Elle avait un sourire brisé et sa tête était inclinée à un angle peu naturel.
« … Elle a donc été mangée. Comme c’est pitoyable. »
Zagan l’avait compris en un instant. Ce n’était plus la fille pitoyable qui tremblait de peur après avoir combattu Kuroka. Cette fille avait déjà disparu. Celle-là n’était plus qu’une enveloppe vide manipulée comme une marionnette.
Il n’avait même jamais parlé à la fille. C’était une ennemie. Mais il avait quand même sympathisé avec elle. La seule chose que Zagan pouvait faire pour elle maintenant était de lui accorder le repos.
Mais… Elle est forte… La Grande Fleur quintuple de Zagan s’expliquait d’elle-même, mais même l’Aiguille d’obsidienne de Barbatos était une attaque qui pouvait atteindre un Archidémon. Et ici, les deux avaient été complètement inutiles.
Puis il y avait ces deux cimeterres. Ils étaient probablement entourés d’une sorte de pouvoir, mais le simple fait qu’ils avaient frappé le phosphore du ciel signifiait que toutes ses attaques étaient aussi fortes que le phosphore du ciel lui-même.
« Comme c’est admirable de ta part de me sauver, Barbatos. » Zagan avait fait preuve de force en riant.
« … Haaah, ne fais pas l’idiot. Qui voudrait sauver ton cul ? Si tu perds, la pleurnicharde sera la prochaine. Elle peut être un peu bête et tout. Elle va se battre même si elle ne peut pas gagner. C’est sûr. »
Cette fille était une fière Archange. Elle se battait tant qu’il y avait quelqu’un à protéger. C’est pourquoi Barbatos ne pouvait pas se permettre de battre en retraite. Zagan avait finalement compris pourquoi cet homme s’était tant résolu à ce combat.
« Je vois, ce n’est pas une populace que je peux regarder de haut avec arrogance et le piétiner. C’est un ennemi auquel je dois consacrer toute mon âme, » déclara Zagan.
Il ne pouvait pas s’occuper de petites choses comme le fait qu’il était honteux de s’appuyer sur les arts ou qu’il voulait se battre qu’avec la sorcellerie. C’était un ennemi contre lequel il devait se battre avec toutes ses forces pour l’affronter en désespoir de cause.
Zagan avait défait le fermoir de son manteau et l’avait jeté au sol. Ce manteau pourrait être considéré comme une forteresse de sorcier, incrusté d’une multitude de sortilèges pour sa protection. C’était un geste insensé que de le jeter devant un ennemi. Mais Zagan avait osé le faire.
C’est utile lorsqu’on utilise la sorcellerie, mais c’est juste un obstacle lorsqu’il s’agit d’utiliser les arts… Il ne pouvait pas se permettre d’être vaincu ici. S’il faisait un pas en arrière ici, Néphy, Foll et tous ses subordonnés seraient en danger. C’est pourquoi il n’avait pas d’autre choix que de faire un pas en avant et de saisir la victoire.
« Et alors ? As-tu un plan ou autre chose ? » demanda Barbatos.
« Comme si je pouvais avoir tout ce qui me convient. Tout ce que je peux faire, c’est déplacer mes poings jusqu’à ce qu’ils frappent, comme toujours. » Cependant, il n’avait pas tissé sa sorcellerie autour de ses poings. C’était ses pieds qui étaient entièrement renforcés par du mana. « Et toi ? Peux-tu me suivre ? »
« Haah, je peux à peu près lire dans tes pensées. Ne t’inquiète pas dans ta petite tête pour des conneries aussi triviales, » déclara Barbatos.
Zagan avait pu sourire naturellement à son ami indésirable, ennuyeux et pourtant fiable.
« Alors, allons-y. C’est un ennemi où nous devons mettre en jeu notre vie pour le repousser, » déclara Zagan.
***
Partie 6
« Aristella » avait chargé. Son but était Zagan, ou plus précisément l’Emblème sur sa main droite. Sa vitesse dépassait de loin la sorcellerie de Zagan, de sorte que les défenses qu’il pouvait essayer de mettre en place n’avaient pas pu être déployées à temps. Et pourtant, il avait fait un pas en avant.
Son pied, qui était déjà entièrement recouvert de mana, avait déchiré le socle rocheux d’un seul pas. Son corps s’était accéléré jusqu’aux limites de sa propre perception. Même avec les yeux d’un sorcier, et dans une situation où il ne clignait même pas des yeux, Barbatos était incapable de saisir le mouvement de Zagan. Sa charge avait laissé le son derrière lui et était même en avance sur sa propre ombre.
« La Roue du Ciel, l’Ombre Sévère. »
La lumière avait éclaté de la même couleur que l’écaille du ciel. Cependant, ce sort n’était pas un sort qui dévorait à l’infini tout le mana qui l’entourait. Sa structure fondamentale en dévorant le mana était la même, mais il concentrait toute l’intensité dans sa propulsion.
Grâce à cela, Zagan avait pu suivre pour la première fois les mouvements d’« Aristella ». Cependant, le simple fait de suivre ne signifiait pas que son poing pouvait la toucher. C’était parce que ses coups d’épée pouvaient même complètement submerger la Grande Fleur quintuple. Le poing de Zagan se briserait inévitablement à leur contact.
Les arts sont censés renverser de telles inévitabilités ! Un enfant peut dominer un adulte. Une armure de fer pourrait être écrasée. Les coups volaient plus vite que les épées. Pourquoi un poing pouvait-il le faire ? Qu’est-ce qui différenciait les arts du simple fait de donner des coups de poing dans un combat ?
Zagan avait fait un nouveau pas en avant. Son accélération extrême avait propulsé son corps encore plus loin. L’épée d’« Aristella » avait traversé l’air, et Zagan s’était assuré de la portée optimale pour qu’il puisse la frapper avec son poing.
Qu’est-ce qui différencie les arts d’un simple coup de poing ? C’est la façon dont on intervenait. Tout comme la Nuit Brumeuse de Kuroka, ou la façon dont Decarabia combattait, les bases des mouvements défensifs se trouvaient dans la façon dont on plantait ses jambes sur le sol. La technique permettant de transformer cela en une frappe à la vitesse la plus optimale et de faire ressortir la puissance la plus optimale s’appelait l’art. Au moment où « Aristella » avait raidi son corps, il était déjà trop tard.
Zagan avait frappé le sol. Cette fois, son accélération explosive ne visait pas à faire avancer son corps, mais à le faire monter. Son poing durci s’était élancé vers le ciel comme si tout son corps n’était qu’une seule flèche.
« Ga — !? »
« Aristella » avait pris le poing avec son cimeterre, mais son petit corps avait été projeté en l’air. Elle était maintenant hors de portée. Même en utilisant pleinement l’Ombre Sévère, il n’avait pas réussi à se rapprocher assez vite l’un de l’autre. Mais même ainsi, Zagan n’avait pas fait attention à cela et avait fait un pas en avant.
Son pied s’était enfoncé dans le sol, ou plus précisément, dans l’ombre. Immédiatement après, Zagan était derrière « Aristella ». Son poing était déjà à mi-course quand elle s’était retournée. Les cimeterres qu’elle avait utilisés pour essayer de le bloquer avaient été arrachés de ses mains.
« Aiguilles d’obsidienne ! »
Les mouvements de Zagan et d’« Aristella » dépassaient déjà la perception de Barbatos. Mais, il avait lancé les Aiguilles d’obsidienne avec un timing parfait. Ces deux-là se disputaient depuis plus de dix ans. Ils s’échangeaient encore des coups même après que Zagan soit devenu un Archidémon. C’est pourquoi ils connaissaient les habitudes, les astuces et les pensées de l’autre. Le corps délicat d’« Aristella » avait été percé par les aiguilles.
« Hak ! »
Elle avait craché du sang noir. Ce n’était pas le sang d’un être vivant. Mais même ainsi, ce n’était pas suffisant pour la vaincre. On pouvait même commencer par se demander si elle avait subi des dommages
Cependant, cela me suffit. Des flammes noires s’étaient à nouveau enroulées autour des doigts de Zagan. Il aurait pu les lancer en l’air comme ça, mais il n’avait pas besoin de tisser son sort autour de ses doigts si c’était son but. C’est parce que le but initial de ce sort était de claquer son poing directement sur sa cible avec les flammes encore chargées dans sa main.
« Aristella » avait perdu ses cimeterres. Ses mouvements étaient momentanément interrompus par les aiguilles d’obsidienne qui lui perçaient le corps. Et ce fut assez de temps pour que Zagan tisse le Phosphore du Ciel. Et, juste au moment où il s’apprêtait à achever cette poupée pitoyable…
« Arrêtez ! S’il vous plaît ! Ne tuez pas Aristella ! »
Il hésita en entendant un cri sanglant.
« Keeheehee, quel vilain enfant ! »
Son hésitation avait donné à « Aristella » l’occasion de s’échapper. Les aiguilles d’obsidienne semblaient être rongées par des insectes et réduites en miettes. Le poing de Zagan chargé de la Grande Fleur quintuple ne pouvait plus l’atteindre. Au lieu de cela, il avait encaissé un terrifiant coup de pied rotatif.
« Gah ! »
« Qu’est-ce que tu fous, Zagan !? » s’écria Barbatos.
Son corps s’effondra et il fut avalé par le purgatoire de Barbatos avant d’apparaître à nouveau à ses côtés, ayant ignoré toutes les lois de l’élan. À ce moment-là, « Aristella » avait déjà retrouvé ses cimeterres.
Quelle était cette voix tout à l’heure… ? Il avait cherché le propriétaire de la voix et avait vu une fille portant un plastron qui s’approchait d’eux en titubant. C’était Dexia, l’autre jumelle.
« S’il vous plaît… ne tuez pas… Aristella… C’est… ma faute… elle a fini comme ça… Alors, s’il vous plaît… » Dexia s’était effondrée. Mais même ainsi, elle avait continué à parler en délire. « Je le sais… Je suis égoïste… Mais s’il vous plaît… sauvez… »
Cette fille avait supplié Zagan avec des larmes, de la morve et de la boue sur tout le visage.
« Ne vous faites pas d’idées stupides. C’est impossible. C’est trop tard. C’est nous qui allons nous faire avoir si vous essayez quelque chose d’aussi naïf, » déclara Barbatos.
Barbatos avait raison. C’est pourquoi Zagan avait fait un signe de tête.
« Bien sûr. Finissons-en, » déclara Zagan.
Zagan avait serré le poing et avait ignoré Dexia. Il semblerait qu’elle ait utilisé ses dernières forces pour le supplier. Elle ne pouvait plus rien faire d’autre que de se lamenter sur le sol.
La même astuce ne fonctionnera plus. Il devait utiliser tout ce qui était à sa disposition pour atteindre sa cible.
« Ombre Sévère. »
Zagan s’était à nouveau lancé dans la course. « Aristella » avait déplacé son cimeterre. Cependant, il avait déjà vu à travers ses talents de sabreur. Zagan fit un pas de plus et glissa entre les lames. Mais « Aristella » savait sûrement aussi qu’il le ferait. L’autre cimeterre se rapprochait de lui à l’endroit exact où il s’était avancé.
Avancer n’est pas tout ce qu’il y a à faire pour donner le coup d’envoi ! Sa prochaine étape avait été de viser en l’air. Sa foulée explosive avait dépassé la vitesse du son, et maintenant elle était chargée dans un coup de pied. Son pied était entré en collision avec le cimeterre. Un bruit sec avait retenti dans l’air et la moitié de la lame s’était cassée. Cependant, il restait encore un cimeterre.
Le coup de pied de Zagan avait utilisé de grands mouvements et l’avait laissé avec une faille. Ainsi, il s’enfonça une fois de plus dans le Purgatoire. Même si « Aristella » avait une lecture des mouvements de Zagan, elle ne pouvait pas lire la sorcellerie de Barbatos. Cette fois, Zagan réapparut juste au-dessus d’elle. La porte du Purgatoire s’ouvrit en plein air grâce à l’ombre de la lame brisée qui dansait dans l’air.
Zagan avait déjà la Grande Fleur quintuple chargée dans son poing. Cependant, Aristella ne regardait plus Zagan. Ce n’est pas qu’elle ne pouvait pas suivre ses mouvements. Ses yeux étaient fixés sur une Dexia au sol.
« Tch ! Ciel occidental ! » déclara Zagan.
Il avait transformé la Grande Fleur quintuple déjà achevée en son bouclier invincible.
« Qu’est-ce que… ? Abruti ! » s’écria Barbatos.
Il lui avait naturellement fallu un moment pour le faire. Et grâce à cette ouverture, les yeux dorés d’« Aristella » avaient regardé Zagan, et le cimeterre qu’elle tenait à la main s’était avancé vers lui.
Il me manque une main ! Cela se terminerait par leur mort à tous les deux. Tout comme il s’était résolu à le faire…
« Tu m’en dois une, d’accord ? Archidémon Zagan. »
Immédiatement après, une masse de mana invisible s’était abattue sur « Aristella ». Tout sorcier normal aurait été écrasé par cela, mais ici, le torrent de mana terrifiant avait suffi à stopper ses mouvements. Zagan n’avait pas fait ça. Barbatos non plus. C’était venu de très haut.
Bifrons… ? Il regardait sûrement ce combat. L’Archidémon qui ne pouvait pas être distingué comme étant un garçon ou une fille était là, les regardant de haut. Cependant, c’était une chance unique dans une vie.
« Saisissez-la ! Ciel occidental ! Ciel oriental ! »
Les mains faites de l’Écaille du Ciel s’enroulèrent autour de « Aristella ».
« AAAAAARGH ! »
L’Écaille du Ciel avait dévoré à la fois le mana et la vie pour se renforcer. Ainsi, l’ombre qui enveloppait son corps avait été dévorée jusqu’à l’extinction. Et, capturée de cette façon, « Aristella » n’était plus qu’une petite fille. Elle ne put se débattre que quelques secondes, et après avoir poussé un cri, la petite fille pitoyable cessa de bouger.
Ainsi, le combat avec le mystérieux agresseur avait pris fin.
◇◇◇
« Aristella… »
Dexia s’était accrochée à sa jumelle qui était coincée par l’Écaille du Ciel de l’Ouest et de l’Est. Mais qui était-elle exactement maintenant ? Se réveillerait-elle vraiment en tant qu’Aristella même si cette ombre avait disparu ?
Zagan avait regardé le ciel. Il ne pouvait plus repérer Bifrons. Cela faisait-il aussi partie des plans de cet Archidémon ? Ou son objectif était-il autre chose ? Il n’avait pas l’impression d’avoir gagné le moindrement. Il ne restait qu’un sentiment dégoûtant qui lui disait que ce n’était pas encore fini.
« Et alors ? Que comptes-tu faire avec ce truc ? » demanda Barbatos.
Zagan l’avait vaincu, mais il ne savait toujours pas ce que c’était. Le problème n’était même pas de savoir s’il fallait la sauver ou non. Mais quand même…
« Elle ne me regardait pas quand j’étais sur le point de la frapper avec la Grande Fleur quintuple, » déclara Zagan.
Pourquoi a-t-elle regardé Dexia au lieu de sa mort imminente ?
Y a-t-il encore une partie de la jumelle à l’intérieur de ce monstre ? Et si un tel fragment était resté…
« Si la possibilité de la sauver existe, j’aimerais lui donner une chance, » déclara Zagan.
Zagan avait donné d’innombrables coups de pied à d’autres individus insignifiants. Bien sûr, il en avait aussi tué beaucoup. Même s’il avait l’impression d’avoir changé depuis sa rencontre avec Néphy, il avait essayé de tuer le morveux Archange en chef juste parce qu’il lui tombait un peu les nerfs. C’était le comble de l’hypocrisie pour lui d’agir comme un saint après tout cela.
Mais malgré cela, j’ai rencontré Néphy. Sa vie crasseuse avait été bénie par une rencontre fortuite avec Néphy. C’est pourquoi, même si c’était un méchant, il voulait lui donner au moins une chance.
« Tu vas certainement te faire tuer un jour, » déclara Barbatos en soupirant.
« … Peut-être. »
Il ne savait toujours pas si au départ, elle pouvait être sauvée ou non.
« Appelle Gremory et Shax. Je ne peux pas bouger d’ici, donc je ne peux pas la soigner. Mais ces deux-là —, » déclara Zagan.
Et, juste au moment où il était en train de dire ça…
« Aristella ! » Dexia avait crié de joie. Il semblait qu’Aristella reprenait connaissance. Cependant, ses yeux étaient dorés, et elle avait un sourire brisé sur le visage.
« Keeheeheehehee ! »
« Aristella » ria d’une voix stridente et se leva, ignorant complètement l’Écaille du Ciel de l’Ouest et de l’Est qui la poussait. On entendait le bruit de quelque chose qui se déchirait. Zagan pouvait immédiatement dire ce que c’était. Il manquait à « Aristella » ses deux bras.
Elle s’est arraché ses propres bras… ! Au moment où il s’en était rendu compte, « Aristella » sautait déjà en l’air. L’Écaille du Ciel avait déjà été utilisée pour la retenir. L’Ombre Sévère avait déjà été dissipée. Barbatos était en train d’aller chercher Gremory et Shax et n’avait pas pu agir tout de suite. Il n’y avait plus personne qui pouvait l’arrêter.
« C’est pitoyable. »
Une voix était venue directement derrière Zagan. Le corps d’« Aristella » avait été déchiré au niveau du torse par une éclaboussure humide. Le bas de son corps avait été avalé par une sphère noire, tandis que le haut de son corps avait perdu tout son élan et était tombé au sol.
« Hein… ? »
Dexia était assise là, abasourdie, complètement incapable de comprendre ce qui s’était passé. Zagan baissa le regard et aperçut un canon de fer qui dépassait sous son bras, près de sa taille. Il s’agissait d’un Chasseur de Séraphin, une arme qui possédait un pouvoir destructeur comparable à celui du phosphore du ciel.
« Alshiera… »
Il ne savait pas quand elle était arrivée, mais elle était là, en train d’étreindre sa peluche.
« C’est mon ennemi. J’achèverai mon propre ennemi. C’est tout ce qu’il y a à faire., » déclara Zagan.
Sa voix était infiniment arrogante, mais aussi infiniment déchirante.
Je n’ai donc pas pu lui donner une chance… Ce n’était pas la faute d’Alshiera. C’était le résultat de l’imprudence de Zagan.
« Pas question… » La voix fragile de Dexia résonnait dans l’air. « Tu plaisantes… Aristella… Aristella ! »
Dexia s’était accroché à la fille dont le corps, de la poitrine jusqu’en bas, était maintenant manquant. Zagan avait l’impression qu’il ne pouvait plus supporter de les regarder. Et juste à ce moment, une masse de cristaux ressemblant à des débris recouvrit les restes de la fille.
« Aide-moi si tu as le temps de pleurer. »
Zagan doutait de ses yeux. C’était Bifrons. Les cristaux qui recouvraient son corps semblaient la guérir. Ils se substituaient à ses organes manquants, sauf le cœur.
« N’êtes-vous pas jumelles ? » Bifrons avait réprimandé la stupéfaite Dexia. « Relie ton cœur à son corps et connectez vos âmes. Son ego disparaît ! »
« D’accord ! »
Dexia avait relié son cœur à celui d’Aristella en utilisant son mana. Ce n’était pas suffisant pour la ressusciter, mais il était possible d’utiliser temporairement son corps pour soutenir celui d’Aristella de cette manière. Cependant, Zagan avait tissé de la sorcellerie dans sa main alors qu’il regardait cet acte éhonté.
Je ne sais pas ce que tu prévois, mais tu es certainement celui qui a transformé Aristella en ce monstre. C’était à tous les coups Bifrons qui avait envoyé ces deux-là en ville, vu qu’ils travaillaient ensemble avec Shere Khan. Mais à en juger par leur état en ville, les jumelles ne savaient même pas ce qu’elles étaient censées faire. Alors quel était le but de les envoyer là-bas ? Tout avait un sens si c’était pour les sacrifier à cette ombre.
Je ne manquerai pas à cette portée. S’il le frappait avec la Grande Fleur en ce moment même, même Bifrons allait mourir. C’était l’occasion de tuer un ennemi qui ferait certainement du mal à ses subordonnés. Laisser passer cette chance n’était pas un choix pour celui qui voulait être roi. C’était le moment de frapper sans merci… mais Zagan avait défait sa sorcellerie.
Ce n’est pas quelque chose qu’un homme devrait faire. Zagan voulait être un homme dont Néphy pourrait être fière. Il ne croyait pas qu’un homme qui attaquerait un ennemi sans défense par derrière lui conviendrait. Et le voyant se retirer, Alshiera pointa son chasseur de séraphins vers Bifrons.
« … Laisse-les partir. »
Zagan avait poussé l’arme et l’avait arrêtée.
« Vous le regretterez certainement. »
C’était le même avertissement que son ami indésirable venait de lui donner.
« Probablement. Tu as probablement raison. Mais je voulais lui donner une chance. »
C’est la raison pour laquelle Zagan n’avait pas tué Aristella pour commencer. Ces deux-là étaient en train de donner une autre chance à la jeune fille disparue. Il ne pouvait pas les refuser. Après avoir terminé leur procédure, Bifrons s’était levé.
« Heh, j’étais complètement à cran en pensant que vous me tueriez sans pitié par-derrière. »
« … Hmph. Alors, on est quitte. »
Zagan serait mort si Bifrons n’avait pas arrêté les mouvements d’« Aristella » à ce moment-là. Le petit Archidémon avait ri comme si c’était le plan dès le début.
« Hehehe, vous ne pouvez vraiment vraiment pas lutter contre votre sang, » déclara Bifrons.
« Que veux-tu dire ? » demanda Zagan.
Le corps de Bifrons s’était effondré en débris sans répondre. Dexia et Aristella s’étaient également effondrées. Malgré le fait que sa barrière ait été considérablement endommagée par les combats, il avait pensé que Barbatos était le seul sorcier qui pouvait utiliser avec autant d’audace la téléportation dans son domaine. Et alors qu’il regardait fixement cette scène irritante se dérouler, Bifrons et les jumelles disparurent complètement.
« Vous n’avez pas le calibre d’un roi, mais celui d’un héros. C’est pourquoi vous avez le droit de prendre part à la bataille à venir. »
Cette voix, qui semblait pleine d’espoir, et pourtant sonnait comme une malédiction, avait chevauché le vent et s’était évanouie dans les airs.
***
Épilogue
« Je ne comprends toujours pas ce qui est si génial dans les bains. »
Zagan était seul dans le grand bain. Après avoir repoussé « Aristella », il avait réussi à nettoyer la zone. Lorsqu’il revint au château, la fête était terminée. Il savait qu’il rentrerait tard juste après son combat avec Barbatos, il avait donc dit à ses subordonnés de ne pas l’attendre.
En tout cas, les principaux sujets de préoccupation entre Néphy et Orias, et Raphaël et Shax s’étaient apparemment bien passés. Les choses s’étaient bien passées, mais en étant imprégné du mauvais arrière-goût des événements récents, cela lui semblait quelque peu insuffisant. Il semblait pouvoir s’attendre à ce que le bain guérisse au moins son épuisement.
Zagan n’avait rien perdu cette fois-ci. Il avait réussi à protéger ses subordonnés et son plan pour rendre hommage aux parents du château avait réussi. De plus, il avait réussi à obtenir des informations sur l’identité de l’ennemi dont il devait se méfier le plus. Cependant…
Je n’ai pas pu la sauver… Il n’avait pas vraiment l’obligation de le faire. Mais même si ce n’était qu’un caprice, Zagan voulait la sauver. Il le voulait, et il ne l’avait pas fait. De plus, quelqu’un d’autre avait fini par couvrir ses erreurs. Cela avait laissé un arrière-goût terriblement mauvais.
« … Haah. »
Il n’avait pas pu s’empêcher de soupirer. Il ne voulait pas que ses subordonnés le voient dans un état aussi pitoyable, alors il avait dû mettre le panneau « Entrée interdite » à l’entrée des bains des hommes. Il ne savait pas qui l’avait fait, mais c’était un ajout très judicieux. Et alors qu’il était à l’agonie pour remettre de l’ordre dans ses sentiments…
« Excuse-moi, Maître Zagan. »
La porte du bain s’était ouverte d’un clic.
Hm ? Le panneau « Entrée interdite » a-t-il échoué ? Cela dit, c’était la voix de Néphy, dans ce cas, c’était bien. Il n’y avait personne d’autre là-dedans, après tout.
« Hum, je pensais te laver le dos. Puis-je entrer ? » demanda Néphy.
« Ouais, je ne me —, » commença Zagan.
Et c’est là qu’il avait finalement pris conscience de sa situation.
Hein ? C’est le bain et je suis un homme et c’est le bain des hommes et Néphy est une femme ? Est-ce que ça va ? En fait, les bains sont faits pour être utilisés quand on est nu, donc ce n’est pas bizarre que je sois nu, non ? Attends, hein ?
Il était incapable de traiter le chaos dans son esprit tout en utilisant pleinement son intelligence d’Archidémon.
C-C-C-C-Calme-toi ! Ce n’est pas parce que je suis nu que Néphy l’est aussi ! Il était évident qu’elle ne porterait que son uniforme de bonne habituel avec ses manches retroussées ou quelque chose comme ça. Elle avait juste dit qu’elle voulait lui laver le dos, donc elle n’avait pas besoin d’être nue pour cela.
Zagan pouvait normalement arrêter la libération de la dopamine dans son cerveau en utilisant la sorcellerie, mais il avait mis en place une barrière qui empêchait l’utilisation de la sorcellerie. Il n’avait pas fait exception à la règle.
Oh oui, Marc m’a un jour appris des techniques de respiration pour supprimer la douleur. C’était un art afin d’adoucir la douleur, afin de concentrer sa conscience et afin de revenir temporairement à un état normal. Zagan était allé jusqu’à utiliser les arts qu’il était normalement si réticent à utiliser juste pour retrouver son calme. Et, finalement, il s’était tourné vers Néphy.
« Ummm, si tu as déjà fini de te laver, pourquoi ne pas prendre un verre ensemble ? » demande-t-elle avec un petit plateau à la main et rien d’autre qu’une serviette enroulée autour de son corps.
« WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !? »
WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !? C’est peut-être la toute première fois que la voix intérieure de Zagan correspondait exactement à ce qu’il disait. Elle avait exposé une plus grande partie de son corps lorsqu’elle portait ce maillot de bain à la plage, mais un choc bien plus grand avait assailli le cœur de Zagan face à cette vue. Il s’était assis involontairement pour la regarder, ce qui avait fait rougir Néphy des oreilles aux épaules et jusqu’aux cuisses alors qu’elle se couvrait le visage.
« Ah, euh, euh, s’il te plaît, ne me fixe pas, » balbutia Néphy.
« Oh, mm ! D-D-D-D-D-D-Désolé ! »
Zagan avait réussi à détourner son regard. Son cœur semblait sur le point de se briser, et il n’avait pas pu garder son calme. Même ses techniques de respiration étaient impuissantes à cet instant.
Hein ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que je suis en train de mourir ? Zagan était tellement secoué qu’il se sentait plus proche de la mort que jamais. Cependant, ce n’était pas dû à la peur, mais à une pure exaltation. Il était complètement incapable de dire quoi que ce soit dans sa panique. Alors qu’il continuait à s’effondrer, Néphy se plaça directement derrière lui.
« M-Maître Zagan, puis-je m’asseoir à côté de toi ? » demanda Néphy.
« Hein !? Euh, u-um, o-oui ! Je l’autorise ! »
« Je te remercie. »
Néphy avait trempé ses délicats orteils dans le bain, puis son tendre mollet, ses genoux délicats et ses cuisses minces. Sa peau était recouverte d’une serviette, mais Zagan pouvait voir les courbes distinctes de son beau corps, de ses fesses galbées à sa taille fine. Elle avait sans doute enroulé sa serviette autour d’elle pour qu’elle ne tombe pas, mais elle l’avait serrée contre ses seins, ce qui lui donnait l’impression qu’ils allaient sortir.
Ses cheveux blancs et purs s’étalèrent dans le bain. Elle avait apparemment l’intention de les attacher, mais elle avait oublié. Elle avait ramassé ses cheveux en un tourbillon, ce qui avait soudainement placé son visage juste à côté de celui de Zagan. Elle était rouge vif jusqu’au bout du nez, et son charme était sans limites.
Zagan n’avait pas pu comprendre ce qui avait provoqué ce miracle. En tout cas, celle qui était maintenant dans le bain juste à côté de lui n’était autre que Néphy. Elle avait levé les yeux et leurs regards s’étaient croisés.
« Ah… »
Tous deux avaient détourné le regard lorsque de l’eau avait été éclaboussée dans l’air.
« U-Uhh, l’eau est bonne, n’est-ce pas ? » s’exclama Zagan.
« O-Oui ! C’est un bain merveilleux ! »
Zagan n’avait pas vraiment la moindre idée de ce qui faisait qu’un bain est bon, mais il sentait qu’il était de son devoir de parler de quelque chose. Néphy était également si nerveuse que sa voix s’était cassée. Elle avait regardé Zagan à plusieurs reprises, puis était redescendue dans le bain avant de se souvenir de la raison pour laquelle elle était venue ici. Elle avait pris le plateau qu’elle avait apporté ici et l’avait fait flotter dans le bain.
« Hmm… ? »
Une petite tasse et des bouteilles de liqueur en céramique de style Liucaon reposaient sur le dessus. Elles étaient toutes deux deux fois plus petites que ce qui était typique sur le continent. Néphy prit une tasse et sourit timidement.
« Il s’agit d’une célèbre liqueur de Liucaon. En veux-tu ? » demanda Néphy.
« Euh… Très bien, je vais participer. »
Zagan accepta la coupe de sa part, et Néphy y versa une liqueur transparente. Elle avait une légère odeur de levure. Il y avait une différence entre la douceur de la liqueur et la douceur des desserts, mais celle-ci avait ici une odeur sucrée qui le faisait saliver. Zagan avait apprécié l’arôme pendant un moment avant de remarquer que Néphy tenait toujours la bouteille. Il avait réfléchi un peu, puis avait regardé le plateau, où il avait repéré une autre tasse.
« Veux-tu bien te joindre à moi pour un verre ? » demanda Zagan.
« … ! Euh, alors, puisque tu l’as proposé…, » déclara Néphy.
Néphy avait accepté la coupe de sa part avec un sourire réservé. Zagan avait reçu la bouteille en échange et l’avait aussi versée pour elle.
« Quel merveilleux arôme, » avait-elle commenté.
« Mm. Cela semble être très différent de ce que nous avons sur le continent. Ce n’est pas mal du tout, » déclara Zagan.
En fait, il l’avait beaucoup aimé. Zagan lui tendit sa tasse avant de prendre un verre, et Néphy lui tendit timidement la sienne à son tour. Un petit tintement résonnait dans la baignoire alors qu’ils partageaient un toast privé.
« Merci pour ton dur labeur aujourd’hui, Maître Zagan, » déclara Néphy.
« Toi aussi, Néphy. »
Il avait bu le contenu de la petite tasse en une seule gorgée. Une sensation de chaleur qui contrastait complètement son doux arôme coula dans sa gorge vers sa poitrine. Mais ce n’était en aucun cas désagréable. Au contraire, cela le faisait soupirer d’admiration.
Fumer le tabac de sa pipe à kiseru n’était pas mal, mais cette liqueur était exceptionnellement délicieuse. Elle était si bonne qu’elle éliminait en une seule gorgée tout le mauvais arrière-goût des événements de la journée.
Zagan s’était appuyé contre le bord du bain et avait regardé le ciel nocturne, où un croissant de lune nostalgique était suspendu au-dessus de lui. Le léger picotement de ses membres était agréable lorsqu’il s’étendait dans le bain. Une brise fraîche s’engouffra dans l’espace entre les rochers, que Kuroka avait demandé, et se frotta à ses joues rouges.
« Je comprends maintenant. Donc, c’est ça l’élégance. Pas mal, » murmura Zagan.
Il avait finalement eu l’impression de comprendre l’insistance de Lilith sur l’importance des bains.
« Oui. C’est très agréable, » répondit Néphy avec un sourire soulagé.
Et alors que Zagan fixait le ciel nocturne dans un état d’étourdissement, Néphy l’appela avec hésitation.
« Maître Zagan. »
« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Zagan.
« En fait, j’ai entendu parler de l’identité de ton père, » déclara Néphy.
Zagan avait failli faire tomber sa tasse à cause de ce changement de sujet tout à fait inattendu.
« Comment as-tu… Ooh, Alshiera, hein ? » demanda Zagan.
« Oui. Je suis surprise que tu le saches, » déclara Néphy.
« Il semble que personne d’autre ne le sache, c’est tout, » avait-il répondu d’un ton ennuyé, laissant Néphy avec un sourire amer.
« Devrions-nous en parler plus tard ? » demanda Néphy.
« Non, ça va. Dis-moi, » dit-il, puis il secoua la tête. « Attends. Et ça, alors ? Comparons les réponses. »
« Comparer les réponses, dis-tu ? » demanda Néphy.
« Oui. J’ai moi-même eu une idée de qui il était après avoir entendu parler de Marc. Nous allons confirmer si ma supposition est juste à trois, » déclara Zagan.
Zagan était d’humeur enjouée et Néphy souriait avec curiosité.
« Compris. Alors… »
« Mm. »
« Un, deux… Le Roi aux yeux d’argent. »
Ils étaient parfaitement synchronisés. C’était le nom qu’Alshiera avait si obstinément apposé sur Zagan. Tout avait un sens si c’était le surnom de son père. C’est pourquoi elle était quelque peu coopérative avec lui.
« Alors, tu l’avais compris ? » demanda Néphy avec un signe de tête compréhensif.
« Je n’en étais pas sûr, mais vu sa relation avec Marc et la façon dont Alshiera s’est référée à moi, je ne pouvais pas penser à d’autres candidats, » déclara Zagan.
Cette fille n’avait jamais répondu à l’une de ses questions, mais cela avait aussi réduit les choix à sa façon. Il lui avait fallu trois mois pour arriver à cette réponse, mais il y était finalement parvenu.
Peu importe le genre d’homme qu’il était, cela ne change pas, qui je suis. Mais même ainsi, il était quelque peu curieux de savoir quel genre d’homme il était et comment il avait vécu.
« J’ai aussi découvert quelque chose il y a peu de temps, » déclara Zagan en versant une deuxième tournée de boissons.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Néphy.
C’est une existence terrifiante qui avait détourné le corps d’Aristella et avait complètement brisé le phosphore du Ciel, en lequel il avait une confiance absolue. Zagan était arrivé à une réponse sur ce que c’était exactement.
« Azazel... L’ennemi de toujours d’Alshiera et de Marc s’est montré, » annonça Zagan.
« C’est mon ennemi. »
Ces mots lui avaient fourni la réponse précisément parce que c’était Alshiera qui les avait prononcés alors qu’elle s’était obstinée à ne pas parler de l’identité d’Azazel.
L’ombre était Azazel.
Il pouvait comprendre pourquoi Alshiera lui avait dit de ne pas le poursuivre. Il aurait sûrement perdu s’il avait été seul. S’il avait réussi à survivre, c’est parce que ses ennemis Barbatos et Bifrons lui avaient prêté leur force… et parce qu’Alshiera avait nettoyé après lui.
De plus, il avait l’impression qu’Azazel ne faisait que manipuler le corps d’Aristella. Ce n’était pas Azazel lui-même. Si ce n’était qu’un fragment de son pouvoir, il n’y avait aucune chance que Zagan puisse le vaincre. Ce n’était vraiment pas le moment de prêter attention à Shere Khan. Cela expliquait aussi l’entraînement extrême d’Alshiera. Cela avait dû développer sa propre force. Mais même ainsi…
« Eh bien, je suppose que je vais juste profiter de l’élégance de ce bain pour l’instant. »
Le but de Zagan n’était ni de sauver le monde ni d’hériter de la volonté du roi aux yeux d’argent. Il voulait juste créer un monde où Néphy et Foll pourraient vivre heureuses. C’est pourquoi il voulait accepter cette paix momentanée.
« Oui. Je vais te tenir compagnie, » répondit Néphy avec un sourire doux.
Zagan lui rendit alors timidement son regard. Il ne pouvait toujours pas la regarder directement dans les yeux, mais il ne voulait pas que cette période avec elle se termine. Il avait alors ramassé la bouteille sur le plateau et l’avait secouée.
« Ummm, il reste encore de l’alcool. En veux-tu encore un peu ? » demanda Zagan.
Néphy regarda timidement le bain.
« Ce n’est pas mon problème si tu as des vertiges, d’accord ? » répondit Néphy.
Zagan avait supposé que tous deux allaient déjà avoir des vertiges, mais Néphy ne l’avait pas refusé. Il avait donc cédé son corps à une agréable somnolence qui lui avait fait croire que la tension qu’il avait ressentie il y a quelques instants n’était qu’un mensonge.
◇◇◇
« Haaah... Aujourd’hui n’est pas vraiment mon jour de chance. Je n’ai même pas fait quelque chose de mal ? En fait, j’ai même sauvé quelqu’un. »
Celui qui soupirait d’une manière vraiment lasse n’était autre que Bifrons. Après avoir récupéré Dexia et Aristella, presque morte, Bifrons se retira du château de Zagan et se rendit directement à leur cachette où Shere Khan les attendait.
« … Pas question… Maître… Shere Khan… ? » marmonnait Dexia en désespoir de cause.
Shere Khan était effondré sur le sol, et Andrealphus se tenait au-dessus de lui. Comme il l’avait déclaré, il était venu ici pour achever Shere Khan alors que Bifrons était absent depuis quelques jours.
« U-Urgh… » Shere Khan gémissait en se tortillant sur le sol comme un ver. Il était toujours vivant.
Eh bien, c’est toujours gênant pour moi s’il meurt. C’était un bon coup de chance.
« Bifrons ? On dirait que c’est vrai que vous travaillez avec Shere Khan. »
Andrealphus s’était retourné. Il avait en main ce qui ressemblait à une épée de l’Église. Elle était différente d’une épée sacrée, mais elle comportait encore des gravures célestes. Elle était sûrement capable de couper à travers la sorcellerie, qui était un pouvoir terrifiant dans les mains de cet Archidémon.
« Hehehe, vous êtes vraiment cruel, Archidémon en chef Andrealphus. Shere Khan ne peut même plus se battre, alors ça vous dérange de ne pas le tuer ? » Bifrons déclara ça comme un enfant plein de remords.
Cela dit, Shere Khan n’avait pas l’air d’avoir été terrassé sans se battre. La cachette était dans un sale état, et l’Armure sacrée d’Andrealphus était en lambeaux avec des traces de sang qui sortaient de ses fissures.
« Désolé, je ne peux pas, » dit Andrealphus en soupirant. « C’est mon travail d’en finir avec ce type. Je n’ai rien à faire avec vous, alors ça ne me dérange pas de vous laisser partir. »
« Vous ne l’épargnerez pas même si je vous en supplie ? » demanda-t-il.
« Peut-il. Je vais y réfléchir si vous avez quelque chose à me proposer, mais je ne peux toujours pas me permettre de laisser ce type vivre. »
Bifrons avait baissé les épaules de façon déprimante.
« Haah... Vous êtes vraiment un Archidémon ennuyeux. Neutralité ceci, devoir cela… Y a-t-il un intérêt à ce qu’un Archidémon s’embête avec ça ? »
« Le monde va s’effondrer s’il n’y a pas au moins un Archidémon qui s’inquiète de cette merde, vous savez ? Le vieux Marchosias n’est plus là, et tout. »
Bifrons avait sérieusement hoché la tête à la mention de ce nom nostalgique.
« Aah, Marchosias. Le très estimé aîné. Il était vraiment grand. C’était si excitant de trouver des tours dans le dos de ce vieil homme. »
« … Vous êtes vous-même assez tordu, vous savez ? »
« C’est ce que signifie être un sorcier. Les plus sains d’esprit sont les anomalies. »
Plus ils étaient fous, plus c’était amusant. Même l’allié de Bifrons, l’infirme Shere Khan, était si fascinant que cela le faisait frissonner d’excitation. Et pourtant, l’Archidémon qu’il avait sous les yeux n’était pas du tout intéressant. C’était un homme ennuyeux.
Nous n’avons vraiment pas besoin de ce type. Bifrons regardait Andrealphus comme un élève grondé par son professeur.
« Laissez-moi vous poser une autre question. Pourriez-vous épargner Shere Khan ? J’ai encore envie de jouer avec lui. »
« On n’apprend pas. C’est un non. »
« … Je vois. »
Bifrons connaissait déjà la réponse, mais il avait tout de même perdu tout intérêt et avait détourné son regard en l’entendant. Andrealphus restait dans son champ de vision, mais il ne le regardait plus. Bifrons tendit alors la main à la Dexia tremblante.
« Allons, ne vous contentez pas de frissonner dans un coin. On va sauver cette fille, n’est-ce pas ? »
« Mais… »
Elle pensait sûrement qu’elle serait tuée si elle bougeait. C’est pourquoi Bifrons avait haussé les épaules sans autre choix.
« Oh, bien. Ce n’est pas vraiment mon style et tout, mais j’ai un contrat avec Shere Khan, et il semble que nous ayons besoin d’un autre Emblème de l’Archidémon, donc je suppose que ça marche. »
« … De quoi parlez-vous ? »
Andrealphus sent que quelque chose n’allait pas et plaça son épée prête.
C’est pourquoi vous êtes ennuyeux. Mais même ainsi, Bifrons avait parlé avec le respect que méritent ceux qui avaient hérité du titre d’Archidémon.
« Vous êtes certainement fort. Vous pouvez même dire que c’est tricher que de brandir à la fois l’Emblème de l’Archidémon et une épée sacrée. Vous méritez vraiment d’être considéré comme le plus fort. Malheureusement… » Bifrons déplaça son bras comme pour frapper une mouche. « Le simple fait d’être fort ne vous rend pas vraiment intéressant. »
Le bruit de l’éclatement du liquide remplissait l’air.
« Vous avez vraiment été ennuyeux jusqu’à la fin. Zagan m’aurait frappé sans hésitation au moment même où j’ai commencé à supplier sans vergogne pour ma vie, vous savez ? »
En fait, il était arrivé en chargeant à Bifrons juste après avoir été légèrement taquiné au Trésor public. Bifrons ne pouvait vraiment pas se passer de lui, précisément parce qu’il ignorait toutes leurs affaires et essayait de l’écraser. Un seul instant d’inattention signifierait la mort. Rien que d’y penser, Bifrons avait voulu jouer avec Zagan.
Le petit Archidémon semblait avoir complètement oublié l’ennemi qui le précédait, mais il lui manquait une de ses armes. Andrealphus regarda son propre corps avec émerveillement. Le bras manquant de Bifrons était juste là. Une main d’enfant sortait de sa poitrine comme si elle avait transpercé son corps et transpercé son Armure sacrée depuis l’intérieur. Et dans sa main se trouvait son cœur qui battait encore.
« Tuer des gens est vraiment ennuyeux, donc je n’aime pas le faire. On ne peut pas jouer avec les morts, et surtout, c’est beaucoup trop simple. Qu’est-ce qu’il y a de si amusant ? »
Et avec ces derniers mots, Bifrons avait écrasé le cœur d’Andrealphus dans sa main. Le chef des Archidémons, l’Archange le plus fort, avait connu sa fin si rapidement.
***
Histoires courtes en prime
Compter les idiots
« Donc, de toute façon, le traître était ce connard de Valjakka. »
Zagan avait creusé dans ses souvenirs de Raziel après avoir écouté le rapport de Barbatos.
« Veux-tu dire celui qui était avec Chastille… ? Oh, le gars qui a crié sur Raphaël, non ? »
« Comme tu l’as ordonné, je me suis arrêté en lui jetant de la sorcellerie contraignante, mais ne penses-tu pas qu’il serait préférable de le tuer ? »
« Cela semble plus facile, mais nous ne pouvons pas le faire maintenant. »
« Hein ? N’est-ce pas le meilleur moment pour le tuer ? C’est la taupe de Shere Khan, tu sais ? »
Il avait raison, mais Zagan avait secoué la tête.
« En tuant cet homme maintenant, l’Église ne fonctionnera plus correctement. Tu as vu comment étaient les mômes là-dedans, non ? Même avec les épées sacrées, ils sont à peine à égalité avec les trois idiots. »
En corrigeant les unités de mesure, ils étaient tous des idiots.
« Tu dis donc que nous pouvons utiliser ce Valjakka ? »
« Non ! Si je devais choisir pour le qualifié entre incompétent et capable, je choisirais certainement incompétent. Mais même ainsi, il est un peu plus fort que deux des trois idiots réunis. »
« Je n’ai pas vraiment l’impression qu’il serait si utile comme ça ? Eh bien, je suppose que l’équilibre du pouvoir entre les sorciers et l’Église s’effondrerait, hein ? »
Barbatos avait vraiment été rapide à comprendre. Cependant, Zagan avait poussé un soupir pour une tout autre raison.
« Cependant, on dit que les épées sacrées ont une volonté, alors pourquoi ont-elles choisi un homme comme lui ? Ses compétences avec une épée ne sont pas mauvaises, mais il n’est rien comparé à Chastille ou Raphaël. »
« Quoi ? C’est ça, n’est-ce pas ? D’après ce qu’on a vu avec Andrealphus, les Séraphins sont des femmes, non ? »
Barbatos avait fait une tête d’enterrement en demandant pourquoi il n’en savait pas autant, laissant Zagan les yeux grands ouverts.
« Quel est le rapport avec leur sexe ? »
« C’est pour ça que tu es un morveux. Il arrive qu’un pisseux qui n’a pas de qualités rédemptrices parvienne à attraper une gentille femme, n’est-ce pas ? C’est comme si elles tombaient amoureuses d’un type inutile. Elles ont un sentiment de supériorité par rapport au fait que le type est sans espoir sans elles. N’est-ce pas la même chose ici ? »
« C’est incroyable… Il y a une étrange force de persuasion quand tu le dis, comme s’il y avait un poids dans tes paroles. »
« Oh ? Tu comprends enfin à quel point je suis génial ? Eh bien, alors vénère-moi autant que tu le veux. »
Chastille a vraiment la vie dure…
Zagan ne déclara rien alors qu’il réfléchit anxieusement au sort de la pauvre archange.
Le bonheur d’une mère
« Mère, que fait ce mot… Oh, pardonnez-moi, professeur. »
Orias avait soudain porté un regard sévère sur la question de sa fille Néphy. Elle avait appris à Néphy que pendant leurs leçons sur le mysticisme céleste, elle devait la traiter comme un professeur plutôt que comme une mère.
Sinon, mes joues vont se détendre tout le temps.
Bien entendu, Orias avait également pris la forme d’une vieille femme. Ses muscles mimétiques étant en déclin, ses changements d’expression étaient plus difficiles à percevoir.
« Evlogia... Cela signifie la bénédiction. »
« Quel mot merveilleux ! J’aimerais faire connaître ce mot à un autre. »
Orias avait ressenti le besoin soudain de serrer son cœur face à la réaction honnête de sa fille.
Comment se fait-il qu’elle soit si pure après avoir été élevée dans le village ?
Elle avait vraiment envie de la serrer très fort dans ses bras et de se frotter les joues contre les siennes.
« Plutôt que de bénir les autres, n’es-tu pas plus susceptible de te faire bénir ? » L’autre fille d’Orias, Nephteros, déclara ça.
« Hein ? M-Ma relation avec Maître Zagan n’a pas encore… »
Néphy était devenue rouge jusqu’au bout des oreilles alors qu’Orias la regardait tendrement.
Pourquoi ne pas vous marier maintenant… ?
Leur relation avait déjà été approuvée par sa mère, alors pourquoi les progrès entre eux étaient-ils si lents ?
« Nephteros, as-tu déjà eu une histoire d’amour de ce genre ? » demanda Orias.
« Moi ? J’ai un intérêt, mais je ne sais pas encore vraiment. En ce moment, c’est plus amusant de passer du temps avec Chastille et toi, maman. »
Qu’essaies-tu de me faire en me rendant si heureuse ?
Orias avait failli tomber à genoux en voyant le sourire un peu timide de sa fille.
« Hm… C’est le bon moment. On s’arrête là ? »
C’était un bonheur qu’elle avait laissé s’échapper de sa propre volonté. Et pourtant, elle avait eu la chance de pouvoir le savourer à nouveau dans des moments paisibles. Orias avait vraiment l’impression que son cœur ne pourrait pas le supporter. En la regardant ainsi, ses deux filles s’étaient murmuré l’une à l’autre.
« Maman semble s’amuser aujourd’hui aussi, n’est-ce pas ? »
« Elle est toujours avec des sourires. J’en suis également heureuse. »
C’était une scène habituelle dans le jardin du château de Zagan.
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Illustrations
Fin du tome 10.
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