Joou Heika no Isekai Senryaku – Tome 2

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Chapitre 1 : Direction la nation commerciale du Nord

« Je pense que notre prochaine étape consistera à nous faufiler dans le duché de Schtraut », avais-je déclaré au cours du petit-déjeuner.

Ceux qui avaient préparé mon petit-déjeuner étaient nos captifs du royaume de Maluk. Ils avaient fait cela pour moi, leur ennemi juré le plus détesté, à cause des Essaims Parasites qui contrôlaient leur corps. Il était vrai que je n’étais pas de nature à les asservir de cette façon, mais compte tenu de tout ce que le royaume de Maluk avait fait, c’était tout simplement une juste rétribution.

Ce matin, mon repas était composé de bacon et d’œufs avec de la salade et un peu de pain à part. Ce n’était pas un petit-déjeuner luxueux, mais les ingrédients avaient tous été cultivés et élevés par les elfes.

« Le duché de Schtraut », demanda Sérignan, qui était en ma compagnie.

« Oui. Le duché est situé dans une position qui nous permet d’attaquer facilement. Il y a une région montagneuse entre nous, mais c’est quand même plus facile que d’attaquer le Royaume Papal de Frantz ou l’empire de Nyrnal. »

Si nous devions attaquer l’un de ces deux pays, il nous faudrait traverser la forêt des elfes, où se trouve notre base, pour les atteindre. Et comme les elfes étaient sous notre protection, je ne voulais pas transformer leur forêt en champ de bataille. Ce ne serait pas juste.

Il y avait un autre chemin que nous pouvions prendre pour attaquer Nyrnal — en traversant une grande rivière appelée Themel. Mais même si nous faisions construire un pont par les Essaims Travailleurs, ce type d’invasion serait un défi.

C’était pour ces raisons que j’avais jeté mon dévolu sur le duché de Schtraut.

Le duché se trouvait au nord-est du territoire du Royaume de Maluk. Il faudrait traverser une région montagneuse pour y arriver. Mais une fois que cela sera fait, il serait facile d’envahir le duché. Une fois le duché supprimé, il serait beaucoup plus facile pour nous d’attaquer le Royaume Papal de Frantz. Dans l’ensemble, c’était une cible très attrayante.

« Les gens de Schtraut ne nous ont pas encore fait de tort, mais si nous ne les remettons pas à leur place maintenant, nous pourrions bientôt nous retrouver à combattre sur notre propre territoire. De nombreux elfes et essaims seraient perdus dans la bataille. Nous devrions contrôler leur pays le plus rapidement possible. »

Jusqu’à présent, ma politique était de ne riposter que lorsque quelqu’un se battait avec nous… mais cette fois, je prévoyais une attaque préventive. Le duché de Schtraut ne nous avait pas combattus, mais sa position était problématique, cette terre était une voie directe vers le territoire de l’Arachnée. Si les habitants de Schtraut avaient quelque chose à maudire pour leur malheur imminent, ce devait être la terre qu’ils avaient choisie pour s’installer.

« Comme vous le souhaitez, Votre Majesté. Alors j’irai enquêter », dit Sérignan, qui acquiesça d’un signe de tête, apparemment convaincu.

« Je viens avec vous. »

« Mais c’est dangereux ! Le duché est en fait un territoire ennemi ! »

« Même moi, je veux être entouré d’humains de temps en temps. Et je vous ai rejoint quand nous sommes allés à Leen, vous vous souvenez ? »

Le fait d’être entouré de restes humains — enfin, plutôt de globes de chair — me faisait oublier ce que c’était que d’interagir avec des personnes vivantes. Je pensais que le fait d’être entouré d’êtres humains pouvait me permettre une sorte de réhabilitation sociale.

« En outre, je veux voir les choses de mes propres yeux. Je suis peut-être capable de tout voir à travers la conscience collective, mais je veux en être témoin par moi-même, juste pour être sûr. En outre, je veux être présente lors de toute négociation. »

Notre objectif n’était effectivement pas simplement de faire du repérage dans le duché. Il s’agissait d’explorer, de comprendre la situation et d’essayer de négocier avec les bonnes personnes. J’avais peut-être fait du duché de Schtraut mon objectif, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas de place pour la négociation. Je voulais déterminer si notre nation de monstres pouvait interagir avec les autres pays sur un pied d’égalité. Si rien d’autre n’était possible, le potentiel diplomatique était là.

« Mais quand même, ce n’est pas sûr », protesta Sérignan.

« C’est pourquoi je te demande de m’aider. Oh, Sérignan, mon cher chevalier… Tu me protégeras quoiqu’il arrive, n’est-ce pas ? »

« Bien sûr ! Et selon vos désirs, Votre Majesté ! »

Sérignan était d’une loyauté farouche et d’une dévotion sans faille envers une aussi mauvaise maîtresse que moi.

« Euh, que dois-je faire ? », dit Lysa en se joignant à la conversation.

« Tu devrais venir avec nous aussi. Tu peux utiliser la Mimesis, et ton habileté avec un arc s’est améliorée, non ? »

« Oui, je peux tirer des ficelles plus dures que je n’ai jamais pu le faire auparavant. Je pense que ma précision a aussi augmenté ! »

Maintenant que Lysa était devenue un Essaim, ses muscles étaient beaucoup plus forts, ce qui lui permettait de tirer avec des arcs beaucoup plus grands. Je l’avais déjà vue s’entraîner auparavant — la vue de flèches de la taille de carreaux de baliste frappant leurs cibles à 300 mètres de distance était étonnante.

« Et nous aurons probablement besoin d’une chose de plus pour compléter nos forces ici. »

À peine avais-je prononcé ces mots qu’un homme entra dans la pièce. À première vue, il ressemblait à un des habitants du Royaume de Maluk, mais ce n’était pas le cas.

Le visage de l’homme n’était pas du tout familier, et il semblait avoir une trentaine d’années.

« Qui est cet homme ? », demanda Sérignan, dirigeant un regard suspect dans sa direction.

« Permettez-moi de vous le présenter. »

J’avais fait un geste vers lui.

« C’est un Essaim Masqué. »

En termes de puissance de combat, un Essaim Masqué était identique à un Essaim Éventreur, mais il avait un coût de création deux fois plus élevé. En échange, cependant, il avait une capacité très importante.

« Essaim Masqué, défais ton Mimésis. »

Sur mon ordre, le visage de l’homme se fendit en deux, révélant deux crocs massifs. Des jambes d’insecte s’étendaient sur son dos, et ses — ou plutôt, ses jambes s’étaient transformées en une paire de dards venimeux. Une fois sa transformation achevée, il se tenait devant nous sous la forme caractéristique d’un Essaim.

« Aaah ! C’était un essaim !? », s’exclama Lysa.

« Effectivement, sauf que c’est un essaim capable d’utiliser le Mimésis. C’est une unité spéciale capable de se faufiler en territoire ennemi déguisé en unité ouvrière d’une autre faction et de provoquer des perturbations et le chaos de l’intérieur. N’est-ce pas tout simplement parfait pour notre prochaine mission ? »

La capacité spéciale de l’Essaim Masqué était le Mimesis. Sérignan et Lysa pouvaient aussi l’utiliser, bien sûr, mais les seules unités génériques capables d’utiliser le Mimesis étaient les Essaims Masqués.

Comme leur nom l’indiquait, ils se déguisaient en unités ennemies non armées et s’infiltraient dans les bases des adversaires, perturbant leurs opérations par toutes sortes d’attaques, y compris des attentats suicides. Cela les rendait idéaux pour des missions comme la nôtre, au cours desquelles il fallait se faufiler derrière les lignes ennemies.

« Donc, Sérignan, Lysa, moi-même et l’Essaim Masqué allons infiltrer le duché. Nous allons enquêter sur la façon dont les gens de Schtraut mènent leur vie, sur leur structure politique et sur ce qu’ils essaient de faire actuellement. Naturellement, nous allons aussi repérer leur terrain. Nous devrons trouver la manière la plus appropriée de pénétrer sur leur territoire. »

Nous devions après tout nous préparer à une éventuelle guerre avec eux. La suppression du duché pourrait être notre tremplin pour atteindre le Royaume Papal de Franz.

« Combien d’Essaims Masqués avons-nous ? », demanda Sérignan.

« Celui-ci nous escortera. De plus, nous aurons seize escouades détachées de quatre Essaims Masqués qui se faufileront également. Ils nous serviront de soutien au cas où nous en aurions besoin. Quoi qu’il en soit, nous jouerons le rôle de réfugiés du royaume en ruine de Maluk pour infiltrer le duché. Je ne suis pas sûre qu’ils nous accepteront aussi facilement, mais c’est notre meilleure chance de passer la frontière. »

Nous avions massacré presque tous les habitants du Royaume. Nous n’avions donc personne pour nous fabriquer des documents. Si j’avais su que cela arriverait, j’aurais fait préparer des documents qui nous auraient permis de passer dans un autre pays. Mais c’était plus facile de le dire après coup

« Quoi qu’il en soit, nous partons ce soir. Ainsi, nous atteindrons la frontière de Schtraut demain matin. D’ici là, préparez-vous pour notre mission, faites de votre mieux pour ressembler le plus possible à des réfugiés. »

Les Essaims Travailleurs m’avaient fait faire les vêtements les plus misérables et les plus modestes possible, et ils avaient enduit de boue l’armure de Sérignan, au grand dam de celle-ci. Lysa n’était pas sûre de passer pour une réfugiée de Maluk s’il était évident qu’elle était un elfe, alors elle s’était attaché les cheveux pour cacher ses oreilles.

Les Essaims masqués avaient revêtu des vêtements qui avaient appartenu à certains des citoyens de Maluk que nous avions transformés en boulettes de viande. Pendant ce temps, je m’étais mise au travail pour fabriquer tout ce dont nous aurions besoin pour notre mission. J’avais créé de nouveaux Essaims Masqués de différents sexes et apparences en préparation de cette tâche.

Heureusement, nous avions déjà beaucoup de chariots. Lors de nos attaques sur les différentes villes de Maluk, j’avais pris soin d’épargner les chariots et les chevaux au cas où nous en aurions besoin. Je savais que les mettre de côté s’avérerait utile tôt ou tard.

La nuit était tombée assez tôt, il était donc temps pour nous de partir.

☆☆☆**

Notre petit groupe était parti séparément des escouades des Essaims Masqués, mais nous étions tous arrivés à la frontière de Schtraut en même temps. Une seule route pavée permettait de traverser facilement la région montagneuse, et je l’avais notée mentalement au cas où nous devions la traverser à nouveau plus tard en plus grand nombre.

« Arrêtez-vous ! Arrêtez-vous tout de suite ! »

Lorsque nous avions atteint la frontière, les soldats situés le long du poste de contrôle s’étaient approchés de notre voiture.

« Oui, en quoi puis-je vous être utile ? » demandai-je en affichant un sourire éclatant.

« Ne jouez pas au plus fin avec moi ! Le duché de Schtraut est au-delà d’ici ! Avez-vous un permis de passage !? », cria un homme qui semblait être le chef des gardes-frontières.

« Oui, eh bien… Nous avons tous fui le Royaume de Maluk, monsieur, donc nous n’avons rien de tel. Notre pays a été détruit si rapidement, nous… Oh, il a fallu tant d’efforts pour arriver jusqu’ici… »

Je m’étais effondrée, des larmes de crocodile glissèrent sur mes joues.

« Oh ! Eh bien, n’en dites pas plus ! Oui, nous avons entendu parler de ce qui est arrivé au Royaume. On dit qu’il a été détruit par une armée de monstres. La guilde fait tout ce qu’elle peut pour se pencher sur la question. Nous ne pensions cependant pas qu’il y avait des survivants. Je vais approuver votre passage avec mon autorité de chef des gardes-frontières. Je vous souhaite le meilleur, jeune fille. J’espère sincèrement que le duché deviendra votre seconde maison. »

Il nous avait ensuite délivré un permis de passage qui nous permettait d’entrer dans la ville la plus proche. Franchement, j’avais planifié l’opération avec la ferme intention d’entrer par la force, mais heureusement, on n’en était pas arrivé là. Et s’ils avaient pensé que nous étions des espions de Nyrnal ?

Dans mon monde, beaucoup de gens devenaient des réfugiés et leurs enfants devenaient rapidement de plus en plus nombreux, de sorte qu’ils n’étaient pas toujours autorisés à traverser les frontières. J’avais pris ce monde pour un endroit beaucoup plus froid et plus impitoyable que le mien, j’avais donc été surprise de trouver les gens ici étonnamment gentils. Une partie de moi espérait que je n’aurais pas à ordonner la mort du chef de la frontière.

J’ai dû tuer trop de gens qui m’ont déjà montré de la gentillesse.

« Marine est la première ville que nous atteindrons dans le duché, la carte indique que c’est une ville portuaire. Nous y passerons la journée et nous commencerons immédiatement à chercher des informations. Une fois que nous aurons trouvé une auberge, nous pourrons y laisser nos affaires et commencer à enquêter. Vous savez ce qu’on dit : le temps, c’est de l’argent. »

« Compris, Votre Majesté. »

Notre permis de passage comprenait évidemment toutes les villes de Schtraut, nous avions donc simplement payé un petit péage lors de l’inspection avant d’entrer dans Marine, notre première ville du duché.

Lorsque les gens avaient appris que nous étions des réfugiés du Royaume de Maluk, ils nous avaient témoigné une grande sympathie, en disant que nous avions de la chance de ne pas avoir été dévorés par des monstres. Cela m’avait laissé un sentiment de culpabilité.

« Regardez, Votre Majesté, c’est la mer ! La mer ! »

« Oui, c’est la mer juste là. Mais ne t’excite pas trop, Lysa. »

Marine, comme son nom l’indiquait, était une ville construite près de l’océan. Elle était située près d’un golfe et ses maisons parsemaient la côte en pente, donnant aux citoyens une vue sur les navires de commerce qui naviguaient en contrebas. L’abondance des navires était bien supérieure à ce que nous avions vu dans les villes portuaires de Maluk, ce qui prouvait à quel point ce pays était beaucoup plus prospère.

« Désolé. C’est juste que… Je n’ai jamais vu la mer avant. »

« Je m’en doutais. Je veux dire, tu as vécu toute ta vie dans la forêt. »

J’avais tourné mon regard vers l’océan.

« La mer est vaste et jolie, mais elle peut aussi être très dangereuse. Elle peut engloutir et tuer des gens trop facilement. »

« C’est un peu comme l’Arachnée. »

« Oui… On agit effectivement de même. »

La mer est tout aussi vaste et totalement connectée que l’Arachnée. Une fois réveillée, elle fait apparaître la ruine, entraînant tout dans sa profonde et sombre étreinte… Quelle comparaison frappante !

« Où devrions-nous louer des chambres ? », demanda Sérignan, interrompant mes réflexions.

« Normalement, je ne me soucie pas de l’endroit, mais cette fois, j’aimerais dormir dans un endroit agréable… Un endroit avec des lits confortables et une nourriture savoureuse. Cette ville ne semble pas avoir d’office de tourisme, je n’ai donc aucune idée de l’endroit où nous pourrions trouver un hôtel trois étoiles ou quelque chose comme ça. »

« Naturellement, un établissement sûr serait préférable. Nous ne pouvons pas permettre qu’il vous arrive du mal, Votre Majesté. Dois-je choisir une auberge pour nous ? »

« Vas-y, Sérignan. Tu as raison, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers maintenant que nous sommes derrière les lignes ennemies. J’ai laissé ma propre excitation me monter à la tête. »

Il semblerait que le fait de marcher dans les rues remplies de passants et regarder le paysage urbain serein m’avait fait un peu trop baisser ma garde. C’était un territoire ennemi potentiel. Je devais faire attention aux portes, aux murs et aux gardes en patrouille, car il y avait la possibilité que j’assiège cette ville au final. Aussi malheureux que cela ait pu l’être, nous n’avions pas vraiment le loisir de faire quelque chose d’aussi gnian-gnian que de regarder l’océan.

« Alors je pense que l’auberge là-bas est un bon choix, Votre Majesté. Elle est grande, et nous pouvons facilement placer les Essaims Masqués à l’intérieur et autour du bâtiment. Les environs semblent également assez sûrs. »

J’avais regardé l’auberge que Sérignan désignait. Ce n’était qu’une des nombreuses auberges de la rue adjacente, mais celle-ci en particulier semblait être de la plus haute qualité.

« De plus, les chambres donnant sur la mer devraient nous donner une vue sur l’océan », ajouta-t-elle.

« Merci, Sérignan. »

Sérignan était vraiment gentille. J’avais de la chance d’avoir une femme aussi douce en tant que chevalier personnel.

***

Chapitre 2 : La guilde des aventuriers

Partie 1

Une fois que nous avions mis toutes nos affaires dans les chambres de l’auberge, nous avions rapidement commencé notre enquête sur Marine. Franchement, faire tomber cette ville semblait être du gâteau. Les murs n’avaient été construits qu’à titre de précaution contre les contrebandiers, et il y avait très peu d’hommes en patrouille. À part les soldats qui marchaient pour maintenir la paix, la protection de la ville consistait en une seule compagnie d’hommes en garnison le long des murs.

Aucun d’entre eux ne semblait prévoir que cet endroit pourrait devenir un champ de bataille. Étant donné que leur voisin occidental venait de tomber, j’avais eu l’impression qu’ils étaient négligents, qu’ils ne se demandaient même pas quand les monstres pourraient se montrer sur le pas de leur porte.

Cela dit, les soldats semblaient travailler à renforcer les défenses de la ville au mieux de leurs capacités. Ils transportaient des matériaux de construction sur les murs, mais cela n’allait pas suffire. Il était clair qu’ils manquaient soit de personnel, soit de fonds pour le faire… ou peut-être des deux. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas comme s’ils n’étaient pas du tout préparés.

« Très bien, rassemblons des informations », dis-je, en conduisant Sérignan, Lysa et l’essaim masqué en ville.

« Des idées sur la façon dont nous devrions nous y prendre ? J’aimerais avoir une idée du terrain tout de suite pour pouvoir l’attaquer quand nous le voulons… mais d’un autre côté, nous devrions enquêter sur les affaires internes de Schtraut au cas où nous voudrions négocier avec eux plus tard. Où devrions-nous aller en premier ? »

Ce monde n’avait pas de journaux ni rien de ce genre. Les journaux étaient une source vitale d’information sur les affaires du monde, ne pas en avoir rendait donc les choses difficiles. Bon, ce n’était pas comme si j’aurais pu lire un journal si j’en avais un, étant donné que je ne pouvais pas lire les langues de ce monde.

« Je ne sais vraiment pas. Si c’était le village, tu pourrais demander à peu près n’importe quoi en allant dans la salle de réunion. C’était le seul endroit où tout le monde se réunit pour parler. », répondit Lysa en secouant la tête.

« Un endroit où tout le monde se réunit… Votre Majesté, peut-être devrions-nous aller dans une taverne ? », dit Sérignan.

« Une taverne… ? Oui, c’est ça. Ça a l’air prometteur. »

Cela dit, j’avais jeté un coup d’œil aux alentours.

Heureusement, j’en avais trouvé une assez facilement. Je ne pouvais pas lire les panneaux, mais l’image géante d’une choppe débordant de bière devant la porte disait tout.

« Entrons. »

« Comme vous voulez, Votre Majesté. »

J’étais entrée dans la taverne avec eux trois à la traîne.

« Hein ? »

Au moment où nous étions entrés, tous les yeux de l’endroit s’étaient fixés sur nous. J’étais habillée avec les vêtements de réfugié que les Essaims Travailleurs m’avaient confectionnés — la robe était encore très belle - et Sérignan et Lysa étaient assez jolies pour attirer le regard des autres femmes. Être le centre de l’attention de tous était donc assez normal

« Ho là, mademoiselle… Savez-vous quel genre d’endroit c’est ? » demanda un petit homme assis près de la porte — probablement un nain.

« Je le sais. »

« Alors vous savez que ce n’est pas un endroit où vous devriez traîner, hein ? C’est ici que les adultes s’assoient pour discuter. Vous êtes un à trois ans trop jeune pour pouvoir vous asseoir ici avec les autres. »

« Oh, c’est ce que tu essayais de dire. »

Le nain disait qu’il était étrange qu’une fille comme moi vienne dans une taverne, étant donné que je n’avais que quatorze ans environ. Je n’y avais pas pensé, j’avais complètement oublié mon âge actuel.

« Je n’en ai peut-être pas l’air, mais je suis en fait assez âgée pour boire. N’est-ce pas, Sérignan ? »

« Aye ! Je veux dire, oui ! Sa Majesté est très certainement en âge de boire. »

« Sérignan ! Tu ne peux pas m’appeler comme ça. Trouve un autre nom à utiliser ici, » lui avais-je dit tout en lui enfonçant un coude dans le côté.

« Hmm. Est-ce que “Mademoiselle” ferait l’affaire ? »

« Je suppose. Allons-y avec ça. »

Nous avions chuchoté pendant tout ce temps, en essayant de recoller les morceaux de notre couverture.

« Eh bien, de toute façon, vous l’avez entendue. Pouvez-vous nous laisser entrer pour qu’on puisse commander quelque chose ? »

« Eh, fais ce qui te plaît. Je me fiche que ta tête soit fichue parce que tu es devenue une ivrogne alors que tu viens à peine de sortir du berceau. », dit le nain d’une voix résignée avant de boire ce qu’il y avait dans sa choppe.

Je m’étais tournée vers mes compagnons.

« Prenons un siège près du comptoir. Gardez vos oreilles ouvertes, d’accord ? »

« Oui, Votre Majesté. »

Nous avions pris quelques sièges au bar.

« Qu’est-ce que ce sera, mademoiselle ? », demanda le barman et propriétaire apparent de l’endroit.

« Du vin rouge, s’il vous plaît. »

Pour être honnête, je n’avais pas besoin de l’avertissement du nain. Je n’étais de toute façon pas une bonne buveuse. L’âge légal pour boire chez moi avait été abaissé à dix-huit ans, alors j’avais déjà bu quelques verres… mais je n’avais jamais trouvé cela agréable. Peut-être que je n’étais pas faite pour ça. Pourtant, je devais au moins faire semblant de boire ici, à la taverne.

« Je vais prendre du lait », gazouilla Lysa.

« Et je prendrai de la bière », dit Sérignan.

Oh, j’aurais pu commander du lait à la place. Eh bien, zut. Pourtant, se rendre dans une taverne et commander du lait, c’est mal. Qu’importe.

Pour l’instant, il fallait simplement s’asseoir et écouter. À tout moment, quelqu’un pouvait être assez détendu par l’alcool pour dire quelque chose d’important.

« Avez-vous entendu parler du Royaume de Maluk ? », murmura le patron après quelque temps.

« Oh, oui, j’en ai entendu parler. Un pays entier vient d’être rayé de la carte. C’est une chose terrible », dit son compagnon.

Quand on parle du loup.

« Qu’en pense le duc ? Si les monstres marchent vers le nord, nous aurons un plus gros problème que l’Empire Nyrnal sur les bras. »

« Non, l’Empire Nyrnal est encore plus effrayant qu’eux. Ils disent que l’Empereur Maximillian est le vrai monstre. »

Hmm… Donc la relation de ce pays avec Nyrnal est franchement hostile. C’est une ouverture dont nous pouvons profiter.

« Les gens de la guilde des aventuriers ont la vie facile. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est d’espionner Maluk pour gagner un peu d’argent de poche. Schtraut peut aller en enfer, ils iront faire leurs affaires ailleurs, ces foutus voyeurs à gages. »

« Ne dis pas ça ! Ces aventuriers se mettent en grand danger. Il n’y a pas assez de gens pour faire toutes les quêtes que le pays doit faire. Et ce n’est pas comme s’ils partaient tous à Maluk. Et pourtant, Maluk a été saccagé par des monstres bizarres… Je tremblerais dans mes bottes si quelqu’un me disait d’aller enquêter dans le nid de quelques bêtes assoiffées de sang dont personne ne sait rien ! »

Il semblerait qu’une organisation appelée guilde des aventuriers fasse des recherches sur le royaume de Maluk. Je vais devoir m’assurer que tous les Essaims Éventreurs situés de l’autre côté de la frontière soient en état d’alerte. Ce serait mauvais de les voir enquêter sur nos affaires internes… Nous devrions fermer nos frontières.

« À la santé des voyous de la Guilde des aventuriers ! Gloire à ces salauds ! »

« Acclamations aux fous imprudents qui valsent dans le nid des monstres à la place de nos lâches chevaliers ! »

Les ivrognes levèrent la voix en trinquant sardoniquement et en tendant leurs verres.

« Cette guilde d’aventuriers a l’air intéressante. Tu en sais quelque chose, Lysa ? » avais-je demandé.

« Je n’en sais pas beaucoup, désolée. Mais des aventuriers se présentaient parfois dans notre forêt pour chercher des prisonniers évadés. Je pense qu’ils sont un peu comme des mercenaires ? »

« Et si on essayait de les rejoindre ? », proposa Sérignan.

« Ça pourrait être problématique. Nous sommes des réfugiés, personne ne sait qui nous sommes. », avais-je dit.

« Des réfugiés de Maluk, c’est ça ? »

Apparemment, le propriétaire de la taverne avait entendu une partie de notre conversation.

« Oui. Nous avons tous fui le Royaume de Maluk ensemble. »

« Cette petite dame en robe ne peut probablement pas faire grand-chose, mais vous deux avec l’armure et l’arc seriez bien à votre place à la Guilde des Aventuriers. Si vous n’avez pas d’autre source de revenus, je pense que la guilde pourrait être une option décente pour vous. »

J’avais noté mentalement qu’il me traitait d’inutile d’une manière si désinvolte. Quand même, ça valait peut-être la peine d’essayer.

« Où peut-on trouver la guilde ? » lui avais-je demandé.

« C’est dans la rue du Mémorial du Duc Sven. Il y a un grand panneau, vous ne pouvez pas le manquer. »

« Merci. Tenez, prenez ça. Vous nous avez beaucoup aidés. »

J’avais laissé tomber une poignée de pièces sur le comptoir, puis j’étais partie, les autres suivaient derrière moi.

« Nous allons nous pencher sur cette guilde d’aventuriers. D’abord, nous devons faire notre chemin dans leur organisation. Il est déjà trop tard pour s’y mettre aujourd’hui, mais allons-y demain. S’ils enquêtent sur ce qui est arrivé à Maluk, ils pourraient découvrir quelque chose que nous préférerions qu’ils ne découvrent pas. », avais-je dit une fois dehors.

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Sur ce, nous étions retournés à l’auberge ensemble. Les lits étaient confortables, la nourriture était délicieuse et la vue sur la mer était magnifique. Je m’étais rappelée à quel point j’étais satisfaite avant.

Merci, Sérignan. Tu as peut-être un talent caché pour trouver de bons hébergements.

***

Partie 2

Comme je l’avais dit à Sérignan et Lysa, nous nous étions rendus à la Guilde des aventuriers le lendemain matin. La fatigue de notre voyage m’avait obligée à faire la grasse matinée. J’avais fait de mon mieux pour garder le secret, mais mes deux plus proches compagnons l’avaient simplement noté avec un sourire.

Je suis désolée, vous deux…

« La guilde des aventuriers devrait être dans la rue du Mémorial du Duc Sven. »

Je m’étais déplacée dans les rues de Marine, à la recherche de l’établissement.

« Oh, c’est ça ? »

Après avoir descendu la rue avec le nom le plus long que nous ayons pu trouver, nous étions arrivés tous les quatre devant un grand panneau représentant une épée et un arc croisés. Apparemment, ils recrutaient des mercenaires ou quelque chose comme ça.

« Cela semble prometteur. Après tout, aucun des autres bâtiments voisins ne semble correspondre au profil recherché », fit remarqué Sérignan.

« Je me demande comment ce sera à l’intérieur », dit Lysa avec un soupçon d’anxiété.

« Il n’y a qu’une seule façon de le savoir. Nous allons entrer. »

Je m’étais avancée, Sérignan, Lysa et l’Essaim Masqué me suivaient de près. Soit dit en passant, l’Essaim Masqué était si silencieux que je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il pensait. La conscience collective ne m’avait pas vraiment appris grand-chose en termes d’émotions ou d’opinions. Je m’étais donc demandé s’il me reconnaissait vraiment comme sa reine, comme les autres l’avaient fait.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter, Votre Majesté. Cet essaim suivra tous vos ordres. », me dit soudain l’Essaim Masqué.

J’avais été tellement surprise que j’en avais failli trébucher. Ouah, tu peux parler. C’est un soulagement.

« Très bien, on y va. »

Juste comme ça, nous étions entrés dans la Guilde des Aventuriers. En fait, il n’y avait rien de particulièrement inhabituel. À l’intérieur, il y avait une sorte de réception et des bureaux pour remplir de la paperasse, comme on en voit dans les bureaux du gouvernement.

Des gens de toutes formes et de toutes tailles remplissaient l’endroit, y compris des nains costauds, des femmes délicates et des hommes costauds. En plus de leurs apparences dissemblables, la diversité des armes et des armures qui leur appartenaient empêchait tout sentiment d’unité au sein de la foule.

Ce sont donc des aventuriers… Des soldats à louer. Nous n’en avions pas rencontré lors de notre conquête de Maluk, mais maintenant que je les voyais en personne — un fouillis désorganisé de gens avec des équipements mal assortis — ils ne semblaient pas constituer une menace. Honnêtement, je ne pensais pas qu’ils s’en sortiraient très bien s’ils se battaient en groupe.

« La guilde des aventuriers, hein ? » chuchotais-je, en regardant autour de moi.

« Bienvenue dans la branche Marine de la Guilde des aventuriers. Vous cherchez à entreprendre une quête ? », dit la réceptionniste en souriant.

« Non, nous ne sommes pas vraiment là pour des quêtes. Nous étions juste en train de regarder autour de nous. Sérignan, à quel point penses-tu que ces gens sont forts ? »

« C’est assez varié. Certains sont assez forts pour nous donner du fil à retordre, d’autres ne seraient même pas capables de battre un Essaim Travailleur. »

Sérignan et moi avions fait une enquête approfondie sur la guilde.

« Je vois qu’il y a des quêtes épinglées là-haut. Non pas que je puisse les lire… », avais-je dit

Malheureusement, si je pouvais parler dans la langue commune de ce monde, je ne pouvais pas la lire.

« Peut-être que nous pourrions travailler comme des aventuriers ? »

« Quoi ? Pourquoi devrions-nous le faire ? »

« Eh bien, mademoiselle, je pense que si nous devons enquêter sur les aventuriers, la création de liens pourrait être la meilleure façon de procéder. À cette fin, si nous travaillons comme des aventuriers, nous créerons naturellement ces liens, »

Sérignan n’avait pas tort, son idée était parfaitement logique. J’avais demandé si Lysa et l’essaim masqué étaient d’accord avec le plan par le biais de la conscience collective. Ils avaient tous les deux hoché la tête à l’unisson.

« Alors c’est décidé. Nous allons rejoindre la guilde. Quelle est notre première étape ? »

« Je pense que nous devrions nous inscrire à la réception. »

C’est ça. J’ai déjà repoussé la réceptionniste une fois, mais cette fois, nous devrions vraiment lui parler.

« Nous aimerions nous inscrire en tant qu’aventuriers », lui avais-je dit.

« Oh, bien sûr ! Je suis heureuse de pouvoir vous aider. Commençons par créer vos cartes de guilde. »

« Des cartes de guilde… ? Est-ce qu’on doit payer une cotisation annuelle pour rester membre ou quelque chose comme ça ? »

« Euh, non. Vous devez simplement accomplir un certain quota de quêtes, ce sera plus que suffisant pour vous garder. »

Chez nous, les cartes de membre avaient tendance à s’accompagner de beaucoup de dépenses et de procédures ennuyeuses. Je ne m’attendais certainement pas à ce que ce monde utilise un tel système.

« Très bien, alors. Allez-y, je vous en prie. »

« Merci, madame. Placez votre main sur ce cristal, si vous voulez bien. Cela produira votre carte automatiquement. »

J’avais senti une petite sonnette d’alarme se déclencher dans ma tête. Et si placer ma main sur ce cristal révélait ma véritable identité en tant que reine de l’Arachnée ? L’Essaim Masqué pourrait aussi être exposé. J’avais regardé le cristal avec suspicion.

« Hum, allez-vous vous enregistrer ? »

« Bien sûr. Mais… pouvez-vous m’expliquer quelque chose ? »

J’avais commencé, en alignant les questions dans ma tête.

« Tout d’abord, est-ce que cet artefact lit nos informations personnelles ? »

« Les seules informations personnelles qu’il peut discerner sont votre nom et vos statistiques. Les gens ont bien sûr droit à leur vie privée. »

Je vois. Cela ne devrait pas être un problème.

« Et il ne lit rien d’autre ? »

« Si nous avions un appareil qui pouvait lire plus que ça, le contrecoup aurait été sévère. Encore une fois, tout ce qu’il lit, c’est votre nom et vos statistiques. »

Oui, je suppose que si quelqu’un fabriquait un appareil capable de lire de force les informations personnelles d’une personne, la police ferait de réels progrès dans son travail. S’ils avaient utilisé quelque chose comme ça à l’époque où nous prétendions être des réfugiés à la frontière, nous aurions probablement dû faire couler du sang.

« Alors, allez-vous vous enregistrer ? » demanda-t-elle à nouveau, son exaspération étant évidente.

Je me sentais mal pour tous les problèmes que nous lui causions, la pauvre.

« Oui. Sérignan, tu y vas en premier. »

Sérignan s’était approchée du cristal.

« Il faut juste que je mette ma main ici, non ? »

« Oui, ça fera l’affaire. »

La réceptionniste regarda le cristal s’allumer et des lettres s’étaient gravées sur la carte.

« Alors, vous êtes mademoiselle… Sérignan, oui ? Vous avez des statistiques très élevées. Je pense que vous pouvez avoir une place dans n’importe quel groupe. »

« Je ne sers que la femme qui est à mes côtés. Je n’obéis à personne d’autre. »

« Je vois… »

Veuillez nous pardonner, madame la réceptionniste.

« Lysa, tu es la prochaine. »

« OK ! »

Lysa plaça une main sur le cristal.

« Hmm. Il est écrit que vous avez une agilité et une dextérité exceptionnelles. Est-ce que cet arc est votre arme principale ? »

« Oui, je ne vais jamais nulle part sans lui. »

« C’est logique. Il convient à vos statistiques. »

On dirait que Lysa avait aussi des stats élevées.

« Vas-y, Maska. Essaie. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Appeler l’Essaim par son nom complet pourrait potentiellement exposer son identité, j’avais donc rapidement décidé de raccourcir son nom en Maska. Cependant, sa carte de guilde indiquait clairement « Essaim Masqué ».

« Hmm. Monsieur… “Essaim Masqué” ? Un nom un peu bizarre. De toute façon, vos statistiques sont bonnes pour la furtivité, donc vous devriez faire un bon éclaireur. »

Le vrai nom de l’essaim avait été révélé, mais en retour, nous avions appris que ses statistiques étaient également élevées.

« Je suis donc la dernière. »

J’avais posé ma main sur le cristal tout en essayant d’ignorer le mauvais sentiment qui me tenaillait au fond de l’esprit.

« Mlle Grevillea, c’est ça ? Vos stats sont… un peu basses. »

« Soyez franche avec moi, madame. On parle de combien ? »

« Nettement en dessous de la moyenne. »

Aww, zut. Je le savais. Je ne peux pas utiliser une épée ou un arc comme Sérignan et Lysa. Je suis aussi faible qu’un civil sans défense.

« Cependant, votre intelligence et vos compétences de leader sont exceptionnellement élevées. Je suis presque sûre que vous avez établi de nouveaux records pour la guilde pour ces statistiques. En fait, ces compétences sont assez élevées pour que vous puissiez devenir général. »

« C’est exactement ce que j’attendais de vous, mademoiselle. »

Les éloges de Sérignan étaient riches en émotions.

« Impressionnant comme toujours. »

« Sérignan, toutes mes autres statistiques sont au plus bas. Ne me fais pas de compliments. De toute façon, notre inscription est-elle complète ? »

« Oui. N’hésitez pas à faire les quêtes que vous voulez. »

J’étais allée dans des magasins de location de vidéos ayant des règles plus strictes que cette guilde d’aventuriers.

« Oh, bien. Sérignan, choisis une quête pour nous », avais-je commandé.

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

D’un signe de tête, elle se dirigea vers le tableau d’affichage.

Elle choisit rapidement une quête ayant beaucoup d’étoiles imprimées à côté et revint vers nous sans hésitation.

« Sérignan, n’est-ce pas une quête vraiment dangereuse ? » lui demandai-je en faisant des grimaces à toutes les étoiles.

« Ça va aller. Nous pouvons nous en occuper. »

« Lysa, quel est donc le contenu de cette quête? »

« Hmm… “S’il vous plaît, exterminez les griffons qui infestent la périphérie de la ville. La récompense est d’un million de krans par griffon exterminé, et de trois millions de krans par griffon capturé”. »

Heureusement, Lysa pouvait lire la langue des humains.

« Des griffons, hein ? »

Si je me souviens bien, les griffons sont des monstres mi-aigle, mi-lion qui peuvent voler.

« Eh bien, cela ne devrait pas être un grand défi comparé aux anges. Prenons-la. »

« Alors je vais aller accepter la quête tout de suite ! » Sérignan cria en retournant à la réception en courant.

Apparemment, elle était très excitée à l’idée de combattre des griffons. Nous avions rempli tranquillement toutes les formalités et trente minutes plus tard, nous partions pour notre toute première chasse aux griffons.

***

Partie 3

Afin d’accomplir notre quête, nous avions fait un trekking aux abords de Marine. La région était calme et rurale, créant une atmosphère très paisible. Il était difficile d’imaginer que des monstres effrayants puissent surgir à tout moment.

« Où sont les griffons ? On m’a promis des griffons. », demanda Sérignan, visiblement impatiente de se battre.

« C’est ce que je veux savoir. Mais ce n’est pas un nid de griffons, donc ce n’est pas comme s’ils allaient être là tout le temps. », lui dis-je en haussant les épaules.

« Mais si c’est le cas, comment allons-nous les vaincre ? »

Sérignan pleurnichait adorablement.

Malheureusement, ce n’était pas le moment pour moi d’apprécier son charme.

« Ne t’inquiète pas, j’ai un plan pour les faire sortir. Nous allons nous en servir », lui dis-je tout en tendant mon pouce vers les deux vaches que j’avais amenées.

« Les vaches ? »

« Vois-tu, je me suis renseignée sur les griffons à la guilde, et apparemment ils préfèrent aller attaquer des voitures pour les chevaux et des fermes pour le bétail. Je me suis dit que le meilleur moyen de les attirer était d’utiliser des appâts. »

Alors que Sérignan avait évoqué la possibilité de tuer des griffons, j’avais posé à la réceptionniste des questions précises sur cette quête. Pourquoi les griffons infestaient les périphéries, comment les gens les chassaient habituellement, ce genre de choses. C’était comme ça que j’avais conçu mon plan pour les appâter.

« Les griffons devraient être affamés puisque tout le bétail a été retiré de la zone et que les chariots ont commencé à éviter cette route. Je suis certaine qu’au moins une de ces bêtes affamées va se jeter sur quelques bêtes fraîches. Attachons-les autour de… ici. »

À mon commandement, Sérignan attacha les deux vaches à une clôture le long de la route.

« Nous devrions nous cacher en aval des vaches. Lysa, tu as toujours ton arc ? »

« Oui, il est prêt. »

Merveilleux. On peut y aller.

« Alors, le reste dépend de vous. Faites comme bon vous semble. »

Cette humble plouk aux statistiques peu élevées va quitter la scène. Hmph.

« Je me demande comment sont les griffons », murmura Lysa pendant que nous attendions.

« C’est une sorte d’hybride lion-aigle, et ils sont gros. », lui répondis-je.

« En tant que chevalier, j’ai toujours voulu en combattre un », dit Sérignan avec enthousiasme.

« Je ne suis pas surprise. Le travail d’un chevalier est de tuer des monstres. »

En plus de sa profession, elle avait un esprit de compétition qui la poussait à vaincre les monstres au combat. Même la puissante Sérignan avait un côté enfantin.

« Vouloir tuer un griffon est-il vraiment si enfantin ? » demanda Sérignan en faisant la moue, ayant capté mes pensées à travers la conscience collective.

« Argh, désolée… Je veux dire, je suppose que collectionner des trophées dans le jeu est tout aussi enfantin. »

Quand j’y avais pensé, la soif de trophées de jeux vidéo et la volonté chevaleresque de chasser les monstres provenaient probablement du même désir enfantin.

« C’est un peu la même chose pour moi, mais dans mon cas, les trophées que je collectionne sont des pays que j’ai conquis. Et ce genre de trophées est beaucoup plus sanglant et dangereux à se procurer que les tiens », avais-je ajouté.

Je me déplaçais dans ce monde comme si c’était un jeu, je n’étais donc pas vraiment du genre à juger. Au contraire, j’étais probablement le membre le plus incorrigible et le plus mignon de notre groupe.

« Votre Majesté, j’entends des battements de cœur. Quelque chose de gros s’approche », dit Lysa, en gardant la voix basse.

« Ce sera probablement un griffon. Très bien, vous trois, préparez-vous. »

Quelques minutes plus tard, notre individu s’était révélé. Bien sûr, c’était un griffon. Comme dans les légendes, il avait la moitié supérieure d’un aigle et la moitié inférieure d’un lion. Il plongea et attrapa une vache dans ses serres, puis il s’envola, sa proie gémissant de douleur. Les griffes aiguisées du griffon s’enfonçaient dans la chair de la vache, laissant une traînée de sang coulant du ciel.

« Fais-le, Lysa. »

« Oui, madame ! »

Lysa prépara une flèche spéciale sur son arc long et visa le griffon. Un instant plus tard, elle tira.

« Skreee ! »

Le griffon cria et lâcha la vache, les deux tombèrent rapidement à terre.

« Ensuite, Sérignan ! Essaim Masqué ! »

« Bien ! »

Sérignan et l’Essaim Masqué sautèrent des buissons. La lame noire de son épée sainte corrompue et la hache que l’essaim masqué avait achetée à un forgeron se balançaient dans les airs.

Mon Essaim Masqué était vêtu d’une armure de cuir usagé, mais celle-ci n’était qu’une partie de son déguisement. Son exosquelette protecteur, caché sous la mimésis, était beaucoup plus résistant. Le seul Essaim qui portait vraiment une armure était Sérignan.

« Skreeeah ! »

Le griffon s’était débarrassé de la douleur de la flèche, ou peut-être cessa-t-il de la sentir alors que son sang était rempli d’adrénaline. Il déploya ses ailes de façon menaçante pour ses attaquants. Ce spectacle féroce et primitif correspondait presque à celui des anges que nous avions combattus au royaume de Maluk.

« Hiyaaah ! »

Sérignan poussa un cri de guerre, frappant avec son épée sur le cou du griffon.

« Skree ! Skreeaaah ! »

Le griffon esquiva le coup de Sérignan et riposta de son grand bec.

Mais la contre-attaque était trop lente pour toucher Sérignan, qui avait fait une culbute en arrière et lui frappa rapidement le bec avec sa lame, le fendant. L’Essaim Masqué frappa une de ses ailes en silence, mais ce fut un exploit difficile, étant donné le battement incessant du griffon. De plus, l’Essaim Masqué n’avait pas l’habitude de se battre sous forme humaine.

« Ah ! Il essaie de s’enfuir ! »

Le griffon battait des ailes, s’envolait dans le ciel et se dirigeait vers le sud. Lysa tira une autre flèche, qui s’enfonça dans le flanc du griffon. Mais la bête n’était pas tombée.

« Elle s’est échappée ! », s’exclamait amèrement Sérignan.

« Tout va bien », dis-je en regardant dans la direction où le griffon s’était envolé.

« Cette flèche a un truc spécial : elle dégage un arôme puissant que l’essaim peut suivre. Maintenant, nous pouvons le suivre jusqu’à son nid. »

« Incroyable… Vous seule pouvez être aussi préparée, mademoiselle. »

« Eh bien, je me suis dit qu’une créature ailée essaierait de s’envoler si elle le pouvait. Quoi qu’il en soit, commençons à la traquer. Essaim Masqué, si tu veux bien te donner la peine ? », avais-je dit, un peu gênée par son compliment.

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Contrairement à Sérignan et Lysa, qui avaient des organes sensoriels humanoïdes, l’odorat de l’Essaim Masqué était plus aigu et mieux adapté pour suivre le griffon.

J’espérais cependant que la randonnée ne serait pas trop longue. Je ne voulais pas me fatiguer trop vite, avec mes statistiques inférieures à la moyenne et tout le reste. Grrr.

« Il devrait être droit devant. »

Après une quarantaine de minutes, nous avions finalement trouvé ce qui semblait être le nid du griffon.

« Je suis crevée… »

J’étais vraiment épuisée. Le nid de la bête se trouvait dans une grotte au sommet d’une montagne assez haute. L’ascension avait donc été assez difficile. Rien que de penser au retour, j’avais envie de pleurer.

« Est-ce que ça va ? », demanda Sérignan, l’air inquiet.

« Pas vraiment. Finissons-en avec ça. »

Les cinq minutes qui suivirent furent remplies par les cris du griffon et le bruit du métal qui s’entrechoquait.

« C’est fait, Votre Majesté. »

Sérignan m’avait présenté la tête sans vie du griffon.

« Bon travail. »

« Nous avons aussi trouvé trois poussins dans le nid », avait-elle ajouté.

« Hmm, vraiment ? Et qu’en est-il d’eux ? »

« Ils étaient encore jeunes, je n’ai donc pas pu me résoudre à les tuer. »

« Ce n’est pas bon. Pas bon du tout, Sérignan. »

Ils étaient peut-être jeunes maintenant, mais ils allaient finir par grandir et menacer le bétail de la région. De plus, ils pourraient même s’attaquer aux humains parce que nous aurions tué au moins un de leurs parents.

« Écoute-moi bien, Sérignan. Tu as maintenant deux options. Un : tu y retournes et tu tues les poussins. Deux : tu les prends sous ta protection, tu les ramènes avec nous, et une fois qu’ils auront grandi, tu les mets dans le four de conversion et tu les transformes en essaim. », avais-je dit.

L’idée d’avoir des essaims de Griffons était très séduisante.

« Je vais prendre sur moi de les élever. Les Griffons sont des créatures puissantes, donc je suis sûre qu’ils feront un ajout précieux à nos rangs. », avait conclu Sérignan.

« C’est donc ça. Ils sont sous ta responsabilité, d’accord ? »

Avec cela, nous avions accompli notre première quête d’aventurier : l’extermination des griffons.

***

Partie 4

« Heureuse de vous revoir ! Je suis surprise que vous ayez réussi à accomplir une quête aussi difficile juste après être devenus des aventuriers. Pas étonnant que vos statistiques soient si élevées ! », s’exclama la réceptionniste de la guilde.

À l’exception d’une rustre bien en dessous de la moyenne. Hmph.

« J’ai une question. Combien de temps faut-il généralement aux griffons pour arriver à maturité ? », avais-je dit.

« Les griffons ? Hmm… Je pense qu’il leur faut environ six mois pour atteindre l’âge adulte. C’est pour ça qu’ils sont si nuisibles. Ils grandissent si vite, que peu importe combien d’entre eux nous tuons… Ce n’est jamais assez. »

« Tu penses pouvoir t’occuper d’eux pendant les six prochains mois, Sérignan ? »

« Oui, ce sera une tâche simple. »

Les trois poussins que nous avions pris étaient actuellement cachés à l’auberge. Même s’ils étaient encore des bébés, leur appétit était hors du commun. À eux trois, ils avaient déjà réussi à dévorer un mouton entier.

« En tout cas, félicitations pour ce travail bien fait. Voici votre récompense d’un million de krans. »

Elle posa un grand sac de pièces de monnaie sur le comptoir devant nous.

« Eh bien, eh bien… Cela pourrait beaucoup nous aider à long terme. »

Vous savez, toute cette histoire « d’aventurier » n’est peut-être pas si mal après tout.

« Pardonnez-moi de vous interrompre, mademoiselle, mais je sens que les gens nous regardent », murmura Sérignan en me faisant un signe.

« Oh, ça doit être des aventuriers de cette guilde. Nous avons manifestement éveillé leur intérêt… comme nous l’avions prévu. »

D’autres aventuriers avaient pris note de notre succès, ce qui nous permettait de nouer des relations et de tirer toutes sortes d’informations sans éveiller de soupçons.

Comme sur un coup de tête, un jeune aventurier vêtu d’une cotte de mailles s’était approché de nous.

« Dites, c’est vous qui avez tué un griffon ? »

« Oui, c’est nous », lui dis-je gentiment.

« Vous êtes incroyables. Ce genre de quête est vraiment difficile, donc personne n’a voulu s’en charger depuis un moment. Je n’arrive pas à croire que des débutants qui viennent de s’inscrire aujourd’hui aient pu le faire aussi facilement. D’où venez-vous tous ? », dit-il, les yeux brillants.

L’homme était trop familier, à la limite de l’impolitesse, mais peut-être que c’était juste la façon dont les aventuriers se comportaient.

« Nous venons du royaume de Maluk », lui avais-je dit.

« Maluk, hein… Mes condoléances. »

Son regard était devenu sympathique.

« En gros, vous êtes des réfugiés? »

« Oui… quelque chose comme ça », lui avais-je répété, puis je l’avais régalé avec notre histoire inventée de toutes pièces.

« De toute façon, que savez-vous du Royaume ? »

« Juste que les gens du duc ont fait des quêtes pour savoir ce qui s’est passé là-bas. Ils disent que Maluk est contrôlé par des monstres, alors ils ont envoyé des aventuriers pour vérifier l’endroit. Mais personne n’est revenu. Leurs corps ne réapparaissent pas non plus. Ça semble assez dangereux. »

Donc ils ne savent pas vraiment ce qui se passe à l’intérieur des frontières de Maluk… Mon blocage de la frontière semble porter ses fruits.

« Alors, une autre question. Diriez-vous que ce pays est en paix ? »

« On dirait bien, mais qui peut vraiment le dire ? La rumeur dit que l’Empire de Nyrnal exige le stationnement de troupes ici à Schtraut. Frantz fait aussi pression sur le duc pour qu’il rejoigne une sorte d’alliance. »

Hmm… Donc l’ombre de la guerre plane sur ce pays.

« Est-ce que Schtraut est en mauvais termes avec l’Empire de Nyrnal ? »

« Pour être franc, ma petite dame, ce sont des gens assez arrogants. Ils pensent que tout tourne autour d’eux et que le monde entier devrait être entre leurs mains. »

Alors l’Empire est plutôt hautain, hein ? J’ai l’impression que ce sont de mauvaises nouvelles.

« Oh, et Schtraut a aussi fait des provisions. Maintenant que j’y pense, peut-être que la guerre arrive. Il n’y a que deux raisons pour lesquelles un pays achète autant de fournitures : la guerre ou une catastrophe naturelle. », avait-il poursuivi.

Pourquoi ne pas dire cela dès le départ… ? Ils se préparent à tous les coups pour une guerre.

« Que pensez-vous que le duché va faire ? »

« Le Duc Sharon — c’est le leader actuel, si vous ne saviez pas — essaie d’éviter la guerre. Il ne veut combattre personne, ni les monstres ni Nyrnal. »

Je vois. Ils ne veulent pas prendre part à une guerre, mais ils se préparent toujours au cas où elle se produirait.

« Vous savez, si vous voulez, vous pourriez faire équipe avec mon groupe. Je suis sûr que nous pourrions nous attaquer aux quêtes de très haut rang si nous vous avions de notre côté. En fait, il y en a une en ce moment pour exterminer les manticores. Qu’en pensez-vous ? », avait suggéré l’aventurier.

« Bien sûr. Ça ne me dérange pas d’unir mes forces. Faisons-le. », avais-je dit d’un signe de tête.

☆☆☆**

Le groupe de l’aventurier nous avait informés qu’une manticore était un monstre au corps de lion et au dard venimeux à l’extrémité de sa queue. Les manticores étaient extrêmement dangereux et prenaient plaisir à la chair humaine. Elles étaient à peu près aussi difficiles à éliminer que les griffons, de sorte que la plupart des aventuriers n’entreprendraient pas une quête de manticore à moins d’être très confiants dans leurs compétences. À ce qu’il paraît, ce groupe ne s’était joint à nous que parce que nous avions tué un griffon.

J’avais l’impression qu’ils se servaient de nous, mais cela ne me dérangeait pas, car nous allions quand même gagner en renommée. Le problème était de savoir comment nous allions tuer une manticore.

« Y a-t-il un bon appât pour les manticores ? », avais-je demandé aux aventuriers qui nous accompagnaient.

« Une seule chose tend à les attirer, et c’est le sang humain. Une personne sert d’appât et verse un peu de son sang, puis toutes les autres s’attaquent à la manticore une fois que l’odeur l’a fait sortir. C’est de toute façon la tactique que les aventuriers utilisent habituellement pour la chasse aux manticores. Mais je pense qu’elles sont probablement plus faibles que les griffons, vu qu’elles ne peuvent pas voler. », avait répondu le type à l’armure plate, qui semblait être le chef du parti.

Du sang humain, hein ? Cela signifie que Sérignan et les autres ne peuvent pas être utiles.

« Est-ce que je dois donc me couper et faire couler du sang ? », avais-je demandé.

« Es-tu sérieuse ? Les manticores vont droit sur tous ceux qui saignent. »

« Mais je n’ai pas d’autre moyen de contribuer. Je vais faire couler un peu de mon sang, et vous pouvez me protéger avec tout ce que vous avez. Je ne veux pas non plus être le dîner d’une manticore, alors j’ai vraiment besoin de votre soutien. »

« Bien. Et bien, ne t’inquiète pas, tu peux compter sur nous. On te protégera quoiqu’il arrive. »

Le groupe qui nous escortait était composé du jeune homme en armure de plaque, d’un autre homme en armure de cuir et armé d’un arc, et d’une femme portant ce qui ressemblait à une robe de sorcier. Ce n’était pas un groupe imposant, mais leur expérience était fiable.

C’est vrai, l’expérience. C’était quelque chose que nous n’avions pas beaucoup quand il s’agissait de chasser des monstres. Après tout, nous étions en fait les monstres qui avaient détruit un royaume, et nous n’en avions pas encore rencontré de réels lors de notre défense de la forêt elfique. Au mieux, nous devions simplement nous occuper d’un gros ours de temps en temps.

En y repensant, le griffon nous avait fait faux bond lors de notre précédente quête. J’espérais que nous pourrions apprendre quelques techniques de chasse aux monstres de ces aventuriers sans avoir à courir après quelque chose de nouveau.

« Très bien, mettons en place notre formation. Nous allons garder notre petite princesse en sécurité, vous entendez ? Hé, la dame chevalier et toi avec la hache, vous allez former l’avant-garde avec moi. Bruno et euh, toi, l’archère… Vous vous tenez derrière nous. Bridgette, tu prends l’arrière. On va l’occuper à l’avant, alors frappez-le avec votre puissance de feu. Est-ce que tout le monde est prêt ? ! »

« Attendez. Ce positionnement met Mademoiselle en danger. Je devrais être posté à ses côtés. En tant que chevalier, il est de mon devoir de la protéger. », protesta Sérignan.

« C’est une mauvaise idée, madame. Toute notre opération va s’effondrer si tu fais ça. Si l’avant-garde ne tient pas l’avant et ne met pas en sécurité ceux qui sont à l’arrière, nous aurons tous de gros problèmes. Alors la chasse à la manticore ne sera pas notre plus gros problème. »

« Non. Je dois rester à ses côtés. »

Eh bien, si ce n’était pas une bévue. Je suis contente que Sérignan me soit si fidèle, mais à ce rythme, tout va vraiment s’effondrer.

« Sérignan, si tu veux vraiment me protéger, fait ce qu’on te dit. Nous sommes venus ici pour tuer la manticore. Si nous ne pouvons pas le faire, alors nous avons échoué, et cela va nuire à notre réputation. Plus important encore, si tu ne suis pas le plan, cela me mettra en danger. », lui avais-je dit.

« M-Mes excuses, mademoiselle ! »

Sérignan s’excusa abondamment puis se tourna vers les aventuriers.

« Je vais donc suivre vos instructions ! »

J’avais été reconnaissante de la voir faire marche arrière juste après lui avoir dit quelque chose. Au fond, Sérignan était une fille obéissante qui ne faisait pas trop d’histoires.

Elle est si mignonne.

☆☆☆**

« Alors, êtes-vous prêt ? »

« Je suis prête. »

Finalement, nous avions atteint la forêt où l’on disait que les manticores apparaissaient. Nous avions pris nos positions, avec le groupe de Sérignan devant et le groupe de Lysa plus loin. Tout le monde s’était caché dans les buissons, en attendant la manticore.

« Dois-je le faire ? », avais-je demandé.

« Vas-y », avait dit le chef du groupe.

J’avais tranché ma paume avec un couteau, laissant mon sang s’écouler sur le sol.

« Avons-nous vraiment besoin d’autant de sang ? », avais-je dit en souriant.

« Euh, non, la manticore capterait l’odeur d’une seule goutte de sang. Ce sont fondamentalement des petits gloutons voraces, ils prendront donc tous les risques possibles pour manger. », répondit Bridgette, la femme en tenue de lanceuse de sorts.

Des monstres gloutons qui sautent sur n’importe quelle occasion de manger, hein ? On dirait l’Arachnée.

« Reste près de moi. Si tu quittes ma zone et que tu te retrouves en danger, je n’arriverai peut-être pas à temps pour t’aider. », dit-elle d’un signe de la main.

« Oui, je sais. Je n’offre pratiquement aucune puissance de combat, donc je dépends de toi, Mlle… Bridgette. »

« Ne t’inquiète pas, je te couvre. Tu peux aussi laisser tomber le Mlle. Juste Bridgette fera l’affaire. »

« Entendu. Merci, Bridgette. »

Les mages nous avaient rendu la vie difficile pendant la guerre avec Maluk, mais ça ne voulait pas dire que tous les mages étaient des gens mauvais. Bridgette avait un comportement amical et digne de confiance.

« Tu as entendu ça ? » chuchota Bruno, l’archer en armure de cuir.

« Oui. Quelque chose se dirige par ici. », répondit Lysa d’un signe de tête.

C’est vraiment une elfe. Personne n’est plus fiable dans une forêt.

« Des pas lourds… Plus lourds que ceux d’un ours. C’est probablement une manticore. »

« Sans aucun doute. Il se dirige par ici, et il devient plus rapide chaque minute. Il sera bientôt juste devant nous. »

Finalement, j’avais aussi pu entendre des bruits de pas et un grondement grave venant de la forêt verdoyante. En effet, quelque chose s’approchait, et il ne faudrait pas longtemps pour qu’il soit devant nous.

« Elle est là… ! »

À peine le chef du groupe avait-il prononcé ces mots qu’un monstre bondit hors des broussailles. La créature ressemblait à un lion couvert de fourrure cramoisie, et la queue d’un scorpion s’étendait de son derrière.

C’était un manticore… et elle avait vraiment l’air aussi dangereuse qu’on le disait.

« Avant-garde ! Encerclez-la ! Arrière-garde, couvrez-nous ! »

Le groupe de Sérignan s’était jeté sur la manticore géante, qui avait répondu en montrant ses crocs aiguisés. Elle s’était abattue vers l’épée du chef du groupe en poussant son dard vers Sérignan et l’Essaim masqué. Naturellement, mes subalternes ne perdraient pas si facilement.

« Visez le dard ! Si vous l’enlevez, ce n’est qu’un lion ! »

« Haaaaah ! »

Sérignan s’était jetée sur la manticore, lui coupant la queue d’un seul coup. La manticore grogna de douleur et se prépara à frapper Sérignan dans sa rage. À ce moment, cependant, l’Essaim masqué intervint pour ne pas lui donner la possibilité de contre-attaquer.

« Maintenant ! »

Lysa et Bruno lancèrent leurs flèches. Ils tirèrent tous les deux le même type de flèche, mais celle de Lysa, boostée par sa force, pénétra profondément dans le crâne de la manticore, la rendant d’autant plus aveugle.

Avec une telle force, elle est elle-même un monstre.

« Magie, viens ! »

Bridgette déclencha une attaque magique pour l’achever, enveloppant la manticore dans les flammes. Les mouvements de la bête devinrent de plus en plus lents, et elle finit par s’immobiliser complètement.

Est-elle enfin morte ?

« Nous l’avons fait ! Nous avons gagné ! » acclama le chef du groupe.

« C’était un jeu d’enfant », murmura Sérignan, l’air insatisfait.

« Hé, tu es vraiment géniale. Tu viens de couper le dard de cette manticore comme si de rien n’était ! La plupart des gens ne pourraient pas rêver de faire un coup pareil. »

« Hmph. C’était comme si on coupait du papier. Je veux me battre contre un adversaire plus valable. »

Sérignan se retourna pour faire face à l’arrière-garde.

« Lysa et ta magicienne ont aussi donné les coups de grâce. »

« Et toi, ton habileté avec un arc était impressionnante. Tu as percé le crâne de la manticore avec une flèche ! Ça ressemblait honnêtement plus à un carreau de baliste à ce moment-là. », dit l’aventurier à Lysa.

« Vraiment ? Je l’ai juste coincée pour que tu puisses le frapper. », dit-elle timidement.

« Le coincer ? Pour de vrai ? Tu l’as littéralement cloué en place ! »

Lysa avait vraiment sa propre façon de voir les choses.

« Eh bien, je suppose que cela conclut notre quête de chasse à la manticore. Je suppose que ma prochaine question est… y a-t-il des monstres plus dangereux que les griffons et les manticores ? », avais-je demandé.

« Les griffons et les manticores ne vous suffisent pas ? Essayez donc les wyvernes de l’Empire de Nyrnal. On dit qu’ils sont plus effrayants qu’autre chose. Non pas qu’il y ait des wyvernes dans le désert, vous êtes donc en sécurité sur ce point. »

J’avais ressenti quelque chose à propos de ce qu’il m’avait dit.

« Hmm. Tu dis qu’il n’y a pas de wyvernes sauvages ? Alors où l’Empire de Nyrnal trouve-t-il ses wyvernes ? »

« Je ne sais pas. Peut-être qu’ils ont trouvé des œufs de wyverne et ont décidé de les garder pour eux tous seuls. L’Empire a trop de secrets, alors qui peut le dire ? »

Ça n’avait aucun sens. Pourquoi l’Empire de Nyrnal était-il le seul pays capable d’utiliser des wyvernes ?

« Je pourrais avoir besoin de mettre de côté un certain temps afin de vraiment penser à cet Empire », me murmurais-je.

« De toute façon, commençons par gérer ce manticore. Dépêchons-nous de retourner à la guilde et faisons-leur savoir que nous avons fini. »

« Bien sûr. Oh, mais pourrais-tu me dire ton nom d’abord ? Je ne t’ai pas encore entendu le dire. »

« Moi ? Je m’appelle Edgar. Ravi de te rencontrer, petite mademoiselle. »

Edgar m’avait fait un salut exagéré.

« J’espère qu’on pourra refaire une quête ensemble un jour. »

« Bien sûr, si on en a l’occasion. »

Sur ce, nous étions retournés à la guilde pour faire état de notre succès. Après avoir vaincu un griffon et une manticore en si peu de temps, notre petit groupe était devenu célèbre pratiquement du jour au lendemain. Cette notoriété était la clé pour obtenir ce que je recherchais vraiment.

***

Chapitre 3 : Haute société

Partie 1

Après l’extermination du griffon et de la manticore, nous nous étions attaqués à quelques quêtes plus difficiles. Grâce à cela, nous étions devenus célèbres non seulement à Marine, mais aussi dans tout le duché de Schtraut. Mais il s’était avéré que cela n’avait pas plu à tout le monde.

« Alors vous êtes les aventuriers qui nous ont volé la vedette ces jours-ci, hein ? »

Un jour, quand nous avions quitté l’auberge et nous étions dirigés vers la guilde, nous avions été acculés par un groupe d’hommes dans une ruelle. Ils portaient tous une armure de cuir bon marché et des expressions hostiles.

« Je ne sais pas si nous avons volé quoi que ce soit à qui que ce soit, mais nous sommes certainement des aventuriers », dis-je à celui qui nous avait interpellés.

« Ne joue pas les timides avec moi, mademoiselle. Toi et tes amis ici présents avez volé toutes les quêtes les plus difficiles, et nous autres, nous avons lutté pour trouver du travail à cause de vous. À cause de vous, la guilde ne fait que se remplir de quêtes vraiment difficiles. Vous comprenez ? »

Oh. Ils essaient de nous blâmer pour leur propre inaptitude.

« Et alors ? Trouvez donc un autre travail. Je suis sûre que des gens comme vous peuvent trouver plein de bons emplois. »

« Est-ce que tu nous regardes de haut ? ! »

Insatisfait de mon attitude, l’homme avait sorti une épée.

« Est-ce votre façon de dire que vous cherchez la bagarre ? »

Il fit alors tournoyer l’épée dans les airs.

« Je te donne juste une petite leçon, c’est tout. Tu apprendras peut-être à rester à ta place si je te découpe ton joli visage. »

« Sérignan, occupe-toi d’eux. »

« Selon vos désirs. »

Sérignan s’interposa entre moi et la bande de voyous.

« Alors tu veux y aller en premier, hein ? ! Tu l’as demandé ! »

Il leva sa longue épée…

… et un instant après, ses bras tombèrent au sol, coupés du reste de son corps.

« Aaaahhhh ! C’est quoi ce bordel !? »

Avant que quelqu’un ne puisse cligner des yeux, les têtes des cinq hommes qui avaient décidé de se battre avec nous volaient. Le trottoir avait été éclaboussé de sang frais.

De toute évidence, il n’y avait pas de survivants.

Leurs corps s’étaient effondrés sur le sol, en se tordant. La ruelle ressemblait à une scène sortie tout droit d’un film d’horreur.

« J’ai le sentiment que les gens vont continuer à se battre avec nous à partir de maintenant », avais-je dit en soupirant.

« S’ils ont envie de perdre la tête, ils n’ont qu’à essayer », cracha Sérignan.

Être célèbre, c’est sûr, c’est gênant.

« De toute façon, rendons-nous à la guilde. On doit se concentrer sur la collecte d’informations. »

Nous pourrions apprendre toutes sortes de choses à la guilde des aventuriers, par exemple, à quel point les citoyens de Schtraut connaissaient la situation dans l’ancien royaume de Maluk, comment les relations internationales avaient pu changer, ainsi que tout changement dans les affaires internes de Schtraut.

« Oh, bonjour, Mlle Grevillea ! Nous vous attendions ! »

Pour une raison inconnue, la dame de la réception nous avait accueillis avec un large sourire.

« Euh, y a-t-il une quête difficile et avez-vous besoin que nous nous en chargions ? »

« Non, non. Quelque chose d’incroyable est arrivé ! Une personne importante de l’état est ici, et il veut vous rencontrer ! »

Argh.

Est-ce qu’on s’était trop distingués ? Ou était-ce autre chose ? Un certain nombre de possibilités épouvantables s’étaient présentées à mon esprit, depuis le fait que nous nous en sortions trop bien malgré le fait que nous étions supposés être des réfugiés Maluk jusqu’au fait que nous avions des arriérés d’impôts.

Ou bien… Oh, non. Est-ce que Sérignan ne m’a pas appelée « Votre Majesté » une fois de trop ? Mais non, je pourrais juste dire que c’est un surnom, ça ne devrait donc pas être un problème. Si j’avais été une vraie membre de la royauté, mon nom aurait été exposé dès mon inscription à la guilde. Si j’étais le genre de princesse de conte de fées qui se présente déguisée et qui commence à faire le sale boulot comme par magie, je serais certainement une sorte de célébrité maintenant. Qu’est-ce que cette personne pourrait donc bien vouloir de moi ?

« Mlle Grevillea ? Est-ce que ça va ? »

« Oh, oui, je vais bien. Qu’est-ce que cet homme me veut ? »

« Je ne connais pas les détails, mais il semblerait qu’il ait fait un pas en avant pour encourager vos activités. Par ailleurs, le duché recrute parfois des aventuriers de premier plan dans ses rangs. En fait, la guilde a eu de nombreux cas d’aventuriers prometteurs qui ont servi notre pays. Pour autant que je sache, le gouvernement les fait chevaliers, mais c’est techniquement un titre noble. Passer d’aventurier à noble est une merveilleuse promotion ! »

Hmm. S’embrouiller avec ce pays signifie courir pas mal de risques, mais il y a aussi beaucoup à gagner.

« Oh, et il vous a aussi invité à un dîner après-demain ! C’est comme un rêve devenu réalité ! »

« Un dîner ? »

J’avais incliné la tête.

« Oui ! Il y a des dîners de temps en temps à Marine. Le chef de la guilde des marchands locaux et les hauts responsables de la ville — voire du pays tout entier — sont quelques-uns des gens que vous y trouverez. Il faut être noble ou vraiment célèbre pour obtenir une invitation, et tout le monde veut en faire partie. Une fille ordinaire comme moi ne peut qu’en rêver… »

Ce n’est donc probablement pas un dîner pour collecter des dons politiques.

« Rencontrez d’abord le fonctionnaire. Il pourra vous dire ce qu’il a à faire avec vous bien plus vite que moi. », dit-elle tout en faisant un geste de côté.

« Je suppose que oui. »

Se disputer à ce sujet ne me mènerait nulle part. J’avais pris mes résolutions et je m’étais avancée pour rencontrer cette… personne importante.

☆☆☆

« Mlle Grevillea, je présume ? »

Celui qui m’avait saluée était un homme d’âge moyen ayant une barbe impressionnante.

« Oui. Que me vaut le plaisir de vous rencontrer ? »

« Je ne peux pas dire que j’approuve beaucoup votre attitude, mais je l’autorise par respect pour votre position de héros dans la guilde des aventuriers. »

Quel vieil homme prétentieux ! Il me donne presque envie qu’il m’en donne pour mon argent dans ce service.

« Je suis le comte Basil de Buffon. Il fallait que je vous rencontre après avoir entendu parler de vos exploits. Cependant, je dois avouer que je suis un peu surpris. »

Il fit un demi-pas en arrière et regarda successivement Sérignan, Lysa, l’essaim masqué et moi-même.

« Votre groupe est presque entièrement composé de femmes, et pourtant vous avez réussi à vaincre un griffon et une manticore. Comme c’est curieux. »

Il était vrai que l’Essaim Masqué était le seul homme du groupe… bien que ce soit en fait une créature asexuée.

« Pourtant, je peux détecter une légère odeur de sang sur vous. Peut-être que mon esprit me joue des tours ? »

« Nous avons été forcés d’abattre un groupe de voyous qui avaient essayé de nous attaquer plus tôt. Cette ville manque vraiment d’ordre public, ce serait formidable si le gouvernement local pouvait faire quelque chose à ce sujet. Nous devons nous promener dans les rues armées juste pour nous protéger. », expliquais-je froidement.

« Vraiment ? Ça doit être pire que ce que je pensais. La criminalité parmi la classe inférieure est un problème depuis un certain temps déjà, mais de penser qu’il y a des voyous qui tenteraient de faire du mal à une charmante jeune femme comme vous… Je ne manquerai pas de dire au maire de faire plus d’efforts pour améliorer la situation. »

Le Seigneur Buffon ne semblait pas se soucier de savoir si le fait d’être attaqué de cette façon était une justification suffisante pour tuer quelqu’un en légitime défense.

« Eh bien, vous vouliez nous rencontrer, nous voilà. Êtes-vous satisfait, Seigneur Basil ? »

« Les aventuriers de nos jours sont vraiment très grossiers, non ? Pourtant, la robe que vous portez est divine. Elle doit avoir été faite par un artisan de première classe. »

Vous entendez ça, Essaims Travailleurs ? Vous êtes des artisans de première classe maintenant. Maman est si fière de vous.

« Pardonnez mon audace, mais pourriez-vous être une noble de Maluk qui travaille comme aventurier pour cacher son passé ? D’après ce que j’ai entendu, beaucoup de gens ont perdu la vie dans le Royaume de Maluk. Les responsables sont toujours en liberté, mais les gens disent que c’était une légion de monstres. Personne ne sait quel pays les a libérés. Si c’était l’Empire de Nyrnal, je peux comprendre que vous ressentiez le besoin de cacher votre passé. Tous les nobles survivants seraient probablement poursuivis par ces sauvages. », demanda-t-il.

« Non, je ne suis pas une noble. Je suis juste une aventurière ordinaire. »

« Mais je n’ai jamais vu une aventurière ordinaire porter ce genre de robe. Cela mis à part, ces trois-là doivent être vos escortes, n’est-ce pas ? »

Ce ne serait pas bon pour lui de me soupçonner d’être de la noblesse Maluk. Après tout, je ne savais presque rien du pays, nous étions simplement entrés et l’avions détruit.

« C’est vrai. Je suis un chevalier à son service », déclara Sérignan.

« Ah, c’est donc vrai. Oui, tout cela a un sens. »

J’avais réprimandé Sérignan à travers la conscience collective, l’exhortant à se taire et à ne rien dire qui peuvent nous attirer des ennuis. Honteuse, elle s’était un peu effondrée.

Tellement mignonne…

« Je ne vous demanderai pas quel genre de noble vous étiez ni quel titre vous portiez. Si l’on en croit les rumeurs, le royaume de Maluk est en ruines. La dernière chose que je voudrais, c’est de vous causer du chagrin en déterrant des souvenirs douloureux de votre patrie. Je laisserai les choses telles qu’elles sont jusqu’à ce que vos blessures soient guéries. »

Oh. C’est une bonne idée.

La prochaine fois que quelqu’un m’interrogera sur Maluk, je pourrai prétendre qu’ils déclenchent des souvenirs traumatisants. La façon dont cet homme avait effectivement renforcé ma propre couverture sans que j’aie à lever le petit doigt m’avait presque fait rire aux éclats.

« Au fait, j’aimerais vous demander quelque chose. Pas en tant qu’aventurier, mais en tant que noble du royaume de Maluk. »

« Bien sûr. Je vous écoute. »

Qu’est-ce qu’il y a encore ? Le dîner ?

« Je vais organiser un dîner après-demain, et je serais ravi que vous vous joigniez à nous. Les autres hauts responsables ont les yeux rivés sur vous après vos nombreuses réalisations, Mlle Grevillea. Ce serait bien si vous pouviez venir vous mêler au reste des invités. »

Alors, c’était vraiment ça… Mais je ne suis pas très douée pour ce genre de choses.

« Bien sûr, je serai là. Après-demain, c’est ça ? »

« Oui, pendant la soirée. »

« Pourriez-vous nous prêter deux robes et un smoking ? J’ai moi-même une tenue adaptée pour un dîner, mais pas ces trois-là. »

« Ce ne sera pas un problème du tout, ma dame. Je possède un magasin de vêtements, vous pouvez donc me confier ça. Si vous avez besoin de deux robes et d’un smoking, je vous les fournirai. »

Cool, alors nous serons tous habillés pour l’occasion.

« Où aura lieu la fête ? »

« Dans le salon d’apparat de la ville. Voici vos invitations. »

Lord Buffon en avait remis une à chacun d’entre nous.

« Très bien. Merci de vous être donné la peine de nous inviter personnellement. J’espère que nous pourrons animer la fête. »

« Oh, ne vous inquiétez pas pour ça. Votre seule présence est tout ce que je pouvais demander. Je veux juste que les invités aient un aperçu de nos plus célèbres aventuriers. »

Attendez, quoi ? Je suis quoi, une attraction vedette ?

« Bien. J’enverrai ces trois-là demain pour récupérer leurs vêtements. Combien vous dois-je pour ça ? »

« S’il vous plaît, vous n’avez pas besoin de me donner quoi que ce soit. Je vous ai après tout demandé de participer. Il est juste que je couvre la totalité de la dépense. »

Oh. Je pensais que ce vieux type était louche, mais peut-être que c’est en fait une personne décente. Recevoir un traitement aussi généreux me fait réfléchir à deux fois avant de détruire ce pays.

« Alors, retrouvons-nous au dîner. Oh, et voici l’adresse du magasin de vêtements. Suivez ces instructions, et vous arriverez à destination. »

Le Seigneur Buffon nota les instructions sur un morceau de papier avant de quitter les lieux.

« Lysa, tu peux lire ça ? » lui avais-je demandé.

« Oui. Il est écrit que la fête aura lieu au troisième bâtiment de la rue Glorieuse du Duc Louis. », répondit Lysa en regardant le bout de papier.

« J’ai compris. Bien, retournons sur nos pas pour l’instant, nous avons du travail à faire. »

Avec ça, j’avais fait sortir mes trois escortes de la guilde.

« Oh, Mlle Grevillea ! Que vous voulait-il ? »

Alors que nous nous apprêtions à partir, la réceptionniste bavarde m’appela.

« Il nous a demandé de venir au dîner. D’y venir en tant qu’invités », lui dis-je sèchement.

« Ouah ! C’est incroyable ! Je n’arrive pas à croire que des gens de ma guilde vont participer à une de ces fêtes ! Cela restera dans l’histoire ! Je vous encouragerai depuis les coulisses, Mlle Grevillea ! Continuez à faire du bon travail ! »

« Je ne sais pas si cela restera dans l’histoire, mais, euh, le chef de Schtraut sera-t-il présent ? »

« Hein ? Vous voulez dire le duc ? Sa Grâce fait parfois une apparition, mais pas toujours. Je ne peux pas vraiment le dire, bien que j’ai entendu dire qu’il a été très occupé ces derniers temps. »

Tch. Et moi qui pensais avoir une chance de négocier directement avec le responsable de ce pays.

« Merci pour l’information. Nous allons partir maintenant. »

« OK ! Assurez-vous de faire savoir à tout le monde que vous êtes de notre guilde ! »

Je me suis dépêchée de partir pour ne plus avoir à supporter ses bavardages incessants.

***

Partie 2

« Très bien, nous allons tous les quatre à ce dîner ! Nous devrions être en mesure de recueillir des informations que nous n’obtiendrions pas à la guilde, ce qui est une raison suffisante pour y assister. Je veux que vous saisissiez cette occasion pour recueillir toutes les informations possibles sur le duché de Schtraut, en particulier sur le climat politique actuel. Si vous apprenez quelque chose sur leurs relations diplomatiques, ce sera parfait. Le sort de l’Arachnée dépend de notre capacité à comprendre correctement leur statut international. », avais-je déclaré à notre retour à l’auberge.

Sérignan, Lysa et l’Essaim Masqué avaient fermement acquiescé à mes paroles. Bien. Ils comprennent à quel point la situation est importante.

« Le plus gros problème que nous avons est qu’ils pourraient découvrir nos vraies identités. Le Seigneur Buffon a mal compris les choses, mais prétendre être noble peut être un défi. Les nobles agissent parfois sérieusement comme les membres d’une société secrète. Un écusson de famille, une devise, nos relations politiques et personnelles… Ce sont des choses que nous ne pouvons pas fabriquer pour l’instant. C’est pourquoi, si on nous aborde sur l’un de ces sujets, nous allons dire que nous avons perdu nos souvenirs à cause d’un traumatisme. Est-ce que c’est clair ? »

« Oui, Votre Majesté. Nous pourrions certes chercher à imiter une famille noble existante, mais il serait dangereux de fonder notre action sur des informations aussi peu fiables. Il serait plus sûr pour nous de prétendre que nous souffrons de perte de mémoire, alors oui, faisons avec. », déclara Sérignan.

Si nous le voulions vraiment, nous pourrions demander aux essaims de Maluk de se pencher sur une vraie maison noble, mais cela risquerait de faire en sorte que quelqu’un les connaissant apparaisse, même de loin. Comme l’avait dit Sérignan, la solution la plus sûre était de feindre l’amnésie. Bien sûr, trop s’y fier pouvait éveiller les soupçons… mais c’était quand même la meilleure approche que nous avions.

« De toute façon, je vais donner à chacun de vous un rôle assigné. Sérignan, tu es mon garde du corps. Lysa va s’occuper du repérage. Essaim Masqué, désolé, mais j’ai besoin que tu nous assures une sortie. Que nos autres Essaims Masqués se déploient et se rassemblent autour de la salle de réception. »

Sérignan seule sera suffisante pour me protéger tandis que Lysa repérera les gardes du corps des autres invités. L’Essaim Masqué nous assurera une sortie. Je voulais que tous les Essaims Masqués que nous avions amenés dans la ville soient prêts à nous couvrir en cas de besoin.

Hmm… En y repensant, quelque chose ne semble pas normal ici. On a moins l’impression d’aller à un dîner et plus l’impression de se préparer à une opération spéciale.

« Nous avons cependant quelques problèmes. Premièrement, nous ne savons pas à qui nous adresser si nous voulons obtenir des informations utiles. Si nous nous renseignons au hasard, cela pourra paraître contre nature, mais nous n’avons pas d’autre choix que de prendre ce risque. Nous devons espérer que la personne avec laquelle nous engagerons une conversation est suffisamment importante pour savoir une chose ou deux. »

Nous ne connaissions ni les noms ni les visages des VIP du duché, nous n’avions donc aucun moyen d’obtenir des informations clés à un noble, à l’exception d’un propriétaire d’une petite guilde commerciale qui ne savait rien d’important. Ce n’était pas un jeu de rôle où nous pouvions parler à tous les PNJs — cela aurait juste l’air suspect. Nous devions nous concentrer sur quelques cibles prometteuses et nous en tenir à elles.

« Et notre autre problème est lié à vos tenues. Sérignan, peux-tu enlever ton armure ? », dis-je en poussant un soupir.

« Je vais essayer ! »

Elle ne portait pas exactement son armure rouge, elle faisait partie de son corps. L’enlever serait une tâche herculéenne. Pouvait-elle vraiment rentrer dans une robe ?

« Nnngh... ! »

Sérignan s’était concentrée au maximum pour essayer d’enlever l’armure. Enfin, les plaques se détachèrent, tombant sur le sol d’un coup sec.

« Est-ce que ça va, Votre Majesté ? », me demanda Sérignan, nue comme une nouveau-née.

« Sérignan. Tes seins sont plus gros que je ne le pensais. Et tu as un corps qui ferait un malheur. », murmurai-je à travers mes dents grinçantes.

« Tu es vraiment belle, Sérignan ! », s’écria Lysa.

J’avais toujours été mince et miteuse, mais le fait de n’avoir que quatorze ans n’avait fait que rendre mon corps encore plus informe. Mais le fait que Sérignan avait des seins plus gros que les miens m’avait frappée comme une tonne de briques. Ramper sous les couvertures et accepter que la mort par la chaleur de l’univers était assez tentant.

« V-Vous allez bien, Votre Majesté ? Dois-je me cisailler la poitrine ? » demanda Sérignan, sentant ma jalousie à travers la conscience collective.

« Non, ne le fais pas. Mais je te laisse gérer la partie séduction à partir de maintenant. »

Je vais mettre à profit les atouts inattendus de Sérignan.

« Maintenant, Lysa, peux-tu enlever tes vêtements ? »

« Oui, ils se détachent bien. »

Apparemment, malgré le fait que les vêtements que Lysa portait lorsqu’elle était entrée dans le four de conversion avaient fusionné avec son corps, elle avait pu les enlever sans problème.

« Essaim Masqué, et toi ? »

« Est-ce que ça ira ? »

L’apparence de l’essaim masqué s’était légèrement déformée, et il ne portait soudain plus que des sous-vêtements.

Un vrai maître de la mimésis. Je suis sûre que les choses se passeront bien.

« Bon, alors notre prochaine mission est d’aller vous chercher des vêtements de fête. Sérignan, je t’ai acheté des vêtements normaux à l’avance, alors porte-les quand tu sortiras. Lysa, fais attention à ce que tes oreilles ne se voient pas. Essaim Masqué… Je pense que tu t’en sortiras bien. »

« Oui. Pour recevoir des vêtements de ma reine… Je suis vraiment honorée, » dit Sérignan.

Je m’étais dit que Sérignan pourrait se retrouver nue si elle enlevait son armure, alors je lui avais acheté un ensemble de vêtements de tous les jours chez un tailleur, pensant que cela éviterait des complications plus tard. Il s’est avéré que j’avais raison.

« De toute façon, allez choisir vos vêtements de soirée demain. Préparez-vous en conséquence. C’est tout pour aujourd’hui. »

Mince. Je ne pensais pas que préparer des vêtements pour une fête serait si compliqué.

☆☆☆**

« C’est donc l’endroit dont le Seigneur Buffon nous a parlé. »

Nous avions tous les quatre suivi les instructions que le Seigneur Buffon nous avait données et avions finalement atteint son magasin.

« Il y a beaucoup de robes d’apparence coûteuse exposées. »

Lysa regarda la devanture du magasin avec des yeux pétillants.

« Eh bien, c’est le comte qui régale, alors choisis ce que tu veux », lui dis-je alors que j’entrai dans le magasin.

« Bonjour. Puis-je vous être utile ? » dit la commerçante.

Elle portait elle-même une robe légère, et elle nous parlait avec respect. Le niveau de service à la clientèle nous fit comprendre que nous étions dans un établissement de grande classe.

« Nous sommes venus ici sur la recommandation du Seigneur Buffon. Pourriez-vous nous aider ? »

« Oui, j’ai été informé de votre arrivée. Je serais honorée de rendre service à une amie du comte. »

Nous ne sommes vraiment pas ses amis.

« Parfait, cela m’évitera les explications superflues. Pourriez-vous nous faire visiter ? »

« Bien sûr. Par ici, s’il vous plaît. »

Sérignan et les autres avancèrent automatiquement. La tenue actuelle de Sérignan était une robe de soirée cramoisie. Elle ne lui allait pas très bien, mais elle l’aimait quand même. Étrange, vu que je n’avais pas un grand sens de la mode.

« Mlle Sérignan, quel genre de robe aimeriez-vous ? »

« Une qui soit facile à enfiler. Une robe que je pourrais porter en maniant l’épée. »

« Euh, nous parlons d’une robe de soirée, non ? »

« Oui, c’est ça. Si possible, j’apprécierais une armure autour de la poitrine et de l’abdomen. Ça ne me dérange pas si ça ajoute du poids. »

Apparemment, elle ne pouvait pas distinguer une robe d’une armure.

« Sérignan, arrête d’ennuyer les pauvres commis avec tes folles exigences. Pourriez-vous lui trouver une robe plus mature, s’il vous plaît ? Une qui a un certain décolleté et un dos ouvert. Je veux qu’elle soit la fleur la plus séduisante de la fête. »

« Compris. »

Une des employées s’était rendue dans le magasin avec elle pour lui trouver une robe appropriée.

« Et vous, Mlle Lysa ? Quel genre de robe cherchez-vous ? »

« Umm… quelque chose d’un peu plus simple que la robe que notre dame ici va porter. Je ne suis qu’une de ses servantes. », me dit Lysa timidement tout en me faisant un geste.

Je suppose que c’est le maximum qu’elle puisse faire.

« Très bien. »

À son signal, un autre commis fit entrer Lysa.

« Quant à vous, Monsieur Maska, celui-ci fera-t-il l’affaire ? »

« Oui. C’est parfait. »

L’Essaim Masqué avait été le premier à terminer ses préparatifs. Il se tenait devant le miroir, l’air tout simplement fringant en smoking.

N’es-tu pas un étalon ?

« Mlle Grevillea… Je vois que vous n’avez pas besoin d’une nouvelle robe. »

« Oui, c’est bon pour moi. »

Les Essaims Travailleurs m’avaient fait plein de robes magnifiques, je n’avais donc pas eu de problèmes sur ce point. Je portais actuellement l’une d’entre elles.

« Puis-je vous demander où vous avez eu cette robe ? »

« Celle-là ? Elle vient, euh, d’un tailleur du Royaume de Maluk, dans une ville appelée Leen. »

Mais ce magasin n’existe plus. Et tout ceci grâce à l’aimable autorisation de votre serviteur.

« Je ne vois aucune couture, et on dirait qu’elle a été découpée dans un seul morceau de tissu… et mince, cette texture ressemble à de la soie. De plus, son design est plus audacieux que tout ce que même les designers les plus imaginatifs du continent oseraient faire. De penser que l’endroit d’où vient cette robe a été détruit me brise le cœur. »

« D’accord. »

Si ces chevaliers n’avaient pas mis leur nez là où il ne fallait pas, les choses auraient été bien différentes. Oui, si cela n’était pas arrivé, je serais encore en train de me développer paisiblement en vendant des robes et en achetant de la viande. Si seulement ces voyous qui s’étaient fait appeler chevaliers ne s’étaient pas pointés et n’avaient pas brûlé mon précieux Baumfetter… Pourtant, les guerres éclatent toujours, même quand personne n’en veut.

« Mlle ! »

Sérignan était arrivée en courant du fond du magasin avec les larmes aux yeux.

« Regardez ce que cette femme essaie de me faire porter ! C’est honteux ! Je n’ai pas l’air d’un chevalier, mais d’une prostituée. » 

Sérignan portait ce qui était, il est vrai, une robe très racée. Elle était ouverte dans le dos et montrait beaucoup de décolletés, et sa moitié inférieure comportait une fente qui exposait ses cuisses pâles.

C’est génial.

***

Partie 3

Connaissant Sérignan, je devais admettre que le look était un peu trop osé. Pourtant, la manière dont elle la portait lui donnait un air raffiné plutôt que sordide, même si je n’étais pas certaine que cela soit dû aux efforts du designer qui avaient porté leurs fruits, ou bien l’allure naturellement brillante de Sérignan… J’espérais que cela soit la dernière solution. Une fois de plus, j’avais réalisé que Sérignan était vraiment magnifique.

« Ça te va bien, Sérignan. Et si tu l’acceptais ? »

« Ça ne me va pas bien ! J’ai besoin de quelque chose de plus approprié pour un guerrier ! », s’exclama-t-elle.

Mais ça lui allait vraiment bien. Elle dégageait une aura de maturité que je ne pouvais pas rêver de produire moi-même.

« Alors, demandes-en une qui montre moins de peau. Mais ce n’est pas une robe normale, nous essayons de tirer profit de tes talents de séductrice. »

« Argh… Compris… »

Il nous avait fallu environ une heure et demie pour choisir les bonnes robes.

« Alors tu aimes celle-là, Lysa ? »

« Oui ! Je me sens comme une princesse. »

Lysa portait une robe verte sobre. Elle n’exposait pas beaucoup de peau, mais elle était ornée de superbes froufrous, ce qui avait envoyé Lysa sur la lune. Elle aimait se déguiser, comme le faisaient souvent les filles. J’étais heureuse que Lysa puisse saisir l’occasion de s’amuser un peu.

« Et Sérignan, n’est-il pas temps que tu abandonnes ? »

« Je… ne me suis jamais sentie aussi humiliée de ma vie. »

Sérignan avait fini par s’habiller d’une robe rouge un peu moins voyante que celle qu’elle avait portée tout à l’heure. Malgré cela, elle avait encore un décolleté visible et mettait en valeur ses cuisses. Honnêtement, un homme qui ne serait pas tombé amoureux d’elle alors qu’elle portait cette robe n’avait probablement pas du tout le béguin pour les femmes.

« Ça te va bien. Tout le monde à la fête aura les yeux rivés sur toi. Je compterai sur toi pour faire perdre la tête à tous les hommes. »

« Mais une telle mission est… »

Incapable de se résoudre à finir, elle s’en était sortie misérablement.

On aurait pu croire que j’avais fait exprès d’intimider cette pauvre femme, mais la séduction serait vraiment une tâche importante pendant notre opération de renseignement.

« De toute façon, je pense que nous avons tous fini ici. Nous allons prendre congé, si cela ne vous dérange pas. Merci pour toute votre aide ! »

« N’en parlez pas. Je suis honoré d’avoir pu aider une amie du comte. »

Après avoir fait nos adieux, nous avions tous les quatre quitté le magasin. La fête était prévue demain soir, et nous étions prêts. Il ne nous restait plus qu’à espérer que nous trouverions des informations utiles.

☆☆☆**

Nous étions montés dans la voiture que le Seigneur Buffon avait envoyée pour nous prendre et avions fait place à la salle de réception. Il avait eu la gentillesse de venir nous chercher à l’auberge pour que nous ne nous perdions pas accidentellement dans Marine.

En fait, c’était si gentil de sa part que je m’étais demandé quelles étaient ses intentions. Sérignan et Lysa étaient après tout deux dames très charmantes. En tout cas, nous nous étions assis patiemment dans le carrosse qui se dirigeait vers la salle.

« Nous sommes arrivés. »

La salle de réception était une grande structure en pierre calcaire blanche entourée d’un vaste jardin. Elle était construite sur la partie la plus haute de Marine et offrait une vue à la fois sur la ville et sur les navires qui mouillaient dans le port. Un endroit effectivement parfait pour accueillir des invités. Nous étions sortis de la calèche et avions marché jusqu’à l’entrée, où nous avions été accueillis par un majordome.

« Puis-je vérifier vos invitations ? »

« Oui, nous sommes-là. Au fait, je m’appelle Grevillea », avais-je dit en remettant toutes nos invitations.

« Ah, le groupe de Mlle Grevillea. Oui, vos invitations sont en ordre. Entrez, je vous en prie. »

On nous avait fait entrer dans le hall. L’intérieur de la structure était aussi beau que son extérieur. Un grand lustre brillait au plafond, et un tapis rouge était étendu sur le sol. Tout autour de nous se trouvaient des murs et des sculptures en marbre blanc, propres.

« Cet endroit est magnifique. On dirait vraiment un palais pour l’élite. », murmurai-je.

« Je suis d’accord ! C’est la première fois que je vois quelque chose comme ça. J’ai presque cru que c’était un temple ou quelque chose comme ça », dit Lysa tout en hochant la tête.

« Si vous trouvez que notre base est imparfaite, nous pouvons rénover l’endroit en conséquence », suggéra Sérignan.

« Non, ça va. Un lit douillet avec des draps propres est tout ce dont j’ai besoin. »

J’aurais pu demander aux Essaims Travailleurs de rendre notre base beaucoup plus somptueuse, mais leur faire perdre leur temps au nom de ma satisfaction personnelle ne me semblait pas juste. Surtout en ce moment, où ils avaient la lourde tâche de remodeler tout le territoire de Maluk.

Il y avait des mines à forer, des fermes et du bétail à entretenir, et la défense de nos frontières à assurer. Faire sortir les Essaims Travailleurs de ces tâches importantes pour un remodelage esthétique de notre base serait une erreur. Contrairement à cette salle, aucun invité ne viendrait jamais visiter notre base, ce serait donc vraiment pour mon propre plaisir égoïste.

« Quoi qu’il en soit, avançons selon le plan. Lysa, inspecte les lieux. Essaim Masqué, sécurise-nous une sortie. Sérignan, viens avec moi. »

Avec ça, on se sépara. Lysa observa les gardes pendant que l’Essaim Masqué traînait autour de l’entrée arrière. D’autres Essaims Masqués étaient également installés autour du bâtiment. Si la situation s’aggravait, nous pourrions au moins nous échapper d’ici.

« Pardonnez-moi. »

Alors que Sérignan et moi nous préparions à demander des informations, quelqu’un nous avait appelés.

« Je ne vous ai jamais vu. De quelle maison pourriez-vous venir, mesdames ? »

Un bel homme s’était approché de moi. Son regard arrogant m’avait dit qu’il nous considérait comme un couple de petites filles idiotes.

« Mon nom est Grevillea. Je ne viens d’aucune famille en particulier, je suis juste une aventurière. », avais-je répondu.

« Oh, l’aventurière ? J’ai entendu tous les ragots — apparemment, votre groupe est très compétent. Mais je dois avouer que vous n’avez pas l’air d’être à la hauteur. »

Il fit un sourire fin et condescendant.

Sérignan le dévisageait si intensément que j’étais persuadée qu’elle lui couperait la tête si elle avait eu une épée dans les mains.

« Et qui êtes-vous ? », lui demandai-je avec un soupçon d’agacement.

« Ah, mes excuses. Je suis le marquis Léopold de Lorraine, douzième chef de la Maison Lorraine. C’est un plaisir de faire votre connaissance, Mlle Maître Aventurière peu fiable. »

Tout ce que je vois chez ce type m’énerve.

« Je suppose que j’ai l’air peu fiable, mais c’est parce que je suis une commandante, pas une combattante. Celle qui s’occupe de tout sale boulot, c’est cette dame juste là, Sérignan. »

« Ah, une femme qui utilise une épée ! Dans quel monde dans lequel nous vivons ! », s’exclamait Léopold de façon exagérée.

Très bien, tu n’es qu’un connard !

« De toute façon, j’aimerais bien entendre la véritable histoire. J’ai entendu dire que vous payez en fait d’autres aventuriers pour vous attribuer le mérite de leurs réalisations… Ils disent que vous n’êtes rien d’autre que de pitoyables réfugiés de Maluk qui ont acheté les réalisations des autres pour pouvoir participer à ce dîner. La guilde est après tout l’endroit parfait pour un roturier pour élever son statut. », poursuivit Léopold.

« Comment osez-vous ! »

Furieuse, Sérignan s’était mis en tête de faire un pas en avant.

« Sérignan, retiens-toi. Ne te laisse pas prendre par ses provocations. Ce n’est qu’un noble de troisième ordre qui débite des bêtises. », lui avais-je dit.

« Pardon ? ! Est-ce que vous venez de me traiter de noble de troisième ordre ? ! Je vous ferai savoir que j’étais sur le point d’être élu la saison dernière Duc de Schtraut ! »

Cette fois, ce fût Léopold s’était emporté contre moi.

Oups, on dirait que je lui ai un peu trop tapé sur les nerfs…

J’avais l’intention d’ignorer les paroles de cette personne et d’avancer, mais j’avais seulement fini par m’enfoncer plus profondément dans les ennuis.

« Oh, je vois. Donc vous êtes vraiment un gros bonnet, hein ? Mais pour être franche, Seigneur Lorraine, je ne pense pas que votre attitude et votre statut correspondent réellement. Savez-vous que vous avez vraiment besoin de peaufiner votre caractère ? Si vous continuez à agir comme ça, même les roturiers comme moi finiront par vous regarder de haut. », avais-je dit, tout en essayant d’arranger les choses.

Bien sûr, cela n’avait fait qu’ajouter de l’huile sur le feu.

« Je me souviendrai de cette indignité ! Une fois que nous aurons repris Maluk, je veillerai à ce que tous vos territoires soient confisqués ! Et je m’assurerai que tous les réfugiés Maluk comme vous soient rapatriés, même si votre pays est infesté de monstres ! »

« Oh, non. Qu’est-ce que je dois faire ? » répondis-je sèchement.

Naturellement, je ne pouvais pas me soucier de ces menaces.

« Et pour couronner le tout, je vais prendre votre chevalier et le vendre comme esclave ! Regardez ce corps, elle va gagner beaucoup d’argent au bordel. Je m’assurerai de lui rendre visite, vous feriez donc bien de me servir au mieux de vos capacités. »

« Quoi !? »

Maintenant, j’étais en ébullition.

« Si vous voulez insulter Sérignan, vous feriez mieux de croiser le fer avec elle d’abord. Non pas que j’attende beaucoup de vous. Vos bras maigres se casseront probablement comme des brindilles si vous essayez. »

« Vous osez m’insulter encore plus ? ! Elle peut essayer de brandir une épée si elle veut, mais je ne me laisserais jamais battre par une femme ! Je suis… »

« Assez. »

En un instant, le bras droit de Sérignan avait pris Léopold par le cou.

« Puis-je le casser, mademoiselle ? »

« Ne va pas si loin. Je crois qu’il a compris la leçon. »

Saisi par les organes vitaux avec une rapidité presque invisible à l’œil nu, Léopold s’accrocha en tremblant de terreur.

« Léopold ! Qu’est-ce que tu fais !? »

La voix et le son de pas rapide d’un jeune homme nous étaient parvenus à nos oreilles.

« Ces femmes grossières me narguent, essayant de se battre ! Que quelqu’un jette ces pauvres gens hors de la fête ! » se lamentait le noble à la tête saisi.

« Calme-toi, Léopold. C’est toi qui as commencé cette bagarre, non ? Je ne peux pas imaginer ces deux belles dames te contrarier sans raison. »

L’homme qui était venu pour calmer Léopold lui ressemblait beaucoup.

« Vous avez raison, c’est lui qui a commencé. Nous ne lui avons répondu qu’en réponse. », avais-je dit avec indignation.

« Je vois. »

L’homme baissa la tête.

***

Partie 4

« Permettez-moi de me présenter. Je suis Roland de Lorraine, le frère cadet de Léopold. C’est un plaisir, mademoiselle. »

Huh. Donc ce n’est pas un fanatique comme son frère.

« Je m’appelle Grevillea, et voici Sérignan. Ravi de vous rencontrer. »

Lui rendre ces bonnes manières n’était que justice.

« Viens maintenant, allons-y, Léopold. Nous ne voulons plus de disputes, compris ? »

Roland avait emmené son frère.

« Bon sang. Je n’oublierai pas ça ! »

Leopold s’était mis à sa poursuite, laissant cette remarque clichée comme signe d’adieu.

« Vous auriez dû me permettre d’abattre cet homme, mademoiselle. Avec la façon dont il vous a traitée, même la mort est un destin trop doux pour lui. »

« Eh, tout est bien qui finit bien. Ce gentil garçon a tout arrangé pour nous. Je ne vais pas lui en tenir rancune. », dis-je en haussant les épaules.

« Vous êtes trop gentille, mademoiselle. Être impitoyable est parfois nécessaire. »

« Faire un carnage ici gâcherait tout. Tu le sais bien, Sérignan. »

« Euh, oui. Je vous présente mes excuses. »

D’ailleurs, j’ai été assez impitoyable au moment où j’ai enterré le royaume de Maluk.

« Tout le monde, puis-je avoir votre attention s’il vous plaît ? »

Le bruit de quelqu’un — apparemment le maître de cérémonie — tapant sur leur verre était apparu.

« Sa Grâce, le treizième Duc de Schtraut, César de Sharon, est sur le point de faire son apparition ! »

Avec cette introduction, un jeune homme était monté sur scène.

« Merci à tous de m’avoir invité à cette belle fête. Je suis heureux de vous dire que cette soirée est très agréable. C’est toujours un honneur de trouver le temps et l’endroit pour parler à des personnes de bon goût et de bonne éducation comme vous. Cette fête est une autre grande chance de développer le duché. »

En écoutant le discours du duc, j’avais regardé autour de la salle. Léopold regardait César avec haine.

« Après la chute de notre voisin, le royaume de Maluk, nous ne pouvons que prier pour surmonter les temps difficiles qui nous attendent. Et bien sûr, nous devons louer le nom de notre grande nation. Que tous saluent le duché de Schtraut ! »

« Saluez tous le duché de Schtraut ! » s’écria le public, suivant son exemple.

« Votre Majesté, est-ce l’homme que nous recherchons ? »

« C’est bien cela. J’espère que nous pourrons le rencontrer pacifiquement. »

Je n’étais pas venue ici pour m’occuper des petites frappes comme Léopold, mais de gens qui avaient de l’autorité, comme César de Sharon.

« Mais il semble que l’approcher sera difficile… »

César était entouré d’invités, on ne pouvait donc pas vraiment l’approcher.

« Très bien. Sérignan, c’est à toi. »

« Moi ? »

Sérignan me regarda avec une expression déconcertée.

« Écoute-moi, Sérignan. Je sais que c’est un peu difficile, mais essaye de mettre de côté ton comportement chevaleresque pour l’instant. Tu vas devoir mener cette bataille en utilisant des armes que je n’ai pas. Et c’est très important. »

« Compris, Mademoiselle. Mais, euh, que pourrais-je avoir que vous n’avez pas ? Comment vais-je mener cette bataille ? »

Apparemment, elle n’avait pas encore compris.

« Utilise ton corps, Sérignan. Je suis désolée de devoir te demander de faire ça, mais je t’en prie. »

Avec un soupir, je l’avais poussée en avant.

☆☆☆**

« Votre Grâce, notre pays est vraiment dans une situation désespérée. »

« Des monstres à l’ouest, l’empire Nyrnal au sud… Nous sommes entre le marteau et l’enclume, comme ils disent. »

Le duc fit un vague signe de tête aux paroles des invités. Il était difficile de dire s’il était vraiment intéressé par ce que les gens avaient à dire. Il écoutait certainement attentivement chacun d’entre eux, mais on ne savait pas s’il était réellement engagé dans la conversation.

Peut-être ne faisait-il qu’exercer le don naturel d’un homme politique de paraître absorbé, quel que soit son interlocuteur. Pour faire de la politique, il faut parfois jongler avec son attention dans ce genre de situation.

« Votre Grâce… »

Celui-ci se tourna vers le propriétaire de la voix, c’est-à-dire Sérignan. Sa robe était aussi ouverte et effrontée que possible, et elle s’approchait de lui avec un visage rouge. Le duc et son entourage la regardèrent avec surprise avant de détourner rapidement leur regard de son décolleté.

« Euh, qui pourriez-vous être ? Nous sommes-nous déjà rencontrés ? » demanda César, son visage devenant rouge.

« Nous ne nous sommes pas rencontrés, Votre Grâce. Mais ma dame aimerait beaucoup vous parler. »

Sérignan me montra du doigt.

« Ahh, je vois. Alors, laissez-moi vous accorder un peu de temps… Mesdames et messieurs, si vous voulez bien m’excuser. »

Comme César était un homme, il était logique qu’il se laisse séduire par les ruses de Sérignan. Cela dit, je pensais qu’un homme politique serait un peu plus prudent. Il était peut-être plus vulgaire que je ne le pensais.

Mais si c’était vraiment un mufle, cela me conviendrait. En fait, cela jouerait en ma faveur. J’avais besoin qu’il soit un peu stupide, sinon il n’oserait pas s’asseoir pour négocier avec des monstres.

Attiré par Sérignan, César s’était approché de moi. Je lui avais fait le plus beau sourire que je pouvais et je l’avais salué.

« C’est un plaisir de vous rencontrer, Votre Grâce. Je suis Grevillea, une aventurière. »

« Oh, c’est de vous que les gens ont parlé. J’ai entendu dire que vous avez tué un griffon lors de votre premier jour dans la guilde, puis que vous avez exterminé une manticore. Les gens dans la rue vous ont surnommée “la reine” ou quelque chose de ce genre. Le duché subit de nombreuses pertes à cause des attaques de monstres, donc toute aide que vous pouvez apporter est la bienvenue. »

« Mais en plus d’être une aventurière, j’ai un autre rôle. Un rôle certainement pertinent pour vos intérêts. »

« Pertinent pour mes intérêts… ? » répéta César, me regardant avec suspicion.

« Je suis en fait la reine de l’Arachnée. C’est-à-dire que je dirige la légion de monstres qui a détruit le royaume de Maluk. »

« Quoi !? »

Ses yeux s’élargirent d’incrédulité.

La réaction du duc était exactement ce à quoi je m’attendais. Il ne pouvait pas imaginer que la fille qui fréquentait les pubs et qui était appelée « reine » par les membres de la guilde était vraiment comme ça. Si quelqu’un avait supposé que c’était vrai, il aurait bien sûr fallu qu’il soit fou ou médium. Cela ressemblerait à quelqu’un qui aurait gagné le titre de « roi » dans un concours de cuisine et qui se serait révélé être un véritable membre de la royauté.

Et pourtant, nous étions là. La froide et dure réalité était suspendue entre nous. Son choc était compréhensible.

« Pouvez-vous le prouver ? »

« Je pourrais faire venir dans cette pièce certains des monstres qui ont détruit Maluk — l’Essaim — si vous voulez. »

J’avais fait un sourire méchant au duc.

« Mais je suppose que vous me croirez sur parole même si je ne fais rien d’aussi extrême. »

« Discutons de tout cela dans une pièce séparée », dit César.

Il nous avait conduits, Sérignan et moi, dans une autre partie de la salle de réception.

« Vous aviez raison, c’est tout à fait pertinent pour mes intérêts. »

☆☆☆**

« Très bien,… reine de l’Arachnée. Si je peux me permettre, permettez-moi de commencer par cette question : quelle était votre raison pour avoir détruit le royaume de Maluk ? »

César avait chassé tous les autres de la salle, ne laissant que nous trois.

« Oh, c’est simple. Le châtiment et l’instinct. J’avais quelques amis elfes qui ont été tués inutilement par les chevaliers de Maluk, je l’ai donc fait en partie pour venger mes amis. Quant à l’autre raison… Je dois vous informer que l’Arachnée est une race barbare. Nos instincts nous poussent à nous développer. L’Essaim est une belle collection de monstres qui se reproduisent, se dévorent et se développent sans fin. », avais-je dit avec légèreté.

« Je peux comprendre un désir de vengeance, mais l’instinct… Votre instinct vous pousse à envahir d’autres pays ? »

« C’est exact. Nous attaquons, nous nous nourrissons, nous détruisons et nous pillons. Ce sont les instincts de l’Essaim qui guident l’Arachnée. En tant que reine, je peux, dans une certaine mesure, supprimer la marée sans pitié grâce à mon sens de la raison. Mais si je pars, ces chaînes ne retiendront plus l’Essaim, et l’Arachnée deviendra un brasier infernal qui consumera sans discernement tout sur son passage. »

L’Essaim désirait naturellement saccager et massacrer pour croître et conquérir. En ce moment, mes caractéristiques humaines de logique et de jugement étaient tout ce qui les empêchait de se précipiter sur le monde entier.

Si quelque chose devait m’arriver, cette force de dissuasion disparaîtrait. J’avais expliqué cela à César, en précisant que me tuer n’était pas un moyen de s’en sortir.

« Et ? Êtes-vous venue ici pour détruire le duché ? »

« Cela dépend du déroulement de nos négociations ici, Duc Sharon. Je ne cherche pas à faire couler le sang inutilement. Je suis moi aussi humaine. Tout comme vous. »

Je l’avais dit alors que je savais très bien comment j’avais tué un nombre incalculable de mes semblables. Je leur avais refusé même les derniers vestiges de leur honneur en les réduisant en boulettes de viande. Une partie de moi se demandait même si j’avais le droit de prononcer ces mots.

Je suis une charlatan tellement hypocrite. Je me dis humaine maintenant, après tout ce qui s’est passé ?

« Alors que demanderiez-vous à mon pays ? »

« Je veux que vous me fournissiez un moyen d’envahir le Royaume Papal de Frantz. Nous avons l’intention d’attaquer le Royaume Papal, et passer par ce pays serait le moyen le plus rapide d’y arriver. »

Le Royaume Papal de Frantz était le siège de l’Église de la Sainte Lumière, une foi monothéiste exclusive. Il ne faisait aucun doute que nous devions les combattre, ce qui signifiait que nous devions être préparés à la guerre. À cet égard, il était nécessaire pour nous d’avoir sous notre contrôle le duché de Schtraut, une région topographiquement importante.

Cependant, un certain dirigeant avait dit un jour : « Mon pays est une nation, pas une route. » (NdT il peut s’agir du Roi de Belgique Albert 1, même si la réponse était Ma Belgique est une nation, pas une route)

« Le Royaume Papal fait en fait pression sur nous avec la même exigence. Ils veulent que nous autorisions leurs militaires à traverser nos terres pour libérer le royaume de Maluk. Nous n’avons pas encore répondu, mais nous devrons éventuellement leur donner une réponse. »

Le Royaume Papal a donc eu la même idée…

« Alors je suppose que vous devrez décider avec qui vous allier. Je dois vous avertir que si vous vous retournez contre nous, votre pays subira le même sort que le Royaume de Maluk. », lui avais-je dit en faisant un mince sourire.

« Vous nous mettez dans une position plutôt difficile, madame. Si nous nous retournons contre le Royaume Papal, ce sera un coup dur en soi. Leur armée ne doit pas être négligée. »

« On dirait un vrai dilemme. Je compatis, mais vous devrez quand même d’une manière ou d’une autre prendre une décision. Mettez-vous de notre côté, ou de celui du Royaume Papal de Frantz. Et si vous choisissez de vous abstenir, eh bien… vous serez probablement attaqué par nous deux. »

Je me sentais un peu mal pour César. Il était pressé d’un côté par l’armée de monstres qui avait détruit Maluk et de l’autre par son voisin de fanatiques religieux. Avoir à choisir l’un plutôt que l’autre avait dû être difficile.

Pourtant, j’avais besoin qu’il fasse ce choix. S’il ne le faisait pas, il serait attaqué par les deux armées, et Schtraut serait réduit à de la terre brûlée. Ce n’était pas non plus ce que je voulais. Je m’étais un peu attachée à ce pays, alors je ne voulais pas le voir détruit.

***

Partie 5

« De plus, l’Empire de Nyrnal nous souffle dans le cou. Ils exigent que nous gardions des troupes à l’intérieur de nos frontières. Leur mode opératoire quand ils prirent le contrôle des pays du sud était de facto une occupation militaire… Ils disent que si nous refusons, cela reviendra à ignorer le fait que des monstres ont détruit Maluk. »

Oh mon Dieu. L’intrigue s’épaissit.

L’Empire de Nyrnal essayait de profiter du fait que j’avais plongé le champ politique dans le chaos. J’avais entendu dire que Nyrnals était un tyran qui avait dévoré les pays du Sud, mais il semblerait qu’ils aimaient bien faire des coups bas.

Bon je suis peut-être mal placée pour parler de coups bas.

« L’Empire vous a-t-il donné un délai ? »

« Oui. Ils attendent notre réponse au jour du Conseil international. »

Il avait l’air amer.

« Oh ? Vous en avez un ? »

« Oui. Nous ne nous sommes pas réunis depuis dix ans, mais le Conseil s’occupe des problèmes concernant le continent dans son ensemble. Notre pays en fait bien sûr partie. Les décisions du Conseil ont beaucoup d’impact et d’influence sur les nations. »

Le Conseil international, hein ? Connaître leur verdict pourrait être bénéfique.

« Alors je vais devoir aussi ajouter une limite de temps pour ma demande. J’attendrai la conclusion du Conseil international. Faites votre choix après cela. Laisserez-vous les soldats de l’Empire de Nyrnal dans votre pays, laisserez-vous le Royaume Papal traverser votre terre, ou nous accorderez-vous le passage ? »

« Si je vous laisse passer, l’Empire de Nyrnal et le Royaume Papal se retourneront probablement tous les deux contre moi en même temps. Quelle aide pourrez-vous nous apporter ? Nous apporteriez-vous une aide militaire si nous étions encerclés par vos voisins ? »

« Nous vous apporterons notre soutien, oui. Notre armée était assez forte pour détruire le royaume de Maluk, nous sommes tout à fait capables de vous défendre même si Frantz et Nyrnal vous attaquaient des deux côtés. Eh bien, si vous vous alliez plutôt avec l’un des autres pays, cela ne changera pas le résultat final. De toute façon, vous serez témoins de notre capacité à piétiner quiconque se trouve sur notre chemin. »

Je prenais un air confiant, mais honnêtement, je ne savais pas si je pouvais me permettre d’envoyer suffisamment de forces pour défendre le duché. Si Frantz et Nyrnal se retournaient contre nous en même temps, nous aurions besoin d’encore plus de puissance militaire qu’auparavant. Ce serait différent de ce qui s’était passé lorsque nous avions vaincu le Royaume de Maluk… et l’Empire de Nyrnal, qui avait pris le contrôle des pays du sud, était particulièrement intimidant.

L’Arachnée avait-elle assez de puissance pour repousser deux pays à la fois ? Je ne le savais pas encore. Mais il fallait que je dise ces mots si je voulais convaincre César. Ce n’était pas quelqu’un avec qui je devais être complètement honnête, et il n’était pas non plus absolument nécessaire qu’il s’allie avec nous.

« Je veux vous croire, mais nous avons d’autres problèmes à régler en dehors des problèmes diplomatiques. Il y a une faction ici qui soutient le fait de laisser le Royaume Papal traverser nos terres pour enquêter sur Maluk. J’ai travaillé dur pour m’y opposer. »

« Hmm. Vous essayez d’empêcher une guerre à tout prix, n’est-ce pas ? »

« Les guerres ne rapportent pas beaucoup d’argent. Faire la guerre n’est pas le travail d’un marchand. »

C’est le genre de réponse que l’on s’attend à entendre de la part d’un pays commerçant.

La guerre n’était pas bonne pour faire de l’argent, c’est vrai. À moins, bien sûr, que l’idée que l’on se fait de l’économie n’implique de massacrer d’autres personnes, de dévorer leur chair et de leur prendre tout ce qu’elles ont.

« Par curiosité, qui est derrière cette faction ? »

« La Maison Lorraine a des liens avec le Royaume Papal de Frantz. Ce sont les représentants du Populat, pour ainsi dire, ils ne viennent pas de Schtraut, mais plutôt de Frantz. »

Oh, Lorraine. Cette maison noble de troisième ordre qui s’est battue avec nous.

« Y a-t-il un moyen politique pour avoir le champ libre ? »

« C’est techniquement impossible. Tous les ducs dans l’histoire de Schtraut ont été dans une certaine mesure soumis aux décisions d’autres factions. »

Apparemment, le chef de l’État n’avait pas vraiment beaucoup de pouvoir. Quel dommage !

« Quel est, selon vous, le choix idéal pour votre pays ? »

« Eh bien, évidemment, je ne veux pas me battre contre ceux qui ont détruit Maluk. Et pour couronner le tout, Nyrnal et Frantz ne nous ont offert aucune protection. Le Royaume Papal cherche seulement à faire passer son armée, tandis que Nyrnal complote pour nous occuper pendant la tourmente. Dans cette optique, faire équipe avec votre camp semble être la bonne ligne de conduite. »

Bien. Donc César est au moins de notre côté.

« Serait-il également possible pour nous d’assister au Conseil international ? » avais-je demandé, sachant très bien que c’était probablement absurde.

« Vous, assister au Conseil… ? En tant que représentante de l’Arachnée ? Je pense que ce serait beaucoup trop difficile. »

« Et si j’y assistais en tant que représentante du Royaume de Maluk ? »

« Il faudrait que vous soyez du Royaume de Maluk pour ça. »

« Je peux m’occuper de cette partie. La question est de savoir si un pays soi-disant en ruine peut participer. »

« Je vais voir si je peux arranger ça. J’envisagerai une compensation plus tard. »

J’espère que la compensation qu’il demande n’est pas extrême.

« Quoi qu’il en soit, réfléchissons tous les deux à cette situation pour l’instant et tirons nos propres conclusions. C’est tout ce que je peux dire pour l’instant », déclara le duc.

Cela mit donc fin à notre conversation.

 

+++

« Votre Majesté, est-ce acceptable ? Nous pourrions simplement faire entrer nos forces dans ce pays sans aucune négociation », déclara Sérignan, qui semble insatisfaite.

« Si nous pouvons résoudre un problème par la voie diplomatique, alors c’est acceptable. Si nous utilisions la violence pour briser toutes nos luttes, nous finirions par oublier comment utiliser notre tête. De plus, s’ils finissent par détruire les ponts et les routes, nous perdrons notre chemin de passage trop facilement. Occuper ce pays sans effusion de sang serait le mieux. Le pire scénario possible est que le duché finisse par devenir le centre d’une guerre entre Frantz et Nyrnal. », avais-je répondu en me levant de mon siège.

J’avais vraiment développé un certain attachement à ce pays, et je ne voulais pas le voir ruiné dans une guerre… même si j’étais prête à tout laisser partir en flammes si c’était vraiment nécessaire.

Sérignan et moi étions donc retournées à la soirée qui s’était terminée sans que nous ayons appris quoi que ce soit d’autre de remarquable.

Le duché de Schtraut était dans une situation très difficile. Où le destin le mènerait-il… ?

***

Chapitre 4 : Conseil international

Partie 1

Un mois après la rencontre entre Grevillea et César de Sharon, le Conseil international s’était tenu dans la capitale de Frantz, Saania. Le sort du continent sera décidé au cours de cette importante réunion.

Les ambassadeurs de chaque pays s’étaient réunis dans la salle de réunion de Saania. L’ambassadeur de l’empire Nyrnal se distinguait des autres, mais tout le monde était bien habillé et la salle bourdonnait d’activité.

«Nous allons maintenant présenter les représentants de chaque pays.»

Après que le pape de Frantz, Benoît III, eut terminé son discours d’ouverture, le maître de cérémonie du concile se leva et commença à lire les noms des participants. Ils avaient été appelés un par un. Le représentant du Royaume Papal de Frantz, le représentant du Duché de Schtraut, le représentant de l’Empire de Nyrnal, et ainsi de suite, jusqu’à ce que finalement…

«Du royaume de Maluk, nous avons… Son Altesse, la princesse Elizabeta.»

«Le royaume de Maluk? Est-ce une blague?», murmura quelqu’un.

«D’après ce que j’entends, il a été détruit», murmura un autre.

Les participants s’étaient immédiatement méfiés.

«Une bonne journée à vous, messieurs. Je suis la deuxième princesse du royaume de Maluk, Elizabeta», dit-elle en se levant.

C’était bien Elizabeta. Ce que le Conseil ne savait pas, c’est qu’elle était contrôlée par un Essaim Parasite.

«C’est sans aucun doute la princesse Elizabeta en chair et en os. Je ne peux pas croire qu’elle ait survécu…»

«Mais où était-elle tout ce temps?»

Les personnes présentes avaient confirmé que c’était elle, mais elles avaient encore des doutes.

«Le duché de Schtraut peut garantir qu’elle a été sous notre protection. Nous l’avons sauvée et avons confirmé son bien-être et son identité. Je jure sur le nom du duché qu’il s’agit bien de la princesse Elizabeta, et non d’un imposteur portant son nom.», déclara l’ambassadeur de Schtraut.

«Nous n’avons rien suspecté de tel, mais…»

Les autres conseillers échangèrent des regards d’incrédulité. La princesse Elizabeta était sans aucun doute assise devant eux. Elle était vêtue d’une robe magnifique, et ses gestes — quoiqu’un peu raide — lui conféraient une dignité de princesse.

Mais comment la princesse aurait-elle pu fuir si son pays avait été détruit? La royauté avait-elle abandonné son peuple, le laissant mourir?

«Je comprends votre appréhension, messieurs, mais la princesse Elizabeta était dans les territoires de Maluk jusqu’à tout récemment. Je vous assure qu’elle n’a pas fui vers le duché pour se sauver pendant le conflit. Au contraire, elle s’est battue en mettant sa vie en jeu dans sa patrie infestée de monstres tout ce temps.»

«C’est ce que vous dites, mais y a-t-il une preuve de cela?», demanda le maître de cérémonie.

«Nous n’avons que notre témoignage.»

Les autres ambassadeurs eurent du mal à le croire, tous leurs regards s’étaient fixés sur Elizabeta.

«Ahem.»

Le présentateur s’éclaircit la gorge.

«Le sujet du moment est comment exterminer les monstres qui occupent le Royaume. Nous croyons que notre voisin et non moins ami, le Royaume de Maluk, doit être libéré.»

«Le Royaume Papal de Frantz cherche à former une armée unifiée et alliée. Cela nécessiterait que les nations du continent se donnent la main et forment une alliance. Nous devons nous unir. L’ennemi est une horde de monstres qui a rasé le royaume de Maluk en quelques mois seulement.», déclara le représentant du Royaume Papal.

Il scruta le conseil, rencontrant les yeux de chacun dans la salle.

«Ils sont plus redoutables que n’importe quelle bête. Nous devons renforcer nos résolutions et riposter. Telle est la volonté du Dieu de la Lumière.»

«Notre nation ne s’oppose pas à cette proposition. Mais qui supportera le lourd fardeau des dépenses de guerre?», répondit l’ambassadeur de Nyrnal.

«Naturellement, chaque pays devrait financer sa propre part de l’effort de guerre. Cette opération ne sera possible que si nous unissons nos forces. Il ne devrait y avoir aucune question sur qui devrait assumer quel fardeau.», rétorqua l’ambassadeur du Royaume Papal.

«Épargnez-moi vos discours sur l’alliance. Cela obligerait l’Empire de Nyrnal à consacrer de nombreux hommes et ressources, alors que les autres pays n’enverraient que peu de troupes. Ce n’est pas un effort égal. Si nous unissons vraiment nos forces ici, toutes les nations devraient faire de même.», se moqua l’ambassadeur de Nyrnal.

«Alors que proposez-vous?»

«Eh bien, nous devrions tous déployer le même nombre de troupes. Sinon, tout pays qui ne peut pas envoyer autant d’hommes devra alors compenser avec des fonds adéquats. Bien sûr, nous pouvons prêter des soldats à tout pays qui ne peut pas se permettre ces dépenses. Nous sommes prêts à accorder tout notre soutien à n’importe quel pays du continent… même le plus pauvre des pays.»

L’ambassadeur de Nyrnal regarda autour de lui toutes les personnes présentes. Le seul pays capable d’envoyer une force qui pourrait égaler celle de l’Empire était le Royaume Papal de Frantz, et aucun des plus petits pays ne pouvait se permettre les fonds de guerre.

Cela dit, recevoir un prêt de Nyrnal maintenant ferait de tout pays qui l’accepterait l’esclave financier de l’Empire. La nation emprunteuse serait conquise financièrement et politiquement. Après tout, l’Empire de Nyrnal avait consolidé les pays du Sud sous son règne avec bien plus de mots que d’armes.

Il était clair que l’Empire ne se souciait pas du royaume de Maluk et qu’il espérait seulement conquérir les quelques pays libres qui restaient dans le sud, d’où le mépris de tous les autres.

«C’est de l’oppression! Nous refusons de faire partie d’une alliance avec l’Empire.»

«Notre pays est également opposé à une telle alliance.»

Le but de la réunion du Conseil était de trouver un moyen de gérer la monstrueuse menace qui mettait le continent en danger, mais maintenant la plus grande menace semblait être devenue l’Empire de Nyrnal.

«Messieurs, messieurs s’il vous plaît, calmez-vous. Rappelez-vous, la proposition de l’Empire de Nyrnal n’a pas été acceptée. Si nous choisissons de la rejeter, elle ne sera pas pertinente.», déclara l’ambassadeur de Frantz.

«Dans ce cas, l’Empire ne participera pas à l’alliance. Nous nous réjouirons de vous voir vous débattre sans notre soutien», dit le représentant de Nyrnal en reniflant.

«L’Empire est trop autoritaire. Il y a une grande menace commune devant nous, et nous devons nous unir pour la vaincre», déclara l’envoyé d’un petit pays.

«Qui a prétendu que cette menace nous affecte tous de la même façon? Le Duc? Le Pape? Notre pays ne reconnaît pas ces soi-disant monstres comme une menace. Nous sommes prêts à les combattre par nous-mêmes, si nécessaire. Avec les bons préparatifs, nous libérerons le Royaume sans avoir besoin d’alliés.»

«Des préparatifs?», demanda quelqu’un.

«C’est-à-dire, le duché de Schtraut doit nous permettre de mettre notre armée en garnison dans leur pays. Actuellement, la rivière Themel et la forêt des elfes font obstacle à notre marche. Dans ce cas, si le duché de Schtraut acceptait, nous pourrions rapidement traverser sa frontière avec le royaume et commencer les opérations militaires de l’intérieur.»

Il est vrai que le chemin de l’Empire vers le Royaume était fermé par la rivière Themel et la forêt des elfes. S’ils devaient envahir Maluk, ils devraient passer par le duché.

«Que pense le duché de cette proposition?», demanda l’ambassadeur de Nyrnal tout en caressant sa barbe.

«Notre pays n’est pas prêt à accepter d’être occupé par les militaires de Nyrnal. Le duché devra faire de nombreux préparatifs si vous deviez mettre des troupes en garnison sur nos terres. Au-delà de cela, nous n’avons jamais accueilli une force aussi importante auparavant.», répondit l’ambassadeur de Schtraut, en secouant la tête.

«Moi aussi, je suis contre», ajouta Elizabeta.

«Mon… Quel argument pourrait pousser la princesse d’un pays en ruine s’y opposer?»

«L’Empire de Nyrnal a l’intention d’envahir mon pays sous prétexte de le libérer», dit Elizabeta sans ambages, les yeux vides d’émotion.

«L’Empire s’intéresse à notre terre depuis un certain temps déjà. Si votre pays est autorisé à passer librement, je ne doute pas que vous tenterez de dévorer avidement nos territoires. Je ne peux donc absolument pas y consentir.»

«Insinuez-vous que mon pays essaie de tirer profit de cette crise?», demanda l’ambassadeur de Nyrnal, son irritation étant évidente.

«Précisément. Vous avez l’intention d’utiliser la libération de mon pays comme un tremplin pour le conquérir. Ne pouvons-nous pas établir des similitudes entre cette “proposition” et la façon dont vous avez conquis les pays du Sud? Nous ne sommes pas fous au point de nous fier à vos paroles.»

«C’est inacceptable! Nous sommes venus ici par sens du devoir pour sauver le royaume de Maluk de sa détresse, et vous choisissez de nous calomnier en tant qu’envahisseurs! Même si vous formez une alliance, nous refusons d’y prendre part!»

«Nous sommes tous bien conscients que le Royaume est en crise et qu’il doit être sauvé. Ces monstres ont écrasé Maluk et pourraient ensuite marcher sur n’importe lequel de nos propres pays. Nous sommes tous aussi vulnérables.», interféra l’ambassadeur de Frantz tout en se tournant vers Elizabeta.

«Je suis opposée à la participation de l’Empire de Nyrnal à la guerre», déclara la princesse avec fermeté.

«Mais sans leur force, nous…»

«Maluk a un mouvement de résistance comptant vingt mille hommes. Si ce mouvement pouvait se lever pour agir, nous serions en mesure de libérer le Royaume sans aide. Pour ceux d’entre vous qui craignent que les monstres ne vous attaquent ensuite, je vous suggère de renforcer vos défenses.», avait déclaré Elizabeta avant de pouvoir lui laisser le temps de terminer.

Le ton toujours plat et robotique d’Elizabeta et son expression neutre rendaient sa déclaration plutôt inquiétante à observer.

***

Partie 2

« Il semble que les restes de Maluk ne veulent ni notre aide ni celle de l’alliance », murmura l’ambassadeur de Nyrnal, l’air un peu déconcerté.

« Êtes-vous sûre de cela, votre Altesse ? », demanda l’ambassadeur de Frantz.

« J’en suis sûre. »

« Mais les monstres sont toujours en liberté. S’ils envahissent un autre pays, ce sera une catastrophe », déclara un autre membre du Conseil d’une voix tremblante.

« Que sont ces monstres ? », s’était interrogé un autre.

« Selon les rapports de la Guilde des Aventuriers, ces monstres n’ont jamais été vus auparavant sur le continent. Ils ressemblent beaucoup à des insectes, mais ils sont aussi grands qu’un être humain. Ces bêtes ont été vues se nourrissant de cadavres humains, nous pouvons donc conclure qu’elles sont aussi des mangeurs d’hommes. Veuillez regarder ceci comme étant une approximation de leur apparence générale. », déclara le maître de cérémonie.

Il se dirigea vers une grande planche sur laquelle était gravé le croquis d’un monstre dessiné par l’un des aventuriers envoyés en éclaireur à Maluk.

C’était le dessin d’un Essaim Éventreur. Il avait des faux géants, des crocs aiguisés, un dard venimeux et des membres élancés. Les ambassadeurs avalèrent nerveusement, gênés par la vue.

Aucun d’entre eux n’avait jamais rien vu de semblable à ces créatures auparavant. Même les aventuriers les avaient probablement croisés pour la première fois. Personne ne savait quelles armes étaient efficaces contre eux ni comment les monstres se comportaient, et encore moins comment aborder les questions de leur progression ou de leur défaite. Au lieu de cela, les hommes dans la pièce ne pouvaient que gémir devant ce grotesque croquis, tout en se creusant la tête pour trouver une solution. Dans le pire des cas, ces créatures pourraient être les prochaines à marcher sur leurs propres terres.

« Combien de ces monstres y a-t-il ? », demanda quelqu’un après un certain temps.

« Selon l’enquête de la guilde, il y en a plus de deux cent mille. Ils semblent se présenter sous différentes formes et variétés, mais ce sont nos meilleures estimations de leur nombre global, » répondit le maître de cérémonie.

« Deux cent mille ? Incroyable… Quel cauchemar ! »

« Où diable se sont-ils cachés pendant tout ce temps ? Avec un tel nombre, il aurait dû y avoir plus de témoignages. »

L’immense nombre laissa les conseillers municipaux stupéfaits.

« Où ont-ils été vus à l’origine ? »

« Nous ne le savons pas. Il n’y avait pas de survivants à Maluk… »

Le maître de cérémonie s’arrêta et regarda Elizabeta.

« Peut-être le savez-vous, Votre Altesse ? »

« Princesse Elizabeta, savez-vous d’où venaient les monstres ? »

« Nous ne savons pas non plus. Ils sont apparus soudainement du sud avant de détruire chaque village et ville afin de prendre tout le pays. », dit la princesse.

L’Essaim était en fait apparu de l’est, mais Elizabeta avait dit au Conseil International qu’ils venaient du sud.

« Le sud ? Se pourrait-il que l’Empire de Nyrnal ait produit ces créatures ? »

« C’est extrêmement suspect. L’Empire de Nyrnal a des sorciers habiles… Peut-être leur ont-ils demandé de créer un nouveau type de chimère ! »

Les mots d’Elizabeta avaient exacerbé la discorde et la méfiance entre les ambassadeurs, qui s’étaient immédiatement tournés vers le représentant de l’Empire pour l’interroger.

« C’est absurde ! Vous manquez tous de sens commun. Pensez-vous vraiment que nous allons créer une armée de monstres assez forte pour menacer le continent et ensuite les lâcher sur Maluk sans contrôle ? Souvenez-vous, la grande rivière Themel se trouve entre nous et le Royaume ! », cria-t-il, furieux.

« Vous auriez pu charger les œufs des monstres sur un bateau et les envoyer de l’autre côté. »

« C’est vrai. Et les monstres pourraient aussi être capables de traverser l’eau. »

Les voix qui doutaient de Nyrnal ne s’arrêtaient pas. L’Empire avait été si dominateur qu’il était universellement détesté par les autres nations. Il y avait bien sûr des préjugés sur le comportement des ambassadeurs, mais on ne pouvait nier que l’Empire de Nyrnal ne recevait que ce qu’il méritait.

« Votre Empire a les moyens de produire des wyvernes. Si vous pouvez créer des wyvernes, qui nous dit que vous ne pouvez pas créer d’autres monstres ? »

« C’est vrai. Les wyvernes de l’Empire de Nyrnal sont à tous les coups étranges. Quelle magie utilisent-ils pour créer des créatures qui n’existent pas dans le monde naturel ? »

« S’ils peuvent créer des wyvernes, je suis sûr qu’il est parfaitement possible de créer des monstres comme celui-ci. Tant que l’Empire ne peut pas prouver son innocence, nous ne pouvons pas lui faire confiance et nous ne le ferons pas. Ces monstres sont une menace très réelle pour notre pays. »

Les wyvernes étaient des bêtes volantes que seul l’Empire de Nyrnal pouvait employer. C’est cette menace aérienne qui avait valu à l’Empire de nombreuses victoires au combat. Il existait un certain nombre de théories quant à l’origine de ces créatures. Certains disaient que Nyrnal avait conclu un pacte avec le diable, qui avait produit les wyvernes, tandis que d’autres insistaient sur le fait qu’il s’agissait de chimères que l’Empire avait développées de son propre chef.

Aucune de ces théories n’avait de preuves solides, mais elles étaient plus que suffisantes pour éveiller la peur et la suspicion des autres nations. L’Empire avait foulé aux pieds beaucoup trop de personnes pour gagner la confiance de qui que ce soit.

« Sans déconner !! C’est quoi cette mascarade ? L’Empire refuse de prendre part à cette farce plus longtemps ! »

L’ambassadeur de Nyrnal avait finalement perdu son sang-froid.

« Si vous voulez être capturé et tué par ces monstres, faites-le vous-même ! Nous nous occuperons d’eux nous-mêmes ! Et nous ne participerons pas non plus à votre alliance, bande d’idiots pleins de préjugés ! »

Sur ce, il sortit de la pièce.

L’ambassadeur du Royaume Papal soupira d’un air las.

« Maintenant que tout est réglé… Je propose que nous autres, nous formions une alliance pour combattre cette menace. Qu’en dites-vous ? »

« Je suis d’accord. Et par Dieu, j’en ai assez de l’oppression de l’Empire. »

« Tant que l’Empire ne fait pas partie de cette alliance, nous sommes prêts à la rejoindre. »

Le représentant de Nyrnal étant parti, le reste de la réunion s’était bien passé. Le Conseil international décida que chaque pays de l’alliance enverrait autant de soldats que possible, le Royaume Papal se portant volontaire pour prendre en charge une grande partie des fonds de guerre. Le duché de Schtraut devait autoriser le passage des militaires lorsque cela était possible. Maintenant que l’Empire de Nyrnal était hors jeu, la seule question qui restait était de savoir si le duché autoriserait le passage des forces alliées à travers ses frontières.

« À l’heure actuelle, Schtraut devra refuser tout passage de forces militaires sur notre territoire », déclara l’ambassadeur du duché.

« Alors quand l’autoriserez-vous ? », demanda l’ambassadeur de Frantz.

« Quand la menace sera en vue et que nous jugerons que la crise est inévitable. Notre pays n’est pas seulement une route vers Maluk. »

Laisser une armée étrangère entrer sur son territoire était un risque. On ne savait pas quand l’armée de libération allait devenir traître et envahir le duché. Il fallait qu’ils se méfient.

« Mais si les monstres de Maluk devaient montrer ses crocs vers un autre pays, vous seriez les premiers sur la liste. Avez-vous toujours l’intention d’attendre que la menace fasse surface ? Il se pourrait qu’il soit trop tard. », avait souligné l’ambassadeur de Frantz.

« Nous avons notre propre armée. Si nécessaire, nous pourrions gagner du temps jusqu’à ce que l’aide arrive. »

« Je pense toujours que vous devriez rejoindre l’alliance. Si vous ne le faites pas, le duché pourrait être détruit. Ne pouvez-vous pas revenir sur votre décision ? »

« J’ai bien peur de devoir refuser. Le duché est un pays indépendant qui est parfaitement capable de se défendre. Si les monstres attaquent, nous les repousserons jusqu’à votre arrivée. Ce n’est pas sans raison que nous sommes considérés comme une grande puissance sur ce continent. »

« Ma parole. Ce groupe ne peut tout simplement pas prendre de décisions, n’est-ce pas ? Nous manquons cruellement de coopération. Le continent tout entier est en danger, mais chaque pays est trop préoccupé par sa propre défense. »

« L’empire de Nyrnal s’est retiré, et le duché de Schtraut décline notre offre. À ce rythme, il faudra des siècles avant que le royaume de Maluk ne soit libéré. »

En fin de compte, le résultat du Conseil international était le suivant : toutes les nations du Conseil, à l’exception de l’Empire et du Duché, formèrent une alliance militaire, et cette alliance fournira de l’aide au Duché si le besoin s’en fait sentir. En d’autres termes, très peu de choses avaient été réellement déterminées ou réalisées.

« Êtes-vous sûr que c’était sage ? »

Lorsque l’ambassadeur de Nyrnal quitta la salle de conférence, son assistant n’avait pas pu s’empêcher d’exprimer son inquiétude.

« C’est bon. L’Empereur lui-même l’a ordonné. »

« Sa Majesté Impériale vous a ordonné de quitter le Conseil avant sa conclusion… ? »

« Oui. Il m’a ordonné de manipuler le déroulement de la discussion et rien d’autre. Nous n’avons jamais eu vraiment l’intention de nous joindre à une alliance, j’ai donc dû faire ces demandes absurdes. Si nous voulions vraiment rejoindre l’alliance, nous aurions utilisé des moyens bien plus astucieux. Mais Sa Majesté Impériale ne veut que des résultats directs. »

L’Empire de Nyrnal n’avait donc jamais eu l’intention de se joindre à l’alliance menée par le Royaume Papal — telle était la volonté de Maximillian. Dans ce cas, qu’est-ce que l’Empereur avait l’intention de faire ? S’il ne croyait pas que le Conseil serait efficace, comment entendait-il s’opposer à l’Arachnée ?

« Je dois donner mon rapport à Sa Majesté Impériale. Mais rappelez-vous : il pense toujours à l’avenir, et quoi qu’il arrive, il ne souhaite pas voir le continent envahi par des monstres. », déclara l’ambassadeur.

« Oui, monsieur. Compris. »

« Au nom de l’Empire. Que nous soyons victorieux. »

« Au nom de l’Empire. Que nous soyons victorieux. »

Les deux diplomates de Nyrnal montèrent dans une voiture qui les emmena de Saania à Vejya, la capitale de l’Empire. Pendant ce temps, l’Arachnée se préparait dans l’ombre, et les autres nations du continent commencèrent à travailler ensemble pour manœuvrer contre cet ennemi commun.

N’ayant pris parti ni pour le duché de Frantz ni pour l’empire de Nyrnal, le duché de Schtraut fut immédiatement menacé. Malgré ces circonstances, Schtraut continua à se consacrer tranquillement au commerce. Normalement, le duché aurait pu jouer la carte des sanctions économiques pour forcer les autres pays à céder à ses caprices… mais il avait choisi de ne pas le faire.

Pourquoi le duché était-il si complaisant ? Son dirigeant avait-il un autre objectif à l’esprit ? Maintenant que le Conseil international était arrivé à son terme, ces questions — et d’autres préoccupations — étaient restées très présentes dans l’esprit de ses participants.

Quels seront les prochains mouvements de l’Empire et du Duché, les deux principales puissances du continent ?

***

Chapitre 5 : Ceux qui vont de l’avant

Partie 1

« L’opération a été un succès », avais-je dit avec un sourire.

J’étais de retour à la base de l’Arachnée. Je n’aurais pas pu être plus reconnaissante au Duc Sharon pour m’avoir aidée à faire entrer en douce Elizabeta au Conseil international. En quelques phrases seulement, Elizabeta jeta le Conseil dans la discorde la plus totale. Elle fit en sorte que Nyrnal quitte le Conseil et permit au Duché d’adopter une position vague concernant le passage d’autres pays sur son territoire. Ce fut une parfaite victoire diplomatique pour l’Arachnée.

« Cela s’est-il passé sans problème, Votre Majesté ? », demanda Sérignan, après avoir pris connaissance de mes instructions à Elizabeta par la conscience collective.

« Oui. C’est sûr. Ils sont complètement divisés. Diviser pour mieux conquérir est une stratégie de base, nous ne voulons pas que l’ennemi s’unisse et nous attaque ensemble. Avec nos ennemis séparés, nous pouvons les écraser un par un pendant qu’ils se disputent. »

Diviser et conquérir, c’était la tactique la plus élémentaire. Nous étions effectivement confrontés à toutes les autres nations du continent, mais en nous assurant qu’elles ne coopèrent pas, nous pouvions les éliminer une par une.

Le fait qu’une sorte d’alliance ait été formée était dommage, mais sans l’Empire, tout ce que cela signifiait, c’était que l’armée du Royaume Papale était devenue un peu plus grande. Nous pouvions gérer les petits pays à côté tout en combattant la force principale de Frantz.

Mais je me demandais si nous pouvions réellement vaincre le Royaume Papal de Frantz. Malheureusement, notre ennemi était déjà au courant de l’existence de l’Essaim. Certains des aventuriers de la guilde s’étaient glissés à travers les défenses de l’Essaim, avaient infiltré notre territoire, puis avaient fait un rapport sur les caractéristiques de l’Essaim. Un blitz ne fonctionnerait pas cette fois-ci.

« Eh bien, nous allons leur montrer. Je ne sais pas quelles cartes Frantz a dans sa manche, et nous n’avons aucun moyen de le découvrir… Mais quoi qu’il arrive, nous forcerons nos ennemis à se soumettre. »

J’étais préparée à une guerre contre le Royaume Papal de Frantz. Il se préparait déjà à frapper et déclarerait probablement la guerre, que nous voulions ou non riposter. Prier ne ferait pas disparaître la guerre qui arrivait. La seule façon d’y parvenir était d’écraser les agresseurs et de gagner.

« Pour l’instant, nous devons organiser l’armée que nous allons stationner à Schtraut. Les Essaims Éventreurs ne suffiront pas pour cela. Ils peuvent servir de noyau de l’armée, mais nous aurons besoin d’unités de siège pour percer les fortifications. »

J’avais fait signe à des essaims de travailleurs tout près et je m’étais approchée d’un de nos fours de fertilisation massive. Fidèle à son nom, il était gigantesque. C’était cinq fois plus grand qu’un four à fertilisation ordinaire. Il allait sans dire que les unités qu’il produisait étaient énormes. Jusqu’à présent, je produisais des unités qui entraient dans la catégorie des « petits », comme les essaims d’Éventreurs et Fouilleurs, mais j’étais maintenant sur le point de créer des unités beaucoup plus grandes.

Dans le jeu, la faction barbare de la Flamme utilisait d’énormes unités comme les Géants des forêts et les Trolls. La faction draconienne Grégoire dominait l’opposition avec des bêtes mythiques comme les Léviathans et les Béhémoths. La pieuse faction Marianne faisait naître des Anges et des Chérubins. C’était toutes de grandes et puissantes unités dont les coûts de production étaient très élevés.

Une ruée avec des Éventreurs n’était viable qu’au début du jeu. S’appuyer trop longtemps sur les Essaims Éventreurs pouvait entraîner une défaite inattendue. L’ennemi pouvait facilement les anéantir avec du matériel lourd et une puissance de feu intense. Afin d’éviter cela, j’avais décidé de produire de nouvelles unités pour gagner les batailles à venir.

« Très bien, commençons. »

Mais je ne m’attendais pas à ce qu’elles arrivent à temps pour une guerre dans Schtraut. Les batailles autour du Duché seraient rapidement décidées. Qu’importe celui qui allait attaquer, le Royaume Papal où l’Empire, la bataille pour Schtraut ne durerait pas longtemps. Le duché lui-même était large, mais pas très long, de sorte que les deux nations ennemies l’auraient réprimé en quelques jours.

Même si l’Arachnée se joignait à eux d’un côté, la nation attaquante serait capable de conquérir rapidement la capitale du duché si les choses jouaient en sa faveur. Et si cela se produisait, il ne s’agirait plus d’une bataille pour le duché, mais d’un conflit à trois sur ce qui avait été autrefois la terre de Schtraut. En résumé, bien que cela puisse devenir une longue guerre, la domination réelle de Schtraut prendrait fin trop rapidement.

Ainsi, même si je devais produire des unités lentes et lourdes ayant une attaque et une défense élevées, elles ne seraient pas prêtes à temps.

« Je suppose que c’est très bien », me dis-je à voix haute en regardant le four à fertilisation massive trembler.

« Les unités lourdes ont toujours une grande valeur. Je suis sûre que nous pouvons utiliser ce cuirassé terrestre lors de la prochaine bataille. »

 

☆☆☆

« Le Duc Sharon n’autorise pas le passage de l’alliance ? »

La question trouva un écho dans le domaine de la famille Lorraine.

« Oui, apparemment. Même si l’homme de Nyrnal est sorti du Conseil international, l’ambassadeur du duché s’est vanté que ce pays est capable de se défendre et a refusé d’approuver le passage. Comme c’est ennuyeux. », déclara Leopold, l’actuel chef de la Maison Lorraine.

C’était bien sûr le même homme qui s’était disputé avec Grevillea pendant la soirée.

« Mais ce pays peut-il vraiment retenir une armée de monstres ? Ne serait-il pas mieux pour nous de donner à l’alliance la permission de passer et de leur demander d’écraser les monstres pour nous ? » demanda Roland, le frère cadet de Léopold.

« Le duc espère sans doute faire la cour à ces monstres. Embrasser les autres est sa spécialité, après tout. Il s’agenouillerait probablement et poserait ses lèvres sur les pieds des monstres si cela pouvait préserver sa position. »

La relation de Léopold avec César était particulièrement amère. Ils avaient été des adversaires politiques lors de la dernière élection et, pour couronner le tout, leurs familles avaient une longue querelle découlant d’un engagement rompu il y a cinquante ans. La honte infligée à la Maison Lorraine était devenue une rancune persistante qui influençait leur relation jusqu’à aujourd’hui. Ce genre de comportement était typique de la noblesse de Schtraut.

« C’est un problème majeur, et si nous ne le traitons pas correctement, le duché de Schtraut sera rayé de la carte », marmonna Leopold en se versant un verre de cognac.

« Les monstres nous détruiront, et s’ils ne le font pas, alors Nyrnal profitera de notre faiblesse pour nous écraser sous les semelles de leurs bottes. De toute façon, ce sera notre fin. »

« Mais nous ne pouvons pas faire grand-chose, hein ? »

« Que dis-tu, mon cher Roland ? Nous sommes l’une des familles les plus importantes de Schtraut. Nous avons une grande richesse et une grande autorité, avec celles-ci à notre disposition, nous pouvons renverser la politique insensée du duc. En fait, nous pourrions même persuader les autres nobles de se rallier à nous et de le mettre en accusation. C’est une idée parfaite. C’est précisément comme ça que nous pouvons faire tomber la tête de Sharon. »

« Mise en accusation ? Tu es sérieux ? »

Roland regarda Léopold comme s’il doutait de la santé mentale de son frère.

« Il faudrait que les deux tiers des nobles votent pour, et je doute fortement que nous puissions obtenir l’accord d’un si grand nombre d’entre eux. Certains d’entre eux ont voté pour le duc Sharon plutôt que pour toi. »

« Oh, allez, on peut juste les soudoyer. Certains nobles ont vu leurs coffres se vider depuis la chute du royaume de Maluk. Si nous leur offrons une aide financière et de nouvelles perspectives commerciales, je suis sûr qu’ils se raviseront. », se moqua Leopold tout en avalant une gorgée.

« Quel genre de perspectives commerciales ? »

« Employer des immigrants. Vois-tu, les rapports de la guilde des aventuriers disent que Maluk a été complètement dévoré par les monstres et est maintenant inhabité. Je pense qu’envoyer des gens de Schtraut et d’autres pays pour reconstruire cette terre abondante est une bonne idée, n’est-ce pas ? Pour ma part, je pense que c’est une excellente opportunité. »

Leopold proposait d’envoyer des gens pour aider à reconstruire les territoires désormais inhabités du Royaume de Maluk. Le Duché et le Royaume Papal abritaient tous deux de nombreuses personnes qui avaient été acculées à la faillite et qui avaient un sombre avenir devant elles. Son plan était d’envoyer ces personnes vivrent à Maluk afin de récupérer ses riches terres et ressources. Ils reprendraient les travaux d’excavation des mines, laboureraient les fermes et élèveraient du bétail. Les nobles de Schtraut étant tous des commerçants, une sélection de ces commerçants accompagnerait les immigrants à Maluk, puis profiterait de leur travail en leur vendant des fournitures essentielles et en faisant du troc pour leurs produits.

Roland pensait poser des questions sur les survivants de Maluk, mais il avala sa question. Le royaume de Maluk était en fait en ruines et ses anciens citoyens n’avaient aucun droit réel. Elizabeta, par exemple, avait parlé en tant que représentante des survivants au Conseil international, mais ses paroles avaient été complètement ignorées. Et si cette stratégie commerciale était attrayante, elle reposait sur le sacrifice de personnes innocentes.

« Cela… pourrait fonctionner, oui. Erm, as-tu déjà commencé à travailler sur la mise en accusation ? »

« Oui, quelques personnes ont commencé à agir dessus — en coulisses, bien sûr. Si le Duc Sharon découvrait que nous allons le mettre en accusation, il prendrait immédiatement des mesures. Cet homme est attentif quand il s’agit de sa propre sécurité. »

Même si c’était la première fois que Roland entendait parler de ce plan, Leopold faisait déjà des mouvements dans l’ombre. Il avait demandé à quelques nobles au bord de la faillite — mais qui conservaient encore leur droit de vote — d’approuver le plan de destitution.

« De plus, tout le monde sait que si l’armée alliée passe, c’est une occasion de faire de l’argent. Vendre les fournitures des soldats produirait d’excellents profits », déclara Leopold, en riant de bon cœur.

« Je comprends, mais n’est-il pas possible que le Duc Sharon refuse le passage de l’armée alliée pour une bonne raison ? Tu devrais garder cela à l’esprit. Nous pourrions faire une erreur majeure ici. »

« Sharon n’est qu’un lâche », cracha Léopold, en versant plus de cognac dans son verre.

Aucun des deux ne pouvait imaginer que le duc s’était en fait allié aux monstres qui avaient détruit Maluk — l’Arachnée — pour assurer la sécurité du pays.

***

Partie 2

À l’intérieur de la résidence du duc dans la capitale Doris, le Premier ministre, le cardinal Charon Colbert, jeta un coup d’œil furieux à son supérieur.

« Êtes-vous sérieux, Seigneur ? », demanda-t-il.

« Assez sérieux. Nous nous allions avec l’Arachnée », répondit le duc.

« Savez-vous que cette soi-disant Arachnée est l’ennemie actuelle du monde entier ? Schtraut est une nation qui dépend du commerce, s’allier avec un méchant universel signifie que nos routes commerciales seront coupées. »

« Pourtant, nous n’avons pas d’autre choix que de jeter notre sort sur l’Arachnée. Je préfère renoncer au délicieux vin de Frantz si cela signifie que mon pays ne subira pas le même sort que Maluk. »

En détruisant le royaume de Maluk, l’Arachnée s’était fait passer pour un odieux scélérat. En choisissant de s’allier à cette faction de monstres, Schtraut se déclarait également ennemi, ce qui allait amener les autres nations à condamner le duché et à cesser tout commerce avec lui.

« Le Duché seul n’arrêtera pas l’Arachnée, et si nous négligeons la participation de Nyrnal à cette guerre, notre pays pourrait perdre son indépendance. C’est notre seul moyen d’éviter cela, Charon. »

L’armée de Frantz était à peu près égale à celle de Maluk, elle ne représentait donc pas une grande menace pour l’Arachnée. Une alliance soutenue par le Royaume Papal ne serait pas suffisante, c’était un fait.

Mais si Schtraut permettait à Nyrnal, qui aspirait à prendre le nord, d’occuper son territoire, il serait presque certain qu’on lui volerait ses terres au milieu de la guerre, voire qu’on les annexerait.

Ainsi, César estimait que la seule façon pour son pays de s’en sortir indemne était de s’allier à l’Arachnée et de faire de son plus grand ennemi son plus puissant allié. C’était le seul moyen dont il disposait pour protéger l’indépendance de Schtraut. Tout autre choix l’obligerait à choisir entre protéger son pays contre l’Arachnée ou lutter pour maintenir sa souveraineté. Cependant, il ne pouvait pas s’empêcher de se demander s’il existait une autre solution magique qui lui permettrait de faire les deux.

« Et vous pensez que l’Arachnée est plus fiable que Nyrnal ? », demanda Charon, interrompant ses pensées.

« J’ai parlé directement à une femme qui se dit la reine de l’Arachnée. Elle a l’air jeune, mais son esprit est vif. Au cours de notre conversation, elle exprima son désir de ne pas nous attaquer, mais qu’elle pourrait y être contrainte si nous laissons Frantz et l’alliance traverser notre territoire ! Comme moi, elle ne souhaite pas voir le duché devenir un champ de bataille. »

César avait rencontré Grevillea le soir du dîner et de nouveau le jour suivant. Il avait confiance en son jugement sur les gens, et il estimait que Grevillea était une jeune femme digne de confiance.

Le fait que les monstres n’avaient pas encore afflué à Schtraut en était en quelque sorte la preuve. On pouvait supposer que les monstres n’étaient pas limités par un manque d’endurance. Après tout, ils étaient 200 000 à se morfondre à Maluk.

« Compris, Seigneur. Si telle est votre volonté, je ne peux que la respecter. Mais… faites attention. La Maison Lorraine s’opposera sans doute à cette décision. Ils pourraient bien chercher à vous mettre en accusation. »

« Les Lorraine… Ah, quelle épine dans le pied ! Ils doivent toujours garder rancune pour cet engagement raté, même cinquante ans plus tard. Et c’est maintenant qu’ils vont frapper, alors que le duché est menacé de l’extérieur et de l’intérieur. »

Charon anticipait déjà les plans de la Maison Lorraine. Léopold de la Maison Lorraine s’était jadis présenté contre César pour le poste de duc, et leurs familles avaient déjà une longue querelle. Le frère cadet, Roland, était plus rationnel et plus ouvert d’esprit, mais Léopold lui-même était bien trop impulsif pour être raisonné, c’était un homme qui pensait que le monde tournait autour de lui.

« Unir les nobles tout en s’occupant de l’intrigue de Lorraine. Notre pays doit être unifié si nous voulons surmonter cette crise », ordonna César.

« Oui, monseigneur. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir. »

Cela dit, César se mit à travailler sur la seule chose qu’il pouvait faire : former une alliance avec l’Arachnée.

 

☆☆☆

Le congrès national du duché de Schtraut était rempli de bruit et de tumulte.

« Pour résumer, nous avons fait nos préparatifs pour nous allier à l’Arachnée. Ils nous ont informés qu’ils nous accorderaient une aide militaire et travailleraient à nos côtés pour réaménager ce qui était autrefois le royaume de Maluk », déclara César à propos de la discorde dans la salle.

« Une alliance avec l’Arachnée ? »

« Nous nous allions avec les monstres qui ont détruit Maluk !? »

« N’est-ce pas de la trahison !? »

Certains des membres du Congrès étaient visiblement confus. Tout ce qu’ils savaient, c’était que l’Arachnée était la faction de monstres qui avait détruit Maluk et était devenue l’ennemi de tout le continent. L’idée de se ranger du côté des créatures universellement détestées par les autres nations était si choquante qu’ils ne pouvaient pas s’y résoudre.

« L’Arachnée est prête à nous défendre contre l’Empire de Nyrnal. De plus, son chef m’a informé qu’elle n’a aucun désir de s’approprier nos terres. Elle a même accepté de déployer une armée pour nous aider, et elle nous cède le commandement de cette armée. Comment est-il possible de ne pas croire quelqu’un qui est prêt à nous accorder autant ? Ce sont clairement des alliés dignes de confiance. »

« Pouvez-vous vraiment être sûr qu’ils ne sont pas après notre terre ? » demanda un des membres du Congrès.

« C’est un troupeau de monstres. Ils sont peut-être amicaux envers nous maintenant, mais ils ont quand même détruit le royaume de Maluk. »

« S’ils l’avaient été, ils n’auraient pas évoqué le sujet de travailler à nos côtés pour redévelopper Maluk. Ils sont venus nous voir, nous demandant de les aider à développer leur territoire. Cette offre est une grande chance pour le duché. », répondit César.

Grevillea avait proposé de coopérer avec le duché de Schtraut pour reconstruire les terres en ruine et inhabitées de Maluk. Elle avait reconnu que les terres agricoles et les mines d’or seraient détruites sans l’aide de Schtraut. C’était l’un des arguments de négociation de l’Arachnée.

« Mais si nous nous allions avec eux, nous serons considérés comme des traîtres par le reste du monde ! », s’était écrié un autre membre du Congrès en se levant.

« Même si nous le faisons, nous aurons gagné un puissant allié avec les vastes terres de Maluk sous leur contrôle. Cela nous donnerait toutes les réserves dont nous avons besoin pour survivre. Et si nous nous allions avec l’Arachnée, d’autres pays pourraient aussi nous rejoindre. », répondit César.

« Notre pays n’est pas le seul à être menacé par les méthodes militantes de Nyrnal. Je suis bien conscient de la façon dont nous serons vus par les autres, mais je peux vous assurer que cela ne durera pas longtemps. Une fois que tout le monde aura reconnu l’existence de l’Arachnée, nous ne serons plus des antagonistes. Et cet avenir est proche et à portée de main. »

César avait réfléchi à ces mots encore et encore. L’Arachnée était un groupe de bêtes grotesques et puissantes, s’unir à eux serait complexe. Convaincre les membres du Congrès et maintenir les relations diplomatiques étaient des tâches tout aussi difficiles.

« Commençons donc notre vote sur la question », déclara le président du congrès.

Au début du vote, les membres du Congrès s’étaient assis avec des expressions endurcies. Ils savaient très bien que ce vote déciderait de l’avenir du duché de Schtraut, et ils considérèrent donc leur vote avec sérieux.

Certains votèrent contre l’alliance avec défi, tandis que d’autres avaient rapidement voté pour.

« Je suis pour », déclara Basil de Buffon.

En apprenant que la fille qu’il avait invitée à la fête était en fait la reine de l’Arachnée, il s’était senti plutôt positif à l’égard de l’alliance. Il ne voyait pas la fille comme un monstre, mais comme un être humain raisonnable. De son point de vue, le fait que Grevillea ait un cœur humain signifiait qu’on pouvait négocier avec elle.

« Permettez-moi de déclarer les résultats. »

Au bout de trente minutes, le vote s’était terminé et le décompte commença.

« Deux cents ont voté pour, tandis que cent un a voté contre. La mesure en question est maintenant approuvée. »

Un désaccord s’empara de la salle.

« Attendez juste une minute ! Ce vote n’est pas valable ! » s’écria un homme au-dessus des autres.

C’était bien sûr Léopold de Lorraine. Il se leva de sa chaise pour attirer l’attention de tous.

« Quel est le problème, Seigneur Lorraine ? », demanda le président.

« Il a été découvert que lors de la dernière élection, la faction du duc Sharon a commis un acte criminel. J’ai mes preuves juste ici. Le duc Sharon a soudoyé des membres du Congrès pour qu’ils votent en sa faveur. De plus, il a engagé des prostituées pour leur tenir compagnie lors d’une soirée ! Il a également été confirmé que des narcotiques illégaux étaient distribués ! », déclara Leopold.

Des murmures confus commencèrent à se répandre.

« Êtes-vous sûr que votre preuve est concrète ? »

« Oui, en fait, j’ai moi-même confirmé l’authenticité. Une partie de mes hommes a recueilli des témoignages de prostituées. »

Léopold montra une pile de documents.

La corruption n’était bien sûr pas rare. Leopold lui-même avait « donné » des fonds à d’autres membres du congrès pendant l’élection afin de garantir leurs votes. Cependant, César avait été élu principalement parce que Léopold avait été trop occupé à se rapprocher du Royaume Papal de Frantz.

« Ce sont des mensonges ! Je n’ai jamais engagé de prostituées ! », s’écria le duc.

Même si l’histoire de la corruption était en partie vraie, les accusations selon lesquelles il avait engagé des prostituées pour divertir des invités et faisait le commerce de stupéfiants illégaux étaient entièrement fabriquées de toutes pièces. Leopold lui-même avait persuadé les prostituées de faire de faux témoignages en échange de quelques « cadeaux » de sa part.

« Non, tout est vrai. En tant que tel, je propose que nous demandions la destitution du duc Sharon ! »

Dès que le mot « destituer » quitta les lèvres de Léopold, la pièce s’était à nouveau mise à bourdonner.

« C’est absurde ! Notre pays tout entier est menacé de toutes parts ! Nous ne pouvons pas nous permettre d’être réélus maintenant, espèce d’idiot assoiffé de pouvoir ! », s’écria Basil

« Je ne suis pas un moins que rien ! Je propose la destitution ! », cria Léopold en lui tapant sur le pied.

La mise en accusation nécessiterait une semaine de délibération, suivie d’un tour de scrutin. Léopold voulait profiter de la période de délibération pour dépeindre César comme un traître tout en achetant les autres nobles. Il en profiterait également pour évoquer le plan d’affaires de l’immigration.

Sa proposition attirerait l’attention des nobles et des banquiers, car elle leur donnerait l’occasion de profiter des abondantes ressources de Maluk sans devenir les ennemis des autres pays.

Cette proposition n’avait pas tenu compte des 200 000 essaims qui infestaient ces terres.

 

☆☆☆

Une semaine plus tard, le jour du vote arriva.

« Nous allons maintenant procéder à un vote concernant la destitution du duc César de Sharon », avait annoncé le président du congrès, et le reste des participants prirent place.

Leopold était confiant dans sa victoire. Il avait passé les sept derniers jours à soudoyer d’autres nobles afin d’acheter leur loyauté. Pendant ce temps, le duc était fatigué et avait le visage cendré après toutes les attaques répétées contre son caractère.

« Les résultats du vote sont de deux cent quatre en faveur, soixante-treize contre. La décision est prise : le duc César de Sharon est démis de ses fonctions. »

« Alors, allons-nous tenir une autre élection ? », demanda un homme.

« Avec le Royaume Papal qui nous met la pression pour les laisser passer… ? » avertit un autre homme.

« Jusqu’à ce que l’élection ait lieu, je serai le duc de Schtraut », déclara Leopold.

« Sur quelle base légale, exactement ? »

« Légale… ? Il suffira certainement de présenter quelqu’un d’autre apte pour ce poste. En outre, je dois vous rappeler que je n’ai perdu l’élection précédente au poste de duc que par une infime marge. Je ne doute pas que je puisse recueillir suffisamment de soutien. »

En d’autres termes, Leopold n’avait absolument aucune base juridique pour sa proposition. Selon la loi, si un duc devait être mis en accusation, une élection devait avoir lieu immédiatement. Mais il faudrait au moins vingt-quatre jours pour organiser une toute nouvelle élection.

À l’ouest de Schtraut se trouvait l’armée de monstres qui avait détruit Maluk. À l’est se trouvait le royaume de Frantz, qui faisait pression sur le duché pour obtenir la permission de passer. Pour ajouter au chaos, l’Empire de Nyrnal menaçait d’envahir par le sud. Le duché avait besoin d’un représentant le plus rapidement possible.

« Je suis le seul à pouvoir diriger ce pays dans sa situation actuelle », déclara Leopold.

« C’est absurde ! Nous ne serions pas dans cet état de chaos sans vos preuves fabriquées de toutes pièces et vos cris de mise en accusation ! Si quelqu’un a jeté ce pays dans une situation désespérée, c’est vous ! » cria Basil en réponse.

Il continua à maudire Léopold, le traitant de chien du Royaume Papal, de traître au pays et d’escroc dans l’ombre. Mais malgré ses plaintes, les membres du Congrès avaient approuvé la nomination de Léopold comme chef intérimaire du duché.

Enfin, Léopold était devenu duc de Schtraut, comme il l’avait souhaité depuis que César lui avait arraché le duché.

« L’idée même d’une alliance avec l’Arachnée est un affront au Dieu de la Lumière, et je refuse de la soutenir ! Nous ne survivrons qu’en nous accrochant à notre foi ! Saluez tous le duché de Schtraut ! »

Mais seules quelques personnes avaient répondu à son exclamation avec enthousiasme. Alors que de nombreux nobles avaient reçu un soutien financier de Léopold, ils n’étaient pas sûrs qu’il était vraiment capable de surmonter la crise qui se profilait à l’horizon.

Pourtant, Leopold avait déjà acquis le pouvoir et l’autorité qu’il souhaitait — ce fait était irréfutable. Son premier ordre du jour en tant que dirigeant était de permettre au royaume de Frantz de traverser les territoires du duché.

Son deuxième était de purger l’opposition.

***

Chapitre 6 : La purge

« Oh, c’est mauvais », avais-je chuchoté.

J’avais observé les récents événements de Schtraut à travers la conscience collective depuis la zone sécurisée de la base de l’Arachnée.

« Notre plus grand ennemi a la permission de passer par le duché. Je n’arrive pas à croire que le complot de destitution ait réellement fonctionné… Je pensais que les choses se passeraient bien avec le Duc Sharon, mais je suppose que je vais devoir combattre ce noble de troisième ordre, Leopold. »

César et moi avions longuement discuté de la possibilité de former une alliance. J’avais fait de nombreuses concessions, notamment en donnant au Duché le droit de développer les terres de Maluk pour lui-même. En échange, le duc devait interdire aux autres armées, en particulier celle du duché, de traverser son territoire et de pénétrer dans le nôtre.

Maintenant que cet idiot de troisième classe avait pris la position de duc, toutes ces négociations avaient été réduites à néant. Je ne pensais pas que cela pouvait être pire, mais il avait poursuivi avec le geste le plus mesquin et le plus inepte qu’on puisse imaginer…

Il commença une purge politique.

La purge de Leopold consistait à pendre tous les nobles qui s’opposaient à ses positions et à brûler leurs domaines. C’était une stratégie primitive et stupide de la plus haute importance. Le duché avait l’Arachnée pour voisin, et d’une manière ou d’une autre, il nous avait battus dans ce domaine.

Pire encore, il avait une foule d’autres nobles de troisième ordre qui le soutenaient. La situation devenait incontrôlable.

« Sérignan, il y a un changement de plan. Maintenant qu’on en est là, il faut soumettre Schtraut par la force. Préparez-vous à partir tout de suite. »

« Oui, Votre Majesté », répondit-elle en faisant une révérence.

« Encore une guerre, hein. Se battre est le mode de vie de l’essaim, mais je ne peux m’empêcher de ressentir un soupçon de regret. J’ai vraiment aimé ce pays. », murmurai-je tristement.

À mes côtés se trouvaient de nombreux Essaims Éventreurs et de nouveaux Essaims que j’avais récemment produits. Pendant ce temps, Sérignan et Lysa faisaient les préparatifs nécessaires à notre marche. Les Essaims Masqués que j’avais introduits dans le duché seraient un atout pour notre invasion. Ils tueraient et dévoreraient les soldats en garnison à l’intérieur des murs de la frontière et nous aideraient à pénétrer dans le pays.

« Écoutez tous… Notre alliance avec Schtraut est tombée à l’eau. Le pays qui était censé être notre allié a été volé par un usurpateur et est maintenant devenu notre ennemi. »

Ma voix résonna à travers la conscience collective.

« L’usurpateur a, dans sa folie, fait de nous les ennemis de son pays. Nous ne sommes plus en bons termes, le duché de Schtraut agit maintenant en opposition directe avec nous. Et l’ennemi doit être exterminé. Telle est la loi de l’Arachnée. »

L’Arachnée dévorait tout. Tous ceux qui s’opposent à l’Arachnée seront consumés.

« Nous déchirerons l’ennemi et l’avalerons dans notre marée noire. Il n’y a pas besoin de pitié. Piétinez-les complètement et entièrement. Que la victoire brille sur l’essaim. »

« Saluez tous la reine ! »

« Saluez tous la reine ! »

Des voix de louange remplirent la conscience collective.

Attendez, non… Arrêtez ça. Je voulais vraiment m’allier avec ce pays pour que nous n’ayons pas à verser du sang inutile. Mais j’ai échoué. Je ne suis qu’une idiote sans espoir.

« Votre Majesté. Ce n’est pas votre faute si vos efforts n’ont pas porté leurs fruits. C’est la faute de cet usurpateur. Partons et frappons-le. »

Sérignan s’était avancée devant moi, interrompant mon autodérision.

« Tu as raison. C’est l’heure, Sérignan. »

☆☆☆

« Nous sommes arrivés, Votre Majesté. »

« Oui… Cela fait peu de temps, mais la nostalgie est toujours là. »

Nos forces décimèrent les gardes stationnés à la frontière renforcée de Schtraut, permettant à toute notre armée d’entrer dans le duché et de commencer notre conquête. Mes Essaims Mascarades, stationnés dans tout le pays, m’avaient informée que les forces ennemies avaient déjà commencé à mobiliser leur armée, mais qu’elles étaient accablées par l’opposition interne et les contrecoups intérieurs.

Voici ce que tu as obtenu, noble de troisième ordre.

Nous nous tenions devant Marine, la première ville que nous avions visitée dans le duché. Les portes de la ville avaient été ouvertes par les Essaims Mascarades, mais quelque chose ne tournait pas rond.

« Votre Majesté, sentez-vous cela ? »

« Oui, Sérignan. Ça pue le sang et le fer. Les salauds l’ont vraiment fait. »

La ville balnéaire que j’aimais tant avait complètement changé depuis notre dernière visite. Les bâtiments avaient été rasés et réduits en décombres. L’auberge que Sérignan avait d’abord choisie pour nous brûlait, et la vue de ses meubles coûteux entre les interstices du toit noirci me faisait grimacer. C’était là que nous étions restés tout en travaillant dur comme aventuriers, mais maintenant elle était réduite en cendres.

Nous avions vite constaté que la taverne était elle aussi en feu. Le propriétaire qui nous avait donné des informations et certains clients malchanceux étaient criblés de projectiles. Le nain qui m’avait avertie de ne pas boire à un si jeune âge était allongé dans une mare de sang.

Ensuite, nous nous étions arrêtés à la Guilde des aventuriers, qui avait elle aussi été complètement détruite. Le groupe avec lequel nous avions travaillé pour abattre la manticore s’était clairement protégé jusqu’au bout. Ils étaient allongés, les yeux vitreux fixés vers l’avant et pas une seule blessure dans le dos : Edgar, l’épéiste qui nous avait tant guidés et appris, Bruno, l’archer qui avait combattu aux côtés de Lysa, et Bridgette, la sorcière qui s’était inquiétée pour ma sécurité… Ils n’étaient plus que des cadavres maintenant.

Pendant que nous étions là, nous étions aussi tombés sur le corps de la réceptionniste bavarde. Après avoir été agressée et assassinée, sa tête avait été collée sur le panneau de la guilde.

Qu’est-ce que ces gens ont fait de mal ? Tout ce qu’ils voulaient, c’était vivre en paix. La haine et la colère bouillonnaient en moi. Mais en y repensant, n’avais-je pas fait la même chose ? Lorsque les chevaliers du royaume de Maluk ont attaqué la forêt des elfes, j’ai riposté par vengeance et de nombreux innocents sont morts. Suis-je meilleure que ceux qui ont provoqué cette tragédie ?

Mes actions n’étaient en aucun cas justes, mais elles n’étaient pas vraiment mauvaises non plus. Nous avions une noble cause : défendre la forêt des elfes. À l’époque, le royaume de Maluk était sans aucun doute un intrus qui avait mis l’Arachnée en danger.

Cela ne signifiait pas pour autant que le massacre était justifié. En fin de compte, il n’y avait pas de véritable justice dans ce monde, seulement des actes répugnants cachés sous des bannières justes pour promouvoir les objectifs égoïstes des gens. Même dans mon ancien monde, il n’était pas facile de décider qui avait raison et qui avait tort quand il s’agissait de faire la guerre. Tout le monde avait raison… et tout le monde avait tort.

Mais dans cette mer de moralité sordide, je pouvais dire avec confiance ceci : la « justice » appliquée par Léopold et ses laquais était tellement mauvaise qu’elle me rendait malade.

« Qui était le maire de cette ville déjà ? »

« C’était l’homme appelé Basile, Votre Majesté. »

Oh, ce vieux schnock. Il nous a beaucoup aidés.

Je ne tardai pas à le trouver. Il avait été pendu sur la place de la ville, et son corps se balançait dans le vent.

« Faites-le descendre », avais-je ordonné.

« Oui, Votre Majesté », dit un Essaim Éventreurs, obéissant à la tâche.

« Une fois que nous en aurons fini ici, vous devrez transformer tous les citoyens en boulettes de viande. Non pas par haine et par mépris, mais par désir d’absorber leur volonté. C’est la seule façon de leur rendre hommage. »

Léopold l’avait fait, cela ne faisait aucun doute. Il avait abattu ses opposants les uns après les autres. Il tuait tous les nobles qui allaient à l’encontre de ses décisions et brûlait leurs terres.

Ces gens devaient détester les soldats qui venaient les massacrer, eux, leurs familles et leurs camarades. Ils avaient probablement maudit leur propre impuissance, se lamentant de ne pas avoir été assez forts pour changer leur destin tragique. C’est du moins l’impression que j’ai eue.

Rassurez-vous, vous n’êtes pas mort en vain. Je vous transformerai tous en boulettes de viande, et vous alimenterez les forces qui détruiront l’homme qui vous a fait ça… et le Royaume Papal par la même occasion.

C’était un rite funéraire maladroit et grotesque, mais mon geste était empreint du plus grand respect.

Pardonnez-moi.

Un à un, nous avions transformé tous les habitants de Marine en boulettes de viande : l’aubergiste, les gens de la taverne, le réceptionniste de la Guilde des aventuriers et Basil de Buffon. Nous les avions utilisés pour renforcer nos forces et établir une base d’opérations avancée à Marine. Après avoir construit un four à fertilisation, nous avions utilisé les morts de Marine pour créer d’autres Essaims Éventreurs et Fouilleurs, que nous avions ensuite envoyés sur le front.

Je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir mal à l’aise face à ce geste, mais il me semblait aussi étrangement approprié. De cette façon, les citoyens de Marine pourraient se venger de leur propre mort.

Allons de l’avant, tout le monde. J’ai beaucoup de haine et de frustration à défouler aujourd’hui.

 

☆☆☆

Ce noble idiot déploya finalement une armée sur le front nord-ouest afin d’arrêter notre invasion. Il s’agissait d’un amalgame de soldats venus des territoires d’autres nobles. Il envoya une force détachée de 100 000 soldats, mais leur équipement et leurs armes n’étaient pas cohérents et ils manquaient de coordination.

Nous nous étions affrontés dans les plaines de Samhul, un terrain plat avec une excellente visibilité. C’était un endroit idéal pour se battre, une belle scène sur laquelle l’ennemi pouvait se faire piétiner.

« Essaims Éventreurs, êtes-vous prêts ? », avais-je demandé.

« Oui, Votre Majesté. »

Les Essaims Éventreurs sont prêts à partir.

« Et toi, Lysa ? »

« Prête, Votre Majesté ! »

Lysa aussi. Excellent.

« Et toi, Sérignan ? »

« Je le suis, Votre Majesté. »

Mon chevalier est aussi prêt à se battre.

« Alors commençons », dis-je, en les poussant à avancer.

« Sérignan, Lysa, vous deux, allez-y. »

Je les laisserais mener la meute et percer les lignes de front de l’ennemi.

« Essaims Éventreurs, en avant ! »

300 000 Essaims Éventreurs avaient suivi mon ordre. Conquérir Maluk m’avait donné assez de ressources pour construire cette force d’Éventreurs, et ce n’était encore qu’une fraction de mon armée totale. Leur nombre ne ferait qu’augmenter au fur et à mesure de notre progression.

« Sérignan, Lysa… Je veux que vous tuiez autant de personnes que l’Éventreur le fait — et même plus, si vous le pouvez. Marquez des points, les filles. »

« Compris, Votre Majesté ! »

Honnêtement, je pourrais finir cette bataille juste en pressant l’ennemi avec des Essaims Éventreurs. Notre victoire imminente était évidente, nous avions trois fois plus de troupes. Il n’était pas nécessaire de s’embêter avec la stratégie, car nous massacrerions l’ennemi quoi qu’il advienne.

Mais je ne pouvais pas me permettre de faire cela, j’avais besoin que Sérignan gagne plus de points d’expérience. De plus, écraser l’ennemi avec le nombre n’avait pas la saveur élégante que je désirais en matière de combat. Je voulais faire mes préparatifs avec soin et minutie, puis écraser mes ennemis avec une efficacité mortelle.

« Aaahhhh ! »

« Hah! »

Sérignan abattait les soldats ennemis les uns après les autres avec son épée longue. Pendant ce temps, Lysa détruisait les crânes avec son arc long.

« Ne vous en prenez pas à elles en tête à tête ! Regroupez-vous et encerclez-les ! Ces filles ne sont pas normales », cria un homme, probablement le commandant de l’ennemi.

« Vous avez entendu l’homme ! Encerclez-les ! »

Sérignan et Lysa occupent les lignes de front. Bien, ils ne devraient pas pouvoir bouger.

« Essaims Éventreurs, avancez des deux côtés. Encerclez-les. »

Profitant de la distraction de l’ennemi, j’avais envoyé mes Essaims Éventreurs en deux ailes massives. L’armée en désordre s’était dispersée alors que la grande pince d’insecte se refermait sur eux. Et pendant que les Essaims Éventreurs avançaient dans la mêlée, ceux-ci commencèrent à déchiqueter les soldats. À ce stade, le reste était facile — avec la formation de l’ennemi en lambeaux, ce serait une simple extermination.

« Aidez-moi ! »

« Je me rends ! Je me rends ! »

« Ayez pitié ! Je vous en prie, épargnez-moi ! »

Certains des soldats ici étaient probablement chargés de mettre le feu à Marines, je ne pouvais donc pas me permettre d’épargner qui que ce soit. Ils avaient provoqué notre colère, ils devaient donc en assumer les conséquences. S’ils se sentaient en droit d’apporter la mort à d’autres, nous avions le droit de leur apporter la mort.

Je m’y préparerais si j’étais toi, Leopold. Ton armée personnelle est la prochaine à y passer.

« Aidez-moi ! Que quelqu’un me sauve ! »

Oh, regardez-moi ça. Un survivant.

« Sérignan, pourquoi ne le tue-tu pas ? »

« J’ai pensé qu’il pourrait servir d’exemple, Votre Majesté. »

« Un exemple, hein ? Tu comptes le faire pendre en guise d’avertissement ? »

« En fait, si je peux me permettre, je pensais que nous pourrions le faire déchiqueter par les Essaims Éventreurs ou l’écorcher vif devant ses camarades. Nos ennemis semblent avoir l’impression que nous sommes en quelque sorte des bêtes, alors je pense que nous devrions leur montrer le contraire. Ils doivent voir que nous sommes des êtres intelligents capables de cruautés calculées. »

« Pas mal. J’aime ça, Sérignan. Une exécution publique leur montrerait que nous sommes intelligents et que nous faisons plus que tuer au hasard. Montrons aux imbéciles qui se sont battus contre nous ce que nous pouvons vraiment faire. Nous le garderons en vie jusqu’à la prochaine bataille. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Nous étions l’Arachnée, une faction organisée d’êtres sensibles reliés par la conscience collective. Je ne pouvais pas les laisser nous mettre ensemble avec des bêtes sans esprit. Les Essaims Éventreurs, créés uniquement pour l’abattage, étaient bien plus intelligents que le bouffon de troisième ordre qui essayait de nous étouffer.

« Pourtant, une simple exécution manque de goût. Faisons lui confesser ses crimes. »

« Confesser ? »

« Oui. Il avouera avoir tué les citoyens qu’il était censé protéger et avoir massacré de nombreux innocents. Cela devrait porter un coup au moral de l’ennemi… en supposant bien sûr qu’il puisse encore ressentir de la honte. »

J’avais regardé ma main. Un essaim de parasites avait commencé à s’enrouler autour de mes doigts.

D’un geste rapide, je l’avais enfoncé dans la bouche du soldat suppliant. Sous mon contrôle, il allait rapporter la vérité sur ce qui s’était passé à Marine au reste de ses camarades. J’aurais préféré qu’il admette volontiers ces crimes, mais je ne pouvais pas attendre ce niveau de décence de la part d’un des sous-fifres de Leopold. L’homme ne pensait probablement même pas qu’il avait fait quelque chose de mal.

Mais malgré la préparation de cette punition, je n’avais pas vraiment l’impression d’avoir accompli quoi que ce soit. Je me sentais juste vide. Après m’être occupé de cette affaire, j’avais conduit Sérignan, Lysa et les Essaims Éventreurs plus à l’est, dans Schtraut.

Les villes situées le long du chemin étaient à peu près dans le même état que Marine. Je vis de nombreux nobles qui, après s’être sûrement opposés à Léopold, se retrouvèrent ensuite pendus dans leurs territoires. Territoire qui avait immanquablement fini brûlé par la suite.

Ces pauvres nobles… Et tous ces roturiers innocents… C’est bien. Je vais venger chacun d’entre vous. Le châtiment est la seule miséricorde que je puisse offrir.

***

Chapitre 7 : Réalité et illusion

Pendant un certain temps, nous avions poursuivi nos ennemis sans les rattraper. Ils avaient brûlé des endroits en s’enfuyant… Ce n’était pas comme si leurs tactiques de terre brûlée avaient suffi à arrêter notre charge.

« Ils deviennent désespérés », murmurai-je en voyant une autre ville incendiée.

Les habitants avaient tous été pendus ou décapités. Ils avaient dû résister, ou peut-être étaient-ils des sujets d’un noble qui s’était opposé à Léopold. Quels qu’ils soient, c’était un spectacle terrible. Mais ce n’était pas comme si j’étais en position de parler après ce que j’avais fait à Maluk.

« Nous nous arrêtons ici pour nous reposer aujourd’hui, Sérignan. »

« Oui, Votre Majesté. »

Nous avions marché toute la journée, mais l’armée des nobles avait toujours une longueur d’avance sur nous. Les forces du duché étaient introuvables. Bien qu’elles soient beaucoup plus organisées et bien mieux équipées que les soldats de la noblesse, elles évitent à tout prix de se battre.

Notre ennemi était frustrant et insaisissable, ce qui ne nous laissait pas d’autre choix que de nous arrêter, de nous reposer et de nous ravitailler.

« Aurons-nous du ragoût aujourd’hui ? Nous avons plein d’ingrédients. »

Nous avions un peu de varechs pour faire un bouillon de soupe ainsi que des champignons, des légumes et de la viande séchée. J’avais décidé que ce soir, nous allions nous régaler avec un bon ragoût, un ragoût de viande et de légumes alléchant qu’il était difficile de refuser. J’étais sûre que Sérignan et Lysa allaient aussi l’apprécier, j’avais donc mis tout mon cœur dans la préparation de ce ragoût.

Mais d’abord, j’étais vraiment déshydratée. Les Essaims Éventreurs s’étaient procuré de l’eau dans les puits locaux, j’avais donc rempli une tasse et je l’avais portée à mes lèvres. Mais au moment où j’avais pris la première gorgée…

« Ngh ! »

Une douleur fulgurante me traversa la poitrine, et j’eus l’impression que ma gorge se refermait rapidement. J’avais essayé de tousser plusieurs fois, mais cela ne me fit pas aller mieux. L’agonie s’était étendue à tout mon corps, allant de ma poitrine à mon dos, puis à mon estomac. Incapable de supporter, je m’étais écroulée sur le sol. Je ne pouvais plus respirer et la douleur menaçait de me rendre folle.

Du poison… ! C’est ça, ils ont dû empoisonner les puits. En fait, vous m’avez tirée dessus, bande d’idiots…

« Votre Majesté ! »

Sérignan, ayant remarqué que quelque chose n’allait pas, s’était précipitée à mes côtés.

« Vous allez bien ? ! Qu’est-ce qu’il y a ? ! »

Je montrai du doigt la tasse qui roulait sur le sol en tremblant.

« L’eau est empoisonnée… !? Maudits soient-ils ! »

Maintenant qu’ils étaient au courant, Sérignan et Lysa ne connaîtront pas le même sort. Ce fut un soulagement.

Dieu merci…

« Votre Majesté ! Que s’est-il passé ? ! »

Lysa aussi s’était précipitée vers nous.

« Lysa, Sa Majesté a été empoisonnée ! Avez-vous un médicament qui pourrait l’aider ? ! », demanda Sérignan, sa voix craquant de désespoir.

« J’ai des herbes qui pourraient servir d’antidote, mais je ne sais pas si elles vont agir contre ce genre de poison… »

« Essayez au moins ! Si Sa Majesté venait à mourir, je… Je… ! »

Sérignan, les chevaliers n’ont pas le droit de pleurer.

« Ouvrez-lui la bouche, s’il vous plaît. Je dois d’abord dissoudre l’herbe dans l’eau. »

« Tenez, utilisez ceci, c’est de l’eau propre. On ne peut pas utiliser les puits, ils ont été souillés par l’ennemi. »

Lysa et Sérignan travaillèrent vite pour m’aider à me rétablir, mais je ne pensais pas que leurs efforts auraient beaucoup de sens. La douleur s’était déjà répandue dans tout mon corps, et je ne pouvais plus trouver la force de parler. Je doutais qu’il y ait moyen de me sauver à ce stade.

« C’est prêt ! Faites-lui boire ça. »

« Très bien. »

Sérignan essaya de me verser le mélange d’antidote dans la gorge, mais il ne fit que sortir de ma bouche.

« Merde ! Je n’ai pas le choix… Pardonnez-moi, Votre Majesté ! »

Quelque chose de doux s’était pressé contre mes lèvres. Je m’étais rendu compte que c’était les lèvres de Sérignan seulement quand ma conscience s’était mise à s’éteindre.

☆☆☆**

Je m’étais réveillée dans une pièce. À savoir, ma chambre. J’étais dans mon appartement au Japon.

Tout autour de moi se trouvaient des choses familières : mon kotatsu, un calendrier ouvert au mois de décembre, mon frigo… et au fond de la pièce, comme s’il était le véritable maître de cet espace, se trouvait le PC de bureau où était installé mon jeu préféré.

« Suis-je… de retour ? »

Au début, j’avais jeté un regard suspicieux sur mon environnement. Puis je m’étais mise debout et j’avais ouvert le frigo. Un agréable frisson sortit et effleura ma peau. À l’intérieur, il y avait une assiette de porc sautés au ketchup et une salade… Un repas que j’avais préparé moi-même.

C’était vraiment le monde auquel j’appartenais. J’étais enfin chez moi.

Ensuite, j’avais cherché mon téléphone portable.

Où ai-je mis cette chose ? Ah, le voilà.

Mon smartphone était à son emplacement habituel, branché. Je m’étais dépêchée de le ramasser et j’avais ouvert la liste des contacts. Avec les doigts tremblants, j’avais composé le numéro de ma mère et j’avais pressé le téléphone contre mon oreille.

« Allô ? Maman ? Est-ce que tu m’entends ? Maman… ? »

« Oui, je t’entends très bien. Qu’est-ce qui ne va pas ? »

C’était elle. C’était vraiment la voix de maman.

« Maman, je… J’ai tué beaucoup de gens. »

« Quoi ? Tu parles encore de ton jeu ? Passe ton temps libre comme tu le sens, mais ne néglige pas tes études. »

Naturellement, elle ne m’avait pas crue.

« Prends soin de toi, d’accord, maman ? Je vais bien, alors ne t’inquiète pas pour moi. »

« Eh bien, n’es-tu pas une gentille fille ? N’oublie pas de venir me voir pour le Nouvel An. On t’attendra. »

On avait toutes les deux raccroché.

« OK, je suis de retour. Je suis… enfin à la maison. »

Pourquoi, alors, je me suis sentie si seule ?

Je me demandais ce qui était arrivé à Sérignan, à Lysa et aux Essaims. Avaient-elles réussi à conquérir le duché de Schtraut ? Avaient-elles réussi à vaincre le Royaume Papal de Frantz ? Et qu’en était-il de l’Empire de Nyrnal ?

J’espère qu’ils se portent tous bien.

Après que cette pensée m’ait traversé l’esprit, j’avais naturellement tendu la main pour allumer mon PC. L’ordinateur bourdonna au fur et à mesure qu’il prenait vie, et une fois que j’avais atteint le bureau vide, j’avais cliqué sur l’icône de mon jeu préféré. Il démarra docilement, et un air lugubre se fit entendre dans mes haut-parleurs alors que le programme commençait une nouvelle mise à jour de la version.

L’interface a-t-elle toujours ressemblé à cela ?

Une fois la mise à jour terminée, le jeu s’était chargé. J’avais cliqué sur « Chargez la dernière sauvegarde », puis sur le dernier fichier de sauvegarde. Il avait un nom de carte que je ne reconnaissais pas, mais la faction que j’avais choisie était, comme toujours, l’Arachnée.

Tout cela me semblait étrangement nostalgique.

Une fois que la sauvegarde avait été chargée, j’avais commencé à jouer. Ma faction occupait une terre à l’ouest, et elle était sur le point d’envahir une terre au nord-est. J’avais une grande armée d’Éventreurs, si grande qu’elle m’avait fait perdre du temps au jeu. L’armée était soutenue par mon unité de héros bien-aimée, l’Essaim Chevalier Sanglant Sérignan. La regarder m’avait rempli le cœur d’affection. Une autre unité se tenait à côté de Sérignan, un Essaim Archers-Elfes appelé Lysa.

Hein ? « Lysa »… A-t-elle été ajoutée dans la dernière mise à jour ? Je ne m’en souviens pas, mais ça me semble si familier.

J’avais choisi au hasard un groupe d’essaims d’éventreurs et je les avais fait avancer. L’écran fit clignoter brièvement un message : « Ennemi détecté. » Mes Essaims avaient rencontré un groupe de soldats ennemis. J’avais fait reculer mon petit groupe momentanément, attirant les soldats à l’intérieur, puis j’avais fait en sorte que le reste de mon armée d’Essaims Éventreurs les entoure et les attaque.

Certaines des unités ennemies avaient essayé de s’échapper, mais elles ne représentaient pas une grande menace, je les avais éliminées avec facilité. Leurs restes avaient été transformés en boulettes de viande grâce à la capacité de prédation de mes unités, et celles-ci avaient ensuite été emportées dans des dépôts de chair où elles allaient servir à produire d’autres essaims.

J’avais vérifié mes dépôts de chair, mais j’avais constaté qu’ils étaient bien remplis. Peut-être qu’il fallait créer de nouvelles unités. Alors que je pensais le faire, j’avais scruté la carte… et je vis les mêmes unités que j’allais créer.

Oh, je les ai déjà faites ? Je suis une vraie routinière.

Mais ces unités étaient trop éloignées des lignes de front, j’avais dû donc faire avec ce que j’avais sous la main. À la place, j’avais envoyé mes Essaims Éventreurs en éclaireur. Apparemment, j’avais planté des Essaims Mascarade dans différentes villes ennemies afin qu’ils puissent recueillir des informations. J’avais utilisé les renseignements qu’ils me fournirent pour mobiliser mon armée.

Je ne pouvais gagner qu’en éliminant toutes les unités et structures ennemies. Avec cette condition de victoire à l’esprit, j’avais décimé les forces de défense et les unités ouvrières de l’ennemi stationnées dans diverses villes. Malgré les pertes d’Essaims Éventreurs, faire tomber les défenses ennemies était un jeu d’enfant, elles étaient presque trop faibles.

En poussant mes unités vers l’avant, j’avais écrasé tous ceux avec qui j’étais entrée en contact. Bientôt, la faction ennemie commença à envoyer des unités de cavalerie — probablement sa force principale. Leurs attaques de charge étaient puissantes, j’avais donc décidé d’envoyer mon Essaim Chevalier Sanglant Sérignan pour les intercepter. J’avais également demandé à mon Essaim Archers-Elfes Lysa de l’appuyer avec des attaques à distance.

Mes Essaims Éventreurs étant des unités offensives précoces utilisées pour les ruées et la provocation, ils n’étaient pas de taille face à la cavalerie. Les cavaliers les déchiraient comme s’ils étaient en papier… mais les essaims tombés dégagèrent un chemin pour que Sérignan puisse frapper. Elle balança son épée par-ci par-là, protégée par le tir de couverture de Lysa.

Cela fonctionna. L’assaut de l’ennemi se faisait plus lent, et les unités furent rétrogradées au rang de simple infanterie à cheval. J’en avais profité pour les encercler par des Essaims Éventreurs. Je perdais de plus en plus d’Essaims Éventreurs chaque minute, mais l’ennemi ne pouvait pas résister à ces attaques répétées.

En quelques instants, Sérignan les avait tous anéantis, nous assurant une voie d’invasion. J’avais ordonné à mes Essaims de charger. Les Essaims Mascarades avaient commis des attentats suicides afin de forcer l’ouverture des portes. Une fois que mes Essaims avaient trouvé un moyen d’entrer, ils entrèrent en mode meurtrier. Les camarades instables que j’avais cultivés pendant plus d’un an massacraient l’ennemi et ruinaient leurs structures avec une férocité aveugle.

C’était un anéantissement unilatéral.

Les choses auraient pu être plus difficiles pour nous si l’ennemi avait déployé des unités blindées lourdes, mais il ne leur restait que l’infanterie et la cavalerie légère. Les Essaims Éventreurs étaient plus que suffisants pour les gérer. Notre camp avait subi quelques pertes, bien sûr, mais tant que Sérignan était en vie, ça ne me dérangeait pas de devoir faire des sacrifices. Toutes les autres unités étaient des pions jetables qui ne pouvaient pas gagner de points d’expérience.

Après tout, ce n’était qu’un jeu. Ce n’était pas comme si les humains ou les Essaims étaient vraiment en train de mourir, c’était juste un monde rempli de uns et de zéros. Alors que j’étais perdue dans mes pensées sur cette question, mes innombrables troupes écrasèrent l’ennemi. Près de la moitié du pays de l’ennemi était déjà sous notre contrôle.

Bon, je commence à être affamée. Je devrais faire une pause et manger quelque chose. Peut-être ces restes dans le frigo ? Oui, ça a l’air bien. Je ne peux pas faire couler mes réserves stratégiques sans quelques bonnes vieilles calories lourdes.

Mais dès que je m’étais levée de ma chaise, mon ordinateur émit un signal sonore de notification. Je m’étais tournée pour regarder l’écran, mais je vis deux nouvelles zones de texte. L’une d’elles était intitulée « Est-ce ici que votre partie s’arrête ? »

Curieuse, j’ai cliqué dessus pour l’ouvrir.

« Vous êtes capable de bien plus que cela. L’autre monde est celui auquel vous appartenez vraiment. Vous pourriez aller n’importe où ailleurs, mais ce monde est le seul endroit où vos talents seront reconnus. Vous n’avez pas oublié le serment que vous avez prêté à vos précieux insectes, n’est-ce pas ? Vous avez promis de les conduire à la victoire. La victoire absolue. »

Là où je suis vraiment à ma place… ? Ma place est ici, au Japon. Enfin, c’est ma place. Aller à des conférences inutiles, puis revenir à la maison pour jouer à ce jeu… C’est mon monde. Y en a-t-il un autre au moins ?

Mon esprit commençant à tourbillonner, j’avais ouvert la deuxième boîte de texte. Celle-ci s’appelait « Réveille-toi ! »

« Votre Majesté, s’il vous plaît, réveillez-vous. Nous avons besoin de vous. Vous êtes notre guide. Je vous en prie, réveillez-vous ! Une fois que vous serez de retour parmi nous, vous pourrez nous guider une fois de plus. Vous ne pouvez pas mourir avant nous, Votre Majesté. »

En lisant le second message, des larmes coulèrent dans mes yeux. Je ne comprenais même pas pourquoi je me sentais si émue. Tout ce que je savais, c’était que quelqu’un avait besoin de moi pour le sauver, et qu’il était de mon devoir de répondre à cet appel. Si je n’y allais pas, celui qui a envoyé ce message s’effondrerait sûrement.

« Vous partez ? », dit une voix derrière moi.

Je m’étais retourné pour voir une fille étrange qui se tenait dans mon appartement. Elle était vêtue de blanc et me regardait avec des yeux tristes.

« Un être immonde a pris votre âme au piège. C’est le jeu du diable. Ce jeu n’a pas d’issue… et pas de fin. Vous êtes le divertissement du Diable, vous qui dansez dans la paume de sa main. Et pourtant, vous êtes là, prête à y retourner. Êtes-vous certaine de votre décision ? », dit-elle.

« Il le faut. Ils m’attendent. », me suis-je entendu dire.

Quoi ? Qui sont-ils ?

Je ne le savais pas, mais je pouvais dire que « ils » étaient extrêmement importants pour moi. Je ne pouvais pas les abandonner. Il n’était pas question de les laisser se débrouiller seuls, même si je ne me souvenais plus de qui ils étaient à ce moment-là.

« Je vois. Alors vous partez. J’ai fait cet espace pour rien, alors. Dommage. »

La pièce s’était soudainement mise à s’effriter. Les murs, les meubles, le sol, tout s’était effondré en un rien de temps.

« Alors, ce n’était pas mon appartement ? » demandai-je, troublée.

« Non, ce n’était pas votre appartement. C’était un espace transitoire que j’ai créé en utilisant vos souvenirs. J’ai pensé qu’être ici mettrait votre âme à l’aise… C’est vraiment dommage. Ce n’était peut-être pas une solution définitive, mais cela aurait guéri votre âme, même si votre corps devait périr. Malgré cela, vous choisissez toujours de retourner au Jeu du Diable. »

J’avais du mal à suivre ce qu’elle disait.

« Mais un jour, je sauverai votre âme. Je vous le promets, je vous sauverai avant que la cage du Diable ne se referme. »

Elle m’avait tendu la main et prit la mienne. La sienne était chaude et douce, elle me rappelait quelque chose, mais je ne pouvais pas me rappeler quoi. Non… Quelque chose en moi résistait au souvenir. Il y avait un mur autour de mon cœur, et à l’intérieur, quelque chose criait.

« N'oubliez jamais votre cœur humain, ____. »

« Attends, mon nom… ! »

Mais au moment où j’avais dit ces mots, ma conscience recommença à s’évanouir.

Comment m’appelait-elle ? Quel était mon nom ?

J’étais remplie de malaise. Quelque chose me disait qu’au moment où je connaîtrais ce nom, je retournerais vraiment dans mon propre monde.

***

Chapitre 8 : Discorde

Partie 1

« Majesté… ! Votre Majesté ! »

Quelqu’un m’appelait. Mais comment était-ce possible ? Pourquoi me traiter comme une reine ? J’étais juste une joueuse, une fille solitaire qui faisait une fixation sur le seul jeu qu’elle aimait. Pourquoi m’aurait-on appelée « Votre Majesté » ?

Oh, c’est vrai… Je dois encore mettre mon reste de repas dans le micro-ondes. Je n’ai même pas encore dîné. Je crois que j’ai aussi de la sauce à salade quelque part. Je dois juste la réchauffer et ensuite je ferai un bon repas.

« S’il vous plaît, je vous en supplie, réveillez-vous… » la voix sanglotait.

Mes yeux s’ouvrirent. Alors que ma vision s’ajustait, je vis que je n’étais plus dans mon appartement familier. J’étais allongée sur un lit dans une autre pièce, une pièce à l’ancienne avec des détails d’allure exotique. Il n’y avait ni lampe ni ampoule, et la seule chose qui illuminait la pièce était la lumière naturelle qui brillait à travers la fenêtre. Une femme me tenait le bras, son visage était enfoui dans ma poitrine.

« Sérignan… ? » Son nom était sorti de ma bouche.

« Votre Majesté ! Vous êtes réveillée ! »

La femme s’était levée d’un bond et m’avait regardée avec excitation.

« Je… Que m’est-il arrivé ? »

Je n’arrivais pas à comprendre ma situation. Il y a quelques instants, j’étais encore dans ma chambre, en train de jouer au jeu vidéo. Pourquoi étais-je ici maintenant ? Mon esprit était complètement dérangé.

« Votre Majesté, avez-vous mal ? »

« Je suis… Je ne suis pas une reine », avais-je dit en secouant la tête.

« Oh non. Avez-vous perdu vos souvenirs ? Peut-être avez-vous contracté une maladie qui a brouillé vos souvenirs… ? »

« Hum, je ne sais pas. Je n’ai aucune idée de ce que vous dites, je le jure. »

Je n’étais qu’une joueuse ordinaire qui se trouve être très douée pour utiliser l’Arachnée. Attends, l’Arachnée ? N’ai-je pas beaucoup joué avec cette faction dernièrement ?

« Lysa ! Sa Majesté est réveillée, mais quelque chose ne va pas ! Viens ici ! »

Lysa ? Un autre nom familier… N’est-ce pas la nouvelle unité jouable qu’ils ont introduite dans la dernière mise à jour ? Elle était dans ma faction lors du dernier match, et elle avait aidé Sérignan à gérer la charge de la cavalerie.

« Je suis là ! », s’écria une autre fille en courant dans la salle.

Comme dans le jeu, c’était une fille elfe ayant la moitié inférieure d’un insecte, et elle portait un arc long. Elle positionna l’arc dans son dos et se précipita à mes côtés.

« Votre Majesté, comment vous sentez-vous ? Est-ce que ça va ? »

« Je suis un peu confuse… »

Pourquoi est-ce que je parle à un personnage de jeu vidéo ? Je joue à un jeu de stratégie en temps réel, pas à un jeu de rôle. Mais… tout a l’air si réel. Les joues de Sérignan et les bras élancés de Lysa ont l’air si doux et soyeux, comme s’ils étaient agréables au toucher.

« Euh, agréable… ? Eh bien, euh, si c’est ce que vous voulez, Votre Majesté », bégaya Sérignan.

« Hein ? ! »

Elles ont entendu mes pensées ? C’est impossible. Mais attendez, ne suis-je pas…

« Sérignan, pouvez-vous me dire quelle est ma position ? », avais-je demandé, en pensant soudainement plus clairement qu’avant.

« Votre position, Votre Majesté ? Vous êtes notre reine, la reine d’Arachnée. Vous avez promis de nous conduire à la victoire. »

Oui. Maintenant, je me souviens.

Tout me revenait en mémoire. C’était un monde où l’Arachnée existait, mais était traitée comme une étrangère. Un coup d’État avait éclaté dans le duché de Schtraut, j’avais alors fait entrer une armée d’Essaims dans cette nation pour la réprimer. Nous devions achever notre conquête avant son invasion par la Papauté de Frantz.

Mes souvenirs étaient revenus, mais un doute subsistait dans mon esprit.

« Mais un jour, je sauverai votre âme. Je vous le promets, je vous sauverai avant que la cage du diable ne se referme. »

Est-ce que cet endroit est une cage ? Que voulait dire cette fille ?

J’avais pris une grande respiration.

« Sérignan… et Lysa, je me souviens de tout maintenant. Je suis votre reine. Je ne peux pas croire que j’ai oublié quelque chose de si important. Je suis censée mener la conquête… Je suis tellement, tellement désolée. »

« Oh, Votre Majesté ! »

Sérignan s’accrocha à mon corps et se mit à pleurer une fois de plus.

« Allez, pas de pleurs. Tu es un chevalier. Tu sais que tu dois être digne, hein ? », lui dis-je en la prenant dans mes bras.

« Je pensais vraiment que vous nous aviez oubliés ! J’ai été complètement inutile pendant que vous dormiez… Je ne savais pas ce que je ferais si vous ne vous étiez pas réveillé. »

« Ça suffit. Je suis désolée de t’avoir inquiété, Sérignan. Je vais bien maintenant. Je n’irai nulle part, pas tant que nous n’aurons pas gagné la victoire que je t’ai promise. Je ne reviendrai jamais sur ma parole. De toute façon, combien de temps ai-je dormi ? », lui dis-je en essuyant ses larmes avec un coin de ma chemise.

« Deux ou trois jours », dit Lysa, le soulagement écrit sur son visage.

« Nous avons appliqué un antidote petit à petit. »

« Deux ou trois jours, hein ? Est-ce que quelque chose a changé depuis ? »

« Rien n’a bougé. On dirait que l’ennemi a du mal à rassembler ses forces. », rapporta Sérignan.

« C’est vrai. Alors, venons-en à eux. Ils doivent être punis pour ce sale tour qu’ils ont joué. S’ils veulent assassiner, je leur montrerai de première main comment on fait. »

« N’oubliez jamais votre cœur humain. »

Je n’oublierais pas, mais c’était quelque chose qui devait être fait. Nous devions nous venger. Nos ennemis avaient massacré les citoyens de Marine, et ils voulaient souiller de sang toutes les autres villes. Il était juste que nous les massacrions en retour.

Œil pour œil… Ce n’est pas comme ça que les humains fonctionnent ?

☆☆☆**

« C’est ridicule ! »

Un cri retentit dans le camp principal de l’armée des nobles.

« Nous sommes venus pour nous battre et gagner, alors pourquoi devons-nous attendre notre heure ici ? ! Nous devrions engager l’ennemi, le pousser dans une bataille décisive ! Vous voulez dire que nous sommes condamnés à perdre cette bataille ? ! Nous devrions nous battre contre l’ennemi dès maintenant ! N’êtes-vous pas d’accord, mes amis ? ! »

Celui qui lança ce discours passionné était le marquis Adrian de Arden, qui menait une armée de 50 000 hommes. Il critiquait vivement les actions du quatorzième duc de Schtraut, Léopold de Lorraine.

« Le moment est venu de tenir notre position, Lord Arden », déclara Roland de Lorraine, le frère cadet de Léopold et le commandant de l’armée des nobles.

« Riposter serait faire le jeu de l’ennemi. Nous avons appris que l’armée de Léopold commençait à marcher, nous devrions donc les rencontrer et joindre nos forces avant d’engager le combat avec l’ennemi. Notre adversaire veut que nous agissions avec négligence afin qu’il puisse exploiter la moindre erreur. »

« Il a raison, Seigneur Arden. Oh, et gardez à l’esprit que le Duc de Lorraine pend ses adversaires à gauche et à droite. Vous feriez bien d’obéir à ses ordres, en supposant que vous ne souhaitez pas être le prochain sur la potence. », dit un noble.

« Bon sang. Nous n’aurions jamais dû laisser le Duc de Lorraine prendre le contrôle. Ce genre de chose ne serait jamais arrivé si le duc Sharon était toujours au pouvoir. Le destituer était une erreur. Il est peut-être trop tard pour le dire maintenant, mais je ne peux pas m’empêcher de me plaindre. Je veux dire, regardez l’état des choses ! », dit un autre.

Beaucoup de nobles étaient très mécontents de « l’administration » de Léopold. Ils détestaient et craignaient sa rapide exécution de ceux qui s’opposaient à lui, et ils détestaient que son incompétence ait conduit à l’invasion de l’Arachnée.

« S’il vous plaît, ne dites pas cela. Léopold a établi une alliance avec le Royaume Papal, nous n’avons plus besoin de craindre l’Arachnée ou Nyrnal. », supplia Roland tout en essayant de les calmer.

« Alors maintenant nous sommes censés plier un genou devant les saints hommes sordides de Frantz ? Nous ferions mieux de servir Nyrnal. »

« C’est vrai ! Le Royaume Papal de Frantz n’est qu’un autre pays arrogant qui cherche à dominer. Ils agissent comme s’ils étaient la seule nation à suivre le Dieu de la Lumière. “Des dons importants à l’Église vous absoudront de vos péchés”… Pah ! Je ne me serais jamais attendu à ce que le Dieu de la Lumière fasse tant de mal pour de l’argent, franchement. »

Les tentatives de persuasion de Roland tombèrent dans l’oreille d’un sourd lorsque les nobles firent connaître leurs griefs.

« Le Royaume Papal de Frantz fera un grand allié. J’en suis sûr. », dit-il fermement.

Il était difficile de dire à quel point Roland faisait confiance au Royaume Papal. Frantz s’était depuis longtemps armé de sa foi dans le but de soutirer toutes sortes de choses au duché et à ses citoyens, y compris des fonds pour les cérémonies d’inauguration papales et les festivals religieux. Pour beaucoup, le Royaume Papal était une sangsue qui utilisait n’importe quelle excuse pour aspirer plus d’argent des autres nations.

S’allier avec un tel pays était-il vraiment la bonne idée ? Le Populat de Frantz et l’Empire de Nyrnal étaient tous deux des pays hautains et puissants à leur manière. Compte tenu des événements récents, peut-être que le duché aurait vraiment été mieux placé sous le contrôle de Nyrnal.

« Seigneur Roland… S’il vous plaît, soyez honnête. S’allier avec le duché était-il la bonne décision ? Votre frère nous a-t-il menés sur le mauvais chemin ? », demanda un des nobles.

Son expression était grave.

« C’est… difficile à dire à ce stade. Pour parler franchement, messieurs, je pense que la mise en accusation était une erreur. Changer de dirigeant pendant une crise nationale crée bien plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il est difficile de juger si mon frère peut faire preuve des qualités de leader que le Duc-erm, le Seigneur Sharon, avait. Purger tant de noblesse en ces temps difficiles provoquera un fossé encore plus grand entre nos peuples. »

Roland n’était pas d’accord avec la mise en accusation, car il connaissait les nombreux problèmes qu’un changement de dirigeant causait lorsque la guerre se profilait à l’horizon. Maintenant, l’Arachnée rampait à l’extrémité occidentale de ses terres, et Roland commençait à douter qu’ils aient un moyen de repousser l’invasion. Peut-être que s’ils s’étaient alliés avec l’Arachnée, comme l’avait proposé César de Sharon, toute cette épreuve et cette tragédie auraient été évitées.

L’un des nobles soupira.

« Pourtant, nous avons déjà donné au Duc de Lorraine le pouvoir de diriger ce navire. Tout ce que nous pouvons faire maintenant est de nous assurer que nous ne coulerons pas au fond. »

« C’est vrai. Nos mains sont maintenant tachées du sang des nobles et noircies par le fait d’avoir brûlé leurs terres. Nous pourrions prier tout le reste de notre vie, c’est une chose qui ne changera pas. »

Les nobles présents étaient ceux qui avaient été chargés de détruire les opposants à Léopold. Sous le prétexte d’unifier Schtraut, ils avaient pendu des innocents et réduit leurs terres en cendres.

« Pardonnez-moi, messieurs ! J’ai un rapport ! »

Un soldat à cheval s’était approché d’eux au galop.

« Les monstres ont été aperçus ! Cinquante individus ! Ils semblent fuir vers l’ouest ! »

« Nous y voilà ! Enfin une chance de montrer notre valeur ! »

Le marquis et les autres nobles s’étaient rapidement levés.

« Attendez, ça pourrait être un piège ! », avertit Roland.

« J’en ai assez entendu ! C’est le moment de se battre ! Le Royaume Papal est peut-être notre allié, mais nous devons encore défendre notre propre pays ! Nous montrerons à Frantz que nous avons toujours l’esprit d’une nation indépendante ! »

Les nobles au tempérament chaud ordonnèrent à leurs soldats de se diriger vers l’ouest, espérant se venger de leurs récentes pertes. Quelque 1 600 cavaliers et 150 000 fantassins prirent d’assaut la poursuite de l’ennemi.

Pas un seul d’entre eux n’en revint.

Deux jours plus tard, Roland apprit que toute la force détachée avait été décimée. Il rassembla rapidement les nobles restants, et ils s’enfuirent tous aussi vite qu’ils le purent vers l’est.

***

Partie 2

« L’ennemi divise ses forces », avais-je observé, tout en regardant le carnage se dérouler devant moi.

L’escouade d’éventreurs que j’avais envoyée en éclaireur avait réussi à attirer l’ennemi. Une fois les soldats conduits dans une zone où le terrain jouait en notre faveur, toute l’armée d’Essaims Éventreurs était descendue sur eux. Les troupes ennemies avaient pris d’assaut notre piège avec une soif de sang et du zèle, pour finir par devenir des taches de sang sur le sol.

Je trouvais étrange que l’ennemi ait détaché une autre partie de son armée pour nous envoyer d’abord 100 000, puis 150 000 soldats. Normalement, il aurait été beaucoup plus logique de consolider ces forces pour créer une armée de 250 000 hommes. L’envoi de plusieurs bataillons dispersait les unités trop largement et en faisait des cibles faciles.

« Peut-être y a-t-il un problème avec la chaîne de commandement de l’ennemi ? » proposa Sérignan.

« Peut-être. Après tout, le coup d’État est frais dans la mémoire de tous. »

Léopold venait à peine de prendre le contrôle du duché de Schtraut à César de Sharon. Aussi stupide et mesquin qu’il fût, le premier acte de Léopold avait été d’entamer une purge politique. Il lui serait impossible de maintenir l’ordre maintenant.

« N’attendent-ils pas l’armée du Royaume Papal de Frantz ? » demanda l’un des Essaims Éventreurs.

Les pensées de chaque Essaim individuel étaient transmises par la conscience collective, et leurs paroles étaient généralement assez brèves. Selon le collectif, ils venaient de terminer l’annihilation des 150 000 soldats.

« C’est possible. Si le Royaume Papal a reçu l’autorisation d’entrer dans Schtraut, peut-être que les sous-fifres de Léopold divisent leurs forces pour gagner du temps en attendant l’arrivée de l’armée de Frantz. J’imagine que les nobles responsables de ces soldats se trouvent être les rivaux politiques de Léopold… »

Traditionnellement, le duc de Schtraut était choisi par le biais d’une élection. Léopold voyait probablement les autres nobles ayant de l’autorité comme des menaces pour sa réélection. Il avait décidé de les faire taire en les faisant mourir au combat. Plus je pensais à cet homme, plus je le détestais.

« C’est un traître à son propre pays. Il continue à réduire l’armée du Duché et maintenant il la force à se nourrir d’une autre nation pour la protéger. Si le duché place ses affaires militaires entre les mains du Royaume Papal, il sera entièrement soumis à la volonté de Frantz. Quel homme stupide et lâche ! Je ne peux pas m’empêcher de le haïr, et je ne suis même pas de son côté. », déclara Sérignan tout en se hérissant.

« En effet », j’avais fait un signe de tête sinistre.

« Je ne peux pas supporter Leopold. Je n’hésiterais pas à le tuer… et comme par hasard, je le peux. Quoi qu’il en soit, continuez à aller vers l’est, et éliminez l’ennemi au fur et à mesure. Ruinez aussi leurs villes. Les villes qui restent appartiennent aux nobles qui ont détruit Marine, donc pas besoin de leur montrer de la pitié. Transformez leurs citoyens en boulettes de viande et ramassez tout leur or. Nous devons débloquer de nouvelles structures. »

Nous approchions rapidement du cœur de Schtraut. Les routes bien pavées du pays du commerce facilitèrent notre marche. Nous avons construit des Base d’Opération Avancée près des lignes de front en cours de route. Nos objectifs étaient simples : déverser sur les villes ennemies une vague d’essaims d’éventreurs, réduire les citoyens en boulettes de viande, et rassembler tout leur or.

Un, deux, un, deux.

Même sans tambour et sans fifre pour nous donner le rythme, nous avions continué à avancer. Finalement, les murs de la première ville étaient apparus. J’avais ordonné à l’essaim Mascarade qui y était stationné de faire sauter les portes. En plus du mimésis, l’Essaim Mascarade avait aussi une capacité spéciale d’autodestruction. L’explosion qui en résultait créait un trou assez large pour que nous puissions le traverser.

« Dieu, oh, Dieu de la Lumière ! S’il vous plaît, délivrez-nous de ce mal ! », s’écria un des soldats qui gardaient les portes.

Le reste de ses camarades récitèrent également des prières, terrifiées.

Prier ne vous mènera nulle part. Cherchez dans le monde entier, mais vous ne trouverez pas Dieu.

Leur foi ne signifiait rien. Elle ne leur évitera pas d’être écrasés sous nos pieds.

Une légion d’Essaims Éventreurs s’était précipitée dans la ville. Ils grimpèrent sur les remparts, tuant les soldats qui tentaient de les viser avec des balistes. Les mages avaient également été rapidement retrouvés et exterminés. Je n’avais pas oublié la fois où Sérignan avait été repoussée par une vague de magie sous mes yeux.

« Votre Majesté, quels sont vos ordres ? »

« Les mêmes que d’habitude. Écrasez-les. Détruisez-les. »

Les envahir.

Les essaims s’étaient répandus dans les rues de la ville, tuant aveuglément tous ceux qu’ils rencontraient, qu’ils soient soldats ou civils. Une partie de moi se demandait si c’était la bonne chose à faire.

« N’oubliez jamais votre cœur humain. »

La voix de cette fille résonnait dans mon esprit. Avais-je perdu ma sensibilité humaine ? Avais-je fait quelque chose que ma nature humaine m’interdisait ? Mon cœur était-il devenu le cœur d’un monstre ?

« Quelque chose pèse-t-il sur votre esprit, Votre Majesté ? », demanda Sérignan, sentant mon anxiété à travers la conscience collective.

« Juste un peu. Sérignan… Pensez-vous que je suis encore humaine ? »

« Vous êtes humaine, Votre Majesté. Peu importe ce que les autres peuvent dire, ce fait ne changera pas. Cependant, vous êtes toujours la reine de l’Arachnée, celle qui devait nous guider. Vous êtes humaine, mais pas seulement. »

« Je vois. »

Tu dis que je suis toujours humaine, mais je suis à peu près convaincue d’être devenue un monstre maintenant, avec un cœur monstrueux.

Il n’y avait pas cependant lieu de s’attarder sur ce point. Nos mains étaient déjà tachées par l’acte de guerre anormal. La guerre était une chose particulière. Le fait qu’une personne pouvait lâcher une bombe atomique sur des centaines de milliers d’innocents et être saluée comme un héros n’était possible qu’en temps de guerre. J’étais moi-même profondément investie dans la guerre, alors peut-être que le fait de devenir folle était assez logique en soi.

Pour mettre fin à cette guerre et me venger, je détruirais cette ville et toutes les autres que nous rencontrerions. Nous tuerions. Nous ferions nos boulettes de viande. Nous pillerions ce qui restait.

Tout cela pour mettre fin à la lutte pour le duché de Schtraut et pour permettre à l’Arachnée de vivre en paix. Je devais être prête à massacrer, mais ce n’était pas sans signification. Même si je perdais mon cœur humain, l’Arachnée m’accepterait. Et tant qu’ils me donnaient une place à laquelle j’appartenais, j’étais heureuse.

Mais j’avais eu le sentiment de m’éloigner du Japon et du monde que j’appelais vraiment mon chez-moi. Je sentais que si je continuais sur cette voie, je ne reviendrais jamais dans mon propre monde. Je ne passerais plus jamais un moment précieux avec mes amis ou ma famille. Cette pensée m’avait laissé une pointe de solitude dans le cœur.

☆☆☆**

« Léopold ! »

Roland traversait la résidence du duc à Doris, la capitale de Schtraut.

« Où est Léopold !? », s’écria-t-il, en prenant au collet un domestique du coin.

« Euh, Sa Grâce se repose au deuxième étage », dit le serviteur en s’étouffant.

« Allongé dans un moment pareil… », dit Roland avec amertume.

Il monta l’escalier à la recherche de son frère. Le bureau et la chambre du duc se trouvaient au deuxième étage. Roland vérifia d’abord sa chambre.

« Léopold ! » dit-il en ouvrant la porte sans prendre la peine de frapper.

« Qu’y a-t-il, Roland ? »

Léopold se reposait en effet. Il était entouré de plusieurs prostituées et d’innombrables bouteilles d’alcool, discutant avec quelques autres hommes. Ce n’est certainement pas ainsi qu’on voudrait trouver un homme politique en temps de guerre. Si les habitants de Schtraut apprenaient cela, cela pourrait facilement déclencher une révolte.

« Qu’est-ce que je veux ? Léopold, as-tu une idée de ce qui arrive à notre pays ? Une armée de monstres nous arrive de l’ouest, et l’armée des nobles est en lambeaux ! Et pourtant tu es juste assis ici à boire avec des putes ? ! »

Enragé, Roland attrapa une bouteille et la jeta par terre. Le verre s’était brisé, et son contenu piquant s’était accumulé sur le sol.

« Qu’est-ce qui te rend si nerveux, mon cher Roland ? L’armée de la noblesse a été un peu réduite, c’est tout. Même si elle est anéantie, notre victoire est assurée. Nous avons après tout nos fidèles alliés de la Royauté Papale ! » dit Leopold, en ouvrant une nouvelle bouteille pour servir un verre à l’un des hommes.

Les hommes qu’il divertissait étaient des officiers du Royaume Papal de Frantz. Leur armée était stationnée juste à l’extérieur de la frontière nationale, prête à passer sur le territoire du duché dès que l’ordre serait donné. La seule raison pour laquelle ils n’avaient pas encore franchi la frontière était que Léopold voulait permettre à l’Arachnée de blesser les autres nobles en détruisant leur armée collective.

« Alors, dis à nos alliés de venir nous aider ! Nos lignes de front sont sur le point de s’effondrer, et nos villes tombent les unes après les autres ! As-tu l’intention de régner sur un tas de décombres !? »

« Comment oses-tu ! Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver ce pays ! J’ai posté des soldats supplémentaires dans nos villes, et j’ai ordonné que les villes se trouvant sur le chemin de l’ennemi soient brûlées ! Cela aurait dû ralentir leur progression ! Et pourtant, tu restes là à me critiquer !? »

« Et je dis que tout ce que tu as fait était absolument inutile ! Notre ennemi est déjà au plus profond du territoire du Duché ! Bientôt, ils vont percer nos maigres défenses et s’enfoncer encore plus profondément ! Pensais-tu vraiment que la tactique de la terre brûlée fonctionnerait contre les monstres mangeurs d’hommes ? ! »

Ces tactiques de terre brûlée avaient inopinément rendu le chef de l’ennemi comateux pendant quelques jours, mais elles ne pouvaient pas ralentir l’Arachnée. Non seulement l’Essaim n’avait pas besoin de nourriture, mais ils avaient même utilisé la chair des cadavres trouvés dans les villes incendiées pour créer plus de ressources. Tout ce que Léopold avait fait, c’était de provoquer la colère de leur reine.

« Tu dis que mes stratagèmes n’ont eu aucun effet… ? »

« Autant que je puisse voir, rien n’a changé pour le mieux. »

« Alors nous n’avons pas d’autre choix que de nous appuyer sur l’armée de la Royauté Papale », dit Leopold avec amertume.

Il se tourna alors vers l’un des officiers.

« À partir de maintenant, vous avez mon accord pour traverser la frontière. S’il vous plaît, commencez votre marche. »

« Cela prendra à notre armée environ deux semaines. Est-ce acceptable ? »

« Quoi ? »

Léopold était devenu livide.

« Pourquoi ça vous prendrait autant de temps ? ! Vous devez venir à notre secours immédiatement ! »

« Nos soldats ont attendu à la frontière tout ce temps. Il faudra un certain temps pour démanteler leurs campements et préparer les provisions pour la marche. J’ai bien peur que ce soient des mesures que nous devons prendre. »

Il y avait une part de vérité dans les paroles de l’officier. L’armée du Royaume Papal était fatiguée d’avoir passé si longtemps dans les camps frontaliers, et il lui faudrait du temps pour se réorganiser. Au total, il faudrait environ une semaine aux soldats pour se préparer.

Mais ce n’était pas bien sur l’entière vérité. Les officiers attendaient également que le duché de Schtraut s’effondre pour pouvoir intervenir et l’incorporer dans le Royaume Papal.

« Je vous ai dit que faire autant confiance à une armée étrangère était une erreur », déclara Roland en soupirant.

« Ah, j’avais presque oublié… Seigneur Roland, vous allez devenir un paladin », dit un des autres officiers.

« À la lumière de votre esprit courageux et de votre service au peuple, Sa Sainteté a décidé de vous accorder cet honneur. Nous espérons que vous continuerez à vous battre d’une manière digne de ce titre. »

« Vous voulez que je devienne paladin pour vous faire gagner du temps ? »

Frantz voulait affaiblir le duché pour qu’il puisse prendre le pouvoir, mais le Royaume Papal ne cherchait pas à acquérir un pays qui avait été complètement détruit, il fallait au moins qu’il vaille la peine d’être pris. Pour cela, ils avaient élevé Roland au rang de paladin afin de remonter le moral. Naturellement, cette décision avait été prise dans l’intérêt de Franz lui-même.

« Bien. J’accepte. »

« Splendide. Prenez ça, alors. Normalement, Sa Sainteté vous le donnerait elle-même, mais les circonstances actuelles font que cette tâche me revient. »

L’officier qui avait parlé fixa sur la poitrine de Roland une médaille portant l’insigne des Chevaliers de Sainte-Agniya.

« Il n’y a rien pour moi ? », demanda Léopold, mécontent.

« Si nous gagnons cette bataille, vous recevrez aussi des honneurs, Votre Grâce. »

« En supposant que nous vivions aussi longtemps. Ils chargent vers Doris à une vitesse folle. Je suggère que vos amis de Frantz quittent cet endroit, à moins qu’ils ne cherchent aussi à être mis en pièces. », dit Roland sèchement.

Les officiers de Frantz regardaient Roland avec mépris, mais ils n’étaient certainement pas intéressés par un affrontement avec les lignes de front de l’ennemi.

« Je vais aller à la rencontre de leur armée avec nos meilleurs soldats. La cavalerie, tous. Des objections ? », demanda Roland à son frère.

« Fais ce que tu veux », dit Leopold tout en versant son énième verre.

« Que la victoire soit sur nous », murmura Roland.

Sur ce, il se mit en route pour donner ses ordres aux troupes.

***

Chapitre 9 : La cavalerie

Ce jour-là, la bataille avait été un événement qu’aucun d’entre nous n’oubliera jamais.

« La cavalerie de l’ennemi est en route ? », avais-je demandé.

« Oui, Votre Majesté. Un groupe de vingt-cinq mille cavaliers. Ils semblent vouloir s’opposer à nous ici. »

« Hmm. Ils essaient donc de mener ce combat… »

Pour une raison quelconque, le rapport de l’Éventreur m’avait donné une impression de déjà vu.

N’avais-je pas déjà vu quelque chose comme ça avant ?

« Eh bien, c’est bon. Je vais penser à une contre-mesure. Mobiliser les Essaims Travailleurs. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

J’étais sûre de pouvoir gérer la cavalerie. L’Arachnée n’avait pas d’unités montées, une joueuse d’Arachnée devait donc utiliser sa tête si elle voulait s’en occuper. C’était le moment de montrer les stratégies sur lesquelles j’avais travaillé.

« Vous suivez les mouvements de l’ennemi ? », lui avais-je demandé.

« Nous avons des essaims Fouilleur déployés autour du périmètre, fonctionnant comme des éclaireurs. D’après leurs observations, nous savons que la cavalerie se déplace rapidement le long de la route principale et avance sur notre position. »

Hmm. Vous nous chargez à fond, hein ?

La charge d’un cavalier était menaçante. Je n’avais pas l’intention de les sous-estimer.

« Mes ordres ont-ils atteint les Essaims Travailleurs ? »

« Oui, Votre Majesté. Les Essaims Travailleurs ont déjà commencé à travailler selon vos spécifications. »

J’avais donné l’ordre aux Essaims Travailleurs de faire quelque chose pour moi… Quelque chose qui changerait sûrement le cours de la bataille à venir.

« Appelez Sérignan et Lysa pour moi, s’il vous plaît. »

« Compris, Votre Majesté. »

Ces deux filles étaient mes subordonnées les plus précieuses, elles étaient essentielles pour assurer notre victoire.

« Vous nous avez appelés, Votre Majesté ? »

« Au rapport ! »

Cinq minutes plus tard, Sérignan et Lysa étaient arrivées.

« Ah, vous voilà. Saviez-vous que nous avons une armée de cavaliers qui avance sur notre position ? »

« Oui, je l’ai entendu par la conscience collective », acquiesça Sérignan.

« Vous allez jouer un rôle clé pour les intercepter. Votre tâche est simple. Les cavaliers sont problématiques à cause de leur charge, qui est à la fois rapide et puissante. Leur vitesse renforce l’impact de leurs coups. Mais si nous pouvons leur enlever leur élan, ce ne sera plus qu’une infanterie à cheval. »

Dans le jeu, les unités montées étaient rapides et avaient un bonus de charge, mais si vous pouviez réduire leur élan, elles étaient faciles à vaincre.

« La marche jusqu’à présent a réduit nos forces à seulement cinquante mille soldats, mais cela devrait être plus que suffisant pour les anéantir. Préparons le spectacle, voulez-vous ? »

Beaucoup d’Essaims Éventreur étaient épuisés. Ils n’étaient pas sortis indemnes de nos dernières batailles, et chaque forteresse ou ville que nous avions occupée nous avait causé des pertes importantes. Leur nombre diminuait plus vite que je ne l’aurais souhaité.

Pour couronner le tout, j’avais dû poster des Essaims Éventreurs dans nos territoires nouvellement occupés pour les défendre et en garder le contrôle. Certains soldats ennemis pourraient essayer de contourner notre armée principale et de frapper les zones que nous avions conquises, il était donc absolument nécessaire de laisser une garnison dans ces territoires.

Nous nous préparions bien sûr à créer de nouveaux essaims, mais nous travaillions aussi sur quelque chose d’entièrement différent. Si je pouvais rassembler un nombre suffisant de soldats, notre nouvelle unité renverserait bientôt la guerre. Je m’en réjouissais.

« Il y a quelques moyens de ralentir un cavalier. D’une part, nous pourrions créer une sorte d’obstacle, mettre des obstacles que les chevaux ne peuvent pas contourner ou franchir les obligerait à s’arrêter. D’autre part, nous pourrions rencontrer leur charge avec un plus grand nombre de soldats et les réduire. »

Les méthodes que j’avais énumérées étaient des tactiques anti-cavalerie assez orthodoxes.

« Je vois. Quel chemin allons-nous prendre, Votre Majesté ? », demanda Sérignan.

« C’est simple. Je vais faire de vous des obstacles. De grands obstacles que l’ennemi ne pourra jamais franchir. », lui dis-je en souriant.

 

☆☆☆

« Messieurs ! Il est temps de détruire les envahisseurs qui violent notre terre ! »

Roland était en train de rallier les 25 000 cavaliers, sa médaille de paladin brillait sur sa poitrine.

« Ne vous y trompez pas, notre ennemi est puissant. L’armée des nobles a essayé de les tenir à distance, mais ces soldats ont été massacrés par l’ennemi. Nous sommes maintenant la seule force capable de défendre ce pays. L’armée du Royaume Papal de Frantz n’arrivera pas assez vite. À ce rythme, Doris va tomber et ses citoyens seront massacrés. Un sort terrible s’abattra sur vos amis, votre famille et vos proches. »

En réponse, les cavaliers rugirent de colère.

« C’est vrai, mes frères ! Nous devrions être en colère ! Transformez votre rage en arme et utilisez-la pour abattre vos ennemis ! Nous sommes les guerriers les plus puissants du continent, sans égal en termes de compétences et de bravoure ! Le bruit de nos sabots fera trembler le cœur de nos ennemis ! Notre charge les fera fuir comme les araignées qu’ils sont ! »

Malgré tout son zèle, Roland ne croyait pas un mot de ce qu’il disait. Il savait que les cavaliers les plus forts du continent étaient les Cavaliers du Cheval Noir de l’Empire de Nyrnal, et il n’avait rien entendu qui puisse suggérer que les Arachnées étaient même capables de craindre. Ils prenaient toujours tout d’assaut comme des berserkers et se battaient jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Quoi qu’il en soit, il tissa mensonge après mensonge dans son discours afin d’inspirer ses hommes.

« Nous allons capturer leur chef, la Reine infernale de l’Arachnée ! Sans leur reine, les envahisseurs ne seront que des monstres. Alors que la chasse aux monstres est normalement le travail d’un aventurier, ils tremblent tous actuellement sous les tétons de l’Union des Syndicats de l’Est, nous devrons faire leur travail à la place. »

Les mots de Roland provoquèrent un petit rire chez les soldats. Les aventuriers n’étaient en aucun cas des mercenaires. Ils avaient tous rapidement fui le duché lorsqu’il était devenu évident que celui-ci allait devenir un champ de bataille. Maintenant, ils se cachaient tous dans l’Union des Syndicats de l’Est, qui se trouvait entre l’Empire de Nyrnal et le Royaume Papal de Frantz. Là-bas, l’influence de la guilde était forte.

Mais le fait qu’ils se soient échappés était naturel, car même les aventuriers innocents n’étaient pas à l’abri de la purge politique de Léopold. La reine de l’Arachnée l’avait vu de ses propres yeux lorsqu’elle avait visité les ruines de Marine. Ces quelques aventuriers qui avaient décidé de fuir avaient perdu tout amour ou toute loyauté pour le duché de Schtraut et avaient fui pour sauver leur vie.

« Nous allons écraser l’ennemi ! Une fois que nous aurons capturé leur chef, nous mettrons fin à l’invasion ! Nous serons victorieux ! »

« Yeaaahhh ! » acclamèrent les 25 000 cavaliers, en faisant s’entrecroiser leurs armes.

« Nos éclaireurs disent que la forteresse de l’Arachnée est située dans le village au-delà de cette route étroite. Il ne fait aucun doute que l’ennemi nous attend, mais nous sommes le dernier espoir du duché. Gardez cela à l’esprit ! »

Tout ce qui restait des forces militaires de Schtraut était la garnison défensive de Doris et ce groupe de cavaliers. Mais comme Doris n’avait pas les moyens de déployer la garnison, la seule véritable force offensive était la cavalerie. À ce stade, Roland ne comptait pas du tout sur les renforts de Frantz.

« Allons-y, messieurs ! Gloire au duché de Schtraut ! »

« Gloire au duché de Schtraut ! »

Ainsi, la cavalerie se mit à attaquer. Elle s’était avancée en évitant ou en franchissant les obstacles qui se trouvaient sur son chemin. La mobilité était le point fort de la cavalerie, et Roland en avait profité pour percer habilement les défenses extérieures de l’Arachnée et entrer par les portes arrière. Ses cavaliers se précipitèrent au cœur du village.

Quelques minutes plus tard, ils atteignirent une route étroite située entre deux falaises abruptes.

« Ils devraient être au bout de cette route ! », cria Roland.

« Monsieur ! Nous avons terminé notre reconnaissance », dit un cavalier tout en montant vers Roland.

« Bon travail. Quelle est la situation ? »

« L’ennemi nous attend, et ils sont en état d’alerte. Il y a trente mille insectes là-haut, en formation de ligne. Ils bloquent complètement le chemin vers leur forteresse. »

« Merci. Bon travail. Messieurs ! Préparez-vous à charger ! Nous allons piétiner l’ennemi ! Vous êtes prêts ? ! »

« Gloire à la mère patrie ! »

« Chaaaargezzzz ! »

L’ensemble des 25 000 cavaliers galopèrent sur la route, avec Roland à la tête de la charge.

« Ennemi en vue ! Ennemi en vue ! »

Comme on l’avait dit, la fin de la route grouillait d’insectes géants.

« Oubliez ça ! Continuez à avancer ! », cria Roland. Il utilisa sa lance pour courir à travers les insectes au centre de l’armée de l’Arachnée. Les Essaims Éventreurs furent transpercés par des armes et écrasés sous les sabots du cheval alors qu’ils avançaient eux aussi.

« Aaaaah ! »

Mais alors que Roland avançait, il entendit soudain des cris des deux côtés de la cavalerie.

« Quoi ? Ce sont des pièges ? ! Où les ont-ils cachés ? ! »

Il s’était avéré que des obstacles anti-cavalerie étaient dressés sur les deux flancs de la formation des essaims. Des pointes d’arbres aiguisées sortaient du sol comme des piquants de porc-épic. Les chevaux étaient effrayés par les objets et s’arrêtaient dans leur course, ce qui poussait les Essaims Éventreurs à se jeter sur les cavaliers et à les mettre en pièces.

Les cavaliers qui se trouvaient derrière les lignes de front finirent par entrer en collision avec ceux qui s’étaient arrêtés. Leurs chevaux trébuchèrent sur les piques, pour ensuite basculer et se retrouver embrochés. Les piques avaient été bien cachées. Des Essaims Éventreurs s’étaient placés devant eux de chaque côté afin de les dissimuler. Les cavaliers avaient chargé directement sur les Essaims, mordant dans l’appât.

« Zut, ils ont touché nos deux flancs ! Mais nous pouvons encore percer le front ! » cria Roland, en poussant son cheval vers l’avant.

Le chemin de Roland était jonché de cadavres d’Essaim Éventreur, que ses hommes piétinaient en suivant son exemple. Bien que leurs flancs gauche et droit aient péri, les soldats restants saisirent leurs lances et leurs sabres avec ferveur.

« Encore un peu, les hommes ! On a presque fini ! »

La réserve de l’armée des Essaims Éventreurs était en vue, ils avaient presque atteint la forteresse de l’Arachnée.

« Vous n’irez pas plus loin ! »

Quand soudainement, un monstre ayant la moitié inférieure d’un insecte et la moitié supérieure d’une belle femme se tenait sur son chemin.

« Dégagez le chemin ! », cria Roland.

« Je refuse ! Maintenant, faites demi-tour ou mourrez ! », dit Sérignan tout en brandissant son épée noire.

« Si vous ne bougez pas, nous devrons utiliser la force ! »

Roland poussa sa lance en avant.

« Essayez, si vous le pouvez ! Bientôt, vous serez à genoux sous le poids de votre impuissance ! » Sérignan s’élança alors vers le paladin.

D’un seul coup d’épée, elle transperça l’armure de Roland ainsi que son abdomen. Le sang jaillit de la blessure alors qu’il glissait de son cheval et tombait sur le sol.

« Qui est le prochain !? »

Sérignan n’était pas seulement là pour combattre Roland, mais aussi les nombreux cavaliers qui l’accompagnaient. Son épée sainte corrompue filait dans les airs, tranchant gracieusement par-ci par-là. Alors qu’elle dansait autour de ses ennemis, elle fauchait leurs vies les unes après les autres.

« C’est parti ! »

Lysa, qui se tenait derrière Sérignan, commença à utiliser son arc long pour abattre les cavaliers restants.

Ses victimes tombèrent au sol, des flèches dans la tête, puis furent écrasées par leurs propres chevaux mourants.

« Essayons-nous encore de percer !? »

« C’est inutile ! Nous devons nous replier ! On se replie ! »

Les cavaliers restants avaient perdu leur combativité et essayaient maintenant de s’échapper, mais il était bien trop tard. Les crocs et les faux des Essaims Éventreurs les déchiquetaient durant ce combat, lacérant les chevaux et faisant de leurs cavaliers de la viande hachée.

« Retraite ! »

« Mais qu’en est-il du Seigneur Roland !? »

Quelques cavaliers qui avaient été retenus par les piques ont commencé à fuir.

« Qui se soucie de lui ? ! Nos vies sont plus importantes en ce moment ! »

Mais avant qu’ils ne puissent aller quelque part, d’autres Essaims Éventreurs descendirent des falaises. Ils arrachèrent les cavaliers de leurs montures et les mirent en pièces.

« C’est donc ici que ça s’arrête… » dit Roland, tout en tenant son estomac qui saignait.

« Oh, c’est donc toi qui es responsable de toute cette affaire », dit une voix derrière lui.

C’était la fille qu’il avait rencontrée pendant la fête, Grevillea.

« Vous… Je vous ai rencontrée à Marine… »

« C’est vrai. Tu m’as donné un coup de main à l’époque. »

« Non… Ne me dites pas que vous êtes la reine de l’Arachnée… »

« Désolée, mon pote, mais c’est précisément ce que je suis », dit-elle en haussant les épaules.

Le geste était presque comique, vu la situation.

« Sérignan, appliquez une pression sur sa blessure. Il a des informations dont nous avons besoin, nous ne pouvons donc pas le laisser mourir ici. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Sur l’ordre de la reine Grevillea, Sérignan stoppa l’hémorragie de Roland.

« Dis-moi, le duc Sharon est-il toujours vivant ? », demanda Grevillea.

« Léopold l’a tué. Tout comme il a tué tous ceux qui s’opposaient à lui, pour qu’il soit le seul à avoir du pouvoir. »

« Pensez-vous que ce que votre frère a fait était une erreur ? »

« Je le pense. Il est dans l’erreur ici. Il joue le rôle d’un despote qui croit au Royaume Papal, mais au final, ils lui ont tourné le dos. Si seulement nous ne l’avions pas écouté et mis en accusation César de Sharon, nous serions bien mieux maintenant… »

Roland fut soudainement assailli par une quinte de toux. Du sang s’écoulait du coin de sa bouche.

« Je sens du venin dans tes paroles. Détestes-tu Leopold ? »

« Je le déteste… Je le déteste », sifflait Roland dont sa voix était pleine de haine.

« Léopold a réduit le duché en cendres, et il va probablement s’enfuir pour ne pas avoir à en subir les conséquences. Comment pourrais-je ne pas le haïr pour cela !? J’aime ce pays ! Je voulais le voir s’épanouir ! Mais Leopold a tout gâché ! Personne ne peut plus remettre sur pied cette nation brisée ! »

Ses épaules s’étaient affaissées.

« Comment vous sentiriez-vous si je vous disais que vous pouvez encore vous battre pour Schtraut ? », demanda la reine.

« Me battre ? Avec ces blessures ? C’est impossible. »

« Là où il y a une volonté, il y a un moyen. Un moyen pour toi de te venger de ton frère pour ce qu’il a fait à ton pays. »

Les lèvres de Grevillea s’enroulèrent en un sourire sournois.

***

Chapitre 10 : Le monstre appelé la mer

Partie 1

Chacun des 25 000 cavaliers qui avaient accompagné Roland de Lorraine avait été massacré.

Cette nouvelle choqua Léopold au plus haut point. Il était persuadé que la cavalerie allait renverser le cours de cette guerre en sa faveur. Même s’ils n’avaient servi que de pions, il s’attendait au moins à ce qu’ils repoussent l’invasion et à ce qu’ils gagnent du temps pour les renforts de Frantz. Mais ils n’y étaient pas parvenus : les éclaireurs de Léopold venaient de signaler que l’armée des monstres continuait d’avancer vers Doris.

« Votre Grâce ! Que devons-nous faire ? ! »

« Notre garnison sera-t-elle capable de les retenir ? ! »

Argh… J’ai mal à la tête, pensa Leopold. Mais ce n’est pas l’alcool. Ça doit être le stress…

« Taisez-vous ! Laissez les généraux s’en occuper ! », cria-t-il en claquant son poing sur la table.

« Comme c’est irresponsable ! »

« Ils ne tiendront pas le front tant que les renforts de Frantz n’arriveront pas… »

Les membres du Congrès survivants étaient unanimement opposés à son attitude.

« Taisez-vous ! Sortez d’ici immédiatement, ou je vous fais tous pendre ! », rugit Leopold.

Après cela, les hommes avaient été forcés de quitter sa résidence.

« Merde ! Merde ! Pourquoi rien ne va-t-il dans ma direction ? ! Où me suis-je trompé ? ! »

La vie de Léopold n’avait été qu’une suite d’échecs jusqu’à ce jour. Il n’avait pas réussi à gérer l’entreprise familiale et avait dû dépendre de son jeune frère. Dès que Roland avait pris la relève, tout s’était soudainement amélioré et tout le monde l’avait considéré comme le propriétaire légitime de l’entreprise… Malgré le fait que Léopold était l’héritier légitime et légal.

Sa vie de couple ne s’était pas non plus déroulée sans heurts. Dès qu’il avait été marié, il s’était mis à courir après d’autres femmes, provoquant la colère de sa nouvelle épouse et de sa famille. Alors qu’il avait réussi à les faire taire avec de l’argent, il avait été forcé de divorcer de sa femme. Très vite, ses relations avec ses maîtresses s’étaient également détériorées.

Et maintenant, ceci.

Il avait réussi d’une manière ou d’une autre à chasser sa némésis de son poste et à prendre la place de César. Il avait même fait pendre l’homme. Mais ensuite, les monstres avaient commencé à affluer de l’ouest et à piétiner ses villes, et ils se rapprochaient maintenant de plus en plus de Doris.

Sa dernière lueur d’espoir avait été le Royaume Papal de Frantz, mais ils avaient effectivement abandonné le duché et l’avaient laissé à son sort. Pas une seule des troupes de Frantz n’avait encore franchi la frontière, leur dernier rapport disait seulement qu’ils s’apprêtaient à partir.

Rien ne s’était jamais bien passé pour Leopold. Tous ses efforts s’étaient soldés par un échec.

« Bon sang ! Pourquoi ? Pourquoi est-ce que rien de ce que je fais ne marche jamais ? ! Je sais que j’ai du talent ! Je suis un homme d’affaires compétent, un politicien et un noble ! Alors pourquoi, pourquoi, pourquoi le monde conspire-t-il pour me ruiner ? ! »

Leopold ne voulait pas admettre ses erreurs. Il croyait qu’il avait toujours raison et que tous les autres avaient tort. Ce n’était pas sa faute s’il n’avait pas réussi à diriger l’entreprise, mais celle de Roland qui avait essayé de la lui voler. Son mariage avait échoué non pas à cause de son adultère, mais parce que sa femme était pleine de préjugés et prude.

Naturellement, il attribuait son échec dans cette guerre à de multiples facteurs : les généraux du duché étaient incompétents, les soldats étaient mal entraînés, les officiers avaient choisi la mauvaise stratégie, le Royaume Papal de Frantz n’avait pas envoyé ses renforts comme promis…

Mais peu importe à quel point il avait déplacé la responsabilité, le duché de Schtraut était toujours au bord de l’effondrement, et l’ennemi approchait toujours. Leopold avait ordonné à ses généraux de rassembler les troupes restantes dans la capitale, mais il ne leur avait donné aucun ordre supplémentaire. À vrai dire, il ne savait pas ce qu’il pouvait faire d’autre.

En serrant les mains, il prit une gorgée de cognac.

« Votre Grâce. »

« Hm ? Oh, euh, bonjour, Sébastien. »

Leopold considéra le personnage qui l’approchait comme un signal.

« Les renforts du Royaume Papal sont-ils enfin arrivés ? »

Celui qui l’avait approché était un maréchal de l’armée du nom de Sébastien de Silhouette.

« Mes excuses, Votre Grâce… Ils ne sont pas là. »

« Bon sang ! Maudits soient ces chiens de Frantz ! »

Sébastien était un soldat expérimenté qui avait servi le duché pendant de nombreuses années. Leopold avait laissé à Doris le soin de définir sa stratégie de défense, ce qui en faisait le plus haut commandant de la capitale.

« Combien d’hommes envoient-ils ? », demanda Sébastien.

« Je ne sais pas. Ces fichus charlatans ne voulaient pas le préciser. Je leur faisais confiance, et ils nous ont trahis. »

« Alors nous n’avons pas d’autre choix que de défendre la ville et de forcer l’ennemi à nous assiéger. Heureusement, comme Doris est sur la côte, nous pouvons nous faire livrer des vivres à tout moment. Nous pourrions tenir cette position indéfiniment. »

« Mais ces monstres ont détruit les autres villes si rapidement. Pensez-vous vraiment que nous pourrons les tenir à distance ? »

« C’est possible, Votre Grâce. Grâce à la topographie de Doris. »

« Hm… ? »

Étant une ville côtière, Doris avait un grand port et un chantier naval, et elle servait de centre économique.

« Doris est essentiellement une île. Son seul lien avec le reste du continent est le grand pont de Poitier. Si nous détruisons le pont, les monstres ne devraient pas pouvoir entrer dans la ville. »

« Oui… Oui, c’est bien ça ! Peu importe le nombre de monstres, ils ne peuvent pas traverser les rivières ou les mers. S’ils le pouvaient, ils auraient déjà attaqué Nyrnal. Le fait qu’ils ne l’aient pas fait signifie que nous pouvons protéger Doris ! »

Le pont de Poitier était généralement plein de piétons et de caravanes de commerçants, mais il était fermé et dépourvu de piétons en temps de guerre.

« Mais est-ce que ce ne sera pas difficile de démolir le pont ? Même nos mages ne seraient pas capables de le détruire complètement. »

« Cela prendrait du temps, oui, mais cela rendrait l’invasion de l’ennemi beaucoup plus difficile. Si nous ne le faisons pas, je ne doute pas que l’ennemi essaiera de traverser. »

Ce pont était une structure extrêmement durable, aucun explosif connu ne pouvait y mettre une fissure. Leopold avait du mal à croire que leurs mages seraient capables de faire beaucoup de dégâts. Pourtant, l’ennemi devait traverser le pont pour les atteindre. C’était le seul moyen d’entrer dans Doris par voie terrestre.

« Si nous rassemblons nos forces sur le pont, nous pouvons tenir les monstres à distance avec des tirs de baliste et des attaques magiques tout en gardant les portes fermées. Ce faisant, nous pourrons tenir le front. Aussi grand que soit le pont, il limite le nombre de monstres qui peuvent le traverser à tout moment. »

Le pont de Poitier avait la largeur de cinq Essaims Éventreurs. Le maréchal y voyait une chance de forcer les essaims à s’engouffrer dans un goulot d’étranglement, puis la pluie les attaquerait — ainsi que le pont lui-même — avant qu’ils ne puissent atteindre les murs de la ville.

« Je vois ! C’est une idée splendide ! », s’exclama Léopold, croyant que c’était le chemin de la victoire.

« Positionnez notre armée sur le pont et faites-les frapper l’ennemi avec tout ce qu’ils ont ! Mettez aussi des ballasts sur le pont ! »

« Un moment, Votre Grâce. Nous devons tenir compte de toutes les éventualités possibles. Rassembler toutes nos troupes sur le pont serait dangereux, nous devrions laisser au moins quelques hommes à l’intérieur de la ville. »

« Sébastien, comment pourraient-ils entrer dans la ville autrement ? Pensez-vous que ces monstres peuvent marcher sur l’eau ? Ou qu’ils ont des bateaux ? Impossible. Leur seul moyen d’entrer dans Doris est de traverser ce pont. Maintenant, foncez, si vous le voulez bien. J’enverrai des éclaireurs plus tard pour confirmer que tout le monde est rassemblé sur le pont de Poitier. »

« Comme vous le souhaitez, Votre Grâce. »

Léopold commençait déjà à agir comme si cette opération avait été son idée. Il s’était presque convaincu qu’il était un sauveur capable de délivrer Doris de cette crise.

Sébastien, en revanche, était consterné, car sa seule stratégie — et la ville elle-même — était désormais en danger. Après un salut en direction du duc, il partit rassembler les soldats.

« Oui. Oui. Je peux gagner… et je le ferai. Cette fois, je vais réussir ! »

Leopold ouvrit une nouvelle bouteille de brandy très cher pour célébrer sa victoire imminente, remplissant son verre à ras bord.

☆☆☆**

« Alors c’est à ça que ressemble Doris », m’étais-je dit.

Je le savais déjà grâce aux rapports des essaims, mais je pouvais maintenant voir de mes propres yeux que Doris était comme une forteresse flottante sur la mer. La saisir ne serait pas une tâche facile. Il suffirait de se précipiter sur leur pont et de franchir leurs portes pour recevoir un accueil… très chaleureux. Cela porterait sans doute un coup fatal à mes forces, et notre assaut se solderait par un échec.

Mais il n’y avait pas d’autre moyen d’entrer dans la capitale. Le pont était la seule route reliant Doris au reste du continent. Dans toutes les autres directions, la ville n’était entourée que par la mer.

« Que devons-nous faire, Sérignan ? », lui avais-je demandé.

« Mes excuses, Votre Majesté, mais je ne peux pas le dire. Si seulement nous pouvions utiliser des bateaux, nous pourrions naviguer dans la ville. Mais l’Essaim ne peut pas utiliser un navire, et moi non plus. Il semble que forcer la traversée du pont soit notre seul moyen d’entrer, non ? »

C’est vrai, l’essaim ne peut pas utiliser de navires. Ils n’avaient aucun moyen de traverser les rivières ou les mers. Dans le jeu, les paramètres avaient rendu cette faiblesse assez insignifiante. La réalité, malheureusement, n’avait pas été aussi bonne pour nous.

« Alors, votre casse-tête réside dans votre incapacité à faire fonctionner les navires ? » dit la voix d’un jeune homme à nos côtés.

« C’est vrai, Roland. Les navires nous permettraient de conquérir cette île avec un minimum de pertes. Mais ce n’est qu’un rêve pour nous. »

Je parlais à Roland, le nouveau Roland, que j’avais transformé en Essaim. Il était maintenant le chevalier Essaim Roland, comme je l’avais baptisé. Tout comme Lysa, il avait la moitié inférieure d’un insecte et une queue qui cachait un dard venimeux. Sa principale différence avec Lysa, cependant, était qu’il avait aussi une autre paire de pattes instables qui poussaient sur ses flancs. Ces jambes avaient des griffes géantes, et elles étaient aussi flexibles que les bras humains.

« Pourquoi ne pas engager des marins pour conduire les bateaux à votre place ? » lui proposa Roland.

« Malheureusement, toutes les villes de la côte ont été détruites par l’armée de ce stupide noble. Il n’y a plus personne en vie que nous pourrions engager. »

« Alors peut-être que je peux essayer. »

« Quoi ? »

Je l’avais regardé.

« Sais-tu comment réquisitionner un navire ? »

« J’ai déjà essayé. J’ai dû naviguer plusieurs fois en aidant Leopold dans l’entreprise familiale, donc je ne suis pas étranger à la mer. Je devrais être capable d’en gérer un assez bien, en supposant qu’une tempête n’éclate pas. »

Eh bien, n’ai-je pas touché le jackpot ?

En plus d’être un chevalier habile et de bonne humeur, Roland pourrait même naviguer sur un navire.

Comme il est polyvalent ! Je pourrais apprendre une chose ou deux de lui.

« Roland, je veux que tu essaies de faire fonctionner un vaisseau pour que la connaissance circule dans la conscience collective. De cette façon, le reste de l’essaim apprendra aussi à le faire. »

« Selon votre désir, Votre Majesté. Nous allons rassembler les navires des villes côtières et faire en sorte qu’une force d’Essaims se prépare à attaquer Doris. »

Sur ce, Roland monta sur son cheval et s’envola.

« Peut-on vraiment lui faire confiance, Votre Majesté ? », demanda Sérignan, qui le regardait avec suspicion.

« Bien sûr que nous le pouvons. Il ne nous trahira pas. Ne peux-tu pas dire à quel point sa haine est intense à travers la conscience collective ? Moi, je le peux. Il veut régler ses comptes avec son idiot de frère. Il n’arrêtera pas tant que Leopold ne sera pas mort et que le Royaume Papal de Frantz ne sera pas en ruine. »

« Je peux sentir sa haine, oui, mais… »

Les émotions émises par Roland étaient toutes négatives : haine, trahison et rage bouillonnaient. Il détestait Léopold et le Royaume Papal pour avoir conduit son pays à la ruine. Nous avions ces deux ennemis en commun maintenant, j’avais donc cru que nous pouvions lui faire confiance pour nous aider.

« Sérignan, il ne peut pas nous mentir. Nous sommes tous frères et sœurs liés par la conscience collective. Je fais confiance à Roland comme je te fais confiance. »

« De la même façon que vous me faites confiance… ? Hmph. Entre Roland et moi, qui est le plus digne de confiance ? », demanda Sérignan, un soupçon de jalousie dans sa voix.

« Bien sûr que c’est toi. Tu me protèges depuis le début. Tu es mon plus cher chevalier, et j’ai confiance en toi plus que quiconque. », lui répondis-je en faisant un petit sourire.

« Oh, Votre Majesté, je… Je vous suis très reconnaissante ! »

« Oh, voilà de bien grosses larmes. Allons, les chevaliers ne devraient pas brailler pour un rien. »

Pour moi, l’Essaim était comme mes adorables enfants. Cela comprenait tous les essaims Éventreurs qui s’étaient battus pour moi jusqu’à présent, les Essaims Travailleurs qui travaillaient tous les jours pour fabriquer des objets pour notre armée, les Essaims Fouilleurs qui attendaient mes ordres sous terre, les Essaims Mascarades qui travaillaient sous couverture, et Lysa, notre résidente elfe devenu Essaim…

Naturellement, cela impliquait aussi Sérignan. Elle était mon chevalier le plus précieux et irremplaçable.

« D’accord, faisons le plan de notre opération. Le simple fait de surgir avec un tas de navires manque vraiment de finesse. », lui dis-je.

Il était temps de faire tomber la capitale de Schtraut.

***

Partie 2

Au pont de Poitier, juste à la sortie de Doris, tout était étrangement calme. Il était tôt le matin, et le soleil ne s’était pas encore levé. Aucun oiseau ne gazouillait pour remplir l’air, de sorte que le seul son que l’on pouvait entendre était le roulement des vagues qui s’écrasaient contre les falaises.

« L’ennemi arrive, n’est-ce pas ? », demanda un des soldats en garnison à la porte.

« Ils vont venir. C’est la capitale, c’est le seul endroit qu’ils n’oublieront pas. Ils vont certainement nous attaquer, et nous devons les arrêter. C’est à nous de jouer maintenant. », répondit un autre.

On ne savait pas quand l’Arachnée pourrait attaquer. Il y avait des feux allumés sur le pont, fournissant une faible lumière qui léchait les murs de la ville. Les soldats ne pouvaient voir que certaines parties du pont lui-même, et tout le reste était recouvert d’un voile d’obscurité.

Soudain, un claquement métallique inquiétant avait atteint les oreilles des soldats.

« Qu’est-ce que c’était ? »

« Je vais voir. »

Un des sous-officiers utilisa des jumelles pour mieux voir. Et voici ce qu’il vit : une armée massive d’insectes. Ils chargeaient le pont de Poitier en grand nombre, se dirigeant droit vers les portes.

« Ennemi aperçu ! Préparez-vous à les intercepter ! »

Depuis la porte, ils pouvaient voir une armée massive d’Essaims Éventreurs prendre d’assaut le pont comme une grande vague noire. La vue était si terrifiante qu’elle pouvait rendre un homme fou.

« Préparez les ballasts ! »

« Tuez-les avec des arbalètes ! »

Les soldats firent pleuvoir des carreaux sur les essaims d’éventreurs qui arrivaient. Les arcs normaux n’avaient tout simplement pas le pouvoir de pénétration nécessaire pour être utile, les balistes et les arbalètes, en revanche, pouvaient exercer beaucoup plus de force. Les balistes perçaient facilement les exosquelettes des essaims.

« Mages, jetez vos sorts ! Noyez-les dans le feu ! »

Les mages s’étaient installés comme prévu. Ils lancèrent des sorts simples et silencieux, mais aussi des sorts avancés qui nécessitaient des chants pour être exécutés, ce qui fit pleuvoir des boules de feu sur le pont. Les sorts les plus simples ne brûlaient qu’à l’impact, mais les sorts avancés n’étaient pas si simples. Leur feu était adhésif, s’accrochant à la cible comme si elle était couverte d’un liquide inflammable qui brûlait indéfiniment.

Les Essaims Éventreurs tombèrent un à un dans les flammes. Leurs alliés marchaient sans relâche sur leur corps tandis que les flammes continuaient à se propager. En voyant que les Essaims Éventreurs ne craignaient pas le feu, certains mages paniquèrent.

« N’abandonnez pas les attaques ! Ils ont l’intention de nous submerger par leur nombre ! Arrêtez-les quoi qu’il arrive ! »

Cet ordre venait d’un des commandants militaires de Schtraut, qui était responsable du groupe.

Sans prévenir, une explosion retentit de l’intérieur des murs de la ville. La clôture de fortune qu’ils avaient érigée le long de la deuxième ligne de défense des portes avait été détruite et les soldats qui se trouvaient à proximité furent jetés à terre. Certains d’entre eux avaient été mutilés par l’explosion mystérieuse, tandis que d’autres se tortillaient encore péniblement sur le sol, implorant de l’aide.

« Que vient-il de se passer ? », cria le commandant.

« Je ne sais pas, monsieur ! Nous essayons encore de comprendre la situation », s’écria un de ses hommes.

La cause de leur panique était vite devenue évidente. Apparemment, un civil suspect avait couru jusqu’à la clôture et avait explosé au contact. Tous les soldats pris dans l’explosion avaient été projetés à plusieurs mètres de distance. Les ondes de choc rompirent leurs organes internes, et ceux qui étaient encore en vie crachaient maintenant du sang.

« Il y a des saboteurs dans la ville !? »

« Que faisons-nous, monsieur !? »

Cela n’était tout simplement pas possible. Seule la magie avancée pouvait produire une explosion aussi puissante. Il était impensable qu’une personne capable de lancer silencieusement un sort de ce calibre soit utilisée comme chair à canon.

« Pointez vos arbalètes sur les murs ! Surveillez la zone pour détecter les saboteurs ennemis ! »

Alors même que le commandant lançait ces ordres, un groupe de personnes émergea de la ville et traversa la clôture en ruine. Au moment où les arbalètes étaient sur le point de tirer, les têtes des étrangers s’étaient ouvertes, révélant une paire de crocs aiguisés. Des pattes d’insecte éclatèrent de leur dos et leurs propres jambes s’étaient transformées en queues munies de dards. Les cinq monstres se précipitèrent sur les murs avec une rapidité effrayante.

« Qu’est-ce que… !? Qu’est-ce qu’ils sont ? ! Oh, mon Dieu, ce sont des insectes ! Ces monstres peuvent se déguiser en humains ? ! »

La confusion et la terreur brouillaient l’esprit des soldats, et leurs armes manquaient continuellement leurs cibles. Pendant ce temps, les insectes avaient dépassé la clôture et commençaient à s’autodétruire contre les murs. Les remparts tremblaient, faisant presque tomber le commandant et ses hommes à terre. Les robustes portes métalliques de Doris avaient été lourdement endommagées par l’impact, se détachant presque de leurs charnières.

« Les portes intérieures ! », s’était écrié un soldat alors que les portes s’effondraient.

« Calmez-vous, nous avons encore les portes extérieures ! », répondit le commandant.

Doris avait deux jeux de portes pour sa protection. La première était en bois et se trouvait à l’extérieur de la ville. Les portes intérieures étaient faites de métal robuste… et étaient maintenant complètement détruites. Il ne restait plus que les portes en bois. Seraient-elles capables de retenir une armée d’éventreurs ?

« Soyez attentifs aux ennemis à l’intérieur des murs en repoussant l’attaque sur le pont ! L’ennemi essaie de prendre de l’élan ! Si nous ne défendons pas les murs, Doris est finie ! Si la ville tombe, je n’ai pas besoin de vous dire ce qui arrivera à vos familles et à vos proches ! »

À ce moment précis, cependant…

« Monsieur ! »

Un soldat inconnu s’était approché du commandant.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Allez à votre position… »

Avant qu’il n’ait pu finir, le soldat explosa.

Le commandant, qui se tenait à un mètre seulement du soldat, avait été réduit en miettes. Les cris terrifiés des soldats voisins pris dans l’explosion remplirent l’air.

« Bon sang ! Leurs saboteurs se mêlent même à nos soldats ! », maudit l’un des officiers.

« Hé, si l’un d’entre vous détecte des soldats que vous ne reconnaissez pas, signalez-le immédiatement ! Cela pourrait être des espions ennemis ! »

Alors que la bataille faisait rage, le chaos avait rapidement submergé les hommes au sommet des murs. Leopold avait ordonné qu’un nombre important, voire excessif, d’entre eux y soit stationné, et le gros de l’armée de Doris luttait donc pour maintenir l’ordre.

« Battez-vous au nom du Duché ! Arrêtez ces monstres ! »

L’officier qui avait pris la parole juste avant assuma le rôle du commandant mort.

« Ouuuuuuuaaaaaaaaaiiiiiiiiiissssssss ! »

Les soldats répondirent à ses mots d’encouragement par un cri de guerre.

Soit dit en passant, la ruée des Essaims Éventreurs ralentissait — non, elle s’arrêtait complètement. Ils avaient dépassé les restes carbonisés de leurs camarades pour se rapprocher des portes, mais les tirs d’arbalète et de baliste les avaient obligés à s’échapper, puis à battre en retraite.

« Ahaha ! Les monstres s’enfuient ! Bien fait pour vous, cafards ! »

« La victoire est à nous ! »

Les soldats aux portes se réjouissaient à la vue des Essaims Éventreurs qui se repliaient.

« Avons-nous gagné… ? », se demandait l’officier à voix haute.

Après avoir piétiné d’innombrables villes à travers le duché, les Essaims Éventreurs battaient en retraite pour la première fois. L’officier avait du mal à le croire en regardant les monstres s’enfuir. Avaient-ils vraiment gagné ? Oui, c’était forcément le cas. L’ennemi avait accepté la défaite. Les portes avaient subi beaucoup de dégâts, mais au final, elles avaient tenu bon face à l’invasion.

« Nous avons réussi ! Nous avons gagné ! »

« Ouuaaaiiiss ! La victoire est à nous ! »

Les soldats applaudirent, jetant leurs casques et levant leurs arbalètes. Ils étaient ravis, car ils croyaient avoir enfin vaincu ce fléau instable.

Mais la fête n’avait même pas duré cinq minutes.

« Où est votre commandant !? J’ai besoin de lui tout de suite ! »

Sébastien de Silhouette hurla du haut des murs.

« Il est mort dans l’exercice de ses fonctions, monsieur. C’est moi qui suis actuellement le responsable », répondit l’officier.

Sébastien fit un signe de tête.

« Hmm, d’accord. Alors, préparez-vous à entrer dans la ville immédiatement ! Nous devons nous dépêcher ! »

« Que voulez-vous dire, monsieur ? Y a-t-il une émeute ? »

Sébastien soupira.

« Une émeute ? Vous ne comprenez vraiment pas, n’est-ce pas ? Je suppose que je ne peux pas vous blâmer, puisque vous vous êtes battu sur le front jusqu’à présent. Écoutez : c’était une diversion. Ce n’était pas la force principale de l’ennemi, et c’est pourquoi vous avez pu les repousser. L’armée ennemie nous a envahis par la mer, et ils ont actuellement le contrôle du centre-ville. Ils se dirigent par ici en ce moment même. Nous devons les intercepter, d’où l’urgence. Ils sont plus intelligents que nous ne l’aurions jamais imaginé. Tout peut arriver à partir de maintenant. »

« De la mer ? C’est absurde. Comment ont-ils pu traverser ? »

Avant qu’il n’entende la réponse, des cris éclatèrent au loin.

« Le vrai combat est sur le point de commencer. Laissez un petit détachement ici et partez. Maintenant ! »

« O-Oui, monsieur ! »

Les cris devenaient de plus en plus forts alors que l’officier rassemblait ses subordonnés à la hâte. Ils s’armèrent d’armes de mêlée et descendirent des remparts, formant une ligne en se frayant un chemin dans les rues.

« C’est pourquoi je lui ai dit de laisser un peloton dans la ville », chuchota Sébastien en regardant la fumée noire s’élever au loin.

L’Arachnée avait terminé son débarquement et commençait maintenant son saccage. La bataille se déroulait à l’envers, et maintenant les soldats plongeaient vers la défaite.

***

Partie 3

Moins de trente minutes avant le lever du soleil, nous étions montés à bord d’un bateau en bois pour nous rendre à Doris. Roland m’avait dit qu’il avait choisi le meilleur bateau pour nous, mais honnêtement, le voyage avait été assez mouvementé. J’avais tellement le mal de mer que je pensais que je pourrais mourir, et Lysa était aussi assez pâle. Roland et Sérignan étaient les seuls à avoir l’air bien.

Les essaims aussi, bien sûr. J’aimais vraiment mes bébés, mais ils n’avaient aucun moyen de comprendre à quel point je souffrais.

« Nous serons bientôt arrivés », m’avait dit Roland.

« D’accord. Argh… J’ai hâte de retourner sur la terre ferme », lui répondis-je avec lassitude.

J’avais déjà pris le ferry auparavant, mais c’était sans aucun doute la pire croisière que j’ai jamais faite. Le bateau se balançait, grinçait, tremblait et se tordait. C’était comme si tout dans ce navire était conçu pour tuer ses passagers. J’avais l’impression qu’il pouvait chavirer à tout moment, et je ne voulais rien d’autre que de retourner à la douce étreinte de la terre ferme dès que possible.

« Roland, c’est pour bientôt ? »

« Hmm, je dirais environ 30 minutes. »

Pour me distraire, j’accédais à la conscience collective et je confirmais la situation de la bataille sur les murs. Les essaims avaient subi de graves dommages en prenant d’assaut le pont de Poitier. Ils avaient été assaillis par des tirs de balistes et d’arbalètes. Les portes semblaient se profiler de plus en plus loin, mais ils avaient quand même continué à charger.

Je suis désolée. Je suis vraiment désolée de vous avoir utilisé comme des pions jetables dans cette opération. Mais c’est nécessaire pour notre victoire. Pardonnez-moi. En échange, je m’assurerai que nous gagnons.

J’avais pleuré les Essaims Éventreurs et les Essaims Mascarades qui avaient été sacrifiés dans cette bataille, mais j’avais tenu bon au nom de la victoire. Ma nausée s’était un peu calmée, et le sentiment de malaise fit place à une forte envie de réussir.

Je dois gagner quoi qu’il arrive. J’ai déjà fait trop de sacrifices. Perdre davantage n’est pas une option.

J’avais encore des centaines de milliers d’essaims sous mon commandement, mais même là, je m’étais occupée de chaque essaim éventreur. Je ne pouvais pas les laisser mourir en vain.

« Votre Majesté, l’ennemi rassemble ses forces pour défendre les murs », rapporta Sérignan.

« Oui. Les Essaims Éventreurs et les Essaims Mascarades ont donné leur vie pour nous donner cette ouverture. Nous ne pouvons pas la laisser passer. »

« Nous ne le ferons absolument pas. Nos frères ont beaucoup contribué pour assurer notre victoire. »

« Ils l’ont fait, c’est sûr. Quoi qu’il en coûte, nous allons gagner. »

Sérignan et moi étions déterminées à mettre fin à cette guerre.

« Nous atteindrons bientôt la terre ferme, Votre Majesté ! Quand nous y arriverons, ce sera un peu rude ! », cria Roland.

« Je suis habituée maintenant ! Il peut me bousculer autant qu’il le faut ! »

Je lui avais répondu en criant.

Au clair de lune, nous avions vu tous les navires qui naviguaient à côté du nôtre. C’était tous des bateaux en bois que nous avions récupéré dans les ports de Schtraut. Certains étaient si vieux qu’ils semblaient pouvoir couler à tout moment, tandis que d’autres étaient plus récents, mais de taille plus réduite.

Tous ces navires étaient remplis d’essaims éventreurs.

« Les soldats ont tendance à être faibles après avoir navigué, alors j’espère que les Essaims Éventreurs devant la porte feront un bon travail en distrayant le gros de leurs forces. »

Les opérations de débarquement étaient risquées. Nous serions des cibles faciles si l’ennemi prenait position à notre point de débarquement, ils nous anéantiraient avant même que nous le sachions. Ils pourraient aussi simplement frapper nos navires avec de la magie lointaine et nous envoyer dans une tombe aquatique. Mais nous devions faire un acte de foi si nous voulions gagner.

« Cinq minutes avant l’accostage ! »

Au cri de Roland, les autres navires accélérèrent, faisant un sprint vers les côtes de Doris.

« Les Essaim Éventreurs sont des marins étonnamment bons », dit Roland, visiblement impressionné.

« Ils se déplacent dans le cadre d’une conscience collective. Quand l’un d’entre eux apprend quelque chose, les autres l’apprennent aussi. Si chacun d’entre eux apprenait une information, ils l’obtiendraient tous en même temps. Ils sont beaucoup plus intelligents et plus efficaces que les humains. », avais-je expliqué.

Oui, les Essaims apprenaient extraordinairement vite. L’un d’eux pouvait apprendre la biologie et les autres acquéraient cette connaissance immédiatement, même s’ils n’ouvraient jamais un livre de biologie. Si je demandais à une poignée d’entre eux d’étudier la biologie, la physique, la chimie, les mathématiques et la musique, l’ensemble de l’essaim absorberait tous ces sujets en même temps. C’était la force de la conscience collective.

Dans le jeu, cette mécanique ne s’étendait vraiment qu’à l’acquisition d’expérience par les Essaims qui ne prenaient pas part à une bataille. Cependant, lorsqu’elle était appliquée dans un cadre plus réaliste, cette capacité montrait une gamme d’applications étonnante. L’Essaim pourrait très bien être la forme de vie la plus intelligente et la plus efficace de ce monde.

« Accostage dans quelques secondes ! Préparez-vous à l’impact ! »

Nos navires avaient traversé la mer et s’étaient écrasés sur le rivage.

« L’ennemi ne nous a pas encore remarqués ! Commencez l’opération ! », avais-je crié.

Sur mon ordre, les Essaims quittèrent leurs navires et sautèrent sur le quai, commençant leur charge dans la ville. Un groupe s’était détaché pour prendre d’assaut le phare et les navires de guerre à quai afin d’exterminer les soldats à l’intérieur.

« Votre Majesté, nous avons débarqué avec succès ! », rapporta Sérignan.

« Oui, je n’aurais pas pu demander plus. Bon travail, tout le monde. »

Mes insectes couraient actuellement dans les rues de Doris, les premiers rayons chauds du soleil se réfléchissant sur leurs griffes. Après notre accostage réussi, la victoire était à portée de main. Maintenant que nos ennemis avaient été poussés au bord du gouffre, les envoyer voler dans l’abîme du désespoir serait facile. Nous allions allumer des feux de panique et de peur dans leurs cœurs et exercer à juste titre notre vengeance pour tout ce qui s’était passé.

« Sérignan, Lysa et Roland se dirigeaient vers la résidence du duc. Elle devrait se trouver au point le plus élevé de cette île. Je suis sûr que vous le trouverez bien assez tôt. »

« Je vais vous montrer le chemin », dit Roland d’un signe de tête.

« Très bien, Roland. Allons-y. »

Les Essaims avaient deux objectifs en se posant sur Doris. Le premier était de dépasser la résidence du duc, nous devions éliminer Léopold si nous voulions gagner cette guerre. De plus, j’avais toute une liste de rancunes à régler avec lui. Le laisser mourir facilement n’était pas une option.

Deuxièmement, nous devions supprimer la deuxième porte. L’ouvrir de l’intérieur permettrait aux essaims à l’extérieur des murs de se regrouper avec nous. Une fois les portes ouvertes, l’ennemi serait rendu impuissant. Ils pourraient prier autant qu’ils le voudraient, mais l’essaim les déborderait quand même.

J’avais laissé la deuxième porte aux Essaims Éventreurs et j’étais partie avec mon équipe pour faire un raid sur la résidence du duc. Je me sentais mal pour les gens de Marine. Ils m’avaient si bien traitée, pour devenir ensuite des victimes de cette guerre.

Mais je vais me venger pour vous maintenant.

Je voulais infliger une douleur inimaginable à Léopold et coller sa tête sur une pique aux portes de la ville. Résolue à le faire souffrir, j’avais sauté sur le dos d’un Essaim Éventreurs et suivi Sérignan, Lysa et Roland pour retrouver Léopold.

☆☆☆

« Qu’est-ce qui se passe, Sébastien !? N’avons-nous pas repoussé l’assaut ennemi aux portes !? », grogna Leopold.

Le duc venait de recevoir un rapport selon lequel ses soldats au pont de Poitier avaient écrasé la charge ennemie, il était donc confiant sur le fait qu’ils avaient gagné la guerre. Cependant, il venait d’apprendre qu’une grande armée d’Essaims s’était emparée de Doris et avait tué ses troupes, et qu’elle marchait sur les portes depuis l’intérieur même de la ville.

« Il semble que l’ennemi ait mis en place une opération de débarquement. Nous n’avions pas prévu qu’ils pourraient utiliser des navires… Apparemment, ce sont plus que des monstres. »

« Vous vous moquez de moi ? ! Organisez une contre-attaque et reprenez la ville immédiatement ! Je croyais que vous aviez prévu toutes les éventualités, espèce de bouffon incompétent ! »

Le cri de Léopold résonnait dans le manoir. Autour d’eux, les fenêtres scintillaient de feux lointains de la ville en feu.

« Vous me traitez d’incompétent ? J’étais contre le fait de poster toutes nos forces aux portes. Je vous ai dit que nous devrions laisser une force de réserve derrière nous. C’est vous qui avez rejeté ma proposition, Duc Lorraine. La responsabilité en incombe à vous ! »

En effet, Sébastien s’était opposé à l’envoi de tous leurs soldats au pont de Poitier. Il avait supposé que les chances d’une attaque surprise étaient minces, mais il avait suggéré qu’ils laissent une force derrière eux au cas où. C’est Léopold qui avait refusé son conseil.

« Espèce d’imbécile ! De quel droit répondez-vous à votre chef !? Je suis le Duc de Schtraut ! Vous osez me critiquer !? La responsabilité de ceci vous incombe, monsieur ! » beugla Leopold avec des crachats aux coins de sa bouche.

« Le fait même que vous ayez été nommé Duc était une erreur. Si vous n’aviez pas destitué le Duc Sharon, rien de tout cela ne serait arrivé. Votre croyance aveugle dans les méthodes de double jeu de Frantz fait de vous le pire leader possible. »

« Rompez ! Vous êtes démis de vos fonctions ! Je vous ferai retirer tous les grades et médailles que vous avez obtenus ! Vous regretterez de m’avoir insulté quand vous pourrirez dans le donjon pour le reste de votre vie ! »

« Je pense que vous ne comprenez pas bien la situation, Duc Lorraine. Doris va tomber dans quelques heures. Compte tenu de ce qui est arrivé aux autres villes, la seule chose qui nous attend tous les deux est la mort. Renvoyez-moi maintenant si cela vous fait vous sentir mieux, je peux certainement dire que vos menaces ne me font pas me sentir plus mal. »

Oui, la ville de Doris était au bord de l’effondrement. Une milice était rapidement organisée dans les rues de la ville pour tenter de stopper l’avancée des essaims, mais elle n’avait pas d’armures et était équipée d’armes faibles. Ils seront des proies faciles pour les essaims d’éventreurs.

Les essaims prenaient le contrôle de la ville à un rythme soutenu. Dès que mes Essaims Marins avaient quitté leurs navires et s’étaient mis à saccager la ville, les Essaims à l’extérieur avaient fait demi-tour sur les portes extérieures, qui étaient maintenant presque détruites. Les soldats sur les murs avaient été déchirés et les têtes des mages avaient été arrachées avant qu’ils ne puissent recommencer à lancer leurs sorts.

La capitale de Schtraut était condamnée à tomber. Ce n’était qu’une question d’une heure ou deux.

« Il doit y avoir un moyen de gagner… Un moyen de survivre à cela. Une idée qu’un idiot de soldat comme vous n’a pas eu le courage d’imaginer. Allez, Leopold, réfléchissez ! Ça n’aurait pas de sens sinon… Après tout, je réussis toujours à la fin. »

Leopold prit une autre gorgée de cognac et se mit à faire les cent pas dans sa chambre comme un tigre agité.

« Laissez tomber. Nous n’avons plus de cartes à jouer. Si seulement vous aviez agi plus prudemment, les choses auraient pu se terminer en notre faveur. »

« Taisez-vous ! Je n’ai pas perdu ! Je vais gagner et survivre à ça ! Allez mourir, si vous croyez que cela me fait quelque chose ! »

Tout cela aurait pu être évité. Si seulement il n’avait pas utilisé l’armée des nobles comme des pions sacrificiels, ou si seulement il avait eu le sens diplomatique de voir à travers les intentions du Royaume Papal… Ou s’il avait simplement choisi une ligne de conduite qui n’aurait pas provoqué l’Arachnée.

C’était une suite ininterrompue de « et si ». Mais le passé ne laissait pas de place pour les possibilités, seulement pour les faits. Il n’y avait pas de retour en arrière pour reprendre ses erreurs, on n’avait pas d’autre choix que d’accepter la réalité telle qu’elle était.

« Votre Grâce ! L’ennemi ! Ils se dirigent par ici ! »

La voix alertant Léopold de son imposant destin était arrivée, trop tôt et trop impitoyablement.

***

Chapitre 11 : La mort de l’usurpateur

Partie 1

Nous nous tenions devant l’entrée de la résidence du duc.

« Gardes ! Gaaardes ! Prenez vos positions ! »

Une compagnie de soldats était stationnée autour de l’entrée. Ils étaient armés d’arbalètes, qu’ils avaient rapidement pointées vers nous. De toute évidence, ils avaient appris qu’ils devaient utiliser au minimum des arbalètes pour faire des dégâts à l’Essaim. En effet, un tir d’arbalète pouvait gravement blesser Sérignan.

En supposant qu’il frappe, bien sûr.

« Feu », cria un officier.

Les gardes tirèrent tous avec leur arbalète en même temps. Leur regard était fixé sur Roland et Sérignan, qui constituaient la première ligne de notre petite force.

« Haaah ! »

Le duo fit tomber les projectiles de l’arbalète d’un coup d’épée.

« Lysa, garde-les bloqués ! »

« Bien reçu, Votre Majesté ! »

Lysa lâcha la corde tendue de son arc long et commença à tirer une flèche après l’autre. Ses flèches transpercèrent la gorge des gardes, qui s’effondrèrent sur le sol, s’agrippant désespérément à leur cou alors que leurs cris refusaient de sortir. Lysa continua ses attaques, abattant autant d’hommes que possible.

Le temps pour recharger était extrêmement différent entre un arc et une arbalète. Les arbalètes avaient une force de frappe plus puissante, mais elles prenaient plus de temps à se recharger. Les arcs longs étaient plus faibles, mais ils avaient une cadence de tir beaucoup plus rapide. Maintenant qu’elle était un Essaim, Lysa maniait un énorme arc qui lui donnait une force monstrueuse et une grande portée. Même si vous ne tenez pas compte de son nouveau statut d’Essaim, Lysa était bien plus rapide que tous les gardes.

« Bravo, Lysa ! Nous nous occuperons du reste ! », cria Sérignan, un sourire sauvage aux lèvres.

Elle bondit vers les gardes, sa lame noire se balançant dans les airs. Les autres gardes tentèrent désespérément de recharger leurs arbalètes, mais ils n’eurent pas le temps.

« Aaaaah ! »

Le cri de guerre de Sérignan résonnait dans l’air alors qu’elle coupait la tête d’un garde en deux. Le garde vacillait vers le sol, son corps tremblant alors que l’arbalète glissait de ses mains et s’écrasait sur le sol.

« Ce n’est pas encore fini ! »

Après un atterrissage gracieux, Sérignan se tourna à l’endroit où elle se tenait, enfonçant son dard dans la mêlée. Puis elle arracha la tête d’un autre garde.

« Sois maudit ! »

À ce moment, un autre garde finit de recharger sa propre arbalète et la pointa devant Sérignan. Il était trop près pour qu’elle puisse éviter ou couper le projectile.

« Je vais te couvrir ! », cria Roland tout en sautant pour la défendre.

J’avais poussé un soupir de soulagement. Roland trancha la main du garde, puis utilisa l’élan de cette frappe pour lui couper la tête. Du sang voltigea dans l’air, teintant la carapace noire de Roland d’un rouge sombre et métallique.

« Beau travail, Roland. Continuons à avancer. »

Malheureusement, je n’avais pas pu contribuer beaucoup avec mes statistiques bien en dessous de la moyenne. Et donc, pendant que Sérignan, Roland et Lysa s’occupaient des gardes hurlants, j’avais tourné ma conscience vers la bataille qui se déroulait aux portes de la ville.

Nous avions déjà réussi, les portes extérieures étaient ouvertes. Des centaines, voire des milliers d’essaims se précipitaient à travers elles, inondant la ville de Doris. Les mages restants lançaient désespérément des sorts, essayant de faire disparaître les essaims en même temps que les portes s’il le fallait. Mais à ce stade, leur magie ne pouvait pas arrêter l’inondation.

L’armée des essaims pénétra dans les rues de la ville. Les hommes qui avaient fui les portes et la milice s’étaient barricadés à l’intérieur des maisons des civils, utilisant des meubles pour bloquer les portes. Ils tentèrent désespérément de résister, en tirant à l’arbalète et en jetant des sorts par les fenêtres.

« Écrasez-les », avais-je ordonné.

Mes Essaims, en fidèles créatures qu’ils étaient, exécutèrent mon ordre sans faillir. Les Essaims Fouilleurs que nous avions amenés sur les bateaux creusaient sous les maisons et perçaient les sols, dévorant tout le monde à l’intérieur. Pendant ce temps, les Essaims Éventreurs qui avaient franchi les portes transpercèrent les entrées barricadées et se mettaient à tuer tous ceux qu’ils rencontraient.

Personne ne pouvait arrêter ces créatures. La milice était pathétiquement armée de faux et de houes, ils ne pouvaient donc rien faire pour supprimer mes insectes géants. Ces outils de fermiers rebondissaient sur leurs exosquelettes sans faire de dégâts, laissant la milice exposée aux attaques.

Les gardes n’avaient pas réussi à recharger leurs arbalètes à temps, si bien qu’ils n’avaient réussi à éliminer qu’un ou deux Essaims avant d’être dévorés. Et même si les Essaims Éventreurs étaient touchés par une flèche d’arbalète, ils pouvaient continuer à charger tant qu’ils n’avaient pas été touchés dans les points vitaux. Il fallait trois tirs d’arbalète ou un coup de claymore ou de hallebarde pour abattre définitivement un Essaim Éventreur.

Mais on ne pouvait pas s’attendre à ce que ces humains agissent calmement dans le feu de la bataille. Étourdis par la peur, les gardes tirèrent avec leurs arbalètes dans toutes les directions, et ils n’avaient pas d’armes plus grosses.

C’était vraiment pitoyable. L’incompétence de Léopold en tant que chef les avait conduits à ce point. Je devais presque lui être reconnaissante pour son affliction, s’il avait anticipé la possibilité de notre débarquement sur l’île et mis de côté des hommes pour s’occuper de nous, c’était peut-être nous qui aurions goûté à la défaite.

Je salue Léopold, hein ? Grâce à ce duc inutile, Doris est maintenant à nous.

« Votre Majesté, nous avons supprimé les gardes. »

Oh, oups.

Alors que j’étais occupée par les combats aux portes et dans la ville, la sécurité du duc avait été anéantie. C’était allé trop vite. Les deux autres n’étaient pas des unités de héros comme Sérignan, mais ils étaient quand même immensément utiles. C’était bien sûr une évidence. Le seul membre de l’Arachnée qui n’était pas talentueux et compétent, c’était moi.

« Vous êtes une personne compétente, Votre Majesté. Si vous ne l’étiez pas, nous n’aurions pas gagné cette bataille. »

« J’apprécie le compliment, Sérignan. »

Mes statistiques sont cependant toujours aussi inférieures à la moyenne qu’avant. Mon intelligence et mes capacités de leadership sont apparemment très élevées, mais qui peut dire si cette évaluation est vraiment digne de confiance ?

« Si on a fini de s’occuper des gardes, allons voir le duc. Nous avons tellement de choses à échanger avec notre bon ami Leopold », avais-je dit en conduisant les autres au manoir.

 

☆☆☆

Une fois à l’intérieur, nous avions cherché d’autres gardes, mais il n’y en avait aucun en vue. De toute évidence, ils étaient tous morts. Honnêtement, c’était un peu désagréable. Quand nous avions fait tomber le royaume de Maluk, ils avaient au moins utilisé leur étrange joyau pour essayer de se défendre. Ici, par contre, nous n’avons rencontré que le silence.

« Aucun ange ou monstre ne se cache au bout du couloir, hein ? », m’étais-je demandé à voix haute.

« Le duché de Schtraut n’a pas d’ordre de chevalier capable d’invoquer des anges. Et il n’a rien de comparable au joyau de l’évolution que possédait le royaume de Maluk. Je pense que leur résistance est terminée. », répondit Roland.

« C’est vrai. J’espère qu’il n’essaiera rien d’autre. Je ne suis pas du genre à chercher des complications quand il n’y en a pas besoin. Je ne suis pas masochiste. Je récupérerais mes gains faciles chaque fois que je pourrai les obtenir. »

J’en avais assez des anges et des monstres. Voir ces choses sortir de je ne sais où était mauvais pour mes nerfs. J’aimais les méthodes de combat plus humaines. Je me battais avec des armes primitives contre des phénomènes surnaturels comme les anges, tous les jours de la semaine.

« Allons donc chercher le duc. Lui et moi devons avoir une petite discussion. »

Avec ça, nous avions commencé à le chercher.

Je ne sais pas où tu te caches, mais sors… J’ai assez d’os à ramasser sur toi pour construire un ou deux modèles squelettiques…

« Essaim Éventreur, peux-tu capter son odeur ? »

« C’est possible, Votre Majesté. »

« Super. N’es-tu pas un bon garçon ? Occupe-toi de ça pour moi, d’accord ? »

Mon chien de chasse fiable reniflait cet oiseau lâche qui semblait vouloir s’envoler.

Maintenant, faisons sortir le Duc Lorraine pour qu’il nous salue, d’accord ?

« Lysa, peux-tu surveiller l’entrée ? Je ne voudrais pas être surprise par des renforts. Utilise la conscience collective pour appeler les Essaims Éventreurs dans les rues s’il le faut. »

« Laisse-moi faire, Votre Majesté. Je serai à l’affût. »

Heureusement, il n’y avait qu’une seule route qui menait à ce bâtiment. Tant que nous la surveillons, l’ennemi ne devrait pas pouvoir nous atteindre. Ils pourraient décider de prendre une route non goudronnée à la place pour éviter d’être détectés, mais je doutais que l’un d’entre eux puisse penser aussi loin dans ce chaos. Les soldats étaient dispersés dans la ville, et leur chaîne de commandement s’était effondrée depuis longtemps. Ils étaient à la merci des Essaims Éventreurs… qui n’existaient pas, bien sûr. Je n’avais pas anticipé de mouvements délicats.

À vrai dire, la seule raison pour laquelle j’avais vraiment laissé Lysa surveiller l’entrée était que je ne voulais pas qu’une jeune fille comme elle voit ce qui allait se passer. Ce que nous avions en réserve était un peu radical.

« Il y a quelqu’un devant nous », disait l’Essaim Éventreur.

« Bien. Sérignan, ouvre la porte. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Elle ouvrit la porte à coups de pied, puis entra dans la pièce, son épée tenue bien haute.

« Vous voilà, Arachnée. »

Ce n’était pas Léopold qui était assis là, mais un homme âgé. Il était vêtu d’un uniforme militaire de Schtraut, et ses décorations m’apprirent qu’il était maréchal. Son expression était lourde d’une résignation comme celle que j’avais déjà vue à maintes reprises dans nos conquêtes.

« Oui, nous y voilà. Nous avons rendez-vous avec un certain Duc Lorraine. Sauriez-vous par hasard où nous pourrions le trouver ? », dis-je.

« Je crois qu’il a emmené des soldats et s’est barricadé dans la cave à vin. Dites-moi, mademoiselle reine de l’Arachnée : pourquoi avez-vous détruit le royaume de Maluk ? Après tout, ce fut le véritable catalyseur de ces événements. Si vous n’aviez pas fait cela, les choses n’en seraient jamais arrivées là. D’où venez-vous, et pourquoi avez-vous fait une telle chose ? »

« Pour répondre à l’une de vos questions, nous sommes venus d’un autre monde. Un endroit qui est bien différent de votre monde. Je ne crois pas avoir à vous dire où se trouve notre base et où a commencé notre voyage. »

« Vous avez raison. Mais… un autre monde, dites-vous ? Qui aurait pu imaginer qu’il y avait un monde où des monstres comme vous règnent en maître… »

J’étais un peu reconnaissante qu’il ne m’ait pas demandé pourquoi nous étions venus dans ce monde. Je ne savais pas non plus pourquoi on m’avait amenée ici.

« Quant à savoir pourquoi nous avons détruit le royaume de Maluk, c’est parce qu’ils ont provoqué notre colère. En plus de cela, l’Arachnée est conduite par son instinct, une soif infinie d’invasion et de conquête. Nous tuons, nous mangeons, et nous pillons. Cela coule dans notre sang. »

« Une faim ininterrompue de conquête, hein ? Vous ressemblez donc beaucoup à l’humanité, n’est-ce pas ? »

« Quoi ? »

Est-ce qu’il vient de comparer l’Arachnée à la race humaine ?

« Les humains tuent leurs ennemis de la même façon. Nous humilions nos ennemis, en voulant les priver de tout ce que nous pouvons. Notre faible conscience maintient ce désir en échec, mais ces chaînes se détachent bien trop facilement. J’ai vu assez de guerres pour savoir que c’est vrai. »

« Oui… Vous avez raison. Nous ne sommes pas trop différents des humains. J’avais oublié. »

Chaque jour, les nouvelles dans mon monde étaient remplies de rapports de guerres horribles, de meurtres, de viols, de vols… La liste était longue. Oui, les humains pouvaient être aussi sauvages que l’Arachnée. J’avais pensé que nous étions spéciaux, mais bizarrement, c’était une sorte de vanité.

« Cependant, je dois admettre que votre invasion était vraiment barbare. Vous avez consumé des villages entiers, des villes… des nations entières comme des animaux. Si vous appelez cela de l’instinct, alors je peux comprendre. Vous êtes en effet un raz-de-marée vivant. »

Il dégaina l’épée à sa taille.

« Reine de l’Arachnée, je suis un soldat de l’armée de Schtraut. J’ai juré fidélité au duché. Pour respecter ce devoir, je me battrai. »

Apparemment, le vieil homme attendait ici depuis tout ce temps, car il était résolu à mourir.

« Sérignan, sois son honorable adversaire. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Sérignan s’était avancée pour relever son défi.

« Alors, que notre match… »

« Commence ! »

Le maréchal vieillissant s’était emparé de son épée, et Sérignan fit de même avec la sienne pour le rencontrer. Leurs lames s’emboîtèrent, l’épée de Sérignan repoussa l’autre par la plus petite des marges. La lame de Sérignan avait alors glissé dans la poitrine de l’homme, et du sang cramoisi avait jailli de la blessure.

« J’ai fait… mon devoir. »

Le vieil homme tomba à genoux, puis s’effondra la tête la première sur le sol, et rendit son dernier soupir.

« C’était un homme honorable », avais-je dit.

« Oui. Digne de respect », murmura Sérignan en regardant son cadavre.

« C’était Sébastien de Silhouette. C’était un vétéran connu pour son obstination, mais je ne pensais pas que son obstination irait aussi loin. », dit Roland, en entrant dans la pièce par-derrière.

Roland s’approcha de l’homme et pressa doucement ses paupières.

« Il a dit que Leopold est dans la cave à vin, n’est-ce pas ? Je vais vous montrer le chemin. Elle est protégée par une porte métallique, mais ça ne devrait pas poser de problème. »

J’espérais que Roland avait raison, mais j’avais le sentiment que les choses ne seraient pas aussi simples.

***

Partie 2

Nous nous étions approchés de la cave à vin. Sa porte était encombrante et faite de métal, cela ressemblait plus à une porte de coffre-fort blindée.

« La cave à vin sert également d’abri en cas d’urgence, l’entrée est donc assez solide. »

« Il n’y a pas de tunnel de fuite ? »

« Aucun dont j’ai entendu parler, mais je ne peux pas nier cette possibilité. C’est après tout leur dernier bastion. »

Ce ne serait pas drôle s’ils s’échappaient maintenant que nous sommes arrivés jusqu’ici. Il fallait que je rattrape Léopold quoi qu’il arrive et que je lui donne une leçon.

« Sérignan, peux-tu ouvrir cette porte ? »

« Je vais m’en occuper. »

Sérignan sortit son épée sainte corrompue et se dirigea vers la porte.

« Haaaaah ! »

La voix de Sérignan jaillit de ses poumons au moment où elle brandit son épée vers la porte. À ma grande surprise, elle l’avait en fait coupée en deux, envoyant les deux moitiés au sol. La chose avait quatre centimètres d’épaisseur, j’étais donc assez choquée. Sa lame avait donc réussi à la couper.

« Je détecte de multiples êtres dans cet endroit, Votre Majesté. Ils ne sont pas tous humains », m’avertit l’Essaim Éventreur.

« Faites attention, vous deux. On ne sait pas ce qui peut se cacher là-dessous. »

Ce que l’Essaim Éventreur avait dit me dérangea.

Qu’y a-t-il en bas qui ne sent pas l’humain ?

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

« Vous pouvez vous reposer. »

Sérignan et Roland s’avancèrent dans la sombre cave à vin. Je pouvais certainement sentir quelque chose qui se cachait là-dessous. Un grognement animal venait d’en bas, ainsi que le bruit de quelque chose qui se tordait.

Je n’avais jamais été douée pour ce genre de frayeurs…

« Soyez vraiment sur vos gardes, il y a quelque chose en bas… »

Mais avant que je ne puisse finir ma phrase, un cri d’animal faillit me briser les tympans.

« Bon sang ! N’ai-je pas dit plus d’anges ou de monstres ? ! »

J’entendais les étagères et les bouteilles s’écraser sur le sol alors que la bête s’approchait de plus en plus. Je n’avais aucune idée du genre de créature qui pouvait produire ce son, mais à mesure qu’elle approchait, je m’étais retrouvée figée dans la peur.

« Votre Majesté, vous devez revenir ! »

L’Essaim Éventreur m’attrapa et me tira hors de la cave.

Alors que j’étais jetée hors de la cave, la bête apparut. Elle ressemblait à un serpent géant, sauf qu’elle avait des pattes et des ailes de coq. Une substance qui ressemblait à de la fumée nocive sortait de sa bouche.

« C’est un basilic ! », s’exclamait Roland en sortant une épée longue noire semblable à celle de Sérignan.

« Un basilic ? Tu veux dire une de ces espèces de serpent venimeux ? »

Je le lui avais demandé, me souvenant vaguement d’avoir entendu parler de cette créature.

« Oui, le duché est l’habitat naturel des basilics. On dit que leur venin a été utilisé dans le passé pour assassiner des ducs. C’est un type de monstre très connu, et la guilde des aventuriers lance même souvent des quêtes pour réduire leur population. »

Pendant qu’il parlait, il utilisa son épée pour dévier les crocs aiguisés du basilic qui secouait la tête et s’élançait vers lui. Cela ne fit qu’accroître la colère de la créature, l’incitant à attaquer Roland avec encore plus de férocité.

« Du poison, hein ? Cette chose devait être leur atout. »

J’avais regardé la fumée toxique qui s’échappait de la bouche du Basilic.

« Ils faisaient entrer l’ennemi par imprudence dans la cave, où le basilic les empoisonnait et les mangeait. Mais cela ne marchera pas si facilement contre nous. Ne faites pas attention au poison, vous deux. Tuez-le simplement. »

« Compris, Votre Majesté. »

Chaque fois que le Basilic expirait, il expirait plus de fumée toxique dans la cave à vin. Si un être humain normal entrait dans la cave, il commencerait probablement à cracher du sang jusqu’à ce qu’il succombe au poison. Mais cela ne faisait rien aux Essaims, dont la résistance au poison était l’une des compétences raciales. Ils pouvaient facilement traverser le poison mortel et le gaz neurotoxique sans même ressentir un picotement.

Roland était devenu un Essaim, et Sérignan en était un dès l’origine, le poison ne les avait donc pas du tout effrayés. Ils n’avaient qu’à affronter ce monstre vicieux. Moi, par contre, je n’étais pas un vrai Essaim, et donc rentrer dans ce brouillard toxique me tuerait.

« Haaah ! »

« Graaah ! »

Sérignan et Roland sautèrent sur le basilic, leurs épées tirées.

« Skreeeeah ! »

Le basilic hurla alors que les lames tranchaient les écailles le long de son torse.

Malgré ses blessures, le basilic continua de lancer des attaques. Il fit un mouvement de griffes vers Sérignan et tenta d’enfoncer ses crocs dans Roland, mais chacun d’eux dévia et bloqua les attaques. Le basilic n’était plus une menace, il était devenu la proie d’un prédateur plus puissant.

Les attaques de Sérignan et de Roland accaparaient peu à peu la créature.

« Roland, finissons-en ! », s’exclama Sérignan alors que le basilic titubait vers l’arrière.

« Compris, Mlle Sérignan ! »

Le duo se déplaça en parfaite synchronisation, enfonçant leurs lames dans le corps du basilic. L’épée de Sérignan lui transperça la gorge, tandis que celle de Roland lui transperça le cœur. De l’écume sanglante jaillit de la bouche du basilic, se répandant sur le sol de la cave.

Cette créature pouvait être tuée par de simples aventuriers, elle n’était donc pas de taille face à Sérignan et Roland. Le basilic s’affaissa pathétiquement sur le sol, crachant du poison, et envoya son dernier souffle toxique.

« Est-ce que c’est fait ? »

« Oui, Votre Majesté. »

Sérignan essuya le sang du basilic sur sa lame.

« Il ne reste plus qu’à trouver Léopold le lâche. »

« Maintenant, il devrait y avoir une pièce cachée quelque part dans cette cave à vin. Ils ne sont probablement pas restés dans la même pièce que le basilic, en supposant qu’ils ne soient pas complètement stupides. Essaim Éventreur, repère-les. », avais-je dit.

Nous étions de retour à la chasse. J’étais entrée dans la cave à vin après avoir attendu que l’air soit renouvelé. Je jetais un coup d’œil à un placard que le basilic avait renversé de travers pendant son déchaînement.

« Votre Majesté, l’odeur semble venir de derrière l’armoire. »

Apparemment, j’étais arrivée par hasard à l’entrée secrète.

« Bon travail, Essaim Éventreur. Vous y entrez probablement en déplaçant cette armoire de côté. Regardez le sol. Il y a des marques qui ressemblent à quelque chose qui a glissé sur le sol. Roland, tu ouvres la porte. Sérignan, Essaim Éventreur, couvrez-le. »

« Selon vos désirs. »

Roland repoussa l’armoire, tandis que Sérignan et l’Essaim Éventreur se préparaient à entrer dans la pièce.

« Je l’ouvre ! », s’exclama Roland

Celui-ci venait d’ouvrir la porte secrète, son épée à la main.

« Yaaargh ! »

Alors que la porte s’ouvrait, un groupe de soldats sortit de la pièce secrète. Sérignan sauta en avant, les abattant un par un, tandis que l’Essaim Éventreur utilisait ses faux et ses crocs pour tuer les autres.

« Attendez ! Ne me tuez pas ! », gémissait quelqu’un de l’intérieur alors que le dernier soldat tombait.

« Sortez de là, Leopold. Je suppose qu’ils vous appellent Duc Lorraine maintenant. »

« Qui êtes-vous ? ! »

« Grevillea, Reine de l’Arachnée. Êtes-vous Léopold de Lorraine ? »

Je n’avais même pas besoin de demander, je savais que c’était le même homme qui s’était moqué de moi pendant cette soirée. Un homme si lâche et si misérable que Roland ne pouvait même plus le considérer comme un frère.

« C’est vrai. Je suis le Duc Lorraine, le dirigeant de Schtraut. Je me suis préparé à faire la paix avec vous. J’ai une… proposition ! Oui ! Une qui sera bénéfique pour nous deux. Je sais qu’aucun de nous ne veut cette guerre ! »

« Vous voulez quoi, là ? Eh bien, malheureusement pour vous, je ne cherche pas la paix. La seule chose que je veux, c’est votre tête sur une pique. »

Avec cela, l’Essaim Éventreur traîna Léopold à l’extérieur.

« Maintenant, qu’allons-nous faire de vous ? Je dois dire que voir ce que vous avez fait à Marine m’a vraiment énervée. Je me suis dit qu’il serait juste de me venger pour ça. Hmm, mais comment devrais-je m’y prendre ? »

« S’il vous plaît, ne… Je vous en supplie ! J’essayais seulement de protéger mon pays ! »

Peut-être qu’il y croyait au fond de lui, mais la façon dont il s’y prenait était si horrible que nos méthodes de « rétablissement de la paix » en avaient pris pour leur grade. Ce vieux maréchal avait dit que l’instinct humain était tenu en échec par les petites menottes de la conscience, mais cet homme n’avait rien de tout cela.

Je n’étais évidemment pas du genre à critiquer les gens qui manquaient de conscience, mais je détestais quand même passionnément cet homme. Pourquoi les aventuriers et la réceptionniste qui nous avait bien traités avaient-ils dû mourir ? Pourquoi les gens avec qui nous avions bavardé à la taverne en avaient-ils fait partie ? Pourquoi cet homme devait-il continuer à tuer tous ceux avec qui nous étions impliqués ? C’était exaspérant.

Je le déteste.

« Il doit payer », avais-je conclu.

Je m’étais alors tournée vers Roland.

« Ça ne te dérange pas que je fasse ce que je veux avec ton frère ? »

« Allez-y. Il n’est plus mon frère maintenant. »

« Roland ! As-tu oublié que nous sommes une famille ? ! Toutes les choses que nous avons faites ensemble, tout ce que j’ai fait pour toi ! Et pourtant tu m’abandonnes !? Le Dieu de la Lumière ne pardonnera jamais cela ! C’est de la trahison ! »

Suite à ces mots, Roland fit une grimace, mais ce n’était pas dû à un pleur.

« C’est toi qui m’as abandonné en premier, Léopold. Tu es celui qui a causé tout ça. Je t’ai dit de faire attention en mettant en accusation le duc Sharon, mais tu m’as ignoré. Si l’enfer existe vraiment, j’espère que tu y passeras l’éternité, à mijoter tes regrets. »

L’homme parlant avec tant de conviction n’avait plus d’amour familial dans ses yeux. Il regardait Léopold avec dégoût, comme s’il était une vermine.

« Aucune objection ? Bien », lui dis-je en sortant un essaim de parasites de ma manche.

« Alors, commençons votre exécution. »

J’avais toujours un essaim parasite avec moi au cas où j’en aurais besoin. Et franchement, j’avais vraiment besoin d’en avoir un là.

« Sérignan, immobilise-le et tiens sa bouche ouverte. »

Sérignan fit ce que je lui avais dit. J’avais poussé sans cérémonie l’Essaim Parasite entre ses lèvres. Celui-ci se glissa dans sa gorge, s’y fixa et commença à étendre ses tentacules dans son cerveau.

« Arrache tes propres ongles », lui avais-je ordonné.

Leopold fit ce qu’on lui avait dit. Il s’était mis à s’arracher les ongles, tout en criant.

Cela doit être douloureux, Leopold. Un vrai cauchemar angoissant. Mais les gens de Marine n’ont-ils pas souffert de quelque chose de bien pire ?

« Casse tes propres doigts. »

« Arrache-toi les oreilles. »

« Crève-toi les yeux. »

J’avais donné un ordre après l’autre, et Leopold obéit, en criant et en pleurant tout le temps.

« Roland, c’est dur pour toi de regarder ça ? »

« Non. Cet homme a trahi son propre pays et a condamné des millions d’innocents à la mort. Ce que vous faites est loin d’être suffisant. »

« Vraiment ? Wôw. Sais-tu que tu es vraiment quelque chose, toi ? »

Si je devais voir un parent traverser une telle épreuve, j’essaierais de l’arrêter quoi qu’il arrive. Je ne suis rien d’autre qu’une bien faible humaine.

« Voici donc mon dernier ordre. Utilise cette épée pour t’ouvrir les tripes et t’arracher les entrailles. »

J’avais donné mon ordre final. Blesser davantage cet homme ne ferait rien pour ramener les personnes gentilles de Marines. Cette vengeance n’était qu’une forme d’autogratification. Elle n’avait servi qu’à satisfaire mon côté sadique. Je ne savais pas si elle était née de la conscience collective ou si elle avait fait partie de moi au départ.

« Gaaah... Aaagh... »

Léopold s’était déchiré l’estomac et commença à retirer faiblement ses organes internes. Alors que son sang s’accumulait sur le sol, Leopold y tomba dedans et cessa de bouger.

« C’est fini maintenant. La vengeance est vraiment une chose si creuse », avais-je chuchoté en regardant son corps mutilé.

« Vous l’avez traduit en justice, Votre Majesté. C’était juste. »

« Je ne peux que prier pour que ce soit le cas. En tout cas, pas ce Dieu de la Lumière. »

Ceci dit, j’avais laissé la cave à vin derrière moi. C’était enfin terminé.

À moins que… ?

Avec la mort de Léopold, le Royaume Papal de Frantz allait probablement traverser la frontière pour occuper le territoire du duché. La tâche de les arrêter me revenait, à moi, la reine de l’Arachnée.

C’est mon… Je suis… Je…

« Votre Majesté ? ! »

Je suis… tout d’un coup vraiment fatiguée…

***

Chapitre 12 : Tentations et suggestions

Quand j’étais revenue à moi, je m’étais retrouvée dans un endroit familier.

« C’est… »

Mes meubles… Ma chambre.

J’avais choisi cet appartement parce qu’il était assez proche de mon université. Il y avait une épicerie à proximité, une librairie… Même le restaurant familial que j’aimais bien était à deux pas. Je passais mes journées d’étudiante dans cet environnement béni et confortable.

« Peut-être que j’ai trop joué… »

Je venais de me réveiller d’une sorte de rêve réaliste, mais je ne me souvenais d’aucun détail. Mais vu je l’avais oublié en quelques minutes, cela ne devait probablement pas être si important que ça.

« _________. »

J’avais entendu quelqu’un appeler mon nom. J’avais alors été submergée par une vague de nostalgie.

Qui est-ce ? Y a-t-il quelqu’un d’autre dans ma chambre ?

« Ah, vous êtes réveillée. C’est un espace imparfait, j’avais donc peur que vous ne veniez pas. Je suis soulagé de voir que vous avez repris conscience. »

La personne qui me parlait était la fille en blanc à qui j’avais déjà parlé une fois.

« C’est mon appartement ? », avais-je demandé.

« D’une certaine façon. Cette scène est une reconstitution de l’endroit tel qu’il est dans vos souvenirs, donc j’ai peur que vous ne soyez pas vraiment chez vous. »

C’est mon appartement, sans toutefois l’être…

« _________, j’ai désespérément essayé de guider votre âme. Quelles que soient vos erreurs, vous êtes une existence digne d’être guidée. Mais mes efforts ont été corrompus, et par conséquent, vous avez été scellé dans ce monde. Je l’admets, c’était mon erreur. »

« Qui êtes-vous ? »

« Je suis Sandalphon, le conducteur d’âmes. Ni plus, ni moins. Bien qu’étant piégé dans ce monde impitoyable, vous avez réussi à vous accrocher à votre propre volonté et vous avez réussi à ne pas vous perdre totalement dans la conscience de l’Essaim. C’est une chose vraiment merveilleuse. Cependant, je ne peux pas imaginer que vous puissiez garder cette faible emprise pour toujours. Avec le temps, vous serez intégrée dans ce monde et serez obligée de jouer à un autre jeu. »

« Ce monde… ? »

Je n’avais pas compris ce qu’elle voulait dire. Je n’avais jamais quitté le pays, et encore moins étudié à l’étranger. Je ne connaissais aucun autre monde. J’étais, dans l’ensemble, une personne avec très peu de connaissances et très peu d’intérêts.

« Tout ira bien. Je promets de vous sauver, quoi qu’il arrive. Tout cela est dû à ma bévue de départ, et j’ai l’intention de me racheter. Vous sauver est la ligne de conduite naturelle. »

Ai-je déjà eu besoin de sauver quelqu’un ? Oui…

Le mot « sauver » m’avait rafraîchi la mémoire. Il y avait quelqu’un que je devais sauver.

« Remettez-moi dans ce monde », me suis-je entendu dire.

« Voulez-vous y retourner ? N’envisageriez-vous pas de rester ici jusqu’à l’arrivée des secours ? »

« Ils… Mes petits ont besoin de mon aide. »

Oui. Sérignan, Lysa, Roland et le reste de l’Essaim. Comment avais-je pu les oublier ? Je leur avais promis la victoire, mais je l’avais oubliée trop facilement.

« C’est un monde inventé, plein de captifs, et pourtant vous vous y replongeriez volontiers ? »

« Ils ont besoin de moi. »

L’image de Sérignan qui pleurait m’était venue à l’esprit.

« Vous êtes une âme bien trop bonne. Je peux comprendre votre désir de les sauver, même s’ils ne sont pas humains. Votre cœur est rempli de miséricorde, et c’est précisément pour cela que je dois vous guider vers le salut. »

Le regard de Sandalphon s’enfonça en moi.

« Êtes-vous vraiment sûre de pouvoir survivre ? »

« Oui. Mes alliés sont tout aussi fiables. »

« Eh bien, je pense que je t’ai déjà assez bien entendu, Sandalphon. »

Quelqu’un interrompit soudainement notre conversation. C’était une autre fille, bien que celle-ci soit habillée en costume gothique à froufrous de la tête aux pieds.

« C’est injuste, essayer d’arracher ce qui n’est pas à toi. Méchante Sandalphon ! Méchante ! Son âme m’appartient. Ne l’as-tu pas déjà dit ? Dieu n’a pas de salut à offrir ________. »

« Ces mots appartiennent au passé, Samael. Je te suggère de te mordre la langue fourchue, créature immonde. As-tu la moindre idée de combien tu lui as fait du mal ? »

Sandalphon appela la fille gothique Samael.

« Hah ! Tu me traites de serpent, mais tes dogmes changent si vite que je suis surprise que ta propre langue ne se soit pas définitivement nouée ! Mon credo est plus cohérent que jamais. Les âmes qui ont ______ nous appartiennent. Je ne les remettrai à personne d’autre. Penses-tu vraiment pouvoir la sauver ? »

« J’en ai bien l’intention. Même une âme qui possède ______ a droit au salut. Il ne sert à rien de la juger selon les normes du passé. »

La bouche de Samael fit alors un sourire désagréable.

« A-t-elle vraiment ce droit, je me le demande ? Une âme qui ______ est souillée. Guider une telle âme ne ferait que causer du chagrin à notre détestable Seigneur, non ? »

« Ce ne sera pas le cas. Le Seigneur souhaite voir autant d’âmes sauvées que possible. La sienne ne fait pas exception. C’est ce qu’elle a décidé après toutes ses pénibles épreuves. »

J’ai décidé quelque chose ? Décidé quoi ?

« Inacceptable », se moqua Samael avant que son regard ne se pose sur moi.

« Alors, pourquoi ne pas la laisser décider ? Elle peut soit aller avec toi, soit me suivre. »

« Vous pouvez être sauvée. Choisissez le chemin du salut, _________. »

« Vous appartenez à ce monde, non ? Dans ce monde où l’humanité combat le monstre. C’est là que vous trouverez vraiment la paix. N’est-ce pas, _________ ? », dit Samael avec une voix remplie de tentation.

Ces deux filles, complètement opposées en tout point, m’appelaient toutes les deux, me faisant signe de choisir. Cependant, mon cœur n’était avec aucune d’elles.

« Laissez-moi les sauver. Je vous en prie. Je ne veux rien d’autre. »

Sérignan pleure, je le sais. J’ai besoin d’aller la réconforter.

« Contrat refusé, hein ? » dit Samael en haussant les épaules.

« Je sais qu’elle va choisir la voie du salut », dit doucement Sandalphon tout en s’approchant de moi.

« Va à cet ordinateur et appuie sur le bouton d’alimentation. Il vous ramènera dans ce monde. Je vous jure que je sauverai votre âme. Quoi qu’il arrive. Et donc, je dois vous rappeler que… »

J’avais fait comme elle avait dit, j’avais appuyé sur le bouton.

« Vous ne devez jamais oublier votre cœur humain. »

Un sentiment d’épuisement m’envahit, me tirant vers le bas et m’éloignant quelque part, mais dans mes derniers instants, je m’étais retournée et j’avais hoché de la tête en direction de Sandalphon.

☆☆☆**

« … Majesté ! Votre Majesté ! »

En me réveillant, je m’étais retrouvée allongée sur un canapé.

« Sandalphon est-elle ici ? Et Samael ? », avais-je demandé, le rêve que je venais de vivre étant encore frais dans ma tête.

« Il n’y a personne de ce nom ici, Votre Majesté. Oh non… Peut-être que vos souvenirs vous ont-ils quitté ? », dit Sérignan.

« Je vais bien. Je me souviens parfaitement de toi, Sérignan. »

Je ne pourrais jamais l’oublier. Elle était ma précieuse alliée.

« Hic… Dieu merci… Quel soulagement ! »

Sérignan enfonça son visage dans ma poitrine en sanglotant comme une enfant.

« Lysa ? »

« Oui, Votre Majesté ? »

« As-tu découvert d’autres forces ici ? »

« Non, tout s’est calmé maintenant. Tous les combats dans les rues et sur les murs sont terminés. »

Bien…

La lutte pour le duché de Schtraut touchait à sa fin. C’était une guerre difficile. Il s’était passé beaucoup de choses depuis que nous nous étions introduits à Schtraut et avions travaillé comme aventuriers. Nous avions semé le chaos au sein du Conseil international, puis nous avions dû intervenir dès qu’un conflit intérieur avait éclaté dans le duché. J’étais plus épuisée que jamais.

« Je vois que vous êtes revenue à vous, Votre Majesté », dit Roland en revenant de la cave.

« Oui, je suis de retour aux affaires. »

« J’ai fait transformer le corps de Léopold en ces… boulettes de viande. J’ai pensé que ce serait une fin appropriée pour lui. »

« Eh bien, c’est difficile à dire. Il y a de multiples significations à transformer quelqu’un en boulettes de viande. »

Les faux de l’Essaim Éventreur pouvaient réduire un ennemi détesté en un morceau de chair ou compacter un ancien allié et l’intégrer dans nos rangs. Ou bien une boulette de viande n’était que cela, une boulette de viande à utiliser ou à stocker.

« J’avoue que j’ai été plutôt surpris par votre évanouissement. »

J’avais détecté une note d’inquiétude dans la voix de Roland.

« Je me demande s’il y avait encore du venin de basilic dans l’air. Est-ce que votre corps continue à ressentir quelque chose, Votre Majesté ? »

« Faites-moi savoir si vous commencez à vous sentir mal, d’accord ? L’herboriste de Baumfetter m’a enseigné toutes sortes de médicaments », dit Lysa en fronçant les sourcils.

Avec ces deux puissants alliés qui s’acharnaient sur moi, j’avais le sentiment d’être une reine très chanceuse.

« Votre Majesté, êtes-vous vraiment, vraiment sûre que vous allez bien ? », demanda Sérignan, les yeux encore humides.

« Oui, je vais tout à fait bien. Je me demande quand tu vas arrêter de me flatter comme ça. »

« M-Mes excuses ! Mais je suis vraiment contente que vous soyez indemne… »

Avec un hoquet, Sérignan nicha son visage dans ma poitrine une fois de plus.

« Je suis désolée de vous avoir inquiété. Je suis en pleine forme. Je continuerai à vous guider, comme je l’ai fait. »

J’avais dirigé ce discours dans la conscience collective.

« Mais notre vraie victoire est encore hors de portée. Le Royaume Papal de Frantz a abandonné le Duché, scellant son destin… et en ce moment, nous sommes les plus grands ennemis de Frantz. Cette guerre ne se terminera pas tant que nous ne les aurons pas vaincus. Il ne leur faudra d’ailleurs que peu de temps avant qu’ils fassent entrer leurs soldats dans ce pays. »

Jusqu’à présent, le Royaume Papal était resté en arrière-plan, mais c’était en fait l’instigateur qui avait conduit le Duché à la ruine. Il était clair qu’il avait attendu que nous détruisions le duché, espérant occuper le pays une fois qu’il serait à genoux.

« Nous allons renverser le Royaume de Frantz. Et je continuerai à me battre, jusqu’à ce que vous obteniez la paix et la victoire éternelles que vous désirez. Me suivrez-vous ? »

En réponse, la conscience collective s’était épanouie et me donna son consentement. Sérignan s’agenouilla avec son épée dans un geste de fidélité, tandis que Lysa et Roland s’inclinaient devant moi. Ils étaient tous en parfait accord. C’était presque effrayant, mais cela fit aussi gonfler mon cœur de joie.

« Victoire à nous ! Victoire à l’Arachnée ! Nous ne devons pas seulement la souhaiter, nous devons y aspirer. Tant que nous travaillerons dur, nous y arriverons certainement. »

Ce fut par ces mots que j’avais conclu mon discours.

« Comment était mon petit monologue, Sérignan ? »

Elle me renvoya la balle.

« Des mots inspirants, Votre Majesté. Nous ferons ce que vous dites et travaillerons sans relâche pour assurer notre victoire. »

« Cela nous laisse un problème. Qu’allons-nous faire du duché ? », avais-je dit.

À cause de la guerre et de la purge politique, la population de Schtraut avait été réduite à presque rien. La reconstruction nécessiterait beaucoup d’efforts.

« Nous allons trouver un moyen. Tout comme nous avons surmonté tous les obstacles que nous avons rencontrés jusqu’à présent. Nous pouvons reconstruire pour qu’un jour, Schtraut redevienne un pays commercial florissant. Non, pas “peut”… Nous devons. », dit Roland.

« Reconstruire après la guerre est important, mais les combats ne sont pas encore tout à fait terminés. Nous devons encore nous occuper de ce traître serpent qu’est Frantz. Sans une vraie paix, nous ne pouvons pas espérer un nouveau départ. »

Le Royaume Papal de Frantz a abandonné le Duché dans des temps de détresse. Ils vont payer pour cela.

J’avais regardé par la fenêtre. Les combats s’étaient déjà calmés, mais des colonnes de fumée s’élevaient encore des zones marquées par les boules de feu des mages. Combien de temps faudrait-il pour éteindre ces incendies et reconstruire la capitale ? Y penser me donnait le vertige.

C’était là que nos héros méconnus, les Essaims Travailleurs, montreraient leur valeur. Il leur faudrait travailler dur pour faire revivre cette capitale. L’idée que nous puissions apporter non seulement la mort et la destruction, mais aussi la renaissance et la reconstruction était un énorme soulagement.

***

Chapitre 13 : Impact de la chute de Schtraut

Partie 1

La nouvelle de la défaite du duché par l’Arachnée avait rapidement atteint tous les coins du continent. Saania, la capitale de la Royaume Papal de Frantz, n’avait pas fait exception à la règle.

« Ainsi, le duché est tombé… Tout a donc dû se dérouler comme prévu », déclara faiblement le pape Benoît III.

« Ils devaient tôt ou tard goûter au jugement de Dieu. La seule chose en laquelle ces fous croyaient était le profit. Dieu a prononcé leur châtiment et a montré au monde que la foi est vraiment importante. Maintenant, leur nation a été purifiée. », répondit le cardinal Paris Pamphilj, son second.

Paris avait choisi d’abandonner le duché. Il avait délibérément ordonné à l’armée alliée de maintenir sa position à la frontière plutôt que d’avancer, condamnant Schtraut à son sort. Avec l’aide de l’armée, les forces de Doris auraient peut-être pu repousser l’invasion de l’Arachnée, mais au lieu de cela, elles avaient été laissées à la mort.

Mais qu’est-ce qui l’avait poussé à prendre cette décision ?

« Vous appelez cela le jugement de Dieu, mais le peuple de Schtraut était tout simplement envahi par des monstres. Ces créatures sont un affront au Dieu de la Lumière. Elles ne sont pas des instruments de châtiment divin, mais un afflux de mal… »

« Non, non, Votre Sainteté. Ce sont les instruments du Seigneur. Comme vous le savez, le Dieu de la Lumière guide tout et n’importe quoi dans ce monde. Même cette armée d’insectes a été créée par Sa volonté. Du moins, tant qu’ils jugent les infidèles. »

Contrairement à ce que dit Paris, le duché de Schtraut n’avait pas connu de purification sainte, de purge vertueuse. Il avait simplement été envahi et détruit par l’Arachnée. Appeler cela la volonté de Dieu était une insulte à la fois à l’Arachnée et au Dieu de la Lumière qu’il était si prompt à invoquer.

« Vous avez raison en ce sens que le duché se souciait peu de la spiritualité, on pouvait dire qu’il avait davantage foi en l’économie. Malgré cela, je pense que les peuples des autres nations se soucieront moins de cela et plus du fait que les banquiers du Duché n’auront plus la mainmise sur leurs coffres. »

« Interprétez cela comme vous voulez, Votre Sainteté. Il n’en reste pas moins que le châtiment a été prononcé. Tout fonctionne selon la volonté du Seigneur, et le Dieu de la Lumière ne se trompe jamais. »

Bénédictus lui-même avait reçu des prêts considérables du duché de Schtraut pour financer son élection — et c’était de l’argent qu’il n’avait pas encore rendu. Même l’Empire de Nyrnal et l’Union des syndicats de l’Est avaient des dettes importantes envers les banquiers du duché.

Pour ceux qui étaient redevables au duché, les nouvelles de la chute de la nation ne pouvaient pas être meilleures. Les banquiers assoiffés d’argent n’existaient plus, et ces fonds n’avaient donc plus besoin d’être collectés. C’était précisément pour cette raison que Paris avait choisi d’abandonner le duché.

Paris lui-même avait une dette énorme envers Schtraut, qui pesait sur ses épaules depuis qu’il était devenu cardinal. Avec le temps, il sentait que le remboursement pourrait être impossible. Bien que le cardinal ait des revenus considérables et qu’il ait de nombreuses transactions sous la table, c’était un dépensier frivole qui n’avait aucun penchant pour l’épargne.

Mais à présent, les banquiers avaient tous été massacrés par l’Arachnée. Paris allait enfin pouvoir dormir la nuit, et il pourrait même acquérir davantage de fonds grâce aux fonds de l’Union des Syndicats de l’Est qu’il utiliserait pour devenir le prochain pape.

Tout ce que Paris faisait était au nom de ses propres intérêts. Tous ses discours sur le châtiment divin n’étaient qu’une façon commode de décrire la situation. Paris voulait seulement se libérer de sa dette envers Schtraut et ouvrir son propre chemin vers la papauté.

« Même s’il s’agissait d’un châtiment divin, nos ennemis sont tout de même des diables. Les elfes, les nains et les autres demi-hommes vénèrent toujours une légion de démons. Si ces monstres projettent d’attaquer le Royaume Papal de Frantz, le Dieu de la Lumière leur montrera sa radieuse majesté dans un éclair de feu et de souffre. Au nom de Dieu, l’armée alliée tuera ces monstres. Chaque homme sur ce continent saura qu’il est la seule divinité digne d’être adorée. »

« Hmm… L’ennemi a rasé le royaume de Maluk et le duché de Schtraut assez rapidement. L’alliance pourra-t-elle vraiment leur tenir tête sans l’Empire de Nyrnal ? Non seulement cela, mais quand l’armée sera occupée à repousser les monstres, Nyrnal lui-même pourrait tenter d’intervenir. »

Le clivage entre l’alliance et l’Empire de Nyrnal était toujours en cours. Malgré les appels répétés des alliés, l’Empire avait clairement fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’unir ses forces. Par conséquent, l’alliance devait procéder sans l’aide de la plus grande puissance du continent.

Pire encore, le refus de l’Empire de participer signifiait que l’alliance ne pouvait pas dépendre de sa puissance si la situation devenait incontrôlable. Cela signifiait également que l’Empire était prêt à poignarder Frantz dans le dos pendant que l’alliance était occupée avec l’Arachnée.

Paris sourit.

« Que le Dieu de la Lumière nous accorde sa protection… bien que notre victoire soit certaine. Nous ne devons pas craindre la légion de monstres ou l’Empire de Nyrnal. De plus, si le pire devait arriver, nous avons l’héritage de Marianne que le Dieu de la Lumière nous a donné. Si nous faisons appel au Séraphin Métatron, nous réduirons facilement les infidèles en cendres. »

« Je prie seulement pour que les choses n’en arrivent pas là. »

Benoît III rencontra le sourire sardonique de Paris avec une expression amère.

« On ne peut pas dire ce que le Séraphin pourrait faire. On ne peut pas se fier si facilement à un héritage du passé. »

Métatron était un ange dont on ne parlait que dans les mythes et les légendes. Mais si l’on en croit cet échange, cela pourrait-il signifier qu’il avait réellement existé dans le Royaume Papal de Frantz ?

☆☆☆**

Au large des côtes de Frantz, il y avait un archipel. Alors que beaucoup de ses îles étaient plutôt petites, il y avait une île centrale beaucoup plus grande que les autres. Elle s’appelait Atlantica et était un refuge pour les pirates.

De là, les pirates attaquaient les rouages du commerce de partout, attaquaient les villes portuaires et emportaient leur butin pillé. La rumeur disait que si une partie de ce trésor ensanglanté quittait les rives d’Atlantica, celui qui viendrait à le posséder serait hanté par des esprits maléfiques.

« Le duché a été mis à sac ? ! »

Achille Alessandri, le chef des pirates d’Atlantica, était un homme ayant un cache-œil sur son œil droit. Contrairement à son apparence sauvage, il était très civilisé et avait un don pour la politique. Il avait été promu à son poste par le précédent chef grâce à ses talents de négociateur.

Le pirate borgne avait promis au vieux une somme d’or importante en échange de sa retraite, ainsi qu’une cachette et une pension. Une fois qu’ils s’étaient serré la main après avoir signé le contrat, Achille prit le contrôle de la colonie de pirates.

Mais ses promesses n’avaient pas été tenues : Achille révéla l’emplacement de la cachette aux autorités gouvernementales et l’ancien chef des pirates avait été pendu pour tous ses méfaits. Oui, Achille savait vraiment comment négocier… pour obtenir que ce qu’il voulait.

« Apparemment, une armée massive d’insectes est apparue sur le continent et s’est mise en colère. Ils ont d’abord détruit Maluk, et maintenant ils ont rasé Schtraut. Les gens ont parié sur le prochain pays qu’ils vont raser. »

« Qui est le vainqueur ? », demande son compagnon.

« Le Royaume Papal de Frantz. »

L’homme à qui Achille parlait avait une profonde cicatrice sur la joue droite. C’était Blasco Bartoli, le bras droit d’Achille et un homme connu pour son caractère féroce. Il avait ainsi nourri ses requins de nombreux subordonnés désobéissants et d’otages dont les familles ne payaient pas. Atlantica avait un bras de mer où Blasco élevait les requins, et cet endroit servait également de lieu d’exécution. Le fond de la mer était jonché d’os blanchis, et les requins tournaient toujours autour des eaux en attendant de nouvelles victimes.

« Alors nous devrions probablement attendre un peu avant d’attaquer Schtraut, hein ? Je ne vois rien de bon dans tout ça. Je pense qu’une horde de monstres qui a fait disparaître deux pays n’aura pas beaucoup de valeur. Il faut garder à l’esprit les pertes et le profit. »

Les pirates pouvaient sembler être des sauvages, mais ils étaient en fait des gens plutôt méthodiques. S’ils provoquaient trop fortement un pays, celui-ci pouvait envoyer une force pour les réprimer. En gardant cela à l’esprit, ils avaient limité leurs pillages et leurs meurtres à un niveau suffisant pour ne pas être vu comme une menace trop importante. Quiconque désobéissait aux règles d’Atlantica était impitoyablement exécuté, ce qui permettait de maintenir la paix dans le refuge des pirates.

« Si tu me demandes, je pense que c’est exactement le bon moment pour attaquer Schtraut », déclara une femme assise en face d’Achille.

Elle avait un grand corps voluptueux et, contrairement à Achille, un cache-œil au-dessus de son œil gauche. Le fait qu’elle ait exprimé une objection catégorique à l’opinion d’Achille était une preuve de sa bravoure.

« Et pourquoi devrions-nous faire cela, Isabelle ? »

« Parce que si le pays fait naufrage, cela signifie qu’il n’y aura pas d’armées navales pour sévir contre nous, les pirates. Faire un raid sur une ville portuaire signifie que nous pouvons prendre tout ce que nous voulons et nous en aller sans problème. Quelle raison avons-nous de ne pas attaquer le duché ? »

C’était Isabelle Ismael, une pirate qui s’était récemment distinguée du reste de la bande.

« C’est un bon point. Après tout, ces créatures ne peuvent pas aller en mer. »

« Non, il s’avère qu’elles le peuvent. Vous connaissez Doris, la capitale ? Elle est sur une île qui flotte dans la mer au large de la côte de Schtraut. Apparemment, ces foutus bougres ont utilisé des bateaux pour l’attaquer. »

Dans une certaine mesure, l’utilisation de navires par l’Arachnée pour transporter des dizaines de milliers d’insectes sur les côtes de Doris et détruire la capitale de l’intérieur était déjà connue de tous.

« C’est vrai, mais ce ne sont que des insectes. Ils ne sont pas faits pour vivre dans la mer. Ce n’est pas comme si on avait affaire à des sirènes ou des serpents de mer ici. Je n’ai pas peur d’eux. Si vous avez trop peur des gros méchants insectes, je vais naviguer toute seule et devenir riche. Mais ne vous attendez pas à avoir une part du gâteau. »

Sur ce, Isabelle se leva de sa chaise et quitta la pièce en faisant tourner un couteau entre ses doigts.

« Je ne peux pas dire que j’aime la nouvelle recrue. Cette femme m’énerve. Elle ne montre aucun respect pour l’autorité. », dit Achille, la voix déplaisante.

« Oui, eh bien, elle va s’attirer des ennuis tôt ou tard. Les gens comme elle sont trop imbus d’eux-mêmes et finissent par faire une énorme bévue. Elle reviendra en rampant vers toi pour te demander de l’aide, mon pote, mais attends un peu. Et quand ça arrivera, on pourra se relayer pour monter sur son doux corps. », répondit Blasco.

Alors que de grands changements se produisaient sur le continent, les marées tournaient même sur l’île d’Atlantica.

***

Partie 2

Entre la superpuissance menaçante du continent, l’Empire de Nyrnal, et le centre religieux qu’était le Royaume Papal de Frantz, se trouvait l’Union des Syndicats de l’Est.

« Silence ! J’ai dit silence ! »

Un marteau en bois frappa plusieurs fois contre la table, ses échos traversant la ville du plaisir de Khalkha, saluée comme le centre de divertissement du continent. Il avait été dit que toutes les formes de plaisir pouvaient être trouvées à Khalkha.

Comme pour ponctuer ce point, des maisons closes bordaient les rues de Khalkha. Des femmes ne portant que de la lingerie faisaient signe aux hommes qui passaient devant leurs établissements, tandis que des hommes tout aussi peu vêtus brandissaient leurs muscles pour attirer la clientèle féminine. Bien sûr, ces prostitués attiraient parfois des membres du même sexe, ce n’était là qu’un exemple de la grande libéralité de la ville de Khalkha.

En effet, la ville du plaisir de Khalkha permettait de satisfaire pratiquement tous les désirs. Toutes les formes de jeux d’argent étaient autorisées, les stupéfiants étaient interdits dans le reste des pays du continent et les matchs à mort étaient organisés dans des arènes souterraines.

Le Royaume Papal de Frantz avait déclaré que Khalkha était un foyer de péché corrompu digne d’être brûlé dans les flammes sacrées de Dieu, et l’Empire de Nyrnal y voyait secrètement un obstacle à ses efforts d’unification.

Fidèle à son nom, l’Union des Syndicats de l’Est était une terre de marchands. Elle avait été formée par un certain nombre de guildes commerciales et d’affaires de plusieurs pays. La guilde des aventuriers et la guilde des mercenaires formaient leur puissance militaire.

À l’heure actuelle, ce pays de marchands vacillait.

« Une armée de monstres a détruit un pays entier ! C’est absurde ! »

« C’est vrai ! Et la soi-disant armée alliée n’est clairement que l’armée de Frantz ! »

Au cœur de Khalkha se trouvait la salle d’assemblée de l’Union, le centre opérationnel l’Union des Syndicats de l’Est. Actuellement, une réunion se tenait pour discuter du sort du duché.

« La chute du duché est un fait incontestable. Macaulay, notre contact de la Guilde des Informateurs, l’a confirmé. Il semble que les quelques réfugiés restants fuient actuellement vers le duché. Vous ne doutez pas du rapport de Macaulay, hein ? », déclara le président de la réunion.

« Pourtant, nous devrions refuser toute offre de jonction de nos forces avec celles de Frantz ! Ces maniaques ont déjà dit treize fois qu’ils souhaitent voir la beauté de Khalkha réduite en cendres par le feu et le soufre du Dieu de la Lumière ! Nous ne pouvons pas nous allier avec des gens comme eux ! »

« Non, ils l’ont dit quinze fois. Ils ont récemment tenu un autre discours dans lequel ils ont rappelé à tous que Dieu jugera notre ville. Ces maudits moines véreux ! »

Des cris de colère éclatèrent dans la salle de réunion.

« Silence ! Je veux le silence ! »

Le président avait encore une fois frappé son marteau.

« Se retirer de l’alliance est une option, mais il va sans dire que cela va aggraver nos relations avec le Royaume Papal. Mais si Frantz devait être conquis par les insectes, qui nous apporterait son aide ? Nous tournerons-nous vers Nyrnal ? La possibilité est certainement là… »

L’idée du président avait été accueillie avec un refus catégorique.

« Hors de question de s’unir à eux ! »

« La guilde des aventuriers nous protégera ! », s’écria un maître de la guilde des aventuriers.

« C’est vrai ! Tuer des monstres est notre devoir ! », dit un autre.

« Dans ce cas, nous devons d’abord déterminer à quel genre d’ennemi nous sommes confrontés. Nous avons au moins entendu dire que ce sont des insectes, mais cela ne nous aide pas à développer une contre-mesure. L’un d’entre vous a-t-il un aventurier assez habile et courageux pour infiltrer une terre brûlée grouillant de monstres ? »

« Oui, nous avons quelqu’un qui fait l’affaire ! », s’écria un maître de guilde en particulier, en levant la main.

« Alors je vous laisse faire. Faites-leur observer l’ennemi et identifier un point faible si possible. De plus, voyez s’il y a une chance de… négociation. », dit le président d’un signe de tête.

« Quoi… ? Vous avez l’intention de négocier avec ces créatures infernale ? ! »

Les mots du président avaient été accueillis par une critique exaspérée des participants. Aucun d’entre eux ne savait encore que l’Arachnée était composée de créatures intelligentes et sensibles. Ils pensaient tous que ces monstres n’étaient pas différents des griffons ou des manticores qui tuaient le bétail et attaquaient les gens.

« Je veux simplement voir s’il y a une chance ! Nous devons sonder tous les angles possibles si nous voulons nous en sortir ! Cette réunion est terminée ! »

Et ainsi, la réunion turbulente s’était terminée. Peu de gens savaient quelle ligne de conduite cette petite nation marchande allait adopter.

 

☆☆☆

Maintenant que ses deux voisins neutres étaient en ruines, l’Empire de Nyrnal était aux prises avec la présence toujours croissante de l’Arachnée. Ce jour-là, le bruit des bottes qui claquaient sur les dalles remplissait la ville de Vejya tandis que d’innombrables hommes défilaient à l’occasion d’une parade militaire.

C’était le spectacle d’un pays qui se préparait à la guerre.

En plus de tous ces fantassins, une force unique à l’Empire montrait sa puissance : les wyvernes. Des formations de wyvernes s’élevaient dans le ciel, crachant des flammes ici et là au fur et à mesure de leur progression. Le spectacle avait suscité les acclamations des spectateurs, ce qui incita les wyvernes à faire rapidement des cercles et à tracer une piste dans les airs.

Ces tourbillons rouge vif étaient la force motrice qui avait fait de Nyrnal la vaste superpuissance qu’elle était aujourd’hui. Sans ces tourbillons, l’Empire ne serait qu’un des nombreux pays sans importance de cette région. La mobilité et la puissance de feu des wyvernes avaient façonné et soutenu la puissance de l’Empire.

Les Wyvernes étaient les annihilateurs aériens aussi connus sous le nom de « faucheurs rouges ». Certains disaient que c’était des fourneaux volants, prêts à incinérer quiconque serait assez malheureux pour goûter à leurs flammes. Elles constituaient une menace vraiment terrible. Même certains mercenaires s’enfuyaient dans la peur au son de leurs ailes battant au loin.

Ces diables volants formaient le cœur de l’armée de Nyrnal, et de simples flèches ne pouvaient pas percer leur peau. Seuls des tirs de balistes pouvaient avoir un impact contre ces bêtes. Cependant, les wyvernes ne permettaient pas aux ennemis de construire des armes stationnaires ou des fortifications. Elles se contentaient de brûler les chantiers avant qu’ils ne soient terminés. Il était donc douteux qu’il soit possible de battre les wyvernes de cette façon. Elles restèrent donc le symbole de l’invincibilité de Nyrnal.

Comme le disait le proverbe : « Craignez les écailles rouges des wyvernes, car elles sont les signes avant-coureurs de la mort. »

Alors que les sujets de l’Empire les regardaient avec vénération, les cavaliers chevauchant les wyvernes continuaient leurs acrobaties, montrant leur habileté et leur compétence. Parmi la foule se trouvaient des ambassadeurs d’autres pays, et le spectacle était aussi intimidant que les citoyens le trouvaient excitant. En effet, ce spectacle était aussi une menace, il avertissait ces ambassadeurs que s’ils se retournaient contre Nyrnal, les wyvernes réduiraient leur pays en cendres.

« Votre Majesté, puis-je parler ? » murmura Bertholdt von Bülow, le chef de cabinet de l’Empire.

« Qu’y a-t-il ? », demanda l’empereur Maximillian, les yeux toujours fixés sur le défilé.

« Le duché de Schtraut est tombé. La capitale, Doris, est en ruines. Pendant ce temps, l’armée alliée ne montre aucun signe de mouvement. Nos informateurs me disent que le Royaume Papal de Frantz essaie de profiter de cet incident pour réorganiser ses perspectives financières et élargir sa sphère d’influence politique. »

« Naturellement. Pourquoi ces vieux moines pourris de Frantz ne peuvent-ils pas brasser quelque chose de plus beau de temps en temps ? »

Les lèvres de Maximillian se recroquevillèrent en un mince sourire.

Le réseau de renseignements de Bertholdt était vaste. Il s’étendait non seulement à tout l’empire de Nyrnal, mais aussi au Royaume Papal de Frantz, à l’Union des Syndicats de l’Est, au duché de Schtraut, aujourd’hui déchu, et à de nombreux petits pays neutres. Plus effrayant encore, il avait des espions parmi les pirates d’Atlantica.

Rien ne se passait sur le continent qui échappait à l’attention de Bertholdt. Cet homme hors du commun avait semé des yeux et des oreilles dans tous les coins du pays. Par conséquent, Maximillian avait choisi de lui faire confiance et Bertholdt avait atteint sa position actuelle.

« Pourtant, une alliance sans notre soutien est comme un homme sans colonne vertébrale. »

Maximillian s’arrêta pour applaudir poliment la performance des dragons.

« Il est clair qu’ils s’écrouleront tôt ou tard. Il n’y a pas de véritable alliance au-delà de son nom. En vérité, la soi-disant alliance ne sert que le Royaume Papal. La seule question est de savoir quand ils deviendront assez fous pour provoquer les monstres et provoquer leur propre mort. »

« Alors le projet de fausse mobilisation se déroulera comme prévu ? », demanda Bertholdt.

« Oui, comme convenu. Je le laisse entre tes mains compétentes. »

Maximillian regarda son conseiller du côté de l’épaule et ajouta : « Tu ferais bien de ne pas me décevoir. Sois méticuleux dans la collecte de tes renseignements, et procède avec la plus grande prudence. »

« Comme vous le souhaitez, Votre Majesté. »

Tandis que leurs cavaliers et leurs wyvernes embrasaient la foule de leurs volutes et de leurs flammes, d’autres se mettaient à bouger de manière à façonner le destin du monde.

 

☆☆☆

« Maintenant, Mesdames et Messieurs. Nous avons écrit une nouvelle page de cette histoire, et le sang de nos victimes a servi d’encre. Une belle histoire, impitoyable et divertissante, qui pue le sang et le carnage. »

Samael se tenait dans les sombres ruines d’un château sale et délabré, illuminé par un rayon de lune comme si elle était au centre de la scène.

« L’ignoble Arachnée. La terrible tyrannie de cet empire vicieux a déjà réduit deux pays en ruines. Les nations qui restent se déplacent uniquement dans leur propre intérêt et n’ont aucun moyen réel d’arrêter l’armée d’insectes. Lorsque cette faction vicieuse aura de nouveau les crocs, qui sera le prochain à être consumé ? »

Samael se mit à virevolter en chantant, ses yeux rouges brillaient tout le temps.

« Aaah, aaah ! Tremblez dans la peur et priez pour un remède, mais la tempête qui s’annonce ne peut être supportée par personne. Alors que la cloche sonne et que la terre fleurit de morts, les champs de bataille saignent et les soldats rendent leurs derniers soupirs. Vraiment, que peut-on attendre de plus d’un tel monde ? »

Elle se figea sur place, laissant ses froufrous noirs se balancer dans tous les sens.

« Les wyvernes de Nyrnal sont un spectacle horrible. Ne font-elles pas de Nyrnals le véritable maître du pouvoir ? Elles s’envoleront vers le ciel et effaceront le soleil, et leurs flammes brûleront tout et tout le monde ! Que restera-t-il alors ? Elles peuvent même brûler les insectes de l’Arachnée… »

Samael sourit vicieusement.

« Le pays des dragons était autrefois le roi du monde entier avec sa horde de dragons. Mais après avoir longtemps prévalu, le destin a pris un tournant, puis il fut défait. Autrefois saluée comme noble et sublime, sa force a maintenant été perdue avec le temps. L’Empire de Nyrnal est donc l’héritier des bêtes redoutables qui régissent l’air. »

Samael continua sa petite danse, augmentant le rythme de son récit.

« Mais le pays des dragons a repris son ancienne mission, à travers Nyrnal, son nouveau cœur palpite désormais d’ambition. Le monde tremblera de nouveau de terreur alors que les wyvernes prendront leur envol avec le nouveau dompteur de dragon. Ce rêve de domination du monde, perdu depuis longtemps, va-t-il se réaliser ou se terminer par la damnation ? Qui va pourrir et qui va dominer ? Tout repose entre les mains de l’empereur Maximilien. »

Wyverns… Ces monstres odieux et impressionnants.

« Pourtant, ils ont rencontré leur digne adversaire dans ces essaims qui piquent, mordent et grattent. Cette armée malfaisante se nourrit de sang, et chaque victime alimente le flot. L’Arachnée se déplace comme une légion, sa force réside dans son nombre et sa cohésion. Et chaque fois que les wyvernes en brûleront cinq, dix autres se lèveront pour prendre le relais. »

L’Arachnée… Un empire qui s’enorgueillit d’avoir écrasé l’ennemi avec ses nombreux essaims.

« Qui sortira victorieux ? Aaah, un jeu, un jeu ! Un jeu, un jeu ! Tout ce travail et aucun jeu font de moi une fille ennuyeuse. »

Samael ricana et continua à se débattre sur une carte du continent.

« Qui sera le prochain à tomber ? L’Empire de Nyrnal ou le Royaume Papal de Frantz ? Peut-être l’Union des Syndicats de l’Est, ou peut-être les pirates d’Atlantica ? Laissez-moi remplir de sang frais votre cœur séché, flétri par des éternités d’ennui. Et, en récompense, montrez-moi comment vous faites vous-même couler des rivières de sang. »

Après cela, Samael déchira la carte avec les talons de ses chaussures et disparut dans l’obscurité. Le continent était resté en lambeaux. Ce n’était pas vraiment ses talons qui l’avaient déchiré, mais la haine, l’égoïsme et un orgueil inutile.

Une armée alliée au cœur creux avait laissé ses alliés mourir. L’Empire se lovait tranquillement dans l’ombre, attendant le moment idéal pour frapper. Ces injustices n’étaient que trop humaines, l’apparence de l’Arachnée n’avait pas poussé l’humanité à s’unir.

Qu’il s’agisse du nom de Dieu ou de l’Empereur, chaque pays n’agissait que dans son propre intérêt, chassant les autres ou les abandonnant entièrement comme il l’avait écrit pour se protéger.

Le Royaume Papal de Frantz : un pays de fous qui priaient d’une main et soudoyaient de l’autre.

Atlantica : une île de sauvages qui se nourrissaient de pillage.

L’Union des Syndicat de l’Est : une utopie pour ceux qui désiraient la liberté, le plaisir et l’argent.

L’Empire de Nyrnal : une terre qui déployait ses ailes non pas au nom de la liberté, mais de la mort.

L’Arachnée : une légion d’insectes meurtriers qui n’étaient retenus que par la faible emprise de sa reine sur sa propre santé mentale.

Enfin, les acteurs s’étaient tous réunis. Le royaume de Maluk avait été rasé et le duché de Schtraut avait été effacé de la carte. Il ne restait plus que cinq factions.

Lesquelles survivront ? Lesquelles seront ruinées ? Laquelle sortira victorieuse ?

Malgré leur crainte de l’Arachnée, les hommes ne s’étaient pas regroupés et le continent était complètement divisé. Dans l’état actuel des choses, les grands empires vont-ils l’emporter ou les petits pays seront-ils beaucoup plus flexibles ?

Les soldats du Royaume Papal brandissaient la juste bannière de l’alliance, se croyant les héros qui sauveraient le continent. Les pirates d’Atlantica naviguaient sur leurs navires, espérant profiter du chaos pour arracher des mains des morts encore plus de butin souillé.

Pendant ce temps, les guildes de l’Union des Syndicat de l’Est étaient en mouvement, essayant de trouver un moyen pour leur petit pays de survivre à la crise à venir. Les wyvernes de l’Empire de Nyrnal s’envolaient dans le ciel, se préparant à porter un coup décisif.

Alors que chaque pays commençait à se diriger, il était temps pour la reine de l’Arachnée de prendre une décision. Où allait-elle frapper ensuite ? L’essaim et l’alliance se regardaient déjà de l’autre côté de la frontière. Un combat pouvait éclater à tout moment.

Mais l’Arachnée s’était trop étendue et la longue bande de terre s’étendant de Maluk à Schtraut était devenue une sorte de flanc vulnérable de leur territoire. Une mauvaise décision pourrait entraîner la débâcle précipitée de l’Arachnée. La reine devait donc faire le bon choix.

« Exact… À partir de là, nous allons prendre la mer. »

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