Kuma Kuma Kuma Bear – Tome 2
Table des matières
- Chapitre 27 : L’ours des rumeurs
- Chapitre 28 : L’ours se rend à la résidence du Seigneur
- Chapitre 29 : L’ours finit sa quête
- Chapitre 30 : Le travail de Fina
- Chapitre 31 : L’ours va examiner la maladie de la mère de Fina
- Chapitre 32 : Fina fait une demande à l’ours
- Chapitre 33 : L’ours mange sur le pouce
- Chapitre 34 : L’ours aide au déménagement
- Chapitre 35 : L’ours prend un bain d’ours
- Chapitre 36 : L’ours utilise un sèche-cheveux
- Chapitre 37 : Fina a un nouveau papa
- Chapitre 38 : L’ours est remercié par le chef de guilde
- Chapitre 39 : L’ours va tuer un serpent
- Chapitre 40 : L’ours extermine un serpent
- Chapitre 41 : L’ours met fin à l’extermination du serpent et retourne en ville
- Chapitre 42 : L’ours se rend à l’orphelinat
- Chapitre 43 : L’ours se mobilise en faveur de l’orphelinat
- Chapitre 44 : L’ours élève des oiseaux
- Chapitre 45 : L’ours devient un marchand de rang F
- Chapitre 46 : Cliff enquête sur le mystère des œufs
- Chapitre 47 : L’ours fait du pudding
- Chapitre 48 : L’ours livre du pudding
- Chapitre 49 : L’ours parle de son voyage dans la capitale
- Chapitre 50 : Fina remercie l’ours
- Bonus 1 : Les aventuriers débutants (1)
- Bonus 2 : Les aventuriers débutants (2)
- Bonus 3 : Les aventuriers débutants (3)
- Bonus 4 : Ma rencontre avec un ours : la chronique de la directrice
- Bonus 5 : Ma rencontre avec un ours : la chronique de Terminia
- Illustrations
***
Chapitre 27 : L’ours des rumeurs
La rue où je m’étais installée était devenue tristement célèbre en quelques jours. C’était logique : une maison en forme d’ours avec un mystérieux habitant en costume d’ours surgissant de nulle part dans un terrain vague, ça donnait à réfléchir. Des tonnes de gens commencèrent à venir de loin pour reluquer la maison ours. Par conséquent, je ne sortais pas beaucoup. J’étais sortie pour manger le lendemain de mon installation, mais depuis, j’avais pris l’habitude de cuisiner à la maison.
« Yuna, j’ai fini le dépeçage pour aujourd’hui. »
Comme Fina venait tous les jours après lui avoir demandé de faire mon dépeçage, j’avais décidé qu’en règle générale, elle devait se reposer pendant un jour après trois jours de travail. J’avais également décidé de limiter le dépeçage à cinq monstres par jour. Sinon, Fina se contenterait de garder la tête baissée et de travailler comme un chien. Si elle se limitait à cinq, elle finirait son travail en une demi-journée.
« Merci. Fais attention en rentrant chez toi. »
« Entendu. Tu ne vas pas travailler, Yuna ? »
« Un autre jour… »
Si j’étais dans mon ancien monde, devenir une recluse ne serait pas un problème, mais je ne pourrais pas rester comme ça éternellement ici. J’avais décidé d’aller à la guilde à la première heure demain. J’avais de toute façon besoin de tuer quelques monstres pour que Fina les dépèce.
Le lendemain matin, j’avais donné suite à ma décision.
« Oh, Mme Yuna ! Vous êtes enfin revenue », me cria Helen quand j’étais entrée dans le hall.
Pourquoi la guilde devait-elle être aussi ennuyeuse ?
« Bonjour, Helen », je l’avais saluée en me dirigeant vers son bureau.
« Franchement, où étiez-vous ces derniers temps ? On vous attendait. »
« Vous m’attendiez ? »
« Oui. Nous avons une quête pour laquelle vous avez été nominée. »
« Moi ? Nominé pour une quête ? »
« Elle vient d’un certain Seigneur Cliff Fochrosé. »
« Qui est-ce ? »
Aucune de mes connaissances ne portait ce nom. C’était la première fois que je l’entendais.
« Ne savez-vous pas qui il est ? Le comte Fochrosé gouverne cette ville. »
« C’est le seigneur ? »
Si c’était un comte et un seigneur, il faisait ainsi partie de l’aristocratie. Quelqu’un comme ça m’avait envoyé une quête ? Dans les mangas et les romans, l’aristocratie causait autant de problèmes que la royauté. Je préfère ne pas mettre mon nez dedans. C’est pourquoi…
« Je passe. »
« Hein ? »
« Je refuse. »
« Hein ? »
« Je rentre à la maison. »
J’avais fait demi-tour.
« A-Attendez un instant, s’il vous plaît », Helen s’était penchée du bureau et avait pris mon costume d’ours.
« Quoi ? »
« Pourquoi rentrez-vous chez vous ? »
« Je rentre à la maison pour dormir. »
« C’est encore le matin. »
« Mon heure de coucher n’a rien avoir avec vous, n’est-ce pas, Helen ? »
« Dans ce cas, s’il vous plaît, écoutez-moi avant d’aller vous coucher. Vous n’êtes pas passée souvent ces derniers temps, et l’envoyé du Seigneur Fochrosé est passé plusieurs fois. »
« Ce n’est pas mon problème. »
« S’il vous plaît, écoutez ce que j’ai à vous dire. »
« Pas question ! »
« S’il vous plaît. »
Helen resserra son emprise.
« Une fois que je vous aurai écouté, pourrais-je refuser ? »
« Pourquoi êtes-vous si opposée à faire ça ? »
« La dernière volonté de ma grand-mère était que je ne me mêle pas à l’aristocratie ou à la royauté. »
« Quel genre de dernière volonté est-ce là ? »
« Eh bien, les aristocrates et la royauté tueront les gens immédiatement quand ils n’aiment pas quelqu’un, ou ils les emprisonneront. Ou s’ils trouvent une jolie fille, ils convoiteront son corps et la menaceront si elle les refuse. Ils accuseront les gens de crimes qu’ils n’ont pas commis, prendront l’argent de la population et utiliseront cet argent pour faire ce qu’ils veulent. C’est le genre de personnes qu’ils sont. De plus, ils ont des enfants arrogants et têtus qui s’attendent à ce que tout se passe exactement comme ils le veulent et qui font tout pour l’obtenir. »
« C’est quoi cette façon de penser ? »
« Est-ce que je me trompe ? »
« Il y a certainement des aristocrates comme ça. Mais le Seigneur Fochrosé est différent. C’est une personne gentille et décente. »
« Vous l’avez déjà rencontré ? »
« Je l’ai vu. Et je n’ai pas entendu de rumeurs terribles à son sujet, donc tout va bien. »
« Mais d’un autre côté, s’il les avait juste tuées, personne ne le saurait. Ne dit-on pas que les morts ne parlent pas ? »
« Pourquoi est-ce que votre esprit va vers cela ? »
Je ne pouvais pas lui dire que j’avais été influencée par les mangas et les romans.
« Hé, c’est quoi toute cette agitation matinale ? »
Alors qu’Helen et moi en étions-là, la masse de muscles (le chef de guilde) était venue de l’arrière.
« Chef de guilde ! »
« Helen, que signifie cette agitation matinale ? Qu’est-ce que tu fais ? »
« Ce n’est pas ma faute. Je veux parler à Yuna de la quête pour laquelle le Seigneur Fochrosé l’a nommée, mais elle a d’étranges préjugés contre l’aristocratie et ne veut même pas entendre de quoi il s’agit. »
Ce n’était pas des préjugés. Dans les mangas et les romans, c’était des faits.
« Des préjugés ? »
« Elle dit toutes ces choses sur la façon dont l’aristocratie tue les gens qu’elle n’aime pas et exige le corps de belles femmes, ainsi que l’arrogance et l’entêtement de leurs enfants. »
« Eh bien, il y a du vrai », dit le chef de la Guilde.
« Chef de guilde ! »
« Oui, désolé. Il y a effectivement des aristocrates comme ça, mais Cliff est différent, alors, vous pouvez y aller l’esprit tranquille. »
Cliff ? pensais-je. Il a vraiment le droit d’appeler un aristocrate par son nom ?
« En êtes-vous absolument certain ? »
« Oui. De plus, je connais le gars. »
Je suppose qu’il était logique que le chef de guilde connaisse le seigneur.
« S’il vous plaît, faites-le. Si vous le refusez, vous compromettez sa confiance dans la guilde. », déclara Helen.
Elle s’était mise à faire une prise en main féroce à deux mains. J’avais eu l’impression qu’elle ne voulait pas lâcher prise avant que j’accepte.
« Ummm. OK, j’ai compris. Je vais juste vous écouter. »
« Merci beaucoup. Mais en fait, il n’y a rien à vous dire. Il vient de vous ordonner de venir chez lui. »
« Et ensuite ? »
C’était cent fois plus vague. S’il essayait de faire quelque chose alors que personne n’était là pour le voir…
« Vous n’avez rien à craindre. Je pense qu’il veut juste rencontrer l’ours dont tout le monde parle. »
« Celui dont tout le monde parle ? »
« Vous êtes devenue un peu une célébrité dans cette ville, Mlle Yuna. »
Et bien, pensais-je, je m’étais dit qu’une personne deviendrait célèbre en se promenant dans la ville dans un pyjama d’ours, mais je ne pensais pas que ce soit une raison suffisante pour me convoquer.
« Cédez juste cette fois-ci. Vous avez tué des hordes de loups, de gobelins et un roi gobelin seule, dans un costume d’ours. On ne peut pas ignorer le fait que vous avez construit cette maison d’ours et que vous avez invoqué des ours pour vous déplacer et écraser vos ennemis. Cela allait vous faire entrer dans le moulin à ragots. Même un seigneur ne pouvait pas s’empêcher de vouloir vous rencontrer après avoir entendu cela, pas vrai ? »
« C’est quoi cette histoire de maison d’ours ? »
Il semblerait qu’Helen ne soit pas au courant des dernières rumeurs me concernant.
« Tu n’es pas au courant ? Elle a loué un terrain et y a construit une maison. Ça ressemble à un ours de l’extérieur. En plus, elle l’a soi-disant construite sans que personne s’en aperçoive, c’est donc devenu le sujet brûlant de la ville. »
« Je n’en avais aucune idée. J’irai jeter un coup d’œil un jour. »
Non, ce n’est pas la peine, pensais-je.
Tout ce que je faisais, c’était accomplir des quêtes comme un aventurier ordinaire, faire une maison (d’ours) habituelle avec de la magie, aller tuer sur mes montures (d’ours) et porter mes vêtements normaux (d’ours) en me promenant en ville.
« Ne puis-je pas juste dire non ? »
Je ne voulais pas le rencontrer. Je voulais juste rentrer chez moi.
« Qui sait ? Les aventuriers ne rejettent pas normalement les quêtes de l’aristocratie. Si vous voulez la refuser, votre seule option pourrait être de quitter la ville. », dit le chef de la Guilde.
« Quelle plaie ! »
C’était tout ce que j’avais pu dire.
« Ne dites pas ça. Vous avez simplement attisé sa curiosité. Si ce n’est qu’une réunion, autant aller le voir. »
« Si je devais le rencontrer, quand devrais-je le faire ? Un seigneur n’a pas vraiment de temps libre. »
« Effectivement, il nous a fait part de quelques jours qui lui restaient. Soit demain, soit dans l’après-midi dans trois jours, ce serait l’idéal. »
S’il était aussi occupé, il n’avait pas besoin de faire un détour pour me rencontrer.
« Je ne vous laisserai pas partir tant que je ne vous aurai pas entendu dire que vous acceptez la quête. »
Helen avait toujours ma tenue dans ses griffes inébranlables.
« Compris. Je vais aller le rencontrer. C’est tout ce que j’ai à faire, non ? »
« Le ferez-vous vraiment ? Merci beaucoup. »
Elle avait finalement lâché prise. Sans autre option, j’avais fini par décider d’aller le rencontrer l’après-midi suivant.
Quelle plaie, m’étais-je dit.
***
Chapitre 28 : L’ours se rend à la résidence du Seigneur
Le lendemain, j’avais suivi les indications d’Hélène pour me rendre au manoir du seigneur. Un garde au visage effrayant était posté à ses portes extérieures. Leur avait-elle dit que j’y allais aujourd’hui ? Toute cette histoire était ennuyeuse, mais je m’y étais résignée et je m’étais approchée de la porte.
Le garde s’était retourné et fixa les yeux sur moi. Il pensait vraiment que j’étais suspecte, et ce n’était pas comme si c’était étonnant. Quelqu’un portant un pyjama d’ours s’approchait de lui, dans un monde où les pyjamas n’existaient pas.
« Qu’est-ce que vous avez à faire ici ? » dit-il en me scrutant de la tête aux pieds.
« Je suis l’aventurière Yuna. C’est le seigneur qui m’a appelée ici. »
« C’est vous… J’ai entendu parler de ça. J’ai besoin que vous me montriez votre carte de guilde pour confirmer votre identité. »
Et bien. Je suppose qu’il fallait être vraiment stupide pour convoquer quelqu’un et ne pas avertir le personnel qu’il arrivait. Après avoir fini de vérifier ma carte de guilde, le garde m’avait conduite jusqu’à l’entrée, où une femme de chambre d’une vingtaine d’années avait pris la relève.
De telles servantes existent vraiment, pensais-je. Elle portait même la tenue noir et blanc idéale des servantes. Les gens qui avaient un fétichisme particulier seraient en extase en ce moment.
La bonne avait été clairement surprise de me voir, mais elle s’était immédiatement recomposée. Elle m’avait dit qu’elle s’appelait Lala et, après avoir légèrement incliné la tête, me demanda de la suivre. Lala traversa le manoir en silence, s’arrêta devant une porte et frappa à la porte.
« Maître Cliff, j’ai amené l’aventurière Yuna. »
« Entrez », répondit une voix de l’intérieur.
« Excusez-moi. »
Lala ouvrit la porte et me força à entrer. J’avais obéi, puis elle ferma la porte derrière moi.
La pièce était vaste, elle contenait un grand bureau et une table flanquée d’une paire de canapés. On se sentait comme dans un bureau. Un homme blond d’une trentaine d’années était assis derrière le bureau.
« S’il vous plaît, asseyez-vous sur le canapé là-bas », m’ordonna-t-il.
Je fis ce qu’il m’avait demandé.
« On dirait que vous êtes vraiment habillée comme un ours. »
L’homme s’était approché et s’était assis sur le canapé en face de moi. Un sourire ironique était apparu sur sa bouche lorsqu’il me regarda. On aurait dit que c’était vraiment l’un de ces aristocrates dégoûtants.
« Si vous m’avez juste appelée pour vous moquer de moi, alors je rentre chez moi. »
« Oh, non. Je m’excuse. »
« Dans ce cas, qu’est-ce que vous me voulez ? »
« Je voulais juste rencontrer l’ours dont tout le monde parlait. »
Le chef de la guilde n’avait-il pas dit la même chose ?
« Ma fille voulait aussi vous rencontrer. »
« Votre fille ? »
« J’ai entendu dire qu’elle vous avait suivi une fois en ville. Depuis, rien ne lui fait plus plaisir que de me voir raconter tous les rapports qui me parviennent sur vous. »
Attendez un peu ! N’y a-t-il pas de lois sur la vie privée contre ça !?
« Alors ça veut dire que vous m’avez appelée ici pour votre fille ? »
« En partie, oui, mais je voulais aussi simplement voir l’ours dont tout le monde parle. »
Comme si j’étais un modèle d’exposition de foire, me suis-je dit.
« Mon nom n’est pas “l’ours”, mais Yuna. »
« C’est vrai. Je m’appelle Cliff. Vous devez déjà le savoir, mais je suis le seigneur de la ville. »
« Eh bien, êtes-vous satisfait maintenant que vous m’avez vue ? »
« Ne soyez pas fâché. Vous abîmez votre adorable visage. »
C’était un peu gênant d’être traité d’adorable dans une conversation en face à face. J’avais mis mon capuchon d’ours très bas sur ma tête, pour qu’il ne me voie pas.
« Pourtant, j’ai du mal à croire qu’une petite fille comme vous ait pu tuer un roi-gobelin et des loups tigres. »
« Peut-être que tout ça n’est qu’un mensonge. »
« J’ai fait des recherches sur vous avant de vous convoquer ici, car j’allais vous faire rencontrer ma fille. »
Il avait enquêté sur moi ? Je ne me sentais pas très bien, même si je n’aurais rien pu faire.
On frappa à la porte.
« J’ai amené Madame Noir », dit Lala.
« Entrez. »
Une jolie fille de l’âge de Fina, avec de longs cheveux blonds, entra dans la chambre.
« Père, c’est vrai que l’ours est ici !? »
« Voici ma fille Noir. Elle voulait vous rencontrer. »
Quand elle me vit, les yeux de la petite fille brillèrent. Elle se précipita vers moi.
« C’est toi l’ours ? Je m’appelle Noir. S’il te plaît, appelle-moi Noa. »
« Umm, je suis Yuna. Pourriez-vous m’appeler par mon prénom au lieu de m’appeler l’ours ? »
« J’ai compris. Tu t’appelles Yuna. »
Noa s’était assise à côté de moi et me regarda de haut en bas.
« Hum, puis-je te faire un câlin ? » demanda-t-elle, l’air penaud.
« Bien sûr. »
J’aurais dit non à un garçon, même si c’était un enfant, mais je ne pouvais pas le refuser à une petite fille aussi mignonne.
« Merci beaucoup. »
Noa me serra dans ses bras. Je lui avais donné une tape sur la tête, elle qui m’arrivait à hauteur de poitrine. Entre Fina et elle, peut-être que les petites sœurs étaient justes mon truc.
« Tu es si douce. Et tu sens bon aussi. »
Elle frotta sa tête dans mon ventre.
« Je t’ai vue en ville une fois, Yuna. »
Cliff ne vient-il pas de dire quelque chose à ce sujet ?
« Je ne t’ai vue que de loin, mais tu étais si mignonne que je ne pouvais pas m’empêcher de te regarder. Depuis, j’ai demandé à mon père de me parler de toi. Je voulais te rencontrer depuis si longtemps ! »
« Alors, que voulez-vous que je fasse ? » demandais-je à Cliff.
« Je n’ai rien décidé en particulier. Pourquoi ne parlez-vous pas à ma fille ? »
« Je veux entendre comment tu as vaincu les monstres ! »
Ce n’était pas une histoire très excitante, tout ce que j’avais fait, c’était jeté de la magie. Je lui avais donc raconté mes combats avec le roi-gobelin et les loups tigres, en laissant de côté les parties sombres et peu flatteuses. Les yeux de Noa brillaient lorsqu’elle m’écoutait. Cliff resta silencieux et sirota son verre.
« C’est incroyable ! »
« Tu me crois ? Je mens peut-être. »
« Je te crois. Mon père m’a de toute façon raconté les mêmes histoires. »
« Comme je l’ai dit plus tôt, je me suis renseigné sur vous. Le moins que je puisse faire était de vérifier ce que j’ai entendu sur vos réalisations », dit Cliff.
Je suppose que puisque vous pouviez déterminer l’heure de la mort à partir d’une gemme de mana, la seule chose qu’ils ne pouvaient pas vérifier était si j’avais effectué ces meurtres toute seule. Comme mes histoires de chasse aux monstres étaient épuisées, je m’étais dit que j’avais fini, mais Noa me surveillait toujours.
« Puis-je te demander quelque chose, Yuna ? » s’aventura-t-elle, comme si c’était difficile à dire.
« De quoi as-tu besoin ? »
« Euh… veux-tu bien me montrer ta convocation d’ours ? »
« Ma convocation ? »
« Oui. J’ai toujours voulu voir ta convocation d’animal depuis que mon père m’en a parlé. »
« J’aimerais les voir aussi. »
« Vous êtes sûr ? Ça pourrait être dangereux. »
« C’est vrai ? » dit Cliff.
« Eh bien, je suppose que ça devrait aller tant que vous n’essayez pas de les attaquer ou de me blesser. »
« Je n’ai pas l’intention de faire ça. Je n’ai rien à gagner à vous attaquer, sans compter que ma fille me détesterait si je le faisais. »
Avec l’accord du Seigneur Cliff, j’avais décidé de convoquer Kumayuru et Kumakyu dans les jardins du manoir. Noa nous y avait conduits avec joie tandis que Lala nous suivait.
***
Chapitre 29 : L’ours finit sa quête
Nous nous étions tous déplacés vers un endroit que je pensais être le fond des jardins. Les jardins étaient spacieux, comme on pouvait s’y attendre dans une résidence seigneuriale. Apparemment, les gardes l’utilisaient aussi comme terrain d’entraînement, bien qu’il soit vide pour le moment.
« Yuna, y a-t-il assez de place ? »
« Ceci fera l’affaire. Je vais maintenant les convoquer. Venez, Kumayuru, Kumakyu. »
Ce n’était pas comme s’il y avait une phrase fixe pour les convoquer, mais j’avais essayé de trouver quelque chose qui me semblait approprié. Deux boules de poils géantes, une noire et une blanche, se transformèrent en poupée ourse. Elles avaient commencé à bouger, lentement, en se tournant pour nous montrer leur visage.
« Kumayuru, Kumakyu, venez par ici. »
Au moment où je les avais appelés, ils avaient joyeusement trotté vers moi. Leurs manières de venir vers moi étaient vraiment mignonnes, mais tout le monde derrière moi commença à faire du bruit.
« Ce sont des ours. Il y a des ours ! Yuna, puis-je les toucher !? »
Noa sautait de haut en bas.
« Madame Noir, c’est dangereux ! Reculez, s’il vous plaît ! »
Lala attrapa le bras de Noa, la protégeant avec son corps.
« Lala, s’il te plaît, laisse-moi passer ! Je ne peux pas voir les ours ! Je veux les toucher ! »
Mais la servante la tint fermement.
« S’il vous plaît, dites quelque chose, Maître Cliff ! »
« Je pense que ça devrait aller. »
« Maître Cliff !? »
Comme son employeur avait donné le feu vert, Lala fit machine arrière. Libérée de l’emprise de la bonne, Noa s’était lentement approchée des ours.
« Puis-je vraiment les toucher ? »
« Bien sûr. Donne-leur une petite tape. »
Noa avait doucement touché Kumayuru. Elle tapota Kumakyu avec son autre main. Les deux ours plissèrent les yeux vers elle, semblant heureux.
« Ils sont si chaleureux. Et doux ! »
Noa serra le cou de Kumakyu dans ses bras.
« Veux-tu les chevaucher ? »
« Je peux vraiment !? »
« Kumakyu, ça te va ? »
Kumakyu s’abaissa au sol en guise de réponse, ce qui permit à Noa de monter plus facilement. Noa commença à monter prudemment sur le dos de Kumakyu.
« C’est bon, tu ne vas pas tomber. »
Je lui avais donné un coup de main et l’avais fait monter. Une fois que Kumakyu s’était assuré que Noa était bien installée, l’ours s’était lentement relevé.
« Ouah ! Il est si haut. »
Elle semblait s’amuser.
« Yuna, pouvons-nous faire une promenade ? Juste une fois autour de la maison ? »
« Ouais, bien sûr. Kumakyu, prends bien soin de Noa, s’il te plaît. »
Je ne savais pas quelle était la taille de la maison, mais j’avais pensé qu’en faire une fois le tour ne pouvait pas faire de mal.
Kumakyu roucoula doucement en réponse. Avec Noa sur son dos, l’ours commença à s’éloigner lentement.
« M-Madame Noir ! »
Lala les avait furieusement poursuivis.
Cliff regarda Noa, la bonne, et l’ours partir. Une fois qu’ils furent hors de vue, il s’était approché de moi.
« Pardonnez-moi, mais puis-je aussi en toucher un ? », demanda-t-il.
« Aucun souci », lui avais-je dit.
Ce n’était pas comme si je pouvais refuser.
Cliff avait lentement tapoté Kumayuru.
« Oh, la fourrure est agréable. Et aussi, une belle texture. »
« Voulez-vous le monter ? »
« Je peux ? »
« Juste une fois autour de la maison, comme Noa. »
« D’accord, je comprends. »
Dès que Cliff monta sur Kumayuru, il poussa l’ours, essayant de rattraper Noa. Un peu de temps s’était passé avant que les deux ne reviennent, côte à côte sur leurs ours respectifs.
« Yuna, merci beaucoup. C’était tellement amusant ! »
« Oui, c’était une expérience très enrichissante pour moi aussi. »
Lala suivit le sillage des ours, l’air hagard. Mais ce n’était pas ma faute, alors j’avais décidé de ne pas y faire attention.
« Eh bien, j’ai du travail, alors je retourne à la maison. Je vais laisser Noa avec vous. Revenez me voir avant de partir. », dit Cliff en descendant,
Noa avait dû prendre goût à Kumakyu, puisqu’elle ne montrait aucun signe de faiblesse.
« C’est si agréable… »
La petite fille était étalée sur le dos de Kumakyu. Elle caressa l’ours pendant un moment avant que sa main ne s’arrête de bouger. Le fait qu’elle soit si calme me parut bizarre, j’étais donc allée jeter un coup d’œil. Noa s’était endormie rapidement, en ronflant doucement. J’avais dit à Kumakyu de se frayer un chemin à l’ombre d’un arbre. Ce n’était pas comme si je pouvais la laisser dormir au soleil. Lala regardait Noa avec inquiétude.
« Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Mais nous ne voulons pas qu’elle attrape froid. Avez-vous quelque chose à lui mettre ? », lui dis-je.
Lala s’était précipitée à la maison et ramena une couverture, mais comme Kumakyu était si grand, elle n’avait pas pu la mettre sur Noa.
« Kumayuru, peux-tu l’aider ? »
Kumayuru avait mis ses pattes avant sous les bras de Lala et la souleva pour qu’elle puisse border Noa.
« Merci beaucoup, Maître Kumayuru. »
On aurait dit qu’elle avait enfin cessé de se tortiller. Lala et moi nous étions assis avec Noa à l’ombre pendant qu’elle dormait. J’avais sorti un petit tonneau de jus d’orange — je m’étais attachée à ce truc, car il avait un goût d’orange — et deux gobelets en bois de la réserve d’ours. J’avais fait apparaître de la glace et je l’avais servie avec des glaçons. Lala prit une longue lampée de son jus.
« C’est délicieux. »
« Ravie de l’entendre. »
« J’avais besoin d’un remontant. Merci. »
« J’en ai encore, alors buvez autant que vous le voulez. »
« Ils sont beaucoup plus dociles que je ne le pensais. »
Lala regarda Kumayuru et Kumakyu.
« Eh bien, ce sont après tout des convocations. Ils ne ressemblent pas à des ours sauvages. »
Mais ce n’était pas comme si j’avais déjà vu un ours sauvage.
« Oui, bien sûr. Madame Noir semble apprécier leur compagnie. Nous vous sommes reconnaissants pour vos services. »
« Vous n’avez pas besoin de me remercier. C’est censé être un travail. »
Lala m’expliqua qu’elle était la gardienne de Noa depuis que la fille avait cinq ans, et que sa tâche lui était très précieuse. Après que nous ayons parlé un moment, Noa avait commencé à s’agiter.
« Bonjour. Tu es réveillée ? »
« Huh, où suis-je… ? »
Noa se frotta les yeux en regardant autour d’elle.
« Tu t’es immédiatement endormie, Noa. »
« Je me suis endormie. Kumakyu sentait si bon que je me suis endormie. »
« Madame Noir, pouvons-nous bientôt entrer ? Nous ne voulons pas que vous attrapiez un rhume. »
« Je veux rester avec Kumakyu. »
Noa était clairement décidée à rester avec l’ours. Ça ne marcherait pas, alors j’avais donné un signal subtil à Kumakyu en disant : « Kumakyu est fatigué. Vas-tu le laisser se reposer ? »
À ce moment-là, l’ours roucoula doucement, faisant semblant d’avoir sommeil.
« Oui, c’est vrai. Madame Noir, Maître Kumakyu s’assurait que vous ne tombiez pas pendant votre sommeil. Veuillez permettre à Maître Kumakyu de se reposer. », répondit Lala.
Kumakyu tourna légèrement la tête à la place de Noa et la regarda avec des yeux larmoyants. Noa se retourna. Je pouvais voir les engrenages dans sa tête qui tournait.
« … OK, je comprends. Désolée, Kumakyu. »
Elle était descendue de l’ours et l’avait caressé doucement.
« Repose-toi bien. »
« Kumakyu, Kumayuru, c’est tout pour le moment. »
J’avais désinvoqué les ours, les renvoyant dans les gants.
« Alors, Madame Noir, on retourne dans votre chambre ? »
« Je vais rendre visite à Cliff. »
« Oh, Yuna ? Tu rentres déjà chez toi ? »
« Eh bien, mon travail ici est terminé. »
J’étais presque certaine d’avoir accompli la quête.
« Yuna, s’il te plaît, dîne avec nous ! », dit Noa
Elle attrapa alors mon gant d’ours. J’avais essayé de la repousser, mais elle m’avait juste traînée par la main jusqu’au manoir, où nous avions couru jusqu’à Cliff et avions commencé à parler du dîner. Finalement, Cliff m’avait aussi invitée à rester et à manger avec eux. J’avais donc accepté.
Je m’étais excusée après le dîner. Ils m’avaient demandé de rester pour la nuit, mais j’avais poliment refusé.
« Yuna, tu dois revenir nous rendre visite, d’accord ? »
Noa et Lala me virent à la porte. Après avoir promis à Noa que je reviendrais, nous nous étions séparés.
***
Chapitre 30 : Le travail de Fina
Il y a quelques jours, j’étais allée avec Yuna tuer des tigres et des loups.
Pendant que Yuna allait travailler, j’étais restée dans sa maison d’ours et j’avais travaillé à dépecer ses anciennes victimes. À un moment donné, j’étais allée chercher des herbes pour maman, mais j’avais failli me perdre. Je n’avais pu revenir que grâce à Kumakyu.
J’avais demandé à Kumakyu d’attendre dehors, j’étais allée à l’entrepôt et j’avais sorti un loup de la chambre froide. Il était petit pour un monstre, mais trop grand pour moi, j’avais eu du mal à l’étaler sur la table. Yuna m’avait installé un tabouret pour que je n’aie pas à me tenir sur la pointe des pieds.
J’avais utilisé mon couteau à dépecer pour nettoyer la peau et séparer la viande en morceaux. J’avais aussi sorti la gemme de mana et je l’avais mise de côté. Les parties dont nous n’avions pas besoin allaient à la poubelle. Apparemment, la poubelle était un trou très profond, Yuna m’avait dit de m’assurer que je ne tombe pas dedans.
C’était effrayant, alors j’avais fait attention à ne pas tomber dedans.
Après avoir dépecé quelques loups, la porte du dépôt s’était ouverte. Yuna était de retour. Je me demandais si elle avait déjà battu le loup tigre ? Je n’avais même pas encore fini la première fournée. Yuna m’avait dit qu’elle voulait que je retire la gemme de mana du loup tigre. Cela faisait partie de mon travail, je lui avais donc bien sûr dit que je le ferais.
J’avais été surprise par la taille du tigre. Yuna est tellement cool !
Un tigre-loup est le même type de monstre qu’un loup, donc sa gemme de mana se trouvait au même endroit, un peu entre le cœur et le foie. Elle faisait environ deux fois la taille d’un loup et avait un lustre différent de celui du loup. Je l’avais lavé à l’eau jusqu’à ce qu’il soit propre et je l’avais donné à Yuna.
Nous avions déjeuné, puis j’étais retournée au dépeçage des loups. Yuna avait dit qu’elle allait dormir un peu. Peut-être qu’elle était fatiguée d’avoir combattu le loup tigre ?
J’avais moi aussi décidé de faire de mon mieux. J’avais travaillé dur pour que tout le dépeçage soit fait.
Une fois le travail terminé, j’étais allée au deuxième étage pour aller réveiller Yuna. Je ne savais pas dans quelle chambre elle dormait, alors j’avais frappé à la porte de la chambre la plus proche et je m’étais glissé à l’intérieur vu que je n’avais rien entendu. Elle était là. Elle avait l’air très à l’aise.
Je l’avais secouée pour la réveiller.
« Yuna, Yuna. »
Elle s’était réveillée.
Quand elle était sortie du lit, ses vêtements étaient d’un blanc pur, exactement comme Kumakyu. Elle était mignonne dans sa tenue d’ours noir, mais elle était aussi mignonne dans celle de l’ours blanc. Je suppose qu’elle pouvait inverser ses vêtements pour passer d’un ours noir à un ours blanc ?
Après lui avoir dit que j’avais fini mon travail, nous avions fini par rentrer à la maison. Yuna fit disparaître la maison d’ours. Sa magie était vraiment incroyable. Nous étions retournés sur Kumayuru. Apparemment, si elle utilisait un seul des ours, l’autre devenait grincheux. Je crois que je comprends ce qu’ils ressentent.
Le garde de la porte avait été très surpris. N’importe qui le serait, en nous voyant tous les trois, mais l’ours était mignon, je ne pensais donc pas qu’il devait s’inquiéter.
Comme j’allais travailler le lendemain, j’étais allée chez Yuna à l’auberge, mais elle n’avait apparemment nulle part où traiter les dépouilles. Comme il serait pénible de devoir quitter la ville chaque fois que nous devions faire du dépeçage, elle rendit visite à la guilde des aventuriers pour leur demander de nous trouver un espace à nous. Ils nous avaient dit d’aller voir la guilde des commerçants, nous avions donc fini par nous y rendre.
Ça devenait vraiment important. J’avais commencé à me sentir nerveuse.
Quand nous étions arrivés à la guilde des commerçants, tout le monde regarda Yuna. Cette tenue d’ours se distinguait vraiment. Yuna parla à la réceptionniste pendant quelques minutes et repartit avec une parcelle de terrain. La dame nous avait emmenés dans le terrain vide, Yuna posa alors la maison d’ours à cet endroit.
Peu importe le nombre de fois que je le voyais, c’était incroyable.
Je m’étais mise immédiatement au travail. Ce jour-là, j’avais dépecé des loups tigres. C’était censé être assez similaire au travail avec les loups, mais même un enfant comme moi savait que les peaux de tigre-loup étaient chères. Je devais faire très attention en les enlevant, sinon elles ne vaudraient rien. Mais j’avais fait de mon mieux et quand j’avais terminé ma journée, j’avais eu l’impression d’avoir fait du bon travail.
Pendant quelques jours, j’étais allée chez Yuna et j’avais dépecé le tas de cadavres.
Puis, un jour que j’étais en train de nettoyer et de séparer la viande, j’avais eu un vertige pendant une seconde. Juste au moment où je pensais avoir des ennuis, je m’étais effondrée.
Malheureusement, Yuna le vit et se précipita vers moi. Elle regarda ma main et eut ce regard très inquiet. Je saignais. J’avais dû me couper un peu la main quand j’étais tombée. J’avais mal, mais pas tant que cela.
Yuna toucha l’endroit où je saignais. Je pense qu’elle fit quelque chose de magique. Ça chauffait, puis ça cessa de faire mal. Ma coupure avait même disparu. C’était incroyable.
Elle enleva le gant d’ours et mit sa main sur mon front. Apparemment, j’avais de la fièvre. Elle m’avait dit de monter et de dormir pour le moment dans le lit d’une des chambres. Quand j’étais couchée dans le lit, elle m’avait encore touché le front. Cette fois, elle avait gardé ses gants d’ours. C’était tellement agréable et doux, et cette sensation était devenue de plus en plus forte, jusqu’à ce que je finisse par m’endormir.
Il faisait noir quand je m’étais réveillée. Elle m’avait dit qu’elle m’avait préparé un dîner et que je devais le ramener à la maison et le manger. Puis elle m’avait dit que je devrais prendre ma journée demain. Yuna m’avait dit que je pourrais venir chez elle deux jours plus tard. Elle m’avait dit qu’à partir de maintenant, je prendrais un jour de congé tous les trois jours.
Elle m’avait dit qu’elle ne me laisserait plus faire son dépeçage si je faisais d’autres travaux pendant mon jour de congé. Elle était si inquiète pour ma santé que j’avais décidé de faire ce qu’elle m’avait dit.
***
Chapitre 31 : L’ours va examiner la maladie de la mère de Fina
Aujourd’hui, c’était un jour de repos. Comme Fina, je faisais une pause.
J’avais appris toutes sortes de choses ce mois-ci, par exemple, quand une de mes compétences avait monté de niveau, les nouvelles capacités étaient effectives immédiatement. À l’heure actuelle, j’avais sept compétences.
Langage du monde fantaisiste : Peut comprendre le langage du monde fantaisiste. (La vie dans ce monde aurait été beaucoup plus compliquée si je n’avais pas eu cela).
Alphabétisation du monde fantaisiste : capable de lire et d’écrire dans la langue du monde fantaisiste. (C’est comme ça que je pouvais travailler à la guilde).
Stockage extradimensionnel des ours : Permet de stocker toute chose autre chose que les êtres vivants. (Malgré tous mes tests, je n’avais toujours pas trouvé de limite de poids ou de taille).
Identification de l’ours : capable de voir l’efficacité des outils et des armes (je suppose que ce serait normal d’en avoir dans n’importe quel jeu).
Détection de l’ours : Capacité à connaître la position des monstres et des personnes dangereuses. (Permets de tuer des monstres en toute simplicité).
Cartographie de l’ours : Génère automatiquement des cartes des endroits que j’ai visités. (Un système de cartographie automatique, tout comme celui que l’on trouve dans les RPG. Il m’a évité de me perdre).
Invocation d’ours : Peut invoquer des ours depuis mes gants d’ours. (Des ours polyvalents pour voyager, se battre ou se protéger. L’inconvénient, c’est que je ne pouvais pas me promener en ville avec eux).
En plus des compétences, j’avais de la magie. Selon les règles de ce monde tel que je les comprenais, on pouvait apprendre la magie en travaillant dur, mais dans mon cas, je pouvais facilement utiliser la magie en canalisant le mana à travers mes ours. D’un autre côté, je ne pouvais pas utiliser la magie sans l’équipement d’ours.
Façonner un sort à l’aide d’une image mentale avait un impact direct sur son pouvoir et son apparence. Par exemple, lorsque je lançais un sort de feu en pensant à une torche à gaz, je pouvais créer une flamme qui pouvait faire fondre le fer. Même si je montrais cette magie aux gens de ce monde, ils ne pourraient probablement pas l’invoquer exactement de la même manière, puisqu’ils n’avaient jamais vu ce genre de feu.
La glace fonctionnait de la même manière. Je ne pensais pas qu’ils seraient capables d’imaginer les molécules d’eau gelée. On ne peut être aussi précis avec une image mentale alors que la compréhension du monde était encore essentiellement médiévale.
Je l’avais encore remarqué quand Fina s’était effondrée. Comme pour tout autre sort, si vous imaginiez le muscle et la peau se refermer, vous pourriez sceller une blessure avec de la magie curative. Je ne l’avais pas encore testé, mais je parie que si vous alliez plus loin et que vous imaginiez la réparation des vaisseaux sanguins, cela fonctionnerait d’autant mieux.
En plus de cela, il y avait des sorts qui guérissaient les fièvres et les maladies — le genre de sorts que vous utilisiez pour éliminer les états d’affaiblissements comme le poison et la paralysie dans les jeux. Quel serait le pouvoir de ce genre de sort si vous étiez conscient et pouviez visualiser les germes ?
En réfléchissant aux compétences et à la magie que j’avais acquises, j’avais entendu un bruit à l’entrée. Il y avait une barrière autour de la maison d’ours qui ne laissait entrer que les personnes que j’approuvais. Pour l’instant, Fina était la seule à pouvoir entrer.
Au moment où j’étais sortie dans le couloir menant au premier étage, Fina me sauta dessus.
« Yuna ! »
J’avais senti quelque chose. Fina frissonna tout en s’accrochant à moi.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
J’avais retiré Fina et j’avais regardé son visage. Il était mouillé de larmes, ses yeux étaient injectés de sang.
« Y-yuna, m-ma mère… »
« Calme-toi. »
« Ma mère est vraiment malade… et même lui donner des médicaments… ne l’aide pas… J’ai essayé d’aller voir M. Gentz, mais… il a dit qu’il allait chercher des médicaments et il n’est pas revenu… Que dois-je faire ? »
« OK, j’ai compris. Pourrais-tu m’emmener chez toi ? »
Il y avait une chance que je puisse la guérir, bien que je n’aimais pas l’idée de tester ma théorie dans une situation aussi précaire.
Fina et moi étions allées chez elle.
La maison était petite. Fina vivait-elle vraiment ici avec sa mère et sa petite sœur ? Dans la chambre à coucher, la mère de Fina était allongée, très immobile, respirant superficiellement. Une petite fille pleurait près du lit, et Gentz se tenait avec elle.
« M. Gentz !? »
« Je suis désolée d’être arrivée si tard. »
« Avez-vous trouvé des médicaments pour ma mère ? »
« Désolé », dit Gentz.
Celui-ci baissa la tête.
La mère de Fina lui tendit la main en tremblant et tapota faiblement la tête de sa fille.
« Gentz, si quelque chose… m’arrive… s’il te plaît… prends soin de mes filles. »
« Qu’est-ce que tu dis ? Qu’est-ce qui est supposé t’arriver ? ! » cria M. Gentz.
« Gentz… je t’ai tellement dérangé. Merci beaucoup pour le médicament et pour ce que tu as fait pour Fina. »
De la sueur perlait sur le front de la femme pendant qu’elle parlait.
« C’est bon. Si tu te reposes, tu iras mieux. Arrête d’essayer de parler. Je vais m’occuper de ces deux-là, alors concentre-toi sur la guérison. »
« Shuri… Fina… laissez-moi voir vos visages. »
« Maman ! » dirent les deux filles en courant vers le lit.
« Je suis vraiment désolée de n’avoir rien pu faire pour vous. Et merci, Fina, Shuri. »
La douleur se mêlait à son sourire. Elle semblait à bout. Elle ferma les yeux.
J’avais essayé de taper des mains pour calmer tout le monde, mais frapper les gants d’ours ensemble n’avait pas fait de bruit. Ils avaient quand même remarqué ce que je faisais.
« Yuna ? »
« Je ne sais pas si je peux aider, mais je vais quand même l’examiner, alors écartez-vous. »
Fina éloigna sa sœur par la main, la tenant pendant qu’elle pleurait. Je m’étais mise à côté du lit et j’avais regardé la mère de Fina. Elle avait à peine la trentaine et dépérissait. Elle n’avait probablement pas beaucoup mangé.
« S’il vous plaît, tenez encore un peu. »
J’avais mis mes deux mains sur le corps de la mère souffrante et j’avais versé du mana dans mes deux gants d’ours. J’avais imaginé que le virus, ou le germe, ou l’agent pathogène, ou quoi que ce soit d’autre, était purgé de toutes ses cellules.
« Guérison. »
Je n’avais pas besoin de dire ce mot, mais cela m’avait permis de canaliser plus facilement ma volonté. Le sort enveloppa son corps dans la lumière. Les stigmates de la douleur disparurent progressivement de son visage, et elle commença à respirer plus facilement.
Cela avait-il fonctionné ? Elle avait toujours l’air faible.
« Soins », avais-je chanté, en visualisant cette fois un sort pour lui redonner de l’endurance.
Les yeux de la mère de Fina s’ouvrirent lentement. Elle s’était assise dans le lit comme si rien ne s’était passé.
« … Ça ne fait plus mal ? »
« Maman ! »
Ses deux filles coururent vers elle.
« On dirait que ça a marché. »
« Mademoiselle, qu’est-ce que vous avez fait ? Vous ressembliez à une sorte de puissant prêtre ou d’ecclésiastique… Non, ça n’a pas d’importance pour l’instant. Quoi que vous ayez fait, merci », dit Gentz, les yeux levés en me saisissant la main.
« Yuna, merci ! »
Fina pleurait aussi.
« Excusez-moi, merci beaucoup. Est-ce vous qui m’avez guérie ? »
« S’il vous plaît, calmez-vous un peu. », avais-je dit.
« On ne sait pas si vous êtes complètement guérie. »
Après tout, je n’avais fait que lui redonner un peu d’endurance grâce à la magie. Je n’avais pas ramené son corps usé à sa condition optimale.
« Alors combien vous dois-je ? Comme vous pouvez le voir, je n’ai aucun moyen de vous payer pour le moment… »
« Attendez ! Je vais la payer. Mademoiselle, je ne peux pas le faire maintenant, mais je suis sûr que je le pourrai. S’il vous plaît, ne faites rien à cette famille ! »
Quel genre de méchante pensaient-ils que j’étais ? Je t’ai guéri, alors paie-moi ! Si tu ne le fais pas, je prendrai tes filles ! Eh bien, si j’étais un méchant et un lolicon, je suppose que cela pourrait se passer comme ça…
« Heh heh heh, si vous voulez me rembourser, eh bien n’avez-vous pas deux charmantes filles ? »
De toute évidence, j’avais besoin de dissiper le malentendu.
« Je n’ai pas besoin d’argent. Je voulais juste protéger le sourire de Fina », avais-je dit, tout en donnant une tape sur la tête à Fina.
Apparemment, j’avais dit quelque chose de très émouvant, car Fina m’avait immédiatement prise dans ses bras. Je me sentais un peu coupable…
« Mais… »
« Bon, si je peux faire quelque chose pour vous, dites-le-moi », dit Gentz.
« Je ferai n’importe quoi une fois que j’aurai retrouvé mon énergie. »
N’importe quoi ! Ce sont tes mots, pas les miens.
« Dans ce cas, j’aimerais que vous fassiez quelque chose que vous seul pouvez faire. »
« … »
« … »
J’avais regardé Fina et sa sœur.
« Fina, va acheter quelque chose de délicieux avec ta sœur. Fais en sorte que ta mère mange quelque chose qui la nourrira. »
J’avais sorti de l’argent de mon entrepôt à ours et je l’avais remis à Fina.
« Mais… »
« C’est bon. Ta mère va bien, alors vas-y. »
« OK, j’ai compris. Shuri, on y va. »
Je les avais regardés quitter la maison en se tenant la main. J’avais ensuite regardé Gentz et leur mère une fois de plus.
« Qu’est-ce que vous allez nous faire faire ? »
« Je veux que vous viviez ensemble pour le bien de Fina et de sa sœur. »
« … Hein ? »
« … Quoi ? »
Leurs bouches étaient ouvertes et coincées.
« Je sais que vous aimez la mère de Fina, Gentz. »
Je l’avais entendu directement de Fina.
« V-Vous… »
« Nuh-uh. Même Fina le sait déjà. Et vous faites assez confiance à Gentz pour lui laisser vos enfants, ce n’est pas comme si vous ne l’aimiez pas. »
« Eh bien, c’est… »
Son visage avait légèrement rougi.
« Et ce n’est pas comme si vous alliez contrarier ces enfants. En plus, Gentz travaille à la guilde, il a donc un revenu régulier. Je suis un peu inquiète pour vous, trois femmes vivants ici toutes seules. Je me sentirais plus en paix si Gentz était avec vous, non ? »
« Mais… »
« Vous aimez la mère de Fina, n’est-ce pas, Gentz ? »
« C’est… »
Gentz avait dégluti. Puis, il regarda la mère de Fina.
« Tiermina, me ferais-tu l’honneur de m’épouser ? Je t’aime depuis longtemps. C’est une insulte envers Roy, mais je t’aime ! »
« Gentz… merci. »
Ces deux-là méritaient un peu d’intimité. J’avais donc quitté la pièce tranquillement — ou du moins, j’avais essayé, avant que Gentz ne m’appelle.
« Où allez-vous ? »
« Chez moi. Le reste est un problème familial. »
« Je vois. Alors, euh merci », il m’avait remerciée en mugissant.
« Assurez-vous de bien vous occuper de Fina et de tout le monde. »
« Ouais, laissez-moi faire. »
« Si elle ne se sent pas bien à nouveau, appelez-moi. »
J’avais laissé la maison de Fina derrière moi et j’étais rentrée chez moi.
***
Chapitre 32 : Fina fait une demande à l’ours
Quand je m’étais réveillée ce matin, maman avait mal. Elle avait généralement mal, mais là, c’était différent. Elle n’était pas consciente. Peu importe combien de fois je l’avais appelée, elle ne répondait pas. J’avais essayé à maintes reprises de lui faire prendre ses médicaments, mais même après qu’elle les ait finalement prit, rien n’avait changé. Il y avait une tonne de sueur qui coulait sur son front.
Ma petite sœur Shuri était si inquiète. Elle était restée près du lit, à appeler maman, maman. Je ne pouvais pas laisser les choses rester comme ça.
« Shuri, prends soin de maman. »
« Sœur ? » Elle m’avait jeté un regard inquiet.
« Je vais voir M. Gentz. Ça va aller. M. Gentz va pouvoir faire quelque chose. »
Je lui avais doucement tapoté la tête et j’avais couru chez M. Gentz. Il ne serait pas encore au travail. Le fait qu’il n’y ait pas encore beaucoup de gens dans la rue était une bonne chose. Quand j’y étais arrivée, j’avais frappé très fortement à la porte.
« M. Gentz ! M. Gentz ! »
M. Gentz était sorti quand j’avais frappé.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi es-tu ici si tôt le matin ? »
« C’est maman. »
« Qu’est-ce qui est arrivé à Tiermina !? »
« Elle a mal. C’est pire qu’avant. »
Je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer.
« Elle ne va pas mieux. »
« J’arrive tout de suite. »
M. Gentz s’était mis à courir. J’avais couru aussi vite que je pouvais. Quand j’étais arrivée chez moi, je ne voyais plus M. Gentz, car il courait devant moi. À l’intérieur, j’avais vu M. Gentz appeler maman. Elle n’avait pas répondu.
M. Gentz s’était tourné vers moi et Shuri.
« Je vais trouver des médicaments. Tu veilleras sur ta mère. »
Shuri et moi avions tenu les mains de maman.
S’il vous plaît, sauvez ma mère. Je ferais tout ce que je peux. S’il vous plaît, ne nous l’enlevez pas. S’il vous plaît…, pensais-je
« Maman… »
« Fina, Shuri… »
« Maman ! »
Maman était de nouveau réveillée. Mes prières avaient atteint quelqu’un.
« Fina, Shuri, je suis désolée. »
Pourquoi s’excusait-elle ? Elle n’avait rien fait de mal. Ses yeux étaient remplis de larmes.
« Maman… »
« C’est peut-être fini pour moi. Si je meurs, tournez-vous vers Gentz. Je suis sûre qu’il vous aidera. »
On dirait que le fait de parler lui faisait mal. Elle allait mourir ? Je ne voulais pas y penser.
« Je suis désolée, vous deux. Je suis vraiment désolée que vous ayez eu une mère comme ça. »
Elle nous avait tenu la main avec sa faible prise. Je me demandais depuis combien de temps M. Gentz était parti.
Il n’était pas revenu. Ça n’avait peut-être duré que quelques minutes, mais on avait l’impression que des heures s’étaient déjà écoulées. Dépêchez-vous de rentrer, j’avais encore fait un vœu.
« Ugh. »
La douleur devait être de plus en plus forte. Quelqu’un, à l’aide. La petite main de Shuri serra la mienne très fort. Je ne pouvais pas abandonner.
« Shuri. »
J’avais regardé dans les yeux de Shuri. Elle avait l’air mal à l’aise.
« Continue à tenir la main de maman. »
J’avais pris la main avec laquelle elle tenait la mienne et je l’avais mise dans celle de maman.
« Sœur ? »
« Peut-être que Yuna peut faire quelque chose. »
J’avais laissé Shuri s’occuper d’elle et j’avais couru chez Yuna. Je n’avais pas le droit d’être fatiguée. Je pouvais voir la maison d’ours. J’avais ouvert la porte sans frapper.
« Yuna ! »
Yuna était là.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Y-Yuna, ma mère… »
Je n’avais pas pu le dire. Ma voix ne voulait pas sortir.
« Calme-toi. »
« Ma mère est vraiment malade… et même lui donner des médicaments… ne l’aide pas… J’ai essayé d’aller voir M. Gentz, mais… il a dit qu’il allait chercher des médicaments et il n’est pas revenu… que dois-je faire ? »
Quand j’avais vu le visage de Yuna, je n’avais pas pu m’empêcher de pleurer. J’étais venue jusqu’ici, mais Yuna n’était pas un médecin. Je m’étais dit que parce que c’était Yuna, elle pouvait peut-être faire quelque chose.
Yuna avait doucement posé sa main sur ma tête.
« OK, j’ai compris. Peux-tu m’emmener chez toi ? », dit-elle avec un sourire aimable.
Et je l’avais fait.
Quand nous étions arrivés, M. Gentz était revenu. Peut-être qu’il avait obtenu les médicaments ?
« M. Gentz !? »
« Je suis désolé d’être arrivé si tard. »
« Avez-vous trouvé des médicaments pour ma mère ? »
« Désolé. »
M. Gentz baissa la tête. Si c’était un médicament facile à obtenir, alors M. Gentz l’aurait probablement déjà eu. Il avait déjà fait tant de choses. Je ne pouvais pas être en colère contre lui.
Je m’étais laissée aller à me rapprocher du lit. Maman avait l’air de tellement souffrir que je ne pouvais presque pas la regarder.
« Gentz, si quelque chose… m’arrive… s’il te plaît… prends soin de mes filles. »
« Qu’est-ce que tu dis ? Qu’est-ce qui est supposé t’arriver !? » cria M. Gentz.
« Gentz… je t’ai tellement dérangée. Merci beaucoup pour le médicament et pour ce que tu as fait pour Fina. »
« C’est bon. Si tu te reposes, tu iras mieux. Essaie de ne plus parler. Je vais m’occuper de ces deux-là, alors concentre-toi sur ta guérison. »
« Shuri… Fina… laissez-moi voir vos visages. »
« Maman ! »
On avait toutes les deux pleuré.
Je ne pouvais pas voir le visage de ma mère à travers mes larmes. Elle nous avait serrés dans ses faibles bras.
« Je suis tellement désolée de n’avoir rien pu faire pour vous. Et merci pour tout, Fina, Shuri. »
Elle ferma les yeux.
« Merci, Gentz. »
On aurait dit qu’elle ne pouvait plus ouvrir les yeux. Je lui avais tenu la main, mais elle ne pouvait plus la saisir. Elle ne pouvait plus ouvrir les yeux. Peut-être qu’elle ne dirait plus jamais mon nom.
Maman, maman, maman.
Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer.
J’avais entendu un bruit bizarre derrière moi. Quand je m’étais retournée, Yuna frappait ses mains ensemble.
« Yuna ? »
« Je ne sais pas si je peux aider, mais je vais l’examiner, alors écartez-vous. »
Yuna nous éloigna du lit.
« S’il vous plaît, tenez encore un peu le coup », dit-elle à ma mère.
Yuna posa ses mains d’ours sur ma mère.
« Guérison. »
Son corps s’était illuminé. La couleur de la magie était jolie. Je me sentais au chaud, comme si, juste pour un moment, je sentais la présence d’un dieu là. La respiration de ma mère s’était calmée. Je n’arrivais pas à y croire. Jusqu’à ce moment, on aurait dit qu’elle suffoquait, mais maintenant, sa respiration s’équilibrait.
« Restauration. »
Cette fois, Yuna avait scandé un sort différent. Les yeux de maman s’étaient lentement ouverts, et comme si rien ne s’était passé, elle sortit du lit.
« … Cela ne fait plus mal ? »
« Maman ! »
« On dirait que ça a marché. »
« Mademoiselle, qu’est-ce que vous avez fait ? Vous ressembliez à une sorte de puissant prêtre ou d’ecclésiastique… Non, ça n’a pas d’importance pour l’instant. Quoi que vous ayez fait, merci »
M. Gentz remercia Yuna. C’est vrai, je ne l’avais pas encore remerciée !
« Yuna, merci ! »
M. Gentz et ma mère avaient commencé à demander à Yuna comment la rembourser. Je m’étais souvenue que M. Gentz m’avait dit que la seule façon de guérir ma mère était de payer beaucoup d’argent à un prêtre. Nous n’avions pas autant d’argent.
Yuna avait sauvé ma mère. Je risquerais ma vie pour la rembourser, s’il le fallait, mais Yuna déclara quelque chose auquel je ne m’attendais pas.
« Je n’ai pas besoin d’argent. Je voulais juste protéger le sourire de Fina. »
J’avais failli recommencer à pleurer. Est-ce que je pourrais un jour rembourser ma dette envers Yuna tant que je serais encore en vie ?
« Mais… »
« Bon, si je peux faire quoi que ce soit pour vous, dites-le-moi. »
« Je ferai n’importe quoi une fois que j’aurai retrouvé mon énergie. »
C’est ça. On ne pouvait pas la laisser faire, même si Yuna disait qu’elle ne voulait rien en retour. Si j’avais quelque chose à faire, je le ferais.
J’avais remarqué qu’au moment où maman et M. Gentz avaient dit « n’importe quoi », le coin de la bouche de Yuna s’était mis à bouger.
« Dans ce cas, j’aimerais que vous fassiez quelque chose que vous seul pouvez faire », avait-elle dit.
L’air dans la pièce devint lourd. Qu’est-ce que Yuna allait leur dire de faire ? Elle regarda autour de la pièce avant de s’occuper de Shuri et de moi.
« Fina, va acheter quelque chose de délicieux avec ta sœur. Assure-toi que ta mère mange quelque chose qui la nourrira. »
Elle m’avait donné de l’argent. Yuna avait-elle l’intention de dire à ma mère et à M. Gentz ce qu’elle voulait qu’ils fassent sans que nous soyons là pour l’entendre ? Je voulais savoir ce qui se passait, mais… je voulais aussi que ma mère mange quelque chose de nourrissant, comme Yuna l’avait dit. J’étais donc partie avec Shuri.
***
Chapitre 33 : L’ours mange sur le pouce
Tiermina était en bonne santé. On pouvait même dire qu’elle s’était complètement rétablie. Elle et Gentz avaient fini par donner suite à leur engagement. Ils cherchaient une maison où ils pourraient vivre tous les quatre ensemble. Celle de Tiermina était trop petite, et apparemment Gentz vivait dans une petite garçonnière sordide.
Pour une raison inconnue, Fina et Shuri avaient décidé de s’installer dans la maison d’ours.
« Uhh, alors, pourquoi êtes-vous toutes les deux ici ? »
« Monsieur Gentz, je veux dire que notre père et notre mère ont besoin de temps seuls, c’est ce que nous pensons. »
Était-ce vraiment les pensées d’une fille de dix ans ?
« Est-ce qu’on dérange ? »
« Pas du tout, mais c’est important que vous soyez tous les quatre ensemble. »
« On vivra ensemble quand on aura trouvé une maison, ne t’en fais pas. »
« Mais pourquoi étudies-tu ? » avais-je demandé. Shuri pratiquait son alphabet dans mon salon.
« Ma mère m’a appris à lire, mais elle ne pouvait pas enseigner à Shuri quand elle était malade, et j’avais besoin de faire le ménage et de gagner de l’argent. »
Elles appelaient ça étudier, mais ça se résumait à regarder des caractères écrits sur du papier sale. Elles n’avaient rien pour écrire, et encore moins de papier pour s’entraîner. Tout ce qu’elles faisaient, c’était mémoriser les lettres à vue.
« Dans ce cas, si on allait vous chercher du matériel d’étude approprié ? »
« Hein ? »
« Si vous étudiez comme ça, ça vous prendra du temps pour apprendre quoi que ce soit. »
« Mais… »
Je savais exactement ce que Fina pensait.
« Ne t’inquiète pas pour l’argent. Ce sera un cadeau pour célébrer le mariage. »
« Mais c’est maman qui va se marier. »
« Ne t’inquiète pas des détails. »
J’étais partie avec les deux fillettes derrière moi. Elles se tenaient la main, en restant proches l’une de l’autre. C’était vraiment de gentilles sœurs.
On était d’abord allé à la librairie.
« Excusez-moi ! »
J’avais appelé la vieille dame qui dirigeait l’endroit.
« Qu’est-ce que c’est ? Je vous entends très bien, pas besoin de crier. »
« Excusez-moi, mais avez-vous des livres d’images pour les enfants ? Nous aimerions étudier l’alphabet. »
« Voyons voir, j’ai ça, ça et ça. »
Elle avait sorti trois livres d’images et quelque chose qui ressemblait à un tableau. J’avais décidé de tout acheter.
Ensuite, nous étions allés au magasin général pour prendre quelques outils d’écriture de base. Nous avions eu un petit creux, j’avais donc décidé d’acheter quelque chose aux stands sur la place. Quand nous étions arrivés, de délicieuses odeurs nous étaient parvenues des différents stands. Le stand le plus proche de l’entrée vendait des kebabs, ou quelque chose d’approchant. Ils sentaient très bon.
« Trois pour moi, monsieur. »
« Oh, si ce n’est pas la fille ourse ! Trois, c’est ça ? Et voilà ! Merci pour tout. »
Il me tendit trois brochettes. J’en avais mis une dans ma bouche et j’avais donné les deux autres à Fina et Shuri.
« Merci beaucoup. »
« Merci. »
J’avais examiné les stands à la recherche de nourritures plus succulentes.
« Fille ourse ! Veux-tu de la soupe de légumes ? »
J’avais entendu quelqu’un crier depuis un étal voisin. De la vapeur élevait d’un pot géant. Encore une fois, l’odeur avait réveillé quelque chose d’animal en moi.
« Bien sûr. Je crois que je vais en prendre trois. »
« Voici ! »
Il avait servi de la soupe de légumes chaude dans des récipients en bois qu’on devait rapporter. J’avais pris la soupe et l’avais donnée aux filles.
« Fille ourse, comment trouves-tu le pain avec ta soupe ? »
« Ce n’est pas juste. Fille ourse, et notre barbecue ? »
Tout autour de nous, les propriétaires des stands avaient pris leurs habitudes de vente.
« Et notre jus fraîchement pressé ? »
Une femme vendant une sélection déconcertante de jus de fruits s’était jointe à la mêlée.
« J’ai envie de pain aujourd’hui, alors je vais en prendre trois petits. »
« Bien, merci. »
L’homme du premier stand m’avait remis ma commande, me remerciant abondamment de mon patronage, je m’étais excusée auprès des autres.
« Je viendrai vous acheter des trucs la prochaine fois. »
« C’est bon. »
« Tu as intérêt ! »
J’avais accepté le pain et j’avais salué les stands autour de moi, puis je m’étais assise sur un banc vide à proximité.
C’était peut-être parce que je mangeais souvent sur le pouce ces derniers temps, mais j’avais appris à connaître les gens des stands. J’étais sûre que la tenue d’ours y était pour quelque chose, mais le nombre de personnes qui m’appelaient pendant que je me promenais sur la place augmentait de jour en jour.
Bien que j’appréciais toute cette attention, mes visites sur la place devenaient une habitude suffisante pour me faire craindre pour mon poids. J’avais essayé de me pincer le ventre à travers le costume d’ours. Ce serait bien si j’avais eu une technique qui m’empêchait de grossir.
« Le déjeuner est servi. »
« Merci, Yuna. »
« Merci. »
Shuri avait imité sa sœur et m’avait remerciée. Elles étaient toutes les deux si mignonnes ! Nous avions pris notre temps pour manger notre soupe et notre pain ensemble.
C’était une soupe consistante, plus végétarienne que le bouillon. Les ingrédients de ce monde étaient assez semblables à ceux du Japon. Il y avait des carottes, des daikons, des choux, des concombres et d’autres légumes que je n’avais qu’aperçus, mais dont le goût m’était assez familier, mais les choses qui étaient importantes pour moi en tant que personne japonaise — le riz, la sauce soja et le miso — ne se trouvaient nulle part. J’avais envie de ramen et de nouilles. On aurait dit qu’ils avaient de la farine. Peut-être, me disais-je, qu’ils ont au moins des udon quelque part ?
En tout cas, c’était assez délicieux. Après avoir mangé, nous avions décidé de retourner à la maison d’ours pour étudier. Plus tard, Tiermina et Gentz allaient découvrir que je les avais emmenés manger dehors. J’avais eu des ennuis pour avoir fait manquer aux enfants le dîner qu’ils avaient préparé.
Attention à ne pas trop manger quand on dîne sur le pouce.
Ils m’avaient quand même remerciée pour les fournitures scolaires.
***
Chapitre 34 : L’ours aide au déménagement
La famille de Fiona s’était décidée pour une nouvelle maison — un endroit près de la guilde des aventuriers, à la demande de Gentz — et l’avait payée avec les économies de Gentz provenant de sa vie de célibataire solitaire. J’étais chez Fina aujourd’hui pour aider au déménagement.
« Apportez les affaires que vous voulez prendre ici. Assurez-vous de mettre les petites choses dans une boîte ensemble. »
J’avais commencé à mettre les choses qu’ils avaient emballées dans des boîtes dans le garde-meuble des ours.
« Prends-tu cette table aussi ? »
« Nous n’avons pas d’argent pour en acheter une nouvelle, alors oui, s’il te plaît. »
« Dans ce cas, vas-tu aussi prendre les chaises ? »
« Si tu peux les mettre, s’il te plaît. »
La famille apporta d’autres choses pendant que j’étais occupée à suivre les instructions de Tiermina. J’en avais mis de plus en plus de côté. Fina et Shuri avaient travaillé dur pour emballer toutes leurs maigres affaires.
« Yuna, peux-tu aussi prendre le lit ? », dit Fina
« Bien sûr. »
J’étais allée dans la chambre de Fina. Il ne restait plus que quelques cartons laissés dans un coin et le lit en question.
« Juste un ? »
« Oui, Shuri et moi dormons ensemble. »
« Dans ce cas, tu dois demander à ton nouveau père de t’en acheter un autre. »
J’avais rangé le lit de Fina dans le stockage d’ours, puis j’étais allée dans la chambre de Tiermina et j’avais fait la même chose avec son lit.
« Dis, ton sac sans fond est assez étonnant, mademoiselle. Normalement, on aurait besoin d’un chariot pour transporter tout ça. »
C’est parce que c’était un article que j’avais obtenu de l’administrateur et/ou de Dieu — non pas que je puisse leur dire ça. J’étais allée dans chaque pièce et j’avais mis tous les gros meubles dans mon garde-meuble.
« C’est tout ce qu’il vous faut pour déménager ? »
La maison était vide.
« Oui, merci, Yuna », dit Tiermina.
La première phase étant terminée, nous nous étions dirigés vers la maison de Gentz.
J’avais souvent entendu dire que les hommes vivant seuls vivaient comme des ploucs et je me demandais bien pourquoi. Apparemment, Gentz n’avait pas échappé à ce stéréotype. Il savait depuis quelques jours qu’ils allaient déménager aujourd’hui, alors pourquoi n’avait-il pas fait le ménage ?
« C’est assez terrible », murmura Tiermina en regardant autour d’elle.
« Désolé », déclara Gentz avec une expression de chien de chasse.
« Yuna, excuse-moi, mais pourrais-tu emmener les filles dans la nouvelle maison ? »
« Bien sûr que je peux. »
« Fina, tu vas chercher les cartons pour ta chambre dans l’ordre devant nous. Je t’ai dit hier comment on allait partager les chambres, alors tu sais déjà quoi faire. J’ai aussi dans une certaine mesure nettoyé les chambres, mais je n’ai pas tout reçu, alors pourrais-tu finir ? Commence par donner la priorité aux zones de couchage. Une fois que tu auras terminé, je te laisserai t’occuper de l’organisation. Veille à nettoyer aussi les autres chambres. Je passerai quand j’aurai fini de nettoyer ici. »
Elle avait remis les clés de la nouvelle maison à Fina.
Ensuite, elle me regarda : « Yuna, je suis désolée, mais une fois que tu auras déplacé les affaires, pourras-tu revenir ici ? »
« Oui. »
« Alors, si vous trois pouviez faire ça, s’il vous plaît. »
Qu’est-ce que j’attendais d’autres que l’efficacité militaire de la mère célibataire de deux enfants ? Nous nous étions dirigées vers la nouvelle maison, qui se trouvait à mi-chemin entre l’auberge où j’avais séjourné auparavant et la guilde. Elle était plus grande que leur ancienne maison, mais ne semblait pas du tout poussiéreuse. Merci à Tiermina pour le nettoyage préalable.
« Yuna, peux-tu sortir les produits de nettoyage ? »
Je les avais sortis. Fina prit un seau et se dirigea vers la cuisine pour puiser de l’eau dans la gemme de mana.
« Yuna, peux-tu venir au deuxième étage ? »
Nous étions montées toutes les trois au deuxième étage. Fina vérifia la chambre de droite. Elle était large de plus de six tatamis, ce qui, pour ma sensibilité japonaise, était assez spacieux. Fina ouvrit une fenêtre pour aérer la pièce.
« Shuri, ouvre les fenêtres des autres pièces. Après avoir fait ça, pourrais-tu commencer à nettoyer ? »
Shuri fit un signe de tête et partit.
« Yuna, peux-tu placer les meubles ? »
Comme Fina me l’avait dit, j’avais commencé à poser les meubles et les lits. Même si je les posais légèrement au mauvais endroit, je pouvais utiliser la force d’ours pour les ajuster. À la fin, j’avais posé les boîtes avec les affaires de Fina et de Shuri par terre.
J’avais posé le lit, les meubles et les boîtes de Tiermina sur le sol de sa chambre, pensant qu’elle aurait ses propres idées sur ce qu’elle pourrait en faire. Je n’avais pas voulu sortir les petites choses.. J’étais retournée au premier étage, où la petite Shuri faisait tout son possible pour le nettoyer. J’avais déposé la table, les chaises, la vaisselle… dans la cuisine. Enfin, j’avais mis les restes dont je n’étais pas sûre dans une pièce inutilisée du premier étage.
« Fina, j’ai fini. Je retourne chez Gentz. »
« Merci beaucoup », dit Fina.
« Merci », dit Shuri.
« Assurez-vous d’y mettre de l’huile de coude, vous deux. »
Quand j’étais arrivée chez Gentz, il y avait une montagne de boîtes qui attendaient dehors. Cela semblait avoir été fait rapidement et dans la précipitation. Gentz semblait épuisé, mais avait suivi les instructions de Tiermina avec obéissance. Apparemment, il avait déjà été sermonné.
J’avais moi-même suivi les instructions de Tiermina, et bientôt les dernières affaires de Gentz étaient dans le stockage d’ours. Sa maison étant maintenant vide, nous nous étions dirigés vers leur nouveau domicile.
À l’intérieur, la montagne de choses était à moitié nettoyée. Fina et Shuri étaient venues quand elles avaient réalisé que nous étions de retour.
« Fina, Shuri, bon travail. »
« Mais ce n’est pas encore fini. »
« Ce n’est pas fini en un jour. Pour l’instant, assurons-nous d’avoir un endroit où dormir. Yuna, tu pourrais mettre tout ce qu’on peut déplacer manuellement, à part les meubles, dans la pièce du fond au premier étage ? Je vais te dire où mettre le reste. »
Nous avions mis en place les plus gros objets que nous avions apportés de la maison de Gentz, en les plaçant dans les coins des pièces où ils devaient être. Apparemment, Tiermina et Gentz trouveraient l’emplacement exact plus tard. Lorsque nous n’étions pas sûrs de l’emplacement d’un objet, nous le placions dans la pièce du premier étage où il se trouvait auparavant.
« On s’est assuré d’avoir un endroit où dormir, alors on s’arrête là. »
Tiermina était descendue du deuxième étage au premier.
« Fina, la cuisine est prête ? »
« Je suis désolée. Je n’ai pas encore nettoyé. »
« Ce n’est pas grave. Vous avez travaillé très dur, Fina, Shuri. Ce n’est pas de votre faute si un certain idiot n’a pas nettoyé à l’avance. »
« Désolé. »
Gentz baissa la tête.
« Le dîner va prendre du temps si on commence maintenant. »
« Pourquoi n’irions-nous pas manger quelque part ? » dit Gentz tout en espérant retrouver son honneur.
« On ne peut pas. Maintenant que nous vivons tous les quatre ensemble, nous aurons de nouvelles dépenses. Je n’ai pas d’argent de côté, et on ne peut pas utiliser tes économies pour quelque chose comme ça. »
« Mais il est trop tard pour commencer à cuisiner maintenant. Que comptes-tu faire ? »
Ils se regardèrent tous les deux avec insistance. J’aimerais qu’ils arrêtent de faire comme s’ils allaient divorcer dès le premier jour où ils avaient emménagé dans un nouvel endroit.
« Oh, d’accord. Je vais payer, alors allons manger quelque part. Ça marche, non ? », avais-je dit.
« On ne peut pas t’imposer plus que ce qu’on a déjà fait, Yuna. Nous sommes déjà reconnaissants que tu aies déplacé nos affaires. Cela nous aurait coûté d’engager des déménageurs, et le faire nous-mêmes nous aurait pris plusieurs jours. Nous ne pouvons pas manger au restaurant avec ton argent alors que tu as tant fait pour nous. »
Cela ne me dérangeait pas, mais je voyais bien pourquoi elle pensait ainsi.
« Dans ce cas, pourquoi ne pas faire un repas chez moi ? »
« Chez toi ? »
« Tu peux utiliser tous les ingrédients que tu veux, alors prépare quelque chose de bon. »
« Umm. Je suppose que ça devrait être bon ? D’accord ! Je vais te préparer quelque chose de délicieux. »
Soulagés d’avoir enfin trouvé un compromis, nous étions partis tous les cinq à la maison d’ours.
***
Chapitre 35 : L’ours prend un bain d’ours
« Peu importe combien de fois vous la voyez, c’est une maison impressionnante. »
Tiermina et Gentz étaient allés à la maison d’ours plus d’une fois maintenant. Après que j’ai sauvé la vie de Tiermina, celle-ci voulait me remercier à nouveau et voir Fina au travail, alors Fina l’avait amenée.
« Eh bien, je vais emprunter ta cuisine. Fina, peux-tu m’aider ? »
« Je vais aussi t’aider », déclara Shuri.
« Vas-y, c’est au fond », lui avais-je dit.
« D’accord, merci. Mais c’est nous qui devrions apporter les ingrédients. »
« Vraiment, ne t’inquiète pas. »
« On reçoit toujours de la viande de loup de ta part. La dette que nous te devons ne cesse de s’accumuler. »
Tiermina prit ses deux filles et se dirigea vers la cuisine. Gentz et moi avions décidé d’attendre dans deux chaises dans le salon.
« C’est une maison assez étonnante. Est-ce de la fourrure de tigre-loup ? », murmura-t-il en regardant autour de lui.
J’avais posé la peau de tigre-loup que j’avais obtenue la première fois que j’étais allée chasser avec Fina sur la cheminée. J’utilisais l’autre dans ma chambre à la place d’une couverture.
« Quand je t’ai vue pour la première fois, petite ours, je ne pensais pas que tu serais aussi incroyable », dit-il, comme s’il s’agissait d’un souvenir.
Plus d’un mois entier s’était écoulé depuis que j’avais changé de monde. Mon costume d’ours était devenu célèbre dans toute la ville. C’était un peu effrayant de voir à quelle vitesse je m’étais habituée. Je ne me sentais plus gênée.
« La fille ours. »
« Madame Ours. »
« Petit ours. »
« L’ours sanglant. »
Bien qu’il y ait eu une multitude de noms utilisés par les gens, ils se référaient tous à moi. Je ne pouvais toujours pas dépecer un animal, mais je m’étais habituée à vaincre des monstres. La vie de joueur m’avait bien préparée. J’avais rencontré Fina, et il y avait aussi des tonnes de choses intéressantes dans ce monde. Bien que je n’aie pas reçu de lettre ou de message du dieu/administrateur/quelqu’un depuis ce premier jour, j’étais reconnaissante qu’ils m’aient amené ici.
« Mais, mademoiselle, es-tu sûre de cela ? »
« Pardon ? »
« À propos de la maison. »
« Oh, à propos de ça. »
Comme cadeau de mariage, je leur avais acheté le terrain pour la nouvelle maison. Les économies de Gentz n’avaient servi qu’à la construction physique.
« C’est bon. C’est juste qu’après mon départ et ta mort, je ne veux pas voir ces trois-là dans la rue. Et tant qu’elles auront une maison, ça n’arrivera pas, pas vrai ? », dis-je.
« Hé, ne me rabaisse pas comme ça ! J’ai un bel avenir devant moi. »
« Alors, assure-toi de les protéger. Si tu ne le fais pas, tu sais ce qui va se passer, d’accord ? »
« Bien sûr. Je jure sur la tombe de Roy que je les protégerai. »
Gentz me dit que Roy était le défunt mari de Tiermina. Quand ils étaient jeunes, tous les trois avaient été dans le même groupe. Apparemment, ils s’étaient séparés quand Roy et Tiermina s’étaient mariés, et Gentz commença à travailler à la guilde. Plusieurs années plus tard, alors que Tiermina était enceinte de Shuri, Roy était parti faire une quête en solo et en mourut. Depuis lors, Gentz s’était occupé en cachette de la famille de Tiermina et, à un moment donné, était tombé amoureux d’elle.
Alors que j’écoutais Gentz parler du passé, Fina et Shuri avaient apporté plusieurs plats à la vapeur à la suite. Au final, Tiermina amena ensuite un plat principal imposant. Mon estomac parla pour moi.
« Merci d’avoir attendu. Nous en avons fait beaucoup, alors s’il vous plaît, mangez-en des tonnes. », dit-elle.
Tiermina et ses filles avaient pris place.
« Yuna, je suis désolée, mais on a fini par utiliser beaucoup d’ingrédients. »
« C’est bon. Encore une fois, je ne suis pas en manque de nourriture. »
« Ce frigo ours est génial. Les légumes et la viande ne dépérissent pas. »
« Je vais l’ajouter à la liste de mariage. »
Comme les frigos de ce monde ne fonctionnaient pas comme ceux du Japon, je venais d’en faire un moi-même après avoir acheté une gemme de mana de glace.
« J’aimerais beaucoup, mais nous te devons déjà beaucoup, et nous ne pouvons rien te donner en retour. »
« Si vous ne pouvez rien me donner en retour, alors je prendrai votre fille. »
J’ai jeté un coup d’œil à Fina alors qu’elle mangeait de la viande.
« Oh, tu es sûre que tu veux une fille comme ça ? »
Tiermina avait aussi regardé Fina.
« Elle est obéissante et adorable, travaille dur, s’occupe de sa famille, et sait cuisiner. Et, tu sais, elle peut écorcher un tigre-loup comme si ce n’était rien, ce qui est assez incroyable. »
Les baguettes de Fina avaient cessé de bouger.
« Ugh, peux-tu t’arrêter, maman ? Et toi aussi, Yuna. »
« Comment peut-on élever un enfant de dix ans comme ça ? » dis-je.
« Je pense que c’est ma faute. Parce que je suis tombée malade, je l’ai accablée. Elle a dû travailler plus dur que les enfants normaux. Elle s’est occupée de sa sœur et moi pendant que j’étais malade, a fait le ménage et a travaillé chez Gentz. C’est parce que je ne lui ai jamais permis de faire ce qu’un enfant devrait faire. », dit Tiermina.
« Je ne pensais pas que c’était une sorte de fardeau », déclara Fina.
« Un enfant de dix ans n’est pas censé être capable de penser comme ça. »
« Je n’étais pas la seule à travailler dur. Shuri m’a aussi aidée. »
Elle donna une tape sur la tête à sa sœur, qui avait travaillé si durement, alors qu’elle mangeait à côté d’elle.
« Tu as raison. Shuri a fait de son mieux aussi, hein ? »
Tiermina regarda ses filles avec joie.
Après avoir fini notre repas, Tiermina aida à nettoyer. J’étais allongée et j’avais bu un jus d’orange après le repas.
« Je suppose que nous devrions bientôt rentrer à la maison. »
Tiermina se leva de sa chaise.
« Il est déjà tard, alors pourquoi ne restes-tu pas ? J’ai les chambres. Et… »
J’avais regardé Shuri, qui s’endormait.
« Shuri a travaillé si dur pour aider au déménagement. »
Tiermina semblait en conflit.
« Hmm… On ne va pas te déranger ? »
« Et tu es toute poussiéreuse et transpirante à cause du travail de déménagement ? Ne serait-ce pas trop de rentrer chez toi maintenant et de devoir préparer le bain ? »
« Tu as raison. Dans ce cas, ça te dérangerait ? »
Il semblait que les bains étaient communs même dans ce monde, dans une certaine mesure. La plupart des gens en avaient, à moins qu’ils ne soient très pauvres. Vous pouviez facilement tirer et chauffer de l’eau avec un ensemble de gemmes d’eau et de feu. Comme j’avais préparé le bain pendant que Tiermina préparait le dîner, il était prêt à l’emploi.
« Vous devriez y aller toutes les trois. Je vous montrerai vos chambres plus tard. »
« On peut y aller ensemble ? »
Quand j’avais construit la baignoire, je l’avais faite grande, pensant que je pourrais l’utiliser comme un endroit pour laver Kumayuru et Kumakyu quand ils se salissaient. En fait, ils étaient toujours propres quand je les renvoyais et que je les convoquais à nouveau. Cela ne s’était donc jamais produit.
« Elle est assez grande pour trois. Fina, montre à tout le monde. »
« Yuna, tu devrais aussi venir ! Tu es d’accord avec ça, n’est-ce pas, maman ? »
« C’est bien, mais tu es sûre qu’on pourra toutes y entrer ? »
« Ça va aller. Le bain d’ours de Yuna est énorme. »
Fina ouvrit ses bras pour montrer la taille de la baignoire. Elle avait utilisé mon bain plusieurs fois après s’être salie en travaillant au dépeçage.
« C’est une baignoire pour ours ? »
« Tu comprendras quand tu la verras. »
Fina prit ma main et me tira de mon siège. Elle réveilla Shuri, qui avait bâillé légèrement et s’était aussi levée. Enfin, elle saisit la main de sa mère.
Avant de nous rendre au bain, j’avais regardé Gentz.
« S’il te plaît, n’entre pas. »
« Comme si je le ferais ! »
Nous nous étions dirigées toutes les quatre vers le bain.
« Déshabillez-vous ici », lui avais-je dit.
Au Japon, on aurait appelé ça le vestiaire. J’avais préparé des boîtes pour que chacun puisse ranger ses vêtements.
« Yuna… »
Tiermina me regardait.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Eh bien, c’est la première fois que je te vois sans ta capuche. »
« Tu ne peux pas voir mon visage même si je porte une capuche ? »
Quand je me promenais en ville, je la tirais très bas pour cacher mon visage, mais je la repoussais quand je parlais à des gens que je connaissais.
« Je peux le voir, mais tu sembles complètement différente sans elle que lorsque tu la portes. Je ne pensais pas que tes cheveux seraient aussi longs. Les cheveux changent tellement l’apparence d’une fille. »
J’avais touché mes cheveux. Elle avait raison : on ne voyait pas mes cheveux longs quand je portais la capuche.
« Tes cheveux sont jolis, Yuna », dit Fina.
« D’accord, d’accord. Tu n’as pas besoin de me flatter, alors va juste dans le bain. »
« Ce n’était pas de la flatterie ! »
J’avais ignoré Fina, j’avais enlevé les vêtements d’ours et j’étais allée dans la baignoire, qui était assez grande pour contenir une dizaine de personnes. J’avais tourné un ours blanc et un ours noir à droite et à gauche de la baignoire : de l’eau chaude coulait de leur bouche. Je m’étais inspirée des dessins de sources chaudes que j’avais vus à la télévision — une ermite comme moi n’était bien sûr jamais allée dans une source chaude en personne.
« C’est vraiment un bain d’ours », dit Tiermina.
« Assure-toi de te laver avant d’entrer dans la baignoire. »
« Tu as aussi du savon… c’est presque comme un bain d’aristocrate. »
« Shuri, je vais te laver, alors viens par ici. »
Fina avait assis Shuri sur une chaise et l’avait savonnée, en commençant par la tête. Tiermina, apparemment déçue de ne pas avoir pu aider ses filles à se laver, me regarda.
« Yuna, je te lave ? »
« Je peux le faire moi-même. »
« Mais n’est-ce pas difficile de laver tes beaux cheveux noirs ? Puisque c’est si long ? »
« C’est pénible, mais je peux le faire moi-même. »
Je m’y étais habituée au fil des ans. Je m’étais assise à côté de Fina et je m’étais savonnée. Shuri, qui était propre avant tout le monde, était déjà allée se baigner dans l’eau chaude. Au moment où Fina avait essayé de se laver, Tiermina l’avait attrapée et avait commencé à la laver. Finalement, nous étions toutes dans la baignoire.
« Yuna, tu as une belle silhouette. »
« Est-ce que j’en ai une ? »
Ma taille était fine, mais quant à ma poitrine…
« C’est dommage pour ta poitrine. »
C’était comme si elle avait lu dans mes pensées. Ma poitrine était à peine plus grande que celle de Fina, même si je ne savais pas trop comment me comparer à un enfant de dix ans.
« J’ai l’intention de me faire des courbes. Comme bam, shwoo, bam », avais-je déclaré. Il me restait encore quelques années pour grandir.
« Je me demande si c’est possible. »
« Pensez-vous que la mienne va grossir ? » dit Fina.
J’avais comparé Fina et Tiermina.
« Tu es libre de rêver. »
« C’est plutôt désagréable… »
Tiermina regarda sa propre poitrine, plutôt sobre. Elle avait pris un peu de poids par rapport à l’époque où elle était alitée, mais elle était toujours émaciée.
« Tu n’as pas à t’inquiéter, Fina. La tienne va grossir, contrairement à la mienne. »
« J’aimerais que la mienne soit de la même taille que celle de Yuna. »
J’avais serré Fina dans mes bras, ressentant une profonde affinité avec elle à ce moment.
Finalement, nous avions enroulé des serviettes autour de nos têtes et étions sortis de notre bain prolongé. Lorsque nous étions revenues dans la partie principale de la maison, nous avions aperçu Gentz assis là, tout seul, l’air solitaire. Quand il nous vit…
« Vous ! Vous avez pris énormément de temps ! »
Son cri traversa la pièce.
***
Chapitre 36 : L’ours utilise un sèche-cheveux
« D’accord, c’est mon tour maintenant ! »
Gentz se dirigea vers le bain.
Nous étions toutes les quatre plantées là. Ça prendrait un certain temps pour sécher nos cheveux comme ça, j’étais donc allée dans ma chambre et j’avais ramené un pseudo-sèche-cheveux. J’avais utilisé la magie de la terre pour fabriquer un objet en forme de séchoir et j’y avais rajouté quelques gemmes de feu et de vent. Il se pourrait que quelqu’un ait vendu ce genre de chose, mais il aurait été difficile d’en trouver un dans les magasins. J’en avais donc moi-même fabriqué un.
« Fina, viens par ici une seconde. »
« De quoi as-tu besoin ? »
« Retourne-toi et assieds-toi ici. »
Elle s’était retournée docilement afin que son dos soit tourné vers moi et s’était assise. Ses cheveux, qui tombèrent à hauteur d’épaules, s’étaient placés devant moi. J’avais pris le séchoir et j’avais fait passer du mana à travers. Un vent chaud s’était mis à souffler du séchoir.
« Eep ! Qu’est-ce que c’est ? » cria Fina qui s’agitait.
« C’est un outil qui sèche tes cheveux en soufflant de l’air chaud. »
Je lui avais montré comment cela fonctionnait en faisant souffler un vent chaud sur sa main.
« C’est chaud. »
« Maintenant que tu le sais, tourne-toi. »
Fina se détourna docilement de moi. Une fois les cheveux de Fina secs, j’étais passée à Shuri, dont les cheveux étaient un peu plus longs que ceux de Fina.
« Yuna, c’est un outil utile que tu as là. », dit Tiermina.
« Je l’ai fait, car il est si difficile de sécher de longs cheveux. »
« Quand tu auras fini, je pourrai aussi te l’emprunter ? »
Les cheveux de Tiermina lui tombaient dans le dos.
« Bien sûr. »
J’avais remis le sèche-cheveux à Tiermina une fois que j’avais fini avec Shuri.
« Es-tu sûre que je peux passer avant toi ? », demanda-t-elle.
J’avais mes cheveux enveloppés dans une serviette et je ne les avais pas encore séchés.
« Ça va me prendre un moment, je pourrai le faire après. »
« J’utiliserai donc ceci avec gratitude. »
Tiermina le tourna sur ses cheveux sous les yeux de ses filles. C’était une scène tellement saine. Quand elle avait fini et me l’avait rendu, Gentz était revenu de son bain.
« L’eau chaude fait vraiment du bien. Mais ces ours m’ont fait peur. Merci, mademoiselle. »
Gentz m’avait alors bien regardée et s’était figé.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Fille ours, tu as l’air différente sans ta capuche. »
« Vraiment ? »
« Je ne savais pas que tes cheveux étaient aussi longs sous le capuchon. Les cheveux font une telle différence dans l’impression que les gens ont de toi. »
De qui Tiermina et Gentz tiennent-ils de tels propos ? M’étais-je dite.
« Je te trouve plutôt mignonne avec ta capuche, mais tu es magnifique avec tes longs cheveux. »
« Oui, je pense ça aussi ! »
« Me féliciter ne va rien t’apporter. »
« C’est vraiment dommage que tu caches tes cheveux alors qu’ils sont si jolis. »
Comme je ne pouvais pas leur dire que j’étais impuissante sans mon pyjama en forme d’ours, j’avais bien sûr décidé de me taire. Fina avait commencé à m’aider alors que j’étais en train de me sécher les cheveux, et je l’avais remerciée. Une fois que nous avions fini, je les avais conduits dans les chambres d’amis.
« Gentz, tu utilises la chambre du fond. Je n’ai que deux lits pour Tiermina et les filles, mais pourrais-tu prendre la chambre à côté ? »
« Oui, Shuri et moi pouvons partager un lit. »
J’avais regardé Gentz.
« Gentz. »
« Quoi ? »
« Assure-toi de ne pas faire de visites nocturnes à Tiermina. Fina et Shuri ont besoin de dormir », avais-je dit à Gentz, avec un regard qui montrait à quel point j’étais sérieuse.
« Je ne ferais pas quelque chose comme ça ! »
« Ne la laisse pas non plus te rendre visite dans ta chambre. Je ne veux pas laver des draps sales. »
« Je ne voudrais pas que tu fasses ça également ! »
« On ne fera pas ça dans la maison de quelqu’un d’autre, surtout avec les filles autour. En tout cas, nous sommes tous épuisés, alors je vais dormir. Merci beaucoup pour tout ce que tu as fait aujourd’hui », dit Tiermina.
« Bonne nuit, Yuna. »
« Bonne nuit. »
« Je vais me coucher. Tu as été d’une grande aide aujourd’hui. Merci », m’avait dit Gentz d’un air penaud tout en se dirigeant vers sa chambre.
Je m’étais retirée dans ma chambre.
Le lendemain matin, quand je m’étais réveillée et que j’étais descendue, Fina préparait le petit déjeuner.
« Bonjour ».
Je l’avais salué.
« Bonjour. »
« Tu t’es levée tôt. »
« Je me réveille toujours en première et je prépare le petit-déjeuner pour ma famille, alors je suis partie… »
« Ne t’inquiète pas des ingrédients que tu as utilisés ou de quoi que ce soit d’autre. Tout le monde dort encore ? »
« M. Gentz, je veux dire mon père, est allé travailler. Il m’a dit de te dire merci. »
Il avait pris des jours de congé pour se précipiter quand Tiermina était malade, puis pour chercher une maison, et pour le déménagement. Il ne pouvait évidemment pas continuer comme ça.
« Shuri et maman sont encore au lit. »
« Laisse-les dormir. Elles doivent être fatiguées. »
Même si j’avais guéri Tiermina, elle reprenait lentement des forces. Être alitée si longtemps lui avait coûté, et le déménagement avait dû la laisser épuisée.
« C’est bon. Shuri dort toujours jusqu’à maintenant, et ma mère est malade depuis longtemps, donc elle n’est pas très matinale, mais elle se réveillera quand je la réveillerai. »
En d’autres termes, elles avaient besoin de quelqu’un d’autre pour les réveiller.
« J’ai fini de préparer le petit déjeuner, alors je vais leur rendre visite. »
Fina était montée à l’étage. Après quelques minutes, Tiermina et Shuri étaient descendues, en se frottant les yeux.
« Yuna, bonjour. Merci beaucoup pour hier. »
Elle avait encore l’air assez fatiguée. Shuri avait aussi l’air somnolente. Malgré cela, elles avaient avalé le petit déjeuner que Fina avait préparé, qui consistait en de simples sandwiches aux légumes et un peu de lait. En y repensant, je n’avais pas mangé d’œufs frits depuis que j’avais quitté la Terre. J’aurais tué pour un sandwich aux œufs frits en ce moment-là.
« Fina, j’ai quelque chose à te demander en urgence. »
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Tu sais où ils vendent des œufs ? »
« Pardon ? »
« Comme je l’ai dit, des œufs. Le mieux, c’est de faire frire des œufs pour les mettre entre deux pains, alors j’aimerais en avoir. Je me disais juste que je n’avais pas vraiment vu d’endroit où ils en vendaient. »
« Yuna, les magasins normaux n’ont pas de produits de luxe comme ça. »
« Vraiment ? »
« Oui. Seuls les nobles et un petit nombre de gens riches peuvent manger quelque chose de qualité comme un œuf. Il faut aller dans les bois pour ramasser les œufs, et si tu prends trop de temps, ils finissent par se détériorer, tu ne peux donc pas les ramener de très loin. Et même si tu les transportes avec un cheval rapide, cela coûtera plus cher que ce que nous pouvons nous permettre », expliqua Tiermina.
« Uhh, ne peux-tu pas attraper quelques oiseaux incapables de voler et les élever pour qu’ils pondent… ? »
« Des oiseaux sans ailes ? Existe-t-il des oiseaux qui ne savent pas voler ? »
Peut-être que ce monde n’avait pas de poulets ? Ou peut-être était-ce une région où il n’y avait pas de poulets ? Si je regardais autour de moi, est-ce que j’en trouverais quelque part ? J’avais ajouté le poulet et les œufs à ma liste d’ingrédients.
Après le petit-déjeuner, le trio était rentré chez eux pour finir de nettoyer leurs affaires de déménagement. J’avais proposé mon aide, mais ils avaient refusé.
« Tu dois aussi travailler, n’est-ce pas, Yuna ? »
En fait, j’avais assez d’argent pour vivre sans travailler pendant un certain temps. Une personne sage avait dit un jour que travailler était une perte. J’avais quand même décidé d’aller à la guilde des aventuriers pour vérifier les tableaux de quête.
***
Chapitre 37 : Fina a un nouveau papa
Lorsque j’étais revenue après avoir acheté à ma mère quelque chose de bon à manger, Yuna n’était plus là. Apparemment, elle était rentrée chez elle. Je ne l’avais pas assez remerciée. Et même si nous avions acheté la nourriture avec l’argent de Yuna, je ne l’avais pas non plus encore remerciée pour cela.
Quand j’avais regardé ma mère et M. Gentz, pour une raison inconnue ils rougissaient. Je me demandais ce qui s’était passé.
« Hum, Fina, Shuri. Comment dire... Tu aimerais avoir un nouveau papa ? »
« Un papa ? »
C’était une question bizarre. Mon père était mort.
« Je ne suis pas sûre. Je ne me souviens pas vraiment de mon père, donc je ne sais pas quoi penser d’un nouveau… »
« Je ne sais pas », déclara Shuri.
M. Gentz s’était gratté la tête et nous avait regardés.
« Votre mère et moi allons nous marier. Fina, Shuri, voulez-vous nous donner votre bénédiction ? »
« Se marier ? »
« Je veux devenir votre père. Je veux vous protéger toutes les trois. Je ne pense pas que je serai aussi bon que la fille ours, mais me laisseriez-vous vous protéger ? »
« M. Gentz ? »
« Fina, Shuri, seriez-vous d’accord pour que Gentz soit votre père ? » nous demanda ma mère.
Je n’avais pas vraiment compris. Mais…
« Si ça peut te rendre heureuse, maman. »
Shuri avait aussi fait un signe de tête.
« Oui, ça me ferait plaisir. Et je vais m’assurer que vous soyez aussi heureuse. Hum… merci, Fina et Shuri. »
M. Gentz nous avait serrés dans ses bras. Lui et maman avaient l’air heureux.
Tout ce qui avait suivi était pénible. Ma mère essaya de sortir du lit maintenant qu’elle allait mieux, et j’avais dû la faire s’allonger. J’avais continué à le faire chaque fois qu’elle essayait de faire de la nourriture, de nettoyer ou de sortir. Yuna m’avait dit de veiller à ce qu’elle se repose un peu. J’avais demandé à Shuri de veiller sur maman. Elle semblait heureuse de passer du temps avec elle.
Papa Gentz cherchait une maison où nous pourrions vivre tous les quatre ensemble. Il fallait que je me prépare à déménager, petit à petit.
Quelques jours après la guérison de maman, nous avions trouvé une nouvelle maison et avions décidé de déménager. J’avais obtenu l’accord de Yuna pour que ma mère quitte le lit. Le jour où nous avions déménagé, Yuna allait aussi nous aider.
Normalement, un déménagement prenait beaucoup de temps et d’argent. Nous aurions dû louer un chariot et une remorque et faire tout un tas d’allers-retours, mais Yuna pouvait mettre n’importe quoi dans son sac sans fond, quel que soit sa taille ou son poids. Quand nous étions allés tuer le tigre-loup, j’avais été choquée de la voir sortir sa maison de là et la remettre en place.
Comme nous avions préparé les choses dans la maison, nous en avions tous terminés en fin de matinée. Nous étions ensuite allés chez M. Gentz. C’était ridicule. Je ne savais pas s’il ne l’avait jamais nettoyée. Maman était super bouleversée. Elle avait demandé à Shuri, Yuna et moi d’aller dans la nouvelle maison avant elle et de faire le ménage.
Quand nous étions arrivés à la maison, j’avais demandé à Shuri de nettoyer. J’avais demandé à Yuna de sortir les meubles et les lits. D’habitude, il fallait beaucoup de monde pour amener les lits du premier au deuxième étage, mais Yuna les avait juste sortis de son gant d’ours et nous avions fini. Une fois que Yuna avait fini de sortir les choses, elle était allée chez papa.
Shuri et moi avions fait le ménage de la nouvelle maison. Quand le soleil avait commencé à se coucher, ma mère était revenue avec les deux autres, et nous avions commencé à parler de nourriture. La maison n’était toujours pas propre et nous ne pouvions pas y faire à manger. Quand Papa avait dit que nous pouvions sortir pour manger, ma mère s’était fâchée contre lui, car c’était un gaspillage d’argent.
Finalement, Yuna s’était occupé de ça et nous étions allés chez elle. Je me demandais pourquoi Yuna est si gentille ?
Nous avions mangé et avions fini par passer la nuit chez Yuna. Comme nous restions chez elle et que nous étions sales à cause du déménagement, Yuna nous avait laissés prendre un bain. Le bain de Yuna était si grand que même nous quatre pouvions y entrer ensemble. Nous avions fait attendre papa dehors.
Yuna était mince et délicate, et vraiment jolie, surtout ses cheveux, qui étaient noirs et allaient jusqu’au dos. Je me demandais si les miens seraient aussi jolis si je les laissais autant pousser.
Quand nous étions entrés dans le bain, nous avions commencé à parler de seins. Yuna avait dit qu’elle finirait par bam, shwoo, bam. Je me demandais ce qu’elle voulait dire par là ? Je voulais que ma poitrine soit à peu près aussi grosse que celle de Yuna. J’avais vu beaucoup d’adultes avec de gros seins, mais ils semblaient se mettre en travers de leur chemin.
J’avais regardé ma propre poitrine et j’avais demandé à ma mère : « Tu crois que la mienne va grossir ? »
Pour une raison inconnue, Yuna regarda les seins de ma mère, puis les miens.
« Tu es libre de rêver », m’avait-elle dit.
Ma mère s’était un peu énervée quand Yuna avait dit ça.
« Tu n’as pas à t’inquiéter. Les tiens vont grossir, contrairement aux miens. »
« J’aimerais que les miens soient de la même taille que ceux de Yuna. »
À la seconde où j’avais dit ça, Yuna m’avait serrée dans ses bras. Pour une raison inconnue, cela l’avait rendue heureuse.
Papa s’était mis dans le bain après nous. Pendant qu’il faisait ça, nous avions séché nos cheveux. Les cheveux de Yuna étaient longs et on aurait dit qu’ils allaient être difficiles à sécher. Au moment où j’avais séché mes cheveux avec une serviette, Yuna avait sorti un outil rond et long qui avait une forme bizarre. Yuna m’avait dit de me retourner, j’avais donc été gentille et je l’avais fait. J’avais senti un vent chaud qui soufflait sur moi par-derrière. J’avais été surprise. J’avais poussé un petit cri de surprise.
Yuna m’avait dit que c’était un outil pour sécher les cheveux, et que cela soufflait un vent chaud. Le vent était agréable, et mes cheveux étaient secs avant que je ne m’en rende compte. Ma sœur avait séché ses cheveux, puis ma mère, Yuna se sécha les siens après tout le monde. Yuna était tellement étonnante en ayant un outil aussi utile.
Juste quand nous avions fini de sécher nos cheveux, papa était sorti du bain. Nous avions donc décidé de dormir, car nous étions fatiguées par le déménagement. Mon père avait dormi seul, j’avais dormi avec Shuri et ma mère.
Yuna parlait de choses que je ne comprenais pas comme maman et papa salissant les draps s’ils couchaient ensemble. Elle avait dit qu’ils ne pouvaient pas être ensemble. Je suppose qu’ils ne saliraient pas les draps s’ils étaient séparés ?
Je demanderai à maman la prochaine fois.
Le lendemain matin, je m’étais levée seule. Maman et Shuri dormaient. J’étais descendue au premier étage aussi silencieusement que possible. Après avoir fini de préparer le petit déjeuner, papa était descendu au premier étage. Il avait mangé avant tout le monde et était allé à la guilde. Le travail y commençait tôt le matin.
Yuna était descendue pour le remplacer. Comme j’avais fini de préparer le petit-déjeuner, j’étais allée réveiller les autres. Pendant que nous prenions le petit-déjeuner tous les quatre ensemble, Yuna m’avait demandé quelque chose de bizarre.
« Tu sais où ils vendent des œufs ? »
Elle voulait dire des œufs d’oiseaux ? Quand je lui avais dit qu’elle ne pouvait pas les acheter dans un magasin normal, elle avait l’air déçue. Est-ce qu’elle voulait vraiment des œufs ?
Après avoir terminé le petit déjeuner, nous étions retournés dans notre nouvelle maison pour finir de nettoyer. Shuri avait rangé les petites choses, et maman et moi avions rangé les grandes. Ça aurait été bien d’avoir papa pour nous aider, mais on ne pouvait rien y faire. Nous avions fini de ranger tout ce que nous avions apporté de notre ancienne maison, mais nous nous étions débattues avec les affaires de papa parce que tout était entassé dans les boîtes dans lesquelles elles étaient.
Tous ces changements, une mère en bonne santé, de la bonne nourriture, un nouveau père, étaient dus à Yuna.
***
Chapitre 38 : L’ours est remercié par le chef de guilde
J’étais allée à la Guilde pour trouver quelque chose qui m’occuperait. J’avais regardé Helen à la réception, mais j’étais passée directement au tableau où les quêtes étaient affichées.
« Yuna ! »
Helen m’avait appelée. J’avais souhaité qu’elle ne me crie pas dessus dès qu’elle me voit. Les aventuriers dans la pièce me fixaient. Je supposais qu’ils le feraient même si elle n’avait pas crié, ils n’étaient toujours pas habitués au pyjama.
« Quoi ? »
Elle m’appellerait probablement encore une fois si je l’ignorais, alors j’avais décidé de l’écouter.
« Qu’est-ce que vous avez fait cette fois-ci ? Le chef de la Guilde m’a dit de vous appeler quand vous viendrez. »
Qu’est-ce qu’il y a avec cette dame ?
« Je pense que je n’ai rien fait cette fois-ci. »
« Êtes-vous sûre ? »
Je ne me souvenais pas avoir fait quoi que ce soit, et cela même après qu’elle m’ait lancé un regard empli de doutes. Je n’avais pas fait de quêtes ces derniers jours. De toute façon, je ne me souvenais pas d’avoir causé des problèmes à qui que ce soit.
Peu importe ce que je ressentais, Helen m’avait emmenée dans la chambre du chef de guilde. Celui-ci travaillait à un bureau à l’arrière, ce qui ne correspondait pas du tout à son image musclée.
« S’il vous plaît, asseyez-vous. »
Il fit un geste vers une immense table entourée de chaises. J’avais pris le siège le plus proche de la porte.
« C’est à propos de Gentz. Je voulais vous remercier. »
« Me remercier ? »
« N’avez-vous pas guéri la maladie de Tiermina et ne l’avez-vous pas encouragée à épouser Gentz? »
« Oui, mais pourquoi me remerciez-vous ? »
« Tout d’abord, il semblerait que vous ayez utilisé un précieux médicament de votre ville natale pour guérir la maladie de Tiermina. »
Comme ça pourrait être mauvais si on apprenait que je l’avais guérie avec de la magie, j’avais demandé à Gentz et aux autres de dire que je l’avais guérie avec des médicaments coûteux.
« Tiermina est une ancienne aventurière, donc je m’inquiétais de sa maladie », poursuivit le chef de guilde.
« Êtes-vous en train de me dire que c’est vous qui avez fait travailler Fina à la guilde ? »
« Je pensais que c’était le moins que je puisse faire. Je ne pouvais toujours pas l’engager publiquement, alors nous ne l’avons fait venir que lorsque nous avions beaucoup de travail. C’est pourquoi j’ai été reconnaissant de vous voir amener autant de loups. Vous lui donnez toujours du travail ? »
« Seulement parce que je le veux. »
« Ce n’est pas la seule chose. J’avais peur que Gentz se languisse de cette femme jusqu’à sa mort. Entre Roy, sa maladie et les enfants, il avait besoin que vous le poussiez à sentir qu’il avait une place avec elle. Je voulais vous le dire. Merci. »
« Ne vous inquiétez pas. Je les ai en quelque sorte contraints à se marier pour le bien de Fina. »
« C’était une jolie contrainte. En tout cas, nous n’avons plus à nous inquiéter pour lui, et il peut se consacrer à son travail maintenant. »
Il était possible que Gentz et le chef de guilde n’aient pas seulement une relation de subordination patron-employé. Mais ils ne semblaient pas être dans le même groupe.
« Si c’est tout ce dont vous avez besoin, je vais rentrer. »
Au moment où j’avais essayé de me lever de mon siège, on frappa à la porte.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Excusez-moi. »
Une réceptionniste de la guilde secoua sa tête.
« Maître de guilde, le Seigneur Cliff Fochrosé est arrivé. Puis-je vous l’amener ? »
La réceptionniste me jeta un regard. J’avais deviné qu’elle ne pouvait pas faire attendre un aristocrate, même si le chef de guilde était occupé avec moi. Quel genre d’affaires Cliff a-t-il à voir avec le chef de guilde ? M’étais-je dite.
« On vient de finir, alors c’est bon. », avais-je dit
La réceptionniste regarda le chef de guilde. Celui-ci fit un petit signe de tête.
« Alors je vais l’appeler. »
La réceptionniste quitta la pièce.
« Je vais également sortir. »
« Oui, désolé de vous faire partir si rapidement. »
Je m’étais levée de mon siège et, dès que j’avais essayé de quitter la pièce, la porte s’était ouverte.
« Désolé d’être venu si tôt. »
Cliff était entré par la porte. Nos yeux s’étaient à peine rencontrés.
« Un ours ? Oh, Yuna. »
Je lui avais fait cette petite expression que l’on utilisait quand on voulait faire le strict minimum pour saluer poliment. Au moment où j’avais essayé de passer devant lui, il me cria dessus pour m’arrêter.
« C’est un timing parfait. Yuna, pouvez-vous aussi m’écouter ? »
Il attrapa mon épaule, me ramena dans la pièce et me fit asseoir.
« Alors, qu’est-ce qui vous a amené ici si tôt le matin, Seigneur Cliff ? »
« Vous pouvez être informel, comme les autres fois. »
Le chef de la guilde m’avait regardée.
« Tu n’as pas à t’inquiéter pour Yuna. »
« Si c’est toi qui le dis, alors je comprends. Qu’est-ce qui t’a amené à la guilde des aventuriers ? »
Le ton du maître de la guilde était devenu plus chaleureux.
« J’avais quelque chose à te demander. Tu sais que le roi fête son quarantième anniversaire le mois prochain ? »
« Je pense qu’il n’y a pas une seule personne dans tout le pays qui ne le sache pas. »
Je ne le savais pas. Quoi qu’il en soit, on aurait dit que c’était le cas.
« Je n’ai rien de bon à lui offrir pour l’occasion. »
« Dans ce cas, demande à la guilde des marchands. »
« Je suis déjà allé à la guilde des marchands, mais ils n’avaient rien qui puisse plaire au roi. Il n’y a aucun intérêt à lui offrir quelque chose qu’il pourrait acheter avec de l’argent. Je me demandais si tu avais des épées, des armures ou des outils rares. »
« Nous transmettons tous nos biens à la guilde des marchands. Tu as déjà tout vu. »
« Bien sûr. Je suis juste venu pour m’en assurer. Donc, comme deuxième option, Yuna, je voulais te demander… »
« Me demander quoi ? »
J’avais un mauvais pressentiment.
« As-tu quelque chose de rare ? Quelque chose comme ton sac sans fond ? Ou un objet qui peut invoquer des montures ? »
« Désolée, mais je n’en ai pas. Et je n’ai évidemment pas l’intention de vendre le mien. »
S’il m’y obligeait, je ne pourrais que m’enfuir.
« Dans ce cas, peux-tu faire quelque chose ? Comme la maison de l’ours. J’y ai jeté un coup d’œil il y a quelque temps, c’est assez impressionnant. Bien sûr, on ne peut pas déplacer quelque chose d’aussi grand, mais ce serait merveilleux si tu pouvais en faire une petite. »
Ummm, pensais-je, ce n’est pas comme si je ne pouvais pas en faire une.
Je pourrais créer une de ces commodités de la Terre et faire quelque chose comme le sèche-cheveux. Et puis, peut-être qu’ils avaient déjà trouvé tous les appareils que je savais pouvoir fabriquer — ou peut-être pas. J’arrivais à vide, et je ne voulais pas non plus me démarquer en fabriquant quelque chose de mauvais.
Pour l’instant, j’avais regardé dans la réserve d’ours pour voir si je pouvais trouver quelque chose de bon.
…
…
…
Mais oui. Pensais-je. J’avais trouvé quelque chose de prometteur.
« Tu es venu à la guilde des aventuriers pour obtenir quelque chose de rare, non ? »
« Oui. »
« Dans ce cas, qu’en penses-tu ? »
J’avais sorti l’épée que j’avais prise au roi-gobelin de mon entrepôt d’ours.
« Et ça, c’est… »
Cliff et le maître de la guilde se regardèrent.
« C’est l’épée d’un roi-gobelin. »
« Vraiment ! »
Il n’y avait pas d’erreur vu que j’avais l’identification de l’ours de mon côté.
« J’ai entendu parler de l’affaire du roi-gobelin, mais prendre son épée ? C’est du jamais vu. »
Leur réaction avait été bien meilleure que ce à quoi je m’attendais.
« De toute façon, nous devons vérifier si c’est une vraie. »
Le chef de guilde fit venir une personne qui pourrait l’évaluer. Un homme âgé était immédiatement venu et l’avait retournée dans ses mains, en sentant la lame et la poignée.
« Elle est authentique. »
« Je vois, merci. Tu peux y aller maintenant. »
L’évaluateur baissa la tête et quitta la pièce.
« Peux-tu présenter ceci au roi ? »
« Oui, c’est plus que rare. »
« Comment cela peut-il être rare ? Les rois-gobelins ne sont pas si difficiles à trouver. »
« Ils n’ont pas tous des épées comme celle-ci. Je ne connais pas les détails, mais apparemment ils n’ont au départ que des épées normales. Le mana du roi-gobelin qui la porte traverse l’épée et la modifie au fil des ans. Si le roi est jeune, ou si son mana est faible, son épée n’a rien de spécial. »
Je suppose que c’était logique. Dans le jeu, les épées du roi-gobelin étaient une récompense assez rare. En même temps, le concept de rois-gobelins en pleine croissance n’existait pas dans le jeu.
« Alors, me laisseras-tu avoir cette épée ? »
« Ça ne me dérange pas. »
Je n’en avais pas besoin, et surtout, elle avait un nom boiteux. Si je devais avoir une épée, je voulais une épée cool.
« Alors, à combien me la vends-tu ? »
« Combien les gens payent-ils cela d’habitude ? »
« Pour être honnête, je ne sais pas. Ce n’est pas quelque chose que tu peux obtenir, même si tu cherches bien. Donne-moi ton prix. Si je peux le payer, alors je le ferai. »
« C’est quand même assez désavantageux pour moi. Je pourrais sous-facturer sans même le savoir. »
Ce n’était pas comme si j’avais des problèmes d’argent, alors je me fichais de savoir combien ça valait. Mais ce n’était pas drôle.
« Je te le donnerai si tu acceptes de me devoir une faveur. »
« Une faveur ? »
« Tu dois faire des tas de choses terribles puisque tu es un seigneur, non ? Alors, je veux que tu m’aides le jour où j’aurai des ennuis. »
« Tu as une mauvaise opinion de moi. Je suis une personne décente. »
« Eh bien, en mettant de côté les plaisanteries, si j’ai besoin de quelque chose de toi à l’avenir, j’aimerais que tu écoutes ma demande. »
« Peux-tu me donner un exemple de ce que tu entends par là ? »
« Comme forcer un chef de guilde a quitté son poste ? »
« H-hey. »
Le chef de guilde s’était levé.
« C’était une blague. Je n’en sais rien pour le moment. Si quelque chose arrive à l’avenir, je te le demanderai. Et si c’est impossible, tu peux refuser. »
« Es-tu sûre de ça ? »
« Oui. Ça semble plus intéressant. »
« Alors j’accepterai gracieusement. Je préparerai un accord écrit plus tard. »
« Je n’en ai pas besoin. Cela ne me dérange pas plus que ça, même si tu ne tiens pas ta promesse. »
Je lui avais souri. Concrètement, je n’avais pas besoin de l’épée. Je n’avais pas de problème à m’en séparer. Le fait qu’il me doive une faveur était un pur profit.
« Je jure que je t’aiderai si c’est quelque chose que je peux faire. »
Le vœu était une chose assez dramatique à faire.
« Dans ce cas, s’il te plaît, fais-le le moment venu. »
***
Chapitre 39 : L’ours va tuer un serpent
Ma conversation avec Cliff et le chef de guilde m’avait retardée, mais j’avais finalement réussi à atteindre le tableau des quêtes.
Tableau des rangs D
. Professeur d’épée (réservé aux femmes).
. Mise à mort d’orcs.
. Corps au complet de tigres-loups.
. Deux cents gemmes de mana de gobelin, sans restriction de temps.
. Obtention de l’herbe de Melmel.
. Mise à mort de singes de pierre à la montagne de Hoelle, nombre inconnu.
…
Il n’y avait rien qui me plaisait.
Professeur d’épée (femmes seulement). Est-ce que les ours comptaient ? Tout ce que je savais du combat à l’épée venait du jeu. Enseigner à une autre personne me semblait de toute façon pénible. Tuer un orc ne semblait pas amusant. J’avais déjà vaincu des loups-tigres et je ne pouvais pas retirer les gemmes des gobelins, donc c’était impossible. Ne pas savoir combien de singes de pierre il y avait posait un problème. Je ne voulais pas faire de quêtes quand je ne savais pas combien de temps cela prendrait.
Si je n’avais pas été bloquée aussi longtemps, il y en aurait peut-être eu d’autres, mais je ne pouvais rien y faire.
J’avais donc décidé de vérifier le tableau des rangs C.
Tableau des rangs C
. Matériaux de Wyverne.
. Protéger le convoi d’une certaine personne, secret professionnel.
. Obtenir des écailles de sirène.
. Annihilation du groupe de voleurs Zamon.
. Collecter des fleurs Histori.
. Combattre un serpent d’eau, et récupérer son corps.
. Tuer des tigres-feu, matériaux inclus.
…
Les quêtes d’annihilation de rang C semblaient amusantes, mais il s’agissait de choses qui n’avaient pas d’emplacement précis ou qui se trouvaient loin. J’avais cependant été surprise d’apprendre l’existence des sirènes. J’aimerais bien aller les voir un jour. Juste au moment où je pensais rentrer chez moi, car il n’y avait pas de quêtes intéressantes à faire dans un rayon d’une journée, j’avais remarqué qu’il y avait une certaine agitation à la réception.
« Pourquoi pas ? »
« Ce n’est pas que tu ne puisses pas le faire. Je dis juste que ça prendrait du temps. »
« Alors ça ne sera pas fait à temps. Ma mère et mon père et tout le monde dans le village vont mourir. »
Il y avait un petit garçon qui pleurait et suppliait Helen.
« Comme je l’ai dit, nous n’avons pas d’aventuriers capables de vaincre une vipère noire. Même si nous en appelions un, cela nous amènerait jusqu’à demain. »
« Cependant, ma mère et mon père… »
Le garçon avait éclaté en sanglots.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Yuna. »
Je m’étais dirigée vers le duo.
« Apparemment, une vipère noire est apparue dans le village de ce garçon. »
« Est-ce un serpent ? »
« Oui. Il est plus gros qu’une vipère normale. Si c’est un spécimen hors gabarit, peut-être une centaine de mètres. Il semble que plusieurs des villageois aient été mangés. Ce garçon est monté à un cheval jusqu’à venir en ville, mais même s’il trouvait des aventuriers capables de le vaincre, ils sont en ce moment dehors et ne reviendront pas avant plusieurs jours. »
Une vipère noire, hein ? J’avais regardé le garçon en pleurs.
« Et si je la faisais ? »
Ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à faire de toute façon.
« Voulez-vous vraiment la faire ? Ce n’est pas comme si vous vous promeniez dans le quartier. Les gros spécimens sont des monstres de Rang B. »
« Mais si on ne se dépêche pas, le village sera en danger, non ? »
« Oui, mais… »
« Si c’est dangereux, je m’enfuis, c’est bon. Helen, pourriez-vous au moins préparer les formalités pour appeler les aventuriers ? Je peux au moins gagner du temps. »
« Me prends-tu pour un idiot !? Il n’y a aucune chance que quelqu’un habillé aussi bizarrement que toi puisse vaincre la vipère noire. », cria le garçon.
C’était valable. Normalement, les gens ne penseraient pas qu’une fille en pyjama puisse vaincre un monstre comme ça.
« Uhh, dans ce cas, je vais aller avant les autres et recueillir des informations. »
« Recueillir des informations ? »
« Je vais collecter des informations et les donner aux aventuriers que vous appellerez, Helen. Si on peut déterminer sa taille et son emplacement, ça accélérera les choses, non ? »
Le garçon avait légèrement acquiescé face à mon mensonge improvisé.
« Alors, Helen, où se situe ce village ? »
« C’est à un jour et demi de voyage au sud-est, en supposant que vous ayez un cheval rapide. »
Je me demandais si un jour et demi c’était loin. Je ne savais pas combien d’heures un cheval pouvait courir dans une journée. Évidemment, pas en continue.
« Vous y allez vraiment ? »
« Je n’ai rien de mieux à faire. »
« S’il vous plaît, attendez un moment. Je vais confirmer les choses avec le chef de guilde. »
Helen quitta son siège et se dirigea vers la pièce du chef de guilde. Cependant, le chef de guilde était immédiatement revenu avec elle.
« Vous allez tuer une vipère noire ? »
« Je vais juste vérifier. S’il semble que je puisse le vaincre, je le ferai, et si je ne peux pas, je reviendrai et je rassemblerai des informations que je remettrai aux aventuriers qu’Helen convoquera. »
« Helen, qui sont ces aventuriers ? »
« Ce serait le groupe de rang C la cavalcade du borgne. »
Quel genre de surnom digne de collégiens puérils était cette « cavalcade du borgne » ? Je ne voulais pas qu’on m’appelle comme ça, mais je voulais vraiment les voir. Je me demande s’ils ont un cache-œil.
« La cavalcade du borgne, hein. Je ne serais pas serein si on n’envoyait qu’un seul groupe. Si tu peux prendre des dispositions avec d’autres groupes, fais-le. »
« Compris. »
« Dans ce cas, allons-y, Yuna. »
On dirait que le chef de la guilde avait dit quelque chose de bizarre.
« Allons-y ? »
« J’y vais aussi. J’étais moi-même un aventurier. Je ne vous retiendrai pas. »
Ce n’était pas très rassurant.
« Comment comptez-vous y aller ? »
« Je vais utiliser mon cheval. On devrait pouvoir y arriver demain. »
« Dans ce cas, j’y vais. Ma convocation ne devrait même pas prendre un jour pour arriver. »
« C’est vrai ? »
« J’en ai deux, donc si je les échange, alors oui. »
Mais je n’en étais pas sûre.
« Alors, allez-y. Ne faites rien de ridicule avant que j’arrive. »
« Bien reçu. »
Au moment où j’avais essayé de quitter la guilde, le garçon m’avait arrêtée.
« Attends. Peux-tu m’emmener ? »
« Tu te mettras en travers du chemin. »
« Je te guiderai. Ça devrait te faire gagner du temps. »
Je l’avais examiné. Il avait l’air léger. Je suppose que ce serait bien si je portais le poids d’un enfant supplémentaire.
« OK. On ne fera pas de pause. »
« Ça ne me dérange pas. C’est pour le village. Je ne peux pas attendre ici tout seul. »
« Dans ce cas, on ne peut pas perdre de temps, gamin. »
« Je suis Kai. »
« Je m’appelle Yuna. Allons-y, Kai. »
Nous avions quitté la ville, j’avais alors convoqué Kumayuru. Kai avait été surpris.
« Monte. Ne sommes nous pas pressés ? »
« Mademoiselle, qu’est-ce que c’est ? Et qu’est-ce que c’est que cette tenue ? »
« Ça n’a pas d’importance pour l’instant. Ta famille ne t’attend pas ? »
Kai fit un signe de tête et monta sur Kumayuru. J’étais montée derrière lui.
« Assure-toi de regarder devant toi et de me guider tout au long du chemin. »
Kai fit un signe de tête.
Kumayuru courut, en suivant les indications de Kai. Kumayuru était plus rapide qu’un cheval et avait de l’endurance. Après avoir couru pendant cinq heures, nous étions descendus de notre monture et avions pris le temps de prendre un petit repas.
« Faisons une pause. »
J’avais sorti du pain et du jus de mon entrepôt à ours et je les avais donnés à Kai. Il m’avait remerciée et avait pratiquement englouti le pain.
« À quelle distance sommes-nous ? »
« On est à peu près à mi-chemin, peut-être un peu moins. »
Dans ce cas, nous arriverions dans environ trois heures. Après avoir fini notre repas, nous étions retournés vers Kumakyu. Même si Kai devait être fatigué d’être arrivé en ville à cheval à l’aube, il nous avait guidés patiemment.
« Si nous n’avons pas besoin de changer de direction pendant un moment, tu devrais un peu dormir. »
Kai secoua la tête.
« Ça ira. Je n’en serais pas capable. On va de toute façon perdre du temps si le trajet est un peu dévié. Au début, je pensais qu’une fille habillée bizarrement n’aiderait pas, mais pour pouvoir invoquer des ours comme ceux-là… il faut être un peu spéciale. Peut-être que tu pourras aider tout le monde à s’échapper, même si tu ne peux pas vaincre la vipère noire. C’est pourquoi je veux y arriver rapidement. Même si j’arrive au village, je ne serai pas utile. Je pense que mon rôle est de m’assurer que tu ne te perds pas et que tu arrives correctement au village. »
Kai était bien trop mature. Entre Fina et cet enfant, que se passait-il avec les enfants dans ce monde ?
« Dans ce cas, assure-toi de faire un bon travail en me montrant le chemin. »
« S’il te plaît, sauve tout le monde dans le village, mademoiselle. »
« Je ferai ce que je peux. »
Kumakyu fonça en direction du village.
***
Chapitre 40 : L’ours extermine un serpent
Quelques heures après être passés sur Kumakyu, nous étions retournés sur Kumayuru et avions repris là où nous nous étions arrêtés. Nous avions aperçu le village lorsque le soleil commença à se coucher. Kumayuru avait ralenti lorsque nous avions franchi ses limites extérieures. C’était calme à l’intérieur. Il n’y avait pas un seul bruit, c’était comme une ville fantôme.
L’expression « annihilation totale » nous était venue à l’esprit. Je me sentais un peu mal.
Kai était descendu de Kumayuru et couru dans le village.
« Tout le monde, vous êtes là ? ! C’est moi. C’est Kai. Je suis revenu ! », cria Kai.
Personne n’avait répondu pendant un long moment. La porte d’une maison voisine s’ouvrit.
« C’est toi, Kai ? »
Un homme était sorti de la maison.
« Papa ! Où est maman ? Où sont les autres du village ? »
« Ta mère va bien, mais elle ne peut pas faire grand-chose. Nous n’avons pas eu un repas décent depuis plusieurs jours. »
« Et tous les autres du village ? »
« Ils ne sortiront pas. »
« Pourquoi ? »
« Elle réagit au son. La famille Ermina a essayé de s’enfuir et tout le monde a été mangé. Londo a été mangé quand il est allé chercher de l’eau au puits. Personne ne sort plus, car on pourrait finir par être mangé. »
« Dans ce cas, parler ici ne serait-il pas tout aussi dangereux ? »
« Si, ça l’est. »
« Alors, papa… »
« Mais quelqu’un doit le faire. Pour le bien de Domgol. »
« Domgol ? »
« Quand on t’a fait monter à cheval pour t’aider, Domgol a agi comme un leurre et est mort. »
« Domgol était… »
« Nous avons donc besoin de ton avis et de savoir ce qu’il faut faire maintenant. C’est ce que nous pouvons faire pour le bien de Domgol. »
« Papa… »
« Qu’est-ce que c’est que cet ours ? »
Le père de Kai m’avait regardée.
« Cette fille est une aventurière qui est venue pour recueillir des informations. »
Son expression était devenue amère et déprimante.
« Une fille dans une tenue d’ours, comme si elle… »
« Papa, le chef de la Guilde est sur nos talons. Ils ont dit qu’ils enverraient des aventuriers de rang C après ça. »
Le père de Kai avait l’air soulagé. Eh bien, je supposais que n’importe qui le serait quand il découvrirait que son destin avait été confié à une simple fille en costume d’ours — même des professionnels !
« Quand est-ce que le chef de guilde arrive ? »
« Nous avons pu arriver au village en une demi-journée grâce à sa convocation, mais le chef de guilde a dit qu’il ne pourra être ici que demain. »
« Je vois, alors qu’est-ce que vous allez faire, mademoiselle ? »
« D’abord, je vais rassembler des informations, puis si je le peux, je la tuerai. »
« Les blagues ne sont drôles que si vous pouvez en rire. Si vous pouvez le tuer ? Même pas en rêve », avait-il craché, ayant clairement besoin de se défouler.
« Ce n’est pas vous qui décidez de ça. C’est moi qui décide. Dites-moi tout sur cette vipère noire. »
« On ne sait pas grand-chose. Juste qu’elle vient au village pour manger à la première heure du matin. Elle détruit une maison, et après avoir mangé tout le monde à l’intérieur, elle s’en va. Ensuite, si quelqu’un essaie de s’enfuir, elle le mange. Si vous faites du bruit, vous êtes la première chose qu’elle veut manger. »
« Dans ce cas, je vais aller voir la vipère noire. »
« Si tard dans la nuit ? »
Dans une heure environ, à peu près, le soleil se couchera complètement derrière l’horizon.
« J’y vais parce qu’il est tard. Si je la trouve et que ça se transforme en bataille, vous pouvez m’utiliser comme leurre et vous enfuir. Vous pouvez vous enfuir tant que vous avez un cheval, non ? »
« Non, je ne pense pas que quelqu’un s’enfuira encore. Tout le monde croit qu’ils seront mangés s’ils courent. Et nous n’avons pas assez de chevaux pour que tout le monde au village puisse s’enfuir. »
« De toute façon, je m’en vais. »
« Mademoiselle, fais attention. »
J’avais tapoté la tête de Kai, j’avais sauté sur Kumayuru, et j’étais partie.
Mon détecteur d’ours détecta quelque chose de légèrement différent. Il ne me faudra probablement que quelques minutes pour arriver vu la vitesse de Kumayuru.
Nous avions traversé des plaines vides. La vipère noire que nous recherchions ne tarda pas à apparaître. Dans la faible lumière du soir, j’avais discerné une forme sombre devant moi. J’avais cru que c’était un rocher jusqu’à ce que je remarque les serpentins entassés et enroulés, gros comme un bus.
C’était énorme et apparemment endormi. Je m’étais dit que la victoire revenait à ceux qui frappaient les premiers.
J’étais descendue et j’avais rappelé Kumayuru. Quand j’avais regardé la vipère noire, sa tête s’était relevée. Ses yeux étaient fixés sur moi, sa langue s’était écartée, goûtant l’air. En la voyant éveillée, avec toute sa masse terrible en mouvement, je ne me sentais plus aussi forte.
La vipère se déplaça, réduisant la distance qui nous séparait en un instant. Avant que je ne puisse cligner des yeux, sa bouche avait pris tout mon champ de vision.
J’avais sauté vers la droite. Son corps gigantesque me frôla au passage. Pendant une seconde, j’avais cru que j’étais en sécurité, mais son corps se retourna pour faire un autre passage. Je m’étais immédiatement mise en garde avec ma main d’ours blanc, mais elle m’avait renvoyé en basculant sur le sol.
Vu la distance sur laquelle elle m’avait projetée, je m’attendais à ressentir un impact plus important. Peut-être que la combinaison l’avait atténué ? La vipère ne m’avait pas laissé le temps de spéculer. Elle s’était relevée pour frapper à nouveau.
Je ne pouvais pas sauter hors de sa portée. J’avais lancé un coup à gauche et à droite, mais même lorsque je l’avais esquivée, ses serpentins et sa queue me frappèrent deux, trois fois de suite. Lorsqu’elle bougeait, son corps vomissait un nuage de poussière qui me piquait les yeux et rendait tout obscur. Il faisait nuit noire, il était difficile de distinguer son corps noir dans la nuit.
Il réagissait aux sons. Peut-être que venir le soir était une erreur.
J’avais balayé le nuage de poussière avec un coup de vent.
J’avais lancé mes sorts de combat habituels les quelques fois où elle s’était arrêtée de bouger, mais ils avaient juste fait tomber ses écailles. Elle était trop grosse. La magie d’ours serait excessive. Je pensais pouvoir le vaincre en utilisant l’ours de feu, mais comme la peau semblait être utile pour beaucoup de choses, je voulais éviter si possible de la brûler.
Dans le jeu, la façon dont je vaincrais les choses n’avait pas d’importance. Elles se transformaient toujours en objets. Dans la vraie vie, si vous brûlez quelque chose, vous ne pouvez pas le remettre comme il était. Si vous le coupiez avec une épée, il était détruit. Si vous attaquiez avec de la magie, vous endommagiez les matériaux.
Le feu était hors de question et le vent ne semblait pas plus prometteur. Même avec mes frappes d’air tranchantes, cela faisait couler le sang, mais la blessure se cicatrisait en quelques secondes.
Si je ne peux pas attaquer de l’extérieur, qu’en est-il de l’intérieur ? pensais-je.
J’avais sauté en arrière pour garder une certaine distance. La vipère glissa après moi. J’allais d’un côté à l’autre, en attendant qu’elle ouvre la bouche. Elle n’avait fait que me charger, et elle n’avait pas mordu depuis sa première attaque. Elle n’aurait pas ouvert la bouche si je m’en tenais à cette approche. Peut-être qu’elle le ferait si je sautais ?
J’avais donné un coup de pied au sol et j’avais sauté en l’air. Quand je m’étais échappée vers le ciel, la vipère noire ouvrit la bouche en grand et frappa. À ce moment, j’avais fait apparaître dix ours de feu de la même taille que l’un de mes ours en peluche.
Les mini ours de feu s’étaient rassemblés en une rangée ordonnée devant moi. La bouche de la vipère noire s’était directement approchée. C’était comme si elle me demandait pratiquement de lâcher les ours dans sa gueule. Ils brûlèrent sa longue langue en descendant.
La vipère se tordait de douleur, son corps s’effondrait avec un puissant bruit sourd.
Son corps s’écrasa en secouant le sol, mais au bout d’un moment, ses mouvements s’affaiblirent et elle s’arrêta finalement de bouger.
Entre nous, il y avait une odeur de barbecue de première qualité qui sortait de sa bouche.
« Est-ce que c’est fini ? »
Le détecteur d’ours n’avait pas pu capter son signal. Elle était bien morte.
Vous ne pouviez pas vaincre un monstre avec de la magie normale une fois qu’il était de ce niveau. Est-ce que ça voulait dire que je devais trouver une magie d’ours plus pratique ? Si je continuais comme ça, je finirais par brûler tous les matériaux que je voulais.
J’avais rangé le corps de la vipère dans mon stockage d’ours. Mission accomplie. J’avais fait sortir Kumakyu et j’avais décidé de retourner au village. Kai se tenait à la périphérie.
« Que fais-tu dans un endroit pareil ? »
« Je t’attendais. »
« Tu m’attendais ? »
« Oui, je me disais que si tu revenais en courant ici, je me laisserais d’abord manger et te donnerais le temps de t’échapper », me dit-il avec des yeux fermes et directs. Il ne plaisantait probablement pas.
« Pourquoi ? »
« N’as tu pas apporté des informations sur la façon de vaincre la vipère ? Si tu meurs, ça n’aidera pas Domgol, qui s’est sacrifié pour que je puisse aller chercher de l’aide. »
Comment se fait-il qu’il y ait autant d’enfants tenaces dans ce monde ? J’avais doucement tapoté la tête de Kai.
« Mademoiselle ? »
« C’est bon. J’ai battu la vipère », avais-je dit afin qu’il se sente mieux.
« Hein ? »
« Pourrais-tu appeler tout le monde dans le village ici ? Je vais leur montrer la preuve. »
J’avais souri.
« Recule un peu. »
Une fois qu’il était à distance de sécurité, j’avais sorti la preuve du stockage d’ours.
« Elle est morte ? », me demanda-t-il.
J’avais un peu frappé le cadavre pour lui donner un peu de tranquillité d’esprit. Le corps était resté immobile.
« Elle est vraiment… »
Il avait lentement touché la masse refroidie de la vipère.
« Je vais appeler tout le monde. »
Il avait couru dans le village.
Au bout d’un moment, les villageois étaient sortis de leurs maisons et s’étaient dirigés vers le cadavre.
« L’avez-vous vraiment vaincu ? »
« C’est la vipère noire. »
« Est-elle vraiment morte ? »
Il y avait des gens qui éclatèrent en sanglots à sa vue.
« Est-ce que la fille-ours l’a vaincue ? »
« Merci. »
« Merci beaucoup. »
« Merci, mademoiselle. »
Personne ne se souciait de mon apparence. Le père de Kai était sorti du rang pour me voir.
« Mademoiselle, désolé pour tout à l’heure. Merci, mademoiselle. Vous avez sauvé le village. »
Il avait baissé la tête.
« Vous n’avez pas à vous inquiéter de ça. Personne ne croirait qu’une fille comme moi puisse la vaincre. »
« Si jamais vous avez besoin de quelque chose, dites-le-moi. Si je peux faire quelque chose, je le ferai. Vous m’avez sauvé la vie. »
« Il n’y a rien que je désire vraiment. Vivez juste pour votre garçon intelligent ici. »
Pendant que le père de Kai s’excusait, un aîné était apparu à côté de lui. Ils continuèrent à venir l’un après l’autre. Qui était-ce cette fois ?
« Je suis le chef, Zun. Merci beaucoup d’avoir sauvé le village. »
Il baissa la tête.
« Mais si je l’avais fait un peu plus tôt… »
« Non, nous avons eu des informations de Kai. Vous êtes venue ici immédiatement après l’avoir entendu une fois qu’il a atteint la ville. Que vous soyez venue dans la journée était plus que suffisant. Je m’attendais à ce que cela prenne plusieurs jours. Ne vous inquiétez pas pour ceux qui sont déjà morts, mademoiselle. »
Vraiment, qu’allais-je répondre à cela ?
L’aîné s’était retourné et avait regardé tous les villageois.
« Vous n’avez sans doute pas tous eu un repas décent. Nous sommes en retard, mais faisons un festin. »
À sa voix, les villageois répondirent avec joie.
« Nous ne pouvons pas vous offrir beaucoup d’hospitalité, mais joignez-vous à nous. »
L’aîné s’inclina à nouveau et alla préparer le festin. Les villageois avaient chacun apporté des ingrédients de leur maison, avaient fait un feu au milieu du village et avaient préparé tout un tas de plats. Ils avaient dansé, fait du grabuge, mangé. Ils agirent excessivement toute cette journée pour le bien de ceux qui étaient morts et de ceux qui vivaient encore.
Pendant que je regardais les villageois, ils vinrent vers moi l’un après l’autre avec de la nourriture et plus de gratitude. Mon apparence devait sembler spectaculaire pour les enfants, vu qu’ils ne pouvaient pas me lâcher. Je voyais sans cesse les parents les arrêter.
La fête continua jusque tard dans la nuit. J’avais fini par rester chez l’aîné.
***
Chapitre 41 : L’ours met fin à l’extermination du serpent et retourne en ville
Le lendemain, je m’étais réveillée tôt le matin.
Le plafond était différent. Je m’étais souvenue que j’avais passé la nuit chez le chef du village. Quand je m’étais réveillée et que je m’étais levée, j’avais entendu de l’activité dans la pièce à côté de moi. L’aîné semblait déjà être réveillé. Je m’étais dirigée vers lui pour le saluer.
« Bonjour. »
« Je ne vous ai pas réveillé, hein ? »
« Non. »
« Je vais nous préparer quelque chose de simple pour le petit déjeuner, alors attendez s’il vous plaît. »
J’avais attendu distraitement. Il apporta finalement mon repas. Il y avait du pain, des légumes… et des œufs ?
« Servez-vous. J’espère que c’est à votre goût. »
« Hum, qu’est-ce que c’est ? »
J’avais pointé l’œuf au plat.
« C’est un œuf kokkeko. Le père de Kai est allé en chercher à la première heure du matin. Il a dit qu’il voulait que vous le mangiez. »
« Euh, merci », avais-je dit.
J’avais ensuite entaillé le pain avec le couteau, mis des légumes et l’œuf entre les deux, et j’avais mangé.
« C’est bon. »
« Je suis content. Je suis sûr que le père de Kai sera aussi content après qu’il soit allé le chercher. »
Une fois le petit déjeuner terminé, j’avais décidé de suivre ce nouveau développement.
« Vous pouvez donc ramasser des œufs de kokkeko dans ce village ? »
« Oui, nous le pouvons. Si on y va assez tôt, on peut les trouver fraîchement pondus. »
« À quoi ressemble un oiseau kokkeko ? »
« Il ne peut pas voler très haut, alors il fait son nid dans les buissons. Ils sont aussi très rapides à la course. »
Est-ce un poulet ?
« Je crois que nous avons encore des œufs de kokkeko et des kokkekos de la collecte de ce matin, voulez-vous les ramener à la maison ? »
« Pourrais-je vraiment ? »
J’étais très heureuse.
« Bien sûr. Ce village vous doit sa vie. Nous n’avons rien pour vous payer, c’est vraiment le moins que l’on puisse faire. »
J’avais obtenu des œufs et des poulets !
Le petit déjeuner terminé, j’avais commencé à me préparer à partir.
« Allez-vous vraiment rentrer chez vous ? »
« Je dois après tout faire un rapport à la guilde. »
Quand j’avais quitté la maison du chef du village, Kai était venu.
« Mademoiselle, tu rentres chez toi ? »
« Le chef de la guilde et les aventuriers doivent venir ici, donc si je ne leur fais pas mon rapport, ça va leur causer des problèmes. »
En sortant, j’avais ramassé trois kokkekos et une dizaine d’œufs chez le père de Kai. Peu importe comment les gens les appelaient, c’était manifestement des poulets. C’était peut-être la partie la plus heureuse du travail cette fois-ci.
C’était une petite échappatoire, mais j’avais décidé de revenir.
J’avais convoqué Kumayuru, puis nous nous étions dirigés vers Crimonia, en écoutant s’effacer lentement au loin le son de mes hôtes qui me remerciaient en criant.
Plusieurs heures plus tard, nous avions repéré quelqu’un qui se dirigeait vers nous. Soupçonnant que c’était le chef de guilde, j’avais demandé à Kumayuru de ralentir.
« Est-ce vous, Yuna ? ! »
Le chef de guilde arrêta son cheval.
« Qu’est-ce que vous faites ici ? Le village n’a pas été anéanti, hein ? »
« J’ai vaincu la vipère noire. »
« … Euh, pardon, vous pouvez répéter ? »
« J’ai vaincu la vipère noire », avais-je répété.
« Vous plaisantez. »
Toute cette conversation était pénible, j’avais sorti le corps de mon stockage d’ours et je l’avais étalé devant lui.
« Alors vous l’avez vraiment vaincu toute seule. Il n’était endommagé nulle part. »
« Il a une peau très résistante, mais comme je m’y attendais ses organes internes géraient mal les boules de feu. »
« Vous dites ça comme si c’était facile… » dit le chef de guilde, en regardant dans la bouche de la vipère.
« C’est vrai. Je suis étonné que le sort ait atteint une telle profondeur. La gorge fait quoi, deux mètres de large ? Je m’attendrais à ce qu’un sort de feu explose dans sa bouche. »
Je ne pouvais pas lui dire que mes boules de feu en forme d’ours avaient traversé son tube digestif.
« De toute façon, je l’ai tué. Si nous n’avons aucune utilité à aller au village, alors retournons en ville. »
Nous étions repartis cette fois-ci tous les deux en direction de Crimonia.
« Je vous demande pardon, mais mon cheval ne peut pas suivre le rythme de votre ours. Pourriez-vous ralentir ? J’ai des questions. »
Je lui avais raconté ce qui s’était passé au village.
« C’était assez imprudent de votre part. »
Avec l’équipement d’ours, je pouvais me permettre de l’être.
On fit une courte halte, et quand on avait repris le chemin du retour, j’avais laissé Kumayuru y aller doucement. Nos deux montures méritaient une pause, et je n’étais pas du tout pressée.
Nous étions rentrés en ville le lendemain et étions allés directement à la guilde. Helen nous avait vus et avait fondu en larmes.
« Yuna, maître de guilde… pourquoi êtes-vous ici ? Est-ce que le village… ? »
« Helen, c’est bon. La vipère noire a été vaincue », expliqua le maître de guilde.
« Vraiment !? »
Helen essuya ses larmes.
« Oui, c’est vrai, alors calme-toi. Pourquoi étais-tu si inquiète ? »
« Un Rang C est revenu blessé, et j’avais tellement de mal à joindre les aventuriers au-dessus du Rang C. J’aurais dû m’attendre à ce que tu sois capable de gérer ça, chef de guilde. »
Helen regarda le chef de guilde avec respect.
« Je ne l’ai pas fait. C’est Yuna qui l’a fait, seule. »
« Quoi… ? »
Helen avait lentement regardé dans ma direction. Ne me regarde pas avec les yeux aussi grands, pensai-je. C’est gênant.
« J’ai ressenti la même chose, mais c’est vrai. »
Elle n’avait pas l’air rassurée.
« Très bien, Yuna, il se fait tard. Je déteste vous demander de faire ça, mais pourriez-vous repasser demain ? Nous devons écrire le rapport sur cette affaire et inventorier les matériaux de la vipère. »
« Quand ? »
« Le plus tôt serait mieux, mais je suis sûr que vous êtes aussi fatiguée. Je laisse l’horaire à votre convenance. »
« Compris. »
J’avais ensuite quitté la guilde des aventuriers.
***
Chapitre 42 : L’ours se rend à l’orphelinat
Grâce au côté blanc du pyjama d’ours, je m’étais réveillée en pleine forme. J’avais sorti quelques œufs du stockage d’ours et j’avais fait un sandwich aux œufs frits. J’avais ressenti une autre envie de riz, de sauce soja et de miso. J’étais si proche d’un petit déjeuner japonais, et pourtant si éloigné.
Le chef de la guilde m’avait appelée, mais comme il n’avait pas précisé d’heure, j’avais pris tranquillement mon petit-déjeuner avant de partir. Dès que j’étais arrivée à la guilde, un employé m’avait conduite au bureau du chef de guilde.
« Vous êtes ici plus tôt que prévu. »
« Je me suis endormie directement hier. Mais n’êtes-vous pas aussi en avance? »
Il travaillait déjà.
« J’ai passé toute la nuit ici à rattraper mon retard et à gérer cette vipère noire. »
« La gestion de la vipère noire ? »
« On a eu beaucoup d’offres pour le matériel maintenant que tout le monde est au courant. »
« Mais je n’ai pas encore décidé si j’allais le vendre. »
« Je sais, mais je ne pouvais pas leur dire ça. Les marchands et les armuriers vous traqueraient jusqu’au bout du monde. »
« Est-ce vraiment si populaire ? »
« Eh bien, la peau fait une excellente armure : elle est solide, elle est légère et elle absorbe le mana comme une éponge. Il y a des tonnes d’aventuriers qui en voudraient. La viande est elle aussi un délice. Vous pouvez être abattu rien que pour obtenir un de ces morceaux. Vous pouvez aussi utiliser les crocs à toutes sortes de fins, et selon la taille du spécimen, il y a une chance qu’il ait une gemme de mana de rang B. En d’autres termes, n’importe qui voudrait ces matériaux. »
« Vous dites que je dois la vendre ? »
« Que vous le vendiez ou non, c’est votre prérogative. Mais, si vous ne le faites pas… »
« Les gens vont de toute façon m’embêter à ce sujet ? »
« Exactement. Au nom de la guilde, je préfère que vous nous le vendiez directement plutôt que de le donner à quelqu’un d’autre. »
« Ça ne me dérange pas de le vendre, mais je garderais la gemme de mana et certains matériaux. »
Je ne savais pas quand la gemme de mana pourrait être utile.
« Oui, ça ne me dérange pas. Ce serait rassurant pour moi si vous nous laissiez avoir la peau et la viande. »
« Alors, où dois-je le faire dépecer ? Ce serait impossible dans l’entrepôt, pas vrai ? »
Le chef de la Guilde avait l’air pensif, puis troublé.
« Il faut le faire dehors. »
« Dehors ? »
« Personne ne se plaindra si on le faisait dehors, pas vrai ? Désolée de vous le demander si tôt, mais pourriez-vous vous occuper de déplacer le corps ? »
« Bien sûr. »
Le chef de guilde et moi avions quitté la pièce.
« Helen, rassemble les employés qui peuvent dépecer et trouve le minimum de personnel dont nous avons besoin pour faire fonctionner l’entrepôt. »
Helen s’était mise à courir et elle rassembla une dizaine de personnes au total, dont Gentz et Fina.
« J’ai pensé que nous aurions besoin de plus de mains », expliqua Gentz, détectant ma surprise de voir Fina.
Les dépeceurs et moi avions marché en procession depuis la guilde jusqu’à la porte, et de là jusqu’à un endroit qui ne bloquerait pas la circulation.
« Cela devrait faire l’affaire. »
Avec l’accord du chef de guilde, j’avais sorti la vipère noire du stockage d’ours. Les dépeceurs avaient laissé échapper un soupir collectif.
« C’est énorme. »
« Est-ce que la fille ours a vraiment battu ce truc ? »
« Je n’arrive pas à croire que ce truc ait pu rentrer dans son sac sans fond. »
« Crois-tu qu’on puisse finir ça aujourd’hui ? »
« Vous tous, le travail ne sera pas terminé si vous ne faites juste que regarder. Une fois que vous avez fini, apportez les pièces à l’entrepôt frigorifique. Donnez la priorité à la viande : nous serons perdants si un morceau pourrit. La peau peut être traitée en dernier. »
Les dépeceurs exprimèrent leur accord.
« Alors, Yuna, qu’est-ce que vous allez faire ? »
« Moi ? »
« Allez-vous regarder ou rentrer chez vous ? »
« Puis-je rentrer chez moi ? »
Si je le pouvais, je le ferais. Je n’avais pas envie de regarder quelqu’un éventrer un serpent.
« Oui, ça ne nous dérangera pas. On va apporter les matériaux récoltés à la guilde. Vous pouvez décider quelles portions vous voulez conserver. »
« Je suppose que je vais rentrer chez moi. Quand pensez-vous que ce sera fini ? »
« Aucune idée. J’enverrai quelqu’un chez vous quand ce sera fini. »
« Dans ce cas, demandez à Fina de le faire, il n’y aura pas de tracas supplémentaire si je la faisais entrer. »
« Compris. »
Comme rentrer directement à la maison n’aurait pas été amusant, j’avais décidé d’aller déjeuner sur la place. Je m’étais dit que je pourrais me rafraîchir un peu avant de rentrer chez moi. De toute façon, ce que j’aurais eu ne refroidirait pas dans mon entrepôt à ours. En cherchant de la bouffe sur la place, j’avais vu des enfants qui avaient l’air de manger dans un coin à l’écart.
Je m’étais dirigée vers un étal voisin qui vendait des brochettes de loup.
« Oh, ma petite ours, tu es revenue. Mais tu es en avance aujourd’hui. »
J’étais une habituée. J’avais commandé un kebab tout en demandant des nouvelles sur ces enfants.
« Ah, ils sont de l’orphelinat. Ils viennent de temps en temps. »
« Pour quoi faire ? »
« Ils attendent les restes des clients. »
« Pour les restes… »
« Ils les cherchent. Cela ne nous dérange pas puisque c’est déjà payé, mais c’est quand même dommage de devoir en arriver là. »
Je les avais regardés à nouveau. Le plus jeune semblait avoir cinq ans, et je ne pensais pas qu’aucun d’entre eux n’avait plus de douze ans.
« Monsieur, vingt kebabs s’il vous plaît. »
« Ne vous donnez pas la peine de faire ça. Vous pouvez les nourrir aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il demain ? Si vous ne pouvez pas les aider, mieux vaut les laisser tranquilles », dit l’homme.
J’avais compris ce qu’il voulait dire. S’ils étaient adultes, je les ignorerais, mais je ne pouvais pas ignorer les enfants.
« L’orphelinat ne reçoit-il pas d’argent de la ville ? »
Ce serait bizarre s’ils ne recevaient pas de soutien public.
« Aucune idée. Ils pourraient tirer des seaux d’argent, ils pourraient recevoir une somme dérisoire. Je n’ai jamais demandé. À première vue, je ne pense pas qu’il en reçoive énormément. »
Cliff semblait être un bon seigneur, mais mon opinion sur lui avait plongé à ce moment. J’avais redemandé mes vingt kebabs.
« N’allez pas vous plaindre que je ne vous l’ai pas dit. »
J’avais pris ma commande et je m’étais rendue à l’endroit où les enfants étaient rassemblés. Ils me regardèrent de près.
« Prenez-en une chacun. »
Elles en prirent une chacun avec des regards confus.
« On peut les manger ? » m’avait demandé une fille, intimidée.
« Elles sont chaudes, alors ne les engloutissez pas. »
Je lui avais tendu une brochette, qu’elle avait immédiatement dévorée. Les autres enfants avaient pris ça comme un signal pour y aller.
« Mademoiselle, merci », m’avait-elle dit.
Bien sûr, je ne pouvais pas en rester là.
« Pourrais-tu me conduire à l’orphelinat ? » avais-je demandé à la fille.
La fille pencha la tête comme si elle n’avait pas compris ce que je disais.
« Tu dois avoir faim. Tu veux probablement plus de nourriture, non ? Pourrais-tu m’emmener à l’orphelinat ? J’ai un peu de viande, alors mangeons tous ensemble. »
Elle fit un léger signe de tête.
« Par ici. »
Les autres enfants hésitèrent un moment après son départ, puis finirent par venir avec nous.
La promenade nous avait conduits jusqu’à la périphérie de la ville, ce qui semblait un peu trop pour un enfant. L’orphelinat n’était qu’un bâtiment isolé, à l’écart de tout le reste. Les murs étaient fissurés, et ici et là, je pouvais distinguer un trou qui traversait toute la façade. Le plafond ne devait pas être dans un meilleur état.
Il est donc en si mauvais état ? pensais-je.
Je n’aurais jamais dû donner cette épée à Cliff. Il avait du travail à faire avant de flatter le roi. Il aurait peut-être été préférable que je finance moi-même l’orphelinat avec les bénéfices de la vente de l’épée.
Alors que nous approchions, une femme âgée était sortie de la maison.
« Qui êtes-vous ? Je suis Bo, la directrice. »
« Je suis Yuna, une aventurière. J’ai vu ces enfants sur la place centrale. »
« Sur la place centrale… vous y êtes encore allée ? »
La directrice jeta un regard significatif aux enfants, ceux-ci s’étaient excusés, les uns après les autres.
« C’est bon. C’est après tout de ma faute si je ne peux pas vous fournir de repas. Ces enfants vous ont-ils fait du tort ? »
« Non, on aurait dit qu’ils avaient faim. »
« Je suis désolée. Hum, bien que ce soit gênant, nous avons peu de choses à manger », dit la directrice.
Elle traînait les pieds, incapable de me regarder dans les yeux.
« Vous ne recevez pas de financement de la ville ? »
« Depuis l’année dernière, nous recevons de moins en moins chaque mois. Nous n’avons plus rien reçu depuis environ trois mois. »
« On ne vous a plus rien donné… »
Ce seigneur…
« Oui, ils ont dit qu’ils n’avaient pas d’argent à nous consacrer. »
« Alors, comment avez-vous mangé ? »
« Nous ramassons les produits endommagés que les auberges, les restaurants et les vendeurs de fruits et légumes ne peuvent pas vendre aux clients. »
Ce Cliff…
J’avais senti la colère monter en moi.
« Mais nous n’en avons pas encore assez, alors ces enfants vont sur la place centrale… »
« Directrice, je vous donnerai les ingrédients, alors assurez-vous que ces enfants mangent à leur faim. »
Je leur avais demandé de m’emmener à la cuisine. J’avais sorti un morceau de viande de loup que Fina avait préparé pour moi de mon stockage d’ours. Comme il ne serait pas très sain de ne manger que de la viande, j’avais aussi sorti le pain que j’avais stocké et un baril de jus d’orange.
« Hum, Yuna… »
« Aidez-moi un peu, madame la directrice. En fait, avant cela, êtes-vous la seule instructrice ici ? »
« Non, il y a aussi une fille qui s’appelle Liz, mais elle est partie réapprovisionner le garde-manger. »
Nous avions cuisiné la viande de loup, tranché le pain et fait un set avec le jus d’orange, en en garnissant la table.
« Il y en a assez pour vous tous, alors ne vous pressez pas. »
« Tout le monde, s’il vous plaît, remerciez Yuna. »
Les enfants avaient commencé à manger au signal de la directrice. Ils avaient mangé comme s’ils se battaient tous et avaient souri comme des fous tout le temps.
« Yuna, merci beaucoup. Cela fait si longtemps que les enfants n’ont pas souri. »
« J’ai encore de la viande de loup, alors s’il n’y en a pas assez, cuisinez-en d’autres. »
« Merci beaucoup. »
J’avais regardé les enfants manger pendant un moment, puis je m’étais excusée. Plusieurs enfants m’avaient remarquée et m’avaient suivie.
« Oursonne, où vas-tu ? »
« Je pensais à réparer ta maison. Il doit y avoir des courants d’air. »
J’avais vérifié les fissures et les trous, en les réparant avec des sorts de terre au fur et à mesure.
« C’est incroyable, petite oursonne. »
« Pourrais-tu me montrer ce que j’ai oublié ? »
Ils sauraient mieux que moi ce qu’il fallait réparer. J’avais suivi leur exemple, puis j’avais vérifié le toit. Je ne savais pas où se trouveraient les fuites, alors j’avais recouvert le tout d’une fine couche de terre. Une fois cette tâche accomplie, j’étais passée à la réparation des murs intérieurs. Finalement, la directrice m’avait demandé ce que je faisais, je lui avais donc donné la même explication qu’aux enfants.
Quand j’étais passée à la chambre, j’avais remarqué qu’un effort avait été fait pour la séparer en un côté garçon et un côté fille, mais elle ne contenait que des structures de lit.
Chaque lit était drapé d’une petite serviette fine. Est-ce censé être leur couverture ? Pensais-je. Il devait faire froid.
J’avais fait un rapide calcul. L’orphelinat était censé subvenir aux besoins de vingt-trois personnes. J’avais sorti trente peaux de loup et les avais remises à la directrice.
« Yuna ? »
« S’il vous plaît, donnez-les aux enfants. Il y en a aussi pour vous, et même d’avantage. »
J’étais allée dans chaque pièce et j’avais fini de réparer les murs.
Quand j’étais revenue dans la salle à manger, ils avaient tous fini de manger. Bizarrement, personne n’avait touché les restes de viande de loup.
« Vous n’avez pas mangé ça ? »
« Oui. Si vous pouvez nous les laisser, j’aimerais distribuer ça demain. Les enfants ont dit qu’ils préféreraient le manger demain plutôt qu’aujourd’hui. »
« Oh, désolée. J’ai oublié de vous dire que je vais en laisser pour plusieurs jours afin que vous puissiez manger. »
J’avais sorti plus de viande de loup et de pain du stockage d’ours.
S’ils en avaient autant, ça durerait probablement quelques jours.
« Hum, pourquoi faites-vous tout ça pour nous ? »
« Si un adulte ne travaillant pas ne peut pas manger, c’est lui le fautif. Mais si un enfant ne peut pas manger, ce n’est pas de sa faute, mais c’est la faute de l’adulte. S’ils n’ont pas de parents, les adultes autour d’eux peuvent les aider. Cela fait de nous des alliés. »
« Merci beaucoup. »
« Je connais un peu le seigneur local, alors je lui dirai de vous donner des fonds. »
En plus, si je ne lui disais pas un mot, je me sentirais mal à l’aise avec moi-même.
« S’il vous plaît, ne faites pas ça. »
« Pourquoi ? »
« Le seigneur nous laisse vivre ici sans loyer. Si nous le mettons en colère et qu’il nous met à la porte, nous n’aurons nulle part où aller. »
« Le seigneur est-il si terrible ? »
« Je ne dirais pas vraiment ça… »
« Mais vous n’obtenez pas de financement. »
« Nous sommes quand même reconnaissants d’avoir un endroit pour vivre. »
Cliff était vraiment mauvais. Je m’étais dit que je préférais le frapper plutôt que de lui parler.
« De toute façon, je vais rentrer chez moi. »
« Oui, euh, merci beaucoup. »
« Tu rentres à la maison, fille ourse ? »
Les enfants s’étaient réunis.
« Je reviendrai. »
J’avais donné une tape sur la tête aux enfants.
« Vous avez mis Yuna dans une situation difficile. Tout le monde, dites merci. »
« Merci, petite ourse. »
« Merci. »
Les enfants sourirent, j’étais contente qu’ils soient de bonne humeur.
***
Chapitre 43 : L’ours se mobilise en faveur de l’orphelinat
J’étais retournée à la maison ours et j’avais réfléchi aux trois besoins de première nécessité de l’orphelinat. Les vêtements pouvaient attendre, la nourriture redeviendrait un problème dans quelques jours et ils étaient bien à l’abri pendant un certain temps.
Le plus gros problème était sans aucun doute la nourriture. Comme le disait le vendeur de l’étal, je ne pouvais pas les réapprovisionner tous les jours, mais je ne pouvais pas non plus reprendre ce que j’offrais. Pendant que j’y réfléchissais, j’entendis frapper à la porte. Fina m’avait appelée.
« Fina, tu as fini de dépecer ? »
« Oui, et le chef de guilde t’appelle. »
Comme je n’avançais pas avec l’orphelinat, j’étais allée à la guilde avec Fina à mes côtés.
« Oh, vous êtes là », le chef de guilde lui-même m’avait accueillie.
« Alors, comment va la vipère noire ? »
« Très bien, on l’a mise en chambre froide. »
Nous étions entrés pour regarder, la masse de peau, de viande et de crocs était empilée comme une montagne.
« Combien la guilde en voudrait-elle ? »
« On en aura jamais assez. »
« Pourquoi pas la moitié ? »
« Un peu plus. »
« Et si j’en prenais un tiers ? »
« Hmm, je suppose que ce serait bien. »
Le chef de la Guilde signa les papiers, j’avais mis ma part garantie dans le stockage d’ours.
« Voici la gemme de mana. En fait, j’aurais préféré que vous vendiez ça aussi. »
Comme vous aviez besoin de pierres de mana pour faire une tonne de choses, je les avais gardées pour moi dernièrement. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire avec celle-ci, mais je n’avais pas l’intention de la vendre.
« Vu la quantité, il faudra un certain temps pour vous payer. »
« Je suis d’accord pour l’avoir à n’importe quel moment. »
Quand j’étais partie, le soleil commençait à se coucher. J’étais allée directement à la maison ours, j’avais fini de dîner et de prendre mon bain, et je m’étais couchée sur mon lit.
Je n’arrivais pas à trouver un moyen d’aider l’orphelinat avec les matériaux que j’avais de la vipère noire. Je pourrais tout vendre et leur faire parvenir l’argent, mais ce serait tout.
J’avais affiché mon écran de statut. Dernièrement, je n’avais combattu que des monstres de bas niveau, je n’avais donc pas augmenté les niveaux. La vipère noire avait dû me faire passer au prochain. Donc, j’avais monté d’un niveau et acquis une nouvelle compétence.
Porte de téléportation d’ours
En installant une porte, on peut se déplacer entre les portes.
Lorsque plus de trois portes sont en place, on peut se rendre à un endroit précis en le visualisant.
Cette porte ne peut être ouverte qu’avec la main d’ours.
Oooh, je me suis dit, enfin quelque chose d’utile.
Il faudrait quand même que je les installe. Ça aurait été super pratique si j’avais pu imaginer un endroit dans ma tête et m’y rendre. Mais c’était plus qu’utile, alors j’étais reconnaissante. Je voulais l’essayer tout de suite, je m’étais donc levée de mon lit et j’avais installé un portail dans ma chambre. Une double porte avec des reliefs d’ours s’était installée dans le mur nu. C’était beaucoup plus grand que ce à quoi je m’attendais, assez large pour que Kumayuru et Kumakyu puissent passer sans problème. Je m’étais dirigée vers une chambre au premier étage, j’avais installé une deuxième porte et je l’avais ouverte sur ma chambre à l’étage.
Si je devais installer des portes à l’extérieur, je devais trouver des endroits où les mettre que je ne regretterais pas. Ce n’était pas comme si elles allaient disparaître après avoir utilisé cette compétence. Je devais tenir compte des moments où je revenais couverte de saleté, ou si je voyageais avec mes ours. Il y avait beaucoup plus d’inconvénients à considérer que ce à quoi je m’attendais. Je n’aurais pas eu à me préoccuper autant de la logistique s’il ne s’agissait que de téléportation, et ça aurait été bien de pouvoir se défaire des combats, mais bon.
Quoi qu’il en soit, j’avais démonté la porte de transport des ours, en pensant au moment où Fina passerait.
Hmm, pensais-je. La porte de téléportation d’ours, c’est vraiment un nom imprononçable. Peut-être que je devrais nommer ça porte ours, alors ?
Pendant un moment, j’avais senti un frisson. J’avais peut-être attrapé un rhume. J’avais décidé de laisser le nom pour plus tard et je m’étais couchée tôt.
Ce matin-là, j’avais préparé un autre sandwich aux œufs au plat et aux légumes pour le petit déjeuner. Alors que je grignotais le pain, le dieu des bonnes idées m’avait bénie.
C’est bon, pensais-je, je pourrais verrouiller ça. J’avais pris une bouchée décisive.
Des œufs. Si je pouvais juste produire des œufs et les vendre…
Après le petit déjeuner, je m’étais rendue à la guilde des marchands. J’avais l’impression qu’il y avait beaucoup plus de monde que lorsque j’y étais allée auparavant. Non, il y avait vraiment beaucoup plus de monde qu’avant. Ils inondaient l’entrée. Je me demandais si je pouvais entrer, avec toute cette agitation.
En attendant que l’agitation se dissipe, j’avais entendu des bavardages familiers.
« C’est l’ours. »
« Tu ne veux pas dire cet ours ? »
« L’ours de la vipère noire. »
Quand je fis un pas en avant, un chemin s’était ouvert pour moi. C’était presque comme si Moïse avait séparé la mer rouge. J’étais entrée sans hésitation et j’avais cherché Milaine, qui m’avait aidée la dernière fois. Je l’avais repérée, mais on aurait dit qu’elle était occupée avec quelqu’un d’autre. Juste au moment où je commençais à m’en plaindre en silence, elle avait fini par me remarquer.
« Yuna ! Qu’est-ce qui se passe ? », cria-t-elle
« Il y a quelque chose que je voulais vous demander, Milaine. »
J’avais regardé la queue des gens qui attendaient devant son guichet. Je m’étais demandé si elle avait même le droit de me parler.
« Je vais vous écouter. »
« Vous êtes sûre ? »
« C’est bon. Je vais échanger avec quelqu’un. On va parler maintenant. »
Les gens qui faisaient la queue me lançaient des regards effrayants. On ne pouvait rien y faire puisque j’avais coupé la file, mais ce n’était pas ma faute, d’accord ? Milaine fit signe à un employé de prendre sa place et m’emmena dans une autre pièce.
« C’est un peu bondé ici. S’est-il passé quelque chose ? »
« Et c’est vous qui osez me dire cela ? »
Elle m’avait regardée avec exaspération.
« … ? »
Comment pouvais-je savoir ce qui se passait à la guilde des commerçants ?
« Ahh… »
Pourquoi soupirait-elle ?
« On dirait que vous êtes sérieuse. Tout le monde est là pour acheter les matériaux de la vipère noire que vous avez tuée. C’est une maison de fous depuis hier. Nous n’en avons pas beaucoup, mais tout le monde en veut des tonnes. »
« Vraiment ? »
« La peau et les crocs sont assez populaires. La viande est aussi de haute qualité, donc il y a des marchands qui l’apportent à la capitale royale pour la vendre. »
« Est-ce que c’est vraiment si populaire ? »
« Oui, et c’est grâce à vous. Nous avons fait un max de profit grâce à vous. »
Elle avait légèrement baissé la tête.
« Alors, qu’est-ce que vous vouliez demander ? Je vais aller jusqu’au bout si vous avez besoin de quelque chose. »
J’étais reconnaissante pour cela. Je n’avais pas hésité à le lui demander.
« Il y a un orphelinat, correct ? »
« Vous parlez bien de celui qui est à la périphérie de la ville ? »
« Oui. Pourriez-vous me vendre le terrain près de là ? »
« Le terrain près de l’orphelinat ? Je vais aller voir quelques trucs, alors donnez-moi un moment s’il vous plaît. »
Milaine quittait la pièce et revint avec des documents en un clin d’œil, comme d’habitude.
« Oui, ça devrait aller. Personne n’utilise cette terre. »
« Les gens ne peuvent pas l’utiliser à cause de l’orphelinat ? »
« Pour le dire peut-être trop crûment, ce sont des enfants sans éducation. Même si quelqu’un voulait construire quelque chose, ils craindraient qu’ils ne causent des problèmes. Et comme c’est à la périphérie de la ville, il n’y a pas beaucoup de gens qui voudront de ce terrain tel qu’il l’est. »
Je supposais que certaines personnes envisageraient que le fait d’avoir des enfants sales autour d’eux plomberait l’ambiance.
« Alors, ça veut dire que je peux l’acheter, non ? »
« Oui, il n’y a pas de problème avec ça. »
« Dans ce cas, vendez-moi une partie de cette terre. »
« Pardonnez-moi, mais à quoi comptez-vous l’utiliser ? »
« Hmmm, c’est un secret. »
« Un secret ? »
« Vu que je ne suis pas encore sûre de réussir. »
J’avais payé le montant qu’elle m’avait indiqué et j’avais reçu l’acte de propriété du terrain autour de l’orphelinat. J’étais retournée à la maison ours et j’avais installé une porte de transport dans l’entrepôt. Une fois que j’avais installé ce portail, j’avais quitté la ville et j’avais convoqué Kumayuru. Si j’y allais maintenant, je pourrais y arriver avant la fin de la journée.
J’étais retournée à la ville où j’avais battu la vipère noire. C’était un voyage plus rapide avec un seul passager. Je m’en étais voulu de ne pas avoir vérifié mon statut avant de partir la première fois. J’aurais pu m’épargner cette peine aujourd’hui et installer la porte de ce côté, non pas qu’il soit utile de se plaindre maintenant.
Cette fois, je n’étais pas allée au village, j’étais allée dans les montagnes un peu plus loin. Il n’y avait plus de lumière du jour.
« Je me demande s’il y a un bon endroit. »
Après quelques minutes de recherche, j’avais trouvé l’endroit parfait sous une falaise.
Peut-être que ça marcherait ? pensais-je. Personne ne passerait probablement par ici.
J’avais descendu la falaise et j’avais creusé un tunnel. Je l’avais fait assez large pour que Kumayuru et Kumakyu puissent y entrer et j’avais creusé une grotte à l’arrière. J’avais fabriqué deux lampes à ours pour pouvoir continuer à travailler dans l’obscurité.
J’avais décidé de laisser les détails pour un jour ultérieur, j’avais bloqué l’entrée avec un sort de terre et j’avais installé une porte de transport.
« Je suis chez moi. »
J’étais ainsi instantanément de retour à l’entrepôt de la maison ours. C’était vraiment une compétence pratique à avoir.
***
Chapitre 44 : L’ours élève des oiseaux
Dans la matinée du lendemain, j’avais pris la porte de transport d’ours me menant au village. Quand j’étais arrivée, un villageois m’avait vue arriver et était venu me voir.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Je veux rencontrer le chef du village, si ça ne vous dérange pas. »
« Oui, je pense que ça devrait aller. »
Le villageois m’avait poliment guidée jusqu’à la maison du chef du village.
« Oh, si ce n’est pas Yuna. Qu’est-ce qui vous amène ici ? », dit le chef du village, en me saluant avec un sourire.
« Bonjour. J’ai juste besoin d’une petite faveur… »
« J’écouterai toutes les faveurs que vous aurez à me demander. »
« Alors, à propos du kokekko que vous avez eu la gentillesse de me donner l’autre jour… est-il possible d’attraper des vivants ? »
« Vous les voulez vivants ? Si nous mettons en place un piège, je pense qu’il devrait être relativement facile d’en attraper un. »
« Dans ce cas, pourriez-vous en attraper pour moi ? Je veux les œufs, donc j’aimerais vraiment des poules, si vous pouvez en avoir. »
« Qu’est-ce qu’une faveur pour celle qui a sauvé notre village ? Combien en voulez-vous ? »
« Plus il y en a, mieux c’est, mais je ne veux pas réduire les réserves de nourriture du village, alors si vous pouviez en avoir autant que cela n’affectera pas le village. »
« Compris. Bien, alors, nous allons faire sortir tous ceux qui sont libres dans le village pour les capturer immédiatement. »
« Merci. »
Si je pouvais mettre la main sur un kokekko vivant, alors j’aurais des œufs frais.
« Alors, que voulez-vous faire en attendant ? »
« Combien de temps pensez-vous que ça va prendre ? »
« Voyons voir, je pense qu’on devrait pouvoir en capturer quelques-uns d’ici l’après-midi. »
« Dans ce cas, je serai de retour cet après-midi. J’ai d’autres courses à faire dans les montagnes. »
Un pas de plus avait été franchi dans ma liste de choses à faire, j’étais retournée à la grotte où se trouvait la porte de transport.
Quand j’étais revenue à la grotte, j’avais neutralisé temporairement le portail de ce côté. Avec un peu de magie de la terre appliquée généreusement, j’avais élargi la grotte et j’avais installé une maison d’un étage en forme de louveteau avec une cuisine, des toilettes, une salle de bain et une chambre personnelle, et j’avais éclairé le tout avec des pierres précieuses de mana. Pour finir, j’avais installé un portail de transport d’ours juste à côté de l’entrée de la maison oursons. Base numéro une complète.
Quand j’étais revenue au village, ils avaient une vingtaine de kokekkos attachés pour moi. C’était plus que ce que j’avais espéré.
« Vous êtes sûr que je peux en avoir autant ? »
« La prochaine série de poussins grandira vite, et on n’a pas vraiment de monstres ici, donc c’est un environnement idéal pour eux. Prenez-les et ne vous inquiétez pas. »
Je suppose que la vipère noire a fait tout ce chemin jusqu’à un village humain parce qu’elle ne trouvait pas de monstres à manger ? pensais-je.
J’avais demandé aux villageois d’attacher les kokekkos sur Kumayuru et Kumakyu pour que les oiseaux ne tombent pas. Ça aurait été bien si je pouvais transporter des cargaisons vivantes dans mon stockage d’ours, mais je devais juste m’en accommoder.
« Vous rentrez vraiment en ce moment ? »
« Je préfère rentrer le plus rapidement possible. »
« Je vois. Nous espérions vous divertir un peu… »
« Vous en avez fait plus qu’assez. »
Au moment où j’allais partir, j’avais essayé de payer les kokekkos, mais le chef du village ne voulait pas le prendre.
« Non, non, nous ne pouvons rien accepter du sauveur de notre village. »
Je ne pouvais pas lui laisser faire ça, alors je l’avais forcé à prendre l’argent, puis j’étais partie avec Kumayuru et Kumakyu. J’étais retournée directement à la grotte. J’étais revenue à ma maison de Crimonia en passant dans le portail. J’aurais bien voulu aller directement à l’orphelinat, mais je ne pouvais pas laisser les ours courir dans la ville. Je provoquerais un tollé. J’avais décidé d’attendre jusqu’au soir. J’avais laissé les kokekkos attachés aux ours, pensant que ça ne les tuerait probablement pas.
À la tombée de la nuit, les ours s’étaient mis à bouger. Ils coururent dans les rues sous le couvert de la nuit. Ne serait-il pas préférable d’utiliser un portail de transport, dites-vous ? Pour être honnête, j’avais vraiment envie de courir à travers la ville sur un ours.
Nous étions passés devant l’orphelinat et étions arrivés sur le terrain que j’avais acheté. J’étais descendue de Kumayuru et j’avais vérifié la parcelle. J’avais pensé que l’endroit conviendrait parfaitement. J’avais fait sortir de terre un poulailler et je l’avais entouré d’un mur de trois mètres. Ils ne pourront probablement pas s’enfuir s’il est aussi grand ? pensais-je.
J’avais conduit les ours dans le poulailler et j’avais détaché les cordes qui liaient les kokekkos. Une fois libres, les oiseaux avaient erré autour de la bâtisse. Je me sentais beaucoup mieux en voyant qu’ils étaient vraiment encore en vie.
Le lendemain matin, j’avais visité l’orphelinat après avoir terminé mon petit déjeuner. J’avais trouvé les enfants rassemblés devant le mur du poulailler.
« Fille ourse !? »
Aussitôt qu’ils me virent, ceux-ci m’encerclèrent.
« Fille ourse, un mur est apparu pendant la nuit. »
L’un d’entre eux fit un geste, essayant de me donner une explication emphatique sur le mur en question. J’avais posé une main sur la tête de l’enfant.
« C’est parce que je l’ai fait. »
« Vous avez fait ça ? »
Les orphelins me regardèrent avec un air étonné.
« De toute façon, j’ai quelque chose à dire à vous tous et à votre directrice, alors rentrons. »
Quand nous étions arrivés, la directrice était avec une femme qui avait l’air d’avoir une vingtaine d’années. J’avais une assez bonne idée de qui elle était.
« Liz, c’est la Yuna que je te parlais. Au fait merci encore. »
« Merci beaucoup pour la nourriture », dit Liz en baissant la tête.
« Qu’est-ce qui vous amène ici aujourd’hui ? »
« Je me demandais si vous pouviez donner du travail aux enfants. Je leur donnerais bien sûr un salaire équitable. »
« Vous donnez du travail aux enfants ? »
« Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas dangereux. »
« Quel genre de travail est-ce ? »
« Avez-vous vu le mur dehors ? »
« Oui, je l’ai vu. Les enfants font des histoires à propos du mur depuis qu’il est apparu à notre réveil ce matin. »
« Je l’ai fait la nuit dernière. J’aimerais que les enfants s’occupent des oiseaux à l’intérieur du mur. »
« Umm, vous l’avez fait en une seule nuit ? »
« Vous voulez qu’ils s’occupent des oiseaux ? »
Je leur avais dit comment j’avais fait les murs et je leur avais expliqué quel genre de travail je devais faire : j’avais besoin que les enfants ramassent les œufs le matin, nettoient la hutte et s’occupent des kokekkos. J’avais pris soin de souligner que les kokekkos ne devaient pas être mangés.
« En d’autres termes, vous démarrez une entreprise de vente d’œufs ? »
« Eh bien, vu la quantité d’œufs que l’on trouve dans cette ville, oui. »
« Êtes-vous sûre de vouloir nous payer pour faire ça ? »
La directrice m’avait regardée avec incrédulité.
« J’ai d’autres choses en tête pour vous plus tard, mais c’est tout pour l’instant. Qu’est-ce que vous en pensez ? »
La directrice regarda les enfants.
« Alors, tout le monde ? On dirait que Yuna a un travail pour vous. Si vous travaillez, vous pourrez manger. Sinon, on va se retrouver dans la même situation qu’il y a quelques jours. Yuna ne peut pas continuer à apporter de la nourriture », déclara la directrice aux enfants.
Les enfants nous avaient écoutés toutes les deux, puis ils s’étaient regardé et avaient fait un signe de tête collectif.
« Je vais le faire. »
« S’il vous plaît, laissez-moi-le faire. »
« Je vais aussi le faire. »
« Moi aussi. »
« Moi aussi. »
J’avais apprécié l’énergie derrière leur réponse.
« Dans ce cas, puis-je supposer que tout le monde est partant ? »
La réponse avait été unanime.
« Yuna, je vous confie les enfants », dit la directrice en s’inclinant profondément.
« Bien sûr. Je peux aussi vous emprunter Liz ? »
« Moi ? »
« Oui, je veux que vous vous occupiez des enfants. »
« Ce n’est pas un problème si c’est ce dont vous avez besoin de sa part. Liz, assure-toi d’écouter tout ce que dit Yuna. »
« Oui, directrice. »
J’avais fait une file indienne vers le poulailler, en suivant les enfants. À l’intérieur, on avait trouvé les kokekkos qui faisaient la sieste.
« Voici votre travail : d’abord, quand il fait beau, faire sortir les oiseaux dès le matin. Deuxièmement, ramasser les œufs dans le poulailler. Troisièmement, nettoyer le poulailler. Quatrièmement, donner aux oiseaux de la nourriture et de l’eau. Cinquièmement, ramenez les oiseaux dans le poulailler une fois que tout est fait. »
« Vous pouvez faire ça ? » Avais-je demandé.
Ils acceptèrent sans hésitation.
« Très bien, laissez les oiseaux sortir. Les œufs qu’elles pondent vont devenir votre argent pour la nourriture, alors assurez-vous d’être gentil. »
Les enfants confirmèrent qu’ils m’avaient comprise.
« Mettez les œufs dans ces récipients. »
J’avais invoqué dix cartons d’œufs avec un sort de terre, chacun avec dix trous. Le premier jour, les enfants en avaient rassemblé assez pour remplir un paquet. Je suppose que c’était plutôt correct pour vingt kokekkos.
« Liz, avez-vous des restes de légumes ? »
« Oui, on en a… »
« Est-ce que je peux les donner aux oiseaux ? »
« Eh bien… »
Même si ce n’était que des restes, Liz était quand même sortie et avait suppliés pour les avoir. Il n’était pas étonnant qu’elle se sente mal à l’aise de les donner aux oiseaux.
« Je ne vais pas encore vous demander de me faire confiance, mais les légumes que vous avez obtenus vont nourrir les oiseaux pour qu’ils produisent des œufs. »
« Je vois… »
Je n’étais pas sûre qu’elle me croyait, mais elle m’avait donné sa permission.
« D’accord, Liz, je peux vous laisser le reste ? »
« Est-ce que vous allez quelque part ? »
« Eh bien, on a enfin eu des œufs, alors il faut aller les vendre. »
J’avais pris le carton plein et j’étais partie en direction de mon prochain point d’arrêt.
***
Chapitre 45 : L’ours devient un marchand de rang F
La guilde marchande était tout autant remplie qu’hier. Je ne voulais pas penser que tout cela était à cause de moi.
En pataugeant dans la foule, j’avais remarqué que Tiermina était aussi là. Nos regards s’étaient croisés.
« Yuna ? »
« Salut, Tiermina. Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu fais ici ? »
« Je suis venue voir s’ils avaient du travail à la guilde des marchands. »
« Tu cherches un travail ? »
« Oui, en fait j’espérais être réintégrée comme aventurière, mais la famille a mis son veto. Comme je sais lire, écrire et compter, j’ai pensé que je pourrais peut-être trouver un emploi qui s’oriente davantage vers cela, alors je suis venu voir si la guilde des commerçants avait un emploi. »
D’autres marmonnaient dans la foule : « Elle savait lire et écrire… »
« Et faire des maths… »
« Tiermina, serais-tu vraiment intéressée à travailler pour moi ? »
« Pour toi, Yuna ? »
« J’ai en quelque sorte lancé une nouvelle entreprise. Tu me sauverais la vie si tu pouvais m’aider. »
J’avais besoin de quelqu’un pour gérer les œufs et être un intermédiaire avec la guilde des marchands.
« Alors, en quoi consiste le travail ? »
« Je ne suis pas sûr de pouvoir l’expliquer ici… »
Il y avait beaucoup de commerçants dans les environs. C’était pénible de faire tout cela, mais je l’ai fait venir à la maison ours pour que personne n’entende parler de mon projet d’œufs.
« Alors, qu’est-ce que tu fais ? »
J’avais donné à boire à Tiermina, puis je lui avais expliqué en quoi consisterait le travail. Je lui avais raconté comment l’orphelinat gardait les kokekkos et comment ils pondaient les œufs. Je lui avais dit que je voulais vendre les œufs à la guilde des marchands.
« Quand tu dis que tu veux que je gère les choses, tu veux dire que tu veux que je gère les kokekkos ? Je n’ai jamais vraiment élevé d’oiseaux avant. »
« Les orphelins géreront les oiseaux. Je pensais que tu gérerais les ventes à la guilde des marchands. »
« Et par ventes, tu veux dire ? »
« J’étais sur le point d’aller à la guilde des commerçants pour leur proposer un contrat de vente des œufs. Je pensais que tu pourrais t’occuper de la gestion, des finances, de l’inventaire et du contrôle des coûts. Je voudrais que tu t’assures que nos livres sont bien tenus et tout ça. »
Même en en parlant, c’était tellement pénible. Si Tiermina n’acceptait pas mon offre, je devrais tout faire moi-même.
« Je comprends ce que tu dis, mais ça semble être une grosse affaire. Tu es sûr de vouloir me laisser tout ça ? »
« De toute façon, je ne connais pas beaucoup de gens dans cette ville, et je sais au moins quel genre de personne tu es. »
Quand je lui avais expliqué mon raisonnement, Tiermina souri.
« Ok, j’ai compris. J’accepte le poste. Tu t’es déjà assez occupé de mes filles et moi comme ça, et je pensais retourner travailler, je te suis donc reconnaissante de m’avoir donné cette opportunité. »
Directeur commercial acquis ! Mon travail devenait de moins en moins pénible.
Comme j’avais fini de parler avec Tiermina, j’étais retournée à la guilde des marchands pour lancer l’activité de production d’œufs. Elle débordait encore de monde. C’était toujours la même histoire. Attendre à l’entrée de la guilde des marchands comme je l’avais fait l’autre jour. Je les avais surpris à marmonner sur « l’ours ». Ils me firent un passage à ma vue.
« Yuna, tu es incroyable. »
Tiermina semblait stupéfaite à cette vue. Peut-être qu’elle ne savait pas ce qui s’était passé avec la vipère noire ?
J’étais entré dans la guilde et j’avais jeté un coup d’œil à la réception. Il y avait plusieurs personnes. J’avais essayé de chercher Milaine, mais on aurait dit qu’elle n’était pas là. C’était peut-être son jour de congé ? En fait, j’espérais trouver quelqu’un que je connaissais. Quand j’avais fait la queue aux bureaux à contrecœur, quelqu’un m’avait appelé par derrière.
« Oh, Yuna. Qu’est-ce qui t’amène ici aujourd’hui ? Et qui est-ce ? »
Je m’étais retourné, Milaine était derrière moi.
« Pourquoi m’avez-vous surprise ? »
« J’étais dehors pendant ma pause. Pourquoi êtes-vous venu à la guilde des marchands ? »
« J’avais quelque chose à vendre, donc je voulais t’en parler. »
« Et ce quelque chose, c’est ? »
Les yeux de Milaine brillaient. Excuse moi, pensais-je, c’est terrifiant.
« Dans ce cas, parlons dans une autre pièce. »
Milaine s’était accrochée à moi et m’avait traînée au loin. Tiermina nous suivi derrière.
« Alors, de quoi vouliez-vous parler ? »
Nous étions dans une petite pièce privée. Il y avait un grand bureau entouré de chaises. Nous nous étions assis en face de Milaine, j’avais sorti les œufs de mon stockage d’ours.
« Ce sont des œufs kokekko ? »
« J’aimerais commencer à vendre ces œufs. Pouvez-vous m’aider ? »
« Combien en voudriez-vous en vendre, en moyenne ? »
« Pour l’instant, entre dix et vingt par jour, mais plus tard, j’espère en avoir dans les bons jours jusqu’à mille. »
« Mille ? Comment pouvez-vous en récolter autant ? »
« En élevant des kokekkos. »
« Vous élevez des oiseaux… est-ce que c’est lié au terrain autour de l’orphelinat ? »
J’avais expliqué mon business plan.
« Alors, pensez-vous qu’il serait possible de vendre les œufs régulièrement ? »
« Voyons voir. Cela dépendra du prix, mais c’est possible. »
« Je vous laisse le choix du prix. »
Laisser le spécialiste faire ce qu’il savait faire le mieux était la bonne chose à faire. De toute façon, je ne savais pas combien valaient les œufs.
« Vous êtes sûr que c’est ce que vous voulez ? »
« De quoi faut-il s’inquiéter ? »
« Vous ferez baisser le prix si vous inondez le marché d’œufs. Il n’y a pas besoin de faire des efforts pour augmenter le nombre en circulation… »
« J’ai plusieurs raisons de faire cela, mais je veux que les gens ordinaires puissent manger des œufs. De plus, je pense que les gens finiront par comprendre que c’est l’orphelinat qui fournit les œufs. Les gens seront moins enclins à essayer de voler beaucoup d’œufs bon marché que quelques œufs coûteux. Ce serait aussi plus sûr pour les orphelins. De plus, s’ils sont moins chers, nous aurons beaucoup plus de repas à base d’œufs. »
Milaine et Tiermina avaient semblé surprises par mon explication. Apparemment, quel que soit le monde dans lequel vous vivez, exploiter une entreprise sans trop se soucier de votre marge bénéficiaire n’était pas très répandue.
Nous avions discuté toutes les trois et rédigé un contrat. Chaque jour, quelqu’un viendra chercher les œufs dans le poulailler près de l’orphelinat. Nous laisserons la fixation des prix à la guilde. Après tout, ce serait un problème s’ils étaient trop chers et ne se vendaient pas. La guilde fournirait des restes de légumes pour l’alimentation. Cela soulagerait Liz. Tiermina se chargerait essentiellement de la livraison. Nous garderions le secret sur la manière dont les œufs avaient été obtenus et sur les personnes qui les produisaient. En outre, nous avions écrit un certain « quelque chose » pour la dernière clause.
« Ce contrat est-il acceptable ? »
« Oui, c’est bon. »
« Eh bien, je vais vous inscrire à la guilde des commerçants, alors si vous voulez bien me permettre de voir votre carte de guilde. »
« Vous voulez que je m’inscrive ? »
« En général, vous devez être enregistré auprès de la guilde si vous voulez faire des affaires légitimes. »
J’aimerais qu’elle ne me regarde pas comme si elle disait « même les petits enfants savent ça. »
« Alors, vous avez seulement besoin que je m’inscrive ? »
« J’ai bien peur d’avoir aussi besoin d’inscrire Tiermina. Quand ils feront des transactions avec les œufs, ils devront vérifier vos cartes de guilde. »
« Dans ce cas, je peux utiliser la carte que la guilde des aventuriers m’a faite ? »
« Oui, toutes les cartes de guilde sont fondamentalement les mêmes. Nous ne faisons qu’ajouter des informations à la carte, afin que vous puissiez utiliser la même que celle que vous avez créée à la guilde des aventuriers. »
Tiermina et moi avions remis nos cartes de guilde à Milaine. Après les avoir prises, Milaine s’était dirigée vers un panneau de cristal dans le coin de la pièce, y avait placé les cartes et les avait traitées. Cela avait pris quelques minutes.
« Je devrais expliquer comment la guilde des commerçants et ces cartes fonctionnent. »
J’avais vérifié la carte.
Nom : Yuna
Âge : 15 ans
Classe : Ours
Rang d’aventurier : D
Rang de marchand : F
Comme d’habitude, ma classe était toujours Ours.
« Tout comme le rang d’aventurier, le rang de marchand indique votre niveau de marchand. Plus vous montez en grade, plus votre crédibilité augmente. Par conséquent, lorsque vous faites des affaires dans une nouvelle ville, un rang plus élevé vous donne un traitement préférentiel. »
« Traitement préférentiel ? »
« Par exemple, ces villes peuvent vous permettre de louer de meilleurs terrains, de vous présenter aux personnes dont vous avez besoin ou de vous procurer de meilleurs matériaux, car vous semblez être un bon investissement. »
Je vois, pensais-je. Donc ma réputation augmente avec mon rang. C’est à peu près la même chose pour les aventuriers.
« Au fait, comment puis-je augmenter mon rang ? »
« Tu augmente ton rang en contribuant à la guilde. Pour faire simple, c’est en fonction de la somme que vous percevez en impôts. »
C’était assez simple.
« Cela s’applique également à toute ville où vous allez, mais vous devrez obtenir l’autorisation de commercer à la guilde des marchands de cette ville. Si vous faites des affaires sans autorisation, vous finirez par être pénalisé, alors soyez prudente. »
En gros, ils ne voulaient pas que je fasse des affaires arbitrairement. De toute façon, je n’avais pas l’intention de m’installer dans un magasin ou quoi que ce soit d’autre en ce moment.
« De plus, comme pour la guilde des aventuriers, vous pouvez déposer de l’argent ici. Vous devez savoir que l’argent que vous déposez à la guilde des aventuriers est combiné avec le montant que vous déposez ici. Vous pouvez également retirer de l’argent auprès de l’une ou l’autre guilde. »
J’avais reçu la même explication à la guilde des aventuriers, mais je n’avais pas utilisé cette fonction. J’avais le stockage d’ours et la fortune que dieu avait convertie pour moi. Cent millions de yens supplémentaires ne feraient pas de différence si vous en aviez déjà dix milliards.
« Comment voulez-vous que nous gérions le règlement pour les œufs ? Voulez-vous que nous le fassions en liquide ? Préférez-vous déposer l’argent dans votre carte ou dans celle de Tiermina ? »
« Veuillez le déposer chez Tiermina », avais-je dit sans hésiter.
« Attends une seconde. Tu veux dire que tu déposes tout l’argent chez moi ? », a dit Tiermina.
« Eh bien oui. J’ai besoin de payer ton salaire et celui des enfants, en plus il y aura probablement des dépenses. Ce serait dommage pour moi de préparer tout l’argent à chaque fois. »
« Bien que je sois heureuse que tu me fasses confiance, je préfère ne pas être responsable de ce qui pourrait éventuellement se transformer en une grosse somme d’argent. »
« Dans ce cas, que se passe-t-il si nous décidons d’une somme d’argent fixe ? Et si nous ne déposions que le montant dont Tiermina aurait besoin dans sa carte et que nous mettions le reste sur la vôtre, Yuna ? »
« On peut faire ça ? »
« Oui, nous le faisons souvent pour les commerçants qui ont des personnes distinctes responsables du stock et de la gestion des salaires. »
Après avoir décidé du montant dont nous avions besoin pour les salaires de Tiermina et des enfants, et pour toutes les dépenses nécessaires, nous avons décidé que le reste serait déposé sur ma carte.
Comme nous avions compris comment nous allions faire avancer les choses, j’avais quitté la guilde. Si j’avais besoin de faire autre chose, je pouvais revenir plus tard. J’avais donné gratuitement à Milaine les œufs que j’avais apportés aujourd’hui pour que les précieux clients de la guilde puissent les essayer. Je devais d’abord absorber des frais avant de pouvoir commencer à en tirer profit.
Laissant la guilde derrière nous, nous nous étions rendus à l’orphelinat pour présenter Tiermina et parler de notre prochaine étape. En gros, j’avais demandé à la directrice de gérer l’orphelinat comme d’habitude. Je lui remettais les salaires que les enfants gagnaient et lui demandais de prendre les dispositions nécessaires pour leurs besoins. J’avais demandé à Liz de s’occuper des enfants et, bien sûr, j’avais décidé de ce que je lui paierais. J’avais demandé à Tiermina de gérer les œufs et l’argent. Je voulais qu’elle soit le visage des opérations quand je traitais avec la guilde des commerçants.
Quant à moi ?
Je ne lèverais même pas le petit doigt.
J’avais fait le poulailler et les murs, j’avais attrapé les oiseaux et j’avais passé le contrat avec la guilde. Je n’avais plus aucun rôle, sauf celui d’attraper plus d’oiseaux. Etant donné le fait que les attraper tous près du village serait problématique, j’allais plus loin pour me procurer les autres.
C’est pourquoi nous avions augmenté le nombre de kokekkos que nous avions à trois cents. Nous avions même fait naître quelques poussins à partir des œufs pour les élever.
Puis un jour, le seigneur Cliff m’avait rendu visite.
« Bienvenue, Seigneur Cliff. Qu’est-ce qui vous amène ? »
Je l’avais au moins accueilli poliment.
« Yuna, j’ai quelque chose à vous demander. »
« Qu’est-ce que ça pourrait être ? »
« Pourquoi ne vendez-vous pas d’œufs à la famille Fochrosé ? »
***
Chapitre 46 : Cliff enquête sur le mystère des œufs
Rondo, mon majordome, était venu dans mon bureau en plein milieu de la pause que j’avais légitimement pris après la montagne de paperasse du matin.
« Je m’excuse de vous déranger, monsieur. »
« Qu’est-ce qu’il y a ? Quelque chose d’urgent ? »
« Non, rien de grave, mais je pense que c’est quelque chose que vous devriez entendre. »
Si Rondo le dit, ce n’était donc probablement pas si important. Quoi qu’il en soit, ça semblait le troubler.
« Récemment, un grand nombre d’œufs de kokekko ont commencé à inonder la ville, dans des circonstances étranges. »
« Étranges dans quel sens ? »
« Tout d’abord, nous ne savons pas d’où ils viennent. De plus, ils refusent de les vendre si j’utilise le nom de la maison Fochrosé. »
« Attends, quoi ? »
« Chaque fois que je me renseigne auprès de nos fournisseurs d’œufs, ils parlent toujours de manière énigmatique. Quand je leur dis qu’ils peuvent prendre leur temps pour expliquer la situation, ils ne me donnent jamais de réponse. Cependant, lorsque je vais dans les magasins comme le ferait une personne normale, je peux obtenir des œufs, mais lorsque je demande qu’ils soient livrés à la maison Fochrosé, ils me disent qu’ils sont en rupture de stock et qu’il ne sera pas possible de passer une commande à l’avance dans un avenir proche. »
« Qu’est-ce que cela signifie ? »
Cela commençait maintenant à m’inquiéter.
« La seule chose dont je suis certain, c’est qu’ils refusent de vendre des œufs à la maison Fochrosé. Même quand je me suis renseigné auprès de la guilde des marchands, ils ont prétendu ne rien savoir de tout cela. »
Cela ne me dérangeait pas particulièrement de ne pas pouvoir manger d’œufs, mais cela ne me mettait pas de bonne humeur.
« Je n’ai pas de travail urgent pour cet après-midi. Je suppose que je vais aller à la guilde des marchands. »
J’avais raccourci ma pause et j’étais allé à la guilde.
Je n’avais pas pris de rendez-vous, mais j’avais quand même pu obtenir une rencontre immédiate avec le chef de guilde.
« Que se passe-t’il, seigneur Cliff ! Qu’est-ce qui vous amène jusqu’à la guilde des marchands ? »
Milaine me fit un sourire suspicieux.
« Je ne suis pas ici pour parler affaires aujourd’hui. Je suis venu pour demander quelque chose de personnel. »
« Qu’est-ce que ça pourrait être ? »
« C’est à propos des œufs de kokekko. »
« Les œufs de kokekko ? »
L’expression de Milaine n’avait pas bougé.
« C’est vrai. Apparemment, personne n’a l’intention de me les vendre. »
« On ne fait rien de tel. »
Milaine avait toujours été honnête avec moi, qu’est-ce qui l’avait maintenant poussé à me dire un tel mensonge ?
« L’information qui m’est parvenue dit le contraire. »
« Êtes-vous sûr que ce n’est pas juste dû au fait que les œufs se sont tous vendus ou que les commandes à l’avance sont pleines parce qu’ils sont si populaires ? »
« Les gens qui vendent les œufs ont dit exactement la même chose. »
« Alors c’est comme ça que ça doit être. »
« Pensez-vous vraiment que j’accepterais cette explication ? »
« Vous priver d’œufs ne vous tuera pas. »
« Je suis offensé de n’avoir aucune idée de qui me fait ça. Aussi, j’aimerais avoir des œufs pour ma fille. »
« Alors, vous aimeriez en ramener à la maison pour elle ? »
« Et pourquoi pas pour moi ? »
« J’ai bien peur que nous n’en ayons pas pour vous. »
Milaine me fit un sourire. Quelle femme irritante ! Il n’y avait pas beaucoup de gens dans les environs qui pouvaient me tenir tête.
« Alors vous ne voulez vraiment pas me le dire? »
« Voici l’arrangement : ne vendez pas d’œufs au seigneur Cliff. »
« Avez-vous l’intention de tenir cette promesse, même si cela dégradera votre relation avec votre propre seigneur ? »
« C’est exact. Si vous n’étiez pas le méchant dans cette situation, j’aurais probablement été de votre côté. Mais cette fois-ci, je suis avec elle. Je l’aime plutôt bien. »
J’étais le méchant ? Et qui était cette elle ? De qui Milaine pouvait-elle bien parler ?
« Vous avez fait souffrir beaucoup d’enfants. Elle les a sauvés. »
Des enfants qui souffrent ? De qui parlait-elle ? Je ne me souvenais pas avoir torturé quelqu’un.
« Je reconnais que vous êtes un seigneur remarquable, mais je veux la soutenir tant qu’elle est dans son droit. »
« Il est rare que vous souteniez quelqu’un à ce point. »
« Elle m’intrigue. J’ai rencontré beaucoup de gens jusqu’à présent, mais je n’ai jamais rencontré quelqu’un dont je n’ai pas pu comprendre la force, le comportement et sa philosophie. »
« En entendant cela de votre part, j’aimerais la rencontrer, quelle que soit la situation de l’œuf. »
« Je n’ai pas l’intention de vous mettre en relation. »
« Pourriez-vous au moins me dire ce que j’ai fait ? »
« Non. Si je vous le disais, vous seriez tous les deux face à face, et trouveriez comment elle est connectée. »
« Alors peut-être que je vais devoir vous demander de me retourner la faveur que vous me devez ? »
« La faveur ? »
« N’avez-vous pas pu préparer le cadeau du roi ? »
La guilde des marchands n’avait pas pu faire ses arrangements habituels cette année.
« Et vous en parlez maintenant parce que… »
« C’est l’un des devoirs de la guilde, n’est-ce pas ? »
« En y réfléchissant bien, avez-vous choisi votre cadeau pour le roi ? »
« Oui, la guilde des aventuriers m’a donné une épée de roi-gobelin. »
« Une épée de roi-gobelin ? »
« Oui, cette aventurière ourse l’a eue quand elle a vaincu un roi-gobelin. »
« Par ours, vous voulez dire Yuna ? »
Quand j’avais mentionné Yuna, la réaction de Milaine changea pour la première fois.
« Vous connaissez Yuna ? » Avais-je demandé.
« C’est la recrue qui a vaincu une centaine de gobelins, chassé les loups, tué les loups-tigres, récemment vaincu la vipère noire, et qui s’habille comme un adorable ours. »
« Vous semblez très bien la connaître. »
« C’est parce que c’est une recrue prometteuse. Même la guilde des marchands a les yeux rivés sur elle. Je ne savais pas qu’elle avait reçu une épée de roi-gobelin quand elle avait tué la horde de gobelins. J’aurais aimé qu’elle la vende à la guilde des marchands. »
« Et c’est ainsi que j’ai obtenu mon cadeau pour le roi. Alors peut-être que je vous ferai rembourser cette faveur pour ne pas avoir rempli votre devoir de préparer une offrande pour le roi ? »
« C’est sournois. Il semble donc que vous connaissiez déjà Yuna. »
« Plus ou moins. Elle a aussi attiré mon attention. Je n’ai jamais rencontré une aventurière aussi intéressante qu’elle. »
« Eh bien, il semblerait que cette même aventurière vous déteste. »
« … Pardon ? »
« Yuna est celle qui fournit les œufs à la guilde. Elle a aussi établi un contrat avec la guilde des marchands à condition que nous refusions de les vendre à la famille Fochrosé. »
« C’était Yuna ? »
Cette fille ourse me détestait ? Je me sentais troublé.
Quand je l’avais rencontrée, j’avais trouvé que c’était une fille intéressante. J’avais ruminé sur ce que je savais sur sa maison particulière, sur ses cadeaux généreux à ma famille, sur ses exploits au combat. Elle me semblait sympathique. Pourquoi Yuna me détestait-elle ? Ce n’était pas le cas la dernière fois que nous avions parlé.
« Puis-je demander pourquoi elle ressent cela pour moi ? »
« Vous devrez le lui demander vous-même. »
Je doutais que j’obtienne une réponse même si je continuais à lui mettre la pression. Milaine était ce genre de femme.
« Je comprends. Je vais aller voir Yuna. »
J’avais quitté la guilde des marchands et je m’étais rendu à la célèbre maison ours.
J’avais appelé Yuna, qui attendait à sa porte.
« Bienvenue, seigneur Cliff. Qu’est-ce qui vous amène ? »
« Yuna, j’ai quelque chose à vous demander. »
« Qu’est-ce que ça peut être ? »
« Pourquoi ne vendez-vous pas d’œufs à la famille Fochrosé ? »
« Qu’est-ce que vous racontez ? »
« J’ai fait pression sur Milaine, alors ne vous fâchez pas contre elle. »
« Je ne suis pas vraiment en colère. De toute façon, je lui ai dit qu’elle pouvait vous parler de moi si ça causait des problèmes à la guilde. »
« Eh bien, pourquoi leur avez-vous dit de ne pas me les vendre ? »
« C’est parce que l’orphelinat produit les œufs. »
« … Hum ? »
« Donc, je leur ai juste demandé de ne pas vous les vendre afin de vous énerver. »
« Vous ne me vendez pas les œufs parce que l’orphelinat les produit, pourquoi ? »
« Vous êtes sérieux ? Vous avez constamment réduit leur financement jusqu’à ce que vous leur coupiez tous les vivres. Bien sûr, l’orphelinat ne contribue pas à la ville, mais je ne pense pas que cela justifie le fait de conduire des enfants à la mort alors qu’ils ont un avenir devant eux. Ce n’est pas comme si les enfants n’avaient pas de parents parce qu’ils le voulaient. Je n’aime pas la façon dont vous les avez sacrifiés juste parce qu’ils n’étaient pas essentiels. »
Yuna ne m’avait pas laissé le temps de m’en remettre.
« Les enfants avaient tellement faim, » continua-t-elle, « Qu’ils cherchaient les restes des gens. Les responsables de l’orphelinat mendiaient dans les magasins et les auberges pour récupérer les restes. Ils portaient les mêmes vêtements tous les jours. La maison dans laquelle ils dorment était pleine de courants d’air. Ils n’avaient pas de couvertures chaudes pour leur lit. Pourquoi ces enfants devraient-ils vous nourrir avec les œufs des poules pour lesquelles ils ont travaillé si durs à élever ? »
« … »
« De plus, je suis sûre que vous pourriez survivre sans œufs — vous êtes un seigneur, après tout. »
Je n’avais pas compris ce que Yuna disait. Chaque nouveau détail de son récit me déconcertait à nouveau.
« Je me suis dit que vous méritiez une petite rétribution de leur part, même si la directrice semblait déjà assez reconnaissante d’avoir un endroit où vivre. »
Quand j’avais commencé à rassembler les pièces du puzzle de Yuna, j’avais compris pourquoi Milaine s’était rangée de son côté — mais je n’avais pas coupé le financement de l’orphelinat. Pourquoi pensait-elle que je l’avais fait ?
« Yuna, vous ne me croirez probablement pas, mais je n’ai pas coupé les vivres à l’orphelinat. Je vais rentrer chez moi et confirmer cela. Une fois que j’aurai compris ce qui se passe, je reviendrai. »
J’étais vite rentré chez moi. Je n’avais pas marché, j’avais couru. J’avais besoin de réponses.
Une fois de retour à mon bureau, j’avais appelé Rondo.
« Vous êtes de retour, Maître Cliff ? »
« Rondo ! C’est urgent, j’ai besoin que tu découvres ce qui est arrivé aux fonds de l’orphelinat. »
« Le financement de l’orphelinat, vous dites ? »
« C’est ça ! Trouve la personne qui m’a fait passer pour un seigneur sans cœur ! »
« Je comprends. »
Rondo baissa la tête et partit. J’étais tellement énervé que je n’avais pas pu terminer mon travail de l’après-midi.
Rondo était revenu à mon bureau ce soir-là.
« Puis-je, Maître Cliff ? »
« As-tu trouvé quelque chose ? »
« Oui, la personne qui gère les fonds de l’orphelinat est Maître Enz Roland. »
« C’est Enz ? »
Je vois. Il était donc le responsable. Je voulais me punir de ne pas savoir ce qui se passait dans mon propre domaine.
« Il semble que Maître Enz détourne les fonds de l’orphelinat. »
« Il a fait quoi !? »
Au fond, mon travail consistait à déléguer le travail aux autres, oui, mais aussi à les contrôler. Chaque mois, lorsque la demande de fonds de l’orphelinat passait sur mon bureau, je la signais et je débloquais les fonds sans y penser. Je comprends pourquoi Yuna était en colère.
« Je n’ai pas encore examiné les détails, cependant, il semblerait que Maître Enz ait falsifié les registres de tous les échanges fiscaux auxquels il a participé pour dissimuler son détournement de fonds. Il semblerait qu’il soit également endetté. »
« Pourquoi aurait-il besoin de contracter des emprunts s’il détourne nos fonds ? »
« Il semblerait que ce soit un coureur de jupons. De plus, sa femme semble avoir un appétit sans limites pour les bijoux et autres, et son fils semble avoir pris les habitudes extravagantes de son père. »
« Tu te moques de moi ! »
C’était l’argent de la ville.
« Est-ce qu’il nous prend pour des imbéciles ? ! Rondo ! Rassemble immédiatement les soldats et encercle la propriété d’Enz. Ne le laisse pas s’échapper. Je veux que toute la famille Roland me soit ramenée vivante ! »
« Oui, compris. »
Rondo était sorti du bureau.
Une heure plus tard, mes hommes m’avaient présenté Enz dans toute sa splendeur, avec sa femme et son fils. Tous les trois étaient des racailles. J’en avais mal au ventre.
« Seigneur Cliff, quelle raison pouvez-vous avoir pour envoyer des soldats chez nous à cette heure tardive ? »
« J’ai envie de vous exécuter immédiatement, vous et votre famille, alors choisissez vos réponses avec sagesse. »
« … »
« Avez-vous détourné les fonds destinés à l’orphelinat !? »
« Je n’ai rien fait de tel. »
« L’orphelinat prétend n’avoir rien reçu ! »
« Ce sont les gens de l’orphelinat qui disent ça ! Ils espèrent probablement obtenir plus de vous en prétendant qu’ils n’aient pas reçu l’argent. Les déchets n’agissent que comme des déchets. »
C’est vous le déchet !
J’avais retenu mon envie de le frapper et j’avais continué à poser mes questions.
« Il semble que les tâches que je vous ai confiées soient restées en grande partie inachevées. »
« Tout cela sera fait à une date ultérieure. Nous venons d’avoir de légers contretemps », avait-il répondu tout en gardant son calme.
« Il y a aussi la question de vos dettes. »
« Elles sont mineures. Je pourrai bientôt les rembourser, vous n’avez donc pas à vous en préoccuper. »
On dirait qu’il n’avait pas l’intention de dire la vérité.
« Alors vous n’aurez aucun problème à ce que j’inspecte votre maison. »
« Eh bien… »
Finalement, son expression changea.
« Nous avons déjà commencé à fouiller votre résidence. »
« Vous pensez vraiment que vous pourrez vous en tirer comme ça ? Je le dirai à mon frère dans la capitale royale. »
« C’est ma ville. Dès que j’aurai rassemblé des preuves, je vous ferai exécuter. Jetez ces trois-là en prison ! »
J’avais donné l’ordre aux soldats.
« Attendez, vous devez me laisser contacter mon frère dans la capitale royale ! »
« Que quelqu’un fasse taire ce type. Il me dégoûte. »
Les soldats bâillonnèrent Roland avec un tissu avant de les emmener tous hors de la pièce.
Quelque temps plus tard, Rondo était revenu de l’examen de la maison de Roland.
« Tu as trouvé quelque chose ? »
« Oui, nous avons trouvé toutes les preuves dont nous avions besoin. »
Rondo était pâle.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Les actions de Maître Enz sont méprisables. »
« Est-ce si terrible que ça ? »
« Détournements de fonds, fraudes, viols, meurtres, transactions illégales… trop de choses à compter. »
« Meurtre !? »
« Nous sommes toujours en train de compter les cadavres dans le sous-sol. La cruauté était telle que je pouvais à peine croire que tout avait été fait par un humain. »
Le récit de Rondo était tout simplement insupportable.
Apparemment, Enz engageait de jeunes filles du pays comme servantes, les agressait jusqu’à leur mort et les abandonnait dans la cave. Comme elles venaient d’arriver de la campagne, personne ne remarquait leur disparition. Si un membre de la famille ou leur bien-aimé venait à leur recherche, il les invitait à sa résidence, les prenait au piège et les tuait. Cela avait duré un certain temps.
Sa femme dépensait librement de l’argent pour acheter des bijoux. Enz détournait ensuite les fonds dont il avait besoin pour rembourser la dette qu’elle avait accumulée.
Son fils faisait ce qu’il voulait en maltraitant les femmes de la ville. Il annulait les poursuites judiciaires en utilisant l’argent et l’influence d’Enz. Il avait l’habitude d’extorquer les commerçants de la ville, les forçant à cesser leurs activités s’ils le défiaient.
La raison pour laquelle rien de tout cela ne m’était parvenu était désormais évidente : Enz y avait mis fin avant que je ne m’en rende compte. Son frère aîné tirait probablement les ficelles pour lui, mais c’était ma ville. Je ne les laisserais pas s’en tirer comme ils le voulaient.
« Exécutez-les. »
J’étais à bout de patience.
« En êtes-vous certain ? Nous risquons de nous faire des ennemis à la capitale. »
« Ça n’a pas d’importance. Nous dirons qu’ils ont été tués par un cambrioleur. »
La maison Roland avait été exécutée. Nous avions obtenu des preuves de leurs crimes. Nous avions saisi leurs biens. Nous avions sauvé les survivants dans le sous-sol. Une fois que nous avions traité ceux qui avaient un endroit où aller, nous ferions toutes les préparations nécessaires pour le voyage de retour. Une fois que tout avait été fait, j’étais retourné à la maison de Yuna.
« Je suis désolé. »
J’avais baissé la tête et j’avais expliqué pourquoi le financement de l’orphelinat avait été coupé. Normalement, je ne raconterais rien de tout cela à une personne ordinaire, mais j’avais senti qu’il fallait que je le dise à cette fille.
« Mon subordonné a détourné l’argent. Je ne m’en suis pas rendu compte. Je vais immédiatement rétablir le financement de l’orphelinat. »
« Vous n’avez pas besoin de le faire. »
« … »
« Ils travaillent déjà tous comme des fous. Ils n’ont plus besoin de subventions. »
« Mais c’est… »
Je ne me sentais toujours pas mieux.
« Si vous avez autant d’argent, pourquoi ne pas en faire bon usage ? »
« Et par là, vous voulez dire ? »
« Vous pourriez l’utiliser pour créer un service de surveillance pour vous assurer que quelque chose de stupide comme ça ne se reproduise jamais. »
« Pour superviser les choses ? »
« Ils s’assureraient que l’argent est utilisé comme vous l’avez demandé. Par exemple, s’ils étaient responsables des fonds de l’orphelinat, ils se rendraient à l’orphelinat tous les quelques mois et vérifieraient qu’ils utilisent l’argent pour les dépenses dont ils ont réellement besoin. Ils vérifieraient si les articles qu’ils achètent sont considérés comme un achat raisonnable. Si une personne faisait cela, il ne serait pas si facile de détourner l’argent. Mais si la personne qui surveillait les achats devenait un criminel, cela ne servirait à rien. »
« Alors que ferais-je ? »
« C’est évident. Vous ne pouvez pas simplement choisir quelqu’un en qui vous avez confiance, vous devez choisir quelqu’un qui vous fait tellement confiance qu’il mettrait sa vie en danger. Vous devez avoir au moins une personne comme ça, non ? »
« Effectivement, j’en ai au moins une. »
J’avais Rondo.
« Vraiment ? C’est une bonne chose pour vous. »
Yuna n’avait plus rien dit après ça.
« Alors l’orphelinat se porte vraiment bien ? »
« Ne vous inquiétez pas. »
« Vous m’avez vraiment sauvé cette fois. On s’en est sorti sans qu’aucun enfant ne meure. Merci pour ça. »
J’avais quitté la maison de Yuna et j’étais retourné dans la mienne. J’avais une montagne de travail. Rondo devait faire une pause dans son travail de majordome pour pouvoir être mon bras droit.
***
Chapitre 47 : L’ours fait du pudding
Je me demandais si cela avait marché.
J’avais mis la main sur une tonne d’œufs, j’avais donc décidé d’essayer de faire du pudding.
Quand j’avais ouvert le réfrigérateur, l’air froid m’avait touché le visage. Une rangée de puddings m’avait accueillie. J’en avais pris un, je l’avais apporté à table et je l’avais goûté.
« Délicieux. »
Je l’avais englouti. Je n’avais pas pu empêcher ma cuillère de bouger. J’étais retournée au frigo après quelques secondes. Juste après avoir fini deux puddings entiers et longtemps désirés, Fina et Shuri étaient venues me rendre visite.
« Nous sommes là, Yuna. »
« Asseyez-vous et attendez ici. »
« Alors, quelle est cette délicieuse nourriture dont tu nous as parlé ? »
Je les avais fait venir afin qu’elles soient mes testeuses de goût officielles.
« Ce sont des gâteries que j’ai faites avec des œufs. »
J’avais préparé un pudding froid pour chacune d’entre elles. Elles avaient pris leur cuillère et en avaient mangé une bouchée.
« C’est si bon… »
Pendant que Fina murmurait son impression, Shuri avait déjà enfoncé plusieurs autres cuillerées dans la bouche.
« Shuri, ne mange pas trop vite. »
« Mais c’est si bon. »
Des sourires s’étaient formés sur leurs visages.
« Je suis contente que ça vous plaise. »
« C’est si bon, Yuna. Je ne savais pas que tu pouvais faire quelque chose d’aussi délicieux avec des œufs. »
« Eh bien, ce n’est qu’un prototype. Faites-moi savoir si vous avez eu des impressions pendant que vous le mangiez, par exemple si c’était trop sucré ou pas assez. »
« Il n’y a rien de mal à ça. C’est sucré et délicieux. »
« Oui, délicieux. »
Tout en léchant sa cuillère, Shuri avait l’air de regretter.
J’avais fini par sortir deux autres puddings du réfrigérateur et je les avais apportés devant les filles.
« Ce sont vos derniers. »
Quand j’avais posé les puddings sur la table, leurs cuillères s’étaient mises au travail. J’étais retournée au réfrigérateur et j’avais mis le reste des puddings dans mon stockage d’ours. Une fois qu’elles avaient fini de manger et que nous nous étions séparés, j’étais allée à l’orphelinat pour mon prochain test de goût officiel.
Quand j’étais arrivée au poulailler près de l’orphelinat, les enfants travaillaient dur pour s’occuper des oiseaux. Je les avais appelés et j’étais rentrée.
« Bienvenue, Yuna. »
La directrice et quelques filles préparaient le déjeuner.
« Est-ce que je tombe mal ? »
« Pas du tout, au contraire. Même si ce n’est pas grand-chose, auriez-vous la gentillesse de déjeuner avec nous ? »
Comme elle avait fait des efforts pour m’inviter, j’avais humblement accepté. Les enfants s’étaient assis à leur place dans la grande salle et avaient attendu patiemment que les repas de chacun soient prêts. Après que tous les repas aient été préparés, ils dirent : « Nous te remercions, Petite Ourse, pour ce repas. »
Une fois cela terminé, les enfants commencèrent à manger.
« Vous faites encore ça ? »
« Nous sommes capables de manger comme ça grâce à vous. Nous ne pouvons pas oublier le fait d’être reconnaissants pour cela. »
Avant les repas, leur grâce était : « Nous te remercions, Yuna, pour ce repas. » Bien sûr, c’était bien trop gênant pour eux de dire mon nom, alors je leur avais demandé d’arrêter, mais les enfants ne voulaient pas.
« C’est parce que nous te sommes reconnaissants, Yuna. »
« C’est parce qu’on mange des tonnes de choses grâce à toi, Yuna. »
« C’est parce que nous mangeons toute cette nourriture délicieuse grâce à toi, Yuna. »
« On porte de beaux vêtements grâce à toi, Yuna. »
« On a une maison chaleureuse grâce à toi, Yuna. »
« On peut dormir dans des lits chauds grâce à toi, Yuna. »
« … Grâce à toi, Yuna. »
Étant donné que me nommer à chaque repas était embarrassant, on avait trouvé un compromis, et ils avaient commencé à remercier la fille ourse à la place. Cela restait quand même très embarrassant.
Le déjeuner de l’orphelinat ne consistait que de pain et de soupe de légumes, mais les enfants semblaient assez enthousiastes de manger ça. Le simple fait de les voir comme ça m’avait rendue heureuse, ce qui était assez bizarre. Je n’aurais jamais pensé être du genre attentionné comme ça, d’autant plus que je n’avais jamais fait ce genre de choses au Japon. Même si j’avais de l’argent, je n’avais jamais essayé de faire un don.
Pendant que je surveillais les enfants, certains d’entre eux avaient fini de manger. J’avais sorti les puddings de ma réserve d’ours.
« Qu’est-ce que c’est ? », me demanda une fille.
« C’est un en-cas que j’ai fait avec les œufs des oiseaux pour lesquelles vous avez tous travaillé dur pour vous occuper. Ils sont délicieux. »
J’avais commencé à mettre les puddings devant les enfants. J’en avais bien sûr mis une partie de côté pour la directrice et Liz.
« Mais qu’est-ce que c’est que ça ? C’est délicieux. »
« C’est tellement bon. »
« Je n’en ai qu’un pour chacun d’entre vous, alors assurez-vous de le savourer. »
Ça avait l’air populaire auprès des enfants.
« Yuna, c’est tellement bon », dit Liz.
« Merci. Tout cela est le résultat de votre travail et de celui des enfants pour élever ces oiseaux. J’ai après tout fait ce pudding avec leurs œufs. »
« Vraiment ? »
« Les vendre serait après tout du gâchis. »
« Les œufs sont incroyables, n’est-ce pas ? Ils peuvent devenir de l’argent ou se transformer en ces délicieuses friandises. »
« Ce serait bien si on pouvait avoir quelques oiseaux et des œufs en plus. »
Si nous pouvions faire ça, je pourrais faire des tonnes de choses sans me soucier de réduire notre offre.
« Oui, nous ferons en sorte d’y travailler avec plus d’ardeur. »
« Si vous vous retrouvez avec trop tâches à accomplir, faites-le-moi savoir, OK. Je trouverai une solution. »
« Oui, mais ça ira quand même, vu que les enfants travaillent si dur. »
Pendant que je parlais avec Liz, les enfants vidèrent leurs récipients de pudding. J’avais demandé aux enfants ce qu’ils pensaient du pudding, puis j’avais quitté l’orphelinat.
***
Chapitre 48 : L’ours livre du pudding
Mon prochain arrêt était la résidence des Fochrosé. Je ne me souciais pas de Cliff, mais je voulais offrir du pudding à Noa. J’avais dit au garde qui se tenait devant la porte la raison pour laquelle je voulais rencontrer Noa. Le garde me connaissait déjà et m’avait dit d’attendre. Un peu plus tard, Noa elle-même était venue en courant depuis la porte d’entrée.
« Yuna. »
Bomph. Noa plongea droit contre ma poitrine, mais l’équipement d’ours absorba l’impact.
« Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus, Noir. »
« Tu peux m’appeler Noa à la place. As-tu une raison pour vouloir me voir ? Même si ce n’est pas le cas, je suis toujours heureuse de t’accueillir. »
« J’ai fait une friandise, alors je voulais voir si tu pouvais l’essayer pour moi. »
« Une friandise ? Ça a l’air délicieux. »
En tirant sur mon bras, Noa m’avait emmenée dans une pièce.
« Alors, c’est quoi comme nourriture ? »
« C’est un dessert à base d’œufs kokekko. »
J’avais sorti le pudding de mon stockage d’ours. Bien sûr, je ne pouvais pas oublier la cuillère.
Noa avait pris cette cuillère et avait mangé une bouchée du pudding.
« C’est délicieux. »
« Je suis content que tu l’aimes. »
« C’est la première fois que je mange quelque chose d’aussi bon. »
« Tu exagères. »
« Non, pas du tout. C’est la première fois que je goûte quelque chose d’aussi fondant, froid, sucré et délicat. »
« Eh bien, je suppose que les femmes et les enfants ont tendance à aimer ces saveurs. »
Noa ne se contentait pas de me flatter, elle semblait vraiment le savourer en mangeant.
« Oh, on dirait que j’ai déjà tout mangé. »
La tasse était déjà vide. Elle me regardait silencieusement, pleine de cupidité.
« D’accord, encore un autre. »
« Merci. »
Au moment où je lui avais remis un autre pudding, on frappa à la porte.
« J’entre, Noa. J’ai entendu dire que Yuna était venue. »
Cliff entra dans la pièce.
« Désolée d’être venue », lui avais-je dit.
« Ça ne me dérange pas. Qu’est-ce que vous faites tous les deux ? »
« Yuna partage avec moi une friandise qu’elle a faite et qui s’appelle pu-ding. »
« Du pudding ? »
Noa avait pris une bouchée de son pudding nouvellement acquis. Elle souriait comme une enfant. Ce seul fait justifiait ma venue ici.
« Est-ce vraiment si bon que ça ? » demanda Cliff, en regardant le sourire de sa fille.
« Oui, c’est délicieux. »
« Noa, aurais-tu la gentillesse de me laisser en prendre une bouchée ? »
« Pas question », Noa le lui refusa catégoriquement.
« Noa. »
« Non. C’est un cadeau de Yuna. »
« Yuna ? »
Cliff me regarda avec envie. Ce n’était pas normal qu’un adulte me regarde comme ça.
« Agh, c’est bon. Faites-moi savoir ce que vous en pensez quand vous aurez fini. C’est encore un prototype, donc je n’ai pas encore affiné le goût. »
« Ce n’est qu’un prototype ? Mais c’est déjà meilleur que toutes les autres friandises que je connais. », dit Noa.
« Eh bien, j’appelle ça un prototype, mais j’ai juste besoin d’ajuster la douceur. »
J’avais passé un pudding à Cliff, qui en avait pris une bouchée.
« C’est quoi… ça ? »
Son visage avait changé.
« Je n’ai jamais eu de friandises aussi délicieuses, et cela même dans la capitale royale. »
Peut-être que ce monde ne possédait pas beaucoup de friandises, non ? Eh bien, je suppose que cela était normal vu qu’il était si difficile de mettre la main sur des œufs. Les cuillères de Cliff et Noa n’avaient jamais cessé de bouger.
« Merci pour la friandise, Yuna. C’était très bon. »
« C’est vrai ? C’est très bien. Y avait-il une partie que vous auriez voulu améliorer ? »
« Non, je ne pense pas qu’il y ait un seul défaut. »
« Ce serait bien même si vous me disiez que vous le vouliez plus ou moins sucré. »
« Pour ma part, je pense que je le voudrais un peu moins sucré. La première bouchée est délicieuse, mais au bout d’un moment, cela commence à devenir trop fort. »
« Tu crois ? Mais je trouve que c’est délicieux », dit Noa.
« Eh bien, les goûts varient entre les adultes et les enfants et entre les sexes. Je vais vous utiliser tous les deux comme référence. »
« Allez-vous faire quelque chose comme un magasin ? »
« Je n’en ai pas l’intention pour le moment. C’est juste que je pensais que je pourrais aider les orphelins dans leur future carrière si, par exemple, ils voulaient cuisiner ou faire des desserts au lieu d’élever des oiseaux. »
« Vous êtes donc si prévoyante ? »
« Je pensais juste au fait que, s’il y avait une entreprise dans le coin, je pourrais avoir un pudding sans avoir besoin de faire un effort pour le faire moi-même. »
« Donc, vous guidez les enfants ? Vous êtes une adulte beaucoup plus rusée que moi. »
Je leur avais repris leurs tasses vides et je les avais mises dans mon stockage d’ours.
« Alors, avez-vous besoin d’autre chose ? »
Il était venu spécialement dans la chambre de sa fille pour me rencontrer, et je doutais qu’il soit venu juste pour me voir.
« Oui, j’ai une faveur à vous demander. Pourriez-vous escorter pour moi Noa à la capitale royale? »
« À la capitale ? »
« Oui, nous devons assister à la célébration du quarantième anniversaire du roi, mais une certaine personne m’a donné une montagne de travail à faire, et je soupçonne que je ne pourrai pas partir avant la dernière minute. Si cela arrive, nous aurons alors un calendrier très serré, et je préfère ne pas faire subir cela à ma fille. »
« Quand vous dites que quelqu’un vous a causé beaucoup de travail… vous ne parlez pas de moi, n’est-ce pas ? »
« Je vous en suis vraiment reconnaissant, mais c’est effectivement le cas. »
C’était au mieux une fausse accusation. L’affaire de l’orphelinat était une erreur de Cliff en tant que seigneur. Ce n’était pas du tout ma faute. Puisque c’était moi qui avais découvert le crime, il aurait vraiment dû me remercier.
Mais la capitale royale, hein.
« Y aura-t-il d’autres escortes ? Comment allons-nous y aller ? »
S’il y avait d’autres escortes, j’envisagerais de refuser, car ce serait pénible. Voyager en calèche serait encore plus pénible.
« Juste celle qui a descendu la vipère noire, je pense que vous serez plus que suffisante. Et vous pouvez utiliser vos ours pour le transport, n’est-ce pas ? »
« Est-ce que ça veut dire que je peux monter sur l’ours !? »
Noa laissa échapper un éclat de joie.
« J’ai entendu dire que vos invocations sont plus rapides que les chevaux. Si c’est le cas, vous pourriez fuir si vous rencontrez un danger. »
Je voulais aller à la capitale de toute façon, donc je n’avais pas de raison de refuser.
« Alors, quand est-ce qu’on part ? »
« Si vous voulez partir tôt, demain serait l’idéal. Je suis sûr que Noa veut voir sa mère le plus tôt possible. »
Maintenant qu’il l’avait mentionné, je n’avais jamais vu sa mère dans la maison avant. Personne ne l’avait mentionnée, donc j’avais supposé qu’elle était décédée, mais je suppose que j’avais tort.
« Ta mère vit-elle dans la capitale ? »
J’avais demandé à Noa, qui semblait excitée.
« Uh-huh, elle travaille là-bas. »
« Dans ce cas, veux-tu partir demain ? »
« Vraiment ? »
« Ne veux-tu pas voir ta mère le plus tôt possible, non ? »
J’avais fini par accepter le rôle d’escorte de Noa à la capitale.
« Dans ce cas, pouvez-vous attendre un moment, Yuna ? J’ai quelque chose que j’aimerais que vous apportiez à ma femme »
Cliff était parti et était revenu avec deux lettres et une grande boîte.
« Pourriez-vous livrer ceci à Ellelaura ? »
« Qu’est-ce que c’est ? »
J’avais pointé la boîte.
« Il y a l’épée du roi-gobelin que vous m’avez donné à l’intérieur. Si l’inattendu se produit, s’il vous plaît, donnez-la à Ellelaura. J’ai écrit les détails dans cette lettre, elle saura quoi faire quand vous la lui donnerez. Veuillez également remettre cette lettre à la guilde des aventuriers. J’ai demandé qu’ils traitent ceci comme une quête. »
J’avais mis la lettre et la boîte avec l’épée du roi-gobelin dans le stockage d’ours.
« J’ai hâte de te voir demain, Yuna. »
« Oui, moi aussi. »
J’avais quitté la résidence du seigneur pour me préparer pour demain.
***
Chapitre 49 : L’ours parle de son voyage dans la capitale
J’étais d’abord allée à la guilde des marchands pour dire à Milaine que je quittais la ville. Il n’y avait pas beaucoup de monde à la guilde des marchands, peut-être parce qu’il était plus de midi. Quand j’étais allée à la réception, Milaine semblait s’ennuyer.
« Yuna ? De quoi avez-vous besoin ? »
« Je vais à la capitale royale pour un moment, donc je voulais te demander si tu pouvais laisser le truc des œufs à Tiermina. »
En fait, elle s’occupait déjà de tout. Le plus que j’avais fait, c’était de peser sur les prix de temps en temps.
« Allez-vous à la capitale royale ? »
« Je dois juste accomplir une rapide quête d’escorte. »
« Je vois. Alors, puisque vous allez à la capitale, j’attends avec impatience des souvenirs. »
« Bien sûr, veux-tu quelque chose ? »
« Je vous laisse faire. »
Quand il s’agissait de souvenirs, de repas, ou de quoi que ce soit, c’est la réponse la plus difficile à obtenir. Je suppose que c’était mieux que si elle m’avait demandé quelque chose de déraisonnable.
« Ce n’est pas vraiment un souvenir, mais tu peux avoir ça, Milaine. »
J’avais pris un pudding de mon stockage d’ours.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« C’est une friandise appelée pudding. Je l’ai fait avec des œufs kokekko. Mets-le au frigo et mange-le pendant votre pause. Fais-moi savoir ce que tu en penses quand je reviendrai de la capitale. »
« Merci beaucoup. Je le mangerai plus tard. Veuillez prendre ceci en retour. »
Milaine avait écrit quelque chose et m’avait remis une lettre scellée.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« C’est une lettre d’introduction. Si vous la donnez à la guilde des marchands de la capitale royale, je pense qu’ils pourraient vous donner un arrangement favorable. Utilisez-la si vous avez des problèmes avec eux. »
Comme j’avais l’intention de rendre visite à la guilde des marchands, j’avais accepté la lettre avec gratitude.
« N’oublie pas le pudding. Assure-toi de le refroidir avant de le manger », avais-je dit en sortant.
Après cela, il ne me restait plus qu’à visiter trois autres endroits : la maison de Fina, la guilde des aventuriers et l’orphelinat. La guilde des aventuriers était la plus proche sur mon itinéraire. Quand j’étais arrivée, il n’y avait pas beaucoup de monde. J’avais rencontré Helen à la réception.
« Oh, Mme Yuna. »
« Pourriez-vous m’aider ? »
J’avais remis la lettre de Cliff à Helen. Ses yeux avaient scanné son contenu.
« Je vais traiter ça à la réception, alors si vous pouviez me donner votre carte de membre de la guilde, s’il vous plaît. »
Je la lui avais passée.
« Je suppose que cela signifie que vous ne serez pas en ville pendant un certain temps. »
« Cependant, je ne sais pas pour combien de temps. »
Le maître de la guilde était apparu d’on ne sait où et m’avait appelée.
« Yuna, allez-vous quelque part ? »
« Il semblerait qu’elle aille à la capitale royale à la demande du seigneur Cliff. »
« Oh, pour l’anniversaire du roi ? »
Le chef de la guilde m’avait regardée attentivement.
« Yuna, attendez une seconde. »
Il s’éloigna dans une pièce intérieure. Je m’étais demandé ce que ça pouvait être juste au moment où il revenait.
« Prenez ça avec vous. »
Un autre arrêt, une autre lettre.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« C’est pour que vous ne fassiez pas de dégât à la guilde des aventuriers de la capitale. »
« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »
« Vous allez à la capitale dans cette tenue, n’est-ce pas ? Avez-vous oublié votre premier jour ici ? »
Personne n’avait plus essayé de se battre avec moi depuis que j’étais arrivée dans la guilde. Je n’avais même plus eu autant de regards étranges en me promenant en ville. En fait, les enfants avaient commencé à me suivre récemment. C’était comme si je devenais une sorte de mascotte de ma ville natale. Je ne pouvais pas m’attendre au même traitement à l’étranger.
« Je pense que si vous donnez cette lettre à la guilde des aventuriers, ils s’occuperont un peu de vous. »
Je vous en serais reconnaissante. Je veux dire que renverser les gens un par un devient fastidieux au bout d’un moment. Après l’avoir remercié pour la lettre, j’étais partie.
Mon prochain arrêt était la maison de Fina. Gentz n’y était pas, mais les trois femmes y étaient.
« Oh, entre, Yuna. Qu’est-ce qui t’amène ? »
« Yuna est ici !? »
Fina était descendue de l’étage. Shuri l’avait suivie.
« Je suis venu te dire qu’à partir de demain, je vais aller dans la capitale royale pour un moment. »
« Tu vas à la capitale ? » demanda Shuri.
« Je dois accomplir une quête d’escorte. Tiermina, je pense que tu t’en sortiras bien, mais si tu pouvais t’occuper des affaires de l’orphelinat ? »
« J’ai compris. Je suis sûre que nous n’aurons pas de problèmes, alors s’il te plaît, prends ton temps pour visiter la capitale. Ne serait-ce pas ta première fois ? »
« J’aimerais pouvoir y aller », marmonnait doucement Fina en nous écoutant.
« Tu n’y es pas déjà allée ? »
« Non, jamais. »
Je suppose que sans père et avec Tiermina malade, elle n’aurait pas pu y aller.
« Veux-tu aussi venir ? »
« Oh, es-tu sûre ? »
« Eh bien, il n’y aura que moi et la personne que j’escorte durant ce voyage, donc ajouter une autre personne ne posera pas de problème. »
« Tu es sûre, Yuna ? Ce n’est pas un travail ? » demande Tiermina.
« Je le demanderai donc à la personne que j’escorte demain. Si j’ai sa permission, nous irons ensemble. Sinon, je suppose que tu devras alors rester ici. »
« Je suis tellement jalouse, sœurette », dit Shuri en jetant un regard envieux à sa sœur.
« Tu ne peux pas y aller, Shuri. Tu dois t’occuper de la maison avec maman. »
« Waaaah. »
« Tu ne veux donc vraiment pas être seule avec ta mère, hein ? »
Shuri secoua la tête d’un côté à l’autre.
« Nuh-uh. »
Tiermina fit un câlin à Shuri.
« Entendu, je viendrai te chercher demain matin. Tu n’as pas besoin de préparer quoi que ce soit, mais si tu prends quelque chose, prépare-le pour que je puisse le mettre dans mon sac sans fond. »
Finalement, j’étais allée à l’orphelinat pour faire savoir à la directrice et aux enfants que je ne viendrais pas pendant un certain temps. Je le leur avais aussi laissé de la viande de loup.
***
Chapitre 50 : Fina remercie l’ours
Récemment, papa était rentré à la maison avec un air très sombre. Je me demandais bien pourquoi ?
J'avais entendu dire qu'apparemment une vipère noire était sortie et qu'elle attaquait un village voisin. C'était une grosse affaire pour la guilde. Apparemment, papa avait pu revenir de son travail de dépeçage et de commerçant, mais les autres employés ne pouvaient pas se relayer.
La vipère noire était censée être un énorme serpent. Je n'en avais jamais vu avant. On disait qu'il fallait au moins un groupe d'aventuriers de rang C pour la battre. Yuna et le chef de guilde étaient allés la battre seuls. Mon père avait l'air inquiet. Il marmonnait : « Il n'y a aucune chance qu'ils puissent la vaincre. »
Quelques jours plus tard, Yuna et le chef de guilde étaient rentrés sains et saufs. Quand mon père était rentré à la maison, il était si heureux qu’il m’avait tout raconté. Comme ils allaient dépecer la vipère noire demain, ils m’avaient appelée à l'aide.
J’étais allée à la guilde avec papa tôt le matin, mais il semblerait que Yuna n'était pas encore là. Comme sa récente quête l’avait fatiguée, elle n'allait pas venir à une heure précise. J'avais décidé d'aider la guilde comme au bon vieux temps, jusqu'à ce qu'elle vienne, mais ensuite Yuna était arrivée à la guilde dans une très grande forme. Je ne pouvais plus vraiment dire à quel point une vipère noire était censée être forte.
J'avais attendu dans la chambre froide qu'ils me disent quoi faire pour dépecer la vipère noire, mais ensuite ils avaient demandé à tout le monde de sortir. Ils m’avaient dit qu'elle était si grosse que nous ne pouvions même pas la dépecer dans la chambre froide. Nous avions fini par le faire à l'extérieur de la ville. Quand Yuna sortit le corps de la vipère de la bouche de son ourson, je m’étais demandé comment elle pouvait battre quelque chose d'aussi énorme toute seule.
Une fois que j'avais eu mes instructions, je m’étais mise au dépeçage. J'avais fait équipe avec papa. D'abord, il l'écorchait, ensuite, je découpais des morceaux de viande à l'endroit où il l'avait écorchée et je les mettais dans un sac sans fond. Je n'étais pas sûre de pouvoir tout finir en une journée. Quoi qu'il en soit, j'avais décidé de travailler dur.
Beaucoup d'heures plus tard, il n'y avait plus de vipère à traiter. J'étais tellement soulagée. J'avais laissé d'autres personnes porter le matériel et j'avais ramené Yuna de chez elle à la guilde, comme le maître de guilde l'avait demandé. Étant donné que j’avais eu une journée entière de travail, j'avais décidé de rentrer à la maison et de me coucher tôt aujourd'hui. J'étais fatiguée, mais j'étais contente de pouvoir aider papa.
Ces derniers temps, nous étions comme sur un nuage.
Maman allait mieux, et papa essayait de nous faire rire quand nous mangeons. Maman disait toujours : « Ce n'est pas drôle », mais elle riait au moment où elle le disait. Je ne savais pas depuis combien de temps nous n'avions pas ri à table. Peut-être que c'était la première fois que c'était comme ça pour Shuri.
Puis, un de ces jours, ma mère avait dit quelque chose que je n'attendais pas.
« Peut-être que je vais travailler comme aventurier. »
On l'avait tous arrêtée. Papa, surtout, ne l'avait pas permis.
« As-tu l'intention de mourir et de laisser tes enfants derrière toi !? Cela montre le peu de confiance que tu as en moi en tant que soutien de famille !? »
J'avais peur rien qu'en imaginant que maman allait se battre contre une vipère noire, mais je pouvais imaginer Yuna la battre sans verser de sueur. Je me demandais bien pourquoi ? La seule fois où je l'avais vue se battre, c’était quand on s’était rencontrée.
Shuri avait aussi étreint maman, et avait secoué la tête si fortement que tout son corps en tremblait. Finalement, nous étions parvenus à un compromis pour qu'elle obtienne du travail par le biais de la guilde des marchands.
... Je me demande pourquoi elle avait fini par travailler pour Yuna à la place. Apparemment, son travail consistait à échanger des œufs d'oiseaux. Que faisait Yuna ? Peut-être qu'elle allait arrêter d'être une aventurière pour devenir une marchande ?
Un jour, Yuna m'avait dit : "Viens chez moi avec Shuri demain."
Elle avait dit qu'elle voulait qu'on goûte de la nourriture. J'étais un peu inquiète, mais j'étais excitée. Le lendemain matin, après avoir pris mon petit déjeuner, j’étais allée avec Shuri à la maison ours. Yuna avait apporté un dessert appelé « pudding ». Il était jaune. Il était censé être fait à base d'œufs. Est-ce que je pouvais vraiment manger quelque chose d'aussi chic ?
Mais encore une fois, Yuna l'avait fait pour moi. J'en avais pris une cuillère avec reconnaissance. C'était doux et sucré. Je n'avais jamais entendu parler de ça avant, et encore moins goûté quelque chose comme ça. J'avais fini de manger le tout avant de m'en rendre compte.
La tasse de Shuri était elle aussi vide. Au vu de l’air déçu que nous avions, Yuna avait souri et en avait sorti un autre pour chacun de nous. Cette fois, je l'avais mangé lentement.
Mmhmm, c'était si bon.
Yuna était déjà étonnante car elle était une aventurière très forte, mais être capable de faire de la nourriture comme ça, c’était aussi assez incroyable. J'étais si heureuse que cela en était effrayant.
Ce jour-là, pendant que j'enseignais l'alphabet à Shuri à la maison, dans l'après-midi, Yuna était venue. Je m’étais demandé si elle voulait quelque chose. Quand nous lui avions posé la question, elle avait dit qu'elle escortait quelqu'un à la capitale. Elle était venue demander à ma mère de surveiller l'orphelinat.
« J'aimerais pouvoir y aller. »
Quand j'avais dit ça, elle avait fini par décider de m'y emmener aussi. Est-ce que je pouvais vraiment y aller ? On verra si je pourrais y aller demain après qu'elle aura demandé l’accord de son client. Je ne savais pas si je pouvais y aller, mais j'attendais demain avec impatience.
***
Bonus 1 : Les aventuriers débutants (1)
J’avais fait appel à la guilde des aventuriers pour tuer le temps aujourd’hui. J’étais venue à la guilde dans ma combinaison d’ours habituelle, mais je n’avais entendu personne se moquer de moi. À l’intérieur, j’avais vérifié les tableaux de quête, en espérant trouver quelque chose d’intéressant.
J’avais pensé que je ne devrais pas rencontrer de problème en affrontant une autre vipère noire maintenant que je savais comment les vaincre tout en parcourant les tableaux des rangs D et C. Mais de toute façon, quel rang une vipère noire finirait-elle par avoir ? Si elle était plus élevée que le rang B, je n’en trouverais évidemment pas sur les tableaux que je regardais. J’avais jeté un rapide coup d’œil aux tableaux de rang B au cas où, mais je n’avais trouvé aucune quête avec de nouveaux monstres qui me semblait intéressants.
Juste au moment où je songeais à aller ailleurs, j’avais fait un pas sans regarder où j’allais.
« Ah ! »
J’avais renversé la fille devant moi sur ses fesses. On avait l’air d’avoir le même âge. Mais elle était plus grande. Pourquoi était-ce elle qui avait fini par tomber ? Je suppose que je pourrais remercier mon équipement d’ours pour cela.
« Désolée. Est-ce que ça va ? »
J’avais offert une main en forme d’ours à la fille clouée au sol. Après m’avoir regardée, elle fit le tour de la pièce.
« Un ours ? »
Un peu hésitante, elle avait saisi ma main. Une fois debout, elle m’avait remercié.
« Merci beaucoup. »
« Tu n’es pas blessée ? »
« Non, ça va. »
Juste quand j’allais prendre congé, un garçon s’était précipité vers elle.
« Horn, tu vas bien ? »
« Oui, je vais bien. Je suis juste tombé sur cet ours. »
Le gamin m’avait regardée une fois de plus.
« Un ours !? »
Venait-il seulement de le remarquer ? !
« Désolé pour ça. J’étais un peu perdu dans mes pensées. »
« Non, c’est bon. Je ne regardais pas où j’allais, puisque je cherchais tout le monde », dit Horn en baissant la tête.
« Je suppose qu’on doit partager la responsabilité. »
« Oui, on dirait bien », répondit Horn en souriant.
Le gamin me regardait.
« Quoi ? »
Je savais ce qu’il voulait dire, mais je l’avais appelé vu qu’il me fixait. Il n’avait probablement pas la moindre idée que sa vie dépendait de ce qu’il allait dire ensuite. Blague à part, le gamin s’était mis à parler.
« Es-tu l’ours des rumeurs ? »
Eh bien, si quelqu’un parlait d’un ours dans cette ville, c’était bien de moi qu’il s’agissait.
« Cela pourrait être le cas. »
S’il y avait d’autres ours dans les environs, j’aimerais les voir. C’est ce que je pensais, mais tout ce que je pouvais imaginer, c’était des types plus âgés avec très peu d’intérêts communs. Après m’avoir examinée, le gamin ouvrit sa bouche à nouveau.
« Oh allez, ils ont dû nous taquiner ! », dit le gamin.
« Oh, désolé. C’est juste que quelqu’un nous disait qu’il y a un aventurier effrayant qui s’habille comme un ours dans cette ville et que nous ne devrions pas nous en approcher. », dit Horn.
« En plus de ça, ils essayaient de nous agiter en nous disant que cet ours avait abattu un loup-tigre, un roi-gobelin et une vipère noire seule. »
Oui, c’était vrai.
« Donc es-tu censée être cette ourse dont toutes les rumeurs parlent ? »
Le punk m’avait frappée à la tête. J’avais commencé à compter à rebours à partir de dix. Quand j’avais regardé autour de moi, les autres aventuriers nous observaient, les yeux écarquillés et béants comme des poissons. Uh, pensais-je, est-ce qu’ils pensent que je vais faire quelque chose ?
Eh bien, c’était ce que je comptais faire. Un duo de garçons s’était précipité comme s’ils pouvaient voir la pensée sanglante se former dans ma tête.
« Horn, Shin, qu’est-ce que tu crois faire ? »
« Je veux dire, vraiment. On vous cherchait tous les deux. »
Si je devais les décrire en un mot, l’un était hyperactif et l’autre semblait belliqueux.
« Cet ours est tombé sur Horn. »
Baisse ce doigt, pensais-je. C’est impoli de pointer du doigt les gens. Où as-tu appris vos manières ?
« Un ours ? Tu ne veux pas dire celui des rumeurs ? »
« Oh, tu veux dire celui dont la réception nous a parlé… »
« J’en ai entendu parler par les aventuriers de haut rang… »
« Mais ils me disaient que l’ours était terrifiant. »
« Quelle blague ! Quand ils ont dit que c’était une femme habillée comme un ours, j’imaginais une dame géante. »
Le punk m’avait encore frappée à la tête. J’ai le droit d’être en colère bientôt, non ? pensais-je. Les aventuriers se faisaient rares dans le coin. Les travailleurs de la guilde n’avaient pas le droit de s’enfuir, et je pouvais voir sur leurs visages qu’ils savaient qu’ils étaient dans le pétrin. J’étais sur le point de poser la main sur ce petit voyou…
« Yuna ! S’il vous plaît, attendez ! »
Helen me cria dessus.
« La guilde n’était-elle pas censée être neutre face aux disputes entre aventuriers ? »
« C’est aussi le travail de la guilde de s’assurer que vous ne vous attirez pas d’ennuis. »
C’est vrai, je suppose qu’ils me l’avaient promis. J’aurais aimé qu’elle vienne à mon secours un peu plus tôt.
« Umm, qu’est-ce qu’il y a ? » dit la fille, ne semblant pas comprendre ce que disait Helen.
J’aurais aimé les faire pendre par les jambes sur une haute falaise, mais des idées plus fraîches l’avaient emporté.
« Aucun de vous n’a écouté ce que je vous ai dit l’autre jour ? »
Helen avait mis les garçons en garde.
« Vous voulez dire en ce qui concerne l’ours ? »
« C’est ça. Je vous ai dit qu’il y a une fille qui s’habille comme un ours et qu’en aucun cas vous ne devez vous moquer d’elle ou l’approcher pour vous amuser. »
« Voulez-vous dire cet ours ? »
Il avait fait un signe de la main vers moi.
« Arrêtez ça. Si vous ne voulez pas mourir, vous devriez vous excuser immédiatement et vous mettre au travail », Helen prit la main du gamin et pointa la porte.
« D’accord, on y va. On y va, tout le monde. »
« Entendu. Je suis vraiment désolé, mademoiselle l’ours. »
Horn et les garçons quittèrent la guilde.
« Mademoiselle Yuna, je m’excuse. Je pensais avoir assez bien expliqué les choses, mais il semblerait qu’ils n’aient pas compris. »
J’avais des doutes sur ce qu’elle leur avait dit. Je suppose qu’ils ne l’avaient pas cru quand ils me virent dans ce pyjama.
« Attendez, quelle est donc l’explication que vous leur avez donnée ? »
« Qu’il y a une aventurière qui s’habille comme un ours et qu’ils ne devraient jamais l’approcher pour leur propre amusement. »
« Est-ce tout ? »
« Non, je leur ai parlé aussi des monstres que vous avez tués pour qu’ils sachent à quel point vous êtes forte, pour qu’ils ne se moquent pas de vous ou qu’ils ne vous taquinent pas. Je leur ai parlé aussi des aventuriers de rang D et E qui avaient essayé de poser la main sur vous et qui avaient fini par devenir l’ombre d’eux-mêmes. »
Qu’est-ce que c’était que cette histoire maintenant ? Était-ce censé être un avertissement pour les voyageurs concernant un ours dangereux en liberté ou quelque chose du genre ?
« Quand malgré tout, je pense qu’ils ne croiraient pas en mon histoire, et donc j’ai demandé aux aventuriers chevronnés de leur parler. »
Quand j’avais regardé autour de la guilde, tout le monde avait détourné les yeux en même temps. Qu’est-ce qu’ils avaient bien pu dire à ces enfants ? Je n’avais aucune idée de ce qui se passait dans la guilde.
« Ce sont les instructions que nous avons reçues du chef de la guilde lui-même. Nous avons pris ces mesures pour que vous ne soyez pas impliqués dans des incidents inutiles. »
J’aimerais qu’ils arrêtent de me décrire comme un ours qui attaque sans discernement. Mais d’un autre côté, si quelqu’un se battait avec moi…
« J’ai fait en sorte de donner aussi à ces enfants toute l’explication », déclara Helen.
Elle poussa un soupir.
Après que tout le monde leur avait dit que j’étais une sainte terreur, ils virent cette fille en pyjama. Pas étonnant qu’ils aient pensé que c’était une blague. Non pas que ce soit une raison de pardonner à quelqu’un d’avoir frappé quelqu’un d’autre sur la tête.
« Je me demande si ces enfants iront bien. »
« Y a-t-il quelque chose à craindre ? »
« Un peu. Ces enfants ne sont que des débutants, mais ils ont pris une quête pour tuer des loups. C’est pour ça que je suis un peu inquiète. »
« Quel est leur rang ? »
« Ils ont rejoint la guilde l’autre jour, donc ils sont toujours de rang F. Apparemment, ils peuvent gérer des loups. »
« Alors ils ne devraient pas avoir de problème ? »
« Oui, mais cette fois, ils sont un peu à l’ouest, alors je suis un peu inquiète. »
« Mais ce ne sont que des loups. »
« Il semblerait qu’une grande meute ait été vue trop près d’un des villages voisins, ils ont ainsi pris cette quête. Ce n’est pas grand-chose, mais il y a une récompense, les enfants ont donc choisi d’y aller. »
Je comprenais son inquiétude, mais s’ils avaient déjà vaincu des loups, ça devrait aller. C’était aussi comme ça dans le jeu. Combattre plusieurs adversaires à la fois était le secret de l’efficacité.
« Alors, Mlle Yuna, êtes-vous venue voir les quêtes ? »
« Il n’y en a pas d’intéressante, alors je rentre chez moi. »
« Des intéressantes… ce n’est pas comme ça que les gens priorisent les quêtes. »
Helen semblait consternée.
Le lendemain, je m’ennuyais encore. Les quêtes ne variaient pas beaucoup en l’espace d’un ou deux jours. Le temps était beau, alors j’avais pensé à faire une promenade avec Kumayuru et Kumakyu.
« Fina, allons nous promener ! »
C’était la première chose que je lui avais dite quand elle était venue travailler.
« Mais pourquoi veux-tu faire ça tout d’un coup ? »
« J’ai un peu de temps devant moi, alors j’avais pensé aller me promener avec les ours. J’espérais que tu viendrais avec moi, Fina. »
« Mais qu’en est-il de mon travail ? »
« Tu as un jour de congé ! »
« Boo… »
« Tu peux rapporter de la viande de loup. »
Cela scella l’accord.
« Alors où allons-nous, Yuna ? »
« Je pensais qu’on pourrait aller dans un village où j’ai déjà été, mais prenons d’abord quelques souvenirs à emporter. »
J’avais emmené Fina faire du shopping avant de quitter la ville. Nous allions au village où j’avais résolu le problème des sangliers. Le bébé de Marie aurait dû naître bientôt. Je voulais lui offrir un cadeau pour la fête prénatale.
« Hé, monsieur, je vais prendre tous ces fruits, s’il vous plaît. »
J’avais racheté tous les orans du vendeur.
« Euh, es-tu sûre de tous les acheter, petite ourse ? »
« Si les prendre tous me cause des problèmes, donnez-moi juste le nombre que je peux acheter. »
« Ça ne me dérange pas vraiment, mais qu’est-ce que tu vas faire avec ça ? »
« Ce sera juste un petit cadeau. »
Comme nous étions parvenus à un accord, j’avais mis la boîte d’orans dans mon stockage d’ours. Après cela, j’étais allée dans quelques magasins, j’avais acheté des choses qui semblaient difficiles à trouver dans le village, et j’étais partie en dehors de la ville.
***
Bonus 2 : Les aventuriers débutants (2)
Avec moi chevauchant Kumayuru et Fina Kumakyu, nous avions quitté Crimonia et avions traversé les plaines. Le temps était parfait pour une promenade. Et puis, si quelqu’un nous voyait, il me dirait probablement de vérifier dans un dictionnaire ce que signifiait « marcher ». Au bout d’un moment, j’avais repéré une forêt familière. Tant que j’utilisais mes compétences en cartographie, nous ne nous perdions pas. Le village était apparu au bout de quelques minutes à dos d’ours.
La barrière que j’avais créée avait l’air intacte. Alors que nous nous approchions, j’avais trouvé Bogue gardant la même entrée de village que la dernière fois.
« Dame Yuna !? »
Pendant une seconde, j’avais pensé qu’il y avait quelque chose d’étrange dans son ton, mais j’étais sûre de l’avoir mal entendu.
« Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus ! Marie a-t-elle déjà eu son bébé ? »
« Oui, madame, un petit garçon en bonne santé. »
J’étais contente qu’elle n’ait pas eu de complications.
« Dame Yuna, êtes-vous venue nous bénir avec une requête ? »
D’accord, peut-être que je n’avais pas mal entendu… peut-être que ce n’était qu’un idiot.
« Et qui pourrait être cet ours blanc et cette fille là-bas ? »
C’est vrai, pensais-je, il n’est pas au courant pour Kumakyu.
« C’est aussi un de mes ours, alors détendez-vous. La fille se nomme Fina. Elle avait du temps libre, alors je l’ai fait venir avec moi pour une promenade. »
Fina secoua la tête et se présenta.
« Je veux rendre visite à Brandaugh et Marie, puis-je alors aller au village ? »
« Oui, bien sûr. Mais avant, puis-je vous demander d’aller voir le chef du village ? »
« Bien sûr. »
« Merci beaucoup. »
Comme expliquer aux villageois le fonctionnement des convocations aurait été pénible, j’avais décidé de ne pas renvoyer les ours. Comme ils se distinguaient autant qu’on pouvait s’y attendre, les enfants avaient évidemment commencé à se rassembler dès que nous avions franchi les portes, et les adultes aussi.
J’avais l’impression qu’ils en faisaient tout un plat.
« Yuna… »
Il semblerait que Fina ne sache pas vraiment quoi faire pour les enfants qui venaient nous voir. Bogue déclara aux enfants de ne pas s’approcher trop près. Ils semblaient déçus lorsqu’ils s’étaient écartés. Uhh, pensais-je, je devrais jouer avec eux plus tard.
Le chef avait dû remarquer l’agitation, parce qu’au moment où nous étions arrivés chez lui, il était dehors à nous attendre.
« Que diable se passe-t-il ? » avait-il dit, avant de me remarquer.
« Dame Yuna ! »
OK, donc le discours de l’idiot était contagieux.
« Qu’est-ce qui vous a amené dans le coin ? »
« J’avais un peu de temps à tuer, alors je suis allée me promener. Je me demandais aussi si Marie avait peut-être déjà eu son bébé. »
« Oui, un petit garçon en bonne santé. »
« Oui, j’ai eu des nouvelles de Bogue. C’est super. J’ai apporté des cadeaux, alors assurez-vous que tout le monde au village les partage. »
« Vous nous avez apporté des cadeaux ? Nous sommes heureux, mais nous n’avons rien à vous donner en remerciement, Dame Yuna. »
J’espérais qu’il y avait un problème avec mes oreilles.
« Umm, alors pourquoi m’appelez-vous Dame Yuna ? »
« Pourquoi ? C’est parce que vous êtes la sauveuse du village, bien sûr. On ne vous remerciera jamais assez pour le mur que vous avez érigé, il protège nos cultures des autres animaux. »
« Je comprends pourquoi vous le faites, mais s’il vous plaît, ne m’appelez pas “Dame”. Je ne suis pas si importante que ça. »
« Mais… »
« Si vous ne le faites pas, je vais casser les murs », j’avais alors pris une apparence très sérieuse.
« Eh bien… bien. Alors peut-on vous appeler Mlle Yuna ? »
« Bien sûr, ça marche. »
D’une manière ou d’une autre, j’avais réussi à les faire arrêter de m’appeler « Dame ».
« Yuna ! »
Une voix avait dit mon nom. Quand j’avais détourné les yeux du chef et que j’avais cherché la source, j’avais vu Marie arriver, le bébé dans ses mains.
« Marie, félicitations. »
« Merci. »
« Heureuse d’apprendre que le bébé est né en bonne santé. »
« Tout ça grâce à vous, Yuna. Étant donné que vous avez, parmi les nombreuses choses que vous avez faites, vaincu le gardien de la forêt, je pouvais me concentrer sur l’accouchement. »
« Quel est son nom ? »
« Si ça avait été une fille, je pensais l’appeler Yuna. »
S’il vous plaît, arrêtez, pensais-je. Ne donnez pas mon nom à un bébé, s’il vous plaît. Merci, mon Dieu, d’avoir fait de cet enfant un garçon.
« Son nom est Yuuk. Nous avons emprunté une syllabe de ton nom. »
Je supposais que des tas de gens pourraient avoir des noms commençant par « Yu », donc je supposais que c’était bien. Yuuk n’avait pas pleuré quand j’avais jeté un coup d’œil sur lui. Peut-être qu’il n’avait pas le sentiment d’être en danger ? En fait, il riait. Il ne riait pas à cause de mon apparence, hein ?
« Alors, où est Brandaugh ? »
« Il est parti à la chasse. »
Il n’y avait pas eu de changement.
« Je pense qu’il va bientôt revenir, alors vous pourrez le voir. Je suis sûre qu’il sera aussi content de vous voir. »
C’est ce que j’avais prévu de faire depuis le début de toute façon, alors j’avais juste hoché la tête.
« Ah oui, j’ai apporté des trucs qui seront bons pour ta santé, alors mange-les quand tu le veux, Marie. »
« Je suis contente, mais en êtes-vous sûre ? Je n’ai rien fait pour vous. En attendant, vous n’avez rien fait d’autre que de nous aider. »
« S’il te plaît, ne t’inquiète pas. Tu dois te fortifier avec de la bonne nourriture pour pouvoir donner le meilleur de toi-même en élevant cet enfant. »
J’étais sûre qu’elle s’occupait probablement du bébé qui pleurait la nuit et de toutes sortes de choses. Elle devait aussi se nourrir correctement.
Le chef nous avait donc offert un déjeuner chez lui. Fina berçait Yuuk dans ses bras à côté de moi.
« Fina, tu es plutôt douée pour ça. », dit Marie.
« Oui, je me suis occupée de ma petite sœur quand elle avait cet âge. »
Shuri ? pensais-je. Mais ils n’ont que trois ans d’écart.
J’avais entendu dire que le mari de Tiermina était décédé alors qu’elle était enceinte de Shuri. Cela signifiait que si Tiermina devait travailler, Fina aurait probablement dû s’occuper de Shuri. Même avec l’aide de Gentz, ça avait dû être un moment terrible, de devoir s’occuper d’une petite fille.
J’avais tendu mon bras et j’avais tapoté la tête de Fina.
« Y-Yuna ? »
Elle était désorientée.
« Je me disais juste que tu es assez remarquable. »
Je pense qu’elle n’avait pas dû comprendre ce que je voulais dire, puisqu’elle avait penché la tête sur le côté de façon interrogative.
Après avoir terminé le repas, j’avais donné au chef et à Marie les cadeaux que j’avais apportés de Crimonia.
« C’est trop. »
« Je me disais que tu dois te nourrir correctement. Tu peux les partager avec les autres femmes enceintes du village ou les distribuer dans le village. »
« Merci. »
J’étais juste contente qu’elle n’ait pas essayé de le refuser poliment.
« Alors Fina, es-tu vraiment venue au village pour faire une promenade ? » demanda Marie à Fina.
« Oui. Quand je suis allée chez Yuna, elle m’a soudainement demandé de faire une promenade et m’a ensuite amenée jusqu’ici », répondit Fina, le sourire crispé.
« Ha ha, je suppose que cela lui ressemble bien. Je suppose qu’on peut dire qu’elle est détendue. “Elle a l’air plutôt détendue”, »
« Oui. »
Pourquoi diable était-elle d’accord ? Est-ce que j’avais vraiment agi de façon aussi détendue ? Quand j’étais au Japon, je n’allais pas à l’école. Je n’avais pas écouté mes parents. Je n’avais fait que jouer. Je faisais à peu près tout ce que je voulais dans ce monde fantaisiste. Je n’arrivais pas à trouver quoi que ce soit à dire pour leur prouver qu’elles avaient tort.
« De toute façon, combien de temps penses-tu que l’on doit attendre avant de voir Brandaugh revenir ? »
« Je pense qu’il arrivera maintenant à n’importe quel moment s’il attrape quelque chose… »
« Y a-t-il un problème ? » avais-je demandé, car j’avais l’impression qu’elle insinuait quelque chose vu la manière dont elle disait cela.
Marie regarda le chef. Celui-ci fit un signe de tête, puis se mit à parler.
« Vous avez vaincu le gardien de la forêt. »
« Effectivement. »
« Nous ne sommes pas sûrs que ce soit la raison, mais il y a eu plus de loups dans les environs récemment. Mais, bien sûr, nous sommes reconnaissants que vous ayez vaincu le gardien pour nous. », le chef semblait peiné en le disant.
« Nous pensons que les loups n’étaient probablement jamais venus parce que le gardien était déjà là. »
« Les loups ont l’air faibles par rapport au gardien. Il y en a plusieurs dans notre village qui peuvent les combattre. C’est juste qu’ils sont si nombreux. »
« Brandaugh est allé les chasser, mais nous n’avons pas réussi à en réduire la population. »
« Alors l’autre jour, quand un marchand est venu, nous lui avons demandé de poster une quête de chasse au loup à la guilde des aventuriers. »
« Ensuite, de jeunes aventuriers se sont pointés hier soir. »
« Ils sont sortis les tuer ce matin, alors ne vous inquiétez pas. Nous pensons que le nombre de loups va diminuer. »
Relax, hein, pensais-je. J’espérais juste que ce n’était pas comme une sorte de tournant ou autre. J’étais sûre que la population de loups allait diminuer avec l’arrivée des aventuriers, même s’ils étaient jeunes. En tout cas, le village avait des gens qui pouvaient tenir le coup.
Après cela, je les avais écoutés parler du village en attendant le retour de Brandaugh. Apparemment, ils avaient décoré l’arrière de la maison du chef avec la peau du gardien de la forêt. Fina était allée voir et avait été surprise par la taille de la peau.
« Vous ne pouviez pas la vendre ? »
« Non, nous avons vendu la viande et l’avons échangée avec les villages voisins contre de la nourriture, mais nous voulions garder la preuve que vous avez sauvé le village. Après que tous les villageois en aient discuté, nous avons décidé de la garder. »
« Une fois que mon petit gars aura grandi, j’ai l’intention de lui raconter l’histoire de vos exploits pendant que nous regardons cette peau », dit Marie en regardant le visage de son fils.
C’était un peu gênant, je voulais juste qu’ils arrêtent.
Au moment où nous avions quitté la maison du chef, je vis des enfants qui regardaient mes ours depuis l’autre côté de la rue. Je leur avais fait signe de se rapprocher, et quelques-uns s’étaient précipités.
« Hé, voulez-vous caresser les ours ? »
Les enfants firent un signe de tête.
« Vous pouvez les caresser, mais vous feriez mieux de ne pas leur causer de problèmes. »
Ils s’étaient accrochés à Kumayuru et Kumakyu à la seconde où ils en avaient eu la permission. Ils s’étaient assurés de suivre mes ordres et n’avaient rien fait pour les contrarier. Après que les enfants aient passé un moment à jouer avec les ours, j’entendis un vacarme près de l’entrée du village. Quelqu’un se précipitait vers nous.
« Chef ! C’est terrible ! » criaient-ils. Plusieurs personnes l’avaient suivi.
« Qu’est-ce qui vous a mis dans cet état ? » dit le chef du village.
Les autres personnes dans la maison l’avaient suivi.
« Il y a un tigre-loup ! »
« Un tigre-loup !? »
« Est-ce que Brandaugh va bien !? »
Marie interrogea l’homme qui était venu à la maison du chef.
« Je suis désolée. Il était avec moi pendant une partie du trajet, mais il est resté derrière pour le distraire. »
Il avait légèrement penché la tête en s’excusant.
L’homme avait un carquois rempli de flèches sur l’épaule. C’était probablement un autre chasseur.
« Non… » dit Marie, s’effondrant à genoux.
Je suppose que la situation était plutôt désastreuse.
« Chef ! Vite, rassemblez les hommes et fortifiez l’entrée. Il pourrait être capable de franchir le mur, alors vous devrez dire aux femmes et aux enfants de rentrer chez eux. », dit le chasseur.
Le chef fit un signe de tête et donna l’ordre. Les enfants qui avaient joué avec les ours s’accrochèrent nerveusement à Kumakyu et Kumayuru.
« Fille ourse… »
« Tout ira bien, mais comme cela pourrait être dangereux, vous devriez tous rentrer chez vous et écouter ce que vos parents vous disent. »
Les enfants hochèrent la tête et retournèrent dans leurs maisons respectives.
« Avez-vous vu l’un des aventuriers ? »
« Quand je chassais, je les ai aperçus, mais nous ne savions pas pour le tigre-loup à ce moment-là, alors nous avons pris des chemins différents. Je ne suis pas sûr de ce qui leur est arrivé après ça. »
« Chef ! Pensez-vous que ces aventuriers peuvent s’occuper d’un tigre-loup ? »
« Ils m’ont montré leurs cartes de guilde, mais ce n’étaient que des novices de rang F. Je pense que c’est impossible. En fait, je m’inquiète pour eux. »
Le chef baissa la tête et fronça les sourcils. Puis il releva la tête et me regarda sans rien dire. Il tourna son regard vers les hommes rassemblés dans le village.
« Dépêchez-vous de fermer l’entrée. Certains d’entre vous montent la garde le long du mur ! »
« Qu’allons-nous faire de Brandaugh et des aventuriers ? »
« Nous attendons qu’ils s’échappent par ici. Si nous les recherchons imprudemment, nous devrons peut-être sacrifier d’autres personnes. »
« Mais… »
Marie était tellement prise par l’inquiétude qu’elle ne pouvait plus continuer. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était serrer son fils dans ses bras.
« Yuna… »
Fina me jeta un regard triste.
« Ça va aller. »
J’avais donné à Fina une petite tape sur la tête.
***
Bonus 3 : Les aventuriers débutants (3)
« J’y vais. »
« Mlle Yuna ! »
« Je vais prendre les ours et aller chercher très vite Brandaugh et les autres. »
« C’est trop dangereux ! Les tigres-loups sont différents du gardien de la forêt. Ils sont féroces ! »
Le chef était vraiment inquiet pour moi.
« C’est vrai. Le gardien a juste mangé toutes nos récoltes alors qu’il ne nous a rien fait, mais les loups-tigres vont en fait attaquer les gens. »
« Yuna, c’est dangereux. »
Les villageois étaient vraiment inquiets pour moi.
« Bien que cela coûte un peu d’argent, nous allons faire une quête à la guilde des aventuriers, alors ne vous inquiétez pas. »
Ne pouvaient-ils pas voir qu’ils avaient un aventurier sous les yeux ?
« Mais chef, que devrions-nous faire ? Qui devrions-nous envoyer en ville ? Nous ne pouvons pas attendre un marchand comme la dernière fois. »
« Et nous devons le faire rapidement. »
« On devrait trouver quoi faire pour Brandaugh avant tout ça, n’est-ce pas ? »
« Je le dirai autant de fois que nécessaire, mais nous n’irons pas sauver Brandaugh. Nous devons juste espérer qu’il reviendra au village. »
Les villageois se sentaient tristes face aux paroles du chef. Personne ne voulait se battre contre le loup-tigre. Ils savaient qu’ils mourraient s’ils le faisaient. Ma seule option était-elle de me taire ? J’avais monté Kumayuru.
« Mlle Yuna ? » dit le chef.
« Juste une petite balade », lui répondis-je, car le persuader de quoi que ce soit serait pénible. Mes yeux rencontrèrent ceux de Marie.
« J’ai Kumayuru et Kumakyu autour de moi, je ne devrais pas avoir de problèmes pour sortir me promener. »
J’espérais que mes ours donneraient à Marie un peu de tranquillité d’esprit.
« Mais… »
« Je vais juste me promener, vous n’avez donc pas besoin de vous inquiéter pour moi comme ça. »
« Yuna… » dit Marie, en regardant ses pieds.
« Mlle Yuna, s’il vous plaît, faites ce que vous pouvez. », dit le chef à sa place
Il baissa la tête très bas.
« Je ne sais pas ce que vous demandez. Je vais juste faire une promenade. »
« Mademoiselle Yuna… »
« Bon, je vais aller faire un petit tour. Désolée Fina, mais tu attends ici. »
« Yuna », dit Fina en se précipitant. Elle semblait inquiète.
« Ça va aller. J’en ai déjà tué avant. »
« Oui, mais fais attention. »
J’avais chevauché Kumayuru à bride abattue. Kumakyu avait suivi le rythme.
La détection d’ours avait révélé beaucoup de loups, mais aucun signe de Brandaugh. Le loup-tigre se rapprochait également. Je devais me dépêcher, sinon ça allait mal tourner.
« Kumayuru, Kumakyu, vite. »
Nous nous étions précipités à travers la forêt. J’avais détecté cinq personnes à proximité. Je m’étais demandé si c’était les novices et Brandaugh. Si je les avais détectés, c’était qu’ils devaient être encore en vie. On dirait que j’allais arriver à temps.
« Cours, Horn ! »
« Shin ! Un loup est parti par là. »
« Où est le tigre-loup !? »
« Brandaugh ! C’est dangereux. »
« Allez-y ! »
« Mais… »
« Cette forêt est mon expertise ! Je vais trouver une solution. En fait, vous vous mettriez tous en travers de mon chemin ! »
Je pouvais entendre leurs voix. Il semblerait qu’ils étaient dans une situation difficile. Kumayuru avait couru plus vite. Je les avais aperçus. Si je pouvais les voir, c’est qu’ils pouvaient me voir.
« Un ours ! »
Un des garçons pointa son épée vers Kumayuru.
« Idiot, regarde de plus près ! »
« C’est Mlle Ours ! »
J’avais tiré une flèche de glace, perçant le front du loup qui les poursuivait. Ma deuxième salve avait permis de me débarrasser des autres qui se trouvaient dans les broussailles.
« Whoa. »
J’avais alors réalisé que c’était le groupe du gars qui m’avait tapé la tête hier. Heureusement pour eux, ce n’était pas le moment de se mettre en colère.
« Kumakyu ! Tu prends le relais. »
J’avais laissé Kumakyu pour les protéger et j’avais couru vers Brandaugh. Il se tenait au sommet d’un affleurement rocheux assez élevé, son arc était prêt. J’avais suivi sa ligne de mire et j’avais repéré le tigre-loup qui tentait de traverser la forêt. Il lui lança une salve de flèches.
Honnêtement, à quoi pensait cet homme ? Toute cette histoire de gentils garçons finissant le dernier était vraie, apparemment. Effectuer ce genre de coup était une façon sûre de se faire malmener.
Le tigre se glissait entre les flèches, virant à gauche et à droite en s’abattant sur Brandaugh.
« Kumayuru ! »
Kumayuru accéléra, se rapprochant en un instant du tigre-loup. Son corps frappa le tigre-loup alors qu’il s’apprêtait à bondir. Kumayuru avait bien pris l’impact. Je n’avais même pas bougé de mon siège.
« Mademoiselle ! »
« Ça fait longtemps, Brandaugh », dis-je en levant ma marionnette ourse pour le saluer.
« Pourquoi êtes-vous ici ? »
« Je me promenais », lui répondis-je.
Mon attention était fixée sur le tigre-loup. Il se leva lentement et regarda dans ma direction.
« Mademoiselle, courez ! »
Il était impossible quoiqu’il dise que je puisse courir alors que ma cible était là. C’était après tout ma précieuse, précieuse fourrure. J’étais descendue de Kumayuru et j’avais fait face au tigre-loup.
« Mademoiselle, c’est dangereux. », dit Brandaugh
« Dangereux pour qui ? De toute façon, vous venez d’avoir un bébé, vous ne devriez donc pas vous mettre en danger », l’avais-je gondé sans détourner mon attention.
Nous n’avions pas eu le temps de tenir une longue conversation. Le tigre-loup lança un regard furieux, serra les dents et grogna. Si je n’avais pas mon équipement d’ours, je serais en train de me recroqueviller. Je m’étais approchée et j’avais lancé une frappe de vent. Le tigre-loup détecta le changement de pression et s’en était éloigné de manière acrobatique qui était très peu digne d’un loup.
Mais en même temps, esquiver n’était pas la même chose qu’agir de son plein gré. C’était une chose que votre adversaire vous forçait à faire. J’avais réduit la distance que son esquive avait construite, et j’avais fortifié mon corps. Je l’avais alors écrasé sur le côté avec un coup de poing d’ours. Son corps frappa contre le sol.
Oh, pensais-je, je l’ai peut-être frappé trop fort, jusqu’à ce que le tigre-loup essaie de se relever. Une flèche était passée devant ma tête et l’avait frappée directement dans l’œil droit.
« Brandaugh ? »
« Je ne pensais pas que vous aviez besoin de mon aide, mais j’ai vu une ouverture. »
Le tigre-loup se tenait debout avec la flèche encore coincée dans l’œil.
« Cela aurait pu aggraver les choses. »
La main de Brandaugh trembla alors qu’il préparait son arc. Je pouvais aussi sentir l’aura meurtrière à l’état pur se dégager du corps du tigre-loup. Je ne savais pas s’il s’agissait d’un buff de l’équipement d’ours, de mon expérience de jeu, ou simplement une sorte de filet sécurité, mais je ne ressentais pas le genre de crainte que Brandaugh ressentait.
« Ça va aller. »
Le tigre-loup et moi avions démarré simultanément.
Même avec un œil détruit, il évita toutes les attaques tranchantes d’ours que j’avais tirés. Mais Brandaugh m’avait donné un point aveugle à exploiter. J’avais foncé à droite et je lui avais envoyé une grêle de boules d’eau comprimée. Le tigre-loup poussa un cri en s’effondrant, mais il se releva quelques secondes plus tard. Il ouvrit sa bouche gigantesque, comme s’il voulait que je connaisse intimement toutes ses dents. Quand il me donna cette opportunité, je tirai une flèche de glace directement dans sa gorge.
Juste au moment où je pensais que son regard borgne me montrait qu’il était encore vivant, il s’effondra sur le côté.
« L’avez-vous tué ? »
Il ne s’était pas relevé.
« On dirait que c’est ça. »
Brandaugh relâcha son arc.
« Mademoiselle, vous m’avez sauvé. Merci. »
« Je l’ai déjà dit, mais je faisais juste un tour, alors ne vous inquiétez pas. »
« Vous êtes si modeste, même après m’avoir sauvé la vie. »
Alors que Brandaugh me tapota la tête en touchant le haut du capuchon d’ours, j’avais entendu les buissons bruisser derrière nous.
« Brandaugh, allez-vous bien ? »
Les novices étaient arrivés.
« J’étais presque sûr de vous avoir dit à tous de vous enfuir. »
« Désolé. On s’inquiétait pour vous. Merci pour ce que vous avez fait tout à l’heure. Si vous n’aviez pas causé cette diversion, nous aurions été… »
« Ne vous inquiétez pas. J’étais juste là au bon moment. Il se trouve juste que j’en sais plus sur cette forêt que vous tous. »
« Alors, c’est vous qui as tué ce tigre, Brandaugh ? », demanda le bleu, en regardant la flèche qui sortait de l’œil du tigre.
« Non, cette jeune femme a abattu le tigre-loup. J’ai juste profité d’une ouverture qu’elle a faite. »
Les bleus me regardèrent.
« Cet ours a fait ça ? »
Au moment où un des garçons marmonnait ça, j’avais vu la fille à côté de lui lui donner un coup de coude.
« Il veut dire merci pour tout ce que vous venez de faire. »
« Merci beaucoup. Vous nous avez sauvés. »
Les quatre bleus avaient poliment baissé la tête.
« Alors, que devrions-nous faire de ce type ? J’aimerais le reprendre, mais… », demanda Brandaugh, en regardant le tigre-loup mort.
« Je vais le porter. »
J’étais allée voir le tigre-loup et je l’avais mis dans mon stockage d’ours.
« Étonnant, comme toujours. Ça me tracasse depuis un moment maintenant… c’est quoi cet ours blanc ? »
En y repensant, c’était la première fois que Brandaugh voyait Kumakyu.
Quand nous étions rentrés au village, les hommes étaient armés et l’entrée était fermée.
« Brandaugh ! Tu es en vie ! Et les aventuriers aussi ! »
« Oui, elle nous a donné un coup de main. »
« C’est vrai ? Quel soulagement ! Tu viens juste d’avoir un bébé, alors ne fais pas peur à Marie. »
« Je suis désolé. »
« Alors, qu’est-il arrivé au tigre-loup ? Est-il tout près ? Si ce n’est pas le cas, nous envisageons d’aller à la guilde des aventuriers en ville. »
« Oh, le tigre-loup est mort. Elle l’a tué. »
« … Quoi ? »
Tous les hommes eurent la même réaction.
« Ça va aller maintenant. »
« Est-ce vrai ? »
Personne ne semblait croire Brandaugh.
« Mais le tigre-loup est à un autre niveau par rapport au gardien. »
« À quoi bon mentir sur une chose pareille ? Je vous expliquerai les détails plus tard. De toute façon, laissez-moi aller voir le chef pour que je puisse faire mon rapport. »
Les hommes s’étaient séparés à droite et à gauche pour faire un chemin. Brandaugh et moi étions allés ensemble à la maison du chef. Kumayuru et Kumakyu nous avaient suivis, et les bleus avaient suivi à la toute fin de la procession.
« Brandaugh, tu es de retour !? »
Le chef et Marie étaient sortis de la maison du chef. Fina les avait suivis.
« Tu n’es pas blessé ? »
« Je vais bien. »
Le soulagement s’était répandu sur le visage de Marie.
« Alors, Brandaugh, qu’est-il arrivé au tigre-loup ? » demanda le chef.
« Elle l’a tué. »
« C’est vrai !? »
J’avais pensé qu’il serait plus rapide de leur montrer la chose réelle que de l’expliquer, alors j’avais sorti le tigre-loup de l’entrepôt d’ours. Ils avaient regardé le corps avec incrédulité. Quand le chef avait vu qu’il était mort, il baissa la tête.
« Mlle Yuna, merci beaucoup. Vous avez ma sincère gratitude pour avoir sauvé Brandaugh et être allée jusqu’à vaincre le tigre-loup. Bien que cela ne représente pas grand-chose, permettez-nous de vous remercier. »
« Il se trouve que je me promenais et que j’ai découvert par hasard Brandaugh et battu un tigre-loup. Je n’ai aucune raison de prendre de l’argent au village. »
« Mais… »
Le chef semblait vouloir dire quelque chose, mais il n’arrivait pas à faire sortir les mots.
« En plus, avec le bébé qui vient de naître, je ne pouvais pas laisser Marie devenir veuve. »
« Yuna… »
Marie m’avait souri, essuyant ses larmes. À ce moment, Yuuk tendit les bras aussi loin qu’il pouvait le faire dans les bras de Marie.
« Yuuk ? »
Yuuk tendait les bras vers le cadavre du tigre-loup. Marie s’était mise à genoux tout en tenant Yuuk, celui-ci avait attrapé la fourrure du tigre-loup.
« Yuuk ? »
Quand Marie avait essayé de retirer la main de Yuuk de la fourrure, il s’était mis à pleurer. Quand elle s’était énervée et qu’elle avait lâché sa main, il s’était à nouveau accroché à la fourrure du tigre-loup.
« Yuna, je suis vraiment désolé. Je vais le faire lâcher tout de suite. »
Quand Marie avait arraché la main de Yuuk, il s’était vraiment mis à pleurer. Elle l’avait bercé du mieux qu’elle pouvait, mais il ne voulait pas s’arrêter. On aurait dit qu’il aimait vraiment la peau.
« Marie, accepte ce tigre-loup comme cadeau d’anniversaire tardif pour ton fils. »
« Mais… je ne peux pas accepter ça. Je vais le faire se calmer. »
Néanmoins, Yuuk n’arrêtait pas de pleurer dans les bras de Marie.
« Pourquoi n’arrête-t-il pas de pleurer pour moi ? »
J’avais fini par rire en regardant Marie travailler dur pour apaiser son bébé.
« Ha ha. Marie, s’il te plaît, prends-le. Chef, la peau est pour Yuuk, mais le village peut utiliser la viande comme bon lui semble. »
« Êtes-vous sûre ? »
J’avais fait un signe de tête.
Après cela, nous avions fait dépecer le loup-tigre par Fina. Les villageois étaient assez choqués de la rapidité avec laquelle elle travaillait. Nous avions partagé les peaux et la viande comme nous l’avions convenu.
Pendant que je regardais l’opération de dépeçage de Fina, les novices étaient venus.
« Hum, vous avez une seconde ? »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Merci beaucoup, »
Ils baissèrent la tête.
« Si vous n’étiez pas venu et agit à ce moment-là… »
« Nous aurions pu être morts. »
« Aussi, je suis désolé que nous ayons été grossiers avec vous à la guilde des aventuriers. »
« Hum, s’il vous plaît, pardonnez Shin. Il ne le pensait pas méchamment. Tout le monde nous a dit que vous étiez terrifiante et violente, alors quand on a vu que vous étiez si mignonne, il a pensé que c’était une blague. »
« Nous ne savions pas que vous étiez si forte. Nous ne sommes que des débutants, nous avons pensé que c’était un bizutage. Si vous êtes effectivement comme le disent les rumeurs, punissez-moi, s’il vous plaît. Les autres n’ont rien fait de mal. »
« Puis-je vous demander quelque chose ? Que vous ont-ils dit à la guilde des aventuriers ? »
« Eh bien… »
Ils m’avaient dit la même chose qu’Helen. Mais par rapport à ce qu’avaient dit les autres aventuriers… Il semblerait que j’avais une punition à distribuer à mon retour à Crimonia.
« Allez-vous vraiment rentrer chez vous ? Il est déjà tard, alors s’il vous plaît, restez cette nuit. »
« Cela ne me dérangerait pas si j’étais seule, mais j’ai celle-ci avec moi », avais-je dit tout en mettant ma main sur la tête de Fina.
« Nous sommes venus ici sans le dire à ses parents. Je ne veux pas qu’ils s’inquiètent. »
« Oui, vous avez raison. On ne peut certainement pas vous garder. Yuna, merci encore pour tout ce que vous avez fait pendant cette visite. »
« Je reviendrai faire une autre promenade. »
« Oui, je vous attends. Revenez aussi quand vous voulez, Fina. »
« Oui, j’attends ça avec impatience », dit Fina en leur souriant.
Les novices étaient restés un moment pour continuer la chasse au loup. J’avais monté Kumakyu, Fina avait monté Kumayuru. Nous nous étions dépêchées de retourner en ville, mais le temps que nous arrivions là-bas, le soleil s’était couché. Nous avions fini par avoir des ennuis avec Tiermina.
Fina, désolée de t’avoir mêlée à tout ça.
***
Bonus 4 : Ma rencontre avec un ours : la chronique de la directrice
Nous n’avions rien à manger non plus aujourd’hui. Nous devions donner tout ce que nous pouvions pour faire une soupe avec des restes de légumes une fois par jour. Cela fait environ trois mois que notre financement avait été coupé et nous n’avions pas pu fournir aux enfants des choses convenables à manger.
En tant qu’adulte, il fallait que je fasse quelque chose. Liz et moi allions chercher de la nourriture, mais il y avait des limites. Si nous mendions tous les jours, les gens nous regardaient de travers. Même si nous allions ailleurs, ils ne nous regardaient pas d’un bon œil. Quoi qu’il en soit, parce que les enfants attendaient, nous devions mendier même si nous endurions leur dégoût.
Liz était partie depuis le matin, mais je ne pouvais pas savoir combien elle allait rapporter. J’avais apaisé le petit enfant devant moi et je ne pouvais pas m’empêcher de m’inquiéter en pensant à l’avenir. Les autres enfants étaient sortis. Ils se dirigeaient probablement vers la place centrale. Les enfants cherchèrent les restes des chariots de nourriture qui s’y trouvaient.
Je pouvais difficilement les réprimander pour avoir fait cela.
Si seulement je pouvais leur préparer un peu de nourriture, ils n’auraient pas besoin de le faire. Mais je n’avais pas les moyens de le faire, je ne pouvais donc que leur dire de ne pas être une gêne. Si les choses continuaient ainsi, quelqu’un pourrait mourir, ou les enfants se mettraient probablement à voler. Si les enfants avaient recours au crime, ceux qui nous donnaient actuellement de la nourriture cesseraient. Si cela se produisait, ce serait la fin de l’orphelinat. J’avais pensé à demander de l’aide au seigneur, mais s’il pensait que nous étions devenus rebelles, il pourrait nous expulser, et les enfants n’auraient nulle part où aller.
Je ne pouvais rien faire. Je m’étais tenu la tête et je m’étais plongée dans mes pensées quand j’avais remarqué une agitation dehors. Il semblerait que les enfants étaient revenus plus tôt que d’habitude.
S’était-il passé quelque chose ?
J’étais sortie avec anxiété pour trouver les enfants rassemblés autour d’une fille à l’apparence étrange. Un ours ?
J’avais salué cette jeune fille qui ressemblait à un ours.
« Qui suis-je ? Je suis la directrice, Bo. Je dirige cet orphelinat. »
« Je suis Yuna, l’aventurière. J’ai vu ces enfants sur la place centrale. »
« Sur la place centrale… vous y êtes encore allé ? »
Je savais qu’ils y étaient allés, mais j’avais dû les réprimander pour sauver les apparences. Les enfants s’étaient excusés, mais c’était moi qui étais vraiment en faute.
« C’est bon. Après tout, c’est de ma faute si je n’ai pas pu vous fournir de repas. Ces enfants vous ont-ils fait du tort ? »
Même s’ils lui avaient fait quelque chose, tout ce que je pouvais faire, c’était m’excuser. J’espérais qu’elle accepterait.
« Non, il semblerait juste qu’ils aient faim. »
« Je suis désolée. Hum, bien que ce soit embarrassant, nous n’avons pas grand-chose à manger. »
Il n’y avait rien à cacher, alors je lui avais dit la vérité. Normalement, je ne parlerais pas de ce genre de choses devant les enfants, mais comme elle me posait beaucoup de questions, j’avais fini par lui dire. Puis Yuna, la fille habillée en ours, nous avait apporté de la viande de loup. D’ailleurs, il y en avait une quantité assez importante. Elle avait même sorti du pain et quelque chose à boire pour nous.
Elle nous avait dit de manger autant que nous le voulions. En vérité, je ne voulais rien prendre sans raison, mais les enfants ne pouvaient pas détacher leurs yeux de la nourriture. J’avais décidé de la remercier et je l’avais acceptée.
Après que nous ayons préparé la nourriture, les enfants l’avaient mangée avec délice. Depuis combien de temps ne les avais-je pas vus sourire comme ça ?
Yuna s’était levé et avait commencé à inspecter l’intérieur de l’orphelinat. Je grillais la viande qu’elle nous avait préparée, je ne pouvais donc pas quitter mon poste.
« Vous avez déjà fini, les enfants ? »
Il y avait encore de la viande. Les enfants la regardaient avec avidité.
« Mademoiselle, je n’en ai plus besoin. »
« Moi non plus. »
Ils posèrent tous leurs fourchettes et leurs baguettes sur la table.
« Pourquoi ça ? »
« Je veux le manger demain… »
Bien sûr. Même s’ils avaient de la nourriture aujourd’hui, cela ne signifiait pas qu’ils en auraient le lendemain.
« Très bien. Demandons à Yuna si nous pouvons avoir la permission de la manger demain. »
J’étais allée chercher Yuna. Quand je l’avais trouvé, elle réparait nos murs effondrés et troués avec de la magie.
« Qu’est-ce que vous faites ? »
C’était clair comme le jour, mais je devais quand même demander.
« Je répare les murs. Il doit faire froid avec le vent qui passe par les trous. »
C’était certainement vrai. Yuna avait inspecté la pièce, réparant les murs au fur et à mesure. Puis elle était allée dans la chambre des enfants et avait vu les petites serviettes sur leurs lits. Nous n’avions pas de couvertures chaudes. Elle avait sorti des peaux de loup à l’aspect chaud de l’ours qu’elle tenait à la main et me les avait tendues.
« Yuna ? »
« S’il vous plaît, donnez-les aux enfants. Ils auront froid avec une simple serviette. Il y en a assez pour toi et même plus. »
Pourquoi faisait-elle tout ça pour nous ? J’étais tellement perplexe devant les actions de Yuna que j’avais oublié de demander pour la viande de loup. Nous avions fini par retourner dans la salle à manger. Quand Yuna avait remarqué que la nourriture qu’elle nous avait donnée n’avait pas été mangée, je lui avais posé des questions.
« Oui, si vous nous la laissez, j’aimerais distribuer ça demain. Les enfants ont dit qu’ils préféreraient le manger demain plutôt qu’aujourd’hui.
« Oh, désolée. J’ai oublié de vous le dire. Je vais préparer d’autres portions pour que vous puissiez le manger. »
Yuna avait apporté plus de viande et de pain.
« Hum, pourquoi faites-vous tout ça pour nous ? » avais-je demandé. Je ne pouvais pas me taire.
« Si un adulte ne travaillant pas ne peut pas manger, c’est lui le fautif. Mais si un enfant ne peut pas manger, ce n’est pas de sa faute, mais c’est la faute de l’adulte. S’ils n’ont pas de parents, les adultes autour d’eux peuvent les aider. Cela fait de nous des alliés. »
J’étais sur le point de pleurer. Même si c’était une aventurière, c’était des mots plus chaleureux que ce que j’aurais pu attendre d’une si jeune fille. Les enfants avaient mangé jusqu’à ce qu’ils soient rassasiés. Alors que Yuna les regardait, elle nous avait donné plus de nourriture. Tout ce que je pouvais faire, c’était la remercier. Après avoir surveillé l’orphelinat pendant un certain temps, elle s’était excusée. Les enfants étaient tristes en s’approchant d’elle.
« Vous mettez Yuna dans une situation difficile. Tout le monde, dites merci. »
« Merci, petite ours. »
« Merci. »
C’était le matin, trois jours après que Yuna soit venu nous voir.
Nous prenions notre petit déjeuner en utilisant la nourriture que Yuna nous avait donnée. Comme elle nous avait donné tant de provisions, nous avions pu prendre nos repas du matin. Les enfants étaient ravis de manger. Nous devions vraiment remercier Yuna à nouveau la prochaine fois qu’elle viendra. Au début, j’avais pensé que ce n’était juste qu’une fille à l’allure étrange. Je suppose qu’on ne pouvait pas juger un livre à sa couverture. Je devais m’assurer d’enseigner cela aussi aux enfants.
Après le petit-déjeuner, les enfants étaient sortis, mais ils étaient revenus immédiatement.
« Directrice ! »
Ils s’étaient précipités vers moi.
« Pourquoi êtes-vous si troublé ? »
« Il y a un mur bizarre dehors. »
Je n’avais pas compris ce qu’ils disaient. Qu’est-ce qu’il y avait dehors ? Les enfants avaient pris mes mains et m’avaient tirée dehors, à l’ombre d’un mur gigantesque. Il ne pouvait pas être là hier. Si c’était le cas, les enfants auraient fait le même tapage qu’aujourd’hui. J’avais essayé d’interroger Liz à ce sujet, mais elle avait simplement secoué la tête. Quoi qu’il en soit, même si c’était potentiellement dangereux, nous ne pouvions rien y faire. J’avais averti les enfants de ne pas s’approcher et j’étais retournée à l’orphelinat.
Mais qu’est-ce que c’était que ce mur ? Je n’arrivais pas à comprendre comment il avait surgi pendant la nuit. Cela ne me dérangeait pas tant que ce n’était pas dangereux pour les enfants. Alors que je pensais à ce mur, la porte s’était ouverte et les enfants étaient entrés… avec un ours ? Non, c’était juste Yuna. J’avais mis de côté la question du mur pour pouvoir la saluer et présenter Liz.
« Alors qu’est-ce qui vous amène ici aujourd’hui ? »
Elle m’avait répondu qu’elle voulait surtout donner du travail aux enfants. J’avais eu peur qu’elle ait l’intention de faire faire quelque chose de dangereux aux enfants.
« Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas quelque chose de dangereux. »
« Quel genre de travail est-ce ? »
Bien que Yuna nous ait beaucoup aidés, je devais m’assurer de comprendre exactement ce qu’elle voulait que les enfants fassent. Après tout, c’était des enfants que je devais protéger. Apparemment, Yuna avait construit le mur qui nous entourait, et elle y gardait des oiseaux. Elle m’avait expliqué que les enfants devaient faire des choses comme ramasser les œufs, nettoyer et élever les oiseaux. D’après ce qu’elle avait dit, rien de tout cela ne semblait dangereux. Il semblerait qu’elle ait prévu de vendre les œufs qu’elle avait ramassés contre de l’argent, et que ce faisant, les enfants recevraient un salaire.
Alors que les enfants nous écoutaient, je leur avais demandé : « Qu’est-ce que vous en pensez tous ? Il semblerait que Yuna ait un travail pour vous. Si vous travaillez, vous pourrez manger. Sinon, on va se retrouver dans la situation dans laquelle on était il y a quelques jours. Yuna n’apportera plus de nourriture. »
C’était une erreur de forcer les enfants à le faire. Ils devaient décider par eux-mêmes, alors j’avais attendu leur réponse. Ils s’étaient regardés les uns les autres et avaient tous hoché la tête d’un seul coup.
« Je vais le faire. »
« S’il te plaît, laisse-moi-le faire. »
« Je vais le faire aussi. »
« Moi aussi. »
« Moi aussi. »
Leurs réponses étaient énergiques. Leurs mots me rendaient heureuse.
« Yuna, je vous confie les enfants. »
J’avais incliné la tête.
Yuna avait emmené Liz et les enfants au mur. J’étais sûre que les enfants seraient bien avec Liz là-bas.
Plus tard, Yuna me présenta une femme nommée Tiermina, qui, selon elle, serait notre intermédiaire auprès de la guilde des marchands. Les enfants m’avaient dit que c’était une personne aimable. Le nombre d’oiseaux avait augmenté avant même que nous nous en rendions compte, à la grande surprise des enfants.
Alors que j’observais les plus petits enfants de l’orphelinat, Tiermina était passée.
« Directrice. »
« Oui, qu’est-ce qu’il y a ? »
« J’ai entendu dire par Yuna qu’il y avait un entrepôt frigorifique. Savez-vous où il se trouve ? »
« Y a-t-il un problème? »
Il y a quelques jours, Yuna avait fait un entrepôt frigorifique pour nous. Elle avait dit que nous en aurions besoin puisque nous avions tant d’enfants, mais pour le moment, tout ce qu’il y avait dedans, c’était la viande de loup que nous avions reçue de Yuna.
« Je pense que quelqu’un va nous apporter de la nourriture d’ici peu, alors quand ils viendront, pourriez-vous leur montrer où elle se trouve ? »
« Ils apportent de la nourriture ? »
« Vous avez tellement d’enfants, et avec nous qui vous empruntons Liz, ça doit être difficile d’aller acheter de la nourriture. C’est pourquoi je me suis arrangé pour que le minimum nécessaire pour préparer les repas soit livré. »
« Merci beaucoup. »
J’avais finalement compris ce qu’elle voulait dire : on nous fournissait de la nourriture au lieu d’un salaire.
« Si vous avez besoin d’autre chose, faites-le-moi savoir. Tout est bon tant que ce n’est pas trop cher. Bien sûr, nous pouvons aussi fournir des choses coûteuses si elles sont nécessaires, mais il faudrait que je parle à Yuna avant de le faire. »
« Excusez-moi, mais puis-je vous demander pourquoi Yuna fait tout cela pour nous ? »
Avais-je demandé. Cela me dérangeait. Il était possible que Tiermina le sache.
« Je suppose que c’est juste parce que c’est Yuna, non ? »
« Parce que c’est elle ? »
« Je ne sais pas ce qu’elle pense, mais elle est gentille. Ma fille Fina l’aime aussi beaucoup. Je ne pense pas qu’elle fera quoi que ce soit de mal à l’orphelinat, donc il n’y a pas lieu de s’inquiéter. »
« Je vois. »
« Oh ! Mais il lui arrive de dire les choses des plus ridicules, alors faites attentions quand elle le fait. »
Tiermina avait ri.
Cette fille habillée comme un adorable ours… cette fille habillée comme un adorable ours était arrivée brusquement dans nos vies, nous avait donné de la nourriture, avait donné du travail aux enfants, et nous avait même donné un salaire correct. Elle avait complètement changé notre situation. Les enfants riaient, et les sourires semblaient se répandre dans l’orphelinat. Nous pouvions manger à notre faim. Je ne voyais plus d’enfants tristes qui avaient faim. Nous avions un endroit chaud pour dormir. Nous n’avions plus besoin de dormir dans le froid. Celle qui nous avait donné tout cela était certainement la fille-ours.
J’avais décidé de faire confiance à Yuna à partir de maintenant.
***
Bonus 5 : Ma rencontre avec un ours : la chronique de Terminia
Grâce à une fille mystérieuse qui était habillée en ours, je m’étais remise de ma maladie. Je n’avais jamais pensé que je serais libérée de ma souffrance. J’avais toujours pensé que cela n’arriverait qu’à ma mort. Je n’avais jamais pensé que je reviendrais à l’époque où je vivais heureuse avec mes filles. Je ne pourrais jamais remercier assez la fille habillée en ours Yuna-yun.
Quand je lui avais dit que je voulais la dédommager, elle avait souri et dit quelque chose de tout à fait ridicule.
« Je veux que vous viviez ensemble pour le bien de Fina et de sa sœur. »
Gentz nous avait vraiment aidés depuis la mort de mon mari. Il m’avait préparé des médicaments quand j’étais tombée malade et avait recommandé ma fille pour le travail. J’avais travaillé avec lui pendant mes années d’aventurier, donc ce n’était pas comme si je ne le connaissais pas. Nous en étions venus à compter sur lui ces dernières années. Il était bon pour ma fille et s’occupait d’elle. Si on me demandait si je l’aimais, je ne saurais pas quoi répondre. Quoi qu’il en soit, j’étais heureuse quand Gentz m’avait vraiment dit qu’il m’aimait. À ce moment-là, j’avais eu l’impression de l’aimer en retour.
Mes filles avaient béni notre mariage. J’avais été stupéfaite de voir à quel point Gentz semblait heureux quand cela s’était produit. Nous avions cherché un endroit où nous pourrions tous les quatre vivre et nous avions déménagé dans une nouvelle maison.
Le déménagement s’était fait rapidement grâce à Yuna. Elle ne faisait vraiment rien d’autre que de s’occuper de nous. Même si je voulais la rembourser, je ne savais pas comment je pourrais le faire. Bien sûr, je n’avais pas considéré le mariage avec Gentz comme une forme de remboursement. Elle voulait que nous nous mariions parce qu’elle pensait à nous. Elle avait sauvé ma fille des monstres et avait partagé sa nourriture avec nous. Mes filles et moi lui étions redevables à un point que nous ne pourrions jamais rembourser, sauf petit à petit.
De toute façon, comme j’allais mieux, il fallait que je commence à travailler. Nous n’avions pas beaucoup d’argent. Gentz travaillait à la guilde des aventuriers, mais l’achat de la maison avait rongé ses économies. Nous ne pouvions pas non plus parier qu’aucun d’entre nous ne tomberait malade à l’avenir. Nous avions besoin de quelque chose en réserve si cela arrivait.
« Peut-être que je devrai reprendre mon travail d’aventurier », avais-je dit à tout le monde pendant que nous mangions.
« Je peux tuer des loups, alors je pensais accepter des quêtes moins importantes. »
J’étais une ancienne aventurière. Je pouvais affronter un loup tout seul. Cela faciliterait nos finances et nous permettrait d’accumuler des économies. J’avais pensé que c’était une bonne idée quand j’en avais parlé à tout le monde, mais ils étaient tous contre.
« Pas question. Je ne te laisserai pas faire quelque chose d’aussi dangereux. »
« Ça va aller. Gentz, tu sais aussi bien que moi que je peux au moins tuer des loups. »
« Depuis combien d’années penses-tu avoir pris ta retraite en tant qu’aventurier ? Tu n’as pas travaillé depuis longtemps. C’est trop dangereux ! »
Gentz était vraiment opposé à cela.
« C’est vrai, maman. C’est dangereux. »
« Maman, tu ne peux rien faire d’effrayant. »
Mes filles s’étaient accrochées à moi de gauche à droite.
« Ça va aller. Je ne ferai rien d’imprudent. En plus, nous avons besoin d’argent. »
« Tu as l’intention de mourir et de laisser tes enfants derrière toi !? Cela montre le peu de confiance que tu as en moi pour subvenir à vos besoins !? »
« Ce n’est pas ce que je dis. Nous avons utilisé beaucoup d’argent pour le déménagement, et nous aurons probablement besoin de plus à partir de là. »
« Je vais travailler. Je parlerai à Yuna et je trouverai beaucoup de travail de dépeçage. », dit Fina.
Maintenant, même ma fille commençait à dire ce genre de choses.
J’avais tout fait pour essayé de les persuader, mais Gentz s’étaient énervé, mes filles avaient éclaté en sanglots et nous avions fini par avoir un repas difficile. Compte tenu de l’opposition de tous les membres de ma famille, j’avais renoncé à être une aventurière et nous nous étions mis d’accord pour que je trouve un emploi par le biais de la guilde des commerçants.
C’était tous des incurables inquiets.
Le lendemain, je m’étais dirigée vers la guilde des commerçants à la recherche d’un emploi. J’étais tombée sur Yuna dehors. Elle m’avait demandé pourquoi j’étais à la guilde, alors je lui avais expliqué notre réunion de famille. Elle m’avait dit quelque chose d’incroyable.
« Tiermina, ça t’intéresserait vraiment de travailler pour moi ? »
Elle m’avait dit qu’elle lançait une entreprise et m’avait invitée à bord. Nous étions allés chez Yuna pour parler des détails. La maison ours me surprenait toujours, peu importe le nombre de fois que je la voyais.
Elle voulait vendre des œufs. En plus, elle avait déjà acheté un terrain près de l’orphelinat et avait construit un bâtiment. Apparemment, elle allait préparer les oiseaux et commencer à en rapporter des tonnes. Je l’avais écoutée, choquée. N’était-elle pas censée être une aventurière ?
Même si elle n’arrêtait pas de me dire : « Je fais ça pour moi, puisque je veux juste manger des œufs », je savais qu’elle le faisait vraiment pour les orphelins. C’était juste une très bonne enfant. Cette gentille fille en costume d’ours avait sauvé Fina, m’avait aidée et nous avait donné, à Gentz et à moi, le coup de pouce dont nous avions besoin. C’est pourquoi j’avais immédiatement accepté le poste. Je voulais rembourser la moindre de mes dettes et aider Yuna qui faisait de son mieux pour les orphelins.
Lorsque j’étais allée à la guilde des commerçants et que nous avions discuté des détails, j’avais réalisé que cela générerait beaucoup d’argent. Malgré cela, Yuna avait essayé de me confier toutes les ventes. J’étais heureuse qu’elle ait confiance en moi, mais c’était trop d’argent. Finalement, nous avions réparti les ventes en les déposant entre ma carte de guilde et celle de Yuna. Je gérais l’argent pour les salaires et les dépenses nécessaires. Le reste des ventes serait versé sur la carte de guilde de Yuna.
Je m’étais demandé si Yuna ne savait pas comment gérer l’argent, mais en la regardant tout faire, je m’étais rendu compte qu’elle ne faisait pas ça pour faire du profit. Si je lui avais posé la question, j’étais sûre qu’elle m’aurait dit qu’elle le faisait pour les œufs. C’était tout simplement une fille au cœur tendre.
C’est ainsi que j’avais commencé mon travail. Au début, il n’y avait pas beaucoup d’oiseaux, mais Yuna les avait fait venir de nulle part, et la population avait commencé à augmenter régulièrement. Les œufs pouvaient être vendus à un prix élevé quand il n’y en avait pas beaucoup, mais quand l’offre augmentait, leur prix baissait aussi. Compte tenu de cela et de la main-d’œuvre, j’avais pensé qu’il aurait été plus facile de maintenir l’offre à un faible niveau et de les vendre avec une marge. Cependant, Yuna avait souri et m’avait dit que s’il y avait plus d’œufs et qu’ils étaient moins chers, tout le monde pourrait les manger.
Selon la logique de Yuna, si les œufs avaient de la valeur, il y avait une chance qu’ils attirent les voleurs, ce qui aurait pu mettre les orphelins en danger. D’un autre côté, si les œufs étaient bon marché, il n’y aurait aucune raison de les voler, et nous ne mettrions pas les orphelins en danger.
Elle ne pensait qu’aux orphelins et à la façon de les rendre accessibles à tous. Cette fille avait-elle vraiment quinze ans ? Si elle m’avait dit qu’elle était la fille d’un marchand, je l’aurais probablement crue. C’était une fille au grand cœur et une amie importante pour ma fille. Je travaillais aussi dur que possible pour lui rembourser ne serait-ce qu’une petite partie de ma dette.
Mais puisqu’elle payait mon salaire, est-ce que je la remboursais vraiment ?
Eh bien, j’ai aussi du travail aujourd’hui. Il est temps que je m’y mette à fond.
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Illustrations
Fin du tome 2.
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