Wortenia Senki – Tome 9 – Chapitre 2 – Partie 1

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Chapitre 2 : Le premier obstacle

Partie 1

Environ un mois avant que l’armée d’invasion O'ltormean, dirigée par la Première Princesse Shardina, ne commence ses préparatifs précipités de retraite, une rencontre eut lieu. Elle s’était produit le soir du jour suivant la première rencontre de Ryoma Mikoshiba avec la reine d’Helnesgoula, la Renarde du Nord, Grindiana Helnecharles.

Elle s’était déroulée dans la ville-citadelle de Memphis. C’était à l’origine une importante position défensive pour le royaume de Xarooda, qui fut ensuite occupée par l’armée d’Helnesgoula. Dans un coin d’un bâtiment qui était autrefois le centre de l’administration de la ville, trois individus étaient assis autour d’une seule carte.

Ils n’avaient qu’un seul objectif, trouver un moyen de repousser Shardina et l’armée d’invasion O'ltormean. Car même avec Helnesgoula, l’un des pays les plus forts du continent à leurs côtés, les trois royaumes de l’est avaient des options limitées.

Le général Arios Belares était mort dans la bataille des plaines de Notis, et l’armée d’invasion de Shardina avait déjà pris racine dans le territoire de Xarooda. Ils avaient établi une tête de pont solide en construisant le Fort Noltia dans le bassin d’Ushas, ce qui leur permettait d’empiéter plus profondément dans leur territoire.

En vérité, si l’héritier du général Berlares, Joshua, n’avait pas perturbé à plusieurs reprises leurs lignes de ravitaillement par des techniques de guérilla, O’ltormea aurait déjà divisé le territoire de Xarooda en deux, les livres d’histoire l’auraient déjà sûrement écrit.

La lutte miraculeuse de Joshua était en grande partie la raison pour laquelle Xarooda s’accrochait encore à la vie en tant que pays. Mais ce miracle n’allait pas durer longtemps. O’ltormea puisait déjà dans sa vaste puissance nationale pour rassembler des troupes expérimentées dans les combats en terrain montagneux. De grandes quantités de nourriture et de fournitures étaient entassées dans le fort Notis, puis livrées petit à petit dans le fort Noltia.

L’armée d’invasion passera donc à une offensive de grande envergure dans très peu de temps. L’alliance n’avait alors que deux options. La première était de laisser l’armée d’Helnesgoula marcher sur le bassin d’Ushas et de joindre ses forces à celles de Xarooda et des deux autres pays, formant ainsi une armée alliée qui pourrait être capable de repousser la force d’invasion d’O’ltormea.

L’autre option était de faire en sorte que Helnesgoula lance une attaque-surprise sur les frontières nord de l’Empire d’O’ltormea, les forçant à consolider leurs forces à cet endroit. Ce faisant, ils allégeraient la pression sur le front de Xarooda.

Les deux idées avaient cependant leurs défauts.

Avec la première, il n’était pas certain que les forces d’Helnesgoula puissent arriver au bassin d’Ushas à temps avant le début de la bataille. Et même si elles arrivaient avant le début des combats, il était difficile de dire si l’armée alliée nouvellement formée serait capable de combattre correctement en tandem.

Pire encore, Xarooda avait une topographie montagneuse unique qui rendait le terrain difficile à traverser. Helnesgoula disposait d’un vaste réseau de renseignements et connaissait dans une certaine mesure le terrain du pays, mais tout de même, déployer une armée dans un autre pays comportait des risques.

Mais l’autre choix, lancer une invasion surprise à la frontière nord d’O’ltormea, était tout aussi risqué. Si Helnesgoula le faisait, les premiers à agir seraient les armées du front nord d’O’ltormea, rassemblée par le prince héritier. Cette armée était réputée être une force d’élite, capable d’égaler la garde d’élite de l’empereur Lionel Eisenheit.

Un affrontement direct avec ces forces ne se déciderait pas facilement, et il n’y aurait aucune chance d’armistice. Les deux pays devraient engager toutes leurs forces restantes dans la bataille. Cela obligerait l’armée de la princesse Shardina à se retirer, mais les cadavres des deux pays s’empileraient sur le sol et des rivières de sang couleraient.

Cela marquera alors le début d’une guerre d’usure sans fin entre O’ltormea et Helnesgoula. Et qui pouvait dire que d’autres pays n’essaieraient pas de tourner la situation à leur avantage ? Il n’y avait aucune garantie que le Saint Empire Qwiltantia n’essaierait pas de tirer profit de la guerre. Et cela transformerait cette manœuvre militaire, destinée à aider Xarooda, en début d’une grande guerre pour l’ensemble du continent.

Et même si Helnesgoula était intéressé à aider Xarooda, c’était toujours le problème d’un autre pays. En tant que reine d’Helnesgoula, Grindiana n’avait pas besoin de prendre ce genre de risque.

Mais malgré cela, un homme avait courageusement suggéré d’attaquer la frontière nord d’O’ltormea. Il s’appelait Ryoma Mikoshiba, c’était un baron de Rhoadseria et une personne venant de Rearth, qui avait renversé la position d’infériorité de la reine Lupis Rhoadserians lors de la récente guerre civile, lui faisant ainsi gagner la couronne.

Il s’est fait passer pour une sorte de génie, mais il montre enfin son vrai visage… Arnold Grisson, l’un des généraux d’Helnesgoula et commandant du front oriental, soupira de déception. Je me demande même si cet homme a pu faire l’offre qu’il nous a faite hier.

Lors de leur première rencontre la veille, Ryoma avait impressionné Grindiana, la souveraine que Grisson admirait et à laquelle il était dévoué, en voyant avec précision ses intentions et en lui faisant une offre qui avait dépassé ses attentes. Et cela avait choqué Grisson au plus haut point. Et bien qu’il ait plus de deux fois son âge, Grisson était envahi par la crainte et l’admiration envers Ryoma Mikoshiba.

Mais à présent, Grisson ne ressentait plus rien de tel. Il faudrait que Ryoma soit un imbécile pour ne pas remarquer à quel point la suggestion qu’il venait de faire était téméraire et dangereuse. Et s’il la disait en sachant à quel point elle était insensée, il ne serait rien d’autre qu’un serpent qui essayait clairement de les tromper.

« Êtes-vous… sérieux ? »

Ryoma avait acquiescé calmement : « Oui… Je veux que vous ordonniez aux armées d’Helnesgoula de commencer à se préparer à attaquer la frontière nord d’O’ltormea. »

Voyant son attitude, Grisson laissa échapper un autre soupir exaspéré et secoua la tête. En vérité, si Grindiana n’avait pas été présente dans cette pièce, Grisson aurait été enclin à enfoncer son poing dans le visage de Ryoma.

Ils avaient convenu la veille qu’Helnesgoula s’unirait à l’alliance orientale et agirait en tant que leader de l’union. Et l’on s’attendait à ce que le leader d’une union soit prêt à faire quelques dégâts pour aider les pays sous son aile. Mais cela ne signifiait pas qu’il devait prendre un risque assez grand pour potentiellement entraîner sa propre destruction. Cette suggestion frise la folie.

En tant que telle, l’exaspération de Grisson était à prévoir. Cependant, contrairement à son attitude, Grindiana regardait Ryoma, qui était assis en face d’elle, avec des yeux brillants. Son regard était comme celui d’un enfant innocent à qui l’on venait de montrer un tour de magie.

« Tu ne comprends pas, Arnold », dit Grindiana avant d’élever la voix dans un rire agréable.

« Mais, Votre Majesté… »

Grisson ne pouvait qu’incliner la tête d’un air étonné devant l’attitude de sa maîtresse.

Ordonner aux armées d’Helnesgoula de commencer à se préparer à une attaque sur les frontières nord d’O’ltormea signifiait entrer en guerre totale avec l’Empire. Grisson ne voyait pas d’autre interprétation à ce que Ryoma venait de dire. N’importe quel général d’Helnesgoula aurait probablement supposé la même chose.

Pourtant, Grindiana voyait les choses différemment.

« Tu es un petit imbécile, Arnold… Ryoma Mikoshiba n’aurait pas élaboré ce plan s’il ne pensait pas qu’une guerre totale avec O’ltormea était parfaitement évitable. »

Grindiana sourit en parlant, une lueur dansant dans ses yeux.

« Ce n’est pas votre intention… N’est-ce pas, Mikoshiba ? »

Elle ponctua ses paroles en regardant Ryoma avec un regard de côté envoûtant.

Un tel regard sensuel aurait fait frissonner la plupart des hommes à qui il était adressé. Mais il semblait inefficace contre Ryoma.

« Bien sûr que non, Votre Majesté »

Ryoma acquiesça calmement en désignant une zone spécifique sur la carte étalée devant eux.

« Fort Notis… Qu’en est-il ? », dit Grisson en penchant la tête.

Ryoma désigna les plaines de Notis, qui se trouvaient désormais fermement sur le territoire d’O’ltormea. Grisson ne comprenait pas où Ryoma et Grindiana voulaient en venir.

« C’est cet endroit que nous allons viser », dit Ryoma.

« Quoi ? ! », s’exclama Grisson, se levant sur ses pieds avec surprise.

*****

Un peu plus tard dans la nuit, Arnold Grisson s’enfonça dans le canapé, ses yeux regardant le plafond. Il n’y avait que lui et Grindiana dans la pièce.

« Je n’arrive pas à croire qu’il ait pu inventer un truc pareil… », marmonna Grisson.

Ryoma Mikoshiba avait détaillé les grandes lignes de la façon dont ils allaient offrir leur aide à Xarooda. Et pour Grisson, un soldat expérimenté qui avait survécu à d’innombrables batailles, c’était un plan qui semblait trop absurde.

Qui pourrait inventer quelque chose d’aussi absurde… ?

Le cœur de Grisson était inondé d’émotions. Il était vrai qu’il était fautif, qu’il aurait dû écouter l’idée de Ryoma jusqu’au bout. Il ne pouvait s’empêcher de se maudire à regret d’avoir élevé la voix malgré sa position de commandant suprême du front oriental d’Helnesgoula.

Mais tout cela était bien évidemment rétrospectif. Qui aurait pu lire dans les intentions de Ryoma à l’avance ? Aucun des collègues de Grisson à Dreisen n’aurait pu également le prédire. Et bien qu’ils soient tous des généraux doués, ils avaient été formés pour prendre le commandement sur le terrain. En d’autres termes, c’étaient des tacticiens. Mais ceci était une question de stratégie. Cela ne voulait pas vraiment dire que la stratégie était plus importante que la tactique, mais elles différaient en termes de perspective. Très peu de personnes pouvaient planifier des opérations militaires à l’échelle nationale.

Arnold Grisson était salué comme l’un des meilleurs tacticiens d’Helnesgoula. Il en était fier, mais à présent, cet éloge lui semblait trop creux. D’autant plus qu’il y avait un autre monstre dans cette pièce, capable du même niveau de réflexion.

« Ça t’a vraiment surpris à ce point ? », demanda Grindiana avec son habituel sourire posé tout en prenant une boule de gomme dans un bocal sur la table et en la mettant dans sa bouche.

Voir l’attitude de sa maîtresse ne fit que faire soupirer Grisson à nouveau.

« Pour sûr, je n’aurais certainement pas été capable d’imaginer quelque chose comme ça. Utiliser notre armée pour secouer les frontières nord de l’Empire, et profiter de cette chance pour traverser les montagnes et attaquer Fort Notis… »

Le corps de Grisson frissonna tandis qu’il parlait.

Cet homme est un monstre… Il est d’un tout autre niveau.

Grisson était saisi d’une terreur totale face à Ryoma Mikoshiba. Il avait une haute opinion de Ryoma depuis qu’il avait suggéré d’établir l’union des quatre pays. Mais il semblait que même cette évaluation n’était pas tout à fait juste. En tant que général d’Helnesgoula, les choses allaient dans une très mauvaise direction pour lui.

Tout se passe bien pour l’instant, mais…

Au moins, une partie de son anxiété provenait du fait qu’il avait été mis à mal devant Grindiana plusieurs fois ces derniers jours, mais ce n’était pas tout.

Combien de personnes à Helnesgoula sont capables de faire face à cet homme… ?

La peur qu’il avait ressentie l’autre jour s’était à nouveau installée dans son cœur. Pour l’instant, Helnesgoula était dans une relation de coopération avec Ryoma. Et avec le traité commercial liant les quatre pays, il était peu probable que cette relation s’envenime de sitôt.

Mais qui pouvait dire que cette relation durerait indéfiniment ? Et si ce n’était pas le cas, Helnesgoula aurait-elle les moyens fiables de résister à cet homme ? Grisson savait au moins très bien qu’il n’était pas l’égal de cet homme. Ce qui s’était passé plus tôt était un coup dur pour l’esprit de Grisson. Cet homme voyait le monde d’une manière totalement différente de la sienne.

Son sens de la stratégie et de la tactique est d’un tout autre niveau que le mien… Il est bien plus capable que moi.

Les mots de Ryoma tournaient en boucle dans l’esprit de Grisson. Sa suggestion était tout simplement inhabituelle. Pour être exact, Grisson avait déjà considéré l’option d’attaquer le Fort Notis. Attaquer le point faible de l’ennemi était aussi efficace dans une guerre entre pays que dans une bagarre de taverne.

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