Wortenia Senki – Tome 8 – Chapitre 4 – Partie 7

***

Chapitre 4 : La bataille du bassin d’Ushas

Partie 7

Le soleil se couchait, et un rideau d’obscurité s’installa sur la région. Helena était assise dans la chambre qui lui avait été attribuée à Fort Ushas, sirotant le gobelet qu’elle tenait dans ses mains tout en regardant l’obscurité à l’extérieur de sa fenêtre. La liqueur forte coula dans sa gorge et fit naître une sensation de chaleur dans ses entrailles.

Helena n’était généralement pas une adepte de l’alcool, mais parfois, être sur le champ de bataille lui donnait l’envie de boire en excès. Surtout après les batailles… Normalement, elle aurait pensé à ses camarades décédés dans les temps anciens.

Mais en ce moment, une seule femme occupait l’esprit d’Helena. Une jeune fille, vêtue d’une armure brillante. Son visage était blanchi, comme si un brouillard le recouvrait, l’empêchant d’être vu. La confidente jurée de Lionel Eisenheit, l’empereur d’O’ltormea : sa fille adorée.

« J’avoue que j’ai été surprise… J’étais sûr qu’elle enverrait une force de secours. Elle est plus froide que je ne le pensais. Peut-être l’ai-je prise à la légère… ? »

Poussant un petit soupir, Helena tourna son regard vers Ecclesia, qui était assise en face d’elle. Helena versa la bouteille dans le gobelet d’Ecclésia.

« Personnellement, je pense que son jugement était excellent. Elle a été capable de réaliser que nous avions tendu un piège. Eh bien, je suppose que ce niveau de jugement est ce que j’attends d’un commandant d’armée… », dit Ecclesia avec un sourire posé.

En pratique, la décision de Shardina de ne pas secourir les forces leurrées était correcte. Cependant, cela voulait simplement dire qu’elle avait évité le pire scénario possible.

« Je suppose que oui. »

Helena considéra les mots d’Ecclesia avec un petit hochement de tête et prit une autre gorgée.

« Mais cela soulève la question de savoir comment elle va regagner la confiance de ses hommes », dit Ecclesia.

« Qui sait ? Le cœur des gens peut être assez compliqué… Cela dépendra donc de la façon dont elle peut comprendre cela. »

Helena admit que, si elle avait été à la place de Shardina, elle ne serait pas non plus capable de trouver une solution parfaite.

Les soldats auront probablement l’impression d’être traités comme des pions jetables…

Helena repensa à un livre de Rearth qu’elle avait lu une fois. C’était un vieux livre détaillant la période des états en guerre d’un certain pays, et il contenait un certain proverbe.

Faire un sacrifice coûteux dans le cadre de la justice.

Les Annales des Trois Royaumes de Chine parlaient de Ma Su, un sage stratège du pays de Shu Han. C’était un jeune homme prometteur qui avait été reconnu par le génial général Zhuge Liang. Mais une fois, Ma Su ignora les ordres de Zhuge Liang et subit une grave défaite au combat.

Fidèle à la discipline militaire, Zhuge Liang avait impitoyablement condamné Ma Su à mort. Les autres généraux, sachant parfaitement à quel point Zhuge Liang chérissait Ma Su, demandèrent à l’unanimité que Ma Su soit gracié pour son échec, mais Zhuge Liang ne revint pas sur sa décision, et respecta les lois de l’armée. C’était ainsi que, les larmes aux yeux, Zhuge Liang trancha la tête de Ma Su.

La leçon que l’on pouvait tirer de cette histoire était que, quels que soient la proximité ou le talent d’une personne, il ne fallait jamais contourner la loi lorsqu’il s’agissait de la punir. Mais c’était, bien sûr, le raisonnement d’un général. En entendant cette histoire, Helena glana également une leçon différente.

Ce qui compte, c’est la performance… Et la façon dont les autres vous voient.

Les soldats chérissaient leur propre vie. Même les meilleures troupes d’un commandant pouvaient ne pas être idéales. Dans le contexte de cette histoire, que Zhuge Liang pleure ou rie, cela n’avait pas d’importance pour Ma Su, dont la tête devait être coupée.

En premier lieu, les larmes que Zhuge Liang versa n’étaient pas pour Ma Su. Le but était de faire voir aux autres généraux qu’il avait versé des larmes et, ce faisant, de conserver leur confiance et leur foi. Zhuge Liang avait compris que, quelle que soit la rigueur du règlement militaire, trancher la tête de Ma Su sans la moindre émotion ternirait sa popularité.

Ce cas était similaire à celui de Zhuge Liang. Les espions du clan Igasaki qui s’étaient mêlés à l’armée d’O’ltormea leur avaient dit que Shardina avait réalisé le piège tendu par Helena et Ecclesia et avait ordonné à son armée de ne pas se déployer. Et en tant que général en charge d’une armée entière, le choix de Shardina était correct.

Mais cela signifiait abandonner les huit mille soldats O'ltormean attirés par la retraite de la cavalerie d’Ecclesia vers le Fort Ushas. Les troupes de Grahalt étaient alors descendues sur les soldats d’O’ltormea depuis les montagnes, frappant leurs flancs sans défense. Cela entraîna des pertes massives parmi les troupes attirées. Bien que les chiffres ne soient pas encore totalement comptabilisés, on estime que les neuf dixièmes des troupes leurrées furent anéanties.

Shardina se retrouvait donc face à un problème crucial : le cœur des quelques centaines de soldats qui avaient survécu au piège. Shardina avait dû regretter que certains d’entre eux aient survécu, car les survivants n’avaient pas apprécié le fait que Shardina n’ait pas envoyé de renforts pour les aider. Même si elle se cachait derrière l’excuse qu’ils avaient enfreint les ordres, la confiance générale dans son commandement serait grandement diminuée.

Et ce mécontentement ne pouvait que se propager aux autres unités qui attendaient sous son commandement. L’angoisse de savoir qu’ils n’étaient que des pions jetables pour leur commandant pèserait sur tous ses soldats…

Exposer son raisonnement ne suffirait pas à empêcher cela, mais la vraie question était de savoir si Shardina Eisenheit était au courant.

« Je suppose qu’une jeune fille comme elle n’en sait pas tant que ça. Elle a peut-être l’expérience des guerres, mais elle a toujours gagné avec la puissance nationale d’O’ltormea derrière elle. Elle n’a pas l’expérience nécessaire pour faire pencher la balance en faveur d’O’ltormea une fois qu’il a perdu l’avantage. », conclut Helena.

« Je suis d’accord. Elle pourrait être redoutable à l’avenir, mais pour l’instant, c’est une enfant. »

Ecclesia hocha la tête, un sourire aux lèvres comme celui des forts qui regardaient les faibles flotter à leurs pieds.

Aussi talentueuse et intelligente qu’elle soit, du point de vue d’Helena et d’Ecclesia, Shardina était encore un oisillon. Même si elle était un bébé phénix qui deviendrait un jour puissant, elle n’était qu’un poussin pour le moment.

Son manque d’expérience sur le terrain était accablant, surtout lorsqu’il s’agissait de se battre en position d’infériorité et de s’en sortir vivante. Aussi talentueuse qu’elle puisse être, ce manque d’expérience pour tromper la mort dans les affres du combat sanglant signifiait que sa capacité à agir en tant que général était insuffisante.

Pour Helena et Ecclesia, tout ce que Shardina était capable de faire était de simplement écraser des armées les unes contre les autres, comme un enfant pourrait frapper des jouets les uns contre les autres. Elles pouvaient voir clairement en elle trop facilement. Bien sûr, le fait qu’elle ait pu prendre la vie de la Divinité Gardienne de Xarooda malgré cette inexpérience était la preuve de ses remarquables compétences de leader.

« Pourtant, nous ne pouvons pas être sûrs d’avoir gagné. Ils ont cet homme, Rolfe, de leur côté, et Celia Valkland, le mage de la cour nouvellement nommé. Et le vice-capitaine des Chevaliers Succubes, le lieutenant de Shardina, Hideaki Saitou. Ils sont tous très compétents… », dit Ecclesia.

« Le Bouclier de l’Empereur… »

Helena acquiesça gravement.

Rolfe Estherkent était le plus proche collaborateur de l’Empereur Lionel Eisenheit depuis qu’O’ltormea n’était qu’un petit royaume au cœur du continent occidental. Ses compétences dépassaient de loin celles d’un commandant ordinaire.

Lors d’une bataille qui s’était déroulée dans les plaines de Notis il y a 30 ans, Helena et le défunt général Belares avaient repoussé l’invasion d’O’ltormea et étaient devenus des héros nationaux. Mais lorsque l’armée d’O’ltormea avait commencé à battre en retraite et avait été soumise à une vaillante poursuite par l’armée d’Helena et du général Belares, un commandant échappa à leurs griffes.

Puisqu’O’ltormea avait été forcé de battre en retraite, cela n’était pas connu du peuple. Mais Helena, qui avait directement combattu contre cet homme, n’oubliera jamais Rolfe Estherkent. Sa grande habileté dans les batailles défensives et les retraites le rendait en effet digne du titre de Bouclier de l’Empereur.

Les espions d’Igasaki avaient rapporté que sa capacité à calmer et à supprimer l’envie des soldats de poursuivre les leurs était en effet magistrale. Sans lui, Ecclésia aurait probablement attiré des milliers d’autres soldats des rangs d’O’ltormea dans le piège. Et Saitou avait également contribué à calmer le déchaînement des soldats. Aucun d’entre eux ne devait être méprisé.

« Je suppose que la suite dépendra des compétences de ses aides… », dit Ecclesia pensivement.

Helena acquiesça : « Oui. Et puis il y a le problème de cet homme encapuchonné qui aide Shardina. Nous ne savons pas non plus qui il est… Nous ne pouvons pas nous permettre d’être négligents maintenant. »

Elles avaient une bonne idée des capacités de Shardina, mais le reste dépendait de ce que ses aides pouvaient faire. Cette défaite pourrait en fait servir à faire grandir Shardina, l’aider à devenir un commandant vraiment monstrueux.

Mais de toute façon, cette guerre n’était pas encore terminée.

« Eh bien, se creuser la tête sur ce sujet maintenant ne nous donnera aucun résultat. Pour l’instant, réjouissons-nous de notre victoire d’aujourd’hui », dit Helena tout en levant son gobelet.

« Oui, Grahalt a fait mieux que ce que j’attendais. Je pense que nous avons abattu six à sept mille ennemis aujourd’hui… »

Ecclesia leva son propre gobelet pour répondre à Helena.

Mais contrairement à ses paroles, son expression était insatisfaite. Son attaque-surprise avait frappé le camp d’O’ltormea et attiré les soldats, après quoi Grahalt avait lancé une seconde attaque-surprise sur le flanc et avait décimé leurs forces. Le cœur de la tactique était l’attaque-surprise à deux niveaux.

Et bien que le stratagème ait été un succès, Ecclesia avait toujours le sentiment de ne pas en avoir fait assez.

« Pour tout le temps et les efforts que nous avons mis dans ce plan, je ne peux m’empêcher de penser que nous n’avons pas atteint un résultat suffisant. Mais il n’y a rien à faire pour l’instant. Nous devrions être satisfaits de cela… Pour l’instant, du moins. »

Helena considéra ses paroles avec un sourire tendu. Elles avaient passé beaucoup de temps et fait beaucoup de sacrifices pour mettre au point ce piège. La raison pour laquelle Ecclesia et Helena étaient restées terrées dans la forteresse après l’arrivée des renforts était pour ce jour, ce moment.

Donc la question restait posée. Est-ce que six à sept mille soldats étaient vraiment à la hauteur de toute la préparation et les efforts qu’elles avaient mis dans ce piège ? Helena avait du mal à se décider, dans un sens ou dans l’autre.

« Nous avons plus que bien réussi à les faire patienter, et nous n’avons de toute façon jamais prévu de finir cette guerre ici. Nous devrions probablement nous contenter de cela », finit par conclure Helena en haussant les épaules.

Ecclesia secoua la tête : « C’est ce que tu dis, mais avec ça, nous n’avons plus de cartes dans notre manche… Nous avons quand même utilisé tous nos archers montés. La seule chose que nous pouvons faire maintenant est de nous cacher dans cette forteresse et de nous concentrer sur la défense. »

Malgré cela, il n’y avait même pas l’ombre d’une inquiétude sur son expression. Parce qu’elle croyait en un seul homme, qui était maintenant enfoncé comme un pieu dans le territoire O'ltormean.

Un coup vigoureux avait été frappé à la porte de la chambre d’Helena, comme si la déesse du destin elle-même les avait appelés…

« J’apporte de mauvaises nouvelles, Dame Helena ! L’armée O'ltormean se déplace en trombe ! », dit un chevalier derrière la porte.

Helena et Ecclesia avaient hoché la tête l’une à l’autre.

« Je crois que ça commence, Dame Ecclesia. »

« Oui, il semblerait… »

Ecclesia n’avait pas eu besoin de demander ce que Helena voulait dire. La bataille de ce jour avait porté un coup douloureux non seulement aux effectifs d’O’ltormea, mais aussi au moral de leurs soldats. Il était inimaginable qu’ils montent un assaut de nuit dans ces conditions. Dans ce cas, cela ne pouvait signifier qu’une chose.

Elles avaient cru en lui. Si ce n’était pas le cas, Helena ne serait pas restée sur la défensive à Fort Ushas. Mais même ainsi, elle n’avait pas pu s’empêcher de nourrir un soupçon d’anxiété au fond de son cœur.

« Tu l’as vraiment fait, Ryoma… »

Helena murmura son nom avec une exclamation de surprise et d’admiration.

La guerre entre Xarooda et O’ltormea, qui avait commencé il y a plus d’un an avec la bataille pour les plaines de Notis, approchait enfin de sa conclusion. Grâce au pouvoir d’un seul homme…

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire