Kuma Kuma Kuma Bear – Tome 4
Table des matières
- Chapitre 75 : L’ours achète un magasin
- Chapitre 76 : L’ours remodèle la boutique
- Chapitre 77 : L’ours réfléchit à un nom de magasin
- Chapitre 78 : L’ours ouvre sa boutique
- Chapitre 79 : L’ours soumet une quête à la guilde des aventuriers
- Chapitre 80 : L’ours ouvre sa boutique – Jour 2
- Chapitre 81 : L’ours achète des provisions
- Chapitre 82 : L’ours s’ennuie
- Chapitre 83 : L’ours gravit la montagne
- Chapitre 84 : L’ours sauve des gens
- Chapitre 85 : L’ours atteint la ville côtière de Mileela
- Chapitre 86 : L’ours se rend à la guilde des aventuriers : Partie 1
- Chapitre 86 : L’ours se rend à la guilde des aventuriers : Partie 2
- Chapitre 87 : L’ours est involontairement malmené
- Chapitre 88 : L’ours est attaqué dans l’auberge
- Chapitre 89 : L’ours sort pour éliminer les bandits
- Chapitre 90 : L’ours élimine les bandits
- Chapitre 91 : Les problèmes surviennent sans que l’ours en soit consciente
- Chapitre 92 : L’ours a une raison de vaincre le Kraken
- Chapitre 93 : L’ours part combattre le Kraken : Partie 1
- Chapitre 93 : L’ours part combattre le Kraken : Partie 2
- Chapitre 94 : L’ours se réveille
- Chapitre 95 : L’ours participe à un festin
- Histoire bonus 1 : L’ours rebâtit l’orphelinat
- Histoire bonus 2 : L’ours enseigne la magie : Partie 1
- Histoire bonus 2 : L’ours enseigne la magie : Partie 2
- Histoire bonus 3 : Les Chroniques de Deigha, je m’inquiète pour l\'ours.
- Illustrations
***
Chapitre 75 : L’ours achète un magasin
Le jour qui suivit celui de mes adieux faits à tout le monde à la capitale, j’utilisais la porte de transport des ours pour retourner à Crimonia avec Fina.
« Yuna, c’était tellement amusant ! »
Mis à part l’armée de monstres mortels contrôlés par des nécromanciens, j’avais vraiment apprécié mon séjour à la capitale. Et j’avais en plus mis la main sur des pommes de terre et du fromage.
« Je suis heureuse de l’entendre. Si jamais tu veux y retourner, appelle-moi et on pourra utiliser la porte de transport des ours. »
« Oui ! Je veux y aller avec toute ma famille la prochaine fois. »
« Tant que tu gardes le secret de la porte de transport des ours, compris ? »
« Compris. »
Nous nous étions dirigés vers l’orphelinat afin que je puisse ramener Fina à Tiermina, qui aurait dû être occupée avec les kokkeko à l’orphelinat en ce moment. Quand j’étais arrivée au poulailler près de l’orphelinat, j’avais trouvé les enfants au travail. L’un d’eux m’avait remarquée avant que je puisse faire quoi que ce soit…
« C’est la fille aux ours ! »
… Ce qui signifiait qu’ils avaient tous remarqué. Ils se mirent à courir vers moi.
« Avez-vous tous bien travaillé ? »
« Oui ! »
Les enfants étaient tout sourire. Cool, on dirait que les choses sont O-okay.
« Tiermina est-elle dans le coin ? »
« Uhuh ! Elle compte les œufs là-bas. », dit un des garçons.
Il me désigna une petite cabane à côté du poulailler. J’avais remercié les enfants de m’avoir dit ça et j’y étais allée. J’avais trouvé Tiermina à l’intérieur, comptant les œufs avec Shuri à côté d’elle.
« Maman ! »
Dès que Fina vit Tiermina, celle-ci courut vers elle et la serra dans ses bras.
« Fina ?! »
« Sœur ! »
Shuri se précipita vers Fina et lui fit un gros câlin, rayonnante.
« Shuri, on est de retour ! »
« C’est bon de te voir, Tiermina. »
« Bienvenue à la maison, vous deux. »
Fina était enfin à la maison, saine et sauve.
« Comment était la capitale ? », demanda Tiermina.
Fina avait pratiquement explosé avec des détails.
« Ce n’est pas juste ! », dit Shuri tout en croisant les bras et en faisant une puissante moue de petite fille.
« Tu dois tout faire, sœurette ! »
Si j’allais ailleurs, je devrais m’assurer de les prendre toutes les deux, la pauvre enfant.
« Au fait, Tiermina, j’ai quelque chose à te demander — ou plutôt, à te confier. »
« Qu’est-ce que c’est ? »
Je lui avais donné une explication simple sur Morin et sa fille, et comment j’allais ouvrir un magasin.
Tiermina s’était frotté les tempes : « Donc, en plus des œufs, vous vendez du pudding et du pain. Et vous dites que vous avez des boulangers qui viennent de la capitale ? Alors, que suis-je censée faire ? »
Elle semblait un peu exaspérée, mais je suppose qu’elle n’allait pas refuser pour autant.
« J’aimerais que tu t’occupes des ventes, du stock et, surtout, de l’argent de la boutique. »
« D’accord. Je n’ai pas à m’occuper des détails avant l’arrivée de cette Morin, n’est-ce pas ? »
« Et il y a aussi l’histoire du pudding, pourrais-tu donc parler à Milaine des œufs ? C’est comme ça qu’on décidera de la quantité de pudding à vendre. »
« Compris. Je lui parlerai la prochaine fois que je serai à la guilde du commerce. »
Elle n’était pas la seule à avoir des questions pour Milaine. Il y avait le truc avec les œufs, mais la boutique allait être plus grande que ce que j’avais initialement prévu, maintenant que nous cuisions du pain et des pizzas. J’avais aussi besoin de la consulter à ce sujet.
J’avais assez dérangé Tiermina pendant son travail, j’avais donc décidé de passer chez la directrice avant de rentrer chez moi… Mais elle était sortie, peut-être que je passerais plus tard.
Je m’étais ensuite dirigée vers la guilde des aventuriers.
« Mlle Yuna, déjà de retour ? », dit Helen
« J’ai un souvenir pour toi. »
J’avais sorti le cadeau de la capitale de mon rangement pour ours et je l’avais tendu.
« Un accessoire ? Pourquoi, merci beaucoup ! »
Quel soulagement ! Je ne savais pas ce qui était à la mode dans ce monde fantaisiste, j’avais donc simplement acheté ce que la personne du magasin m’avait recommandé. On dirait que tout s’est bien passé.
« Le maître de la guilde est-il là ? »
« Oui. Je vais aller le voir tout de suite, juste un instant. »
Elle était allée dans l’arrière-boutique pour appeler le maître de guilde et était revenue aussitôt.
« Il va vous recevoir dans son bureau. Veuillez venir par ici. »
Je l’avais remerciée et m’étais dirigée vers l’arrière-salle où se trouvait le maître de guilde.
« Vous êtes revenue rapidement », dit-il.
« Vous m’avez convoquée, alors me voici. Au fait, merci pour la lettre d’introduction. »
« Était-ce utile ? »
« Oh oui. J’ai eu des ennuis pendant un moment, mais après, le maître de guilde de la capitale m’a beaucoup aidée. »
« Du moment que c’était utile. Comment va cette bonne vieille Sanya ? »
« Elle va bien. Je pense que je lui ai laissé quelques dégâts à nettoyer. Ou, euh, peut-être plus que deux. »
Le maître de la guilde avait éclaté de rire. Sanya s’était occupée des aventuriers qui m’avaient donné du fil à retordre, de cette histoire de tueur de monstres, de la promesse faite au roi et de toute l’affaire Morin. Je ne pouvais pas lui parler de l’histoire de l’armée de monstres, alors je lui avais dit que, grâce à Ellelaura, nous avions pu voir le château, rencontrer Dame Flora, et que j’avais servi du pudding au roi et à Dame Flora.
« Pardonnez-moi, vous… avez cuisiné pour le roi et la princesse ? »
Il redressa quelques papiers, comme s’il essayait de rendre quelque chose, n’importe quoi un peu plus ordonné.
« Oui. »
Je lui avais ensuite parlé du couple de boulangers mère et fille que j’avais rencontré, du marchand corrompu, de l’aide de Sanya, et enfin de la grosse portion de pudding royal.
« Que pensez-vous que vous faisiez à la capitale ? »
« Écoutez, ce n’est pas comme si tout était de ma faute. »
Je ne pouvais pas fermer les yeux quand il s’agissait de Morin et de sa fille, et recevoir une demande du roi lui-même était la dernière chose que je voulais.
« Oui, oui. Err. Ce pudding dont vous avez parlé. Est-il vraiment si bon ? »
« Voulez-vous en goûter ? »
Je lui ai offert un peu de pudding pour le remercier de sa lettre d’introduction. Le maître de guilde le renifla, en prit une bouchée, puis une autre.
« Hm. Mon Dieu, c’est délicieux. »
Même le maître de guilde lui donna de bonnes notes. Peut-être que mon public était un peu plus large que je ne le pensais, hein ?
Après avoir quitté la guilde des aventuriers, je m’étais dirigée vers la guilde du commerce pour trouver Milaine afin de la consulter au sujet de la boutique…
« Yuna ! »
… mais ce fut elle qui me trouva.
« S’il vous plaît, ne criez pas mon nom », me suis-je plainte en me dirigeant vers sa place habituelle à la réception.
« Mes excuses. C’est sorti tout seul. »
« Tenez, j’ai un souvenir pour vous. »
Ce n’était pas un accessoire similaire au souvenir d’Helen, mais c’était proche.
« Merci beaucoup. Maintenant, Yuna, à propos de la boutique dont nous avons parlé l’autre jour… », dit-elle, rayonnante.
« J’ai trouvé quelques bons endroits pour l’emplacement. Comment voulez-vous procéder ? »
« J’allais justement demander ça. »
Après une rapide explication de ce qui s’était passé à la capitale, je lui avais dit que j’allais vendre du pain à côté du pudding, et qu’il faudrait que la boutique soit assez grande pour compenser.
Milaine hocha la tête d’un air pensif.
« Maintenant, quand vous dites “grande”, quelle taille allons-nous opter ? »
Eh bien, voyons voir. J’avais besoin d’une salle à manger pour les clients et, puisque je voulais employer les orphelins, j’avais besoin que la cuisine ait beaucoup d’espace, au cas où. Bref, j’avais décrit mes exigences pour le magasin comme elles me venaient à l’esprit.
« Le loyer sera dans ce cas plutôt cher. Mais c’est moi qui ai suggéré que vous devriez ouvrir un magasin, alors je serais heureuse de vous offrir une réduction. Mais si vous avez besoin d’un grand espace, ça fait quand même beaucoup d’argent… »
Milaine avait l’air troublée.
« Ne vous inquiétez pas pour le prix. Si c’est bien situé, je l’achèterai. »
« Yuna, un magasin n’est pas quelque chose que l’on achète sur un coup de tête. Pas pour la plupart des gens, en tout cas. »
Milaine semblait exaspérée, mais grâce à ce dieu et à ses objets en forme d’ours bizarre, je n’avais aucun problème d’argent. Pourtant, je ne pouvais pas partager cela avec Milaine. J’avais souri et j’avais fait comme si de rien n’était.
« Eh bien, tant que vous pouvez vous le permettre, la guilde du commerce n’a aucun problème avec ça. Le prix sera élevé, mais il y a un magasin avec toutes les caractéristiques que vous cherchez. »
D’après Milaine, le bâtiment était grand et proche de l’orphelinat. Parfait. Maintenant, tout ce que j’avais à faire était de vérifier le prix et de le voir par moi-même.
« Combien ça coûterait ? »
Milaine sortit un dossier, y réfléchit un peu, puis écrivit une somme sur un papier avant de me le tendre.
« Avec une remise, je suppose que c’est le mieux que je puisse faire. »
Le montant qu’elle proposait semblait vraiment élevé. Pour le moins, c’était plus cher que le terrain que j’avais acheté près de l’orphelinat. Pourtant, c’était bien dans mon budget d’ours magique. J’avais décidé de regarder le bâtiment et de décider ensuite.
« Bien sûr. Je vais vous y conduire maintenant. »
Comme Milaine me l’avait dit, le magasin était assez proche de l’orphelinat et, bien qu’il n’y avait pas de bâtiments à proximité, on arrivait à une route passante après avoir marché un peu. Même si une file d’attente se formait devant le magasin, cela ne gênerait personne.
Le seul problème était que…
« C’est un magasin ? »
Cela ressemblait bien plus à un manoir. Peut-être que je me suis imaginé des choses ? J’avais frotté mes yeux, mais le bâtiment n’avait pas perdu son aspect de manoir.
« Ça n’en a pas l’air. »
« Pas encore. Le manoir aura besoin d’être rénové. »
Un manoir transformé en magasin, hein ? Eh bien, ce n’est pas comme si j’avais des problèmes avec l’emplacement. Et plus je le regardais, plus je trouvais son prix raisonnable.
« Puis-je voir l’intérieur ? »
« Naturellement. »
Milaine prit la clé et ouvrit la porte. Nous y étions donc entrées. Il y avait un escalier massif à l’avant et une vaste surface vide autour. Si j’installais des tables et des chaises ici, cela pourrait faire un bon espace de restauration. En continuant à l’intérieur, il y avait un couloir à gauche, et au bout de ce couloir, j’avais trouvé une cuisine. Elle semblait plus que suffisamment grande. Il y avait assez de place pour que Morin et Karin puissent travailler, et pour que les orphelins puissent les aider.
« Il y a aussi une chambre froide, donc vous aurez beaucoup de place pour la nourriture. »
J’avais jeté un coup d’œil dans la chambre de stockage. C’était plutôt spacieux. En fait, c’était assez grand pour que je puisse stocker les œufs et le pudding ainsi que les ingrédients pour le fromage et le pain. C’était peut-être encore mieux que ce à quoi je m’attendais.
« Et l’autre couloir ? »
« Il y a des chambres par là. On peut même y voir le jardin. »
Quand j’étais allé vérifier, j’avais effectivement trouvé plusieurs chambres, chacune avec une vue sur le jardin. Je pourrais probablement les transformer en chambres de luxe. J’étais ensuite allée vérifier le deuxième étage.
Quand j’étais montée à l’étage, j’avais trouvé plusieurs chambres et une surface spacieuse, bien qu’elle ne soit pas aussi grande qu’au rez-de-chaussée. Apparemment, il s’agissait d’un manoir d’aristocrates et les lits, les armoires et les autres meubles des chambres étaient laissés tels quels. Si quelqu’un voulait vivre ici, c’était prêt à être emménagé.
Je pourrais transformer le premier étage en magasin et faire vivre Morin et sa fille au deuxième étage.
Mais, en y regardant de plus près, on aurait dit qu’elle n’avait pas été nettoyée depuis longtemps. Les murs et les tapis étaient sales. Mais bon, des nettoyeurs professionnels pourraient s’en occuper assez facilement.
J’avais décidé de faire des folies et d’acheter ce petit manoir. Les détails, je pouvais les garder pour demain. Aujourd’hui, je m’occupais juste de toutes les formalités liées à l’achat de l’endroit.
***
Chapitre 76 : L’ours remodèle la boutique
Le jour après l’achat de la boutique, je m’étais rendue à l’orphelinat afin de rencontrer la directrice pour prendre des nouvelles et lui parler de la boutique. J’avais vu un groupe de petits enfants qui jouaient à l’extérieur de l’orphelinat. Attendez, est-ce que je connaissais ces enfants ? Bien sûr que oui, hein ?
J’avais rassemblé les enfants qui s’étaient approchés de moi et leur avais distribué des fruits que j’avais achetés à la capitale comme souvenirs. Quand j’avais goûté les fruits, ceux-ci étaient sucrés et acidulés. Je leur avais dit de partager. Après m’avoir donné une réponse polie, ceux-ci s’étaient dirigés vers l’orphelinat. Je les avais suivis à l’intérieur pour voir la directrice.
« Oh, qu’est-ce que vous avez tous là ? »
J’avais entendu la voix de la directrice.
« Nous l’avons obtenu de la fille-ours ! »
« Oh ! Yuna est là ? »
« Yuna est là. Je suis de retour. », avais-je dit en me mettant en évidence.
« Vous êtes de retour. Vous devez être épuisée par le voyage. »
C’est vrai. Techniquement, j’étais allée à la capitale pour travailler sur une quête d’escorte, mais tout cela ressemblait plus à des vacances.
« Directrice, comment vont les enfants ? »
« Ils vont bien, grâce à vous. Ils mangent bien, dorment bien, et font de leur mieux pour maintenir l’orphelinat à flot. »
De bonnes nouvelles pour tout le monde, donc. Je lui avais dit que je commençais une boulangerie et je lui avais demandé si elle pouvait y affecter quelques orphelins.
« Une boulangerie ? »
« Oui. J’aimerais bien que les enfants me donnent un coup de main. »
« Nous avons des enfants qui ne travaillent pas bien avec les oiseaux, et il y en a aussi qui aiment simplement cuisiner. S’il y a des enfants qui veulent faire du bénévolat, permettez-leur d’en faire. »
S’il y avait des enfants qui aimaient cuisiner, ils seraient certainement un atout. Faire du pain restait quand même un travail manuel, ils s’en sortiraient donc beaucoup mieux s’ils étaient volontaires. Pas de travail forcé pour les orphelins, merci beaucoup.
« De combien d’enfants avez-vous besoin ? »
« J’ai besoin de personnes pour préparer la nourriture et pour servir les clients, j’aimerais donc avoir trois enfants pour chacune de ces tâches, soit six au total. Bien sûr, je les ferais travailler à tour de rôle, pour qu’ils apprennent à connaître toutes les tâches dans une certaine mesure. »
Cela semblait être une quantité décente d’orphelins.
« Je vois. Alors, rassemblons les enfants pour le leur demander directement. »
La directrice dit aux enfants près d’elle de rassembler tout le monde. Les enfants se séparèrent pour chercher les autres. Ils devaient être principalement dans le poulailler, mais il y en avait probablement dans l’orphelinat. Pendant que j’attendais, les enfants commencèrent à se rassembler dans le réfectoire.
« Qu’est-ce qu’il y a, directrice ? »
« Je vous le dirai quand tout le monde sera là. Asseyez-vous et attendez. »
Les enfants obéirent aux instructions de la directrice. Quelques enfants m’avaient remarquée et s’étaient approchés, mais la directrice les avait avertis et ils prirent place. Le temps que tous les orphelins finissent de se rassembler, j’étais sûre qu’ils étaient plus nombreux.
« Tout le monde, s’il vous plaît, écoutez attentivement ce que je vais dire. Cela peut décider de votre avenir. »
Décider de votre avenir ? Ça semblait exagéré. Je suppose que ce n’était pas comme si ça n’avait pas de sens dans un monde fantaisiste. S’ils pouvaient apprendre à cuisiner, ils pourraient gagner leur vie avec ça. Pour les orphelins, c’était comme leur montrer un nouvel avenir.
« Il semblerait que Yuna va ouvrir une boulangerie, et elle veut que six d’entre vous l’aident. Il y aura du travail physique ainsi que du service à la clientèle. Ce sera probablement difficile à bien des égards. Des volontaires ? »
« Vous faites seulement du pain ? »
« Principalement, mais vous ferez aussi du pudding. »
« Moi ! Je vais le faire. »
« Oh ! Oh, moi aussi. »
« Comptez sur moi ! »
Dès que j’avais dit qu’on ferait du pudding, des enfants levèrent la main.
« On va vendre le pudding. Vous ne pourrez donc pas le manger. »
« Aie. »
« Allez, vous le saviez bien, non ? Aussi, puisque vous devrez gérer l’argent, je vais donner la priorité aux enfants qui savent lire, écrire et faire des maths. »
« Aie. »
Comme ils feraient du commerce, j’avais besoin qu’ils soient capables de mémoriser les informations sur la marchandise, et ce serait un problème s’ils ne savaient pas compter l’argent.
« Je sais lire, écrire, et faire des maths. Je suis volontaire ! »
« Ouais, moi aussi ! »
« Je ne suis pas très bon en maths, mais je veux essayer. »
« Je veux faire de la pâtisserie ! »
Ils levèrent leurs mains les uns après les autres. La directrice utilisa son jugement pour en choisir quelques-unes pour moi. On s’était retrouvé avec quatre filles et deux garçons. Nous avions confié à Miru, l’aînée de douze ans, le rôle de chef et lui avions demandé de gérer tout le monde.
« Dès que la boutique sera prête, je viendrai vous voir. »
Après avoir réglé les choses à l’orphelinat, je m’étais rendue au manoir pour faire les préparatifs nécessaires. L’endroit était vraiment immense — je n’avais pas pu m’empêcher de me sentir un peu intimidée quand je m’étais trouvée devant, même si j’imaginais plutôt quelque chose comme un fast-food. Mais comme j’avais déjà acheté la chose, il était inutile de me prendre la tête.
L’emplacement était vraiment génial. Le grand terrain était proche de l’orphelinat et un peu à l’écart de la route principale de la ville, mais pas trop loin pour que nous n’ayons pas de clients. J’avais utilisé la clé de Milaine pour ouvrir la porte et j’étais entrée.
Première étape : aller à la cuisine et installer le four en pierre dont nous aurions besoin pour faire du pain et des pizzas. J’avais mis provisoirement tout ce qui pouvait me gêner dans la réserve des ours, puis j’avais regardé la cuisine maintenant vide pour trouver un emplacement pour le four.
J’avais installé trois fours au bord de la cuisine. J’avais vérifié la chambre froide l’autre jour, je n’avais donc pas besoin de faire quoi que ce soit à ce sujet. De quoi d’autre aurions-nous besoin ? J’avais réfléchi, mais rien ne m’était venu à l’esprit. Je verrai ça avec Morin quand elle arrivera.
C’était tout pour la cuisine. J’avais donc grimpé les escaliers jusqu’au deuxième étage. C’était petit comparé au premier étage, mais il y avait une zone sans rien. Je pourrais probablement en trouver l’usage.
Au-delà de cette zone vide, il y avait des couloirs à droite et à gauche qui menaient à des pièces comme des salons ou des chambres avec leurs propres lits et meubles. Une chambre double conviendrait certainement à Morin et Karin. Après un dernier passage au deuxième étage, je m’étais dirigée vers le jardin.
Plutôt spacieux ! Je pourrais peut-être en faire un café en plein air quand il fera beau, même s’il était plus qu’envahi par la végétation pour le moment. Il faudrait que je demande à Milaine ce qu’il en est.
Les préparatifs s’étaient déroulés sans problème les jours suivants. Grâce à Milaine, j’avais pu nettoyer l’intérieur et le jardin. J’avais également recueilli l’avis de Milaine et de Tiermina sur la décoration intérieure — des choses comme le nombre de chaises et de tables, la meilleure utilisation des pièces vacantes et du jardin, toutes ces bonnes choses — mais je leur avais surtout dit quelle ambiance je souhaitais et je les avais laissées s’en occuper.
Alors que nous étions encore en train de préparer la boutique, Morin et sa fille étaient arrivés de la capitale, se rendant directement à l’orphelinat.
« Yuna, tu es déjà là ? »
« Oui, euh, j’ai pris un peu d’avance. » Je ne voulais pas mentionner la porte des ours, après tout.
Je pouvais voir qu’elles étaient fatiguées, c’était un long voyage depuis la capitale. J’avais décidé de laisser une discussion détaillée pour demain et de leur donner un peu de temps pour se reposer. Après une rapide présentation de la directrice, nous nous étions toutes les trois dirigées vers la boutique et leurs chambres.
« Yuna, l’auberge est-elle loin ? », demanda Karin derrière moi.
« Vous n’allez pas à l’auberge. Nous allons à la boutique où vous allez travailler. »
« La boutique ? »
« Il y a de jolies chambres vides là-bas, alors j’ai pensé que ça pourrait être un bon endroit pour dormir. Ça rend le travail plus pratique et tout. »
Je les avais conduits à la boutique… et elles se figèrent quand ils la virent.
« Yuna, tu as dit que c’était une boutique. C’est un manoir. »
Le manoir se dressait bien devant elles.
« Ancien manoir, futur magasin. Qu’est-ce que c’est que ces mots, hein ? », dis-je en haussant les épaules
« Ça va être un magasin ? Veux-tu dire qu’on va vendre du pain dans un manoir ? »
« Ancien ! Je veux dire, j’ai seulement fini de remodeler l’intérieur jusqu’à présent. »
Je n’avais toujours pas d’enseigne ou de nom pour ce magasin. J’espérais faire un brainstorming avec tout le monde. Peut-être que c’était un snack-bar, ou peut-être un café. Ou non, une boulangerie, une pizzeria, un pudding, peut-être un de ces combinés hors de prix jeu de société-snack-bar-café-brasserie ?
« Tu veux faire du pain dans un endroit comme celui-ci… »
« On passera aux choses sérieuses demain. Reposez-vous pour aujourd’hui. »
J’avais conduit le duo dans le manoir.
« C’est incroyable. »
« Maman, on va vraiment vendre du pain ici ? »
Elles examinèrent l’étage ouvert, maintenant sans taches.
« Le premier étage est un magasin, donc… oui. Vous pouvez utiliser les chambres du deuxième étage. »
Je leur avais montré leurs chambres momentanément.
« Wôw, on va vraiment vivre ici ? »
« Le trajet court est un vrai bonus, non ? »
Je les avais emmenées dans les pièces intérieures du deuxième étage. Le décor n’était pas vraiment époustouflant, mais c’était quand même très joli. Avec une fenêtre, le plan sophistiqué ressemblait vraiment à la maison d’un noble.
« Et voilà. Je vais sortir les bagages que j’ai apportés de la capitale pour vous, alors faites-moi savoir si quelque chose ne vous convient pas. »
Leurs meubles et autres objets de la capitale étaient dans mon entrepôt à ours. J’avais commencé à les sortir.
« Vous pouvez utiliser les meubles qui sont déjà là comme vous le souhaitez. »
« On peut vraiment dormir sur un lit comme ça ? », dit Karin en le touchant, émerveillée.
« Pourquoi pas ? La literie est aussi neuve, donc c’est plutôt confortable. »
« Merci beaucoup pour tout. », dit Morin en inclinant la tête.
« J’ai aussi nettoyé la baignoire, alors utilisez-la quand vous voulez. »
« Une baignoire… »
Morin avait pratiquement haleté.
« Rien que d’y penser, j’en ai des frissons dans le dos », balbutia Karin.
« Super. Si vous avez besoin d’autre chose, faites-le-moi savoir. », dis-je.
« Rien en particulier. C’est juste trop. »
« Ouais… »
Eh. Après avoir vécu ici un moment, je suppose qu’elles trouveront ce dont elles ont besoin.
« Très bien, je reviendrai demain, alors allez-y doucement pour aujourd’hui. »
Sur ce, je les avais laissées et j’étais sortie du manoir transformé en magasin.
Le lendemain, j’avais amené les six orphelins volontaires au magasin. Ils étaient déjà venus plusieurs fois. La première fois, ils étaient choqués, mais ils semblaient tout de même assez enthousiastes à l’idée de travailler là.
L’arôme délicieux du pain nous envahit. Morin et Karin faisaient du pain dans la cuisine. Si j’avais su qu’elles allaient faire du pain, je n’aurais pas déjà pris mon petit-déjeuner.
« Bonjour, les gars ! »
« Bonjour, Yuna », dit Karin.
« Vous avez eu une bonne nuit de sommeil ? »
« Oui, je me suis endormie dès que je me suis mise sous les couvertures. »
« C’est bien. »
« Bonjour, Yuna », dit Morin.
« Vous cuisinez déjà ? »
« Je voulais me familiariser avec les fours. Comme j’ai trouvé des ingrédients pour le pain, j’ai tout préparé dans la soirée. »
Je suppose qu’elles avaient exploré la cuisine après que je sois rentrée.
« Comment sont les fours ? Tout fonctionne bien ? »
« Pour l’instant, tout va bien. Ça va prendre du temps de comprendre les bizarreries des fours, mais c’est normal. »
« Les fours ont des bizarreries ? »
« Oh, certainement. Certains endroits seront plus chauds que d’autres, et je dois savoir combien de temps il faut pour que la température monte. Ces facteurs varient d’un four à l’autre et affectent la cuisson du pain. »
C’était vraiment une pro. Quand je faisais une pizza, j’improvisais. Pas étonnant que le pain de Morin soit si bon.
« Yuri, qui sont ces enfants ? »
« Ne t’ai-je pas parlé d’eux hier ? Ils vont t’aider à la boutique. »
Les enfants avaient salué Morin avec fougue.
« Pourrais-tu leur apprendre à cuisiner ? Tu n’as pas besoin de leur dire la recette de ton mari, mais ce serait vraiment bien. »
Si c’était hors de question, ils resteront cloisonnés au pudding et à la pizza.
« C’est bon. Savoir que le pain de mon mari sera partagé avec des gens me rend heureuse. »
« Très bien, tout le monde, après qu’elle vous aura enseigné, assurez-vous de ramener le pain avec vous à l’orphelinat. »
Les orphelins laissèrent échapper des applaudissements enthousiastes. Aww !
***
Chapitre 77 : L’ours réfléchit à un nom de magasin
Les travaux de préparation du magasin étaient presque terminés, mais un problème subsistait : nous n’avions toujours pas de nom. Lorsque j’avais essayé de demander conseil à Morin, elle m’avait dit que c’était mon magasin et que c’était à moi de décider.
C’était bien beau, mais… j’étais terriblement mauvaise pour nommer les choses. J’avais même utilisé mon propre nom dans le jeu. J’avais appelé mes invocations d’ours Kumayuru et Kumakyu parce qu’ils étaient kuma-kuma, comme dans le mot japonais pour ours. Les ours semblaient heureux de leurs noms, mais c’étaient des ours magiques et ils avaient probablement leur propre conception des choses. Non, je n’avais aucune confiance en ma capacité à nommer quoi que ce soit, et même après avoir réfléchi à un nom de magasin pendant plusieurs jours… aucune idée, la tête vide. J’avais donc décidé de demander à chacun ses suggestions.
J’avais réuni la gérante de la boutique, Morin, et sa fille, Karin, les aides de l’orphelinat, Milaine, de la guilde des commerçants, qui avait participé à la rénovation, Helen, qui m’aidait à la guilde des aventuriers, Tiermina et ses filles Fina et Shuri, qui me donnaient toujours un coup de main, et Noa, qui était revenue de la capitale — quatorze personnes au total.
Puis, nous étions entrés dans le vif du sujet :
« La boulangerie de l’ours. »
« Le restaurant de l’ours. »
« La pizzeria de l’ours. »
« L’Ours et le Pudding. »
« Le restaurant de l’ours. »
« L’Ours avec vous. »
« L’Ours… »
« L’Ours… »
Elles étaient arrivées avec un déluge insupportable de noms d’ours.
« D’accord, alors… vous semblez toutes assez déterminés à mettre ours dans le nom. Pourquoi ? »
Je savais déjà pourquoi, mais j’avais quand même demandé. Peut-être qu’elles allaient me donner une réponse inattendue.
« Je veux dire… »
« Yuna… »
« Uhh… »
Tout le monde m’avait fixée. Bon, d’accord. C’était ma boutique, d’où le truc de l’ours. Ça ressemblait quand même beaucoup à une répétition de l’histoire de Kumayuru et Kumakyu. Mais je n’allais pas leur dire non, et je m’en fichais un peu. Dans mon monde d’origine, il y avait aussi des magasins avec « ours » dans leur nom. Ça m’avait juste un peu déprimée d’entendre tout le monde le dire à voix haute.
« Eh bien, que pensez-vous de “La boutique de l’aventurière Yuna” ? », se risqua Helen
« Non ! », l’avais-je coupée. D’une certaine manière, ça sonnait trop fade. Si nous allions dans cette direction, alors « La boulangerie de Morin » ferait tout aussi bien l’affaire.
Quand je l’avais dit à Morin, celle-ci l’avait gentiment écarté en disant : « C’est ta boutique. »
« Je pense qu’il doit y avoir “ours” dedans », dit Karin.
Noa hocha la tête.
« C’est vrai. Parce que c’est la boutique de Yuna. »
Tout le monde fit un signe de tête à Noa. Il fut alors décidé que l’ours serait utilisé dans le nom, et tout le monde commença à proposer de nouvelles idées. On dirait que j’étais coincée avec « ours ». Peut-être que les autres étaient aussi mauvaises que moi pour nommer les choses.
Ours ? C’est bon. Mais qu’en est-il du reste du nom ? Personne ne pouvait décider.
« Et si on choisissait d’abord l’uniforme du magasin ? J’ai réfléchi à quelques idées. », lâcha Milaine.
J’avais cligné des yeux : « Un uniforme ? »
« Il faut qu’ils portent quelque chose lorsqu’ils servent les clients. »
Je me souvenais bien avoir vu une fois des employés d’un grand magasin de la capitale porter des choses qui ressemblaient à des robes tabliers. C’était un look plutôt mignon. Peut-être que des vêtements de bonne et de majordome fonctionneraient dans un monde fantaisiste ? J’avais essayé d’imaginer les enfants dans ces vêtements. Hmm.
J’avais hoché lentement la tête.
« C’est une bonne idée, les uniformes. »
« N’est-ce pas ? J’ai donc fait un ensemble juste pour essayer », Milaine sortit un uniforme plié de son sac d’objets et l’étala.
« Est-ce un ours ? »
« Si c’est ta boutique, Yuna, il fallait bien que ce soit un uniforme d’ours. »
En disant ces mots redoutés, Milaine mit les vêtements d’ours en évidence. Ugh. Je n’étais pas littéralement une ourse, et je ne voulais vraiment pas que cela devienne ma marque pour toujours.
Milaine pivota jusqu’à ce que ses yeux se posèrent sur l’une des orphelines.
« Miru, ne veux-tu pas essayer ça ? », demanda-t-elle à la fille.
Allez, c’est impossible que ça marche. Même Miru ne porterait pas une tenue aussi embarrassante.
« Oooh ! Puis-je vraiment ? ! »
Mais Miru semblait ravie. Aucun dégoût, aucune horreur sur son visage. En fait, certains des enfants la regardaient avec jalousie.
« Tu as tellement de chance. »
« Pas juste ! »
« Ooo ! Moi la prochaine ! »
Mais… mais… ! Argh ! Miru avait l’air extatique quand elle prit l’uniforme d’ours et les autres enfants étaient verts de jalousie. Peut-être que j’étais l’intruse ?
Je m’étais frotté les tempes.
« Tu n’es pas gênée ? »
« Bien sûr que non. Je vais te ressembler, Yuna. Je suis si heureuse. »
Les autres enfants avaient hoché la tête. Était-ce à cause de l’histoire du « sauvetage de l’orphelinat » ? Ils ne me faisaient pas passer pour un héros ou quelque chose comme ça, non ? Miru avait commencé à se changer immédiatement, jetant ses vêtements pour enfiler l’uniforme.
« Miru, arrête ! », avais-je dit.
Elle inclina alors la tête vers moi.
« Trouve un vestiaire ou autre chose. »
Milaine hocha la tête.
« C’est vrai. Tu deviens trop âgée pour ce genre de choses. Viens avec moi. »
Milaine s’était levée et avait conduit Miru dans une des pièces du fond. Miru avait déjà douze ans, il fallait vraiment qu’elle se fasse une raison sur ce genre de choses. Les garçons étaient peut-être plus jeunes qu’elle, mais ils restaient des garçons, et ils vieillissaient. Je suppose que j’aurais besoin de désigner des vestiaires.
Après un moment, Miru était revenue avec l’uniforme. Il ressemblait beaucoup à mon body d’ours, jusqu’à la capuche. Il y avait même une petite queue sur ses fesses pour compléter le look mignon. Je suppose que ce n’était pas vraiment un uniforme, mais plutôt une parka d’ours ? Allaient-ils vraiment porter ça au travail ?
« Qu’est-ce que vous en pensez ? »
Miru avait l’air ravie alors qu’elle tournait lentement sur place pour montrer l’uniforme. Pourquoi était-elle heureuse de cette chose ?
« C’est vraiment très beau. »
« Eeeee ! Tu es si chanceuse. »
« Migonnnnnne. »
Elle était couverte d’éloges de toutes parts. Ce n’était vraiment pas mal. C’était mignon. Mais, je voulais dire, allez. Un uniforme d’ours. Je voulais y mettre un terme, mais je ne pouvais pas me résoudre à dire quoi que ce soit. C’était franchement trop adorable.
Pourtant, je sentais que quelque chose manquait. J’avais regardé Miru de haut en bas. Oh ? C’est vrai… ça semblait bizarre parce que Miru n’avait pas de chaussures. Quand Milaine remarqua que je fixais les pieds de Miru, celle-ci fouilla dans son sac d’objets comme si elle se souvenait de quelque chose.
« Miru, essaye ça. »
Elle sortit de son sac des chaussures qui ressemblaient beaucoup aux miennes. Elles étaient toutes deux noires pour aller avec les vêtements, contrairement aux blanches et noires des miennes. Miru enleva ses chaussures et mit celles de Milaine. Elle était en ours de la tête aux pieds.
Tiermina rit : « Oh, mon Dieu, tu leur as même fait des chaussures ! »
La foule était bouche bée.
Milaine secoua la tête : « J’ai demandé à quelqu’un d’autre de les faire. Mais elles sont belles, n’est-ce pas ? »
Les petits pieds de Miru étaient emmitouflés dans les chaussures qui ressemblaient terriblement aux miennes. Bon sang, je savais que Milaine était une fonceuse, mais là, ça semblait un peu extrême.
« Honnêtement, » continua Milaine, « J’ai aussi envisagé d’acheter des gants, mais ils m’empêcheraient de cuisiner et de servir, alors je me suis contentée des chaussures. À moins que tu ne veuilles les gants. »
Elle m’avait lancé un regard plein d’espoir.
« Je pense que c’est mieux sans gant. »
Milaine avait réussi à ne pas avoir l’air trop déçue.
« Comment tu les trouves, Miru ? »
« Très agréable ! »
Miru sautillait pratiquement dans la boutique dans ses chaussures d’ours.
« Ils vont vraiment travailler en portant ça ? », avais-je soupiré.
« Tant que vous donnez votre permission », dit Milaine.
« Yuna, je veux les porter. S’il te plaît, s’il te plaît ? », me supplia Miru.
Hmm. Eh bien, ce n’est pas comme si je les portais. (Attends, je portais des trucs d’ours, n’est-ce pas ? Zut.)
« Si vous êtes toutes d’accord avec ça, alors je suppose que c’est bon. », avais-je dit.
Tant que les enfants étaient heureux, alors peu importe. Ce n’était pas comme si quelqu’un les obligeait à porter ces trucs débiles.
« Je suis d’accord avec ça », dit un des garçons.
« Moi aussi », dit un autre.
« Moi aussi ! »
Attendez, les garçons aussi ? Ce serait mortifiant quand ils y repenseraient plus tard. Eh bien, pas de retour en arrière, les garçons.
« On dirait qu’on va porter l’uniforme d’ours », dit Milaine en chantant.
« Attendez un peu. Ça veut dire que je dois porter ça ? », dit lentement Karine.
Elle était silencieuse, mais maintenant elle désignait l’uniforme de Miru.
C’est vrai. Les enfants n’étaient pas les seuls travailleurs. Si Karine devait aussi s’occuper de la boutique, elle devrait aussi porter l’uniforme au travail.
« C’est mignon sur les enfants, mais je ne suis pas sûre que ce soit pareil pour moi… »
Karin avait 17 ans, non ? Si on était au Japon, elle serait en deuxième année de lycée. Je suppose que cette tenue serait embarrassante à cet âge.
« Je pense qu’elle t’ira très bien, Karin. »
« Mais Mlle Milaine, tu ne la porterais pas toi-même, hein ? »
« Eh bien, j’ai une vingtaine d’années, donc ça n’irait pas. Mais je pense que tu as le bon âge pour le porter. Ça t’ira très bien, profite en tant que tu le peux ! »
« Il n’y a aucune chance que je puisse servir les clients dans cette tenue embarrassante ! »
Wôw. Je devais garder cette « tenue embarrassante » tout le temps parce que je perdrais mes pouvoirs si je ne le faisais pas. Et je ne devais pas seulement servir les clients dans cette tenue — j’avais vaincu des méchants, tué des monstres, j’étais allée à la capitale et j’avais même rencontré le roi, tout ça habillé en ours.
« Comme je vais faire du pain avec ma mère, dans la cuisine, je pourrais être dispensé de porter ça ? »
« Les enfants ne peuvent pas servir les clients sans surveillance. Et n’es-tu pas censée être responsable de l’étage, Karin ? », avais-je dit.
Nous en avions déjà discuté. Morin s’occuperait de la cuisine, tandis que Karin gérerait la devanture et donnerait des instructions aux enfants.
« Mais… »
Karin nous avait lancé un regard désespéré.
« Pff. Heh. Bwahahahahah ! », Milaine éclata alors de rire.
Karin cligna des yeux.
« Mme Milaine ? »
« C’était juste pour les enfants. Mais si vous voulez le porter, je peux vous arranger ça. »
« Ugh, je préfère mourir. »
Ça semblait un peu trop.
« Mais, je me demande si je ne pourrais pas te faire porter au moins un bonnet d’ours ? », dit Milaine
En tout cas, Karin semblait soulagée après avoir réalisé qu’elle n’aurait pas à porter l’uniforme et Milaine semblait ravie à la vue de l’apparence oursonne de Miru.
« Merci beaucoup pour le modèle, Miru. »
Quand j’avais demandé combien les uniformes coûteraient, Milaine m’avait dit qu’elle s’en chargeait, mais je ne pouvais vraiment pas la laisser faire. De plus, j’aurais probablement besoin de quelques pièces de rechange. Nous nous étions donc arrangés pour que je paie les extra.
« Mais comment nommeras-tu la boutique ? », demanda Fina, nous ramenant au sujet principal. Après une longue discussion, nous nous étions mis d’accord sur un nom.
« L’Antre de l’Ours ».
Nous y voilà. C’était agréable, chaleureux et relaxant. Prenez une pizza et hibernez un peu, pourquoi pas ?
***
Chapitre 78 : L’ours ouvre sa boutique
Maintenant qu’on avait notre nom, Milaine l’avait fait mettre sur une enseigne de la guilde du commerce… ou elle allait le faire, mais quelqu’un avait mentionné qu’une enseigne pour un « Antre de l’ours » devait avoir un signe ours. Comme ma maison d’ours, elle devait avoir l’allant immédiat d’un gros ours.
« Suis-je censée le faire comme ça ? » (Comme d’habitude, je suppose.)
« Si on demandait à un artisan de le faire, ça prendrait du temps. Vous ne pouvez pas le faire, Yuna ? »
Hmm. Elles savaient déjà que je pouvais faire toute une demeure sur le thème de l’ours.
« Il y a déjà un bâtiment ici, donc je ne peux pas le faire exactement comme ma maison. »
« Nous vous laissons le soin de régler les détails, Yuna, d’autant plus qu’aucune d’entre nous ne sait exactement ce que vous pouvez faire en utilisant votre magie. »
Et ce fut ainsi que j’avais été chargée de rendre ma propre boutique plus « ours ». Ce qui voulait dire… quoi, exactement ? Elle avait déjà un extérieur, et je n’allais pas tout démolir et recommencer. Quelle plaie !
Après la réunion du jour, chacune était retournée à son travail ou à sa maison — Milaine et Tiermina étaient allées à la guilde du commerce pour négocier l’enseigne et les uniformes, Morin et Karin étaient allées dans la cuisine pour nettoyer, Miru et les autres orphelins avaient ramené à l’orphelinat le pain qu’ils s’étaient entraînés à cuire. Helen était rentrée chez elle et Lala, la bonne, était venue chercher Noa. À la fin, Fina et Shuri étaient les deux seules restantes.
« Maintenant que vous faites une boutique, vous allez pouvoir manger du pudding quand vous voulez ! », s’était exclamée Fina.
« Pas vraiment. Ça dépend de la quantité d’œufs qu’on a. »
Comme je devais vendre des œufs en gros à la guilde du commerce à intervalles fixes, Tiermina et Milaine allaient s’en occuper. Fina savait aussi comment faire du pudding pour elle-même, elle n’avait donc pas besoin de se rendre à la boutique.
« Hé, les filles ? À quoi ressemblerait un magasin d’ours, d’après vous ? »
« Des ours ! », cria Shuri tout en sautant de haut en bas.
Fina acquiesça.
« Et si on la décorait avec des ornements en forme d’ours ? »
Des décorations en forme d’ours, hein ? J’avais fait la maison d’ours, donc je suppose que je pourrais faire quelque chose comme ça en utilisant la magie.
Dans un premier temps, j’avais installé deux statues d’ours à l’entrée. J’avais rassemblé le mana dans mes marionnettes d’ours et les avais imaginées. Dans mon monde, il y avait ces mignonnes figurines de la culture pop, les Nendoroid, avec des petites têtes qui représentaient environ deux cinquièmes de leur taille.
J’avais utilisé de l’argile comme support. De la couleur serait bien, alors j’avais utilisé la magie pour rassembler différentes teintes de terre. Ce n’était pas vraiment un joli arc-en-ciel de couleurs, mais c’était mieux qu’une pure couleur argileuse. Si jolie et mignonne…, nous avions une mignonne statue d’ours Nendoroid.
« C’est trop mignon. »
« Ours ! »
Les deux s’étaient précipités pour roucouler sur l’ours en forme de Nendoroid.
« Vous pensez que ça a l’air bien ? »
« Ouais. C’est tellement mignon que je vais imploser ! »
Et les testeuses se déchaînaient ! J’avais installé mes ours mignons au deuxième étage et à l’extérieur pour qu’ils se démarquent. Mais, hmm… oui, les statues d’ours étaient jolies et tout, mais quand j’avais regardé à nouveau le bâtiment de face, je ne pouvais toujours pas dire quel genre d’établissement c’était censé être. Comment les passants étaient-ils censés savoir pour notre pain aux ours ? J’étais retournée à l’avant du bâtiment et j’avais fait un ours géant tenant une énorme miche de pain.
Comme on le faisait dans le cadre d’une boulangerie.
Après avoir décoré l’extérieur du bâtiment, je m’étais dirigée vers le jardin. Nous avions opté pour un café en plein air. Tout le monde était d’accord pour dire que la nourriture était meilleure à l’air libre. Je m’étais mise au travail afin de fabriquer des ours pour le jardin, en mélangeant un peu pour varier les plaisirs. J’avais fait un ours qui s’appuyait contre un arbre, un ours qui lançait un coup de poing, et une maman ours avec son petit. Oh, et il fallait bien un mignon ours endormi.
Whoa. Je suis une artiste maintenant ? Est-ce que ça compte ?
Shuri s’était précipitée et s’était accrochée à l’ours endormi.
« Shuri, tu vas salir tes vêtements. »
Fina avait traîné Shuri jusqu’à moi.
« Mais l’ours », fit remarquer Shuri.
Shuri semblait réticente à partir, mais j’avais fini avec la terrasse du café et j’avais conduit les deux à l’intérieur.
« En fais-tu aussi pour l’intérieur de la boutique ? », demanda Fina.
« Ehh. C’est possible. Où devrais-je les faire ? »
Le magasin était rempli de tables et ce n’était pas comme si je pouvais en faire au milieu des allées.
« Tu n’as pas besoin de les faire trop grandes. Peut-être des petites ? »
Ce n’était pas une mauvaise idée. J’avais inspecté l’intérieur de la boutique et j’avais regardé les tables. Peut-être là ? Je m’étais approché d’une table et j’avais fait apparaître une petite statue d’ours chibi de type Nendoroid en son centre.
« C’est un petit ours », s’émerveilla Shuri. Elle s’était avancée sur sa chaise et lui avait donné un petit coup.
« Shuri, pas de contact. », prévint Fina
« Mais… c’est un joli ours. »
Il était peut-être trop mignon. Je ne voulais pas d’histoire d’ours ici, alors j’avais ajouté un peu de magie pour attacher l’ours à la table.
« Il ne s’enlèvera pas, même si tu l’abîmes », avais-je dit à Shuri.
Celle-ci avait donné un coup, mais il n’avait pas bougé d’un pouce. Ça devrait empêcher tout incident de vol d’ours, non ?
J’avais installé d’autres ours dans des poses amusantes sur les autres tables, dont un ours debout, un ours qui se bat, un ours qui dort, un ours qui court, un gros tas d’ours, un ours qui danse, un ours qui brandit une épée, un ours qui mange du poisson, un ours qui boit du miel et un ours qui fait un câlin. Les tables terminées, je m’étais mise au travail sur les murs : des ours s’étaient balancés en bas des murs, avaient escaladé des piliers, avaient aiguisé leurs griffes dans les coins. Comment appelle-t-on un endroit rempli d’ours, d’ailleurs ? Une école d’ours ? Une meute ? Une ourserie ?
Karin était descendue de l’étage.
« Yuna, qu’est-ce que vous faites ? »
« Des ours », avais-je dit.
Karin regarda autour d’elle les ours chibi qui décoraient la boutique.
« Oui, franchement… Et ils sont mignons. Ce genre d’ours ne me ferait pas peur même si je les croisais dans les bois. »
Elle en poussa un sur une table.
« Tu crois qu’on va avoir des clients ? »
Eh bien, c’était une toute nouvelle boutique dans un endroit peu connu, servant une cuisine peu familière. Je suppose que c’était une préoccupation.
« Je pense qu’ils viendront. De plus, j’ai demandé une campagne de publicité qui soit une véritable attraction. Et avec le pain de Morin et la pizza, le pudding, les chips et les frites… je pense qu’on est bon. »
« Les chips et les frites étaient délicieuses. Oh, et le fromage allait très bien avec le pain. »
J’avais vaguement hoché la tête.
« Je suis néanmoins un peu inquiète quant à la quantité de fromage que nous avons en stock. Nous pourrions ne pas avoir assez pour répondre à la demande. »
Nous avions besoin de fromage pour le pain et la pizza, nous en avons donc utilisé des tas. Je m’inquiétais également de notre approvisionnement en pommes de terre pour des raisons similaires.
« Où achetez-vous le fromage ? », demanda Karine.
« À un vieux type à fromage. Il est venu à la capitale pour le vendre. »
« Attends, il n’était pas de la capitale ? Mais alors… »
« Ce n’est pas grave. J’ai demandé où il habitait, comme ça on pourra aller dans son vieux village à fromage si on veut. »
« Et pour les patates ? »
« Elles devraient être livrées à l’orphelinat un peu après le mois prochain, mais je vais aller en acheter si on a besoin. »
C’était pénible de devoir sortir, alors j’espérais que les pommes de terre arriveraient à temps. Mais, d’après Fina, des vendeurs de pommes de terre venaient parfois en ville. J’avais demandé à Tiermina de vérifier cela. Si tout allait bien, nous pourrions peut-être vendre toutes les pommes de terre juste à temps pour l’arrivée du nouveau lot.
Nous avions prévu d’ouvrir dans dix jours. L’enseigne et les uniformes seraient heureusement faits avant. Je bombardais les guildes de marchands et d’aventuriers de prospectus publicitaires. Tout était prêt.
Il ne me restait plus qu’à compter sur le travail des enfants.
Tout le monde était devenu fou des figurines d’ours. Milaine m’avait même demandé d’en faire un à côté du panneau. Je n’avais pas pu me résoudre à refuser, alors j’avais fini par sculpter un ours qui s’accrochait au bord de l’enseigne. Parfois, on avait l’impression que c’était Milaine qui dirigeait vraiment la boutique, tant elle prenait l’initiative afin de s’occuper de toutes les formalités et négociations ennuyeuses. Elle s’occupait de la vaisselle et d’autre chose, et elle avait même obtenu des ingrédients pour nous à prix réduit. Je ne pouvais donc vraiment pas dire non à tout ce qu’elle demandait. Ce n’était pas que ça me dérangeait, vu à quel point elle était serviable, mais je me demandais comment se passait son vrai travail.
À chaque fois que j’avais demandé, elle disait quelque chose comme : « Tout cela relève du travail de la guilde du commerce, donc il n’y a pas de problème. »
Les enfants étaient ravis des uniformes dès qu’ils furent arrivés. Nous en avions même des supplémentaires et quelques un pour Fina et Shuri, qui aideraient.
J’avais demandé aux enfants de s’exercer aux mathématiques et de mémoriser les noms des menus et leurs prix. Ils avaient ensuite appris à tout cuisiner et nous nous étions entraînés à accueillir les clients. Mon armée d’orphelins joyeux s’était consacrée à l’étude sans une seule plainte.
Et finalement, le jour d’ouverture était venu. Tout le monde était nerveux. Les enfants étaient agités et n’arrêtaient pas de jeter des coups d’œil dehors. Je pense que Morin et moi étions les seules à ne pas paniquer. Quand l’heure d’ouverture était arrivée, on ouvrit les portes et… personne.
« Personne ne vient. »
Karin regarda l’entrée. Il n’y avait aucun signe de personne.
« On vient juste d’ouvrir. »
Les enfants avaient l’air déçus après s’être échauffés.
Peut-être n’avais-je pas fait assez de publicité ? J’avais au moins demandé à Milaine et Helen de mettre respectivement plus de tracts dans les guildes des marchands et des aventuriers. Nous avions même demandé à des amis d’en mettre aussi.
Un peu après l’ouverture du magasin, notre premier client était enfin arrivé.
« Hey, donc. Ahem. Bonjour. »
Le maître de la guilde des aventuriers avait redressé sa cravate.
« Bienvenue. »
Normalement, les enfants servaient les clients, mais comme c’était le maître de la guilde, j’avais décidé d’être son hôtesse.
« Quel petit endroit excentrique vous avez là », avait-il dit en regardant le magasin, rempli de figurines d’ours et d’enfants en uniformes d’ours.
« Est-ce que c’est trop ? », avais-je demandé.
« Vous voulez parler des ours à l’extérieur et à l’intérieur ? Ils feraient certainement réfléchir certaines personnes, mais je pense qu’ils attireraient aussi des gens par curiosité. »
Eh bien, ils se démarquèrent, c’est sûr. Espérons que l’ours porteur de pain l’aide à ressembler davantage à une boulangerie.
« Alors, que puis-je vous servir ? », avais-je demandé une fois qu’on avait atteint le comptoir.
« Des recommandations ? »
« La pizza, le hamburger et les pains sont des repas, et les articles à base de pommes de terre sont censés être des collations. Le pudding est pour le dessert. Consultez votre estomac et revenez me voir. »
Nous avions mis en place un système pour que vous commandiez et payiez au comptoir arrière, et que vous y récupériez aussi la nourriture. Ils devaient cependant attendre un peu pour la pizza.
« Je vois. Dans ce cas, je vais prendre la pizza puisque Helen m’a dit que c’était bon. »
« Et que voulez-vous boire ? La pizza est un peu huileuse, donc je recommande quelque chose de rafraîchissant. »
« Alors, le jus d’oran. »
Il termina sa commande et paya. Quelques minutes plus tard, Morin fit cuire la pizza et les enfants l’apportèrent aussitôt.
« Est-ce une pizza ? »
Le maître de la guilde regarda la pizza comme si c’était une sorte de scène de crime à base de gluten. Puis il hocha la tête, l’accepta ainsi que le jus d’oran, et se dirigea vers un siège.
« Ça commence », dit-il doucement, et… il prit une bouchée. Puis il en prit une autre. Et une troisième. L’inertie s’était installée.
« Oh, mon dieu, c’est… quelle merveille ! »
En un clin d’œil, il consomma toute la pizza et, quelques secondes plus tard, vida le verre de jus d’oran.
« Je suis content que ce soit à votre goût. »
« Oui, oui. Les autres trucs. Comment est-ce ? Est-ce aussi bon ? »
Son œil avait tressailli.
« Je crains que vous ne deviez en décider vous-même. Chacun a ses préférences. »
« Très bien, comment puis-je ajouter quelque chose à ma commande ? »
« Vous pouvez retourner au comptoir comme tout à l’heure pour en acheter plus. »
« Génial. »
Le maître de guilde se leva et commanda un hamburger au comptoir. Il savoura chaque bouchée. Il était pratiquement rayonnant au moment de partir.
Le temps passa et, heureusement, les gens arrivèrent petit à petit. Peut-être avions-nous ouvert au mauvais moment, mais nous avions commencé à avoir plus de clients à l’approche de l’heure du déjeuner.
J’avais probablement dû remercier le maître de guilde et Helen, car un groupe d’aventuriers était passé. Certains d’entre eux s’étaient moqués des statues d’ours, mais ils se turent après avoir reçu un regard furieux de l’Ours sanglant elle-même et ils avaient tranquillement passé leurs commandes — pizza et pain. L’Ours Sanglant recommanda des frites et du pain. Ils obéirent. Après avoir fini de manger, ils étaient repartis, satisfaits de leur repas et surtout pas terrifiés par moi.
Après cela, des clients réguliers étaient venus en suivant les conseils de Milaine et des tracts. Dans l’ensemble, ce n’était pas un mauvais départ, non ?
… pour ne pas dire plus. Car au lieu d’avoir moins de clients après le rush du midi, nous en avions plus. Apparemment, les clients qui mangeaient ici pendant le déjeuner avaient fait connaître la boutique.
Les statues d’ours invitaient aux commérages, le pain salé invitait à la clientèle, et le pudding donnait à notre patronage un bonus de 1,75× au moins. Comme je ne savais pas combien nous allions vendre et qu’il y avait le problème de l’inventaire des œufs, j’avais fait trois cents puddings, mais le stock faiblissait. Même si les œufs étaient beaucoup moins chers qu’avant, le prix des puddings restait assez élevé. Peu importe, car les clients (surtout les filles) continuaient à les acheter les uns après les autres. Personne ne s’était soucié de la limite d’un par client, et certains en avaient acheté trois ou quatre en douce.
Puis vint la ruée vers l’après-travail (les aventuriers). Le maître de guilde et Helen s’étaient complètement surpassés avec leur publicité. Nous avions épuisé nos réserves de pudding et nous nous étions retrouvés avec une tonne de clients déçus qui avaient pris la porte. Le pain que nous avions sous la main s’était immédiatement vendu, et même si les enfants avaient aidé Morin à cuire de nouveaux pains, il y avait trop de commandes. Même Fina avait dû participer et aider.
J’avais commencé à faire attendre les clients, juste au cas où il y aurait un problème. Karin et les enfants ne seraient pas en mesure de gérer la faim de pudding des aventuriers violents.
J’espérais laisser mon personnel manger après la ruée du midi, mais nous n’avions même pas le temps pour ça. Sans assez d’ingrédients pour servir le dîner, nous avions fini par fermer plus tôt.
***
Chapitre 79 : L’ours soumet une quête à la guilde des aventuriers
« Je suis morte. M-O-R-T-E. Décédée. »
« Siiiii fatiguééééeee… »
On s’était étalés sur les chaises du magasin, complètement épuisées. Même les enfants, toujours aussi énergiques, semblaient épuisés.
« Je n’aurais jamais pensé que nous aurions autant de clients, » dit Morin en sirotant son thé avec un sourire crispé.
« Pourquoi y en avait-il autant ? Crimonia n’a-t-elle pas de boulangerie ? » demanda une Karin légèrement étouffée parce que son visage était écrasé contre la table.
« Nous en avons une, mais je ne sais pas combien de temps elle va rester maintenant que tout le monde a goûté à la pâtisserie de Morin. »
Au moment où j’avais fait l’éloge du pain de Morin, Karin s’était réjouie.
« Votre pizza et votre pudding se portaient plutôt bien aussi. Je ne me souviens même plus du nombre de pizzas que nous avons cuites. », avais-je ajouté
Le pain de Morin n’était pas la seule chose qui s’était envolée des étagères — la pizza, le pudding et les frites aussi.
« Mais ça ne peut pas continuer comme ça, sinon nous allons mourir à la tâche demain. »
J’étais d’accord. Non seulement les clients pullulaient, mais les ingrédients s’amenuisaient.
« Morin, comment ça s’est passé en cuisine ? »
« Nous préparons le pain la veille et le faisons cuire tôt le matin. Si nous devons augmenter la production, j’aimerais vraiment avoir quelques fours de plus. Comme ça, je pourrais cuire plus de pains simultanément. »
Plus de fours ? C’était du gâteau.
« De cette façon, » poursuit-elle, « nous pourrions cuire des pizzas au fur et à mesure des commandes, et cuire le pain populaire lorsque nous avons besoin de suppléments. Nous avons réussi aujourd’hui uniquement grâce à l’aide des enfants. Mais la préparation pour demain sera un calvaire si on se retrouve avec le même nombre de clients. Nous devrons avoir beaucoup de choses prêtes, sinon nous nous retrouverons dans la même situation qu’aujourd’hui. Le fait de ne pas avoir le temps de faire une pause est aussi un problème. »
C’est vrai. Si elle préparait le pain la veille, se levait à l’aube pour le cuire et ouvrait juste après l’avoir terminé, elle n’aurait pas le temps de se reposer. De plus, plus ils seraient fatigués, moins ils seraient efficaces et plus ils seraient susceptibles de faire des erreurs.
« Et si on ouvrait plus tard ? Nous avons plus de clients qui arrivent à l’approche du déjeuner. Si nous utilisions ce temps d’avance pour le travail de préparation, tout le monde pourrait déjeuner avant l’ouverture. Nous ne nous retrouverons pas avec les mêmes problèmes qu’aujourd’hui. », avais-je demandé.
J’avais pu faire en sorte que les enfants aient quelque chose à manger aujourd’hui, mais Morin, Karin et moi-même n’en avions pas.
« Cela nous aiderait. J’aimerais aussi donner aux orphelins un peu de temps libre. »
Morin regarda alors les enfants. Ils s’assoupirent sur leurs chaises. Ils avaient été sur les nerfs toute la journée et étaient probablement épuisés.
Pour ce qui est de l’heure de fermeture, j’avais dit : « Je pense que nous devrions allouer une certaine quantité d’ingrédients par jour et, une fois qu’ils sont épuisés, nous devrions fermer. »
Morin faisait du pain supplémentaire chaque fois que nous faisions une vente. Puisque nous faisions les choses de cette façon, la cuisson du pain ne connaîtra jamais de fin.
« Es-tu sûre ? »
« Je veux dire, je ne fais pas ça pour devenir riche. Tant que vous pouvez garder votre boulangerie en activité et que les enfants peuvent travailler, qui s’en soucie ? Et de toute façon, je ne perdrais pas d’argent. Si nous avons autant de demandes, je pense que c’est bon. »
« Oui », dit Tiermina.
Elle avait pris des nouvelles de nous tout au long de la journée et s’était même jointe à nous.
« Nous faisons plus qu’assez de bénéfices. Mais le magasin aura quelques dépenses, donc je pense que nous devrions économiser autant que possible. »
« Vous n’avez pas à vous inquiéter pour ça. »
« Si je ne m’en faisais pas, où cela te mènerait-il ? »
Tu ne vois toujours rien, Tiermina. J’avais encore l’argent que j’avais gagné dans mon monde d’origine et l’argent que j’avais gagné en tuant des monstres. Tant qu’on ne perdait pas d’argent, tout allait bien. Mais je l’avais laissée faire.
« De plus, les ingrédients sont limités. Ce n’est pas comme si on pouvait les sortir de nulle part. Si nous continuons à utiliser les œufs, le fromage et les pommes de terre à ce rythme, nous allons en manquer tout de suite. C’est pourquoi nous devons délibérément doser la quantité que nous utilisons pour une journée. », avait-elle poursuivi
Hmm. Si on avait une quantité fixe de tout ce qu’on utilisait par jour, ça faciliterait aussi le réapprovisionnement.
« C’est vrai. À part la farine, beaucoup de choses que nous utilisons sont difficiles à se procurer. Nous ne pouvons pas non plus réduire davantage le nombre d’œufs que nous vendons par le biais de la guilde commerciale. »
Nous avions réduit la quantité d’œufs que nous vendions en gros à la guilde pour l’ouverture du magasin, et nous avions déjà atteint la limite de notre potentiel de production de pudding. Nous devions également traiter précieusement nos pommes de terre et nos puddings jusqu’à ce qu’une occasion de nous approvisionner se présente.
Si nous voulions offrir plus de produits, nous devions garantir que nous avions assez d’ingrédients. Je n’aurais jamais pu imaginer que nous aurions autant de clients le premier jour.
« Aussi, tous les six jours de travail, nous aurons un jour de congé. », avais-je dit
« Un jour de congé ? »
Les gens de ce monde ne prenaient généralement pas de jour de congé. Je n’avais jamais vu les restaurants ou les auberges prendre des vacances. En échange de cela, ils se créaient des créneaux de temps libre pendant les heures de travail pour faire d’autres choses. Mais nous n’avions pas eu de temps libre. Pendant que le magasin était ouvert, nous devions nous engager auprès des clients. Après cela, nous devions nettoyer, préparer, et faire toutes sortes d’autres choses.
Mais surtout, les enfants avaient besoin de pauses.
« Le jour où nous n’ouvrons pas le magasin. Vous pouvez aller faire du shopping, dormir ou autre. Ce sera un jour où vous vous reposerez pour pouvoir revenir au travail plein d’énergie. »
« Es-tu sûre qu’on doit faire des pauses ? Nous ne pourrons pas vendre autant. »
« Je préférerais vraiment qu’on prenne des jours de congé à tour de rôle, mais on n’a pas assez de personnel pour ça. »
Les enfants travaillaient dans ce monde, mais ils restaient des enfants. Ils n’étaient pas des esclaves, et je me sentais mal de ne pas les laisser se reposer. Les enfants passaient avant les profits.
« Parlons maintenant de l’étage. As-tu eu des problèmes ? », avais-je demandé à Karin. Même si je travaillais aussi à la devanture, elle était responsable de l’étage.
« Il y avait des clients qui semblaient vouloir ramener les ours à la maison. »
J’avais bien vu des clients qui essayaient d’arracher les ours des tables. Pas de chance, les gars, les nounours étaient fixés.
« Quelques clients nous ont également demandé de les vendre », déclara Karin.
« Ils ne sont pas à vendre, je pense que je vais devoir mettre un avis à ce sujet. Y a-t-il autre chose ? », avais-je demandé aux employés de l’étage.
« Certains clients étaient agacés par le temps d’attente au comptoir. »
« Alors je vais installer un autre comptoir pour demain. Il y avait beaucoup de gens qui voulaient juste du pudding, peut-être que nous devrions mettre le réfrigérateur avec le pudding à côté du comptoir pour réduire le temps d’attente. »
Nous avions discuté des points problématiques que nous avons rencontrés tout au long de la journée. Gérer une entreprise était certainement difficile. Si j’avais eu de l’expérience dans la vente de produits dans mon ancien monde, nous n’aurions probablement pas été aussi épuisés. Les seules choses qu’un ermite de quinze ans comme moi connaissait venaient des mangas, de la télévision et d’un roman léger fantaisiste occasionnel. Ce n’était pas comme si je les étudiais pour obtenir des conseils commerciaux, donc mes plans étaient pleins de trous. Pourtant, grâce aux travailleurs, nous avions passé la journée sans trop de problèmes.
Tiermina s’était levée et partit corriger les heures d’ouverture sur les tracts que nous avions distribués… mais il était peut-être trop tard pour cela. La plupart des gens étaient passés sans se rendre compte qu’il y avait des horaires. S’ils venaient pendant les mêmes heures qu’aujourd’hui, nous n’aurions pas de problème, mais il y avait une chance qu’ils essaient de passer le matin. Il y avait aussi la possibilité que d’autres problèmes surgissent. J’étais à l’affût de tout vaurien aujourd’hui, mais il y aurait probablement des choses que je ne pourrais pas voir. De plus, tous les employés étaient des femmes et des enfants. Si quelque chose arrivait, que se passerait-il si je ne pouvais pas y faire face seule ?
Je m’étais donc dirigée vers la guilde des aventuriers.
« Yuna, que fais-tu ici à un moment pareil ? », me demanda Helen. Je l’avais trouvée en sortant de la guilde.
« Vous rentrez chez vous ? »
« Oui, mon service est terminé. Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Je suis venu soumettre une quête. »
« Une quête ? »
« En quelque sorte. J’espère prévenir les problèmes avant qu’ils ne surviennent. »
J’avais donné une explication simple de ce qui s’était passé aujourd’hui : nous avions une tonne de clients de plus que prévu, nous changions les heures d’ouverture, et je voulais engager un aventurier qui pourrait protéger les enfants.
« Je suis désolée, je n’en avais aucune idée. On dirait que j’ai fait trop de publicité. », dit-elle.
« Ce n’est pas votre faute. J’ai juste fait beaucoup d’hypothèses qui… ne se sont pas passées comme je le pensais. »
« Qu’est-ce que ça a à voir avec une quête ? »
« J’ai des enfants qui travaillent dans la boutique, donc je veux engager un aventurier qui peut garder un œil sur eux pour moi. »
« Hmm. Eh bien, vous avez tous ces orphelins, donc je suppose que cela deviendrait une nécessité. »
« Oui, je pensais justement à engager un garde pour sept jours. Connaissez-vous des aventuriers qui accepteraient un tel travail ? »
« Cela dépend de la récompense de la quête. L’argent lubrifie les roues de l’aventurier, après tout. »
« De l’argent, hein ? Je ne suis pas sûre du taux du marché. »
Même si c’était un peu cher, si ça assurait la sécurité des enfants, ça valait le coup. Si les enfants étaient blessés parce que je lésinais, je ne pourrais pas faire face à la directrice. Je voulais engager un garde fort pour m’assurer que cela n’arriverait jamais.
« Cela dépend du rang dans lequel vous voulez recruter. Vous voulez quelqu’un pour garder une boutique, et les gens contre lesquels il va la garder sont des citadins moyens, non ? Alors je pense que des aventuriers de rang inférieur feront l’affaire. Mais si vous avez des problèmes avec un aventurier de haut rang, un aventurier de rang inférieur ne fera pas l’affaire. »
Je ne pensais pas que nous avions des voyous de ce genre dans le coin, mais encore une fois, cette histoire avec Deboranay s’était produite à la guilde des aventuriers, donc je ne pouvais pas complètement l’exclure.
« Yuna, Helen, que faites-vous ici ? »
Rulina, l’aventurière qui était allée tuer des gobelins avec moi, était sortie de la guilde et nous avait adressé un sourire. Les autres membres du groupe de Deboranay étaient également derrière elle. Il y avait Deboranay, que j’avais assommé, Lanz, le type qui aimait parler, et ce type silencieux, c’était Gil ? Toute l’équipe est arrivée.
Mais pourquoi Rulina était-elle dans un tel groupe ? Elle avait un faible pour les énergumènes ou quoi ?
« N’aie pas de pensées grossières, Yuna. »
Effrayante. Elle ne pouvait pas, genre, lire dans les pensées ou quelque chose comme ça… si ?
« Grossières ? Je me demandais juste pourquoi quelqu’un d’aussi joli que toi était dans un groupe comme celle-ci, Rulina. »
« Je ne suis pas un membre officiel de ce groupe, juste un intérimaire. Il suffit de regarder ce groupe, on peut dire qu’il est plein d’abrutis. », dit-elle en reniflant.
Ils en avaient l’air.
« On a fini par faire équipe temporairement, et ça a continué comme ça. »
« Tu aurais déjà dû rejoindre officiellement notre groupe », lâcha l’un d’eux.
« Pas question. Si je devais faire officiellement équipe avec quelqu’un, ce serait avec une fille adorable comme Yuna. »
Rulina s’était penchée vers moi et m’avait fait un câlin. Depuis que je l’avais portée comme une princesse cette fois-là, Rulina était devenue un peu câline avec mon costume d’ours.
« Quoi de neuf, Yuna ? »
« Je pensais soumettre une quête pour obtenir un garde pour ma boutique. »
« Oh, la nouvelle ? Tout le monde en parle. »
« En disant de bonnes choses, j’espère. Eh bien, j’étais venue afin de pouvoir la sécuriser un peu. »
Avec un rapide signe de tête à Helen, j’avais répété mon explication à Rulina.
« Donc, s’il y a des clients problématiques, j’espérais engager un aventurier qui puisse les intimider ou, genre, les détourner gentiment ou quelque chose comme ça. »
« Je vois. Alors tu veux qu’on le fasse ? »
« Vraiment ? Ce serait d’une grande aide. »
« Oui. »
« Arrête de prendre des décisions sans nous consulter, Rulina », gémit quelqu’un derrière Rulina. C’était, bien sûr…
« Deboranay ? »
« Je ne le ferai pas. »
« Si Deboranay n’y va pas, je n’irai pas non plus », s’était plaint Lanz. Gil était silencieux comme toujours.
La bouche de Rulina s’était tordue : « Vraiment ? Dans ce cas, je me retire du groupe temporaire. »
« Attends, tu quoi ? », protesta Debornay.
« Ça t’étonne ? Si vous comptez vous servir de moi quand bon vous semble et ne jamais m’aider quand j’ai besoin de vous, alors pourquoi m’embêter avec vous, fainéants ? »
Rulina se détourna d’eux.
« Yuna, est-ce qu’un seul aventurier suffit ? »
« Je vais aussi le faire », marmonna Gil.
« Vraiment ? »
« Il paraît que la bouffe est bonne. Si vous me nourrissez, je vous aiderai aussi. »
« Gil, tu vas nous trahir ? », Deboranay attrapa l’épaule de Gil.
« Elle nous a aidés il y a un moment, mec. En plus, je suis d’accord avec Rulina. »
« Merci, Gil », dit Rulina.
Gil était un homme peu loquace, mais peut-être était-il différent de Deboranay.
Les deux s’étaient regardés en silence. Deboranay fut le premier à détourner le regard.
« Va au diable ! Allons-y, Lanz. »
« Entendu, chef. »
Ils s’étaient éloignés, laissant Rulina et Gil derrière eux.
« Es-tu sûre, Rulina ? », avais-je demandé.
« Je suis sûre. J’avais prévu de partir il y a des semaines après notre petite aventure, mais ils ont pleurniché et gémi. On a fait durer les choses jusqu’à aujourd’hui, mais c’était assez tendu. »
« Quand tu décideras d’arrêter carrément d’être un aventurier, fais-le-moi savoir. Je suis en train de recruter des talents. », avais-je dit.
« Je te prendrai au mot quand je le ferai. »
Est-ce qu’elle se moquait de moi ? Parce que sinon, il y avait une tonne de choses pour lesquelles j’aimerais avoir son aide. Personnalité, compétences, à peu près tout ce qui concernait Rulina était fantastique.
« La quête, cependant, es-tu libre pour sept jours ? »
« Bien sûr. Bon sang, payez-moi juste en repas, je n’ai pas besoin de frais de quête. »
« Dommage, tu en auras quand même. Et les repas aussi. »
« Hum, s’il vous plaît, assurez-vous que vous passez tous les deux par les canaux de guilde appropriés lorsque vous acceptez cette quête », intervint Helen, qui écoutait silencieusement jusque là.
Eh, c’était assez juste. J’avais fini par soumettre une quête à la guilde, et Rulina et Gil l’avaient acceptée. Les frais de quête consistaient en des repas à l’Antre de l’Ours et quelques pièces d’argent.
Après avoir soumis la demande de garde sans problème, j’étais rentrée à la maison d’ours. Même si je ne faisais que des trucs en coulisse (l’ermite que je suis), c’était une journée fatigante. J’avais pris un bain d’ours et j’avais chassé la fatigue. Ahh. C’était ça le truc. J’étais sortie, j’avais mis mes vêtements blancs d’ours et je m’étais glissée dans mon lit.
***
Chapitre 80 : L’ours ouvre sa boutique – Jour 2
Quand j’étais allée au magasin le lendemain, Rulina et Gil étaient déjà là.
« Bonjour, les gars. »
« Bonjour, Yuna. C’est exactement comme les rumeurs l’ont dit. », dit Rulina. (Gil avait juste grogné.)
« Quelles étaient les rumeurs ? Vous les avez mentionnées hier aussi, n’est-ce pas ? »
« Il n’y a rien d’étrange. C’est juste que la rumeur qui s’était répandue disait que l’aventurière ourse a ouvert une boutique, et que c’était apparemment un manoir, et qu’il y avait des décorations bizarres en forme d’ours, et qu’une bonne odeur se dégageait de l’intérieur, et que les enfants qui y travaillent te ressemblaient exactement. Ce genre de rumeurs. »
Tout cela était vrai, mais l’entendre à voix haute était… étrange.
« Qu’est-ce qu’on est censés faire ? », demanda-t-elle.
« Comme je l’ai expliqué hier, si des clients passent, dites-leur que nous ouvrons dans l’après-midi. Et s’il vous plaît, gardez un œil sur les choses pour vous assurer qu’il n’y aura aucun problème quand le magasin ouvrira. Je ne pense pas que quelqu’un veuille faire du mal aux enfants, mais il vaut mieux prévenir que guérir. »
« Très bien. Nous avons Gil ici, je ne pense pas que quelqu’un va nous répondre. S’ils le font, ils se calmeront avec juste un regard de notre gars. »
Rulina frappa le dos nerveux de Gil. On dirait qu’elle l’avait frappé assez fort, mais il n’avait même pas bronché.
« Ok, mais ce sont toujours des clients, alors s’il vous plaît, ne leur donnez pas de coups de pied aux fesses. »
« Oh, bien sûr que non. Pas les civils. On va juste les menacer un peu. »
« S’il y a quelque chose que la menace ne peut pas gérer, appelez-moi. Je m’en occuperai. »
Je leur avais confié l’extérieur et j’étais entrée dans la boutique. L’intérieur débordait de l’odeur appétissante du pain frais. Morin et les enfants s’affairaient dans la cuisine. Pendant que Morin et sa fille cuisinaient, elles donnaient des instructions aux enfants qui, à leur tour, travaillaient de leur mieux. Il y avait de vrais futurs boulangers parmi ces petits gars.
« Bonjour, mademoiselle ! »
Quand l’un d’entre eux me remarqua, les enfants me saluèrent avec énergie… mais ils avaient quand même tous l’air assez fatigués. Morin et Karin étaient habitués à cela, mais les enfants ne l’étaient absolument pas. Ils avaient probablement travaillé tard dans la nuit hier pour préparer les choses pour aujourd’hui. En plus de cela, ils étaient occupés dès l’aube.
Ils pourraient se reposer après avoir cuit le pain jusqu’à l’ouverture du magasin… mais comme leur travail impliquait du feu et de l’huile, il serait dangereux de les laisser travailler alors qu’ils étaient fatigués. J’avais traversé la cuisine et j’avais posé mes mains d’ours sur la tête des enfants.
« Fille-ours ? »
L’une des filles pencha la tête sur le côté au moment où j’avais posé ma main sur sa tête.
« Guéris. Tiens bon, juste un peu plus longtemps. », avais-je dit.
J’avais utilisé la magie de reconstitution de l’endurance sur tous les orphelins. Ça leur avait permis de tenir un moment, mais ils inclinaient la tête sur le côté, perplexes, comme s’ils ne comprenaient pas ce qui venait de se passer. Finalement, j’avais fait un tour complet de la boutique et j’étais retournée voir Rulina. Dès que j’étais sortie, j’avais surpris Rulina en train de discuter avec un client pour lui expliquer la situation. Le client avait obéi et était rentré chez lui après avoir entendu ce qui se passait.
« Tout va bien ? »
« Oui, une fois que j’ai expliqué les choses, ils rentrent directement chez eux. »
Elle fit un signe de tête à son partenaire.
« Gil aide. »
« Je ne fais que me tenir debout », dit Gil.
« Comme une montagne musclée, mon gars. »
« Hrm. »
Oui, le citoyen moyen n’était pas prêt à se battre avec un aventurier.
« Est-ce que tout va bien avec les aventuriers ? », avais-je demandé.
« Ça va bien se passer. Je veux dire, à qui appartient cette boutique, d’après vous ? »
« Euhh, à moi ? »
« C’est vrai, Ours Sanglant. C’est votre boutique. C’est vous qui avez assommé une douzaine d’aventuriers la première fois que vous êtes venue à la guilde, qui avez tabassé un roi gobelin et liquidé une putain de vipère noire. Aucun idiot ne cherchera à se battre avec vous après ça. Si quelqu’un est assez stupide pour essayer ça, je pense que c’est un aventurier débutant ou un étranger. À ce moment-là cette montagne va se mettre en marche. », dit-elle en montrant Gil
« Mmhm. »
« Merci, les gars. Vous pourrez manger tout ce que vous voulez quand on aura ouvert le magasin. »
J’étais retournée à l’intérieur afin d’aller aider tout le monde.
Alors que j’aidais à la préparation de la cuisine, Rulina était entrée, l’air un peu anxieuse.
« Yuna, peux-tu me donner un peu de temps ? »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Il y a une jeune femme qui est passée, et Gil et moi avons un peu de mal avec elle. »
Elle avait l’air un peu inquiète. Par « jeune femme », je suppose qu’elle voulait dire que la personne n’était pas un adulte.
« Qui est-ce ? »
« Une fille d’aristocrate. »
Une seule personne me vint alors à l’esprit, et elle correspondait bien à cette description. Mais encore une fois, je ne savais pas combien d’aristocrates il y avait dans cette ville, donc ce n’était pas forcément elle.
« Si c’était une aristocrate normale, nous pourrions nous débrouiller. », ajouta rapidement Rulina
Quand j’étais sortie pour vérifier par moi-même, j’avais trouvé une petite fille blonde qui s’en prenait à Gil. Ouaip, c’était bien elle.
« S’il vous plaît, laissez-moi gentiment entrer. J’ai des affaires à voir avec Yuna. »
« Attendez. Nous l’appelons. »
Gil semblait néanmoins troublé alors qu’il utilisait son imposante silhouette pour bloquer l’entrée à une enfant. Et, sans surprise, cette fille aristocrate était Noa. Comme je ne pouvais pas rester en arrière et regarder indéfiniment, j’étais arrivée devant les deux.
« Noa, qu’est-ce que tu fais ? »
« Yuna ! »
Elle me fit alors un sourire en me voyant avant de se retourner vers Gil et Rulina et de s’énerver.
« Je leur ai dit que je voulais te voir, mais ces ruffians ne m’ont pas laissé entrer ! »
« Je leur ai demandé de garder la boutique, Noa. Je suis impressionnée qu’ils sachent que tu es une aristocrate. »
« Nous avons vu la jeune femme accompagner le seigneur à plusieurs reprises », dit Rulina.
Je vois. On dirait que Noa était célèbre par ici.
« Quoi de neuf, Noa ? »
« Quoi de neuf ? Ce qu’il y a, c’est que je n’ai pas pu m’arrêter pendant un moment à cause d’affaires nobles très importantes, et quand je suis enfin passée aujourd’hui, j’ai vu ça ! C’est quoi cette boutique ? »
Noa avait désigné les ours chibi à l’entrée de la boutique.
« Ils n’étaient pas là quand nous avons décidé du nom de la boutique ! », dit-elle en faisant des moues impressionnantes.
« Nous avions discuté ensemble sur la façon de rendre la boutique plus “ours”, non ? Alors… je l’ai fait. »
Noa avait été emmenée chez elle par Lala avant que je fasse les décorations en forme d’ours. Elle n’était pas passée depuis.
« Ughhh. Je n’arrive pas à croire que tu les aies faites alors que je n’étais pas au courant », dit-elle en reniflant.
« Oui, totalement. Bref, qu’est-ce qui t’amène ici aujourd’hui ? »
« Le pudding, naturellement ! »
Je ne savais pas quoi faire quand elle me frappait avec ce sourire désarmant.
« En fait, je voulais passer hier, mais je n’ai tout simplement pas pu. Je serais venue bien plus tôt si j’avais su qu’il y avait ces jolis ours ! »
Comme je ne pouvais pas renvoyer Noa dans une telle situation, je l’avais laissée entrer dans la boutique. Dès que nous étions entrés, Noa s’était figée.
« Qu’est-ce que c’est ? », cria-t-elle quand elle vit les décorations en forme d’ours dans la boutique.
Puis, elle s’était rapprochée de moi et avait serré ma marionnette ours.
« S’il te plaît, s’il te plaît, fais ça chez moi aussi ! »
« Cliff fondrait physiquement si je faisais ça. »
« Je vais le convaincre ! S’il te plaît, fais-en pour chaque pièce. »
« On va se détendre un peu, d’accord ? Ok. Et bien… contente-toi de ça pour l’instant. »
J’avais repris ma main, fit une minuscule statue d’ours chibi, et l’avais tendue à Noa.
« Merci beaucoup. Je le chérirai pour toujours et à jamais ! »
« Tu n’as pas besoin de faire ça. »
Je ne saurais vraiment pas quoi faire si elle traitait vraiment une poupée faite de terre comme un trésor de toute une vie. Noa berça précieusement sa figurine d’ours alors qu’elle passait d’un ornement d’ours à l’autre, l’air positivement joyeuse.
« Oui, je vois », dit Noa.
Elle posa alors ses mains sur ses hanches.
« Je les prendrai tous, Yuna. »
Évidemment, j’avais refusé.
« Mais au fait, où donc étais-tu passée ? »
« J’étais en retard dans mes études à cause de la visite à la capitale, alors mon père m’a assigné un tuteur à domicile. »
Ce qui était logique, elle n’avait fait que jouer à la capitale. Si elle était la fille d’un aristocrate, elle devait étudier. Un aristocrate ignorant était pire qu’un aristocrate intelligent.
« Mais mon père est terrible. Il ne me laisse pas du tout sortir. », gémit Noa
« Eh bien, si tu n’étudies pas, que peut-il faire d’autre ? »
« Il pourrait me laisser faire une pause de temps en temps. »
« Dans ce cas, le pudding est mon cadeau… tant que tu étudies bien. »
Pour l’instant, j’avais conduit Noa à un siège. Si je la laissais seule, elle irait rôder dans la boutique pour toujours — mieux vaut avoir une zone désignée pour Noa. Même assise, elle continuait à se tourner et à regarder tout autour du magasin.
« Il est encore tôt, mais aimerais-tu manger autre chose que du pudding ? », avais-je poursuivi.
« Puis-je vraiment ? »
« Bien sûr. La plupart des choses sont simples à faire, nous pouvons donc les apporter tout de suite. Oh, mais tu ne peux avoir qu’un seul pudding. Mes stocks sont limités. »
J’avais apporté à Noa un pudding, une petite pizza et du jus de fruits.
« Vous n’ouvrez pas encore ? N’est-ce pas déjà l’heure d’ouverture ? », avait-elle demandé entre deux bouchées de pudding.
« Des trucs sont arrivés. »
Je lui avais décrit l’essentiel de ce qui s’était passé hier.
« Eh bien, naturellement ! Après avoir goûté ta nourriture une fois, même moi j’ai envie d’en parler à tout le monde. »
« Quand bien même, il y avait beaucoup plus de monde que prévu. »
« Chère Yuna, tu es si parfaitement inconsciente ! Aussi pure et naïve que ton pudding ! »
« Qu’est-ce que ça veut dire... »
« Je voulais absolument te montrer la salle où ils ont présenté tes puddings pour le festival de l’anniversaire du roi. »
Elle avait pointé sa grosse cuillère de pudding vers moi et l’avait immédiatement mise dans sa bouche.
« Le roi m’en a un peu parlé. Il a dit qu’il y avait des tonnes de curieux qui lui demandaient de leur dire qui avait fait le pudding. »
« Bien sûr ! Quand le pudding est arrivé, tout le monde a été surpris par cette nouvelle cuisine. Mais sur la recommandation du roi, tout le monde l’a essayé. À partir de là, la salle était en effervescence ! »
J’avais déclenché une sorte d’émeute du pudding ?
« Ai-je des ennuis ? »
« Pourquoi en aurais-tu ? »
« S’ils découvrent que je le vends ici, les gens pourraient venir me forcer à leur apprendre l’art du pudding. »
Ce qui pourrait mettre les orphelins en danger.
« Tout ira bien. Le roi lui-même a dit à mon père de te protéger. Si quelque chose arrive, tout le monde saura que cette boutique a été ouverte sur les instructions de Sa Majesté. »
« Vraiment ? »
C’est la première fois que j’en entends parler.
« Je l’ai entendu de mon père, donc je pense que c’est vrai. »
« Personne n’a pris la peine de me le dire. »
« Par égard pour toi, j’en suis sûre. Tu as beaucoup à faire, Yuna. Et fais comme si tu n’avais rien entendu de ma part. Il disait aussi que les guildes d’aventuriers et de commerçants avaient reçu des instructions. »
Était-ce pour cela que le maître de la guilde des aventuriers était venu ici pour manger ? Et puis, Cliff faisait toutes ces choses pour moi sans que je le sache. Bien sûr, c’était un ordre du roi, mais je devais quand même être reconnaissante pour cette bienveillante conspiration du pudding.
« Je pense que si mon père est impliqué dans la boutique en tant que seigneur, et que la famille royale est impliquée plus loin dans les coulisses, tu n’as pas à t’inquiéter que quelqu’un te fasse du mal. Si quelque chose arrive, tu peux le dire à mon père et tout devrait bien se passer. »
Donc j’avais le seigneur et le roi lui-même qui me soutenaient. Les enfants ne pouvaient pas être plus en sécurité. J’avais accepté les sentiments du roi avec gratitude… mais ce n’était pas comme si je pouvais les refuser.
« Aussi, le pudding est délicieux, mais tout est délicieux. Le pain et la pizza. Même l’atmosphère est délicieuse ! Je pense que les gens ne pourront pas s’empêcher de se rassembler », dit Noa.
Cette gamine me fit sentir naïve.
Après avoir parlé avec Noa pendant un moment, j’avais remarqué qu’il y avait une clameur dehors. J’étais sortie pour vérifier et j’avais constaté qu’une foule s’était formée.
« Qu’est-ce qui se passe ? », avais-je demandé à Rulina.
« Quand je leur ai dit que le magasin ouvrirait dans l’après-midi, ils ont dit qu’ils allaient commencer à attendre. »
C’était normal. Il ne restait même pas une demi-heure avant l’ouverture de la boutique, le fait que les clients commencent à faire la queue n’était pas bizarre.
« Rulina, pourriez-vous demander aux clients de former deux files ? Si l’un d’entre eux s’agite ou essaie de couper, assurez-vous de leur donner un avertissement. »
« Vous êtes sûre ? »
« Tant qu’ils ne causent pas de problèmes. Je veux dire, je suppose que ça va vous causer des problèmes. »
« Pas vraiment. J’ai juste besoin qu’ils forment deux lignes, c’est ça ? »
« Ouaip, vous avez compris. »
Pendant ce temps, je demandais à tous ceux qui travaillaient dans le magasin de manger et de faire une pause pour que la journée d’hier ne se répète pas. À l’heure de l’ouverture, les files d’attente avaient atteint une trentaine de personnes, mais (grâce à Rulina et Gil) tout s’était déroulé sans problème.
« Rulina, Gil, merci. »
« C’est notre travail, alors ne vous en faites pas. Assurez-vous de nous inviter à déjeuner par contre. »
« Je l’ai préparé, tout est prêt. »
Cette fois, après l’ouverture, il n’y avait pas eu de chaos. Les clients faisaient docilement la queue et commandaient alors que le Mont Gil se profilait.
Jusqu’à ce que nous puissions produire le pudding en masse, nous les limitions à une tasse par client. Après avoir parlé à Noa, je pensais que nous aurions beaucoup de commandes de pudding, mais beaucoup d’entre eux avaient commandé des hamburgers et des pizzas. C’était logique, c’était l’heure du déjeuner.
Puis, à un moment propice à la pause, j’avais préparé le déjeuner que j’avais promis à Rulina et Gil.
« Merci pour votre travail », leur avais-je dit. Comme ils avaient terminé leur travail, je les avais fait asseoir à quelques sièges que j’avais préparés juste pour eux.
« Vous ne plaisantiez pas avec la foule », dit Rulina.
Quand l’heure de l’ouverture était arrivée, les clients que nous avions refusés et ceux qui connaissaient les nouveaux horaires étaient venus tous en même temps, remplissant la boutique à pleine capacité.
« Mais c’est vraiment délicieux. La pizza et le hamburger… », déclara Rulina.
« Hrm. »
Gil avait mangé en silence devant Rulina. Il n’avait pas l’air mécontent.
« Si vous en voulez plus, dites-le-moi. Je peux vous apporter plus de n’importe quoi d’autre que le pudding. »
« Ah, l’infâme pudding. Helen m’a dit qu’il était très bon. »
« Mais c’est sucré, alors parfois les gars s’en plaignent. », avais-je dit
« C’est bon. Bien. Ouais. », gronda Gil.
« Oui, c’est bon. Manger ça pendant une semaine, c’est un super avantage. »
« Eh bien, vous pourriez prendre un emploi permanent chez moi. J’ai des tonnes de choses que vous pourriez faire. », avais-je dit.
« C’est tentant, Yuna, mais j’aimerais continuer à être une aventurière pendant un moment. »
« En parlant d’aventurier, qu’allez-vous faire de Deboranay ? »
« Ugh, lui. Je pense à me séparer de lui et des autres. C’était de toute façon censé être temporaire dès le départ. Qu’est-ce que tu vas faire, Gil ? »
« Je ne sais pas trop. »
« Tu pourrais aussi venir travailler au magasin, Gil. »
« Je ne fais pas la cuisine. Je me bats. »
« Ça me va. Je pourrais te confier la sécurité, et comme il y a des enfants qui veulent devenir aventuriers, ce serait bien que tu leur apprennes les différentes techniques pour le devenir. »
Je pense que la raison pour laquelle certains enfants voulaient devenir des aventuriers était à cause de moi. J’avais sauvé les orphelins, et j’étais une aventurière, certains enfants voulaient donc apparemment m’imiter. Pour devenir « assez fort pour protéger l’orphelinat ! » avait dit un enfant.
D’après la directrice, les orphelins n’avaient pas d’endroit où travailler même après avoir grandi, donc beaucoup d’entre eux auraient commencé à partir à l’aventure. Elle m’avait dit de ne pas m’inquiéter à ce sujet. Pourtant, il serait beaucoup mieux qu’ils apprennent de Gil plutôt que de se lancer sans aucune compétence ou connaissance du combat.
S’ils avaient besoin d’un endroit pour travailler, j’en ferais un pour eux. Je ne voulais vraiment pas qu’ils fassent quelque chose de dangereux.
« Aussi, j’aimerais que tu protèges les enfants pendant que je ne suis pas en ville. Il y a des tonnes de travail pour toi. »
« Je vais y réfléchir. »
Je pensais qu’il refuserait, j’avais donc été surprise par sa réponse. J’étais convaincue qu’il dirait quelque chose de dramatique comme « Mon destin est dans l’aventure » ou autre.
« Prends ton temps. Tu n’as pas à me le dire tout de suite. »
D’accord, je n’étais pas pressée.
Notre deuxième jour s’était passé sans incident. Les clients qui étaient arrivés en retard avaient l’air déçus, car ils étaient rentrés chez eux sans connaître le goût du pudding. Les chaînes d’approvisionnement, mec. Elles t’auront toujours. Si nous avions un surplus d’œufs, je voudrais aussi essayer de faire des sandwichs aux œufs… au moins pour moi.
Oh, et Lala avait emmené Noa. Apparemment, Noa lui avait fait faux bond en étudiant. Noa avait pleuré et supplié pour de l’aide, mais je ne pouvais rien faire.
Je ne voulais pas m’embrouiller avec Lala.
***
Chapitre 81 : L’ours achète des provisions
Plusieurs jours s’étaient passés depuis l’ouverture, et tout allait bien, sauf pour le stock de pommes de terre et de fromage. Nous en avions encore assez, mais nous vivions vraiment sur le fil du rasoir avec ces produits. Et avant que nous n’épuisions nos stocks, j’avais décidé de me rendre dans les villages qui les fournissaient.
Le village des pommes de terre était le plus proche. J’avais chevauché Kumayuru pour arriver rapidement au village — Kumayuru était vraiment plus rapide. Est-ce que mes invocations devenaient plus puissantes en même temps que moi ?
J’avais ralenti et étais entrés dans le village, et… un étranger s’était approché.
« Qu-Qui donc êtes-vous ? », demanda-t-il en tremblant.
Pendant un moment, je ne savais pas pourquoi il était si effrayé, puis j’avais réalisé qu’il regardait Kumayuru.
« Je suis l’aventurière Yuna. C’est mon ours, vous êtes donc en sécurité. »
J’avais donné une petite tape sur la tête de Kumayuru pour le lui montrer.
« En êtes-vous sûre ? »
« Oui, tant que vous n’essayez pas de lui faire du mal. J’aimerais voir un type qui s’appelle Zamoru. Il est dans le coin ? »
« Zamoru ? »
« Oui, je l’ai rencontré à la capitale. Il m’a vendu des patates. »
L’homme relâcha alors sa garde.
« Vous êtes la fille-ours qui lui a acheté son stock ? »
« À moins qu’il y ait d’autres filles-ours, oui. »
Oh, j’espère qu’il n’y en avait pas. Ce serait tellement ennuyeux.
« Vous êtes vraiment habillée en ours. Zamoru l’a dit à tout le monde, mais… OK, votre ours est vraiment inoffensif, hein ? »
« C’est bon. »
J’avais encore une fois donné une tape sur la tête de Kumayuru, celui-ci laissa alors échapper un « Cwooom… » satisfaisant.
« D’accord. Je vais appeler Zamoru, alors attendez ici. N’entrez pas comme ça, vous allez effrayer tout le monde. »
C’était logique. Tout villageois normal serait effrayé si un ours se promenait dans le village. J’avais donc fait ce qu’il m’avait dit en allant chercher Zamoru. Quelques villageois m’avaient regardée de loin et j’avais pu entendre l’homme leur dire faiblement : « Zamoru la connaît, c’est sans danger. »
Très vite, l’homme amena Zamoru.
« Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu », lui avais-je dit tout en lui offrant un sourire amical.
Il m’avait regardée, puis il regarda Kumayuru, et enfin moi.
« Une fille ours et un vrai ours. Vous savez, je pensais qu’il plaisantait à propos d’une fille ours sur un ours, mais nous sommes là. Alors, de quoi avez-vous besoin ? Notre rendez-vous à Crimonia n’est-il pas prévu pour plus tard ? Vous n’êtes pas ici pour vous plaindre parce que quelqu’un est tombé malade, n’est-ce pas ? »
Argh, quelle vilaine chose à dire ! Il pourrait au moins demander avant de faire des suppositions.
« Non. Je n’avais pas assez de patates, alors je suis venue en acheter. »
« Vous devez plaisanter. Je vous ai vendu pas mal de patates dans la capitale. »
« Eh bien, euh. Nous n’étions pas préparés à la popularité indécente des repas que j’ai préparés avec les pommes de terre achetées, et maintenant nous sommes pratiquement à sec. Ça ne peut pas attendre jusqu’à ce qu’on se rencontre à Crimonia. Plus maintenant. »
« Je ne peux pas le croire… »
Comme il n’y avait rien d’autre à faire, j’avais sorti les chips et les frites de mon sac.
« Je les ai faites avec les patates. »
Zamoru mangea les chips, faites à partir de ses propres pommes de terre.
« Oh. Hrm. Délicieux. »
« C’est bon à grignoter, non ? Tout ce que j’ai fait, c’est les frire dans l’huile et les saupoudrer de sel. »
« Ça aussi, c’est doux et délicieux. »
« Je les ai aussi fait frire dans l’huile. »
« Vous êtes sûr que ce sont des patates ? »
« Mhm. On les met même sur des pizzas pour les manger, on est donc vraiment en train de travailler dessus. »
« Quel est donc cette… Pi-sa dont vous parlez ? »
Oh, c’est vrai. Duh. J’avais aussi sorti une pizza de ma réserve d’ours.
« Piz-za. Les patates sont plus un ingrédient secondaire dans cette recette, mais elles sont toujours essentielles. Prenez une bouchée. »
Bien que Zamoru semblait surpris de voir de la pizza pour la première fois, il l’avait mangée.
« Incroyable ! Est-ce que ça utilise vraiment les patates que j’ai produites ? »
« Oui. Beaucoup. Je veux dire, énormément. S’il vous plaît, produisez les pommes de terre. »
« Oui, bien sûr, je vais le faire, mais pas tout de suite. »
Oh, c’est vrai. Il devait probablement avoir besoin de les déterrer ou quelque chose comme ça.
« Je ne suis pas encore pressée, donc c’est bon. Mais j’aimerais les avoir plus tôt que tard, alors pourriez-vous les apporter à Crimonia quand elles seront prêtes ? »
« Très bien. Je les apporterai rapidement. »
« Cool. Dans ce cas, prenez ça. »
Je lui avais donné un sac d’objets que j’avais récupéré des voleurs.
« Et ça, c’est ? »
« Un sac à objets. Je ne l’ai jamais utilisé avant, donc je ne sais pas ce qu’il peut contenir, mais je pense que les patates vont rentrer. »
« Un sac à objets ? Et vous allez juste… me le donner ? »
« Eh, bien sûr. Quand vous ne l’utilisez pas, vous pouvez laisser les autres villageois l’utiliser. Ce sera plus facile de transporter des objets avec ça, non ? »
« Ce sera… vraiment le cas, oui. »
« Alors nous sommes d’accord. Apportez-moi juste les patates. »
« Oui, bien sûr ! Combien dois-je en apporter ? »
« La même quantité que la dernière fois fera l’affaire. Il y a un magasin appelé l’Antre de l’Ours à Crimonia. Parlez à une femme nommée Morin à la boutique. »
« Morin de l’Antre de l’Ours, c’est ça ? »
« C’est ça. »
J’avais sauté sur le dos de Kumayuru.
« Vous partez déjà ? »
« J’ai d’autres endroits à visiter et d’autres choses à prendre. »
Kumayuru et moi avions couru comme le vent jusqu’au prochain village, à la recherche de ce qu’il y a de plus fondant… le fromage.
Le village était apparu plus vite que prévu. J’avais suivi les indications du vieux vendeur de fromage. D’après ses informations, ça semblait correct.
Cette fois, pour ne pas effrayer les villageois, j’avais demandé à Kumayuru de ralentir. Je ne descendrai de ma monture qu’à l’approche du village. Un homme portant une lance s’était encore approché de nous, ce qui était juste. J’avais fait en sorte de rester devant Kumayuru pour que mon petit copain ne soit pas transformé en pelote d’épingles.
« Vous vous déguisez en… ours ? »
C’était reparti.
« Êtes-vous la fille qui a acheté du fromage à la capitale ? »
Au moins, il avait l’air calme à ce sujet.
« Oui, j’ai acheté du fromage, je me suis déguisée en ours, tout ça. Puis-je parler au gars ? Le, euh, gars du fromage qui vend des trucs à la capitale. »
L’homme hocha la tête en signe de compréhension.
« Oui. J’ai entendu parler de cette affaire par le chef du village. »
« Il vous a parlé de moi ? »
« Il a dit d’autoriser “une fille en tenue d’ours” à entrer dans le village. Comme vous étiez notre puissante bienfaitrice acheteuse de fromage, il a ordonné aux gardes de vous traiter avec le plus grand respect. »
J’avais jeté un coup d’œil autour de moi.
« Vous avez l’air de monter la garde. S’est-il passé quelque chose ? »
« Les gobelins sont apparus récemment et ont commencé à attaquer le bétail. Nous sommes en patrouille depuis. »
Des gobelins, hein. Donc Kumayuru n’était pas ce dont il avait peur…
« Eh bien, je vais vous amener au chef du village. »
« Hum, puis-je amener mon ours avec moi ? »
Expliquer toute l’histoire de l’invocation semblait être une douleur, mais je me sentirais aussi mal de laisser mon ours.
L’homme fronça les sourcils.
« Malheureusement, je ne pense pas. Je vais appeler le chef du village, pouvez-vous attendre ici ? »
Une fois de plus, j’avais fini par attendre à l’extérieur du village pour éviter de faire du tapage. Finalement, le type vendeur de fromage était arrivé.
« Oh, la jeune fille aux ours ! Vous êtes finalement venue ici ! »
« J’ai promis, n’est-ce pas ? Vous n’avez pas oublié que vous me feriez une remise sur le fromage si je passais par là, n’est-ce pas ? »
« Bien sûr que non. »
Le garde hocha la tête.
« Chef de village, je retourne à ma patrouille. »
« Oui, je t’en prie. »
L’homme me salua et retourna à son poste. Le vieil homme — ou plutôt le chef du village — jeta un long regard à Kumayuru.
« Alors, jeune fille, c’est quoi cet ours ? »
« C’est le mien. Ne vous inquiétez pas pour ça. »
Le chef du village fronça les sourcils en regardant Kumayuru, car c’était un grand ours.
« Au fait, j’ai entendu dire que des gobelins attaquaient votre bétail. Est-ce que tout va bien ? », dis-je tout espérant changer de sujet.
« Oui, nous avons renforcé nos patrouilles, donc tout devrait bien se passer. »
« Vous ne soumettez pas une quête à la guilde des aventuriers ? »
« Nous l’avons déjà fait, avec l’argent que vous nous avez versé dans la capitale, mais… »
Mais personne ne vint. Je suppose que le village était à la merci des aventuriers. Ils venaient si la récompense était élevée, mais au bout d’un moment, toutes les demandes se ressemblaient. Pourquoi ne pas choisir la plus proche ? Honnêtement, je faisais la même chose.
« Nous repoussons les gobelins tant bien que mal, mais leur nombre ne cesse d’augmenter et ils déciment notre bétail. À ce rythme, nous ne pourrons même plus faire de fromage. »
Pas possible. Non… du fromage ? C’était une question de vie ou de mort. C’était inacceptable. Il n’y avait qu’une seule chose que je pouvais faire.
« Je vais tuer les gobelins. Tous les gobelins. »
« Quoi ? Tous les… »
Le chef du village faillit trébucher de surprise.
« Hé, je suis une aventurière. Ne faites pas attention à la tenue, ça ira. »
Je lui avais montré ma carte de guilde. Le chef du village avait semblé surpris en la regardant.
« Et j’ai mon ours. »
J’avais donné une tape à Kumayuru. Le chef du village me regarda et regarda Kumayuru à son tour.
« En plus, sans fromage, ce serait la mort de la pizza telle qu’on la connaît. Et je ne peux pas non plus abandonner ce village aux gobelins. »
« Vous y allez vraiment ? »
« Pour la gloire du fromage. »
Avec Kumayuru, j’étais allée dans les bois remplis de gobelins. Apparemment, ils ne pouvaient même pas y mettre les pieds à cause de tous ces gobelins. Et quand j’avais utilisé ma compétence Détection, ça les avait repérés partout.
« Ok, mon pote, on y va », avais-je dit tout en donnant une tape à mon ours.
J’avais donné une tape à Kumayuru et on s’était mis à courir vers les gobelins.
Inutile de dire que ça s’était terminé rapidement. Une fois les gobelins éradiqués, j’étais rentrée.
« Vous avez donc finalement abandonné, gamine ? », demanda le chef du village vendeur de fromage. Il attendait à l’entrée du village, inquiet.
« Voyez par vous-même. Il n’y a plus un seul gobelin dans les bois. Il y avait un orc là-dedans, alors je l’ai aussi tué. Vous pouvez y aller. »
« Très drôle, ma fille. »
À ce moment-là, j’avais sorti de mon sac tous les cadavres de gobelins, plus celui de l’orc, devant lui. En pensant à l’avenir, j’avais fauché chaque monstre.
« Pourquoi, ils sont… ! »
« Extrêmement morts, ouais. »
« Vous avez vraiment vaincu les gobelins… »
Le chef eut les yeux embrumés. C’était gentil, mais… Mais non. Après un moment, même les villageois avaient remarqué que l’entrée du village était remplie de cadavres de gobelins et avaient commencé à se rassembler.
« Chef, qu’est-ce que c’est ? »
« Je pense que vous ne me croirez pas, mais cette jeune fille habillée en ours a vraiment… »
Il s’était frotté les yeux, ému.
« Vraiment anéantis ces créatures. C’est ce que vous avez dit ? »
C’est ça. Les villageois m’avaient regardée. Malgré tous leurs doutes, quand ils avaient écouté le chef et vu Kumayuru, ils me crurent quand j’avais dit que j’avais tué des gobelins.
Les apparences étaient vraiment importantes, hein ?
En échange de l’élimination des monstres morts par les villageois, je leur avais donné les gemmes de mana. Les villageois avaient commencé à tout nettoyer et j’étais entrée dans le village avec le chef. Bien sûr, Kumayuru était aussi venu. Personne ne nous avait repoussés.
Ensuite, on m’avait conduite à l’endroit où le fromage était stocké. C’était un entrepôt souterrain tapissé de toutes sortes de fromages.
« Vous êtes sûr ? »
Je recevais du fromage en guise de remerciement.
« Bien sûr. C’est tout ce que nous pouvons faire pour vous. »
Nous avions discuté du futur fromage avec le chef. Jusqu’à présent, ils ne faisaient que ce qu’il fallait pour que les villageois puissent manger, mais ce n’était pas bon — si j’achetais tout, ils épuiseraient leur stock tout de suite. Nous avions convenu d’un contrat selon lequel j’achèterais périodiquement du fromage et il le fabriquerait pour moi.
« Est-ce que vous aimez vraiment notre fromage à ce point… ? »
Il s’était remis à pleurer. Ce vieil homme avait vraiment des glandes lacrymales surproductives.
« Faites-moi juste un délicieux fromage, d’accord ? »
« Oui, d’accord. Je vais m’investir corps et âme dans sa fabrication. »
Nous avions ensuite fait le tour du village et il m’avait montré toutes sortes de bétail. Quand je lui avais demandé sur un coup de tête de me montrer comment faire du fromage, il avait accepté. Mais n’était-ce pas une technique secrète du village ?
Quand je lui avais demandé ça, il me murmura : « Il n’y a aucune raison de vous le cacher, à vous, la sauveuse du village. »
Sympa. Je venais d’exterminer des gobelins. C’était… peu importe. Je m’étais sentie presque coupable. Et puis, ce n’était pas comme si j’allais essayer de fabriquer le fromage ailleurs juste parce que j’avais appris à le faire.
Ils m’avaient organisé une fête de bienvenue, mais je pensais que c’était moi qui l’avais propulsé dans des hauteurs : pour leur montrer à quel point leur fromage était merveilleux et pour les remercier, j’avais fabriqué des fours et leur avais offert des pizzas avec leur propre fromage.
***
Chapitre 82 : L’ours s’ennuie
Les ventes aux magasins allaient bon train. Morin était à l’affût de nouveaux pains, et elle cherchait même comment faire de nouvelles sortes de sandwichs avec de nouveaux ingrédients. Lentement, nous avions construit notre menu.
L’adaptation des horaires d’ouverture s’était également bien passée. Les enfants s’étaient aussi habitués à leur travail, et y prenaient même goût.
Lorsque le travail de garde de Rulina et Gil avait pris fin, les enfants eurent l’air déçus. Le duo était très apprécié des enfants. Je suppose qu’ils finiront par devenir plus populaires, vu qu’ils avaient sauvé les enfants des clients grincheux.
Depuis qu’ils nous avaient quittés, les deux aventuriers avaient quitté Deboranay et s’étaient lancés dans des quêtes en solo ou avaient formé des groupes temporaires. De temps en temps, ils venaient dans la boutique en tant que clients.
Aujourd’hui, j’utilisais la porte de transport d’ours pour aller à la capitale afin de voir la princesse Flora. (J’adore la téléportation instantanée.) Comme la maison d’ours se trouvait dans un quartier relativement huppé, il n’y avait pas beaucoup de gens qui passaient par là. La route principale, par contre, était bondée, comme d’habitude.
Lorsque j’avais atteint la porte du château, les soldats m’avaient jeté un regard attentif. Mais au moment où je m’étais rapprochée d’eux, ils semblaient savoir qui j’étais.
« Yo. J’aimerais voir la princesse. Est-ce d’accord ? »
J’avais sorti ma carte de guilde de mon sac à ours. J’avais un permis d’entrée pour le château enregistré sur ma carte. Quand je présentais la carte, je pouvais faire apparaître le permis d’entrée en y versant du mana. Personne ne pouvait voir ce permis d’entrée autrement.
Quel était mon but ? Voir Mlle Flora, bien sûr. Je ne pouvais toujours pas entrer pour voir la princesse sans surveillance, alors ils m’avaient dit d’attendre pendant qu’ils appelaient Ellelaura. Cela n’avait pas pris longtemps.
« Yuna, ça fait longtemps ! »
« C’est bon de te revoir, Ellelaura. »
« Es-tu venue voir Mlle Flora ? »
« Oui, juste pour rattraper le temps perdu. »
J’aimerais m’arrêter et voir Mlle Flora plus souvent, mais si je me montrais trop souvent, les gens pourraient commencer à poser des questions gênantes.
Avec Ellelaura qui m’accompagnait, j’étais entrée, je m’étais dirigée vers la chambre de Lady Flora… et j’avais trouvé le roi qui attendait là.
« Votre Majesté, vous faites encore l’école buissonnière ? », dit Ellelaura, un ton enjoué dans la voix.
« Allons, Ellelaura, je prends une pause normale. Pas une pause… à la Ellelaura. »
« Pardonnez-moi, Votre Majesté, mais il se trouve que je fais mon travail en conduisant Yuna ici. »
« Tu es actuellement très assidue. »
« Actuellement ? Je prends toujours mon travail au sérieux. »
« Vraiment, et depuis quand ? »
« Eh bien, Votre Majesté, pourquoi faites-vous une pause dans la chambre de Mlle Flora ? N’avez-vous pas l’habitude de le faire dans vos propres chambres ? »
« Parce que j’ai été informé de la venue de Yuna. Je sais que Yuna voit Flora chaque fois qu’elle lui rend visite. »
Pendant que les deux se chamaillaient, Mlle Flora s’était approchée de moi.
« Bonjour, Mlle Flora. »
« Ourse, tu es venue me voir ? »
« J’ai promis, n’est-ce pas ? »
Laissant les adultes se disputer, j’avais pris la petite main de Mlle Flora dans ma marionnette ours et l’avais conduite à la table, où je lui avais fait prendre place.
« Je t’ai apporté du pudding, alors mangeons-le ensemble. », avais-je dit.
« Uh-huh. »
J’avais posé quatre puddings sur la table, ce qui avait mis fin à la dispute en un clin d’œil : Ellelaura et le roi s’étaient immédiatement assis avec nous et avaient commencé à engloutir le pudding.
L’expression de Mlle Flora alors qu’elle savourait le pudding avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase de la discussion que je menais avec moi-même. J’avais sorti un morceau de papier de ma réserve d’ours et l’avais posé devant Ellelaura et le roi.
« Qu’est-ce que c’est ? », demanda le roi tout en plissant les yeux.
« La recette du pudding. S’il vous plaît, utilisez-la pour en faire pour Mlle Flora. »
« Vous êtes sûre ? »
« Tant que cela rend Mlle Flora heureuse. Je ne sais pas non plus quand je pourrai revenir ici, alors la création du pudding vous incombe à tous. »
« En effet. J’accepte gracieusement votre cadeau. Rassurez-vous, je ne partagerai les instructions qu’avec mon chef personnel, en qui j’ai confiance. »
« Ne vous inquiétez pas trop si cela se sait, pas besoin de punir qui que ce soit. »
« Ne vous inquiétez pas. Il n’y a personne parmi les chefs royaux qui pourraient divulguer des informations. »
« Mais il pourrait y avoir des gens qui les volent. »
Il y avait des voleurs d’informations, quel que soit le monde dans lequel on se trouvait. Il suffisait de prendre un livre d’histoire. Vous pouviez vous approcher de la fuite zéro, mais vous ne pouviez pas l’atteindre.
« S’il y a quelqu’un qui voudrait voler une recette de la famille royale, je lui donnerai une punition appropriée. Ne vous inquiétez pas. », dit le roi avec un sourire aigu de lion
terrifiant ! Mais bon, au moins il prenait ça au sérieux.
« Et sachez que je ne vous reproche pas de ne venir qu’occasionnellement. Nous sommes un peu loin de Crimonia, après tout… mais peut-être que déménager ici pourrait résoudre ce problème. »
« Je soutiens ce que vous dites, Votre Majesté, mais je ne peux pas permettre que cela se produise en considération de Crimonia. », dit Ellelaura.
Oh non. Allaient-ils commencer à se battre pour moi ou quelque chose comme ça ?
« Je pensais faire un saut jusqu’à l’océan pendant un moment », avais-je dit rapidement.
« L’océan ? », répéta Ellelaura.
« Oui. Il y a un océan à l’est de la capitale, non ? »
J’avais eu ce scoop la dernière fois que j’étais passée par la capitale. J’avais entendu dire que si on continuait vers l’est, on atteignait l’océan. Je ne savais pas si c’était loin, mais j’y arriverais si je chevauchais mes ours assez longtemps.
« Quoi ? Veux-tu aller à l’océan ? »
Le roi s’était gratté le menton, perplexe.
« Je veux manger des fruits de mer. »
« Tu fais tant pour la nourriture », avait-il songé.
Je suis japonaise — comment pourrais-je lui expliquer ? Si je ne pouvais pas avoir du riz ou du miso, je voulais au moins des fruits de mer. Des calamars grillés et des takoyaki seraient parfaits maintenant. Ou plus tard. Ou toujours ?
« Oublier les joies de la nourriture est une grande perte dans la vie. Puisque les gens doivent manger pour vivre. », avais-je déclaré.
« Ça fait vraiment réfléchir », dit le roi, en mettant une bouchée de pudding dans sa bouche.
« J’aimerais qu’il y ait un océan près de Crimonia », avais-je dit en soupirant.
« Il y en a un », dit Ellelaura.
« Hein ? »
Je m’étais figée.
« Mais, pouvez-vous vraiment l’appeler ainsi ce qui est près de Crimonia ? », dit le roi
« Pouvez-vous tous les deux ralentir une seconde et expliquer ? »
« Oui, oui. Tu connais la grande montagne au nord-est de Crimonia, n’est-ce pas ? », avait-il demandé.
J’avais hoché la tête. Je pouvais la voir depuis la ville. C’était en fait plus une chaîne de montagnes, d’après ce que je pouvais voir.
« Si vous escaladez cette montagne, vous atteignez un océan. Mais c’est un vrai calvaire de le gravir ou de le contourner. »
Il y avait donc bien un océan au-delà de cette montagne géante. Si proche et pourtant si loin !
« Il y a même un port de mer. La plupart des gens ne s’y rendent pas à cause de la montagne, mais… je suppose que tu as tes ours, non ? », dit Ellelaura
J’avais bien mes ours ! Je n’aurais pas besoin de me rendre à l’océan depuis la capitale, et c’était plus proche… si je pouvais franchir les montagnes.
« Yuna a des ours ? », dit le roi en fronçant les sourcils.
« Yuna les invoque. »
« Eh bien, eh bien ! Tu es tout simplement pleine de surprises ! »
« Ce sont des ours très gentils et mignons. »
Ellelaura semblait presque fière d’eux. Et plus elle les décrivait, plus le roi et Mlle Flora étaient fascinés.
« Il est ainsi plus facile de se rendre à la capitale », avais-je admis.
« As-tu des ours ? », demanda Mlle Flora.
« Des ours, hein ? », répéta le roi.
Lady Flora avait une étincelle dans les yeux et le roi lui-même semblait fasciné. Inévitablement, je m’étais préparée à convoquer mes ours… en plein milieu de la chambre de la princesse.
« Vous êtes vraiment sûr de vous ? », avais-je demandé.
Le roi haussa les épaules.
« Ehh. »
Eh bien, c’était la personne la plus distinguée du pays, et j’avais obtenu sa permission, j’avais invoqué Kumayuru.
« Un vrai, véritable ours. Fascinant ! »
« Un ours ! »
Mlle Flora s’était approchée de Kumayuru, mais le roi s’était contenté de regarder et n’avait pas essayé de l’arrêter. Ils semblaient terriblement blasés à propos de tout ça.
« Tu en as un autre, pas vrai ? », demanda Ellelaura.
« Tu en as d’autres ? »
J’avais tendu ma main gauche et invoqué Kumakyu.
« Un ours blanc, je vois. Comme c’est rare. »
Le roi s’était approché et avait touché Kumakyu.
« Il est vraiment docile. »
« Tant que vous ne faites rien aux ours, ils ne vous feront rien. »
« Ours blanc ! »
Mlle Flora, qui étreignait Kumayuru, fut surprise par le pelage blanc de Kumakyu.
Ne montrant aucune crainte, Mlle Flora commença à jouer avec Kumayuru et Kumakyu. Elle était montée sur Kumayuru et avait chevauché l’ours en faisant le tour de la pièce.
« Yuna, qui donc es-tu », dit le roi, en regardant mes ours.
« Je suis une aventurière de rang D. »
« Une aventurière de rang D qui peut vaincre dix mille monstres ? »
Quoi, était-ce un problème ?
« En fait, Yuna, es-tu toujours de rang D même si tu as vaincu ces dix mille monstres ? »
« Parce que, comme nous le savons tous, c’est un groupe de rang A qui passait par là qui les a vaincus », avais-je dit fermement.
« Tu aurais dû tout dévoiler. »
« Je préfère ne pas le faire. »
« Tu portes cette tenue et pourtant tu fuis l’attention », avait dit le roi, l’air exaspéré.
Oui, c’était effectivement la même chose. Quelle brillante analyse de la part de Sa Majesté.
« Si tu avais reconnu que tu les avais vaincus, tu aurais pu t’élever au rang B. », continua le roi
Au rang B, hein ? Je pouvais cacher ça, mais ça suscitait quand même des questions, et les questions pouvaient mener à l’histoire du « vaincu dix mille monstres ». Nah.
« Oh, au fait, Yuna, tu n’as pas encore reçu de récompense de Sa Majesté ? »
« C’est elle qui les a refusées, Ellelaura. Ce n’est pas ma faute. »
En échange, je lui avais demandé de promettre de garder le silence à mon sujet. J’avais passé ce marché pour pouvoir vivre en paix, même si je savais qu’il avait aussi demandé à Cliff de me soutenir quand il s’agissait de ma boutique. Mais, puisque Sa Majesté et Cliff gardaient le silence sur ce sujet, je n’allais pas en parler.
La conversation s’était vite calmée. Bien que j’avais essayé de rentrer à la maison, Lady Flora ne voulait pas lâcher Kumayuru et Kumakyu.
« Non. Je veux jouer plus. »
Eh, pourquoi pas. Je pourrais rester au château jusqu’au dîner.
***
Chapitre 83 : L’ours gravit la montagne
J’étais dans le poulailler en compagnie de Tiermina et Fina. Ce fut à ce moment-là que je leur avais communiqué mon projet de traverser la chaîne de montagnes et de visiter l’océan.
« Vous allez vraiment y aller ? », demanda Tiermina.
De l’inquiétude s’insinuait dans sa voix.
« Je veux voir l’océan, alors s’il vous plaît, occupez vous de la boutique pour moi », dis-je
Et ce n’était pas comme si j’avais vraiment besoin de le demander. La boutique tournait déjà autour de Tiermina et Morin.
« Ça devrait aller, Yuna, mais la chaîne de montagnes d’Elezent est rude. »
« J’ai mes ours, ça devrait donc aller. Si ça semble toujours dangereux, je reviendrai. »
« Yuna… »
Fina avait aussi l’air inquiète.
« Je vais m’en sortir. Je m’en sors toujours. Je te contacterai quand je serai là-bas. »
J’avais sorti deux ours chibi de la taille de ma paume de ma réserve d’ours et j’en avais tendu un à Fina.
« Est-ce que c’est Kumayuru ? »
Fina regarda la première figurine que je lui avais tendue, puis la seconde. Les ours avaient la forme de Kumayuru et Kumakyu.
« C’est un appareil magique qui te permet de parler sur de longues distances. »
Après avoir tué dix mille monstres pendant que j’étais à la capitale, j’avais acquis deux nouvelles compétences. La première était la capacité de fabriquer des téléphones d’ours qui me permettaient de parler aux gens en faisant circuler le mana à travers eux. C’était des appareils de communication qui utilisaient le mana à la place des ondes radio. L’autre compétence était la miniaturisation des invocations. Elle ne semblait pas très utile — pourquoi voudrais-je transformer mes ours en oursons ? Je le ferais si je pouvais les rendre plus grands. Mais si je les rendais plus petits, ils ne seraient pas aussi puissants dans un combat. Je ne serais même pas capable de les monter !
Mais là encore, voir Kumayuru et Kumakyu miniaturisés était si apaisant. Leurs petites formes, alors qu’ils trottaient derrière moi, étaient si mignonnes ! Et ils pouvaient même prendre un bain avec moi ! Ils pouvaient dormir sur le lit avec moi sans me gêner, je pouvais les prendre dans mes bras comme des petits oreillers… Bon, d’accord. C’était un genre de compétence assez câline. Je pouvais le comprendre.
« Si quelque chose arrive, fais passer du mana dans le téléphone ours et réfléchis bien avant de vouloir m’appeler. Tu arriveras à joindre le téléphone d’ours de mon côté », avais-je expliqué, mais…
« Yuna, je ne suis pas une gamine, ok ? Je sais qu’il n’y a aucun moyen de parler à quelqu’un qui est loin. N’essaie pas d’inventer des trucs afin que je me sente mieux. »
Fina fit la moue et râla. Uhh, elle ne me croyait pas ? En plus, elle a dix ans. Allez !
« Yuna, » dit Tiermina doucement, « Je suis sûre qu’il y a des appareils magiques comme ça dans la capitale, mais celui-ci semble… »
Était-ce vraiment un objet si rare ? Dans le jeu, c’était probablement un peu comme la fonction de chat.
« Alors que diriez-vous de l’essayer pour voir ? Je vous parlerai via votre téléphone d’ours, alors allons dehors pour l’essayer. »
Et bien que j’ai dit cela, c’était en fait la première fois que je l’utilisais. Je n’avais demandé à personne d’autre de l’utiliser, et je ne pouvais certainement pas l’expérimenter toute seule. Même moi, je ne savais pas comment me connecter à leur téléphone d’ours. Aurait-il une sonnerie magique ou quelque chose comme ça ?
Pour vérifier le fonctionnement du téléphone d’ours, nous étions sorties toutes les trois. Nous nous étions éloignées du poulailler et de l’orphelinat, dans un endroit moins peuplé où nous pourrions les utiliser sans subir de questions bizarres.
J’avais fait circuler du mana dans le téléphone d’ours dans ma main et j’avais voulu qu’il se connecte au téléphone d’ours dans la main de Fina… et il s’était mis à sonner ! En quelque sorte !
« Cwoon, cwoon, cwoon, cwoon, cwoon, cwoon. »
Était-ce la sonnerie d’un ours ?
Vraiment ? Sérieusement ?
Peut-être que je pourrais le changer comme on pouvait le faire avec les téléphones portables…
« Y-Yuna, qu’est-ce que je suis censée faire ? »
Alors que le téléphone d’ours sonnait au sommet de la paume de Fina, elle le regarda, clairement troublée. Oh, c’était vrai.
« Passes-y du mana comme pour la gemme de mana que tu utilises pour allumer une lumière. »
Fina fit cela et le téléphone d’ours cessa de chantonner.
« D’accord, je vais m’éloigner maintenant. »
Je m’étais éloignée de plusieurs dizaines de mètres de Fina.
« Fina, tu m’entends ? »
J’avais parlé en direction du téléphone d’ours tenu dans la bouche de ma marionnette ours.
« Yuna ? »
Je pouvais entendre la voix de Fina à travers la bouche du téléphone d’ours.
« Tu peux m’entendre maintenant ? »
« Uh-huh, je t’entends. »
« Bien ! »
Whoa, je pouvais vraiment l’entendre. C’était comme un téléphone portable ou un talkie-walkie.
« Ok, je vais m’éloigner un peu plus alors, et… Fina, tu m’entends toujours ? »
« Complètement. »
« Yuna, est-ce vraiment un appareil magique pour les conversations à longue distance ? »
J’avais entendu la voix de Tiermina sur le téléphone d’ours.
« Je ne connais pas sa portée maximale, mais je pense que nous devrions être capables d’être assez éloignés. »
Comme je ne l’avais jamais utilisé auparavant, je ne savais pas exactement à quelle distance je pouvais être. Mais, c’était une compétence que j’avais reçue des dieux. Les Dieux n’avaient pas besoin de passer par des trucs comme la téléphonie mobile merdiques. Probablement.
« Bon alors, je vais raccrocher. »
« Raccrocher quoi ? »
« Mettre fin à la conversation, je veux dire. Ensuite, tu essaieras de m’appeler. Fais-le comme je viens de te l’expliquer : en faisant couler du mana et en pensant que tu veux me parler. »
« Ok, je vais essayer. »
J’avais raccroché le téléphone d’ours et j’avais attendu l’appel de Fina. Le téléphone d’ours commença à pleurer.
« Cwoon, cwoon, cwoon, cwoon, cwoon, cwoon. »
Je ne savais pas à quoi je m’attendais. C’était un peu mignon, mais difficile à décrire. Trouver des sonneries ou des jingles électroniques dans ce monde serait étonnant, mais s’il avait une fonction d’enregistrement, j’aurais aimé enregistrer la voix de Fina pour ça.
« Yuna, j’appelle. Yuna, j’appelle. » ou quelque chose comme ça serait bien. Je ferais des recherches.
J’avais fait circuler du mana dans mon téléphone ours. Les croonings s’étaient arrêtés.
« Euh, Yuna, tu m’entends ? »
« Parfaitement. »
Génial. Nos communications fonctionnaient dans les deux sens. Le seul problème maintenant était la distance, mais je ne pouvais pas le vérifier immédiatement. Je pouvais utiliser la porte de transport ours et aller à la capitale pour le vérifier, mais ce serait probablement ennuyeux.
« Ok, je retourne vers vous, donc je raccroche. »
J’avais coupé l’appel et j’étais retournée auprès de Fina.
« Yuna, cet ours est incroyable. »
Elle tenait soigneusement le téléphone d’ours.
« C’est vrai ? On peut se parler avec ça où qu’on aille maintenant. »
« Oui ! »
« C’est vraiment incroyable. Je n’arrive pas à croire qu’on puisse parler à des gens qui sont très loin avec ça. », déclara Tiermina.
« Si quelque chose arrive, s’il vous plaît contactez-moi. Si je peux revenir, je le ferai. »
Je pourrais revenir immédiatement en utilisant la porte de transport ours.
« Mais êtes-vous sûre de vouloir laisser Fina garder un appareil magique aussi étonnant ? »
« C’est bon. Il n’y a aucun intérêt à en avoir deux. »
Si j’en portais deux sur moi, j’aurais juste l’air d’une gamine ringarde qui jouait avec deux talkies-walkies.
« Mais vous nous le donnez ? Ne voudriez-vous pas donner quelque chose d’aussi génial à vos amis ou à votre famille chez vous ? »
Oh. Ouais. Je suppose que je le ferais.
Huh.
A.. mis. Ça sonne bien.
Fa… mille. Quel concept.
« Yuna, qu’est-ce qui ne va pas ? » me demanda Tiermina. Je suppose que je ne parlais pas, hein.
« Ma ville natale est si loin. Je ne peux pas utiliser ça avec eux. », dis-je
« C’est vrai ? Toutes mes excuses. », demanda doucement Tiermina.
Elle n’avait pas cherché à savoir. Je pense qu’elle savait qu’il ne fallait pas.
« Ce n’est pas grave. Tout va bien. Ne t’en fais pas. Aucun souci avec ça, Fina. »
« Ok. Je vais le garder en sécurité. »
J’avais donné une tape sur la tête de Fina.
Tôt le matin, j’étais montée sur Kumayuru et j’étais partie vers la chaîne de montagnes Elezent.
Cela faisait un moment que je n’avais pas fait de voyage en solo, mais la progression était assez régulière. Il ne m’avait pas fallu longtemps pour la voir. Tout était blanc proche du sommet, je pouvais donc dire que la neige s’était accumulée là. Mais bon, les vêtements d’ours étaient résistants au froid, donc ça allait. Je n’étais rien d’autre qu’une simple fille qui escaladait une montagne dans son équipement d’ours incroyablement OP. Il n’y avait rien à voir ici et, comme toujours, je n’avais aucune raison de porter autre chose.
Kumayuru était sorti de la ville et avait commencé à courir vers la chaîne de montagnes. Alors que je regardais la montagne qui approchait, ma carte s’était mise à jour.
« Et bien, c’est… montagneux. »
Peu de temps après, j’avais atteint la base de la montagne. J’avais entendu dire qu’il y avait un chemin quelque part, mais… ils n’avaient pas l’intention de faire un chemin aussi étroit, non ? Pourtant, le chemin était juste assez grand pour permettre à Kumayuru de passer.
Tant qu’il y avait un chemin, il était plus facile de progresser, alors je l’avais pris. Et même si je me perdais, je serais capable d’utiliser ma compétence de cartographie d’ours pour revenir. Le seul inconvénient était que je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait.
J’avais rangé Kumayuru, qui m’avait amenée jusqu’ici, et j’avais demandé à Kumakyu de m’emmener sur le reste du chemin. Après tout, si je ne montais que Kumayuru, Kumakyu allait bouder.
« Kumakyu, je te choisis. Tu vas y arriver, mon petit pote. »
Kumakyu était parti sur le chemin de montagne. Bien que la pente soit de plus en plus raide, Kumakyu continuait à avancer. Il y avait beaucoup d’arbres au pied de la montagne et la végétation était dense, mais elle s’éclaircissait régulièrement au fur et à mesure que nous montions. Kumakyu ne montrait bien sûr aucun signe de fatigue.
Ma compétence de détection montrait des signaux de monstres, mais ils étaient tous éloignés et aucun d’entre eux ne montrait de signe de rapprochement. Au bout d’un moment, les arbres avaient disparu, remplacés par des rochers grossièrement déchiquetés. Quand j’avais regardé en bas, j’avais pu voir que nous avions déjà bien grimpé.
« Tu vas bien, Kumakyu ? »
« Cwoom. »
Kumakyu leva les yeux vers moi.
« C’est bon à entendre. Si tu es fatigué, fais-le-moi savoir. »
J’avais donné une tape sur la tête de Kumakyu. Ce dernier avait joyeusement accéléré et s’était élancé sur le chemin en pente. La neige avait commencé à tomber, collant faiblement sous les pieds. Kumakyu courait sur cette fine couche de poudreuse, laissant des traces d’ours dans leur sillage.
On dit que le temps était capricieux en montagne, mais je n’avais aucune idée que ce serait comme ça. Ou peut-être que les choses étaient comme ça dans les mondes fantaisistes ?
La neige tombait plus fortement. Grâce à Kumakyu, j’étais arrivée jusqu’ici sans trop de problèmes, mais une personne normale aurait probablement eu besoin de plusieurs pauses. Essayer de s’habiller pour le froid les aurait alourdis, mais ne pas s’habiller pour cela les aurait transformés en glaçons. Avec ma grenouillère ours, je n’avais ni chaud ni froid.
La neige tombait encore plus lourdement, s’accumulant sur le sol. Kumakyu n’y avait pas prêté attention et couru sur le sommet de la neige. Alors que nous grimpions, je pouvais voir un loup blanc à notre droite à travers les vagues de flocons de neige.
Un loup des neiges, à la fourrure pure et blanche. Peut-être que ça ferait un bon souvenir pour Fina ? Mais le loup des neiges m’avait vue et s’était enfui aussitôt. Avec Kumakyu à mes côtés, il n’allait pas attaquer. Je voulais cette fourrure blanche, mais pas assez pour lui courir après.
Trois types de monstres semblaient habiter la chaîne de montagnes : les loups des neiges, les lapins des neiges et les bonshommes de neige.
Les loups des neiges étaient les mêmes que les loups normaux, mais avec une fourrure blanche.
Les lapins des neiges étaient ce qu’ils semblaient être : des lapins des neiges, mais plus gros. Pour tout vous dire, ils étaient inoffensifs.
Les bonshommes de neige par contre… étaient formés par la neige qui s’accumulait autour des gemmes de mana de glace. Je pense que le plus simple serait de les imaginer comme des bonshommes de neige avec des bras et des jambes. Leurs attaques étaient monotones. Ils essayaient de vous frapper ou faisaient sortir des blizzards de leur bouche, ou du moins c’était comme ça qu’ils agissaient dans le jeu. C’était tellement irritant, la façon dont ils gelaient mes armes et armures.
De plus, les attaques physiques ne fonctionnaient pas sur eux. Si vous essayiez, ils s’effondraient et se régénéraient immédiatement. La seule façon de les battre était de faire fondre leur neige avec du feu.
Je lançais donc des boules de feu sur les bonshommes de neige. Quand la boule de feu les touchait, la neige s’évaporait et ils laissaient tomber une gemme de mana de glace. C’était super efficace. C’était les gemmes de mana que vous pouviez utiliser pour les réfrigérateurs et les congélateurs. Elles étaient utiles, alors je les ramassais.
Les choses allaient bien, mais les chutes de neige se transformaient progressivement en blizzard et… peut-être était-il temps de faire une pause ?
Grâce à l’équipement d’ours, je n’avais pas froid. Kumakyu semblait bien aussi. Je pourrais continuer à avancer comme ça, mais la visibilité était trop faible. Comme je ne progresserais pas bien si je me forçais à avancer, j’avais décidé de me reposer jusqu’à ce que le blizzard se calme.
J’avais essayé de trouver un endroit pour m’abriter de la neige dans ma vision blanche, mais…
« Uhhm, je ne vois rien. »
J’avais regardé dans toute la zone, mais je n’avais pas trouvé d’abri. Peut-être que je pourrais en fabriquer un ?
Alors que j’hésitais sur ce que je devais faire, Kumakyu détecta quelque chose. Un monstre ? Non… J’avais utilisé ma compétence de détection. C’était deux personnes.
***
Chapitre 84 : L’ours sauve des gens
Il y avait des personnes dans le blizzard.
Ce devait être des aventuriers comme moi, non ? Qui d’autre entrerait dans un tel blizzard ? Avaient-ils fait tout ce chemin pour tuer des monstres ? Pourtant, Ellelaura avait dit que la chaîne de montagnes était rude et que les monstres n’en valaient pas la peine. Pourquoi les aventuriers grimperaient-ils ici ?
Malgré tout, le fait qu’une tierce personne voyait Kumakyu et flippait serait problématique. J’avais décidé de les éviter avec l’aide de mon habileté de détection et je m’étais détournée. Hmm. Aucun mouvement des signaux.
Je m’étais demandé si c’était une de ces choses — un bivouac ? Peut-être y avait-il une grotte ? Si c’était le cas, j’imagine que je pourrais continuer sur la même voie, non ?
Je n’arrivais pas à me décider sur ce que je devais faire, à part avancer. S’ils s’abritaient sur place, ils ne me remarqueraient probablement pas de toute façon. Et même s’ils me voyaient, je ne pense pas qu’ils se battraient.
Le blizzard était devenu de plus en plus fort, et j’avais suivi les signaux à travers lui.
Il s’était avéré qu’il n’y avait aucune grotte, ni rocher, igloo ou autre. Je n’avais même pas trouvé de gens debout là… mais il y avait des signaux. Ce qui voulait dire… qu’ils étaient enterrés dans la neige ? Oh non.
J’avais concentré mes yeux et j’avais regardé à nouveau. Toute la surface était couverte de blanc et je n’avais rien vu qui ressemblait à un humain. Ok, peut-être pas ? Alors que je regardais autour de moi, Kumakyu avait réagi. En regardant dans cette direction, j’avais trouvé quelque chose qui ressemblait à un sac à dos enterré dans la neige.
J’étais descendue de Kumakyu, j’avais sprinté vers le sac, et j’avais commencé à creuser dans la neige, aussi vite que je le pouvais. Sous les couches de froid, j’avais trouvé un homme et une femme allongés sur le sol, serrés l’un contre l’autre.
« Vous allez bien !? »
J’avais invoqué la magie du vent et j’avais soufflé le reste de la neige loin d’eux. Je les avais secoués. Rien n’avait fonctionné. Ils étaient transis de froid, mais respiraient encore. J’avais invoqué Kumayuru et les avais mis sur mes ours.
S’il n’y avait pas d’abri contre la neige, je devais en fabriquer un. Aussi silencieusement que possible, en surveillant les signes d’une avalanche, j’avais creusé un trou dans la paroi de la montagne. Kumayuru et Kumakyu m’avaient suivie à l’intérieur, et — en sécurité pour le moment — j’avais sorti la maison d’ours mobile que j’avais utilisée lors de mon voyage vers la capitale.
Je les avais amenés tous les deux dans la maison d’ours et les avais installés sur le canapé. Quelques couches de couvertures pourraient aider, mais ce ne serait pas suffisant. J’avais également augmenté la chaleur de la maison d’ours — la plupart du temps, j’aimais garder la température de l’endroit à une température modérée, mais là, il fallait faire plus. Une pierre à feu fit l’affaire et augmenta la chaleur. Et c’était tout. Il ne me restait plus qu’à attendre.
L’escalade de la montagne et la randonnée dans le blizzard m’avaient ouvert l’appétit, et comme ils n’allaient pas se lever avant un moment, il était temps de manger ! J’avais préparé quelque chose de chaud à manger et une boisson rafraîchissante et j’étais allée à l’intérieur pour voir comment allaient les autres.
« Que peut bien être donc cet endroit ? »
« La maison d’ours. Vous êtes debout ? »
La femme regarda la pièce autour d’elle de façon confuse avant de finalement me regarder.
« Vous êtes… vous êtes un ours ? »
« Yuna est mon nom, l’aventure est mon métier. Je vous ai trouvé sur la montagne enneigée. Vous vous en souvenez ? »
La femme fronça les sourcils pendant un moment. Puis elle cria soudainement : « Damon ! »
« C’est le nom du gars ? Il est encore en train de dormir. »
J’avais alors désigné le canapé à côté d’elle.
La femme poussa un profond soupir de soulagement.
« Merci mon Dieu. Vous nous avez sauvés. »
« J’étais dans les parages. Je vous ai trouvé tous les deux effondrés dans la neige. C’est une chance que je sois aussi passée ici. »
« Merci beaucoup. Mon nom est Yuula. Voici mon mari Damon. »
Yuula inclina alors sa tête. Elle devait avoir quoi, vingt-cinq ans environ ? Mais bon, il y avait des gens ici comme Ellelaura, alors qui pouvait le dire ? Elle avait l’air d’avoir un peu froid, même avec la couverture, je lui avais donc donné du lait chaud.
« Que faisiez-vous tous les deux dans un endroit pareil ? »
Bien que les aventuriers ne venaient pas souvent ici, elle et Damon ne ressemblaient vraiment pas à des aventuriers.
« Nous venons du port maritime de Mileela et nous nous dirigeons vers Crimonia. »
« Oh-Mileela est l’endroit au-delà de cette montagne, non ? »
Cette ville côtière était… ma destination.
« Oui, c’est ça. Nous étions en train de traverser la montagne jusqu’à Crimonia pour acheter de la nourriture sur leurs marchés, mais nous étions si épuisés. »
« De la nourriture ? Pourquoi traverser une montagne pleine de blizzards pour de la nourriture ? »
« Il semblerait que la nouvelle n’ait donc pas atteint Crimonia », dit Yuula en inclinant la tête.
« Hein ? »
« Il y a environ un mois, un monstre est apparu dans la mer de Mileela. »
Il y avait des monstres marins ? Eh bien, pourquoi n’y en aurait-il pas ?
« C’est un kraken, disent les aventuriers. Il est apparu près du port et il met les bateaux en pièces. On ne peut ni entrer ni sortir. »
Dans le jeu, le kraken était un boss océanique. Le gros calmar meurtrier standard. Il était faible contre le feu et la foudre, mais les dégâts occasionnés par le feu étaient divisés par deux dans les zones aquatiques. La foudre était super efficace, mais vous vous souvenez du passage sur les océans ? Vous pouviez vraiment foutre en l’air votre propre groupe si vous lanciez un sort de foudre sans être entouré d’eau. Argh, je détestais ce boss — les classes de mêlée comme la mienne étaient inutiles contre lui, donc si vous ne lanciez pas de sort, vous vous débattiez en vain avec votre arme.
« De plus, à cause de l’apparition du kraken, les navires des autres ports maritimes ne sont plus venus avec des cargaisons. Nous espérions trouver de la nourriture à Crimonia… »
« Vous n’avez pas de guilde d’aventuriers chez vous ? Ne pourraient-ils pas tous unir leurs forces et tuer le calmar ? »
Yuula secoue la tête : « Nous n’avons pas d’aventuriers capables de vaincre un kraken. »
Même si le kraken était un monstre d’événement, il comptait quand même comme un boss. Quel genre de pouvoir cela représenterait-il ici ? Qui pourrait vaincre un tel monstre ?
« Vous ne pourriez pas vous contenter de manger du poisson, au lieu de risquer de traverser la montagne pour aller à Crimonia ? », avais-je demandé.
Yuula secoua la tête.
« Nous ne pouvons pas envoyer de navires, même dans les bas-fonds. Ils se font attaquer où qu’ils soient, et le kraken se rapproche à chaque fois qu’il attaque. Depuis, on ne peut plus envoyer de bateaux ni même s’approcher de l’océan. »
Oui, si le kraken venait au port, la nourriture serait le dernier de leurs soucis.
« Ne pouvez-vous pas pêcher sans envoyer de bateaux ? Utiliser des cannes à pêche et autres ? »
Une fois de plus, Yuula secoua la tête.
« Nous pêchons, mais nous attrapons si peu. Et seules certaines personnes sont autorisées à pêcher. »
« Pourquoi ? »
« Quand trop de gens se rassemblent au bord de l’eau, le kraken se montre. On ne peut pas laisser partir trop de gens. Les poissons qu’ils attrapent sont gérés et distribués par la guilde du commerce. Comme il n’y en a pas beaucoup, nous n’en avons pas. »
Alors que j’écoutais Yuula parler du port maritime, l’homme sur le canapé commença à remuer et à ouvrir les yeux.
Yuula avait presque couru jusqu’à lui.
« Damon, tu vas bien ? »
« Yuula ? Nous… nous allons bien ? »
L’homme s’était assis et avait saisi la main de Yuula.
« L’aventurière ici présente, Mlle Yuna, nous a aidés. »
« Un ours ? »
Eeeeeet c’était reparti.
« Damon, c’est impoli. Elle nous a aidés quand elle nous a trouvés effondrés dans la neige. »
« Oh, je suis désolé. Oui, je suis Damon. Du fond de mon cœur, je vous remercie. Mais… quel est cet endroit ? »
« C’est ma maison. »
Enfin, celle qui était mobile.
« Donc nous avons été sauvés… »
Ils s’étaient embrassés. C’était un peu fleur bleue, mais ils l’avaient mérité. Afin qu’il se sente plus à l’aise, j’étais allée à la cuisine, j’avais fait chauffer du lait et je l’avais apporté à Damon.
« Merci. Vous me sauvez la vie. »
Il commença à l’engloutir immédiatement. Ils avaient commencé à s’installer et à se calmer.
« Mais pourquoi êtes-vous sur la chaîne de montagnes ? Ce serait pittoresque, mais il n’y a pas de route côtière ? »
C’était pourtant ce que j’avais entendu. Pourquoi risquer leurs vies sur la montagne ?
« Eh bien… »
Damon avait commencé, puis il poussa un soupir de lassitude.
Yuula reprit la suite : « Peu de temps après l’apparition du kraken, des bandits ont commencé à apparaître sur la route côtière. Quiconque quittait la ville ou allait acheter de la nourriture était attaquée. Les routes ne sont pas sûres. »
« Même s’ils ne peuvent pas gérer le kraken, pourquoi les aventuriers ne pourraient-ils pas gérer quelques bandits ? Vous n’auriez pas pu soumettre une quête à la ville ? »
Les famines touchaient tout le monde, y compris les aventuriers.
Le duo secoua la tête.
« Nous ne pouvons pas. Les aventuriers de haut rang ont été engagés par des personnes fuyant le port maritime. Ils sont tous partis. »
« Il ne reste que des aventuriers de bas rang maintenant… »
Les aventuriers n’avaient pas pu vaincre le kraken, ni les bandits. Les aventuriers de haut rang étaient partis sans faire leur travail.
Quel cauchemar ! Ils ne pouvaient pas pêcher, pas envoyer de bateaux en mer, pas obtenir de nourriture des autres villes, et pas passer sur les routes à cause des bandits. Et les aventuriers étaient inutiles. Et il n’y avait pas assez de poissons dans les bas-fonds.
« Et les montagnes ? »
Il devait y avoir quelque chose. C’était ridicule !
« Pourquoi ne pas chasser dans les montagnes ? »
S’il y avait des loups ici, il devait y avoir quelque chose à manger pour eux.
« Nous pouvons chasser un peu dans les montagnes, mais pas beaucoup. Ce que nous avons réussi à chasser a été escroqué par nos propres marchands ! »
« Les autres ports savent-ils que la mer de Mileela est attaquée par le kraken ? Le pays ne fait rien ? »
Bien sûr, ce n’était pas la capitale, mais des soldats ne pouvaient-ils pas aider ?
« Oh, nous ne sommes pas gouvernés par le roi… sous aucun roi d’ailleurs. Mais cela signifie que personne ne nous aidera. »
« Vraiment ? »
Yuula acquiesça : « J’ai entendu dire que le port maritime a été créé il y a longtemps par des réfugiés d’une époque déchirée par la guerre. »
Pas d’aventuriers, pas de nourriture, et pas de pays. Ils étaient complètement acculés. Personne ne pouvait rien faire, sauf… peut-être moi ? Mais comment pourrais-je me battre ? Même mes ours ne pouvaient pas se battre dans un océan.
« Qu’aller vous faire maintenant ? », avais-je demandé.
« Si possible, nous irions à Crimonia. »
« Pouvez-vous vraiment retourner au port de mer depuis Crimonia ? Vous avez eu de la chance cette fois. »
Ils n’avaient même pas atteint leur objectif.
« Si nous ne le faisons pas, nos enfants et nos parents n’auront rien à manger… »
Ils avaient l’air si défaits, ils se souvenaient probablement de leur voyage jusqu’ici. Bien sûr, ils allaient continuer pour atteindre leur but… et peut-être finir complètement enterrés.
Je pourrais simplement les laisser repartir après ça, mais je ne pouvais pas les laisser mourir. J’avais près de cinq mille loups pour la nourriture et des tonnes de farine pour faire du pain et des pizzas. J’avais assez de nourriture pour pourrir… dans mes réserves, mais cela n’arrivera pas.
« Hum, alors où sommes-nous maintenant ? », demanda Damon.
« Nous sommes dans les montagnes. »
« Huh ? »
« Quoi ? »
Les deux étaient surpris. Je suppose que n’importe qui le serait après avoir entendu dire qu’il y avait une maison au milieu des montagnes.
« On est dans une grotte près de l’endroit où vous vous êtes effondrés. »
« Vous êtes sérieuse ? »
« Si vous pensez que je mens, vous pouvez vérifier par vous-même. »
Tous les deux regardèrent à l’extérieur de la maison d’ours par la fenêtre. Même de l’intérieur de la grotte, on pouvait voir le blizzard hurler dehors.
« Il y a une maison dans cette grotte ? »
« Yep. C’est magique. »
« C’est incroyable ! »
« C’est comme ça que je suis arrivée jusqu’ici. »
Sans mes trucs d’ours, je n’aurais jamais gravi cette montagne. Costume d’ours, invocations d’ours, maison d’ours, et stockage d’ours… qu’est-ce que je ferais sans eux ?
« Aussi, à propos de la nourriture de tout à l’heure, j’ai de la nourriture, alors je vais partager. »
« Vraiment ? Si vous pouviez nous en donner, ce serait merveilleux, mais… combien vous nous feriez payer ? »
Damon sortit un sac en cuir et répandit des pièces d’argent et de cuivre sur la table. Ils avaient probablement rassemblé tout l’argent qu’ils avaient dans leur foyer. Ce n’était pas beaucoup selon mes critères.
« C’est tout ce que nous avons. Plus vous serez disposées à vous en séparer, plus cela nous aidera. »
Damon inclina la tête, se montrant assez bas et humble pour une fille de mon âge. Mais s’il avait été arrogant et avait exigé la nourriture, je l’aurais refusé.
« Je n’ai pas besoin d’argent. Laissez-moi juste vous demander une faveur. »
J’avais du stock de loups à revendre.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Faites-moi visiter la ville quand on y sera. »
« Vous êtes sûre que c’est tout ? »
« C’est tout. Je ne vais pas demander quelque chose de déraisonnable. »
Si le kraken n’était pas là, je leur aurais demandé de me présenter leur poissonnier le plus recommandé. Pour l’instant, je suppose que j’avais juste besoin d’aller en ville.
« Merci. »
Arrête donc avec ses courbettes. Franchement, ils étaient si polis avec une fille dans des vêtements si étranges. C’était vraiment terrible.
« Plus important encore, vous devez être fatigué après cette journée, non ? Je vais préparer à manger, alors reposez-vous après avoir mangé. Une fois que le blizzard se sera calmé, nous partirons très tôt. »
J’avais préparé quelques repas chauds pour eux. Ils avaient pleuré doucement en mangeant. Je supposais qu’ils n’avaient pas beaucoup mangé au port. À moitié affamés et essayant d’escalader une montagne… Bon sang. Une fois qu’ils eurent fini de manger, je les avais conduits dans la chambre à l’étage.
Quant à moi, je m’étais blottie sous les couvertures de ma chambre, espérant récupérer de cette journée épuisante.
***
Chapitre 85 : L’ours atteint la ville côtière de Mileela
Avec un peu d’aide de la magie du vent, j’avais dégagé la neige qui s’était accumulée devant la grotte et j’étais sortie pour voir un ciel clair. Il y avait tellement de soleil que le blizzard d’hier aurait pu être un mauvais rêve. Un ciel aussi lumineux était un spectacle plutôt rare pour une ancienne recluse comme moi.
Le couple quitta la grotte en premier pendant que je rangeais la maison d’ours dans mon entrepôt. Quand je m’étais dirigée vers l’extérieur, je les avais trouvés trébuchants un peu dans la neige fraîche.
« Yuna, ma chère, que vas-tu faire pour ta maison ? », demanda Yuula.
Depuis qu’ils m’avaient ouvert leur cœur hier, ils avaient cessé de m’appeler « Madame » Yuna et étaient devenus franchement sentimentaux. Je préférais toujours ça à « Madame ».
« J’ai utilisé la magie pour la faire sortir, donc je peux aussi la ranger. »
« Yuna, tu dois vraiment être une incroyable aventurière », dit Damon.
« Je suis juste une aventurière ordinaire. »
Ce qui était un peu bizarre à dire, et un mensonge un peu évident. S’il y avait un autre aventurier qui portait une tenue d’ours comme celle-ci, qui escaladait une montagne en solitaire, et qui pouvait sortir et ranger une maison entière quand il en avait envie, j’aimerais bien le voir.
« Très bien, les gars, je vais lancer la convocation dont je vous ai parlé hier soir. Préparez-vous. »
J’avais tendu mes deux mains et, comme ça, Kumayuru et Kumakyu étaient apparus.
« Whoa, vous ne plaisantiez pas avec ces ours. »
« Oh là là, on va les monter ? »
Je suppose que c’était une chose de savoir quelque chose et une autre de le voir.
« Vous deux, vous pouvez monter sur mon ours noir, Kumayuru. »
« Il ne va pas nous attaquer, hein ? »
Ils s’étaient approchés prudemment de Kumayuru.
« Bien sûr, tant que vous ne faites rien pour les blesser ou les insulter. »
Damon cligna des yeux.
« Tant qu’on ne fait pas… Je suis désolé, vous voulez dire qu’ils peuvent nous comprendre !? »
« Yep. Kumayuru, pourrais-tu t’accroupir et les laisser monter sur toi ? »
Kumayuru s’accroupit en réponse.
Damon bafouilla : « Euh… Kumayuru… Je suis juste tellement, tellement excité de voyager avec toi. »
« Cwooooom. »
« Wôw ! »
Damon avait l’air d’un enfant dans un magasin de jouets.
« Il comprend vraiment ce qu’on dit ! »
Damon sauta sur le dos de Kumayuru.
« S’il te plaît, monte aussi, Yuula. Nous sommes sur le point de partir. »
Yuula acquiesça et monta derrière son mari. Kumayuru se leva lentement — je pense que lorsqu’il s’agit d’adultes, deux était probablement le maximum pour Kumayuru.
« Je ne pense pas que vous allez tomber, mais assurez-vous de bien vous accrocher. », avais-je dit.
J’avais enfourché Kumayuru, puis nous étions partis en direction du port maritime. La progression était lente, au pas, et s’accélérait au fur et à mesure qu’ils s’habituaient à monter mes ours magiques géants. Nous ne pouvions pas aller aussi vite en terrain montagneux, mais c’était mieux que de marcher.
Le temps en montagne était capricieux. Il y avait une chance qu’il y ait une nouvelle tempête sous peu. J’avais donc accéléré un peu la cadence sur le chemin de la montagne. J’avais combattu quelques bonshommes de neige le long du chemin avec la magie du feu. Puisque Kumayuru était là, tout irait probablement bien, mais toute attaque de monstre serait une complication dont je n’avais pas besoin.
« Tu es si calme à propos de tout ça, chère Yuna. »
« Ouais, whoa… »
Jusqu’à ce qu’ils me rencontrent, les deux se cachaient quand ils trouvaient des monstres ou changeaient de chemin. Ce n’était pas comme si on pouvait battre les monstres en les frappant sur la tête ou autre, donc je suppose que les gens normaux devaient fuir.
Finalement, nous avions atteint l’autre côté de la montagne, et l’océan bleu sans limites s’était étendu devant nous comme les eaux scintillantes d’un rêve. La mer m’attendait. Le kraken aussi, je suppose, ce qui était… moins bien, si vous vouliez mon avis.
Quoi qu’il en soit, ce n’était pas parce que je pouvais voir l’océan qu’il était vraiment proche. L’océan était juste grand. J’avais l’impression d’être à la même distance que si je descendais du sommet du Mont Fuji, je crois ?
Non pas qu’une ermite comme moi ait jamais escaladé le mont Fuji. Je ne l’ai vu qu’à la télévision. Si mon corps d’ermite essayait de se hisser au sommet du mont Fuji, les choses deviendraient très vite désastreuses. Je devais vraiment être plus reconnaissante pour mes convocations d’ours.
L’océan s’étendait devant nous, au loin, baigné de soleil, et nous nous étions dirigés vers lui.
Les ours avaient commencé à descendre en courant le long du sommet de la chaîne de montagnes. Le couple sur Kumayuru était assez agité depuis tout à l’heure. Toutes sortes de trucs énervants. « S’il te plaît, arrête », « C’est trop rapide », et « On va mourir ». Totalement ingrat !
Certes, nous descendions assez vite, mais pourquoi ne pouvaient-ils pas en profiter ? Faire comme si c’était des montagnes russes ou autre. C’était… probablement à ça que ressemblaient les montagnes russes, non ? Pour les gens qui vont dehors ?
Quelques heures et une courte pause plus tard, nous étions arrivés à la base.
« Vous deux, vous vous en sortez bien ? »
« Oui, je me débrouille. »
« Je vais bien. »
Leurs cris s’étaient tus en partie, et ils s’étaient contentés de tenir Kumayuru pour la vie.
Damon soupira : « C’est juste que… eh bien, il nous a fallu si longtemps pour gravir cette montagne, et nous sommes allés si loin. Tu nous as fait redescendre juste comme ça. »
Nous avions tous les trois voyagé pendant un certain temps maintenant, n’est-ce pas ? Mais c’était grâce à mon invocation d’ours que nous avions finalement réussi.
Nous étions descendus de mes ours à mi-chemin après être descendus de la montagne et nous nous étions dirigés vers le port à pied. Damon et Yuula m’avaient dit que nous ferions peur aux habitants si nous allions vers eux avec les ours. Je suppose que les ours étaient généralement considérés comme des brutes poilues.
« On s’est vraiment retrouvés ici en un jour », avaient-ils soupiré. C’était le crépuscule, et nous avions finalement atteint la ville. La brise marine nous frappait. Nous étions enfin arrivés à l’océan !
Au moment où nous étions arrivés près du port maritime, nous avions croisé un type.
« Damon, tu es revenu ! »
« Ouais, on a dû faire demi-tour. On était sur le point de mourir, et cette fille nous a sauvés. »
Le gars m’avait regardée.
« Un… ours ? »
« Je suis l’aventurière Yuna. »
Je lui avais montré ma carte de guilde.
« Une aventurière… ? », répéta le gars.
Oui, oui. Surpris qu’une fille en costume d’ours se dise aventurière, etc. Il avait regardé plusieurs fois moi et ma carte de guilde. J’avais essayé de ne pas le blâmer trop sévèrement pour ça.
« Êtes-vous sûre ? »
« Oui. »
Damon hocha la tête : « Elle a combattu tous les monstres qui ont tenté quoi que ce soit sur notre chemin. Yuna est beaucoup plus forte qu’elle n’en a l’air. »
L’homme m’avait regardée avec curiosité.
« Alors, Damon, tu n’as finalement pas atteint Crimonia ? »
Damon secoua la tête : « J’ai abandonné à mi-chemin. C’est là qu’elle nous a sauvés. »
« Compris. Petite Ourse, merci d’avoir sauvé Damon et Yuula. »
« Je les ai juste trouvés et fais ce que n’importe qui aurait fait. Ne vous inquiétez pas pour ça. »
« Je vois. Damon a dû vous parler de l’état du village, mais nous vous accueillons quand même à bras ouverts. »
Sur ce, le type nous avait laissé entrer.
« Que vas-tu faire maintenant, Yuna ? »
« Dormir. Il est tard, et demain sera un vrai enfer. Si vous pouviez me montrer une auberge, ça m’aiderait beaucoup. »
« Une auberge ? Il y a des chances qu’ils ne servent pas de nourriture. », soupira Damon.
« Ça ne fait rien. J’ai de la nourriture, tout ce dont j’ai besoin maintenant c’est de dormir. »
Si je n’arrivais pas à trouver un endroit, je pourrais toujours chercher un endroit désert et installer la maison d’ours.
« Dans ce cas, Yuna, pourquoi ne viendrais-tu pas séjourner chez nous plutôt que dans une auberge ? », demanda Yuula.
« Nan. Vous allez enfin revoir votre famille, n’est-ce pas ? Ça ira. »
« Mais tu nous as donné tant de nourriture… »
J’avais mis de la viande de loup, de la farine et des légumes dans un sac d’objets que je leur avais donné hier. Ils n’avaient même pas de sac d’objets, mais ils étaient quand même en route pour Crimonia afin d’acheter des trucs et de tout ramener par la montagne. Ils étaient pour le moins imprudents… mais je suppose que c’était ce que faisait la faim.
« Faites-moi visiter la ville si vous voulez me remercier. »
Les deux avaient essayé de me donner de l’argent pour la nourriture, mais j’avais refusé. Je ne voulais même pas qu’ils me raccompagnent à une auberge, mais ils m’avaient pratiquement suppliée de les laisser faire au moins ça. Même s’ils voulaient apporter de la nourriture à leur famille, ils voulaient d’abord me donner ce petit cadeau.
Nous nous étions promenés un peu dans la ville, mais il n’y avait pas d’animation, pas beaucoup de gens dehors. C’était désert, même pour un coucher de soleil, et la place était morte. Au moins, il n’y avait pas beaucoup de gens autour de la fille ours pour la dévisager cette fois.
« Normalement, cette place devrait être remplie de tonnes de chariots de nourriture », dit Yuula avec tristesse.
« Mais comme on ne peut pas attraper de poissons à cause du kraken, personne ne fait de commerce. »
« Et comme les bateaux ne peuvent pas venir, les gens ne viennent pas non plus des environs. »
« Exact. Vous aviez dit que les poissons sont gérés par la guilde du commerce ou quelque chose comme ça ? », avais-je dit.
« Oui. Ils ne pensent qu’à l’argent. »
Ils étaient censés distribuer le poisson, mais apparemment ils étaient gavés de pots-de-vin des riches et des désespérés. Mais alors, à quoi d’autre s’attendre de la part de marchands ? En fin de compte, tout se résumait à leur ligne de fond. Je pouvais pratiquement les voir regarder leur portefeuille, se demandant combien ils pouvaient se permettre d’escroquer sans causer trop de troubles. Même la guilde commerciale de Crimonia pouvait être impitoyable sur les profits. Je préférais quand ils m’aidaient à faire des pizzas.
« Damon ! »
Alors que nous marchions vers l’auberge, quelqu’un avait appelé Damon par-derrière. Un homme de l’âge de Damon avait couru vers nous.
« Jeremo ? »
« Quand êtes-vous revenu ? »
« À l’instant. »
« Je vois. Quand j’ai appris que vous aviez franchi la montagne, j’avais du mal à le croire. »
« Nous étions presque à court de nourriture, Jeremo. On n’avait pas le choix. »
« Je suis désolé de l’entendre. C’est qui cette fille dans un accoutrement bizarre là-bas ? »
Son regard était passé de Damon à moi.
« C’est Yuna, une aventurière. Elle nous a sauvés quand nous nous sommes effondrés dans la neige, nous a donné à manger et nous a ramenés au port maritime. »
Jeremo leva un sourcil.
« C’est une aventurière ? Je veux dire, la, euh, nous parlons tous les deux de la fille ici… dans le costume d’ours, non ? »
« Yuna, voici Jeremo. Il travaille à la guilde commerciale. »
« Les corrompus qui font monter les prix ? », avais-je dit en regardant fixement Jeremo.
« Jeremo n’est pas tout à fait comme les autres », dit Damon.
« C’est une façon intéressante de le dire. », dit Jeremo en grimaçant.
« C’est mieux que de dire que tu es avec eux, non ? »
« C’est juste. Ravi de vous rencontrer, Yuna. Je m’appelle Jeremo, et oui, je travaille vraiment à la guilde commerciale. »
Il continuait à reluquer le costume d’ours.
« Je suis Yuna, et oui, je suis vraiment une aventurière. Et non, je ne vais pas répondre aux questions sur les vêtements d’ours. Ne demandez même pas. »
Jeremo coupa immédiatement la question qu’il s’apprêtait à poser. Même s’il me posait des questions, je ne pourrais pas répondre à la plupart d’entre elles, et je n’en avais de toute façon vraiment pas envie.
« Je suis juste reconnaissant que vous ayez sauvé Damon. Pourquoi êtes-vous allée en haut de la montagne ? »
« Pour voir l’océan. »
C’était surtout pour avoir des fruits de mer, mais j’avais laissé cette partie de côté.
« C’est tout ? Vous avez… escaladé une montagne pour ça ? »
Il avait l’air exaspéré.
« Je n’arrive pas à croire qu’une petite fille ait pu gravir cette montagne. »
« On n’arrivait pas non plus à croire qu’elle nous avait sauvés, mais on l’a vue éliminer des monstres sans verser une goutte de sueur. »
« Si vous êtes aussi forte, mademoiselle, alors peut-être pourriez-vous aider les aventuriers qui sont venus l’autre jour et ont battu les bandits ? », dit Jeremo pensivement.
« Il y a d’autres aventuriers ? »
Je pensais qu’ils étaient tous partis.
« Un groupe de rangs C est passé par la grande route l’autre jour. », dit-il en hochant la tête.
« Huh. Vraiment ? »
« Oui, et le maître de guilde de mon travail les a immédiatement contactés. Il y a une chance qu’ils soient intégrés à la guilde commerciale. Il y a aussi beaucoup de gens qui veulent quitter le port maritime, alors ils pourraient prendre un travail de garde et quitter la ville. »
« C’est vrai. Espérons qu’il s’agisse d’un bon groupe d’aventuriers. »
Un court silence s’était installé entre nous.
« Eh bien, euh. Je ferais mieux de me remettre au travail. Damon, Yuula, je suis heureux que vous soyez sains et saufs. Jeune fille, je… ne resterais pas trop longtemps dans ce port. », dit Jeremo
Et nous avions ainsi pris des chemins différents.
***
Chapitre 86 : L’ours se rend à la guilde des aventuriers
Partie 1
« Yuna, ma chère, voici l’auberge. »
C’était vraiment beaucoup plus grand que ce à quoi je m’attendais.
« Il y a habituellement des gens qui viennent d’autres ports maritimes pour acheter du poisson. Mais en ce moment, il y a… des chambres libres. »
Ils étaient entrés tous les deux, je les avais ensuite suivis.
« Deigha est là ? »
« Est-ce toi, Damon ? »
Un homme musclé bronzé était assis derrière le comptoir, l’air de rien. Nos regards s’étaient croisés.
« Des muscles ? »
J’avais laissé échapper un mot.
« Un Ours ? », avait-il lâché en retour.
Il avait des muscles plutôt ridicules. Comme une sorte de dieu de la mer, tout droit sorti des vagues.
« Damon, c’est qui la fille mignonne avec les habits d’ours ? », grogna-t-il.
« La fille qui nous a sauvé la vie. On a failli mourir dans la neige sur le chemin de Crimonia. »
« C’est un peu exagéré », avais-je dit.
« Et elle est en plus trop modeste. Nous nous sommes effondrés dans un blizzard, et elle nous a trouvés. Puis elle nous a protégés et nous a ramenés au port. »
« Cette petite fille ours a fait ça… »
« Elle veut rester à l’auberge. As-tu des chambres libres ? »
« Mm. Nous n’avons pratiquement que les aventuriers qui sont venus plus tôt. Des tonnes de chambres libres. »
« Tu pourrais donc la laisser rester ici ? »
« Oui, bien sûr. Je ne peux cependant pas servir de repas. Je parie que Damon te l’a déjà dit, mais nous manquons de nourriture dans ce port. Désolée d’être impoli, mais je n’ai pas les réserves nécessaires pour aller nourrir un étranger. »
Ehh. J’avais le pain que Morin m’avait fait et des tonnes d’autres choses, donc je n’avais pas de problèmes quand il s’agissait de nourriture.
« Cependant, si vous avez des ingrédients, je pourrais vous préparer quelque chose. », ajouta-t-il
Comme il l’avait proposé, j’avais décidé de le prendre au mot. Dommage que je ne puisse pas avoir de fruits de mer, par contre. J’avais sorti de la viande, des légumes, de la farine et d’autres choses de mon stock d’ours et je les avais placés devant l’homme musclé.
« Si vous pouvez faire quelque chose avec ça… », avais-je dit.
« Whoa, whoa, comment avez-vous fait pour avoir autant de nourriture sur vous !? »
J’avais haussé les épaules.
« Je ne sais pas combien de temps je vais rester, mais préparez quelque chose de savoureux, si vous le pouvez. Si vous avez besoin de plus d’ingrédients, dites-le-moi. »
« D’accord, j’ai compris. Je vais préparer quelque chose tout de suite. J’aimerais par contre pouvoir servir des fruits de mer. Je m’appelle Deigha. »
« Je m’appelle Yuna. »
« Enchanté de vous rencontrer, Mlle Ours. »
Pourquoi ne pouvait-il pas utiliser mon nom comme une personne normale ? Pourquoi personne ne pouvait-il le faire ?
Damon et Yuula étaient rentrés chez eux et j’avais eu mon repas préparé, qui était étonnamment délicieux. Ce type savait cuisiner. L’estomac plein, on m’avait montré ma chambre. Comme il y avait des tonnes de chambres libres, il m’avait laissé la plus grande chambre avec un plan de paiement différé. Il y avait même assez de place pour convoquer mes ours.
Je m’étais assise sur le lit et j’avais sorti mon téléphone ours. Fina devait s’inquiéter pour moi, alors je l’avais appelée.
« Yuna !? »
Après quelques sonneries d’ours, Fina décrocha.
« Fina, j’y suis. », avais-je dit avec ma meilleure voix d’agent secret
« Vraiment ? Merci mon Dieu. »
Je pouvais entendre à quel point elle était soulagée. Le fait de voir qu’elle s’inquiétait autant pour moi était touchant.
« Alors, l’océan est beau ? »
« Oui. Joli, grand, bleu. »
Même si je ne l’avais pas encore vu de près.
« C’est tellement beau. J’aimerais pouvoir le voir. »
« Si Tiermina est d’accord, voudras-tu venir avec moi un jour ? »
« Le penses-tu vraiment !? »
Eh bien, je ne pouvais pas vraiment l’amener avant que les bandits et le kraken soient partis, mais pourquoi pas ? En parlant de ça, je ne voulais pas inquiéter Fina, donc je ne lui avais pas parlé des bandits, du kraken, ou de la famine. Je lui avais juste dit que j’allais profiter des vibrations de l’océan pour un moment et que je pourrais mettre un peu de temps avant de revenir à Crimonia.
« Eh bien, si quelque chose arrive, n’hésite pas à appeler. »
Il était tard, donc je voulais que la conversation soit courte.
« Je n’hésiterai pas. Mais Yuna, s’il te plaît, ne fait rien d’imprudent non plus. »
Le lendemain matin, je m’étais réveillée avec deux énormes petits pains noirs et blancs posés sur mon lit. Je les avais inspectés de plus près et j’avais vu que Kumayuru et Kumakyu étaient recroquevillés et dormaient sur le lit sous forme de cubes. C’est vrai, je les avais convoqués par mesure de sécurité la nuit précédente. Il y avait une jeune fille de quinze ans qui dormait ici, après tout, alors j’avais besoin d’au moins un peu de sécurité.
Mes ours dormaient cependant si paisiblement. Ils allaient me réveiller si quelqu’un venait, non ? Quand je les avais caressés, ils m’avaient regardée, avaient poussé de petits bâillements et s’étaient immédiatement recroquevillés. J’avais rappelé mes petits gars, j’avais grimpé hors du lit et j’avais changé mes vêtements d’ours blanc pour mes vêtements d’ours noir. Puis je m’étais dirigée vers la salle à manger en bas.
« Vous êtes en avance. J’ai de la nourriture prête si vous en voulez. »
L’homme musclé Deigha m’avait servi le petit-déjeuner, qui était aussi délicieux qu’avant.
Parmi les employés de l’auberge, il y avait Deigha, sa femme et leurs enfants, qui tenaient plus de leur mère. Ils étaient tous plus âgés que moi, et le fils aidait à l’auberge tout en travaillant comme pêcheur. Et bien qu’ils avaient cuisiné à l’auberge avec le poisson que le fils avait attrapé, il était coincé à terre comme la plupart des pêcheurs et aidait donc à l’auberge elle-même.
Je pense que la sœur avait quelques années de plus que moi. Elle aidait à faire le ménage, la lessive, la cuisine, et tout ce dont sa mère avait besoin. J’avais été soulagée de constater qu’ils n’étaient pas musclés comme leur père. Ça aurait fait beaucoup trop de muscles pour un seul bâtiment.
« Quel goût ça a ? », grogna Deigha. Mais il grognait sur tout.
« Super ! »
« Eh bien, c’est bon à entendre. Et vous êtes sûre qu’on peut aussi avoir une part à manger ? »
« Vous me laissez une belle chambre. C’est le moins que je puisse faire. »
Selon Deigha, certains ménages étaient sur le point de manquer de nourriture. Bien qu’ils se soient répartis entre les personnes qu’ils connaissaient, même eux étaient presque à court.
« Au moins, la guilde commerciale distribue de la nourriture, non ? », avais-je ajouté.
« Hmph ! Ils font semblant, c’est sûr, mais en fait ils ne font que remplir les poches des riches. »
Comme l’avaient dit Yuula et Damon. Dans ce cas, je pense qu’il vaut mieux éviter de distribuer de la nourriture dans la guilde commerciale.
« Alors vous ne pouvez pas non plus obtenir de la nourriture ? »
Deigha secoua la tête.
« La guilde des aventuriers chasse des loups et d’autres animaux dans les bois pour en distribuer, mais ça ne va pas plus loin. »
« La guilde des aventuriers fait ça ? »
« Oui, ils aident aussi beaucoup de gens. »
Donc la guilde des commerçants était une corrompue, mais la guilde des aventuriers pouvait être décente. Intéressant.
Lorsque j’avais quitté l’auberge, je m’étais dirigée vers la guilde des aventuriers avec l’aide des indications de Deigha. Je l’avais trouvée tout de suite, elle était plus petite que celle de Crimonia. Je m’étais préparée à un autre combat avec des aventuriers tapageurs en entrant, mais…
« Il n’y a personne… dans le coin ? »
« Quelle impolitesse ! Je suis juste là, n’est-ce pas ? »
J’avais regardé dans la direction de cette voix pour trouver… une exhibitionniste. Elle portait une jupe courte, une chemise qui soulignait son abondant décolleté, et buvait même si c’était le matin.
« Très bien, gentille petite chose, que faites-vous dans une guilde d’aventuriers ? »
« C’est la guilde des aventuriers, non ? »
Je n’étais donc pas accidentellement entrée dans un magasin pour adultes.
« Ouais. Qu’est-ce qu’il y a ? »
« C’est quoi cette tenue ? »
« Comme c’est grossier. Ce sont mes vêtements. Ça rend les garçons sauvages », dit-elle en se penchant en avant pour mettre sa poitrine en valeur.
C’était une façon d’enfoncer le clou pour la fille aux ours et à la poitrine planche à laver. Je la rattraperai dans quelques années… pas vraies ?
« OK, mais il n’y a pas d’hommes ici ? Ou… quelqu’un ? », avais-je dit lentement.
« Bien sûr que non. Vous n’avez pas entendu ce qui se passe dans cette ville, mon ours ? »
« Kraken, bandits, famine… j’ai compris l’essentiel. Et quelques aventuriers de haut rang se sont enfuis avec certains habitants de la ville, il ne reste que les aventuriers de bas rang. »
Et personne d’autre.
« Vous avez à peu près tout compris, petite. Mais les aventuriers qui sont restés traînent à la guilde du commerce. »
« Vraiment ? Pourquoi la guilde du commerce ? »
« Ils sont de bas rang, mais ils peuvent encore chasser des monstres de moindre importance. La guilde du commerce les achète à un prix élevé, alors la plupart d’entre eux sont allés là-bas. »
Je vois. Donc ils gagnaient de l’argent en vendant à la guilde du commerce plutôt qu’ici. Les aventuriers préféraient les gros sous aux grosses pertes… mais je n’avais pas l’intention de le dire à voix haute.
« La guilde des aventuriers ne peut pas acheter des trucs plus chers ? »
« Hmph. J’ai déjà entendu ça. »
La femme me lança un regard noir. Je n’avais pas pu m’empêcher de sursauter, son regard était si acéré.
« Ha ha, je plaisante. Vous êtes une nerveuse. Qu’est-ce que vous venez faire ici, mon petit ourson ? »
« J’ai entendu dire que vous n’aviez pas assez de nourriture, alors je suis venue vous aider. Je suis une aventurière. »
« Vous ? Une aventurière ? Pfft. Heh. Ahahahaha ! Ça fait longtemps que je n’ai pas eu un bon fou rire, merci. Vous êtes censée être une aventurière, petite fille ourson ? Aha ha ha ! »
Elle n’arrêtait pas de rire aux éclats.
« Oui, je suis une aventurière. D’accord ? »
La femme sirota sa boisson et manqua de la renifler dans un nouveau gloussement.
« D-Désolée, désolée, je-pfffeeeahhahahahaha ! Je n’arrive vraiment pas à imaginer qu’une fille portant un costume d’ours aussi mignon soit une aventurière. Juste pour être sûr, voulez-vous bien me montrer votre carte de guilde ? »
« Et la vôtre ? »
« Oh, c’est vrai. Désolée. Je suis le maître de guilde de cette ville. Je m’appelle Atola. »
Je n’aurais jamais deviné. Je suppose qu’il n’y avait pas assez de talents dans le coin. J’avais donné ma carte de guilde à Atola.
« Il n’y a pas d’autres employés ici ? », avais-je demandé.
« Nan, on n’a pas le temps de tergiverser tant que la ville est dans cet état », avait-elle dit, et elle avait immédiatement pris une énorme gorgée d’alcool.
« Ouf. Pas de flânerie. Maintenant, ceux qui savent se battre sont dans la montagne pour ramasser de la nourriture et les plus forts négocient un envoi d’aventuriers. Tous les autres massacrent les monstres et les animaux ou distribuent la nourriture. »
***
Partie 2
Deigha avait dit quelque chose comme ça aussi, que la guilde des aventuriers distribuait la nourriture.
« Maintenant, je ne sais pas si vous avez remarqué à partir du “absolument tout autour de cet endroit”, mais nous avons une pénurie de nourriture en ce moment. Des problèmes de calamars géants et autres. Des tonnes de gens n’ont pas assez à manger. Je ne peux pas rester là et les laisser mourir de faim. Je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour eux. »
Huh. Je suppose que je n’aurais pas dû la juger sur son apparence, elle travaillait dur pour les habitants de sa ville.
Atola passa derrière le comptoir de la guilde et posa ma carte de guilde sur un panneau de cristal, qu’elle commença à actionner.
« Aventurière de rang D... Nom : Yuna », Atola avait lu à haute voix.
« C’est… »
Elle rétrécit ses yeux pendant qu’elle lisait à haute voix. J’aurais aimé pouvoir le voir aussi.
« Des monstres… des invocations… des tigres… des vipères noires… des bandits… le taux de réussite des quêtes… cent pour cent ? ».
Elle marmonnait d’une voix si basse que je pouvais à peine l’entendre. D’après les bribes que j’avais entendues, il semblerait qu’elle était en train de lire les monstres que j’avais tués. Atola avait fini de lire mes informations et… se figea.
« OK, la plaisanterie est terminée. C’est… »
Elle prit alors une grande inspiration.
« … C’est incroyable. Qui êtes-vous vraiment ? »
« Juste une aventurière. »
Que pouvais-je dire d’autre ?
« Veuillez m’excuser un instant, mais vous avez tué à vous seule une horde de gobelins et leur roi-gobelin. Vous avez tué des loups-tigres et une vipère noire. Vous avez terrassé des bandits, et il n’y a pas une seule marque noire sur votre dossier. Aucun échec. C’est incroyable. »
Mais c’était vrai.
« Et vous avez fait tout ça, chaque chose, toute seule ? Allez. »
Atola avait rétréci ses yeux en me regardant.
« Je ne le crois pas. »
Quoi, c’était le costume d’ours ?
« Tout cela est déjà trop, et en plus de ça… ça ? Vraiment ? »
« Qu’est-ce que vous voulez dire ? »
Il ne devrait n’y avoir aucun enregistrement au sujet des dix mille monstres que j’ai tués, non ? Sanya s’en était assurée.
« Il y a une note ici que seul un maître de guilde peut voir. »
Elle m’avait regardé à nouveau, comme si elle observait ma réaction.
« Petite, il y a le sceau du Royaume d’Elfanica là-dessus. »
« Le sceau d’Elfanica ? C’est censé être quoi ? »
C’était la première fois que j’en entends parler.
« Il est donné aux aventuriers et aux marchands qui ont la plus grande confiance du royaume. Il est conféré à ceux qui ont travaillé pour le bien du pays et qui réalisent de grandes choses. Vous ne faites pas semblant d’avoir de l’âge, hein ? Une sorte de maladie bizarre de vieillissement à rebours ? »
« Je suis une fille de 15 ans. »
Et une de celle qui n’avait aucune idée de ce truc estampillé sur ma carte de guilde. Ça devait être le roi qui l’avait fait. Il avait dû le faire pendant qu’il entrait le permis d’entrée dans ma carte de guilde. S’il devait faire ça, j’aurais aimé qu’ils me le fassent savoir.
« Qu’avez-vous fait au Royaume d’Elfanica ? »
« Juste, euh, j’ai aidé un peu quelqu’un. »
Je veux dire, je ne pouvais pas lui dire que j’avais tué une armée de monstres déterminés à détruire le royaume dans une quête de vengeance folle. Ça devait être l’histoire des dix mille monstres.
Atola plissa les yeux et me regarda d’un air dubitatif.
« Vous n’êtes pas impliquée avec la famille royale, hein ? »
« Non. Je suis juste une aventurière ordinaire. »
Comme si j’allais me balader en costume d’ours si j’étais de la famille royale. Mais cela soulevait une question : si je me rendais dans des guildes d’autres villes, cela provoquerait-il toujours une telle agitation ?
« Est-il possible d’effacer cette info ou quelque chose comme ça ? »
« Qu-Qu’est-ce que vous dites ? ! Vous parlez d’effacer le sceau du Royaume d’Elfanica. »
« Ouais, mais c’est vraiment gênant quand ça fait flipper les gens comme vous venez de le faire. »
« Écoutez. Les seuls qui peuvent voir le sceau sont les maîtres de guilde. Si vous utilisez votre carte normalement, personne ne le saura. Mais si vous avez des problèmes dans une guilde, vous pouvez la montrer au maître de guilde et vous serez probablement bien traitée. »
Je suppose que c’était comme les sceaux d’identification dans le Japon féodal. Mais quand même…
« Mais si le maître de guilde le diffuse ? »
« Il vaut mieux pas. Les sceaux destinés uniquement aux yeux du maître de guilde sont considérés comme top secret. Le divulguer à quiconque serait une véritable violation de la vie privée. »
Super. Mais Atola avait l’air d’une énorme poivrote, ce n’était donc pas super encourageant.
« Vous êtes habillée bizarrement, mais vous êtes puissante. Nous sommes honorés de vous accueillir dans notre guilde. », dit-elle.
Elle avait tendu la main, et je l’avais saisie avec ma main d’ours. Ce fut ainsi qu’elle s’était glissée dans son rôle de maître de la guilde.
« Passons aux choses sérieuses. Qu’est-ce qui vous amène à la guilde des aventuriers, Yuna ? Vous ne seriez pas ici pour vous occuper de notre problème de bandits, par hasard ? », dit-elle en croisant les mains.
« Je pourrais le faire aussi, si vous le souhaitez, mais je suis surtout venue offrir de la nourriture à tous ceux qui en ont besoin. On dirait que venir à la guilde des aventuriers serait une meilleure idée qu’aller à la guilde commerciale. »
« Sans blague. Je suis heureuse de l’entendre, Yuna. »
« Les loups feraient l’affaire ? »
« C’est bien de la viande, n’est-ce pas ? Bon sang, même un ou deux seraient utiles en ce moment. »
Oh, bien. J’avais cinq mille loups morts.
« Sei ! Tu es là, Sei ? »
Atola se tourna vers une pièce arrière et appela quelqu’un.
« De quoi as-tu besoin ? »
Un membre du personnel masculin apparu de l’arrière-salle.
« Sei, comment se portent nos réserves de nourriture ? »
« Pas particulièrement bien. Nous donnons la priorité à la distribution aux personnes âgées et aux enfants, mais nous n’en avons même pas assez pour eux. »
« Je vois. Cette fille va apparemment nous donner des loups, alors si tu peux t’en occuper… ? »
Ce membre du personnel masculin, Sei, me jeta un regard.
« Maître de la guilde, qui est cette adorable enfant ? »
« C’est Yuna, une aventurière. Elle est arrivée hier, dit-elle. »
« Une aventurière ? Je vois. Je suis Sei, un employé de la guilde des aventuriers. Enchanté de vous rencontrer. »
Il n’avait pas fait d’histoire sur mon apparence et m’avait juste salué poliment. Il n’avait même pas posé de question sur la tenue d’ours !
« C’est vrai que vous nous donnez des loups ? »
« Oui. J’ai d’autres trucs, mais surtout des loups. Je veux dire, beaucoup de loups. »
« Ce serait très utile. »
Il inclina alors la tête et me remercia.
« Cool. Euh. Et bien, j’ai environ mille cinq cent soixante-dix-huit (peut-être soixante-dix-neuf ?) loups morts pour vous tous, donc je vais probablement avoir besoin d’un endroit pour juste, comme. Les empiler, je suppose. Une zone… d’empilage… de loups. »
Ce n’était pas le vrai nombre, mais ça avait l’air suffisant pour couvrir les besoins de la ville. J’aurais cependant aimé avoir des légumes et du pain.
« Qu’est-ce que vous venez de dire ? »
Leurs mâchoires étaient sur le sol.
« Oh, je cherche une zone pour les loups morts. Pour tous les loups morts que j’ai. »
« Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Est-ce que vous venez de dire mille cinq cents !? »
Peut-être que ce n’était pas assez pour un port en manque de nourriture ?
« Je peux vous en donner 2 000, si vous voulez. »
« Ce n’est pas le… Vous avez beaucoup de loups. Où est-ce que vous les gardez ? »
« Écoutez, j’ai tué les loups et je les ai sur moi, d’accord ? J’ai un sac d’objets qui contient une tonne de trucs », avais-je répondu. Je ne mentais pas.
Atola hocha lentement la tête. « Votre sceau. Je crois que je comprends pourquoi vous l’avez. »
« Un sceau ? », répéta Sei.
« Ne t’inquiète pas pour ça, Sei. Yuna, si vous en avez vraiment autant, une centaine nous suffira. Nous ne pourrions pas en découper un millier même si vous nous les donniez. », dit Atola.
C’est logique. Je ne savais pas combien de personnel elle avait, mais dépecer une centaine de loups prendrait du temps. Mais bon, juste une centaine de loups ne m’aiderait pas à vider mon inventaire.
« Sei, s’il te plaît mène-la à l’entrepôt. Ensuite, demande à tous les employés de les dépecer et de les distribuer. »
« Oh, et les gars ? S’il vous plaît, ne dites à personne que je vous ai donné les loups. »
« Pourquoi ? »
« Je ne veux pas attirer l’attention. »
Atola et Sei avaient regardé ma tenue à nouveau. Je savais ce qu’ils voulaient vraiment dire. Mais il y avait une sacrée différence entre se faire remarquer pour mon physique et se faire remarquer parce que je venais de nourrir un village. Les gens pourraient finir par m’énerver parce qu’ils voulaient plus de nourriture. Je ne pouvais pas gérer ça.
« Entendu. Sei, garde ce secret s’il te plaît. »
« Compris. Mlle Yuna, par ici s’il vous plaît », répondit Sei, tout en me conduisant à l’entrepôt.
« C’est notre, ah, “zone des loups morts”, comme vous l’avez si bien dit. »
J’avais sorti les loups de l’entrepôt des ours et les avais empilés en un tas sur le sol de l’entrepôt.
« Merci beaucoup, vraiment. Cela va nous aider. »
C’était dommage que je ne puisse pas me débarrasser d’autant de loups que je l’espérais, mais Sei m’avait dit qu’ils me préviendraient s’ils avaient besoin de plus. Il semblerait que j’avais une autre chance de me débarrasser de mon stock.
Pour l’instant, je m’étais dirigée vers l’océan — enfin.
Je voulais dire, s’ils avaient eu un marché, j’aurais acheté des fruits de mer pratiquement à la première heure. Mais ça n’avait pas l’air d’être possible. Et si j’avais pêché sans demander, j’aurais eu des problèmes, hein ?
Quand j’avais commencé à marcher vers l’océan, j’avais vu Yuula devant moi.
« Hé, Yuula, où allez-vous ? »
« Vers vous, bien sûr. Ne vous ai-je pas promis hier ? Je suis ici pour vous faire visiter le port maritime. Mais quand je me suis rendue à l’auberge plus tôt dans la journée, j’ai entendu que vous étiez déjà parti. Je vous cherchais. »
« Désolé. Je suis allée à la guilde des aventuriers. »
Je n’avais pas oublié, j’étais juste tellement inquiète à propos du problème de nourriture du port maritime.
« Vous êtes libre maintenant ? Je peux vous faire visiter, si vous le souhaitez. »
« Ça me paraît bien », avais-je dit avec un sourire reconnaissant.
« Super ! Où voulez-vous aller, Yuna ? »
« Pour l’instant, je pensais me diriger vers l’océan. »
« Dans ce cas, je vais vous y conduire. Que voulez-vous faire après cela ? Y a-t-il un endroit où vous voulez aller ? Il faut l’admettre qu’il ne se passe pas grand-chose en ce moment. »
« S’il y a un endroit où l’on vend du poisson, j’aimerais y aller. »
Non pas que je m’attende à ce qu’il y en ait un en ce moment.
« La guilde commerciale gère les poissons, vous devrez donc probablement vous y rendre pour en acheter. Vous pourrez peut-être en acheter si vous payez, mais les prix sont ridicules. »
L’offre et la demande, je suppose. J’avais de l’argent, donc je pouvais en acheter, mais ça faisait désordre d’acheter les ressources alimentaires limitées du port maritime juste parce que j’avais une envie de poisson.
« Oh, et où est Damon ? »
« Il distribue la nourriture que vous nous avez donnée aux gens que nous connaissons. »
« Êtes-vous sûre de vouloir faire ça ? Il y en a assez ? »
« Ça ira. Nous échangeons notre nourriture limitée entre nous. »
« Si vous n’en avez pas assez, faites-le-moi savoir. Comme, euh, les loups par exemple. »
Après avoir marché un moment, la côte était apparue. La vaste étendue de l’océan s’était étalée devant nous. Un océan bleu et sans fin, un ciel blanc. La mer était si calme qu’il semblait ridicule de penser qu’un kraken pouvait s’y cacher. À gauche, j’avais vu une tonne de bateaux de pêche amarrés dans le port. Je parie qu’ils seraient en mer sans la menace du kraken.
« Ton bateau est là aussi ? », avais-je demandé.
« Oui, nous en avons un là-bas. Mais il n’est pas très utilisé ces jours-ci. »
« Où apparaît le kraken ? »
J’avais montré du doigt l’océan qui s’étendait devant mes yeux. Je n’arrivais pas à croire qu’un kraken existait dans un endroit aussi calme.
« Où il veut. Il attaque tous les bateaux qui s’éloignent trop. Comme certaines personnes qui pêchaient à proximité ont aussi été attaquées, nous savons qu’il n’a pas de terrain de chasse principal. Je l’ai déjà dit, il s’est même approché du port maritime. Il pourrait apparaître n’importe où. »
Pour l’instant, je n’avais aucun moyen de combattre un kraken. Je ne pouvais pas me battre au-dessus de l’océan. Je ne pouvais pas voler et je ne pouvais pas plonger dans l’eau. Le jeu avait un objet que vous pouviez utiliser pour respirer sous l’eau, et certains joueurs avaient une compétence de sirène pour ces choses. Mais je n’avais pas d’objet pour m’aider à respirer ou à nager sous l’eau. Je ne pouvais pas non plus voler, évidemment. Je ne pouvais pas du tout vaincre le kraken avec mes capacités actuelles.
Si on avait pu se battre au sol, j’aurais pu servir à toute la ville des calamars grillés. Mais ça ne servait à rien de se plaindre de ce que je n’avais pas. Même avec l’équipement d’ours, je ne pouvais pas me battre dans l’océan. Tout ce que je pouvais faire était d’espérer qu’un aventurier de haut rang ou les troupes fassent un geste.
Je regardais l’océan en marchant le long de la côte. Il y avait des petites choses autour de la plage, des palourdes peut-être ? Si j’avais eu du miso, j’aurais pu les servir avec de la soupe miso.
J’avais sorti l’argent pour le travail, je m’étais alors demandé si je pouvais faire venir un aventurier de haut rang pour tuer ce kraken. En marchant le long de la plage, je pouvais voir une falaise devant l’endroit où nous marchions.
« Yuna, les bandits apparaissent devant cette falaise », avait prévenu Yuula.
Si je marchais seule, je me demandais s’ils allaient m’attaquer ?
Yuula et moi avions fini par errer dans la ville jusqu’au coucher du soleil. Lorsque nous nous étions arrêtées à la guilde des aventuriers à mi-chemin, je les avais vus distribuer les loups et quelques autres aliments que je leur avais donnés.
***
Chapitre 87 : L’ours est involontairement malmené
Imbéciles ! Je n’avais que des imbéciles insupportables tout autour !
« Qu’est-ce que ça veut dire ? », avais-je grogné contre mes subordonnés directs dans la salle.
J’avais grimacé en parlant à ces idiots : « Pourquoi la guilde des aventuriers a-t-elle tout ça… de la viande de loup !? »
« Je pense que c’est parce que quelqu’un a tué les bêtes ? », dit un de mes gars.
« Quelle réponse éclairée de la part du nouveau plus grand idiot de la ville. Est-ce que tu as la tête bien vissée ? Une centaine de loups en un jour ou deux ? Ne sois pas absurde ! »
J’étais entouré d’idiots, je vous le jure.
« Monsieur, peut-être que ce sont les aventuriers qui sont venus l’autre jour qui ont fait ça ? »
Il y avait effectivement un groupe d’aventuriers qui était venu en ville il y a quelques jours. Un groupe de quatre personnes. Deux épéistes et deux mages. Ils étaient de haut rang, mais ils avaient eu le culot de refuser ma proposition. Pire encore, le chef du groupe avait emmené les trois autres jolies filles quelque part.
Il y avait une chance qu’ils soient ceux qui avaient remis les loups à la guilde des aventuriers, mais on m’avait dit qu’ils avaient quitté la ville il y a deux jours. Qui pourrait préparer autant de viande de loup ?
« Si les aventuriers reviennent, voulez-vous qu’on les attrape pour vous ? », dit l’un des idiots autour de moi.
« Et lequel d’entre vous est capable d’attraper un groupe entier de rangs C, hein ? Réfléchissez avant de parler ! »
Ils étaient vraiment idiots, tous autant qu’ils étaient. Si c’était possible, je leur aurais demandé de capturer un groupe dès le départ. On était dans ce pétrin parce qu’aucun d’entre eux ne pouvait le faire. Mais ils n’arrivaient même pas à faire passer un truc aussi simple dans leur tête.
« Allez juste… voir comment la guilde des aventuriers s’est retrouvée avec autant de viande de loup ! Dégagez de ma vue ! »
J’avais rugi, et ils s’étaient enfuis.
Qu’avais-je fait pour mériter de tels nullards baveux ?
« Malédiction. Ce misérable trou perdu. Je n’allais rester qu’un mois de plus. », avais-je marmonné.
Il y a cinq ans, j’étais employé à la guilde commerciale d’une grande ville. Lorsqu’ils m’avaient proposé un poste de maître de guilde, j’avais été assez fou pour accepter, et je m’étais retrouvé coincé dans ce trou perdu poissonneux. J’avais continué à travailler pendant cinq ans malgré cela. Et oui, je détournais des fonds sous le nez des habitants, mais qu’allaient-ils en faire ?
Et puis le calmar géant était apparu.
Je n’avais pas pu envoyer de bateaux, pas pu attraper de poissons, et ce maire maladroit avait fait ses bagages et était parti. En plus de cela, les résidents les plus riches avaient commencé à partir. Comment étais-je censé gagner de l’argent sans mes vaches à lait ?
J’avais engagé des aventuriers à court d’argent pour jouer les bandits et empêcher d’autres habitants de quitter la ville. Et même si certains habitants avaient engagé des aventuriers pour les aider à s’enfuir, la nouvelle des bandits s’était répandue et il n’y avait plus eu autant de personnes qui essayèrent. La seule route qu’ils pouvaient emprunter était bloquée par les bandits et le kraken était dans l’océan, personne ne pouvait donc partir en bateau. La seule option restante était l’éreintante chaîne de montagnes, et qui serait assez stupide pour tenter cela ?
Je laissais un groupe restreint de pêcheurs attraper les poissons qu’ils pouvaient au large de la côte et je les gérais tous. Je faisais semblant de les diviser équitablement et je faisais grimper les prix. Vous avez faim ? Alors, venez me voir et payez ! Les pauvres bougres de la ville avaient droit à de petites bouchées, mais seulement pour éviter toute émeute.
Et même s’ils essayaient de s’enfuir, les bandits les attaqueraient et voleraient leurs biens. Fuir et perdre ses affaires, ou rester et les perdre quand même. J’avais juste besoin d’un mois de plus, et ensuite je pourrais faire sauter ce misérable taudis.
Jusqu’à ce que la guilde des aventuriers commence à distribuer de la viande de loup gratuite.
Si je ne faisais pas quelque chose, ma rentrée d’argent allait se tarir complètement. Sans compter que les habitants de la ville pourraient se retourner contre moi. Dans un premier temps, je devais juste localiser le fournisseur de viande de loup…
Cette nuit-là, mes gars m’avaient apporté l’info que j’attendais.
« L’ours est bizarre, mec. »
Oh, un ours était bizarre ? Qu’est-ce qu’il racontait ?
« Tu me prends pour un idiot ? »
« Non, je suis… écoute, il y a une fille dans un costume d’ours. »
Il devait se moquer de moi.
« Je me suis renseigné sur elle et il semble qu’elle soit venue seule l’autre jour. »
« Elle est arrivée ici sans être attaquée par les bandits ? »
Elle avait un garde, alors ? J’étais sûr que ces types auraient attaqué une fille qui se promenait seule, mais peut-être que le fait de voyager seule l’avait laissée passer ?
« On dit qu’elle a traversé les montagnes toute seule. »
« Ha ! Une petite fille ours qui grimpe sur une montagne ? Es-tu ivre ? »
« Non, je l’ai entendu du gardien lui-même ! Selon lui, elle a aidé des habitants qui essayaient de franchir la montagne. Le lendemain, plusieurs habitants ont vu un ours sur la côte. Il y a aussi des gens qui l’ont vue se diriger vers la guilde des aventuriers. »
D’après son rapport, cette fille en tenue d’ours s’était rendue à la guilde des aventuriers et venait de déverser des tonnes et des tonnes de carcasses de loups dans leur entrepôt. Ce qui… hmm. Si elle était vraiment assez puissante pour franchir cette montagne seule, elle devait être capable de vaincre facilement des loups, même si ce n’était qu’une fille. Et si elle avait autant de viande de loup sur elle, cela signifiait qu’elle devait aussi avoir un sac d’objets de première classe.
Cela signifiait-il qu’elle était une aventurière de haut rang ? Si c’était le cas… oui, elle était sûrement de rang B, ou peut-être de rang C au minimum.
Quel atout d’avoir une personne comme elle ! Et peut-être pourrais-je aussi obtenir d’elle plus de viande de loup. Maintenant, comment devrais-je agir ?
Je m’étais frotté le menton pensivement.
« Dis-moi en plus sur cette fille. »
« Elle a treize ans et porte un costume d’ours super mignon. »
Ah, il s’était mal exprimé.
« Répète un peu, mais plus distinctement. »
« Elle a… environ treize ans ? »
« Tu te moques de moi ? Tu dis qu’une… qu’une petite fille a traversé la montagne toute seule avec une gigantesque pile de loups morts ? »
« Non ? »
« Non ? »
« Je veux dire, oui… »
Une gamine de treize ans ? Pour qui me prenait-il ? Comment une gamine comme elle pouvait-elle franchir la montagne ? Était-ce si difficile de vérifier les informations ?
Mais au fur et à mesure que le temps passait, je recevais toujours plus de rapports sur… cette ourse.
Selon mon observateur à la guilde des aventuriers, il y avait encore des tonnes de viande de loup dans les environs. Il avait dit qu’il les avait vus découper des carcasses dans l’entrepôt et transporter la viande dehors. Même si la fille ourse était une fiction, la viande de loup était un fait.
J’avais besoin de clarification. J’avais besoin de bons renseignements.
« As-tu trouvé où cette, ah. cette “fille ours” est supposée être ? »
« Oui, elle est à l’auberge de Deigha. »
« Oh, le macho idiot. »
Cela signifiait que ce sera un peu plus ennuyeux, mais ce n’était pas comme si je pouvais laisser tomber cette affaire.
« Alors nous rassemblerons quatre ou cinq aventuriers et lancerons l’assaut. »
Nous attaquerons cette fille-ours au milieu de la nuit. Si elle avait plus de loups sur elle, ils devaient nous appartenir. Sinon, je la livrais aux bandits et… eh bien, à partir de là, ce n’était plus vraiment mon problème, n’est-ce pas ? Ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient d’elle.
Tout va bien alors, hein ? Mais… aucun des aventuriers qui étaient allés à l’auberge n’était revenu.
***
Chapitre 88 : L’ours est attaqué dans l’auberge
Après avoir pris congé de Yuula suite à notre visite de la ville, j’étais retournée à l’auberge. L’homme musclé m’avait servi un bon dîner et j’avais été gavée. La nourriture était excellente, mais je l’admettais, j’étais toujours un peu déçue de ne pas pouvoir manger de fruits de mer alors que l’océan était juste à côté. Peut-être que je pourrais pêcher un peu plus loin de la ville ? Non pas que je sache comment, mais il y avait une chance que je puisse remonter quelque chose en utilisant la magie.
J’aurais vraiment préféré vaincre le kraken moi-même. Mais comment ?
D’après ma promenade dans le port maritime, la situation semblait désespérée. Tout le monde était épuisé, et ils ne pouvaient pas du tout sortir en mer. Les bandits bordaient leur seule route et il n’y avait pas beaucoup de nourriture. Tout ce qui pouvait être attrapé le long de la côte était géré par la cupide guilde commerciale. Peut-être que je pourrais aller à la guilde des aventuriers demain et demander à Atola pour les bandits ?
Si je pouvais vaincre ces bandits, cela pourrait aider un peu à résoudre le problème de la nourriture, non ?
Eh, peu importe. J’irais me coucher pour l’instant et j’y réfléchirais demain. Kumayuru et Kumakyu roupillaient, pelotonnés à côté de moi sous forme d’oursons. Les invoquer dans les auberges en tant qu’oursons était assez pratique après tout — ils pouvaient dormir sur mon lit comme ça.
« Réveillez-moi si quelque chose arrive, d’accord ? »
Je leur avais donné des tapes sur la tête et je m’étais endormie en étant prise en sandwich entre eux.
Pat pat pat pat pat.
Quelque chose de doux avait frappé mon visage.
Pat pat pat pat pat.
Je l’avais balayé de côté.
J’avais senti une couverture douce.
Une couverture ?
Je l’avais attrapée et l’avais serrée contre moi.
Mmm, si chaud. Si douce !
Mais… quelque chose couvrait mon visage ?
Que je ne pouvais pas écarter.
J’avais l’impression de suffoquer, jusqu’à ce que je me réveille enfin.
« Quoi !? »
Quand je m’étais levée, Kumayuru s’accrochait à mon visage. Kumakyu était dans mes bras.
« Quoi ? Vous ne pouvez pas dormir ? »
Alors que je me plaignais d’eux, ceux-ci roucoulèrent doucement et regardèrent la porte.
« Quoi ? Il y a quelqu’un ici ? »
Ils avaient roucoulé à nouveau.
Deigha ne les aurait pas réveillés. J’avais jeté un coup d’œil incertain et j’avais finalement décidé d’utiliser la détection.
Il y avait des gens qui bougeaient dans l’auberge. Quatre personnes en tout.
N’était-il pas trop tard pour rendre visite à quelqu’un ? Et cet endroit n’était-il pas vide ? Le signal montait lentement les escaliers. Serait-ce les aventuriers de rang C dont nous avions parlé l’autre jour ?
N’étaient-ils pas partis ?
Le signal s’était arrêté à l’entrée de la pièce. Ma chambre. Je ne pensais pas avoir fait quoi que ce soit qui pousserait les gens à me tuer. Si quelqu’un voulait se faire passer pour un autre, pourquoi pas le maître de la guilde ? J’avais l’impression d’être un peu trop jeune pour les assassinats ciblés.
Je m’étais levée du lit afin de m’en occuper et j’avais agrandi mes ours.
La porte était fermée. Je m’étais demandé ce qu’ils avaient l’intention de faire.
Grincement.
Et ils l’avaient déverrouillée sans problème. Peut-être qu’ils avaient un double de clé ou quelque chose comme ça ? Ou c’était de la magie ?
La porte s’était ouverte lentement, et devinez quoi ? Il n’était pas nécessaire de ménager ceux qui s’introduisaient dans la chambre d’une fille de quinze ans. J’avais sauté vers la porte et j’avais donné aux gens qui étaient entrés un coup de poing d’ours en plein visage. Le gars que j’avais frappé s’était écrasé contre le mur du couloir et… il était tombé raide mort, comme ça. J’avais volé dans le couloir à cause de l’élan de mon coup de poing et j’avais vu trois individus, debout, suppliants pour qu’on ne leur démolisse le visage.
J’avais émis de la magie lumineuse. Je voulais voir ces visages.
« C’était quoi ça !? »
Les trois avaient été choqués par la lumière. Ils portaient des couteaux. Impossible que ce ne soit pas un vol, hein ?
« Hé ! Est-ce le service d’étage ? C’est un peu tard pour ça, non ? »
« As-tu remis ces loups à la guilde des aventuriers, jeune fille ? »
Ils étaient au courant de ça ?
« Et alors ? »
« Viens juste avec nous. »
Ses dents étaient jaune vif. C’était presque impressionnant.
« Soit gentille et obéissante. On ne voudrait pas être brutal avec toi. », dit un des voyous en riant.
« Et si je dis non ? »
« Qu’est-ce qui te fait croire que tu pourrais ? »
L’homme avait sorti son couteau. Il pensait vraiment à le lécher. C’était un peu exagéré, même pour eux.
Plus important encore, leur objectif ne semblait pas être moi, mais les loups. On dirait que l’info était passée par là, d’une manière ou d’une autre. Quel ennui ! Il était tard, et j’avais sommeil.
J’avais décidé de me débarrasser d’eux rapidement et de retourner au lit.
« D’accord, on va juste… on va juste faire ça vite. »
« Amène-toi, fillette ! »
Les hommes avaient saisi leurs couteaux et avaient attaqué.
Coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours.
Voici la puissance de ma technique secrète : le coup de poing d’ours (qui était un coup de poing normal grâce à mes pattes d’ours). Les hommes s’étaient effondrés dans le couloir avec de forts bruits consécutifs. Peut-être trop fort ? Je ne voulais pas réveiller M. Muscle et sa famille.
Avant de les assommer pour de bon, je leur avais demandé pour qui ils travaillaient.
« Et où alliez-vous m’emmener ? »
« Ce n’est pas comme si on allait te le dire. »
Vous voyez de quoi je parle ? C’est ennuyeux. J’avais appelé mes ours. Kumayuru et Kumakyu, qui avaient retrouvé leur taille normale. Ils s’étaient faufilés de justesse entre la porte et le couloir.
« O-Ours ! », crièrent les hommes en griffant le sol.
« Oui, je sais. C’est vraiment triste, ils ne veulent pas parler. Je suppose que tu vas devoir les manger. », dis-je à Kumayuru.
Kumayuru et Kumakyu s’étaient lentement approchés des hommes effondrés.
« A -Attendez ! »
« Je ne pense pas que vous puissiez attendre », avais-je dit.
Kumayuru s’était appuyé sur l’homme et lui avait donné un grand coup de langue.
« Je vais parler ! Je vais parler, alors ne me mangez pas ! »
« Vraiment ? Vous êtes quatre, alors… »
J’avais compté sur mes doigts, en fronçant les sourcils.
« Je ne vois pas où est le problème s’ils en mangent un. Qu’est-ce que vous en pensez, les gars ? »
« Cwooom ? »
Kumakyu faisait aussi de son mieux, s’appuyant sur deux d’entre eux et les empêchant de courir.
Le mec que j’avais assommé était franchement chanceux. J’espère qu’il faisait de beaux rêves.
« S’il vous plaît ! »
« “S’il vous plaît” ? Quoi, vous allez répondre à mes questions ? »
L’homme s’était mis à brailler alors que Kumayuru le maintenait au sol.
« Celui qui nous a donné l’ordre était… c’était le maître de la guilde commerciale. »
« La guilde commerciale ? Je ne leur ai rien fait. »
« Non, vous n’avez rien fait, mais vous avez donné une tonne de loups à la guilde des aventuriers ! »
« Comment savez-vous que c’était moi ? »
J’avais fait en sorte que la guilde se taise à ce sujet.
« Nous ne sommes pas une bande d’idiots ! On a fait des recherches et on a découvert que vous êtes venue à la guilde des aventuriers au moment où ils ont reçu une tonne de viande de loup. »
Oups. Ce n’est pas comme si j’étais allée à la guilde en secret. C’était juste une question de temps avant que ça ne se sache.
« Quand nous avons demandé au propriétaire de l’auberge, nous avons découvert que vous avez partagé des ingrédients avec eux aussi. Nous savons aussi que vous avez donné de la nourriture au couple qui a escaladé la montagne ! »
Je n’avais même pas envisagé que je devrais couvrir mes traces comme ça. Ugh.
« Alors quoi, vous alliez voler les loups que j’avais ? », dis-je.
« Ça aussi, mais on allait aussi mettre la main sur votre puissant sac d’objets… »
Les loups et le sac d’objets, alors.
« C’est suffisant, non ? On vous a dit des trucs ! On est cool, hein ? ! Pouvez-vous nous laisser partir ? »
« De quoi parlez-vous ? Tout ce que j’ai dit, c’est qu’ils ne vous mangeraient pas. Je ne vais pas vous laisser partir après avoir essayé de m’attaquer. Kumayuru, Kumakyu, surveillez-les jusqu’à demain matin. S’ils essaient de s’enfuir, vous pourrez les manger. »
M. Muscle et sa famille ne semblaient pas s’être réveillés et je ne voyais pas l’intérêt de leur dire jusqu’au matin.
« Cwoooooom. »
« Vous allez nous laisser comme ça toute la nuit ? »
« Oh, et les gars ? Pensez-vous pouvoir rester tranquilles ? Si vous le faites, je vous livrerai aux gardes en vie. Si vous ne le faites pas… ? »
Les hommes fermèrent leurs bouches et s’étaient tus et finalement — finalement — j’avais pu dormir un peu.
« Eeiiiiiiiii, des ours ? »
Je m’étais réveillée à la suite d’une agitation dans le couloir.
« La fille aux ours va bien ? La fille aux ours ! »
J’avais entendu quelqu’un m’appeler et, en titubant, je m’étais rappelé les événements de la soirée précédente. Oh, c’est vrai.
J’avais frotté mes yeux endormis et j’avais quitté la pièce.
« Mademoiselle, vous allez bien ? ! Que font les ours dans mon auberge ? »
Mr. Muscle leva ses poings, prêt à… faire quoi ? Il n’avait pas l’intention de se battre contre mes ours, n’est-ce pas ?
« Ces ours sont mes invocations. Ils sont amicaux. »
« Vos invocations ? Vous pouvez faire ça ? Qui sont donc ces gars écrasés sous eux ? »
Les visages des hommes étaient mouillés par la bave d’ours.
« Oh, ce sont des méchants. Ils m’ont agressée au milieu de la nuit, alors je les ai attrapés. »
« Agressé ? »
« Apparemment, le maître de la guilde commerciale leur a ordonné de le faire. »
« Le maître de la guilde commerciale a fait quoi ? »
« Bref, j’aimerais remettre ces hommes aux gardes. »
« Je ne suis pas sûr que vous le devriez. »
« Pourquoi ça ? »
« Depuis que le maire de la ville s’est enfui, la guilde commerciale gère les gardes. Si vous devez les confier à quelqu’un, ce devrait être à la guilde des aventuriers. »
J’avais fini par demander au fils de M. Muscle d’envoyer un message à la guilde des aventuriers. Pendant ce temps, j’avais rangé les ours et demandé à M. Macho d’attacher les hommes. Après un moment, le fils était revenu avec des employés de la guilde.
« Que faites-vous ici, Atola ? »
Atola s’était présentée aux côtés des employés de la guilde. Au lieu de la tenue révélatrice d’hier, elle portait un manteau léger. Je suppose qu’elle ne pouvait pas sortir et se promener dans ces vêtements. Il devait faire un peu froid, non ?
« Bien sûr que je suis venue après avoir entendu que vous aviez été attaquée. Maintenant… qui sont ces gens qui serait assez stupide pour attaquer Yuna ? », dit-elle avec un demi-sourire.
Je désignais le lot misérable de prisonniers.
« Eux. »
« Eux ? »
« Eux. »
« Vous vous moquez de moi. »
Elle avait louché sur l’un d’entre eux.
« Droi ? Tu es un aventurier. Vraiment ? »
« Maître de guilde… »
« Quelle misérable déception tu es ! »
« Je… »
« J’entendrai le reste à la guilde des aventuriers. »
Atola demanda à l’employé qu’elle avait amené de l’emmener.
« Vous n’êtes pas blessée, n’est-ce pas, Yuna ? »
« Je vais bien. J’ai des gardes. »
« Des gardes ? »
« La situation ici étant plutôt… épineuse. Je vous les présenterai la prochaine fois. »
Elle hocha la tête.
« Bien. Savez-vous pourquoi ils vous ont attaqué ? »
« On dirait que c’était pour mon stock de viande de loup. Ils disaient quelque chose, sur le fait que la guilde commerciale leur avait demandé de le faire. »
« Ha. »
Ce n’était pas un rire.
« On dirait que votre charité a touché un point sensible. Je n’aurais cependant jamais pensé qu’ils vous attaqueraient si tôt. Pour l’instant, je vais m’occuper des hommes que vous avez capturés. »
Ça m’allait.
« Atola, je pensais appréhender les bandits, alors pourriez-vous m’en dire plus sur eux ? »
« Appréhender les bandits ? Comme dans, tous les bandits ? »
« Oui. Je ne peux pas vaincre le kraken, mais je peux vaincre les bandits. Une fois qu’ils seront partis, vous pourrez voyager sur les routes, non ? »
« Yuna, c’est dangereux d’y aller seule. »
« Vous avez vu ma carte de guilde, non ? »
Atola prit une profonde inspiration. Elle y réfléchit.
« Les quatre aventuriers qui sont venus en ville l’autre jour se sont dirigés vers les bandits. J’ai essayé de les arrêter, mais ils ont dit qu’ils iraient voir. », dit-elle finalement.
Peut-être que c’était les aventuriers qui étaient censés rester dans cette auberge ? On m’avait dit qu’ils n’étaient pas là en ce moment, après tout. Cela semblait urgent.
J’avais demandé à Atola tout ce que je pouvais sur les voleurs.
Ils étaient plus de vingt. Leurs visages étaient masqués, personne ne savait donc qui ils étaient. Ils n’attaquaient pas ceux qui avaient des gardes, mais ils s’en prenaient à ceux qui étaient sans défense. Comme personne ne les avait combattus, elle n’avait pas d’informations sur leur puissance. Ils surveillent les gens depuis les montagnes. De plus, elle ne savait pas où était leur cachette… mais j’avais des ressources qu’elle n’avait pas.
« Ont-ils des otages ? »
« Des femmes, peut-être. Ils n’ont laissé derrière eux que des hommes morts. »
Ah. Ok, super. Je pourrais donc vraiment les anéantir. Ce serait une chose s’ils ne faisaient que voler des gens, mais les meurtriers et les kidnappeurs n’avaient aucune pitié.
« Je vais y aller tout de suite », avais-je dit.
« Yuna, ne soyez pas imprudente. »
Atola semblait s’inquiéter pour moi. Tant mieux pour elle, je suppose, mais j’avais du travail à faire. Mais vous savez, en quittant l’auberge, elle s’était retournée et avait dit : « Vous êtes aussi très mignonne dans ce costume d’ours blanc. »
J’avais oublié de me changer ce matin, car j’avais été réveillée par les cris de Deigha. Pour une raison ou une autre, je ne pouvais pas m’empêcher d’être gênée quand les gens me voyaient dans ma tenue blanche, même si elle était pratiquement la même. Je suppose que c’était comme être vu en pyjama.
Avant de partir, j’avais demandé à Deigha de préparer un petit-déjeuner qui me permettrait d’avoir de l’énergie pendant toute une journée. J’en aurais besoin.
***
Chapitre 89 : L’ours sort pour éliminer les bandits
J’avais laissé les voyous entre les mains d’Atola et je m’étais préparée à aller à la chasse aux bandits. Et par « me préparer », je voulais dire « manger beaucoup ».
« Mademoiselle, allez-vous vraiment sortir pour appréhender ces bandits ? », dit Deigha avec un soupir inquiet
« Je vais d’abord manger toute cette délicieuse nourriture. »
« Euh, merci, mais c’est assez dangereux, pour une fille comme vous. »
« Je vais m’en sortir. Je suis une aventurière, et vous n’avez pas vu mes ours ? Ce sont des ours assez costaud. »
« Hrm. Alors quand vous reviendrez, je vous ferai le meilleur repas possible. »
Il avait fléchi son biceps devant moi. Je ne pensais pas que les muscles étaient importants pour l’art culinaire, mais ça le rendait heureux.
J’avais invoqué Kumayuru, et je m’étais dirigée vers l’endroit où les bandits avaient été vus pour la dernière fois, en courant le long de la côte à une vitesse décente. La brise de la mer était agréable. Si les choses se réchauffaient un peu plus, pourrais-je peut-être faire un plongeon dans l’eau ?
Fina n’avait probablement jamais vu l’océan auparavant et ce serait bien de venir ici avec tout le monde. Mais je n’avais jamais nagé avant, sauf pendant le cours de gym à l’école primaire. Pourtant, jouer dans le sable serait aussi amusant, et il y avait une tonne d’autres choses à faire sur la plage.
Comme je ne savais pas quand les bandits allaient apparaître, j’avais laissé ma compétence de détection activée. Je n’avais jamais été à cet endroit, ma carte était donc juste noire dans la zone cible. Et alors que je me dirigeais vers la route, quatre signaux humains étaient apparus devant moi.
Étaient-ils les bandits ?
Était-ce une embuscade ?
Hmm. Ils étaient beaucoup moins nombreux que ce à quoi je m’attendais. S’ils allaient attaquer des gens normaux, peut-être que c’était tout ce dont ils avaient besoin ? S’ils devaient m’attaquer de toute façon, ce serait plus pratique pour moi qu’ils le fassent tous en même temps. Mais il y avait probablement des prisonniers et je devais me rendre à leur cachette, alors je suppose que c’était la même chose ?
J’avais repéré des silhouettes humaines au loin. S’ils ne se cachaient pas, peut-être n’étaient-ils pas des bandits ? Tout de même, il était suspect que quelqu’un se trouve sur cette route. Il y avait une chance qu’ils se fassent passer pour des gens normaux et m’attaquent, alors j’avais plongé en avant sur Kumayuru pour paraître menaçante.
Je m’étais approchée d’eux, et…
Attendez.
Est-ce que ce sont les quatre aventuriers dont Atola m’avait parlé ?
Oui, quatre aventuriers marchaient vers moi. Un homme et trois femmes comme dans les groupes typiques d’un anime avec un harem. Quand ils avaient remarqué que je chevauchais Kumayuru, ils avaient préparé leurs épées et leurs bâtons. Je n’allais pas avoir à les combattre, hein ?
« Arrêtez-vous là. »
L’homme bloqua la route. Il n’avait pas essayé de m’attaquer tout de suite, mais il m’avait jeté un regard suspicieux.
« Quoi ? »
Je m’étais arrêtée et je l’avais demandé du haut de Kumayuru.
« C’est quoi cette tenue ? Et cet ours ? »
« Je suis une aventurière et c’est mon ours. »
J’avais donné une tape sur la tête de Kumayuru.
« Vous êtes une aventurière, mademoiselle ? »
Me croirait-il si je le disais ?
« Cet ours est-il vraiment à vous ? », demanda une femme en robe de mage derrière lui.
« Oui. »
« Voulez-vous nous laisser jeter un coup d’œil à votre carte de guilde ? »
« Vous me demandez de montrer la mienne, mais vous ne voulez pas montrer la vôtre ? »
« Désolée. Je m’appelle Rosa. Rang C. »
Elle m’avait montré sa carte. Elle semblait légitime.
« Je suis Yuna. Je suis une aventurière de rang D. »
J’avais aussi montré ma carte.
« Vous êtes donc vraiment une aventurière. Je suis désolée d’avoir douté de vous. »
Elle avait dit aux autres membres du groupe de baisser leurs armes.
« Est-ce que cet ours est vraiment sans danger ? », demanda l’homme.
« Il l’est à moins que vous ne soyez hostile. »
« Compris. »
L’homme rengaina son épée. Quand les autres membres virent ça, ils baissèrent leurs armes.
« Où allez-vous, jeune fille ? Il y a des bandits par ici, c’est dangereux. »
« Je le sais. J’étais en chemin pour les appréhender. »
« Hum. Attendez, disons que… c’était Yuna, non ? Vous êtes sérieuse ? Ce n’est pas le genre de personnes qu’une petite fille comme vous pourrait vaincre toute seule », dit doucement le mage.
« De plus, nous avons été à l’affût des bandits ces derniers jours, mais nous ne les avons pas vus. », ajouta l’une des autres femmes.
Eh bien, ce n’était pas comme si c’était facile de trouver leur cachette. Et ce n’était pas non plus comme s’ils allaient se montrer au grand jour avec des aventuriers dans les parages. Mais ma compétence de détection allait changer bien des choses. Je pourrais littéralement courir au hasard avec Kumayuru dans des endroits où ils pourraient être et chercher leur signal.
« Ce n’est pas un problème. Mon ours va les trouver. », dis-je en donnant une tape sur la tête de Kumayuru.
Kumayuru se tourna vers moi comme s’il disait « laisse-moi faire » et laissa échapper un petit roucoulement.
« Aaa ! Quel ours mignon ! »
« Même si cet ours les trouvait, vous ne pouvez pas les capturer toute seule. »
« Ehh. »
J’avais haussé les épaules. Ça irait tant que les bandits ne contrôlaient pas secrètement le kraken, ou quelque chose comme ça.
« Il n’y a aucune chance qu’une enfant puisse vaincre ces types toute seule. C’est trop dangereux », dit bruyamment l’aventurier masculin.
« Dans ce cas, on peut juste aller avec elle, non ? »
« Rosa !? »
« Nos objectifs sont les mêmes. Tant qu’on a cet ours, on peut trouver où ils sont, mais on ne peut pas laisser cette fille en costume d’ours se balader seule jusqu’à la cachette des bandits. On ne peut pas aller avec elle ? »
« Hrm. Je suppose ? », dit l’homme.
« Certainement. »
« Je suis d’accord avec ça. »
« Mais, elle est si… »
Le type me lança un regard impuissant, se pencha et chuchota un peu trop fort : « Elle est si petite ! »
Il semblerait qu’ils ne me rabaissaient pas et qu’il ne faisait que s’inquiéter pour moi. Dans tous les cas, c’était ennuyeux.
« Nous pouvons la protéger », répondit l’épéiste.
« Très bien… si vous êtes d’accord, je suis d’accord. »
S’ils devaient avoir cette conversation, ne pouvaient-ils pas au moins m’inclure ?
Je ne pouvais pas leur refuser, alors ils avaient fini par venir. Nous nous étions présentés correctement. Le type s’appelait Blitz, il avait vingt-cinq ans et avait la peau claire. Il semblait être en principe leur chef, mais je pense que la mage Rosa était celle qui menait vraiment la barque. L’autre mage était une fille d’environ 18 ans, nommée Ran. Enfin, il y avait une épéiste qui était à peu près aussi grande que Blitz, à la peau sombre, et qui portait une grande épée. Son nom était Glimos.
« Puis-je demander quelque chose ? », dit soudainement Rosa.
« Qu’est-ce que c’est ? », dis-je en soupirant.
« Pourquoi portez-vous cette tenue, Yuna ? »
Elle m’avait regardée, fascinée.
Je le savais. Je savais qu’ils allaient demander.
« Je suis bénie par les ours. »
« Bénie par les ours ? »
Bien sûr, pourquoi pas ? Si les gens continuaient à demander, je pouvais aussi bien trouver une histoire plus cool. Je ne mentais pas, non plus. J’étais tellement bénie par les ours que c’était presque une malédiction.
« Je n’ai jamais entendu parler d’une telle chose », s’émerveilla Rosa.
« Eh bien, vous en avez entendu parler maintenant. »
J’avais donné une petite tape sur la tête de Kumayuru. Le groupe avait l’air un peu incertain. La bénédiction des ours était un peu exagérée. J’avais consommé ma part de fantaisie dans les mangas, les animes, les romans, les jeux et les films, mais je n’avais jamais rencontré ce concept auparavant.
« Néanmoins, votre ours est vraiment très docile. Comment s’appelle-t-il ? », admit Rosa.
« Kumayuru. »
« Quel joli nom ! Puis-je le toucher ? »
« Doucement. »
Rosa s’était approchée pour marcher à côté de moi et avait caressé doucement Kumayuru.
« C’est si doux. »
« Puis-je le toucher aussi ? », demanda l’autre mage, Ran.
Je lui avais donné aussi l’autorisation.
« C’est vraiment doux. Et ça, c’est quoi ? Ce pelage. Si doux, si duveteux ! Si agréable ! »
Ran frotta sa joue contre Kumayuru tout en souriant.
« Êtes-vous sûre que ce n’est pas dangereux ? », demanda Blitz, en fronçant les sourcils aux deux autres.
« Tant que nous ne lui faisons pas de mal, il ne nous fera rien. »
Faisant fi de Blitz, les deux mages continuèrent à profiter de la fourrure de Kumayuru tandis que nous avancions. Cela semblait être une zone où les bandits pourraient apparaître et, bien sûr, des signaux humains étaient apparus dans ma détection. Ils étaient basés à mi-chemin de la montagne.
Mais il n’y avait que deux signaux. N’était-ce pas un peu trop peu ? Ou alors c’était des gardes ? Peut-être même que c’étaient des gens normaux. Hmm…
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
Rosa m’avait surprise en train de ruminer.
« Mon ours a trouvé des gens dans la montagne, et je ne sais pas quoi faire. »
« Pensez-vous que c’est les bandits !? »
J’avais haussé les épaules : « Ou des gens normaux. Mon ours ne peut pas détecter des choses comme ça. »
« Je pense que les bandits sont une hypothèse sûre s’ils traînent dans les montagnes. »
« Cela a en effet du sens. »
« Où sont-ils ? »
« Ne bougez pas la tête. Faites comme si vous ne saviez pas, mais… ils sont à droite, là où vous pouvez voir la roche nue. »
Tout le monde tourna uniquement son regard vers la montagne.
« Je ne peux pas les voir. »
« Moi non plus. »
« Que devons-nous faire ? »
Nous avions avancé, en faisant semblant de ne pas les avoir remarqués. Les signaux étaient restés en place.
Lentement, nous avions réduit la distance. Pourrions-nous les trouver dans la forêt ? Peut-être. Je voulais dire, ce n’était pas comme si nous pouvions les ignorer si l’occasion se présentait. Mais si on se plantait, il y avait une chance qu’ils s’échappent… s’ils arrivaient à semer Kumayuru dans les montagnes. Si tout le reste échouait, je pourrais les poursuivre avec ma compétence Détection, mais cela semblait si ennuyeux.
« Une fois que nous serons à cet arbre, je pourrai confirmer si ce sont des bandits. Continuez à marcher devant. »
« Attendez un instant. »
À ce moment, Rosa fit une pause.
« Vous nous utilisez comme des leurres ? »
« Non, c’est juste une bonne stratégie. Vous ne savez pas exactement où sont les gens. Moi si, grâce aux pouvoirs de l’ours. Et si vous les effrayez et qu’ils s’échappent ? »
« Mais ils pourraient aussi vous fuir. »
« Surpasser mon ours ? Je ne pense pas. »
J’avais donné une tape à Kumayuru.
« Êtes-vous sûre de vous en sortir toute seule ? »
« Je le suis toujours. »
Si les choses se gâtaient, j’avais aussi Kumakyu.
« Très bien. On peut compter sur vous, non ? Après avoir marché un peu, nous irons aussi. C’est la seule chose sur laquelle nous ne céderons pas. »
« C’est bon. »
On était plus près des arbres maintenant. Plus près, plus près… et là.
On était passé devant, j’avais alors demandé à Kumayuru de tourner dans la direction des signaux et de foncer sur eux. Nous nous étions précipités entre les arbres. Aucun terrain n’était trop abrupt pour nous ralentir, nous nous étions ainsi rapprochés de nos cibles.
« C’est quoi ça !? », cria l’un d’eux.
Les deux hommes avaient tenté de dégainer immédiatement leurs épées, mais ils étaient trop lents. Kumayuru les attaqua, faisant voler leurs épées, et les plaqua au sol.
« Vous êtes des bandits, n’est-ce pas ? », avais-je demandé.
Ils devaient l’être.
« De quoi vous parlez ? »
« Allez-vous vraiment faire les idiots ? Je suppose que je n’ai besoin que d’un seul d’entre vous pour poser des questions. Kumayuru, mange le plus savoureux des deux. »
Kumayuru ouvrit grand la bouche.
« A -Attendez une seconde ! J-J’ai un goût terrible ! »
« J’ai encore plus mauvais goût ! »
« Voyons qui a le meilleur goût. Kumayuru, mange chacun de leurs bras et ensuite choisis ton repas. »
Kumayuru fit son numéro. La gueule béante de l’ours dégoulinait de bave sur les visages des hommes.
« Non, attendez ! »
« S’il vous plaît ! On va parler, alors arrêtez ! »
Les hommes se rendirent.
« Très bien, alors je vais vous le demander à nouveau. Si vous me dites encore un mensonge, je vous donne à manger à l’ours. Vous êtes les bandits qui ont attaqué les gens qui passent par ici, n’est-ce pas ? »
« Oui… c’est exact », répondit un homme, l’air résigné.
« Alors, indiquez-moi la cachette. Donnez-moi juste la direction générale. »
« Si nous vous le disons, vous nous laisserez partir ? »
« Bien sûr que non… mais cela signifie aussi que je ne laisserai pas mon ours vous manger. Et mon ours est affamé, alors vous feriez mieux de choisir rapidement. »
La bave de Kumayuru coulait sur leurs visages horrifiés. J’avais fait une note mentale pour ne jamais laisser Fina et les autres voir Kumayuru comme ça. Ils feraient des cauchemars.
« D-D’accord. Nous allons parler, alors ne nous mangez pas. »
***
Chapitre 90 : L’ours élimine les bandits
Grâce au numéro d’ours meurtrier de Kumayuru, les deux guetteurs nous avaient indiqué l’emplacement de la cachette. Maintenant, que faire d’eux ?
Alors que je réfléchissais, Blitz et les autres étaient apparus. Ils semblaient avoir beaucoup de mal à gravir les pentes raides. Glimos était la pire, avec son épée géante. Le soulagement les avait envahis en me voyant.
« Yuna, vous allez bien ? », demanda Rosa.
« Je vais bien. »
« Comment ça s’est passé !? »
« C’était des bandits. »
Le groupe regarda les hommes coincés sous Kumayuru.
« J’ai obtenu d’eux l’emplacement de la cachette, j’avais donc l’intention de m’y rendre maintenant. Que devrions-nous faire avec ces deux-là ? »
« Ce n’est pas comme si on pouvait les emmener avec nous, et on ne peut pas non plus les laisser ici. », pensa Rosa
« Dans ce cas, pourquoi ne pas creuser un trou et les enterrer ? »
On pourrait juste les déterrer plus tard.
« S’il vous plaît, non ! »
« On vous a dit l’emplacement, n’est-ce pas ! N’est-ce pas ? ! »
« Ehh, ça va aller. On va s’assurer que vos têtes sortent du sol. » Mais si on les oublie, ils seront coincés là pour le reste de leur vie incroyablement courte.
« Je vais rester derrière », dit Glimos après avoir finalement repris son souffle.
« Cette épée fait de moi un poids mort. Je vais prendre ces deux-là et attendre en bas. »
Elle tira une corde de son sac à objets et commença à attacher les voleurs.
J’avais hoché la tête : « Bien. Après tout, s’ils mentent, nous devrons les interroger à nouveau. »
« Dans ce cas on compte sur toi, Glimos. Si on ne revient pas, préviens la guilde. », dit Rosa
Glimos acquiesça docilement aux instructions de Rosa. Je me demandai quand j’avais entendu Blitz prendre la peine de donner lui-même un ordre pour la dernière fois.
Nous avions laissé les deux captifs entre les mains de Glimos et nous nous étions dirigés vers la cachette des bandits.
Il semblerait qu’ils utilisaient beaucoup le chemin, il ressemblait presque à une piste d’animaux maintenant. Une fois que nous serions dans la direction générale, je pourrais utiliser ma compétence Détection et Kumayuru pourra réduire la distance.
« Quand même, vous savez, j’étais assez surprise qu’il y ait des gars ici. », dit Rosa
« Tout ça grâce à mon ours ! »
Je n’allais quand même pas leur parler de la compétence de détection. Eh bien, Kumayuru avait aidé, donc ce n’était pas vraiment un mensonge.
« Je veux aussi un ours… » Ran fit un câlin envieux à Kumayuru.
Hm. Bonne chance avec ça.
Après avoir voyagé un peu plus longtemps, plusieurs dizaines de signaux humains apparurent, étonnamment proches. C’était ça.
« Nous sommes juste en train d’avancer. Vous êtes sûre que c’est le bon endroit ? », dit Blitz, l’air anxieux.
« C’est bon. Nous avons mon ours. Maintenant tout ce qu’on doit faire c’est se rapprocher. »
Je les avais après tout déjà localisés.
« Mais il y a une chance que les bandits que vous ayez attrapés aient menti », dit Blitz.
Bon sang, c’est une telle douleur. Kumayuru, s’il te plaît. Et puis, comme s’il avait entendu mes pensées, Kumayuru réagit.
« On dirait que mon ours les a trouvés. »
« Vraiment ? »
« Oui. Et ils sont proches. Avez-vous besoin d’une pause ? »
Je n’en avais pas besoin vu que j’avais chevauché Kumayuru tout le temps.
« Je vais bien. »
« Je vais bien aussi. »
« Je peux aussi continuer. »
Cool. J’avais décidé de continuer à avancer. Kumayuru aplatit la végétation et tous les trois suivirent son sillage. Les signaux se rapprochaient.
« Je crois qu’on y est presque. Ne faites pas de bruit. »
Les trois derrière moi hochèrent la tête en silence. Nous avions balayé la végétation et avions vu un espace dégagé avec, plus loin, l’entrée d’une grotte. Une dizaine de gars paressaient devant la grotte, avec un groupe de femmes qui leur servaient à boire en plein milieu de la journée. C’était exactement comme nos deux prisonniers m’avaient dit.
Les femmes étaient probablement les captives des bandits. Ugh. Quand j’avais utilisé ma compétence Détection pour vérifier, il y avait aussi des signaux à l’intérieur de la grotte. J’aimerais pouvoir savoir par magie si cela signifiait plus de prisonniers ou plus de problèmes.
« Alors, c’était vraiment le bon endroit. »
« On dirait qu’ils ont aussi des otages. »
« Que devons-nous faire ? »
« Je peux m’occuper d’eux toute seule, », avais-je dit.
« Yuna, ce n’est pas le moment de s’amuser. »
« Les otages sont synonymes de problèmes, Yuna. »
« Je pense que notre seule option est de les prendre par surprise. »
Tous les trois parlaient à voix basse et rapidement. Le plus gros problème était les femmes qu’ils avaient capturées. Et en plus de cela, il y avait les signaux dans la grotte. Tôt ou tard, ils remarqueraient que leurs guetteurs n’étaient pas revenus. Nous n’avions pas beaucoup de temps.
« Devrions-nous appeler Glimos ? »
« Il lui faudra du temps pour arriver ici. »
« Alors que devrions-nous faire ? »
C’était inutile. Peu importe combien ils bavardaient tous les trois, ils n’allaient rien trouver.
« Si c’est trop pour vous, je peux vraiment y aller toute seule. Ce n’était pas une blague. »
Je voulais me dépêcher et rentrer. N’avais-je pas un repas qui m’attendait ? J’avais ordonné à Kumayuru de commencer à bouger…
« Attendez, Yuna. Parlons-en. »
Non.
Kumayuru et moi avions sauté dans la clairière. C’était à ce moment-là qu’il m’était venu à l’esprit que, juste peut-être, ce genre de chose était la raison pour laquelle j’étais toujours mauvaise quand je jouais dans un groupe plutôt qu’en solo. Il y avait beaucoup trop de choses à penser.
« C’était quoi ça ! »
« Un ours ! »
« C’est un ours ! »
Des points pour la précision, les gars. J’avais sauté de Kumayuru et, dès que mes pieds avaient touché le sol, j’avais créé une fosse profonde sous quatre des voleurs qui se tenaient plus loin des femmes. Ils étaient tombés. Ils allaient probablement être blessés une fois qu’ils auraient touché le fond, mais ils avaient de la chance que je ne les aie pas tués.
« Kumayuru ! Ne laisse personne s’échapper ! »
J’aurais préféré que Kumayuru protège les femmes emprisonnées, mais je ne voulais pas que ça les effraie.
« Qui diable êtes-vous ? »
Le reste des hommes vacillaient ensemble en se levant lentement, car ils avaient bu toute la journée comme des idiots. Au moment où ils s’étaient regroupés et éloignés des femmes, j’avais lancé des tirs comprimés sur eux. Ils les avaient fait propulser en retour avant de les faire tomber dans des fosses.
« Yuna, derrière toi ! »
Je m’étais retournée. Une boule de feu s’était précipitée vers moi. J’avais immédiatement tendu ma main gauche, celle de l’ours blanc, vers la boule de feu et… le feu disparu. Trois hommes se tenaient devant moi, des bâtons à la main. Ils avaient essayé de m’envoyer de la magie, mais je l’avais déviée sur le côté et j’avais envoyé un tir comprimé sur leurs têtes. Ce n’était pas difficile, vu que j’avais la correction de cible, et que le tir était en plus invisible. L’esquive était presque impossible.
« Kumayuru, tu peux ? »
S’ils pouvaient utiliser la magie, ils pourraient probablement sortir du trou.
Il restait donc trois hommes.
« Qui êtes-vous supposés être !? »
Ils s’étaient rassemblés en un seul endroit et m’avaient appelée, tenant un otage dans leurs griffes.
Il était probablement mieux de foncer. Si je les laissais monologuer, les autres bandits pourraient se reprendre. Et puis il y avait la grotte… La grotte m’inquiétait.
Je n’avais donc pas répondu, mais j’avais juste lancé des tirs comprimés sur les deux hommes qui avaient tourné leurs épées vers moi, les envoyant voler. Maintenant, il ne restait plus qu’un seul homme.
« Quo — »
L’homme avec l’épée tenue près de la femme avait juste… cligné des yeux pendant un moment. Maintenant… renforcement de la magie ! J’avais réduit la distance entre nous et j’avais attrapé l’épée de l’homme avec ma main en forme de marionnette d’ours blanc. J’aurais pu simplement lui donner un coup de poing, mais je ne voulais pas risquer de faire tomber l’épée sur la femme.
« Lâche-moi ! »
L’homme avait essayé de forcer, mais l’épée n’avait pas bougé.
« Espèce de monstre ! »
Pas de blague. Juste un coup de poing au visage avec ma marionnette d’ours noir maintenant que j’avais l’épée plus fermement en main. Celui-ci vola.
« Vous allez bien ? »
J’avais appelé la femme captive. Tremblante, les yeux pleins de larmes, elle avait juste hoché la tête. Elle tremblait à cause des méchants, non ? Pas que ça ait beaucoup d’importance de toute façon — c’était fini. J’étais la seule à rester debout. Toutes les femmes semblaient aller bien, et Blitz et les autres coururent vers les femmes et les rassurèrent.
« Yuna, vous n’êtes pas blessée !? »
Rosa courut alors vers moi.
« Je vais bien. »
« Vous allez vraiment bien ? On aurait dit que vous aviez été frappée par la magie. »
Mais je l’ai déviée avec ma marionnette ours blanc. C’est bon.
« Ça ne va pas me faire de mal. Alors… pourriez-vous vous occuper des bandits et des femmes ? »
Ce fut à ce moment-là qu’ils sortirent de l’intérieur de la grotte. Plusieurs d’entre eux, tous de grands guerriers à l’air féroce. L’homme qui se tenait au centre dégageait des vibrations étranges. Il maniait une épée massive et une cicatrice en toile d’araignée traversait son visage.
« Qu’est-ce qui se passe ici !? »
L’homme à la cicatrice regarda la situation autour de lui et hurla.
« C’est vous qui êtes responsable de tout ça !? »
Il ne me regardait pas moi, mais Blitz et les autres.
« Êtes-vous... Blitz ? Et Rosa. »
Est-ce qu’ils se connaissent ?
« Omos, c’est toi ? Que fais-tu ici, canaille !? », demanda Blitz.
« Je travaille. »
« Tu travailles !? »
« J’ai bégayé ? J’attaque les voyageurs sur cette route, je vole leur argent, et je prends leurs femmes — facile. »
« Qui est-ce ? », avais-je chuchoté à Rosa.
« Un aventurier que nous avons rencontré il y a un petit moment dans une autre ville. Il est puissant, mais c’est une vieille brute égoïste et sexiste. Personne ne pouvait le supporter assez pour travailler avec lui, alors il a disparu de la ville. Malgré tout, je n’aurais jamais pensé qu’il se tournerait vers le banditisme. »
« Le banditisme ? Comment osez-vous ? C’est un travail d’aventurier ! J’ai reçu une demande formelle du maître de la guilde du commerce. », dit-il en montrant les dents.
« De la guilde du commerce ? »
Je ne m’attendais pas à un truc comme ça.
« Tu vas vraiment nous faire croire ça ? », dit Blitz en ricanant, se tenant droit devant lui.
« Qu’est-ce que ça peut faire ? Tu vas mourir, mon garçon, et tes femmes me serviront à boire au soleil. »
Il fit éclater un rire cruel et hargneux.
« Bête répugnante ! », cria Rosa.
« Jolie jeune fille. Quand je pense que le destin nous a fait nous rencontrer à nouveau. », dit Omos avec un mince sourire en coin.
Il s’était alors léché les lèvres.
« Quelle chance pour moi ! »
Blitz sortit sa lame, et… l’homme balafré nommé Omos vola.
Parce que je l’avais frappé. Il fallait simplement que je frappe sa tête, et en plus, ses jacassements me tapaient sur les nerfs. J’avais sauté sur lui et je l’avais frappé à nouveau. Et encore. Je m’étais acharnée sur son visage noir et bleu pendant un moment, mais je n’avais pas réussi à le rendre inconscient.
« Espèce de salaud ! »
Coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours !
« Va-t’en ! », gémit-il. Il tendit sa main vers moi.
Prenant sa critique en considération…
Coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours !
« St-Stop… »
Nah.
Coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours, coup de poing d’ours !
Son visage ressemblait à quelque chose qu’un cours de céramique amateur aurait jeté. Il avait essayé de tendre sa main vers moi à nouveau… et je l’avais repoussé et j’avais continué à frapper. La main de l’homme était tombée mollement sur le sol.
« Ahh, ça fait vraiment du bien. »
J’avais fait craquer mes articulations et je m’étais levée. Oh. Huh. Blitz, les voleurs qui étaient sortis de la grotte, et les femmes captives me regardaient tous.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Qu’est-ce qui ne va pas ? », balbutia quelqu’un.
« Vous vouliez aussi vous en prendre à lui ? On ne peut plus vraiment voir son visage, mais il y a d’autres morceaux. Allez-y. Je veux dire, ne le tuez pas, mais allez-y. On l’interrogera plus tard. »
« Vous vous êtes retenue… »
Rosa semblait consternée à la vue du visage de l’homme. On dirait qu’il avait pu avoir quelques cicatrices de plus ? C’était bien pour lui. Quelque chose pour tenir compagnie à la plus grande cicatrice.
De plus, une chose qu’il avait dite m’avait marquée : le maître de la guilde commerciale lui avait demandé de faire ça. Les aventuriers qui m’avaient attaquée à l’auberge avaient également dit la même chose. À ce stade, je commençais à me demander si l’homme avait même fait venir le kraken.
« Alors, vous allez entrer tranquillement ? Ou vous voulez finir comme lui ? », avais-je demandé au reste des gorilles qui étaient sortis de la grotte avec Omos.
Les bandits avaient regardé le visage d’Omos. Les bandits m’avaient regardée. Les bandits avaient regardé le sol, puis y avaient jeté leurs armes.
« Avez-vous d’autres amis dans la grotte ? », avais-je dit.
« Non. Juste d’autres femmes. »
Nous avions sauvé les femmes de la grotte, et récupéré un tas de biens volés pendant que nous y étions. Il semblerait qu’ils avaient des chevaux et des voitures au pied de la montagne, alors on s’en était servi. On avait ligoté tous les bandits, on les avait jetés dans un chariot et on était repartis vers le port.
« On n’a vraiment rien fait », dit Ran.
« Ouais, et je n’arrive pas à croire qu’Omos soit tombé aussi facilement », dit Rosa.
Omos était conscient, mais incapable de bouger. Il avait essayé de faire du bruit une fois qu’il s’était réveillé, j’avais donc utilisé la magie du vent pour le lancer dans le ciel et le laisser frapper le sol plusieurs dizaines de fois, en mettant un coussin d’air sur le sol pour qu’il ne meure pas, bien sûr. Quand il s’évanouissait, je l’aspergeais d’eau et le réveillais. Il m’avait suppliée de le tuer, ce qui était amusant, mais je n’allais pas le laisser s’en tirer à bon compte. Il y avait une tonne de choses que je devais obtenir de lui, et il devait finalement répondre de ses crimes… mais pas à moi. Aux femmes qu’il avait capturées et réduites en esclavage, aux familles des gens qu’il avait massacrés, et aux habitants affamés de la ville.
Nous avions récupéré Glimos sur le chemin du retour, et quand nous étions rentrés dans la ville, l’homme qui gardait la porte courut vers nous.
« C’est… »
Il avait l’air surpris de nous voir. Et les femmes kidnappées. Et les bandits ligotés.
« Nous avons attrapé tous les bandits. Nous sommes venus le signaler au maître de la guilde des aventuriers. », dit Blitz.
Et le voilà qui se comporte à nouveau comme un chef. Et ben.
« Je vais le signaler immédiatement ! »
Le garde courut vers la guilde des aventuriers. Pendant qu’il faisait ça, nous avions aidé les femmes capturées à descendre du chariot. Elles avaient pleuré ensemble, s’étaient serrées l’une contre l’autre. Je pouvais imaginer ce qu’elles avaient traversé, mais je ne savais pas vraiment ce que je pouvais leur dire. En plus du traitement réservé aux bandits, il aurait dû y avoir les autres personnes avec qui elles avaient quitté le port maritime — maris, parents, enfants.
Et il n’y en avait pas. Plus aucun. Alors je n’avais rien dit, même si elles avaient continué à me remercier.
Ce n’était pas le Japon ou un jeu vidéo, mais un monde fantaisiste. Un monde. Je ne pouvais pas l’oublier.
Après un moment, Atola et un employé de la guilde étaient passés.
« Yuna ! Vous les avez donc vraiment appréhendés !? »
« Avec l’aide de Rosa et des autres. »
« On n’a pourtant vraiment rien fait », dit Rosa, mais ce n’était pas vrai. Ils avaient ligoté les bandits, pris soin des femmes kidnappées et conduit le chariot. Ce n’était pas comme si je pouvais faire tout ça.
« Vous vous moquez de moi. Ce sont les bandits que vous avez capturés ? »
Atola regarda fixement ceux qui étaient dans la voiture.
« Vous les reconnaissez ? »
« Ce sont des aventuriers de notre port maritime. J’étais certaine qu’ils avaient fui à cause du kraken, mais… Des bandits. C’est honteux. », dit-elle en crachant au sol.
Les anciens aventuriers avaient fixé le sol d’un air absent, loin du regard d’Atola.
« Nous avons entendu quelque chose d’intéressant de la part de ces types que nous avons attrapés », avais-je dit.
« Quelque chose d’intéressant ? »
Je lui avais parlé du maître de la guilde commerciale.
« C’est très intéressant. J’ai moi-même aussi découvert pas mal de choses. »
Atola souriait, mais sourire était tranchant et courroucé.
***
Chapitre 91 : Les problèmes surviennent sans que l’ours en soit consciente
Qu’est-ce que cela signifie ?
Aucun des aventuriers que j’avais envoyés pour attaquer la petite chipie de l’auberge n’était revenu. Tout ce que je voulais s’était amené la fille pour récupérer son sac à objets ! Comment cela pourrait-il être difficile ? S’il pouvait vraiment stocker une tonne de loups, je pourrais en tirer encore plus de cet endroit et peut-être — si le destin le voulait — quitter ce taudis.
Je m’étais réveillé à l’aube, impatient d’y être, et… rien ! Même si je les avais payés à l’avance ! S’étaient-ils enfuis ?
Un de mes amis avait vérifié l’auberge. Peut-être qu’il trouverait quelque chose.
« Maître de la guilde ! », avait-il gémi en revenant. J’avais failli lui jeter quelque chose. Maître de la guilde ceci, maître de la guilde cela.
Respire profondément. C’est bon. C’est bon.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Ils les ont attrapés ! Ils ont eu les gars qui sont allés attaquer la fille ours à l’auberge hier ! »
« Pardon ? »
« J’ai vu plusieurs gars, tous attachés, être emmenés à la guilde des aventuriers. »
« À la guilde des aventuriers ? »
C’est mauvais signe. S’ils avaient été remis aux gardes, j’aurais pu comprendre quelque chose. Mais pourquoi fallait-il que ce soit à la guilde des aventuriers ?
Et comment avaient-ils été attrapés ? Les aventuriers de rang C de l’autre jour n’auraient pas dû être à l’auberge. Est-ce que c’est le vieux monsieur de l’auberge qui les avait attrapés ?
Je n’avais ressenti que de la colère. De parfaits imbéciles ! De parfaits bons à rien !
Les choses étaient allées si parfaitement de travers. Si les gars capturés donnaient mon nom, ils pourraient facilement comprendre qu’ils avaient agi sous mes ordres.
« Qu’est-ce qu’on fait ? »
« On les laisse tomber. »
« Vous êtes sûr ? »
« Même s’ils disent que c’était moi, ils n’ont aucune preuve. Je peux juste dire que c’est sans fondement. »
Je n’essaierais plus d’attaquer la Viande de Loup de la demoiselle. Il serait peut-être mieux d’abandonner cette entreprise et de quitter la ville.
Toc toc.
Quelqu’un tapa à la porte.
« Nous sommes occupés, espèce de nigaud écervelé ! »
Un membre du personnel était entré : « Mais, euh, monsieur ? Le maître de la guilde des aventuriers est ici. »
Je savais qu’elle viendrait là. J’avais viré mes larbins de la pièce.
« Alors, fais-la entrer ! »
Cette femme avec sa… tenue avantageant sa poitrine entra dans la pièce. C’était la maître de la guilde des aventuriers, Atola.
« Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu, Zallad. »
« Et c’est très bien comme ça. Dites ce que vous avez à dire et partez. »
« Une fille a été attaquée à l’auberge la nuit dernière. Vous ne savez pas quelque chose à ce sujet ? »
La nuit dernière ? Mais j’avais entendu dire qu’ils avaient été arrêtés ce matin.
« C’est affreux, mais je ne sais rien. »
« Ceux qui l’ont attaquée étaient des aventuriers. Nous les avons pourtant vus aller et venir de votre guilde commerciale. »
« Quel dommage ! J’éviterai de m’associer à de tels monstres à l’avenir. »
« Les aventuriers prétendaient travailler sous vos ordres. »
« L’ont-ils fait, maintenant ? Quelle raison aurais-je d’attaquer une fille que je ne connais même pas ? »
Petits renégats pleurnichards !
« Dans le but de voler les loups, bien sûr. »
« Vous voulez dire que cette fille a quelque chose à voir avec les tonnes de loups distribués par la guilde des aventuriers ? »
Je laissais échapper un souffle plutôt convaincant.
« Oui. C’est une fille charmante et généreuse, et le fait que quelqu’un s’attaque à une personne comme elle me rend furieuse. »
« En effet. C’est une affaire épouvantable. J’exécuterais de tels monstres, tous autant qu’ils sont. »
Après tout, les morts ne parlent pas.
« Donc vous insistez sur le fait que vous n’étiez pas impliqué ? »
« Bien sûr. Et plus ces monstres vivent longtemps, plus ils risquent de s’échapper et de s’en prendre à moi. Exécutez-les. Pour la justice, et pour nous garder tous en sécurité. »
« Très bien. Je reviendrai. »
Oh, j’espère que non. Atola était rentrée chez elle, mais je doutais que cela soit fini. Je n’avais aucune idée de ce que ce maître de guilde préparait. Peut-être que le moment était venu pour moi de partir d’ici ? Je pensais avoir besoin d’un mois de plus, mais bon. Idiots de larbins. Et cette fille ours qui se mêlait de tout !
J’avais appelé et rassemblé les trois larbins qui savaient que j’étais lié aux bandits. Il n’y en avait pas beaucoup qui avaient cette information. Il fallait après tout contrôler les fuites d’informations. C’était un peu en avance sur le programme, mais je leur avais dit à tous les trois que je quittais la ville. On partirait ce soir et on se retrouverait chez Omos.
Sans qu’ils le sachent, mon vrai plan était de voler tout l’argent de la guilde du commerce et de les piéger tous les trois pour le vol. Ensuite, Omos et ses bandits les tueraient et laisseraient leurs cadavres sur la route, faisant croire aux gens que l’argent avait été volé par les bandits. Tout était prévu, pour ainsi dire.
« Je m’arrête chez moi. Je reviens tout de suite. Pars bientôt. », avais-je dit
J’étais rentré chez moi et j’avais rangé tout ce qui était utile dans un sac à objets. Il y avait même des objets que j’avais volés aux habitants qui tentaient de quitter le port. Omos, cet idiot géant ne s’intéressait qu’à l’argent et aux femmes, et je lui avais accordé beaucoup des deux. Ce fou ne savait même pas comment s’occuper de ses prises, et lui dire combien coûtait un bijou était inutile.
Mes objets de valeur et mes provisions étaient emballés. Tout ce dont j’avais besoin maintenant, c’était de prendre ce que possédait la guilde commerciale.
Mais quand j’étais revenu à la guilde du commerce, il y avait de l’agitation. Bizarre. Et pourquoi les membres du personnel souriaient-ils ?
« Que s’est-il passé ici ? », avais-je demandé à un abruti à l’air particulièrement ravi.
« Les bandits de la grande route ont été appréhendés ! »
Quoi ? La seule chose qu’Omos savait faire, c’était être fort. Avait-il même échoué à ce niveau ?
L’homme rajouta : « Nous allons pouvoir utiliser les routes maintenant. Si on peut faire ça, on pourra aussi faire passer de la nourriture. On est sauvés ! »
Non. Non, non, non, non, non, non ! Les bandits ? Appréhendés ? Alors comment vais-je faire avec mes trois compères ? Et qu’était-il arrivé à Omos et aux autres ?
« Les bandits sont-ils tous morts ? »
« Il semble qu’ils aient été attrapés. Et écoutez ça : apparemment, la plupart des bandits étaient en fait des aventuriers de la ville. Le maître de la guilde des aventuriers les interroge en ce moment même. »
En vie ? Vivants ? Comment suis-je censé m’occuper de ces idiots s’ils sont vivants ? Et bien sûr, ils allaient se plaindre, disant qu’ils ne faisaient que « suivre les ordres de Zallad. »
« Et, ce qui est le plus fou, c’est que celui qui les a battus était une fille déguisée en ours ! Une toute petite fille mignonne ! »
Encore des ours ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Quel genre d’ours pouvait transporter une tonne de viande de loup, avoir un sac à objets pouvant contenir toute cette viande, capturer les aventuriers qui l’attaquent et vaincre une horde de bandits ?
« Maître de Guilde, nous allons enfin pouvoir réaliser tous vos plans ! »
C’est vrai. Mes… plans. Ils étaient tous faux, bien sûr — ils étaient parfaitement concoctés pour que les idiots m’écoutent assez longtemps afin que mon vrai plan se réalise. Oh, on vendait la nourriture à un prix élevé ? C’était seulement pour constituer un capital afin de pouvoir réapprovisionner la ville une fois les bandits partis. Le reste de l’argent devait (naturellement !) servir à payer une quête pour tuer le kraken.
Le personnel de la guilde du commerce avait cru tout ce que j’avais dit. Ils avaient suivi mes instructions et s’étaient concentrés sur la vente de nourriture aux riches afin de mettre de côté des fonds. Naturellement, nous devions veiller à ce que le reste du personnel et les habitants de la ville ne se rebellent pas, alors je leur avais simplement donné des rations réduites pour maintenir le calme.
« Maître de guilde ? »
Le membre du personnel m’avait jeté un regard étrange.
« Ce n’est rien, mon cher garçon. De toute façon, nous sommes en attente de plus d’informations de la part de la guilde des aventuriers. Il y a peut-être encore des bandits dans les parages. »
Il était encore possible qu’Omos se soit échappé.
« Vous avez raison. Nous ne devrions pas risquer les routes pour l’instant », avait-il dit tout en partant.
Je m’étais dirigé vers mon propre bureau dans la guilde du commerce. Réfléchis, réfléchis ! Argh ! A minima, et même si Omos n’avait pas été capturé, je devais me rendre au rendez-vous. Je devrais peut-être tuer mes trois comparses moi-même. Quelle frustration !
Je n’avais pas assez d’informations pour agir. Plus le temps passait, moins j’avais d’échappatoires. Je devrais peut-être laisser tomber l’argent et m’enfuir ?
Quelqu’un frappa.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Le maître de la guilde des aventuriers est là. »
Elle était déjà arrivée.
« Alors, faites-la entrer. »
« Elle a dit qu’elle aimerait que vous sortiez. »
« Pourquoi ? »
« C’est parce que… » dit l’homme tout en commençant à bégayer.
« D’accord, ne dis rien. J’y vais ! »
J’étais sorti, et ils étaient là : les bandits que j’avais engagés, rassemblés en une longue file, les membres attachés et la bouche bâillonnée. M’avaient-ils fait sortir pour me montrer ça ? Je les avais regardés, un par un, et… c’était Omos ? Non. Mais… c’était lui ?
Sa carrure et tout ce qui le caractérisait évoquaient Omos, mais son visage n’était pas beau à voir. Cette brute égoïste et égocentrique était assise docilement sur le sol comme le chien qu’il était, au fond. L’Omos que je connaissais se serait tordu et aurait pratiquement claqué des mains. C’était le genre d’homme qui aurait choisi la mort plutôt que quelque chose comme ça. C’était une scène incroyable.
Atola se tenait à la tête du groupe, et… hein ? Derrière elle, il y avait quelque chose de petit, noir et… un ours ? C’était une petite fille dans un costume d’ours. Serait-ce l’ours dont on parlait ? Omos s’était-il fait avoir par une petite morveuse comme ça ?
Tout ce que je pouvais faire, c’était d’en rire. Tout mon plan, mes mois de planification et de complot… réduits à néant par une fille dans un drôle de costume d’ours ?
J’avais étouffé mon rire, décidant de faire semblant d’être surpris.
« Serait-ce les bandits ? », avais-je demandé.
« C’est exact. Chacun d’entre eux dit que vous les avez engagés. »
« Je n’ai aucun souvenir d’une telle transaction. »
« Allez-vous vraiment continuer à feindre l’ignorance ? »
« Comment saurais-je ce que je ne sais pas ? »
Les bandits m’avaient regardé fixement. Non seulement ils s’étaient fait prendre, mais aucun d’entre eux ne possédait la décence de mourir pour moi. Pour des hommes qui accordaient si peu de valeur à la vie, ils étaient vraiment peu enclins à la quitter.
« Dans ce cas, je suppose que nous pouvons couper leurs liens. »
Atola sortit un couteau et fit signe de couper les cordes qui retenaient les hommes. Les hommes attachés me regardaient, des poignards dans les yeux. Je pouvais imaginer ce qui se passerait si elle les libérait.
« Vous ne suggérez sûrement pas de laisser ces bandits s’enfuir. »
« Bien sûr que non. J’étais simplement curieuse de savoir ce qui allait se passer pour vous. Hypothétiquement. »
Tout le monde avait l’air si méfiant à mon égard. Ils étaient tous convaincus, hein ? J’avais besoin d’une échappatoire, n’importe quelle échappatoire.
« Je me demande si vous serez capable de vous en sortir après avoir vu ça ? », dit Atola
Son personnel retira trois hommes ligotés du groupe… ces trois-là. Mes amis et mes futures victimes, avec qui j’avais prévu de quitter la ville ce soir.
« Ils semblaient faire quelque chose de suspect, alors je les ai fait suivre. Comme ils essayaient de quitter le port maritime, j’ai gentiment écouté leurs histoires. Il s’avère qu’ils avaient beaucoup, beaucoup d’histoires à partager. »
Les trois crachaient par leurs bouches bâillonnées. C’était un spectacle pathétique.
« Ils doivent essayer de me faire porter le chapeau pour ce qu’ils ont fait. Je n’ai aucune idée de qui ils sont. », avais-je dit.
« Alors très bien. Voulez-vous nous laisser jeter un coup d’œil à ce sac que vous tenez si précieusement ? »
Oh. Ha. Je le tenais tout ce temps, n’est-ce pas ? Je le tenais fermement…
« C’est. Je veux dire, c’est… », avais-je commencé.
J’avais essayé de le cacher derrière moi, mais c’était trop tard. Ils auraient tout vu. L’argent volé, les bijoux, et tout le reste.
« Rien d’important. Vous n’avez pas besoin de vous en inquiéter. »
« Pouvez-vous me laisser voir l’intérieur ? Ces trois-là étaient si heureux de me montrer le leur. »
Les trois en question grognèrent et secouèrent la tête.
« Je vais devoir m’abstenir, chère Atola. Pourquoi devrais-je vous montrer quelque chose ? »
Elle savait. Et si elle voyait ce qu’il y a dans ce sac, ce serait vraiment la fin. Je ne serais pas capable de parler pour m’en sortir. J’avais tenu mon sac d’objets derrière moi, en le serrant fort.
« J’en porterai l’entière responsabilité ! Vérifiez le contenu du sac de Zallad ! », dit-elle en rugissant.
Le personnel de la guilde s’était alors précipité. J’avais essayé de m’enfuir, mais c’était inutile, les employés de la guilde des aventuriers étaient tous d’anciens aventuriers. Ils m’avaient saisi et m’avaient arraché le sac des mains en un clin d’œil.
« Stop ! »
« Quel joli sac à objets ! Je me demande si l’intérieur est aussi joli que l’extérieur ? », dit Atola.
Et elle avait tout chamboulé.
***
Chapitre 92 : L’ours a une raison de vaincre le Kraken
Atola m’avait emmenée, moi qui avais battu les bandits, une fois pour toutes à la guilde commerciale. Elle avait insisté pour que je vienne, quoi que je dise, bien que je ne pensais pas qu’elle avait vraiment besoin de moi là-bas. Pourtant, selon Atola, les bandits se comporteraient bien s’ils savaient que j’étais là.
Quand je lui avais demandé pourquoi elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour amener les bandits capturés à la guilde commerciale, elle avait répondu qu’elle voulait voir la réaction d’une certaine personne. Et j’admets que la réaction était quelque chose à retenir. Au moment où le maître de la guilde commerciale vit le chef des bandits, son expression était devenue… beaucoup.
Peut-être que j’avais trop frappé le gars ?
« Quel joli sac à objets ! Je me demande si l’intérieur est aussi joli que l’extérieur. », dit Atola tout en chamboulant tout.
Un membre du personnel baissa les yeux sur le contenu du sac.
« Hé, c’est quoi ça ? Combien il en a là-dedans !? »
« Hein ? Je suis sûr d’avoir vu ça chez Dormin », dit un autre.
« C’est celui de Douje », ajouta quelqu’un d’autre.
Les citadins commencèrent à s’agiter, reconnaissant leurs affaires parmi le tas d’objets sur le sol.
« C’est à moi. Les bandits l’ont volé quand ils m’ont attrapée. », chuchota une femme.
Elle était l’une des captives du bandit. Elle avait couru pour arracher une petite bague en pierre précieuse rouge de la pile et l’avait serrée contre elle, des larmes coulant de ses yeux.
« Alam… », avait-elle dit.
Puis elle s’était levée et avait crié : « Rendez-moi Alam ! »
Elle courut vers le maître de la guilde du commerce et le gifla.
« Rendez-moi l’homme que vous avez ordonné aux bandits de tuer ! Rendez-moi Alam… »
La femme s’était effondrée en sanglotant, et les habitants explosèrent de rage. Ils avaient jeté des pierres sur l’homme, le couvrant d’entailles saignantes. Certaines des pierres avaient touché le membre de la guilde des aventuriers qui le tenait, mais les gens n’avaient pas lâché. Le personnel de la guilde commerciale restait immobile et regardait, hébété.
« Arrêtez ça ! », cria Atola.
Au son de sa voix, les villageois s’étaient tus.
« Je vais m’occuper de cet homme. Je le jure sur mon nom en tant que maître de la guilde des aventuriers. »
Les pierres étaient tombées sur le sol. C’était fini.
Le lendemain matin, quand je m’étais réveillée, l’humeur de Kumakyu était meilleure et il n’y avait aucun signe de bouderie de la part de Kumayuru. Ouf. J’avais congédié les ours, mis les vêtements d’ours noir et j’étais descendue.
Blitz et son groupe étaient dans le réfectoire, apparemment prêts à partir.
« Vous quittez la ville ? »
« Oui, mais pas pour longtemps », dit Blitz.
« Les bandits sont partis, et les gens du port maritime se dirigent vers le hameau voisin pour acheter des provisions. Nous avons été engagés pour les garder. », dit Rosa.
« Mmhm. Le voyage aller-retour prendra probablement une dizaine de jours. Si tout va bien, nous pourrons le raccourcir et revenir plus tôt. »
« Ah, je vois. Je ne sais pas si je serai là d’ici là, alors je vais juste le dire maintenant : merci pour tout, les gars. »
« Vous avez tout faux. C’est nous qui sommes reconnaissants envers vous. Si vous n’aviez pas été là, nous n’aurions pas été capables d’arrêter ces bandits. Je ne sais pas ce qui nous serait arrivé si nous avions perdu contre Omos. Merci beaucoup, vraiment. », dit Blitz en ronflant.
Ils ne le voyaient peut-être pas, mais ces membres du groupe m’avaient aidée. En tant que personne sans grande expérience de la vie, je n’avais pas été capable de trouver quoi que ce soit à dire aux femmes capturées. Bien sûr, c’était moi qui avais vaincu les bandits, mais Blitz et les autres avaient géré toutes les conséquences. Je n’avais rien fait dans tout ça.
« Eh bien, nous partons. »
« À bientôt, Yuna. »
« Transmettez mes salutations à Kumayuru. »
« Nous nous reverrons. »
« Prenez soin de vous, les gars. »
Blitz leva la main en guise de réponse et quitta l’auberge. J’avais pris mon petit-déjeuner, puis j’étais sortie pour prendre l’air moi aussi.
Tout autour du port maritime, les visages des habitants semblaient s’illuminer lorsqu’ils me voyaient. Les enfants couraient vers moi et saluaient joyeusement « l’ours ». Je suppose que la rumeur disant que nous avions éliminé les bandits s’était répandue dans toute la ville.
À la guilde des aventuriers, Atola et son équipe étaient débordés. Ils avaient hérité de la responsabilité de gérer le monopole de la guilde commerciale sur le poisson et la nourriture, et Atola semblait carrément crevée. Cela m’avait rendue nostalgique de ce qui s’était passé il y a quelques jours, quand elle buvait dans la guilde et semblait s’ennuyer. Elle avait l’air d’avoir besoin d’une friandise, alors je lui avais donné du pudding.
Après avoir quitté la guilde des aventuriers, j’étais tombée sur Jeremo de la guilde commerciale — vous savez, le gars que j’avais rencontré à mon arrivée.
« Oh, c’est vous, mademoiselle. Merci pour ce que vous avez fait l’autre jour. »
« Que faites-vous ici ? »
« Je travaille pour la guilde du commerce. Le maître de guilde et les autres membres ont été enfermés, et, eh bien… en tant qu’échelon inférieur de l’échelle, je me suis retrouvé avec une tonne de travail. »
« Oh, vraiment ? »
« Le fait d’être au bas de l’échelle m’a au moins évité d’être entraîné dans les combines du maître de la guilde. »
Le maître de la guilde commerciale refusait de parler, même après tout ça. Il ne faisait aucun doute qu’il avait engagé les bandits, et les habitants voulaient le voir puni. Moi aussi, surtout après ce que les bandits avaient fait à leurs otages. Mais avec le maire de Seaport parti et aucun remplaçant en vue, Atola attendait de trouver un moyen de condamner Zallad. Elle savait que ça ne pouvait pas durer, mais elle avait une montagne de travail urgent à faire. Ça pouvait attendre un peu.
Il y avait une tonne d’endroits supplémentaires où ils pouvaient pêcher maintenant que les bandits étaient partis, et la guilde des aventuriers devait répartir équitablement tout cela. Atola devait aussi sécuriser les fortunes volées aux personnes tuées par les bandits. Normalement, le groupe et moi devrions réclamer le butin pour nous-mêmes, mais Blitz et moi ne le ferons pas. Nous voulions que les femmes capturées et les familles des personnes tuées récupèrent leurs affaires, mais il y avait un certain nombre de cas où toute la famille avait été tuée, ne laissant personne pour hériter.
« C’est vous qui les avez vaincus, Yuna. Quant à nous, nous ne prendrons pas une seule pièce. », dit Blitz, d’un ton irritant.
Les femmes n’avaient pas discuté — je suppose qu’elles respectaient en fin de compte l’opinion de Blitz.
Quand j’étais rentrée à l’auberge cet après-midi-là, une délicieuse odeur m’avait envahie.
« Oh, vous êtes donc de retour. C’est presque fini, alors asseyez-vous et attendez. »
Pendant que j’attendais, une odeur encore plus appétissante s’échappait de la cuisine. Quelques minutes plus tard, le repas était arrivé. C’était la première fois que je voyais cette nourriture… dans ce monde. C’était un aliment que je connaissais bien.
« Du riz… »
« Quoi ? Vous le saviez déjà ? Ça va très bien avec le poisson. »
Devant moi, il y avait une bonne portion de riz blanc pur. À côté, du poisson rôti pêché dans l’océan, et… pas possible, c’était vraiment de la soupe miso ? J’avais pris une gorgée, et… bon sang. C’était assurément du miso. Mes légumes préférés trempaient dedans, et c’était juste… que dire d’autre que délicieux ? Une gorgée, une autre gorgée, et maintenant j’étais carrément en train de l’avaler. Si nostalgique, si bon ! J’avais aussi englouti le poisson et le riz.
J’étais carrément débordante de nostalgie.
Du riz ! Et la parfaite soupe miso pour aller avec le reste !
J’étais curieuse de savoir quel était le liquide dans la bouteille à côté du poisson ? Il n’y avait aucune chance que ce soit le cas… mais la possibilité existait, non ? Je pourrais simplement verser le liquide sur le poisson et prier. Il était légèrement rouge-noir. J’avais fermé les yeux et j’avais pris une bouchée de poisson trempée dans le liquide.
Il n’y avait pas d’erreur, c’était ça. C’était de la sauce soja.
Du riz blanc et de la soupe miso. Du poisson rôti et de la sauce soja. J’étais foutue. C’était tellement bon. Je ne pensais pas être aussi affamée devant un repas japonais.
« Mademoiselle, vous pleurez ? Je pensais que le poisson irait bien avec ces accompagnements, mais je suppose que non ? Ou est-ce le poisson que vous n’aimez pas ? »
Je pleurais ?
« Non, ce n’est pas ça. C’est vraiment super. Votre nourriture est si bonne que je me suis mise à pleurer. »
Ugh, comme c’est embarrassant ! J’avais souri à travers les larmes.
« Vous le pensez vraiment ? »
« Ouais, c’est (renifle) super bon. »
Pour preuve, je m’étais fait le devoir de finir le reste du riz et du poisson.
« Je suis heureux d’entendre ça, mais… vous ne vous forcez pas à le manger, hein ? »
Peut-être pensait-il que je me forçais à manger même si le goût était mauvais ?
« Non, c’est la saveur de ma ville natale. Je pensais que je ne pourrais plus jamais en avoir. Je suis si heureuse. »
« C’est la saveur de votre ville natale ? Vous n’êtes pas du Pays de Wa ? »
« Le Pays de Wa ? »
« Vous ne l’êtes pas ? »
« Non. Je viens de beaucoup plus loin. Et je ne pense pas pouvoir y retourner un jour. »
« Vous avez voyagé si loin, hein ? Vous ne vous sentez pas seule ? »
« Parfois. Mais cet endroit est aussi amusant. Et maintenant, je vais en plus pouvoir goûter aux saveurs de chez moi. »
« Je vois. Vous savez, j’adorerais en faire plus pour vous. J’aimerais avoir plus de matériel sous la main, mais il y a le Kraken à craindre. Avant l’arrivée de cette bête, on apportait ça en bateau du Pays de Wa une fois par mois. »
Donc, un pays similaire au Japon existait dans ce monde. Peut-être pourrais-je y aller un jour. Mais pour cela, je devais soit tuer le kraken, soit attendre qu’il parte.
Il devait bien y avoir un moyen de le vaincre…
Perdue dans mes pensées, j’avais fini de manger le reste de la nourriture de Deigha.
« C’était vraiment délicieux. »
J’avais remercié Deigha à profusion et j’avais quitté l’auberge. Je devais réfléchir.
J’étais allée droit vers la côte. L’océan s’étendait devant moi. Quelque part au-delà, il y avait un pays de riz et de sauce soja, et qui sait combien d’autres similitudes avec le Japon. Mais ce gros et stupide kraken était sur mon chemin.
Il n’y avait pourtant pas beaucoup de moyens de le combattre.
Première idée : je pourrais utiliser un grand navire pour aller en mer et le vaincre. Mais cette ville n’avait pas de navire de ce type, et ce n’était pas comme si je savais comment en commander un.
Deuxième idée : je pourrais voler et le combattre d’en haut. Sauf que je ne pourrais pas, parce que les ours ne peuvent pas voler et c’est stupide.
Troisième idée : geler l’océan et… le transformer en quelque chose de solide sur lequel je pourrais me battre ? Pour tester, j’étais allée à la plage et j’avais essayé. L’eau avait gelé, mais les vagues fraîches l’avaient vite engloutie. Il faudrait que je gèle une grande surface pour que ça marche, et la glace devrait être aussi épaisse. Je n’avais aucune idée de la quantité de magie qu’il faudrait. Si le kraken se déchaînait, les vagues seraient hautes, la glace se briserait, et je serais fichue.
Quatrième idée : entrer dans une sphère d’air et plonger dans l’océan ? Pour tester, j’en avais fabriqué une et j’étais allée dans l’eau. J’étais là, sous l’eau et bien pour le moment, mais… serais-je capable d’attaquer de l’intérieur de cette sphère ? Si elle explosait, que devrais-je faire ? Et que se passait-il quand je n’avais plus d’oxygène ?
Que restait-il ? Peut-être que je pourrais essayer de chevaucher les ours pour me battre ?
J’avais convoqué Kumayuru et Kumakyu.
« Vous savez nager tous les deux ? »
Les ours étaient entrés dans l’eau et avaient commencé à nager comme d’habitude. Hmm. Certains ours savent nager, après tout. Le problème ici était que je n’avais jamais nagé dans l’océan auparavant. En fait, ça faisait combien d’années que je n’avais pas nagé ? Oof. Si je tombais de mes ours, je finirais certainement par être fichue. Mais d’un autre côté, je ne pouvais pas en tomber même en dormant, alors peut-être que ça irait ?
Quand même, si le kraken plongeait au fond de l’océan, ce n’était pas comme si je pouvais plonger juste après lui. Ce n’était pas une grande idée, mais peut-être quelque chose à mettre en veilleuse.
Ce serait vraiment mieux si je pouvais trouver un moyen de respirer et de me déplacer librement sous l’eau, mais demander l’impossible ne me mènerait nulle part. Pourrais-je, euh… fendre la mer comme Moïse ? Non, impossible. Même si je pouvais faire quelque chose comme ça, comment pourrais-je le suivre si la chose s’enfuit ?
… Je ne pourrais pas faire ça.
… Nu-uh, ça ne marcherait pas non plus.
… Rejeté.
… Non merci.
… Pas intéressé.
… Impossible.
… Oh, mais ça. C’est intéressant. Oui, peut-être que j’essaierais. Si j’échouais, ça ne me ferait pas de mal. Si je réussissais, je serais capable de me battre. Si ça ne marchait pas, je pourrais retourner à la planche à dessin.
***
Chapitre 93 : L’ours part combattre le Kraken
Partie 1
Le lendemain de ma petite séance de brainstorming, je m’étais rendue à la guilde des aventuriers pour obtenir la permission d’agir. Les travailleurs de la guilde s’affairaient comme hier. C’était si étrange que la moitié du travail effectué était pour une guilde complètement différente, bien que le personnel de la guilde commerciale suivait les instructions d’Atola à la lettre. J’avais aperçu Atola, occupée comme elle l’était, et j’avais engagé la conversation.
« Yuna, qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Je peux te demander quelque chose rapidement ? S’il te plaît ? Il y a une faveur que je dois demander. »
« Pour vous ? N’importe quoi. »
Oh, n’importe quoi ? Si j’étais un mec, je pense que j’aurais réagi différemment. Err. OK, c’était une chose bizarre à penser, non ? C’était suffisant pour que j’aie envie de crier : « S’il te plaît, enlève ces melons de mon visage ». Ce n’était pas comme si j’étais jalouse d’accord ?
« Est-ce qu’on pourrait faire ça loin des autres personnes ? », avais-je demandé tout en regardant autour de moi. Elle avait hoché la tête et m’avait conduite dans une pièce à l’arrière.
« C’est un peu en désordre, mais asseyez-vous. »
Il y avait des piles et des piles de documents. Était-ce tous pour le travail ? Bon sang, ils s’étaient empilés rapidement au cours de quoi, un jour ? Atola avait-elle au moins dormi ?
« Que vouliez-vous demander ? »
« C’est à propos du kraken. S’il m’est possible de le tuer. »
Atola pinça les lèvres.
« Uh. Désolé. Les récentes journées ont été si longues. Je pense que je vous ai mal compris. On aurait dit que vous veniez de dire que vous vouliez combattre le kraken. Ce qui serait fou et stupide. »
« Non, c’est ce que j’ai dit. »
« C’est ce que vous… OK, non, vous n’êtes pas sérieuse. »
« J’ai pourtant enfin une raison de l’être. »
« Quelle raison ? Est-ce que c’est quelque chose qui vaut la peine de risquer votre vie ? »
« C’est… personnel. »
Ce qui sonnait beaucoup plus cool que : « J’aimerais me battre pour du riz, de la sauce soja et du miso. »
« Et vous souhaitez me demander que je vous prête des gens pour vous aider parce que vous allez vaincre le kraken ? Parce que je ne peux pas me le permettre, Yuna. Il n’y a pas un seul aventurier capable de combattre un kraken. Blitz et les autres pourraient vous donner un coup de main, mais j’ai fini par leur demander de faire autre chose déjà. »
Je le savais. Je leur avais dit au revoir quand ils étaient partis hier.
« Je sais, je les ai vus partir. Ne t’inquiète pas pour ça. Je vais le faire en solo. »
Atola s’était approchée de moi et posa sa main sur mon front.
« On dirait que vous n’avez pas de fièvre. Yuna, le kraken n’est pas un monstre que l’on peut vaincre seul — même pas vous, et je me fiche du nombre de bandits que vous avez appréhendés. »
Ce n’était effectivement pas le type de monstre que l’on pouvait affronter en solo dans le jeu.
« Je suppose que je ne peux pas simplement te demander de me faire confiance, hein ? »
« Eh bien, quelles sont vos chances de gagner ? »
« Si le kraken apparaît à un certain endroit, alors je serai capable de le vaincre à coup sûr. »
Atola me regarda dans les yeux pendant un moment… et laissa finalement échapper un petit soupir.
« Ugh, d’accord. Qu’est-ce que je suis censée faire ? »
« Sur la route où les bandits rôdaient, il y a une falaise géante qui fait face à l’océan, non ? »
« Oui. »
« Je veux livrer bataille là-bas. J’ai besoin que vous vous assuriez que personne ne s’en approche. Ça risque d’être dangereux ce jour-là, donc je veux que vous vous assuriez que personne ne s’approche de l’océan. »
« Comment avez-vous l’intention d’amener le kraken là-bas ? »
Je lui avais dit que j’allais préparer des appâts.
« Mais je ne suis pas sûre d’être capable de le pêcher. »
« Yuna, personne n’a jamais pensé à pêcher un kraken, et encore moins à le tenter. Et même si vous arrivez à l’attirer vers vous, il pourrait s’enfuir, non ? »
« Je ne laisserai pas cela arriver. »
Une fois qu’il sera près de la falaise, il sera dans mon domaine.
« Hmm. Si vous êtes sûre. Donnez-moi juste un peu de temps. Je vais me montrer convaincante. »
« Merci. »
« Vous n’avez pas besoin de me remercier. Vous faites ça pour nous tous, après tout. »
Je le faisais pour mon estomac, en fait, mais elle n’avait pas besoin de le savoir.
« De plus, » poursuit-elle, « je me demandais si je pouvais vous demander d’autres loups ? Cela m’aiderait certainement à me persuader. »
Oh, facile. Je lui avais dit que je pouvais en donner mille, voire deux mille — mais elle m’avait juste demandé deux cents. Tant pis.
Le jour suivant, Atola était venue à l’auberge.
« Comme promis, les habitants ne pourront plus quitter la ville dans deux jours. »
« Uhh, ne le prends pas mal, mais je suis impressionnée que tu aies réussi ça. »
Je voulais dire, je ne lui avais demandé qu’hier. Je pensais que ça prendrait plus de temps.
« Tout ce que j’avais à faire était de convaincre le plus ancien pêcheur. On s’occupera du reste avec la guilde des aventuriers. Ce n’est pas un problème. »
« Je n’arrive pas à croire que le pêcheur ait donné son accord pour ça. »
Les pêcheurs n’étaient-ils pas censés être de vieux loups de mer têtus et grisonnants ?
« Le vieux pêcheur serait d’accord avec n’importe quoi si c’était vous qui le demandiez. Vous avez fourni de la nourriture, éliminé les bandits, et aussi sauvé les prisonniers. Vous avez arrêté la tyrannie de la guilde commerciale. »
« La guilde commerciale n’a rien à voir avec moi. »
« Ce n’est pas vrai. Vous avez fourni de la nourriture et éliminé les bandits, c’est ainsi que leurs crimes ont été révélés. C’est pourquoi le vieil homme est prêt à vous écouter. Il m’a donné un message à transmettre, aussi. Ahem. “S’il vous plaît, ne vous surmenez pas. Je vous suis reconnaissant, petite ourse. Je ne sais pas comment vous allez vaincre cette monstruosité, mais dites-moi quand vous avez besoin d’aide.” Je n’aurais jamais pensé que ce vieux grincheux dirait quelque chose comme ça. »
Wôw. Maintenant, j’espère vraiment que personne n’allait découvrir que je me battais pour le riz.
« Tu ne lui as pas dit que je me battais contre le kraken, hein ? »
« J’ai dû le faire, pour le persuader. Je lui avais demandé de ne pas en parler aux autres, alors tout ira bien. Il y aurait une énorme agitation si les habitants de la ville le découvraient. »
Sans blague.
Le jour du combat, je m’étais réveillée très tôt et j’avais regardé dehors par la fenêtre de ma chambre. Il y avait du soleil, un temps idéal pour un combat. Quand j’étais descendue, j’avais trouvé Deigha.
« Mademoiselle, où allez-vous aujourd’hui ? »
« Je vais faire une promenade. Qu’est-ce que tu en penses ? »
Je ne pouvais pas lui dire que je partais combattre le kraken.
« Une promenade, hein. Dans ce cas, je vais vous préparer un délicieux petit-déjeuner, alors faites le plein. »
« Ta nourriture est toujours délicieuse, Deigha. »
Ce n’était pas un mensonge. Tous les repas de Deigha étaient délicieux, et son riz était le meilleur.
« Vous allez me faire pleurer, petite ! »
Il avait reniflé et s’était frotté les yeux avec ses énormes mains musclées.
« Je vais préparer un repas pour vous, alors vous feriez mieux de rentrer à la maison. »
« Je m’assurerai de rentrer avant le dîner. »
C’était ce qu’il voulait dire, non ? Ou alors s’inquiétait-il que je ne payais pas mes frais d’auberge ? Je suppose que j’étais sa seule cliente.
Lorsque je m’étais dirigée vers la sortie du port maritime, Atola et plusieurs autres employés de la guilde des aventuriers étaient là.
« Bonjour », avais-je dit.
Chacun d’entre eux me salua alors en retour. Elle n’avait rien dit à son personnel, hein ?
« Eh bien, je m’en vais. Quoi qu’il arrive, vous ne pouvez laisser personne venir ici. », dit Atola.
Elle partait ? Pour aller où, exactement ?
« Tu n’as pas l’intention de venir avec moi, n’est-ce pas, Atola ? »
« Bien sûr que oui. Ce n’est pas comme si je pouvais vous laisser y aller seule. »
« C’est dangereux. »
« Si les choses deviennent risquées, je vous attraperai et je courrai. Tout ira bien. »
« Tout ira bien. Tu peux t’enfuir toute seule quand les choses deviennent dangereuses, d’accord ? »
Une fois que nous avions quitté la ville, j’avais invoqué Kumayuru et Kumakyu.
« Ce sont vos invocations ? »
Comme je ne pouvais pas les cacher, j’avais parlé à Atola de mes ours.
« S’il te plaît, monte sur le noir. »
« Vous êtes sûr que c’est bon ? »
« Oui. Je veux juste vaincre cette chose rapidement et rentrer. »
« Comme c’est rassurant. »
J’étais montée sur Kumakyu et je m’étais dirigée vers la falaise où j’avais prévu de combattre le kraken. Pendant tout ce temps, je regardais la mer. C’était une mer si calme. Je n’arrivais pas à croire qu’un kraken était là, mais ils avaient vu le kraken loin dans l’océan pas plus tard qu’hier.
« Hé, Yuna, pourquoi faites-vous tant pour nous ? Vous n’avez aucun lien avec cet endroit. Vous n’avez pas d’amis ici. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous voulez vous battre contre le kraken. »
Elle m’avait regardée si sérieusement. Je ne pouvais vraiment pas lui dire que c’était pour le riz, la sauce soja et le miso.
« J’ai des tonnes d’amis ici. Il y a toi, Deigha, Yuula et Damon. »
Ce qui était vrai, n’est-ce pas ? Même Atola, que je trouvais ridicule lors de notre première rencontre, s’était avérée être vraiment gentille. Deigha semblait aussi s’inquiéter pour moi. Riz et tout le reste mis à part, je voulais vraiment aider.
***
Partie 2
« Merci. Je suis heureuse de l’entendre, mais s’il vous plaît, ne faites rien d’imprudent. »
Nous avions enfin atteint la falaise du bord de mer.
« Vous vous battez ici ? », demanda-t-elle.
« Seulement si le kraken vient par ici. »
J’avais sorti l’appât que j’utiliserais pour faire sortir le kraken : le corps du wyrm de l’époque où je combattais les dix mille monstres de la capitale. Comme le temps était suspendu dans mon entrepôt, il était encore fraîchement abattu.
« Hein — qu’est-ce que c’est !? »
Atola faillit perdre la tête à la vue du wyrm.
« C’est un wyrm. »
« D’accord, oui, c’est… c’est sûr. Mais comment ? Les loups étaient déjà assez bizarres, mais qu’est-ce qui se passe avec votre sac à objets ? »
« C’est un sac de haute qualité. »
« Vous êtes juste pleine de surprises, n’est-ce pas ? Je peux comprendre pourquoi vous aviez le sceau d’Elfanica. Mais qu’allez-vous faire avec ce wyrm ? »
« C’est un appât à kraken. »
« Et vous allez le gaspiller comme ça ? La viande de wyrm est un mets délicat, et on peut vendre les parties pour beaucoup d’argent. »
Ugh, je le savais — les gens mangeaient cette chose. C’était bien. Je n’avais pas besoin d’argent.
« Si ce wyrm peut sauver le village, alors c’est un bon prix à payer. »
Ça sonnait mieux dans ma tête. Honnêtement, je ne voulais pas le manger, et le vendre ne ferait qu’attirer l’attention.
« Yuna, vous êtes juste si… »
Très bien, nous y voilà. J’avais utilisé la magie de glace pour envelopper la moitié inférieure du wyrm dans la glace et l’accrocher au bord de la falaise. La moitié de la créature était immergée dans l’océan.
J’avais vu des gens utiliser des larves pour pêcher à la télé. Les wyrms étaient un peu comme des larves, non ? Les krakens mangeaient les humains, ne mangeraient-ils pas les wyrms ? Le wyrm était gros, aussi, et fraîchement mort, l’odeur devrait donc facilement se répandre dans l’eau.
Si tout se passait bien, le kraken pourrait venir à nous. Sinon, je ne pourrais que chevaucher mes ours et le combattre au-dessus de l’eau. Mais cela me mettrait dans une position difficile.
« Il n’est toujours pas venu. »
Du temps s’était écoulé depuis que j’avais suspendu le wyrm dans l’océan. Je m’étais assis entre Kumayuru et Kumakyu, en regardant l’océan paisible. Peut-être que je ne pouvais vraiment pas attraper un kraken avec un wyrm.
« Il faut être patient quand on veut pêcher. Continuez à regarder. », dit Atola
Ugh, je suppose que oui ? J’étais une grabataire, alors comment pouvais-je savoir ? Je n’avais jamais pêché avant. Attendre qu’il morde à l’hameçon était ennuyeux, et je commençais à m’endormir en restant entre mes ours.
Mais encore une fois… les vagues montaient ou c’était juste moi ? Mes ours avaient commencé à faire des petits bruits à sa vue. Je m’étais levée et j’avais continué à regarder, alors qu’Atola s’était mise à parler.
« Yuna ? »
Qu’est-ce que c’était au loin ? J’avais utilisé ma compétence Détection et… il était là. Le kraken, volant pratiquement à travers l’océan vers notre falaise. Et là, il sortait de l’eau ! Ses longs tentacules sortirent hors de l’océan et s’enroulèrent autour du wyrm. Le glaçon s’était brisé alors qu’il entraînait le wyrm dans la mer.
« Yuna ! »
« Atola, recule ! »
J’avais activé ma magie de terre et créé une image mentale. Un ours gigantesque, aussi grand que la falaise.
Émergeant du fond de la mer, plusieurs ours gigantesques faits de terre s’élevèrent pour former une barrière semi-circulaire au ras de la paroi de la falaise. C’est la première fois depuis longtemps que j’utilisais autant de mana d’un coup. Oof. Soudainement, j’étais épuisée.
Les ours n’étaient pas seulement grands, je les avais aussi fortifiés pour que le kraken ne puisse pas passer à travers. Mon mana en avait pris un sacré coup, mais ça valait le coup : j’avais piégé le kraken contre la falaise. La créature mâchouilla le wyrm, inconsciente du fait qu’elle était piégée par ce que j’appelais mon « piège-ours ». Il ressemblait à un céphalopode gigantesque, plus calamar que pieuvre.
J’avais alors créé un nombre incalculable d’ours de feu géants et je les avais lâchés sur le kraken qui festoyait. Les ours de feu s’étaient envolés et ils brûlèrent le kraken, et la douce odeur de calmar brûlé nous envahit. Le kraken plongea dans l’océan, se débarrassant du feu des ours. Il me remarqua et tendit un long tentacule pour m’attraper. Pourrait-il m’atteindre ici ?
Je n’allais pas le découvrir, j’avais fait voler une lame de vent, tranchant le tentacule au moment où il atteignait le sommet de la falaise. Un autre tentacule avait surgi. Je l’avais esquivé et j’avais lancé des flammes. Bien que le tentacule se soit enflammé, le kraken s’était immédiatement retiré dans l’océan afin d’éteindre les flammes.
J’avais lancé flamme après flamme dans le mur fermé par mes ours géants. Le kraken tendit alors son tentacule vers moi, alors que j’étais en haut de la falaise. J’avais battu en retraite. Encore des ours de flamme. Non, encore plus. Être sur le sol avait vraiment, vraiment aidé, hein ?
Je n’avais rien lâché. Le kraken avait abandonné l’attaque à temps, et avait essayé de retourner dans l’océan, mais le Grand Mur d’Ours lui avait barré la route. Il avait essayé d’escalader le mur, mais quelques coups de magie l’avaient renvoyé dans l’océan. Quand il avait essayé de plonger, j’avais tiré des ours de flammes sur lui.
La température augmentait de plus en plus à cause de mes ours de flammes, transformant le demi-cercle d’océan piégé par le mur d’ours géant en une marmite chaude. Le kraken s’était tordu. Il s’était jeté contre le mur d’ours encore et encore, mais j’avais injecté une tonne de mana dans ce mur. Il ne se briserait pas si facilement.
L’eau commença à bouillir de plus en plus. Le kraken avait étendu ses tentacules et avait essayé de grimper sur le mur d’ours, mais je ne l’avais pas laissé faire. J’avais envoyé un coupeur d’ours pour sectionner le bout de son tentacule, mais il s’était immédiatement régénéré et s’était étiré à nouveau — ou non, ce n’était pas ça. Les extrémités coupées s’étaient rattachées d’elles-mêmes.
Les couper était donc futile. Tant qu’il aura du mana pour se régénérer avec cette méthode, nous finirons par répéter ce schéma. Peut-être que cela deviendrait une bataille d’usure de mana ? La bataille serait décidée en fonction du fait que le kraken soit à court d’endurance avant que mon mana ne soit épuisé ou que je sois à court de mana et qu’il s’échappe.
Le kraken avait tendu ses tentacules vers le mur d’ours encore et encore. Coupe, coupe, coupe. Ugh, j’aurais dû rendre le mur d’ours encore plus haut. Comme ce n’était pas un combat physique, j’aurais mieux fait de me battre en tenue d’ours blanc, mais je n’y avais pas pensé. Si je manquais de mana, je devrais me déshabiller devant Atola pour mettre ma tenue d’ours blanc, et… non. Non merci.
Le kraken s’était déchaîné dans l’eau fumante. Une partie de la falaise s’était détachée et s’était effondrée, changeant le paysage. J’avais continué. Je ne pouvais pas le laisser fuir ni m’arrêter. Bien qu’il soit trop tard pour faire quoi que ce soit, j’aurais voulu faire un couvercle géant.
L’attaque et la défense (si on peut appeler ça comme ça ?) consistant à envoyer des ours de flammes avaient traîné en longueur. Le kraken avait tendu ses tentacules et avait essayé de s’échapper, mais je ne l’avais pas laissé faire. Il fallait que cela se termine bientôt. Je me sentais de plus en plus fatiguée. Je commençais vraiment à manquer de mana…
Et puis, heureusement, les mouvements du kraken avaient commencé à s’atténuer. Il ne pouvait plus lever ses tentacules. Il avait même arrêté d’essayer de se frapper contre le mur d’ours. J’avais ralenti l’offensive et observé son comportement jusqu’à ce que, finalement, le kraken cesse de bouger.
J’avais utilisé ma compétence de détection. Aucun signal du kraken.
… C’était fini.
Je m’étais assise sur le sol et m’étais effondrée sur le dos, complètement crevé. Cela avait consommé tellement de mana. Je me sentais léthargique, mais le kraken était mort et personne n’avait eu besoin de courir à poil dans un autre monde.
« Yuna ! »
Atola était arrivée en courant, trempée de sueur. Cet endroit devait être misérable en ce moment.
« Est-ce fini ? »
« C’est fini. »
« Vous êtes sûre ? »
Atola regarda le kraken qui flottait dans l’eau bouillante. Pas un seul de ses tentacules ne bougeait.
« Ou i. Atola, je peux te laisser le reste ? Je pense que j’ai utilisé un peu trop de mana et, euh… je ne peux plus… bouger. Je suis fatiguéééééééééeeeeee. », avais-je dit.
Je n’avais même plus la force de marcher.
« Oui, bien sûr, je vais m’en occuper. Et… merci. »
Mon vrai merci serait tout le riz, la sauce soja et le miso, mais je ne pouvais pas le dire. J’avais appelé mes ours. Kumakyu s’était approché, s’accroupissant pour me permettre de monter plus facilement.
« Merci, petit gars. »
Lorsque nous étions retournés au port maritime, une tonne de gens s’étaient rassemblés à la périphérie de la ville.
Le personnel de la guilde avait accouru.
« Maître de la guilde ! Que se passe-t-il ? »
« Il y a eu un rapport selon lequel le kraken a été vu là où vous vous dirigez, maître de guilde, alors les habitants de la ville commencent à s’agiter. »
Atola sembla hésiter un peu avant de répondre : « Cette fille, Yuna, a vaincu le kraken. »
Elle m’avait montrée du doigt.
Oh, j’avais oublié de lui demander de ne dire à personne que j’avais fait ça. Peu importe. Je voulais me dépêcher, aller à l’auberge et rester au lit pendant les mille prochaines années.
« Maître de la guilde, est-ce vrai ? »
« Oui, c’est vrai. Si vous ne le croyez pas, vous pouvez aller vérifier vous-même. Le cadavre du kraken est là. »
« N’est-ce pas dangereux ? », dit l’un des membres du personnel.
Atola secoua la tête : « Qu’est-ce qui est dangereux ? Il n’y a pas de bandits. Le kraken a aussi disparu maintenant. »
« Eh bien… »
« Plus important encore, pourriez-vous ouvrir la route pour nous ? J’aimerais laisser le héros qui a sauvé le port maritime rentrer à l’auberge pour se reposer. »
« Mais maître de la guilde, vous voulez vraiment que ces ours viennent en ville ? »
Ils regardaient Kumakyu et Kumayuru.
« Je vous garantis qu’ils ne sont pas dangereux. Et allez-vous vraiment dire à la personne à qui nous devons tout — juste après avoir combattu le kraken jusqu’à ce qu’elle soit trop épuisée pour bouger — de descendre de son ours ? Allez-vous vraiment demander ça devant moi ? »
Elle était furieuse maintenant.
Eh bien, ça les avait fait taire. Le personnel de la guilde et les résidents ouvrirent un chemin, et Kumakyu avança péniblement jusqu’à l’auberge.
« Mademoiselle ! »
Deigha cria à pleins poumons au moment où j’étais rentrée à l’auberge.
« Je vais bien. J’ai besoin de dormir. Laissez-moi dormir. Merci. »
Kumakyu, avec son grand corps, s’était faufilé dans les escaliers étroits. Kumayuru suivait juste derrière. Une fois devant la chambre, j’avais réussi à descendre de Kumakyu et à ouvrir la porte.
« Merci, mon grand. »
J’avais transformé les ours en oursons et je m’étais dirigée vers ma chambre.
« Même si le roi, le président, le Premier ministre ou tout autre VIP se présente, ne me réveillez pas. »
J’avais réussi à sortir de la grenouillère, à la renverser et à enfiler le costume d’ours blanc. La pièce avait tourbillonné, et mes mini-ours s’étaient blottis contre moi. Je les avais remerciés et je m’étais ensuite endormie.
***
Chapitre 94 : L’ours se réveille
Je m’étais réveillée devant deux oursons extrêmement câlins. Quelle heure était-il, d’ailleurs ?
J’étais sortie du lit et j’avais ouvert le rideau, puis la fenêtre. Le soleil se levait sur l’océan. Si je m’étais couchée dans l’après-midi… Combien de temps étais-je restée endormie ?
Bien sûr, tout mon épuisement était parti et mon endurance et mon mana étaient de nouveau au maximum. Il était un peu tôt, mais j’avais enfilé mes vêtements d’ours noir et j’avais remercié mes ours pour avoir été mes gardes du corps avant de les congédier.
J’étais descendue, et Deigha s’était précipité hors de l’arrière-salle.
« Mademoiselle, vous êtes réveillée ! Vous allez bien ? »
Il avait l’air si inquiet. J’avais frotté mes yeux.
« Je vais bien. J’étais juste morte de fatigue après avoir utilisé trop de magie. »
« Vraiment ? Alors tout va bien ? »
Je pouvais voir qu’il était soulagé.
« Pour une toute petite fille si mignonne, vous êtes vraiment devenue une aventurière hors pair. »
Il m’avait donné quelques tapes légères sur la tête. J’avais décidé de le laisser faire.
« Tu sais ce qui s’est passé avec le kraken ? », avais-je demandé.
« Atola me l’a dit quand vous êtes revenue à l’auberge. »
C’était logique qu’elle le lui dise, vu l’état dans lequel j’étais revenue.
« Vous avez toujours aussi faim ? Vous n’avez rien mangé, n’est-ce pas ? »
J’avais touché mon torse. Mon estomac était aussi plat qu’une planche.
« On dirait que oui. »
« Alors je vais vous préparer quelque chose tout de suite, vous n’avez qu’à attendre. »
Deigha me fit un signe du bras et se dirigea vers la cuisine.
« Tu peux prendre ton temps », lui avais-je dit. Alors que j’attendais distraitement le petit-déjeuner que Deigha préparait en se réveillant lentement, Atola était entrée dans l’auberge.
« Yuna, vous êtes réveillée !? »
« Il y a peu. »
« Il n’y a rien qui cloche chez vous ? »
Elle avait tapoté avec inquiétude mes mains et mon corps. C’était une terrible invasion de l’espace personnel de sa part.
« Je vais bien. J’ai beaucoup dormi, donc mon mana s’est rechargé et je suis redevenu normale. »
« J’étais inquiète, vu que vous ne vous étiez pas réveillé de la nuit. »
Elle était vraiment inquiète pour moi, tout comme Deigha.
« Mais je suis heureuse de voir que vous allez bien. »
Pendant que je parlais avec Atola, Deigha apporta le petit-déjeuner. Je l’avais regardé et j’avais été choquée.
« Du riz ? Je croyais que vous n’aviez pas… »
« Les gens de la ville l’ont apporté. »
« Pourquoi ça ? »
« Yuna, vous avez tué le kraken. Le kraken. », dit Deigha lentement.
Atola hocha la tête.
« C’était vraiment une épreuve, hein ? Dès que vous êtes revenue, la ville a entendu parler de ce que vous aviez fait. Dès qu’ils avaient compris que vous l’aviez fait et que vous restiez ici, tout le monde a débarqué. »
Combien de personnes s’étaient rassemblées ? Et tous pour moi ?
« Mais vous étiez fatiguée et endormie, et ce n’était pas comme si j’allais vous réveiller. Je les ai convaincus de faire moins de bruit et les avais fait rentrer chez eux. Ils étaient cependant si nombreux. Ils voulaient vous remercier. Chacun d’entre eux voulait vous remercier. », avait-elle poursuivi.
Elle avait ensuite secoué la tête : « C’était une ruée, je le jure. »
Il s’était passé beaucoup de choses pendant mon absence, hein.
« Quand je leur ai dit que vous aimiez le riz, ils ont rassemblé tout ce qu’ils avaient et l’ont apporté. Quand on a rassemblé toutes les contributions, cela faisait un sacré total, » avait-elle poursuivi.
Whoa ! Je ne pouvais pas le croire. Même si j’avais vaincu le kraken, je n’avais aucune idée de l’endroit où se trouvait le pays de Wa, et encore moins du moment où une autre cargaison arriverait. Je pensais que je n’aurais pas de riz pendant un certain temps.
« Entendre tout cela me rend si heureuse. Mais êtes-vous sûre que je peux avoir ça ? Ce sont vos précieuses fournitures, non ? »
« De quoi parlez-vous ? Vous avez vaincu le kraken. Notre pénurie de nourriture est terminée ! L’océan est un trésor de nourriture, nous en avons des tonnes à manger. »
Du riz aussi gentiment donné, je le prends. Quoique… maintenant que j’y pense, j’avais demandé à Blitz et aux autres d’acheter des provisions dans le hameau voisin pour rien. Je suppose qu’ils n’achèteraient pas seulement de la nourriture ?
« Si tout le monde vient me remercier, je suppose que la nouvelle de la chasse au kraken s’est répandue assez loin, hein ? »
« Oui. Certains l’ont même vu. »
D’autres personnes étaient là ? Je n’avais pas remarqué. Plus important encore, je n’avais vraiment pas envie d’en faire toute une histoire, mais il n’y avait rien à faire. Il était trop tard pour utiliser à nouveau la ruse de « l’aventurier de rang A qui passe. »
« Hé, j’ai dit à tout le monde de ne pas vous causer de problèmes. De quoi vous inquiétez-vous ? »
« Ce sera juste une vraiment problématique si la rumeur se répand que j’ai vaincu le kraken. J’aurai encore plus de gens qui me harcèleront tout le temps… »
Atola et Deigha m’avaient regardée. Je savais ce qu’ils voulaient dire.
« Je sais que je ne le dis que maintenant, mais je voulais que cela reste entre nous, si possible. », avais-je ajouté
« La nouvelle s’est déjà répandue », dit Atola.
Deigha secoua simplement la tête.
« Après avoir vu ce que vous avez fait hier, vous ne pourriez pas le cacher. »
« Pourrais-tu au moins faire en sorte que les habitants de la ville n’en parlent pas à l’étranger ? »
« Pas besoin de s’inquiéter pour ça. Ce port maritime reste discret pour la plupart. Et même si nous disions que le kraken a été vaincu par une fille ours, personne ne le croirait. Une petite fille ours maléfique ? Allez. »
Ils avaient raison. En pratique, y avait-il des gens capables de vaincre un kraken à eux seuls ? Je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’aussi puissant, alors je ne savais pas.
De toute façon, ce qui était fait était fait. Je priais juste pour que les rumeurs ne soient pas trop fortes.
Après avoir mangé le riz des habitants de la ville, j’étais sortie de l’auberge avec Atola pour faire une promenade. Même si c’était tôt le matin, il y avait des tonnes de gens autour. Tout le monde souriait et les conversations étaient animées.
Plusieurs femmes âgées m’avaient vue et accoururent immédiatement.
« Atola, c’est la fille ours qui a vaincu le kraken ? »
« Oui, c’est elle ! »
« Mais elle est si mignonne ! »
« Merci beaucoup, petite fille ! Je n’ai jamais vu mon mari aller au travail aussi heureux. Tout ça, c’est grâce à vous, mademoiselle. »
« Mon mari aussi, il était si morose, mais quand il est revenu après avoir vu la dépouille du kraken, il pleurait des larmes de joie. »
Des mots de gratitude et des sourires éclatants tout autour. Qu’est-ce que le riz, la sauce soja ou le miso à côté de tout ça ?
« Pour célébrer la défaite du kraken, nous offrons du poisson à tout le monde ! S’il vous plaît, joignez-vous à nous. »
« Oh, ma chère, je prépare un repas délicieux ! S’il vous plaît, mangez-en. »
Les mamies avaient fini de parler puis elles partirent, mais ce n’était pas tout. Chaque pas apportait plus de gratitude, plus de larmes de joie, plus de rires exaltés.
« Tout le monde veut vous remercier, Yuna. En fait, je pense qu’ils se retiennent. », dit Atola.
Il semblerait que nous allions rester coincés ici pendant des lustres à ce rythme. Atola et moi nous étions donc esquivés. Nous nous étions ensuite dirigées ensemble vers la falaise où j’avais vaincu le kraken. Et alors que nous approchions de la falaise au sommet de Kumayuru et Kumakyu, j’avais vu de la vapeur s’élever de l’océan.
« Hm. On dirait que les effets de votre magie fonctionnent toujours, Yuna. »
Wôw. Les ours de flamme avaient fait tout ça ?
Le temps d’atteindre la falaise, nous avions trouvé un vieil homme qui regardait la mer.
« Le vieux Kuro !? »
« C’est vous, Mlle Atola ? »
« Vous le savez bien. Qu’est-ce qui vous amène ici ? »
« Je pensais que si je restais ici, je pourrais voir la personne qui a vaincu le monstre. »
« N’allez-vous pas aller pêcher avec les autres ? »
« Je peux laisser ça aux jeunes. Non, je dois remercier la personne qui a vaincu ce monstre. Vous, la fille dans les vêtements d’ours là-bas, vous avez fait ça ? »
« Oui, c’était moi. »
Le vieux Kuro hocha lentement la tête en s’approchant de moi.
« J’en ai entendu parler, mais je n’aurais jamais imaginé que vous seriez si petite. Eh bien, c’est moi qui ai été chargé de gérer la mer ici. Vous avez sauvé notre port maritime et l’océan lui-même, et je vous en serai reconnaissant pour le reste de mes années. »
Le vieil homme inclina profondément la tête. Puis, après avoir baissé la tête, il s’était mis en avant sur la falaise et regarda un navire flottant au loin sur la mer.
« Voyez-vous ce bateau qui flotte au loin sur la mer, là-bas ? Regardez-le. Noble, n’est-ce pas ? Vous avez fait ça, jeune femme. Vous nous avez ouvert l’océan une fois de plus. », dit-il doucement.
De légères larmes coulèrent dans les yeux du vieil homme.
Il était là, à pleurer sur ce que j’avais fait… pour du riz, du miso et de la sauce soja. Ack.
« Je pensais que personne ne pouvait vaincre un monstre comme celui-ci. Je n’étais pas sûr que quiconque sache avec certitude si un aventurier, une armée, où que ce soit, pourrait le vaincre. Les habitants ne comprennent pas cette partie. Ils ne savent pas à quel point vous êtes incroyable, jeune fille. »
« Ne vous inquiétez pas pour ça. J’ai juste trouvé un moyen de l’éliminer. Je ne veux pas que les villageois en fassent tout un plat, alors… »
J’avais haussé les épaules faiblement.
« Ne vous inquiétez pas pour ça. »
Qu’est-ce que je pouvais dire ?
« Hm. Eh bien, si vous avez des problèmes dans ce port maritime, faites-le-moi savoir. Je jure de vous prêter ma force si jamais vous en avez besoin. »
Je l’avais remercié. Cela semblait plus naturel que lui me remerciant.
« Alors, Yuna, que comptez-vous faire avec le kraken ? »
Atola regarda le kraken bouilli flottant dans la mer.
« Puis-je le vendre ? »
« Bien sûr. C’est un aliment de luxe, et la peau et le reste sont très utiles. Comme c’est aussi rare, vous pourriez le vendre très cher. »
« Cool. Il est à vous, à tout le port, je veux dire. »
« Vous êtes sûre ? ! Vous pourriez faire une petite fortune ! »
« La ville aussi. Je suis sûre qu’il y a des gens dont les bateaux ont été détruits par le kraken. »
« Êtes-vous vraiment sûre ? J’admets toutefois que cela aiderait beaucoup. »
« Si vous voulez vraiment me rembourser, alors montrez-moi un bon terrain dans ce port maritime. C’est tout ce que je veux. »
Je voulais installer une porte de transport d’ours.
« Oh, vous allez vivre ici ? »
J’avais secoué la tête. « Je vais juste en faire une maison de vacances. Quand il fera chaud, j’amènerai mes amis pour qu’ils passent du temps ensemble. »
J’amènerais Fina et les autres, et on irait nager. En y réfléchissant, qu’est-ce que les gens de ce monde portaient pour nager ? Avaient-ils des maillots de bain ? Ils n’iraient pas là-bas tout nus, non ? J’espérais vraiment qu’ils avaient des maillots de bain.
« Dans ce cas, pourquoi ne pas rester à l’auberge ? Deigha en serait ravi, j’en suis sûr. »
Nah. Si je faisais ça, je ne serais pas capable de faire une porte de transport d’ours. Escalader cette montagne était problématique.
« En tout cas, je suis contente que vous nous donniez le kraken, mais… »
Le kraken flottait sur l’océan.
« … on ne peut rien en faire pour le moment. Même si on voulait le dépecer, il faudrait d’abord le ramener à terre. »
Hmm, ouais. Et même l’amener sur la plage nous donnerait une tonne de travail.
« Donnez-moi juste une seconde. »
En utilisant la magie de terre, j’avais créé un escalier de la falaise au kraken. J’avais descendu les escaliers et j’avais touché une partie du kraken qui dépassait de l’eau. Juste comme ça, il était arrivé dans ma réserve d’ours. J’avais aussi rangé le wyrm bouilli, et j’étais retournée là où étaient les deux autres.
« Yuna. Je ne peux pas croire ça. », dit Atola à bout de souffle
« Je préfère que les gens ne sachent pas grand-chose de ce sac à objets, alors j’apprécierais que vous ne disiez rien. »
« C’est bon. Voir ce mur d’ours que vous avez laissé derrière vous est vraiment un spectacle. »
Les ours en terre dans l’océan nous dominaient.
« Je vais les retirer maintenant. »
« S’il vous plaît, attendez une seconde. Pouvez-vous laisser ça comme ça ? », dit soudainement le vieil homme
« Pourquoi ? »
« Pour qu’on n’oublie pas ce qui s’est passé. Avec le temps, la mémoire des gens s’efface. Ils oublient. J’aimerais le laisser. Vous nous avez sauvés et avez vaincu le kraken, mais nous avons tant perdu. Nous devons nous souvenir de tout, de l’héroïsme et de la tragédie. »
Je ne voulais vraiment pas le laisser là, mais allais-je vraiment dire non vu la manière dont il en parle ?
« Où devrions-nous les dépecer ? », demanda Atola.
« Eh bien, si nous devons les dépecer, je pense que la plage près du port maritime serait un bon endroit. Nous pouvons appeler d’autres personnes pour faciliter les choses. », répondit le vieux Kuro.
« C’est vrai. S’ils demandent comment nous les avons transportés, nous dirons simplement que vous avez utilisé votre magie, Yuna. »
Vont-ils vraiment croire ça ? Était-ce vraiment la meilleure méthode à suivre ? Je pense que oui.
« Entendu. Je vais rassembler tous les pêcheurs que je peux trouver et aller là-bas. » dit Kuro.
« Je vais chercher le personnel de la guilde qui a des compétences en dépeçage. »
Le vieil homme et Atola étaient partis sur un bateau qui était amarré à proximité. J’étais montée sur Kumayuru et je m’étais dirigée vers la plage où nous avions prévu de faire le dépeçage. Là, j’avais sorti le kraken et le wyrm et j’avais déposé leurs corps gargantuesques sur le sable. Ils sentaient tous les deux délicieusement bon.
***
Chapitre 95 : L’ours participe à un festin
Je regardais l’océan pendant que j’attendais. C’était vraiment si paisible. Quand je pensais qu’un kraken y vivait… Et maintenant, ce même kraken était étendu sur la plage. C’était juste un gros calmar mort. Je n’étais pas vraiment sûre qu’il soit comestible, vu la différence entre ce monde et le mien. Probablement ? Le wyrm, d’un autre côté… non.
J’avais entendu des voix humaines. Ils étaient là. Le vieux Kuro menait plusieurs hommes sur la plage.
« Désolé pour l’attente, jeune fille. »
« Ils sont plus nombreux que je ne le pensais. »
« Ils veulent le dépecer pour organiser un festin de fruits de mer dès que possible. »
Le vieux Kuro appela les hommes, leur demandant de commencer à tout préparer. Les hommes avaient répondu avec enthousiasme. Le vieil homme était un gros bonnet, hein ? Chacun des hommes m’avait remerciée en passant devant moi, ce qui était embarrassant.
Alors que je regardais le dépeçage du kraken commencer, Atola était arrivée avec quelques membres du personnel de la guilde.
« Oh, vous avez déjà commencé ? On va laisser ça aux experts et s’occuper du dépeçage du wyrm. »
Atola donna des instructions à ses gens et se mit au travail, laissant le vieil homme en charge du kraken et la guilde s’occuper du wyrm.
« Mais Yuna. Êtes-vous vraiment sûre qu’on puisse avoir la carcasse du wyrm ? »
« Vendez-la ou mangez-la. Faites-en ce que vous voulez. Mais n’essayez pas de me forcer à la manger, d’accord ? »
« Croyez-vous vraiment que je vous ferais une telle chose, Yuna ? »
« Je veux dire, cette chose bizarre ne peut pas être si délicieuse, hein ? », avais-je poursuivi
« Aucune idée. J’ai juste entendu des rumeurs. »
« Ne me dis pas que tu envisages de l’essayer, Atola… »
« Eh. Je pourrais le prendre ou le laisser. »
Je suppose que c’était une différence dans les goûts culturels ? Je me demandais de quel côté Fina serait. (J’espère que c’est le mien, non ?)
Pendant ce temps, l’équipe de la guilde travaillait dur pour démonter le wyrm. Je m’étais assise un peu à l’écart et j’avais observé les deux équipes. Quelques minutes plus tard, Yuula était arrivée avec un groupe de femmes.
« Je l’ai vu hier aussi, mais je ne m’habitue pas à sa taille. », dit Yuula
« Yuula, tu vas aussi aider au dépeçage ? »
« Je ne suis pas une spécialiste, mais c’est un kraken, non ? Juste un gros calmar ! N’importe qui ayant été élevé dans ce port maritime peut en dépecer un. Ce wyrm, par contre… »
Elle avait secoué la tête.
Les femmes s’étaient séparées, elles aussi, et s’étaient jointes aux deux types de travail de dépeçage. Plus on est de fous, plus on rit…
« Petite, puis-je avoir une minute ? », le vieux Kuro m’avait appelée.
« On ne peut pas prendre ça, bien sûr, alors prenez-le s’il vous plaît. »
Il m’avait tendu une énorme et magnifique gemme bleue, une gemme de mana. Une gemme de mana de kraken.
« Heh. De toutes mes années, je n’ai jamais vu une gemme de mana aussi grande. C’est normal qu’un kraken en ait une. »
« Es-tu sûr que je peux l’avoir ? »
« Quelle est son utilité pour un port maritime ? Je suis sûr qu’une aventurière comme vous pourrait en trouver un bon usage. Et vous avez aussi tué la chose, elle vous revient donc de droit. »
Eh bien, que peut-on dire ? Peut-être que ça pourrait être utile.
« Pendant que nous distribuons des cadeaux, pourquoi ne prendriez-vous pas ceci ? », dit Atola.
Elle me tendit une gemme marron, la gemme de mana du wyrm. Je suppose que c’était une gemme de mana de terre ?
« Vous pourriez la vendre », avais-je dit tout en sachant qu’ils ne le feraient pas.
« Vous en avez fait plus qu’assez. De plus, une gemme de mana est la preuve qu’un aventurier a tué quelque chose. C’est la preuve que vous avez vaincu le kraken et le wyrm. Nous ne pouvons pas simplement vendre ça — je veux dire, nous ne pouvons même pas légalement vendre ça, même si vous avez fini par nous donner les fonds à la fin. »
Eh, c’était assez juste. Ce serait embêtant de ne pas accepter les gemmes.
Le dépeçage avait bien progressé. Les résultats charnus avaient été empilés sur un chariot et cela avait été emmené en ville. Ils allaient en mettre une partie dans une chambre froide, juste pour être sûr.
« Bien, jeune fille, laissez-nous faire et retournez en ville pour profiter du festin. »
« Le festin ? »
« C’est une célébration. Le kraken est mort ! »
Le vieil homme hocha la tête.
« Oui. Le poisson que nous avons pêché ce matin devrait être en train de cuire. Nous aimerions que vous vous amusiez. »
« Vous avez intérêt. Vous êtes après tout l’invité d’honneur ! Je vais aussi retourner en ville, alors retournons-y ensemble. Ils doivent être en train de fouetter la viande de kraken et de wyrm pour en faire un repas sur la place centrale en ce moment même. », dit Atola en riant
J’avais accepté la courtoisie du vieux Kuro et j’étais retournée en ville avec Atola.
Une délicieuse odeur remplissait la place centrale. Le poisson et le calmar étaient en train d’être grillés. Et sans blague, c’était des palourdes ? Je me demandais s’ils avaient aussi des crevettes et du crabe.
L’arôme parfumé de la sauce soja embaumait aussi l’air. Les cuisiniers grillaient et distribuaient leurs repas aux personnes qui attendaient. Enfants ou adultes, tout le monde se régalait de la nourriture. C’était probablement la première fois depuis longtemps qu’ils pouvaient manger jusqu’à satiété.
Une foule s’était formée sur la place pour regarder le kraken rôti. L’un des bras du kraken était exposé, comme pour montrer à quel point le monstre était massif.
En le voyant de si près… wôw, il était vraiment gigantesque.
Alors que je fixais le bras du kraken, je m’étais rendu compte que tout le monde me regardait.
« C’est la fille ours qui a vaincu le kraken. Allez-y, prenez un morceau ! C’est délicieux. »
Une femme m’avait tendu un petit plat contenant une sorte de mélange de fruits de mer. Il y avait des crustacés, des crevettes et d’autres choses, et une seule bouchée m’avait donnée envie de riz blanc pour aller avec.
« Fillette, c’est aussi délicieux. »
Un homme portant un bandeau m’avait tendu un poisson rôti. Ils avaient même mis de la sauce soja dessus. Je veux dire, la sauce soja était un must avec le poisson grillé. Ça aurait été parfait si on avait eu aussi de la sauce ponzu, mais c’était peut-être un peu trop demander à un monde fantaisiste.
« Merci ! »
Je m’étais dirigée vers les tables et j’avais englouti la nourriture. Les habitants m’avaient remerciée et avaient apporté des plats, les uns après les autres. Très vite, la table avait été remplie de plats de fruits de mer. Les habitants étaient gentils, alors je les avais acceptés, mais je ne pouvais pas manger autant.
« Tout le monde, ralentissez un peu, d’accord ? »
Atola avait mis un terme à tout ça. Bon, si je ne pouvais pas le manger, je le rangeais dans la réserve des ours — c’était bien. Mais, encore une fois, peut-être que je mangerais avant que la nourriture ne refroidisse. Tout était si délicieux.
Atola rayonna.
« Vous êtes vraiment populaire. »
« Je suis heureuse de manger toute cette nourriture délicieuse, mais j’aimerais qu’ils n’en fassent pas tout un plat. »
« Alors, pourquoi ne pas enlever ces vêtements d’ours ? Si vous faites ça, personne ne vous remarquera. »
Elle avait raison, mais… et si quelque chose de grave arrivait, et que je n’étais pas dans le costume ? Non, ça n’en valait pas la peine.
« C’est un objet maudit, donc je ne peux pas. », avais-je dit solennellement
« C’est vraiment le cas ? Oh wôw, vous sentez mauvais ? »
Atola s’était penchée et m’avait reniflé.
« Qu’est-ce que vous croyez faire !? »
« Si vous ne pouvez jamais l’enlever, ça veut dire que vous ne prenez jamais de bain ou de douche. »
« OK, ok ! Je mens, bon sang. »
Heureusement, une bande de petits enfants étaient venues interrompre cette conversation débile.
« Mlle Ours, merci d’avoir vaincu le monstre », dit un garçon en inclinant la tête.
Un autre enfant prit la parole : « Ma maman a dit que nous pouvons manger de la nourriture grâce à vous. »
Le premier enfant hocha la tête : « Merci, Mlle Ours ! »
Les deux avaient tourné leurs sourires vers moi. J’avais plié le genou et m’étais mise au niveau des enfants.
« Vous en avez des tonnes à manger, les gars ? »
« Oui. »
Ils hochèrent la tête en souriant. Je leur avais donné des tapes sur la tête.
« Bien. Mangez beaucoup et assurez-vous d’aider votre maman. »
Les enfants hochèrent vigoureusement la tête et partirent en courant.
« Vous êtes une bonne fille, Yuna. »
« Tch. Ils me remerciaient. Bien sûr que j’allais être gentille. »
Le festin avait pris du retard. À mi-chemin, le vieux Kuro était venu faire un long discours ivre sur la beauté de l’océan. Atola était aussi bourrée, et avait fait un vrai grabuge. Franchement, certains adultes étaient vraiment dans ce genre de choses. Bizarre. Quand le soleil avait commencé à descendre, je m’étais dirigée vers l’auberge pour m’éloigner de toute cette merde.
« Yuna, bienvenue », dit Anz, la fille de Deigha. Elle avait l’air en bonne santé, et même un peu bronzée. J’étais plutôt maigre et pâle en comparaison.
« Les choses deviennent assez sauvages là-bas. Et ici aussi, hein ? », avais-je dit.
Une bande de gars dans l’auberge avaient claqué des verres, l’endroit empestait l’alcool.
« Eh bien, tout le monde est heureux de pouvoir prendre la mer. Mon grand frère était fou de joie. »
« Ouais. Où est Deigha ? »
« Mon père est tellement saoul qu’il est allé dormir à l’arrière. »
« Et donc tu as pris sa place, Anz ? »
« Oui ! Veux-tu manger quelque chose, Yuna ? Je peux te préparer quelque chose. »
« J’en ai mangé des tonnes dehors, donc ça va. »
Je ne pouvais pas manger une autre bouchée sans exploser.
« C’est logique. Il y a de la nourriture partout, après tout. »
« Et toi, Anz ? Qu’est-ce que tu fais ? »
« Je surveille la boutique et je prépare mon propre dîner, c’est tout. »
« Tu n’es pas allée manger avec les autres ? »
« Mon père s’est saoulé trop tôt, et j’ai dû cuisiner pour tout le monde, donc j’ai fini par devoir manger tard. »
« Oooo, qu’est-ce que tu fais ? »
« Du sashimi. Tu n’en as probablement jamais entendu parler, c’est une délicieuse cuisine du pays de Wa. Tu prépares le poisson cru et tu mets de la sauce soja dessus ! »
Sa… shi… mi. J’avais besoin d’en manger avec de la sauce soja. J’avais consulté mon estomac. Celui-ci me donna la permission. Peut-être que je… n’exploserais pas ?
« Y en a-t-il assez pour moi ? »
« On a des tonnes de poisson. »
« As-tu du riz blanc ? »
« Bien sûr ! »
D’accord, j’en avais besoin.
Anz prépara le poisson à merveille. Il y avait même du poulpe et du calmar dedans !
« Tu es plutôt bonne à ça. »
« Mon père m’a appris. Un jour, j’aurai même mon propre magasin ! »
Oh, intéressant… Je pensais à ramener du poisson à Crimonia, mais il y avait une chance que personne ne sache comment le couper ou le préparer. Les compétences d’Anz étaient exactement ce dont j’avais besoin. Elle avait aligné le sashimi sur le riz et me l’avait proposé. J’avais ajouté juste la bonne quantité de sauce soja, et… c’était délicieux.
« J’ai mon propre magasin à Crimonia, et nous pourrions rechercher un travailleur comme toi », avais-je dit.
« Tu as ta propre boutique ? »
« Je suis le propriétaire, mais je ne fais pas vraiment la cuisine. J’aimerais manger des fruits de mer plus souvent à Crimonia. Veux-tu te joindre à nous ? »
« Je le ferais si je pouvais, mais c’est loin… Ça me rendrait triste d’être séparée de ma famille. »
En d’autres termes, elle l’envisagerait si c’était plus proche ? J’avais fini le reste du bol de fruits de mer et je m’étais retrouvée à sourire.
Anz et moi avions fini par parler tard dans la nuit, en riant, en nous amusant et en avalant d’autres délicieux fruits de mer.
***
Histoire bonus 1 : L’ours rebâtit l’orphelinat
Les orphelins travaillaient d’arrache-pied, prenaient soin des kokekko et faisaient un excellent travail à l’Antre de l’Ours. Je voulais faire quelque chose pour eux. Voyons voir… J’avais réparé le vieux bâtiment de l’orphelinat, mais il était encore vieux et usé. Aucun des enfants ne s’était plaint de ça, mais…
« Hé, ça vous dérange si je reconstruis l’orphelinat ? », avais-je demandé à Cliff un jour.
« Quoi ? Vous débarquez de nulle part et c’est ce que vous demandez ? »
« Je veux dire, c’est votre ville, non ? Je pensais vous consulter avant de faire quoi que ce soit. »
« Vous pensez vraiment que je suis quelqu’un de si mesquin ? », dit Cliff en soupirant.
« Ehh. »
« Je vous ferais savoir, jeune fille — »
« Je plaisante. Je suis vraiment venue pour avoir votre permission. Le bâtiment appartient à la ville, non ? »
« Hm. Très bien, vous avez ma permission. Faites-en ce que vous voulez. »
« Merci. »
« Pas besoin de ça. »
Je voulais partir, mais il m’avait arrêtée et avait appelé son majordome.
« Rondo, prépare des fonds, s’il te plaît. »
« Oui, mon seigneur », répondit Rondo.
Ce dernier quitta immédiatement la pièce.
« Je n’ai pas vraiment besoin d’argent. »
« Nous ne pouvons pas laisser passer ça. Je ne pense pas que l’argent puisse compenser ma négligence, mais je vais quand même vous aider si vous comptez reconstruire cet endroit. »
« Mais… »
« L’orphelinat peut se maintenir même sans l’aide de la ville grâce à vous. Je le sais. Acceptez cet argent. Considérez-le comme une excuse de ma part. »
Même si je l’acceptais, je n’en avais pas besoin pour construire la maison. J’allais la construire avec de la magie après tout, mais…
« Puis-je l’utiliser pour quoi que ce soit ? »
« Utilisez-le comme vous le voulez. »
Dans ce cas, je l’utiliserais peut-être pour acheter des meubles et des choses dont ils avaient besoin pour leur vie quotidienne. Ils avaient besoin d’une nouvelle literie, et je voulais aussi leur acheter des assiettes et des couverts assortis. Mais je devais d’abord consulter la directrice et Tiermina.
La porte s’était ouverte juste au moment où notre conversation se terminait, le majordome Rondo était revenu.
« Seigneur Cliff, voici ce que vous souhaitiez. »
« S’il vous plaît, donnez-le à Yuna. »
Rondo m’avait offert un sac qui débordait presque d’argent.
« Votre argent, mademoiselle. »
Je l’avais remercié et l’avais accepté. Bon sang, c’était lourd. Il m’avait donné beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais.
« S’il en reste, puis-je revenir pour le rendre ? »
« Pas besoin. Comme je l’ai dit, ceci inclut mes excuses. S’il y a des restes, utilisez-les quand vous en aurez besoin. »
Après avoir reçu la permission de Cliff de reconstruire l’orphelinat, j’y étais retournée et j’avais demandé à la directrice, à Liz et à Tiermina de se réunir dans une pièce.
« Reconstruire l’orphelinat, vous dites ? », dit Tiermina en levant un sourcil.
« Vous avez déjà fait tant de réparations. Je pense que nous nous en sortons très bien comme nous sommes. Les courants d’air ont disparu et nous avons un endroit chaud pour dormir. », dit la directrice.
Liz acquiesça : « Les enfants sont si heureux. »
« De plus, le reconstruire demandera beaucoup de travail. », ajouta Tiermina.
« Je vais juste utiliser ma magie. »
Les trois femmes avaient l’air encore plus exaspérées, mais…
« Maintenant que j’y pense, vous avez fait votre propre maison vous-même, n’est-ce pas, Yuna ? »
« Et vous avez aussi fait ce poulailler. »
Avaient-elles maintenant changé d’avis ?
« Êtes-vous sûre de pouvoir le reconstruire ? Nous gérons l’orphelinat avec votre argent, Yuna, mais le bâtiment n’appartient-il pas au seigneur ? »
« Oh, ça. J’ai déjà obtenu la permission de Cliff. »
« Du seigneur Cliff lui-même ? »
« Vraiment, Yuna ? »
« Oh, bonté divine… »
Qu’est-ce que c’était que ce regard ? Je leur avais fait un rapide résumé de ma conversation avec Cliff et, à la fin, j’avais posé ses fonds sur la table.
« L’argent du seigneur… »
« Vous avez fait quelque chose d’incroyable. »
« Quelque chose de terrifiant. »
Avaient-elles peur de Cliff ? Eh bien, je m’étais souvenue que Fina avait aussi été comme ça pendant un moment. Elle était même nerveuse avec Noa, bien qu’elles s’entendaient bien ces jours-ci. Cliff était un peu insolent à mon goût, mais il m’avait écoutée et m’avait entendue. Ce type était différent de l’aristocrate que je m’imaginais. Peut-être qu’elles le verraient si les trois le rencontraient.
Finalement, exaspérés ou non, les trois avaient accepté que l’orphelinat soit reconstruit. Nous avions alors commencé à planifier.
D’abord, nous devions trouver comment séparer les chambres des garçons et des filles, où serait la salle de bain, où placer le réfectoire, et tout le reste. La planification était beaucoup plus amusante que je ne le pensais, tout comme pour la maison d’ours. La directrice expliqua les choses aux enfants et leur avait dit de ne pas s’approcher du chantier pendant la construction du nouvel orphelinat. Ils avaient l’air plutôt excités !
« De plus, vous ne pouvez absolument pas déranger Yuna », avait-elle insisté.
« Oui, mademoiselle ! », avaient-ils crié énergiquement.
J’allais faire l’orphelinat pendant que les enfants travaillaient, Liz allait faire le guet pour s’assurer qu’aucun d’entre eux ne faisait l’école buissonnière, et la directrice allait surveiller le groupe de petits enfants qui ne pouvaient pas travailler.
J’avais utilisé la magie pour créer l’orphelinat plus ou moins de la même façon que j’avais créé la maison d’ours. J’avais imaginé… voyons voir, peut-être une vieille école rurale ? L’entrée était au centre, et quand on entrait, des couloirs s’étendaient à droite et à gauche avec une porte à l’avant. Quand vous passiez cette porte, il y avait une pièce où tout le monde mangeait. Au-delà, il y avait la cuisine.
Dans le couloir de droite, il y avait les chambres des filles, et dans celui de gauche, les chambres des garçons. Au bout des couloirs de droite et de gauche, il y avait les salles de bain. Bien sûr, je ne pouvais pas oublier d’installer des statues en pierre d’ours d’où sortirait l’eau chaude.
Le deuxième étage était également divisé en chambres de garçons et de filles. La pièce centrale, juste au-dessus de la salle à manger, était une aire de jeux. Chaque chambre pouvait accueillir quatre enfants avec quatre bureaux et deux lits superposés installés vers les fenêtres.
Tiermina commanda des fournitures de ménage avec l’argent de Cliff. On avait même acheté de la nouvelle literie.
Bien que les enfants fassent un joyeux vacarme, ils écoutèrent la directrice et restèrent à l’écart du chantier. De temps en temps, l’un des petits essayait de s’approcher, mais l’un des enfants plus âgés l’arrêtait.
« Yuna, pouvons-nous entrer, s’il te plaît ? »
« Ce n’est pas encore terminé, donc non. Ce serait dangereux. »
C’était un mensonge, ça serait plutôt une nuisance.
Les enfants avaient l’air mécontents, mais un garçon plus âgé est intervenu.
« N’ennuyez pas Yuna, les gars. Nous avons promis de l’écouter, pas vrais ? Qui nous a sauvés ? Qui nous a donné à manger ? Nous a donné un endroit chaud pour dormir ? Yuna fait ce nouvel orphelinat pour nous. Ne soyez pas égoïstes et ne lui causez pas de problèmes ! »
Les petits enfants avaient l’air assez attristés par cela, mais ils étaient au moins convaincus.
« Aww. OK. »
« On est désolé. »
Ce n’était que de simple excuse, mais…
« Je ne suis pas celui à qui vous devriez présenter des excuses. Vous devriez dire ça à Yuna. », dit le garçon.
J’avais apprécié l’aide, mais en fait, les enfants travaillaient dur eux-mêmes. Ils s’étaient occupés des kokekko et avaient travaillé dur à la boutique de Morin.
La construction de l’orphelinat avait bien avancé après ça. Tiermina commanda la literie, les commodes, les tables et les chaises. Nous avions également acheté de la nouvelle vaisselle pour remplacer ce qui manquait à l’orphelinat. Je l’avais déjà suggéré auparavant, puisqu’il y avait des revenus avec les œufs, mais la directrice avait refusé. Cette fois-ci, elle avait finalement accepté.
Enfin, nous avions déménagé les choses dont nous avions besoin de l’ancien orphelinat vers le nouveau. Les enfants nous avaient aidés à le faire, et ils étaient ravis de pouvoir aller dans le nouvel orphelinat.
« Tout le monde, demandez à la directrice et à Liz comment vos chambres sont réparties. Une fois que vous savez où est la vôtre, demandez-leur ce que vous devez apporter. »
Les enfants vibraient d’excitation.
« Directrice, où est ma chambre !? »
« Ooo, où est la mienne ! »
Les enfants se jetèrent sur la directrice.
« Bon, on se calme ! Je vais vous conduire à vos chambres. Les garçons, venez avec moi. Les filles, allez avec Liz. »
Je les avais suivis pour m’assurer que tout allait bien.
« C’est la chambre pour vous quatre. »
« Whoa, il y a un lit, des draps et tout. »
Les garçons avaient essayé de sauter sur le nouveau lit, mais je les avais arrêtés.
« Si vous vous mettez dedans alors que vous êtes encore sales, le lit se salira aussi. Allez d’abord prendre un bain et mettez un pyjama. »
Ils s’occupaient après tout des kokekko, et cette besogne pouvait être salissante.
« Il y a un bain ? »
« C’est la pièce tout au bout du premier étage. Il y en a une pour les garçons et une pour les filles, alors assurez-vous de nettoyer après vous. »
Les garçons s’étaient aussitôt mis à courir.
Après avoir attribué les chambres, la directrice leur avait demandé de déplacer leurs affaires, vêtements et autres. Un jour, mais pas tout de suite, nous allions démolir l’ancien orphelinat.
Enfin, les enfants m’avaient aussi demandé de fabriquer un ours comme celui qui se trouvait devant la boutique.
J’avais cligné des yeux.
« Pour quoi faire ? »
J’en avais fait un pour que la boutique attire les clients, puisqu’elle s’appelait l’Antre de l’Ours. L’orphelinat ne devrait pas en avoir besoin.
Mais les enfants m’avaient suppliée, et ils étaient trop mignons pour que je refuse. Et voilà, c’était un orphelinat tout neuf avec un gigantesque et inexplicable ours de pierre devant.
***
Histoire bonus 2 : L’ours enseigne la magie
Partie 1
Le magasin se portait bien. Comme je n’avais rien de prévu pour la journée — pour la première fois depuis longtemps — j’avais décidé de passer chez Brandaugh. La dernière fois que j’y étais allée, c’était avant d’aller à la capitale.
Comme j’étais curieuse quant à des nouvelles du village, j’avais demandé à Helen ce qu’il en était. Apparemment, les nouveaux aventuriers qui étaient allés là-bas avaient réussi à vaincre les loups. Ils avaient l’air peu fiables, mais on dirait qu’ils s’étaient vraiment donnés à fond.
Quand ils étaient venus rapporter l’achèvement de leur quête, ils avaient même parlé de moi ! Ils étaient tous très excités en disant des choses comme : « Cet ours était incroyable », « L’ours était si fort », « C’était exactement comme tu l’avais dit, Helen » et « Même les ours de l’ours étaient forts ! ».
Ma première impression d’eux était ce garçon ridicule qui frappait les gens à la tête. Une fois que le gamin avait découvert à quel point j’étais forte, il me fit alors de plates excuses. J’avais su qu’ils ne pouvaient pas être si mauvais… mais s’ils recommençaient, je ne serais pas aussi indulgente.
Quand je m’étais approchée, le mur que j’avais créé était là, aussi beau que d’habitude, protégeant le village et toutes ces bonnes choses. Il n’y avait même personne pour garder l’entrée — pas besoin, je suppose ? Quand j’étais entrée, toujours sur Kumayuru, quelques villageois étaient venus.
« Le chef et Brandaugh sont-ils là ? », avais-je demandé.
Et comme ils étaient tous les deux là, j’étais allée les voir. Le chef et Brandaugh m’attendaient quand j’étais arrivée, ils étaient donc venus directement.
« Yuna, vous arrivez au bon moment. »
« Mademoiselle, ça fait si longtemps. »
« Oui, je suis passée à la capitale. Je m’étais donc absentée pour un moment. »
J’avais sauté de Kumayuru et les avais salués. Les enfants du village regardant Kumayuru depuis tout à l’heure, j’avais dit à mon ours de jouer avec eux.
« La capitale ! Vous avez voyagé si loin ? »
« Ça ne prend pas longtemps sur mon ours. »
J’avais pointé du doigt Kumayuru, qui courait avec les enfants maintenant.
« Hm Qu’est-ce qui vous amène ici aujourd’hui ? »
« J’ai quelque chose pour Yuuk — ou plutôt, pour Marie. Je dois m’assurer qu’ils soient bien nourris et tout ça. »
J’avais apporté quelque chose de sain pour Marie dans ma réserve d’ours. J’avais entendu dire qu’élever un enfant demandait beaucoup d’efforts.
« Grâce à vous, mademoiselle, le bébé a grandi en bonne santé. Il adore la fourrure du loup-tigre. Il ne la lâche presque jamais ! »
« Je suis heureuse de vous l’avoir donné. »
« Il pleure même quand on le lave ! », dit Brandaugh en riant.
Eh bien, ils devaient la garder propre s’ils l’utilisaient pour le bébé, alors je suppose qu’ils ne pouvaient pas s’en empêcher.
« Donc pas de changement depuis ? »
« Les choses vont bien. Le loup-tigre est parti, et il y a aussi moins de loups. Ces aventuriers débutants ont vraiment tout donné. »
« Oh, vraiment ? »
« Au début, je pensais qu’ils n’étaient pas si fiables que ça, mais ils se sont vraiment donnés à fond pour vaincre ces loups. »
Et à nouveau, je m’étais souvenue de la façon dont ces aventuriers débutants m’avaient donné un coup sur la tête. J’avais eu droit à des excuses, mais s’ils recommençaient… vengeance. Mais ils avaient si peur de moi que je ne pensais pas qu’ils recommenceraient. Hein ?
J’avais remis un cadeau au chef, je lui avais dit de donner la priorité aux maisons avec des bébés quand il le distribuera, puis j’étais allée voir Yuuk et Marie.
Dans la maison de Brandaugh, j’avais trouvé Marie portant Yuuk.
« Yuna, bienvenue ! »
« Salut, Marie. Comment va Yuuk ? »
« Grâce à vous, il grandit bien et en bonne santé. »
Encore ce truc de « grâce à vous ». Je n’avais fait que combattre un sanglier géant et des loups-tigres. Des trucs normaux d’aventurier ! Ça m’avait fait bizarre qu’ils parlent comme si j’étais la raison pour laquelle ils avaient pu élever leur bébé.
Pourtant, le petit Yuuk était vraiment l’image de la santé. Lorsque j’avais fait claquer la bouche des marionnettes ours devant lui, il éclata de rire.
C’était contagieux, maintenant Marie gloussait.
« Peut-être qu’il est heureux de vous voir, Yuna. »
Non, il était juste heureux de voir la marionnette. Il me paraît douteux que j’aie quelque chose à voir avec ça. Et tout en regardant le petit gars, j’avais tendu mes cadeaux à Marie.
« Merci, mais je n’ai rien à vous donner en retour. »
« Je ne veux pas vraiment quelque chose. Je veux juste que Yuuk grandisse en bonne santé. »
« Ha ! C’est beaucoup trop, Yuna. Mais merci. »
Brandaugh me donna un peu plus d’informations sur les aventuriers débutants avant que je ne quitte le village : il semblerait que les aventuriers débutants avaient pu vaincre les loups grâce à Brandaugh lui-même. Brandaugh avait trouvé le petit groupe de loups et en avait éliminé quelques-uns, mais ce furent les aventuriers débutants qui les vainquirent.
C’était un principe de base du combat que de vaincre les ennemis en petit nombre pour les réduire au fur et à mesure.
Le lendemain de ma visite au village de Brandaugh étant une belle journée, j’avais décidé de laver les draps et d’aérer la literie — tout, même les draps de ma maison d’ours dans la capitale. Ma matinée s’était déroulée ainsi et, comme j’avais faim, je m’étais décidée à aller à l’Antre de l’Ours afin de manger un morceau. Bien sûr, j’avais le pain que Morin avait préparé dans ma réserve d’ours, mais manger seule me semblait triste. Je préférais regarder autour de moi et voir si je pouvais partager un repas avec quelqu’un.
Quand j’étais arrivée à la boutique, il y avait une fille qui regardait la décoration en forme d’ours à l’entrée. Je n’avais pas pu me rappeler son nom, mais je m’étais souvenue de son visage. Elle faisait partie des aventuriers débutants qui étaient au village de Brandaugh.
« Quoi de neuf ? Qu’est-ce que tu fais là ? »
« Mlle Ours ? »
« C’est Yuna », avais-je dit.
« Désolée, Yuna. »
La fille inclina la tête plusieurs fois.
« Hum, et tu es… ? »
« Je m’appelle Horn. Merci beaucoup pour votre aide la dernière fois. »
Mais oui, Horn. La seule fille de leur groupe de quatre personnes.
« Quoi de neuf, Horn ? Es-tu venue voir la boutique ou quoi ? »
« Oui, Helen a dit que cet endroit était vraiment bien et que je devrais y aller au moins une fois. Quand je suis arrivée ici, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder ce gros ours bizarre… »
« Je savais que c’était trop. »
« Non, il est mignon, tout comme vous. »
Hmm. C’était vraiment un compliment ?
« Qu’est-il arrivé aux trois autres aventuriers ? Est-ce qu’ils cherchent d’autres filles à frapper sur la tête ? »
« Oh, nous faisons tous nos propres trucs aujourd’hui. Je suis venue ici pour manger toute seule. »
« Es-tu venue manger ? Dans ce cas, veux-tu qu’on mange ensemble ? J’étais sur le point de venir ici aussi pour manger. »
Si j’entrais, il était probable qu’il y ait des gens à l’intérieur, mais il y avait aussi une chance que je ne trouve personne. De plus, j’étais un peu curieuse de savoir ce qui s’était passé après avoir vaincu le loup-tigre.
Horn avait l’air surprise par ma suggestion. Je suppose que c’était un peu soudain.
« Si tu ne veux pas manger avec moi, ne t’inquiète pas. »
« Non, ce n’est pas ça. Voulez-vous vraiment traîner avec quelqu’un comme moi ? »
J’avais croisé les bras.
« Tu viens de dire que tu étais reconnaissante envers moi. Le pensais-tu vraiment ? »
« B-bien sûr. Je suis très reconnaissante envers vous, Yuna. »
« Alors, veux-tu prendre un repas avec moi ? »
« Oui… »
J’avais gagné cette conversation amicale. Génial.
Horn et moi étions entrées ensemble dans le magasin et avions trouvé les enfants en train de s’affairer dans l’atelier. Ils montaient les assiettes et essuyaient les tables. Il y en avait même qui prenaient des commandes au comptoir.
« Yuna ! »
Un enfant qui nettoyait les assiettes sur les tables m’avait remarquée.
« Continue à travailler dur, petite. »
« Ok ! »
La fille hocha la tête, prit les assiettes et se dirigea vers l’arrière-boutique.
Horn l’avait regardé partir.
« Wôw, c’est vraiment votre boutique. »
« Techniquement, oui. Mais c’est eux qui font le travail. »
Je n’avais fait que lancer les choses. Morin et Tiermina étaient les vraies chefs de l’endroit.
« Horn, y a-t-il quelque chose que tu n’aimes pas manger ? »
« Non, pas vraiment. »
« Je vais donc aller chercher des trucs. Attends ici. »
Je l’avais assise à la table que la fille venait de nettoyer à fond, puis je m’étais dirigée vers l’arrière-cuisine pour prendre quelques miches de pain. Je leur avais aussi fait cuire une pizza. Nous étions à court de pudding, alors j’en avais sorti de mon stock d’ours. Quand la pizza fut faite, j’avais remercié Morin et j’étais retournée voir Horn.
« Désolée pour l’attente », avais-je dit.
« Pas du tout, je n’ai pas attendu longtemps. »
« Tu n’as pas à être si nerveuse. »
Ses épaules avaient l’air si raides.
« De toute façon, tu peux manger ce que tu veux. »
J’avais garni la tablette avec la pizza et quelques-uns de mes pains préférés.
« Merci », me répondit-elle.
Mais elle n’avait pas essayé d’attraper quoi que ce soit.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Ils ont tous l’air si bons… Je ne sais pas lequel choisir. »
« C’est la pizza, et c’est le pain que je recommande. Oh, et j’ai pensé que tu voudrais essayer le pudding. »
« Du pudding ? »
Elle avait regardé le dessert d’un air incertain.
« Tu devrais le garder pour la fin », avais-je ajouté.
Horn hocha la tête. Elle regarda les trous dans le pain, hésita, et n’en attrapa pas un seul.
« Hum. Veux-tu tous les partager ? »
« Les partager ? »
« Si on fait ça, tu pourras goûter à chacun d’entre eux, non ? Ou tu ne veux pas partager avec moi ? »
« Bien sûr que non ! Ça veut dire… que je n’aurai pas à choisir ? »
Oui. J’avais sorti un couteau et j’avais coupé tous les pains en deux. Enfin — enfin — j’avais commencé à manger avec Horn.
« Ohmondieu, c’est délicieux. », avait-elle chuchoté
Elle savourait vraiment tout. C’était du pain fabriqué par Morin, alors bien sûr qu’il était délicieux ! J’avais même sorti mes pains préférés.
« Ce pete-sa est aussi bon. »
« Nous y voilà. »
La nourriture semblait faire fondre ses nerfs. La conversation s’était enfin engagée.
« Tu es amie avec ces trois-là depuis que vous êtes enfants ? », avais-je demandé.
« Oui. Nous sommes ensemble depuis que nous sommes nés. Nous avons toujours été ensemble. Comme ils voulaient tous les trois devenir des aventuriers, je l’ai fait avec eux. »
Je m’étais demandé si c’était devenu un truc de macho où s’ils étaient en compétition pour Horn. Horn était après tout plutôt mièvre, mais elle était quand même assez mignonne. Un peu indécise, certes, mais elle semblait être le genre de fille que les garçons voulaient protéger.
« Je suis surprise que vos parents vous laissent devenir une aventurière. »
C’était un travail dangereux. Si Fina voulait devenir une aventurière, je pense que je l’en empêcherais définitivement, et elle n’était même pas ma fille.
***
Partie 2
« Ils ont dit que c’était bon tant que les trois autres étaient avec moi. Je ne veux pas leur causer de problèmes et je peux utiliser la magie, mais… je suis faible. Je ne peux pas utiliser une épée ou un arc. Parfois, je pense que je ne fais que les ralentir… ». À chaque mot, sa voix devenait de plus en plus petite.
« Tu peux néanmoins utiliser la magie, non ? »
« Oui, mais elle n’est pas très forte. »
Hmm, qu’est-ce que ça voulait dire ? Les gens avaient-ils naturellement des quantités différentes de mana ? Était-ce un manque d’imagination ? De volonté ? Je n’en avais aucune idée.
« Yuna, comment se fait-il que votre magie soit si forte ? »
Je ne pouvais pas lui dire que c’était parce qu’un dieu m’avait donnée des objets surpuissants, alors j’avais changé de sujet.
« De qui as-tu appris la magie, Horn ? »
« Un autre utilisateur de magie du village m’a appris. Mais lui aussi ne pouvait pas utiliser de grandes quantités de magie. »
Peut-être qu’elle avait juste eu un mauvais professeur ?
« Dans ce cas, que dirais-tu de vérifier tes compétences ? »
Je voulais voir si mes connaissances étaient aussi utiles.
« V-Vous le pensez vraiment ? »
« Oui. Mais ce n’est pas parce que je t’enseigne des trucs que ça va marcher. »
« Oui ! Oui, bien sûr ! »
« Dans ce cas, on va s’entraîner après le repas. »
« D’accord ! »
Horn afficha un large sourire et se mit à manger son pain. Elle avait gardé son pudding pour la fin, et semblait encore plus satisfaite après l’avoir mangé.
Nous avions laissé le magasin derrière nous et étions arrivés à un endroit à la périphérie de la ville. Il n’y avait pas de gens autour, utiliser de la magie ne devrait donc pas poser de problèmes.
« Cette zone est-elle bien ? »
J’avais utilisé la magie de terre pour créer un mur.
« C’est incroyable. »
Wôw, elle était vraiment facilement impressionnable.
« D’accord, essaye un peu de magie. Fait quelque chose dans lequel tu es douée. »
« Oui, je m’en occupe ! »
Horn prit le petit bâton qu’elle avait à la hanche, rassembla du vent autour d’elle et envoya des lames de vent voler vers le mur. Mais quand elles avaient touché le mur, elles avaient disparu.
« Es-tu donc douée pour la magie du vent ? »
« C’est plus ou moins facile à utiliser, mais c’est faible. »
« Sais-tu lancer autre chose ? »
« Un peu », répondit Horn.
Elle rassembla ensuite la magie dans son bâton et invoqua des flammes. Elle agita son bâton, mais le feu disparut avant même de toucher le mur. Elle avait ensuite essayé la magie de l’eau. Une boule d’eau de la taille d’une balle de baseball plana au-dessus de son bâton. Quand elle agita le bâton, elle éclaboussa le mur et se brisa. Sa magie de terre était à peu près aussi puissante — ou, euh, pas.
Peut-être était-ce une question de concentration ? Sa magie d’eau et de terre n’étaient pas assez solide. C’était juste la même chose que l’eau et la terre normales, non-magiques. Quant au feu, peut-être qu’elle n’avait pas une bonne image mentale avec laquelle travailler ? Peut-être que le vent était plus facile à visualiser pour elle.
À ce rythme, tout ce qu’elle faisait était de convertir son mana en choses tout en espérant que c’était suffisant.
« Vous pensez que ce n’est vraiment pas bon ? »
« Hmm, ce n’est pas vraiment ça, c’est plutôt… »
J’avais sorti le livre de magie pour débutants de ma boîte à ours. Je ne l’avais lu qu’une fois et je ne l’avais pas touché depuis.
« Visualiser des trucs est important quand on fait de la magie. »
« Visualiser ? »
« Quand tu utilises la magie, tu as une image mentale de ce que tu essaies de faire, non ? »
« Mmhm. »
« Je vais utiliser la magie de terre pour te l’expliquer, car c’est la plus facile à comprendre. »
J’avais invoqué la magie de terre, créant un amas de la taille d’une balle de baseball, de la même taille que celui de Horn.
« Essaie de le ramasser. »
« D’accord. Oh, c’est lourd… »
« Non, c’est plutôt qu’elle est… compressée ? Je l’ai fait en pressant fortement la terre ensemble. C’est pour ça que c’est lourd et dur. En le lançant sur un monstre, je peux faire des dégâts. Si je l’alimente avec du mana supplémentaire et que je le lance, je peux amplifier ces dégâts. »
Elle m’avait rendu le morceau de terre, et j’avais utilisé le mana pour la lancer sur le mur de terre… et le transpercer.
« C’est incroyable, Yuna ! »
« Si tu comprends ce truc, tu peux changer sa forme et l’utiliser pour des tas de choses. Tu peux faire des murs, te défendre contre les attaques de tes adversaires, ou même manipuler les actions de ton adversaire. Si tu fais ça, tu peux les forcer à se diriger vers un endroit où tes alliés attendent. »
« Whoa… »
« Aussi, si tu changes sa forme comme ça, tu peux lui donner encore plus de puissance d’attaque. »
J’avais donné à la terre la forme d’une lance et je l’avais envoyée voler. Elle traversa le mur comme la balle de tout à l’heure.
« Si elle a une pointe acérée, elle poignardera plus facilement l’adversaire. Assures-tu cependant de la durcir, ou tu ne feras pas beaucoup de dégâts. »
« Compris. Je vais l’essayer. »
Horn prit une profonde inspiration, rassembla le mana dans son bâton, fit une motte de terre et la lança sur le mur. Cette fois-ci, la motte fit un énorme bruit sourd en frappant le mur avant de s’écraser dans la terre.
« Yuna, je l’ai fait ! »
« Ça a l’air bien. Si tu la fais aller plus vite, elle sera encore plus puissante. »
« Ok ! »
Enhardie, Horn essaya encore et encore. Lorsqu’elle frappait le mur, encore et encore, elle faisait un énorme bruit sourd. Les grumeaux étaient de plus en plus durs.
Je voulais vraiment lui apprendre d’autres trucs, mais elle utilisait trop de mana et était à bout de souffle.
« Maintenant, tu as juste besoin de t’entraîner. »
« M… Merci beaucoup. Je me sens plus… plus confiante ! »
« Oui, mais je voulais te montrer plus que ça. »
« Non, non ! Pour l’instant, je vais essayer d’apprendre la magie de terre que vous m’avez enseignée. Même si vous m’apprenez toutes sortes de choses, ce serait du gaspillage avec le peu que je sais faire. »
« Compris. Maintenant, la magie peut être utilisée pour attaquer et protéger, alors assure-toi de vérifier ce qui se passe derrière toi avant de l’utiliser. »
J’avais gonflé ma poitrine en essayant de répéter comme un perroquet quelques dialogues à moitié mémorisés de l’ancien jeu.
« En créant un mur, tu peux laisser tes alliés s’échapper ou fortifier ta position. Si tu augmentes ta précision, tu pourras attaquer même pendant que tes alliés se battent. Même si tu apprends un peu de magie, tu dois faire attention, car elle pourrait ne pas être aussi utile dans une situation donnée. »
« Ok ! »
Si enthousiaste !
« Aussi, fait attention à la façon dont tu consommes ton mana. Quand un mage n’a plus de mana, il est un poids mort. »
Si vous n’aviez pas d’objet de récupération de mana, vous aviez des problèmes.
« Ok ! »
Encore plus enthousiaste !
« Alors ! Assure-toi de faire une bonne pause aujourd’hui et de récupérer ton mana. Lors de ton prochain entraînement, assure-toi de mémoriser le nombre d’attaques magiques que tu peux utiliser. Ce sera pratique à savoir quand tu seras dans une bataille. »
« Très bien. Merci beaucoup pour cette journée. Je sens que je peux vraiment faire mon chemin en tant qu’aventurière. »
« Ne te surmène pas trop. Tu n’as qu’une seule vie. »
« Ok ! »
Et après sa réponse, elle me jeta un long regard attentif.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Hum. Vous pourriez me réapprendre à l’occasion ? »
« Hmm. Je ne suis parfois pas en ville, mais je suppose qu’on pourrait le faire à l’occasion. »
« Ok, merci beaucoup. Aussi, puis-je vous appeler mon maître ? », dit-elle en baissant la tête.
« Euh. Maître ? »
« Si vous n’aimez pas ça, alors c’est bon ! Mais vous m’avez tellement appris. »
« Tu sais quoi ? Aucun problème. »
« Oui, Maître Yuna ! »
… C’était bizarre.
Alors que je me dirigeais vers l’orphelinat plusieurs jours après notre entraînement spécial, j’avais aperçu Horn marchant un peu devant moi. Peut-être était-ce là qu’elle se rendait aussi ? Je ne pensais pas qu’il y avait autre chose que l’orphelinat par ici.
Mais quand je l’avais suivie, je vis qu’elle n’était pas allée à l’orphelinat. Elle était allée à l’endroit où nous avions pratiqué la magie tout à l’heure.
Horn regarda autour d’elle, s’était mise devant un rocher et commença à pratiquer.
Elle invoqua la magie de terre et — crac ! — frappa le rocher. Bon son, mais le rocher lui-même ne s’était pas brisé. Peut-être qu’elle n’avait pas assez de vitesse ? Elle n’avait certainement pas assez de puissance.
« Horn. »
« Yuna !? »
Elle se mit à sursauter. Pourquoi était-elle si choquée ?
« Tu pratiques la magie ? »
« Oui ! Grâce à vous, ma magie est devenue plus forte. Je peux couvrir tout le monde maintenant ! Mais ce n’est pas encore assez fort pour que je puisse achever quelqu’un. Shin a attiré quelques méchants, mais je n’ai pas pu les vaincre avec la magie. Bien sûr, j’ai fait quelques dégâts et je fais des progrès, mais je n’arrête pas de penser à comment les choses auraient pu se passer si j’avais fait juste un peu mieux. »
C’était donc pour ça qu’elle s’entraînait.
« J’ai le temps. Je peux te donner une leçon. »
Elle travaillait vraiment dur, ce qui me donnait toujours envie d’encourager quelqu’un.
« Vous le pensez vraiment ? »
« Mmhm. On dirait qu’elle a besoin de plus… d’énergie. »
Elle avait plus de puissance d’attaque qu’avant, mais elle lançait toujours la magie aussi fortement qu’un joueur de baseball décent. Si elle visait bien, elle pouvait vaincre des monstres, mais sinon, elle ne faisait que les meurtrir.
« Entraînons-nous à la faire tourner. »
« Tourner ? »
J’avais créé une motte aussi grosse qu’une balle de baseball en utilisant la magie de terre et je l’avais fait tourner si vite qu’on pouvait sentir l’air s’en échapper.
« Comprends-tu ? »
« Whoa, c’est comme une petite tornade ronde ! »
« Vois-tu cette branche là-bas ? Essaie de toucher la motte avec. »
Horn l’arracha du sol et fit toucher avec précaution la branche sur l’orbe qui tournait au sommet de ma marionnette ours en se couvrant à moitié les yeux. Au moment où elle le fait — « Ahh ! » — la branche cassa.
J’avais légèrement jeté l’orbe sur le sol, et il s’était enfoncé dans la terre.
« C’est incroyable. »
« Tout est plus cool avec la rotation. Essaie-le. »
« Ok ! »
Horn créa une sphère de terre et la fit tourner… doucement. Comme un globe d’enfant.
« Trop lent. Fais-la tourner plus vite. »
« Hum, c’est vraiment difficile… »
« Alors tu peux t’entraîner quand tu auras du temps libre. Plus tu la fais tourner vite, plus elle sera forte. »
« Oui, mais… Je veux dire, Yuna ! »
Était-ce la « bonne » façon d’enseigner la magie dans ce monde ? Peut-être pas, mais qui s’en souciait ? J’avais la preuve empirique que cela fonctionnait.
« Yuna, pourquoi êtes-vous si gentille avec moi ? Je n’ai fait que vous causer des problèmes, je ne vous ai été d’aucune aide ! », dit soudainement Horn au milieu d’un exercice.
« Je ne sais pas. Tu es une fille et tu fais des efforts. C’est peut-être pour ça. »
« Je fais des efforts ? »
« Quoi, n’as-tu pas remarqué ? Oui, tu fais vraiment des efforts. J’admire ça. Et je t’aime bien. Je ne voudrais pas que tu sois blessée ou que tu meures. Je ne sais pas pourquoi tu es devenue une aventurière, mais c’est un travail dangereux. Si tu veux continuer, j’aimerais que tu deviennes assez forte pour ne pas mourir, même si tu te retrouves blessée. »
« Yuna, je ne sais pas quoi dire… »
« En plus, il y a des tonnes d’hommes dans l’aventure, non ? C’est totalement injuste. Soutenons-nous mutuellement quand nous le pouvons, ok ? Donne tout ce que tu as et deviens aussi forte que tu le peux. Promets-le-moi. »
« Je le ferai… »
« Oh, mais pas au point de devenir imprudente. »
« Compris ! », cria Horn, l’air carrément ravi.
J’étais restée avec elle jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de mana.
Et vous savez quoi ? Je pouvais l’entendre dans sa voix : peut-être qu’elle avait vraiment ce qu’il fallait.
***
Histoire bonus 3 : Les Chroniques de Deigha, je m’inquiète pour l\’ours.
Je m’appelle Deigha. Je dirige une auberge au port de Mileela, et si vous avez faim là-bas ? Ne vous inquiétez pas, je suis aussi un bon cuisinier.
Jusqu’à il y a un mois environ, les passagers des navires, les aventuriers, les marchands et toutes sortes de choses se dirigeaient vers nous, mais en ce moment ? Il n’y avait pas une âme à l’auberge. Vous voyez, un vrai monstre méchant appelé kraken était apparu dans notre océan. Même la route côtière n’avait pas attiré de visiteurs, à cause des bandits qui s’y étaient montrés.
Tout ce que nous pouvions faire, c’était prier pour que le kraken disparaisse, mais il y avait tellement plus à craindre que ça. Nous ne pouvions pas obtenir de nourriture — pas de sortie en mer pour pêcher et pas de voyage pour obtenir de la nourriture des hameaux voisins. Le maire nous avait abandonnés, et la nourriture que nous avions obtenue était entre les mains de la guilde du commerce. Et oh, ils étaient heureux de vous donner une miette ou deux… pour un bras et une jambe.
Si le kraken restait dans notre mer, nous devrions abandonner tout le port maritime… et peu importe à quel point nous prions, ce kraken ne s’en allait pas.
Et alors que j’étais assis au comptoir sans rien faire, mes amis Damon et Yuula étaient entrés. Quelque chose de noir était entré derrière eux.
« Mr muscles ? », lâcha Yuula.
« Un ours ? », avais-je répondu en criant.
Une fille dans un costume d’ours était entrée derrière le duo. Allez, quoi ? Un… costume d’ours ?
Apparemment, la fille en tenue d’ours avait sauvé Damon et Yuula quand ils faillirent mourir dans la montagne d’Elezent. Je n’arrivais pas à croire que cette fille avait traversé une montagne aussi abrupte, mais je ne pensais pas non plus qu’ils mentiraient à ce sujet. D’ailleurs, quel est l’autre moyen de se rendre au port maritime de nos jours ?
C’était vraiment la seule route possible. C’était étrange.
Ils m’avaient demandé de laisser la fille aux vêtements d’ours rester à l’auberge. Je n’avais aucun problème avec ça, mais la seule nourriture que j’avais était pour ma famille. Je lui avais dit que je ne pouvais pas la nourrir. Mais écoutez ça : quand je lui avais dit que je cuisinerais si elle me donnait les ingrédients, elle avait sorti des montagnes de trucs. En plus de ça, elle m’avait dit que puisqu’elle avait tant à offrir, ma famille pourrait aussi en manger. Peut-être que cette fille était vraiment spéciale ?
Si elle apportait les ingrédients, alors je lui préparais un festin à tomber par terre. J’avais préparé quelque chose de spectaculaire avec ce qu’elle avait, et elle avait dit (à juste titre, je dirais) que c’était délicieux. Elle semblait cependant vouloir manger des fruits de mer. En fait, c’était pour ça qu’elle avait traversé la montagne ! J’avais voulu lui en donner, mais le kraken rendait la chose très difficile. Je suppose que j’allais essayer de demander au vieux Kuro.
Le lendemain matin, la jeune fille avait dit qu’elle allait se rendre à la guilde des aventuriers et avait quitté l’auberge. Peu de temps après, Yuula était venue la voir.
« Cette petite demoiselle ? Elle se dirige vers la guilde des aventuriers. »
Yuula avait promis de faire visiter la ville à la fillette, dit-elle, mais il semblerait que la petite chipie se soit enfuie toute seule.
« Tu veux attendre ici ? », avais-je proposé.
« Non, je vais aller à la guilde des aventuriers. Je devrais pouvoir l’attraper là-bas. »
« Si elle revient, je lui dirai que tu es passée. »
« Si tu peux. »
J’avais décidé de partager la nourriture qu’elle m’avait donnée avec mes amis et voisins. Il fallait après tout s’entraider quand les choses deviennent difficiles comme ça. Moi et ma fille Anz avions dépecé les corps des loups, et ma femme et mon fils les avaient apportés aux voisins.
« Papa, tu as vraiment eu toute cette nourriture gratuitement ? », me demanda Anz pendant qu’on travaillait.
Et oui, ça m’avait aussi choqué. Il n’y avait pas que des loups, mais aussi des légumes, de la farine et pleins d’autres choses. La fille avait dit que c’était surtout des loups, parce qu’elle avait surtout des loups. Si ce n’était pas le signe d’un aventurier, je ne savais pas ce que c’était.
Pendant que je préparais le dîner pour la fille, des rumeurs concernant la distribution d’encore plus de nourriture avaient fuité. La guilde des aventuriers l’avait distribuée aux habitants de la ville. Encore de la viande de loup, et en grande quantité. Qui cela pourrait-il être sinon notre étrange petite fille ours ?
Et au moment où je finissais de préparer le dîner, la fille-ours était revenue à l’auberge. Elle avait retrouvé Yuula, et avait une faim de loup en plus. Elle avait apprécié le dîner que je lui avais préparé, ce qui était une bonne chose, mais j’aurais aimé pouvoir faire quelque chose de plus.
Le lendemain matin, quand j’avais commencé à préparer l’auberge, j’avais entendu un gémissement à l’étage. Pas particulièrement féminin, d’ailleurs. Étrange. Inquiétant ? Eh bien, quand j’étais monté pour vérifier, j’avais trouvé un ours — non, un vrai ours, ou plutôt deux — un noir et un blanc. Dans mon auberge ! Comment diable avaient-ils pu arriver dans mon auberge ?
« Petite ourse, vas-tu bien ? Fille Ours ! », avais-je crié à travers la porte de sa chambre. J’avais un peu peur d’effrayer les vrais ours à côté de moi, mais ils ne semblaient pas intéressés. Bon sang, est-ce que la fille allait bien ? ! Elle devait être en vie… non ?
Malgré toute mon inquiétude, la fille était sortie de sa chambre, un peu groggy, dans un costume d’ours blanc. Les ours étaient ses invocations, c’était la première fois que je voyais une telle chose. Quand je l’avais interrogée au sujet des hommes qui gémissaient sous les ours, elle m’avait dit qu’elle avait été attaquée.
Incroyable. Impardonnable ! Ils s’étaient introduits dans mon auberge et, en plus, ils avaient attaqué une petite fille ? Oh, j’étais furieux.
J’avais demandé à mon fils de se rendre à la guilde des aventuriers pour transmettre le message et j’avais attaché les agresseurs avec une corde bien serrée, le genre de corde particulièrement rêche. Puisqu’ils n’étaient plus nécessaires selon elle, la fille avait fait en sorte que les ours… disparaissent pour le moment. Incroyable.
Peu après, le personnel de la guilde des aventuriers était venu et avait emmené les hommes. Bon débarras.
Comme si les choses n’étaient pas assez absurdes, la fille avait ensuite promis au maître de la guilde, Atola, qu’elle allait vaincre les bandits. Voyons, c’était beaucoup trop dangereux. Et bien qu’Atola ait semblé inquiète au début, elle avait quand même accepté.
« Mademoiselle, allez-vous vraiment sortir pour appréhender ces bandits ? »
Après les avoir écoutés, j’avais demandé ça à la fille. Elle ne me fit qu’un simple sourire.
« Allez, ça va aller. Je suis une aventurière, et vous n’avez pas vu mes ours ? De gros ours costauds ? »
Je lui avais promis de lui faire un délicieux repas quand elle reviendrait. J’espérais qu’elle le ferait.
Mais, miracle des miracles, elle était revenue tout de suite. Et non seulement ça, mais elle avait réussi à capturer les bandits. Les habitants avaient d’abord pensé que les quatre aventuriers qui l’accompagnaient l’avaient fait, mais non. La fille-ours elle-même les avait vaincus toute seule.
Qui pourrait croire une chose pareille ? J’avais vu des tonnes d’aventuriers dans ma vie, des forts et des faibles. Appeler cette enfant aventurière forte semblait… eh bien, si c’était vrai, c’était à peine suffisant.
Pour tenir ma promesse, j’avais décidé de faire tout mon possible pour mon repas ce jour-là. Je me dirigeai vers le port et implorai le vieil homme Kuro, qui veillait sur l’océan : « J’aimerais faire un repas pour la fille-ours qui a éliminé les bandits. Pourrais-tu me donner du poisson ? »
Je savais que ça ne servait à rien, mais j’avais quand même baissé la tête. Je devais essayer.
« Prends-en autant que tu veux. »
« Attends, es-tu sûr ? »
J’avais du mal à le croire.
« Bien sûr que j’en suis sûr, et pas une âme en ville ne me contredira. Elle s’est débarrassée des bandits. Elle a même dénoncé les agissements de la guilde commerciale. Nous pouvons nous permettre de lui donner du poisson. Je dirais que c’est la moindre des choses qu’elle mérite. »
Mon Dieu, le vieil homme était décent. J’avais remercié le vieux Kuro à profusion et j’avais pris un poisson délicieux qui avait été pêché le matin même pour un bon dîner de poisson. Bien que je n’avais plus grand-chose en stock, j’avais préparé du riz. Il venait normalement du Pays de Wa, et ils savaient comment préparer un bon plat de poisson. Personnellement, j’aimais le riz encore plus que le pain, et seul le meilleur ferait l’affaire pour notre petit héros.
J’avais aussi préparé une bonne soupe chaude au miso pour la fille. Des légumes frais, la totale ! Si j’avais eu plus d’ingrédients, j’aurais pu faire encore mieux, mais ce kraken était toujours sur le chemin.
Quand elle avait vu le repas que j’avais préparé, la fille avait l’air surprise, même en le mangeant.
Et elle se mit à pleurer.
Avais-je fait quelque chose de mal ? C’était mauvais ? Non, m’avait-elle dit. C’était la saveur de son pays, et elle pleurait en le savourant. Elle avait vidé toute son assiette. Ma cuisine était-elle assez bonne pour la faire pleurer ? Qu’est-ce que je pouvais répondre à ça ? Que pouvais-je faire d’autre que sourire et essayer de ne pas pleurer moi-même ?
Maudit soit ce kraken ! S’il n’était pas là, je pourrais lui préparer un repas encore plus délicieux.
Le lendemain, mon fils m’avait dit que nous ne devions pas aller à la mer après-demain. Pourquoi ? Eh bien, le vieux Kuro le lui avait dit.
Quelque chose dans le comportement de la fille ces derniers temps m’avait mis mal à l’aise. J’étais donc allé voir le vieux Kuro.
« Vieux Kuro, à propos d’après-demain et de la mer. Ça n’a rien à voir avec la fille aux ours ? »
« Hmph. »
Il parla lentement. Avec précaution.
« Ne va pas le dire à qui que ce soit, tu entends ? Si tu ne peux pas faire cette promesse, je ne peux rien te dire. »
J’avais accepté, mais les choses que le vieux Kuro m’avait dites étaient absurdes. La fille-ours allait combattre le kraken ?
« Tu crois vraiment ça, vieux Kuro ? »
« Atola elle-même me l’a demandé, et il n’y avait rien de drôle dans sa façon de le demander. Et c’est cette même fille-ours qui a vaincu ces bandits, non ? À moins qu’il y ait d’autres filles-ours dont on ne m’a pas parlé ? », dit-il en souriant pratiquement.
Hmm. Mais même si elle pouvait vaincre des bandits, ça ne voulait pas dire qu’elle pouvait vaincre un kraken.
« Vieux Kuro ! Tu as vraiment l’intention de laisser une petite fille combattre le kraken toute seule ? ! »
« Oui, oui, et c’est très effrayant. Mais bon, la fille prétend qu’elle peut vaincre le kraken, mais elle dit qu’elle ne peut pas le faire si nous sommes trop près de l’océan. »
« Donc la fille ours est… »
« Tu m’entends ? Pendant qu’elle se bat, elle a demandé qu’on ne s’approche pas de l’océan afin qu’aucun de nous ne soit mis en danger. »
Alors la petite ourse était…
« Je comprends. »
Mais je n’étais pas obligé d’aimer ça. Pourquoi l’oursonne devait-elle combattre le kraken ? Pourquoi n’y avait-il personne dans notre petite ville qui était assez fort pour l’aider ? Ne rien pouvoir le faire me rendait furieux. Mais aucune personne de la ville ne pouvait le faire.
C’était le jour où elle combattrait le kraken. Je lui avais demandé quels étaient ses projets pour la journée.
« Je vais faire une promenade. Qu’est-ce que vous en dites ? » avait-elle répondu, comme si elle allait faire une promenade tranquille au lieu d’aller tuer un kraken.
Était-ce vraiment bien de laisser une si petite chose combattre le kraken ? Et bon sang, la seule chose que je pouvais faire, c’était de lui donner à manger.
« Je vais vous préparer un repas, vous feriez donc mieux de rentrer. »
Et un délicieux repas afin qu’elle revienne vivante.
Elle avait mangé le petit-déjeuner que j’avais préparé, et elle avait juste… quitté l’auberge, comme si ce n’était rien de plus qu’une promenade.
Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé après ça. J’avais fait les cent pas dans l’auberge. Ma femme et ma fille m’avaient interrogé à ce sujet, mais je ne pouvais pas m’arrêter. J’étais trop inquiet. Je n’avais pas besoin d’elle pour tuer le kraken. Je voulais juste que l’enfant revienne saine et sauve !
Puis il y eut une agitation à l’entrée. Atola était entrée, et derrière elle se traînait un ours… avec la fille couchée sur son dos.
« Mademoiselle ! »
Je me mis aussitôt à courir vers elle, elle avait l’air épuisée. J’avais été soulagé de voir qu’elle n’était pas blessée.
« Je vais bien. Je vais bien. J’ai besoin de dormir. Laissez-moi dormir. Merci. »
Au moins, elle avait répondu, même si elle était affalée sur l’ours. Mais à ce moment-là, son ours s’était serré dans les escaliers avec la fille toujours affalée.
« Atola, elle va bien !? Si elle est blessée, je… »
« Calme-toi, elle va bien. Elle a juste utilisé trop de magie. »
« Vraiment ? »
Quel soulagement !
« Et le kraken ? »
Je ne lui en voudrais pas si elle échouait. Rien qu’en voyant son état, j’avais compris qu’elle y a travaillé dur.
« Tu étais donc au courant ? »
« Oui, le vieux Kuro me l’a dit. »
« Je vois. Yuna l’a vaincu. »
Ah, j’avais dû mal la comprendre. J’avais retiré un peu de cérumen de mon oreille.
« Répète ça ? »
« Yuna l’a vaincu ? »
« Elle… l’a fait ? »
« Oui, elle l’a vaincu pour nous. »
« Et es-tu sérieuse ? »
« Elle y a mis tout son cœur. Ce n’est pas étonnant qu’elle soit si fatiguée. C’est la sauveuse de la ville, alors assure-toi qu’elle se repose bien. »
Bien sûr que je le ferais ! En tant qu’aubergiste, c’était mon travail de veiller à ce que la fille ait tout le repos dont elle avait besoin, surtout après tout ce qu’elle avait vécu. Je ne laisserais personne déranger son repos.
La nouvelle concernant le kraken s’était répandue dans toute la ville, et très vite, j’avais eu affaire à des habitants qui essayaient de faire irruption dans mon auberge et d’en faire toute une histoire. Ils remplissaient l’entrée de l’auberge et débordaient à l’extérieur.
« Taisez-vous ! Elle est épuisée et endormie ! », dis-je en rugissant.
« Papa, tais-toi. Yuna dort. », avait prévenu ma fille.
« Mais… »
« Je sais, je sais. Mais papa, que vas-tu faire si c’est toi qui la réveilles ? »
Elle m’avait bien eu.
« Je comprends ce que vous ressentez, mais pourriez-vous laisser la fille se reposer ? Elle s’est battue contre un kraken — vous savez, ce kraken que nous avons eu pendant un moment — et elle est fatiguée. Vous le seriez aussi. », avais-je dit en baissant un peu la voix.
« Mais, Deigha, nous voulons la voir et la remercier. »
« Oui ! Elle a sauvé la ville. »
Je comprenais ce qu’ils ressentaient. Je voulais aussi faire quelque chose pour elle. Quelle était la chose qui la rendait la plus heureuse ?
« Hrm. Très bien, alors. Si l’un d’entre vous a des restes de riz, vous pouvez m’en prêter ? Chaque petit morceau aidera. Elle aime le riz du Pays de Wa. Je lui en ferai quand elle se réveillera. »
« Es-tu sûr que ça suffira ? »
Je m’étais souvenu de ce sourire joyeux et de ces larmes.
« Oui. Ça lui fera le plus grand bien. »
« Très bien. »
Ils avaient fini par partir, mais de nouvelles personnes étaient entrées. On avait fini par avoir la même conversation.
Tous ceux qui passaient étaient tout sourire. Les chanceux qui avaient vu le kraken vaincu étaient excités en parlant. Quand j’avais entendu leurs histoires, le fait que la fille ait vaincu le monstre commença à sembler enfin réel.
Certaines personnes avaient même commencé à prier vers la chambre d’auberge, ce qui était gentil, mais… peut-être un peu excessif. Mais j’avais compris. Même mon fils était submergé de joie : il allait pouvoir repartir en mer.
Nous avions eu assez de riz pour remplir un grand tonneau que j’avais préparé assez rapidement
Cela sera un vraiment festin digne d’une héroïne comme elle, et j’avais hâte de voir son visage.
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Illustrations
Fin du tome.
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