Wortenia Senki – Tome 8 – Chapitre 4 – Partie 6

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Chapitre 4 : La bataille du bassin d’Ushas

Partie 6

Toutes les choses de la création étaient liées entre elles par la causalité. Cela était vrai aussi bien pour le monde de Ryoma, régi par la science, que pour ce monde, régi par des pouvoirs mystiques. La cause précédait toujours l’effet.

Il y a une sorte de problème… Un problème majeur qui va influencer les mouvements de notre armée à l’avenir… Mais qu’est-ce que c’est… ?

L’attitude inquiète de Shardina et de Sudou devait avoir une signification. En observant le dos de Shardina, toujours assise et le visage couvert, Celia se creusa la tête pour trouver la réponse.

Je suis ici en tant que commandant militaire. Je dois réfléchir. Que savons-nous pour l’instant ? Repense à ce qui s’est passé depuis que ce messager est arrivé avec son rapport.

Les conversations qui avaient rempli cette tente depuis que le rapport de l’attaque-surprise de Xarooda fut livré traversèrent l’esprit de Celia une fois de plus. Ce fut alors que Celia réalisa finalement quelque chose.

Attendez… Qu’a dit ce messager ? Une partie de notre armée est sortie… ?

Et puis, ce que Sudou avait dit lui revint en mémoire.

Sudou a dit quelque chose. Laisser nos soldats se déchaîner plus longtemps pourrait être fatal… Se déchaîner ? Ils se déploient donc différemment de ce que Son Altesse a prévu. Ils ont été attirés hors de leur formation… Donc l’unité ennemie qui a lancé cette attaque-surprise n’était qu’un leurre… Donc l’unité qui est sortie est…

Après avoir réfléchi aussi loin, toutes les pièces s’étaient mises en place dans l’esprit de Celia.

Sudou a dit que selon le nombre d’unités qui sortent, cela pourrait influencer l’évolution de la situation… Et ils ont envoyé Saitou et le Seigneur Rolfe pour rassembler les chevaliers et les garder sous contrôle.

Tout cela menait à une conclusion bien trop terrifiante pour être exprimée en mots.

« Cette attaque était un leurre… Et ce qui attend les unités qui sont tombées dans l’appât et se sont lancées à la poursuite de l’unité ennemie est… », murmura Celia.

Shardina jeta un regard furieux à Celia pour avoir prononcé ces mots. Ses yeux étaient pleins de rage et de tristesse, preuve que Celia venait de donner une réponse impitoyablement correcte.

Shardina et Celia se regardaient en silence, et à leurs côtés, Sudou gardait son sourire constant et indomptable. Mais alors qu’ils faisaient cela, le silence fut rompu par un chevalier qui se précipita dans la tente. Il devait être très pressé, car il mit un genou à terre devant Shardina avant même qu’il ait pu reprendre son souffle.

« Je viens avec un message ! Les Seigneurs Saitou et Rolfe ont réussi à rassembler leurs unités respectives ! »

Le rapport fit soupirer Celia de soulagement. Rolfe avait été initialement placé en charge de la défense de leur forteresse à l’arrière, mais le fait qu’il soit maintenant ici dans le bassin d’Ushas était une petite pitié pour eux maintenant. La décision de Shardina de retirer des hommes de leurs positions défensives pour assurer leur victoire dans cette offensive tous azimuts leur avait été bénéfique d’une manière inattendue.

Seul un homme digne et accompli comme Rolfe pouvait endiguer la panique des soldats. Saitou n’était pourtant pas un mauvais commandant, mais cette situation était probablement trop compliquée pour lui. Celia sourit de soulagement. Shardina, cependant, restait aussi grave qu’avant.

« Combien de troupes ont rompu la formation sans permission ? »

« Oui, Votre Altesse ! D’après ce que nous avons confirmé, environ huit mille hommes centrés autour de trois ordres de chevaliers — les troisième, cinquième et huitième ordres du front oriental. », dit le messager.

Shardina fit claquer sa langue en signe de frustration. Si cette attaque était destinée à attirer les soldats d’O’ltormea dans un piège, leurs chances de revenir vivants étaient minces.

Huit mille… C’est plus que ce que j’attendais. Ils visaient les renforts que nous avons collectés sur le front est… Ils savent que mon commandement sur eux est faible…

La plupart des unités qui avaient chargé sans la permission de Shardina étaient des unités appelées en renfort d’urgence. L’Empire d’O’ltormea possédait de vastes territoires, mais cela avait un effet négatif sur cette guerre. Bien que toutes les unités rassemblées dans ce camp fassent partie de l’armée O’ltormea, ces unités étaient différentes de celles qui avaient opéré sous son commandement pendant des années, et il fallait admettre que Shardina ne les avait pas utilisées à bon escient.

« Seigneur Rolfe demande la permission de se déployer pour les aider, Votre Altesse », dit le coureur.

Shardina s’était tue. Si elle choisissait de ne rien faire, les huit mille soldats qui avaient été attirés au loin mourraient probablement. Mais était-il vraiment sage de marcher vers ce qui pourrait bien être un piège ?

« Je crois que la bonne décision est de réduire nos pertes », dit Sudou alors que Shardina restait sans voix.

Même face à cette crise, Sudou était resté aussi détendu et joyeux que jamais.

« Réduire les pertes ? »

Celia penche la tête, ne comprenant pas vraiment ce que Sudou veut dire.

Ce changement d’expression ne lui était pas familier. En tout cas, elle ne l’avait jamais entendu auparavant.

« Oui, réduisons nos pertes. Essayer de les sauver maintenant ne ferait qu’élargir la blessure, et ne servirait qu’à nous pousser dans une situation dont nous ne pouvons vraiment pas nous remettre. Plus simplement, en tolérant certaines pertes jusqu’à un certain point, nous empêchons les dégâts de s’étendre davantage. »

« Réduire ses pertes » était une expression issue du monde de la bourse, qui signifiait simplement définir ses pertes. Par exemple, supposons qu’une action en hausse commence à perdre de la valeur peu après son achat. Bien sûr, les cours des actions fluctuaient quotidiennement, et l’on pouvait donc choisir de conserver cette action si l’on pensait que sa valeur allait augmenter.

Mais l’action pourrait tout aussi bien continuer à baisser. Une action de cent yens pourrait valoir quatre-vingt-dix yens le jour suivant. Dans ce cas, la personne perdait dix yens. Si cette personne pensait que la valeur de l’action reviendrait à cent yens dans quelques jours, elle pouvait décider de ne pas la vendre. Mais si elle pensait que la valeur de l’action allait continuer à baisser, elle pouvait définir sa perte comme étant juste de dix yens et se débarrasser de l’action.

C’était ce que l’on appellait réduire ses pertes. En faisant cela, on minimisait les pertes. Donc quand Sudou avait dit qu’ils devaient réduire leurs pertes, il voulait dire…

« Vous voulez dire que nous ne devrions pas envoyer de forces pour les sauver ? »

Shardina lança un regard haineux à Sudou, et Celia déglutit nerveusement.

C’était, en quelque sorte, une trahison quant à la confiance des soldats.

« Bien sûr, si vous insistez, Votre Altesse, j’enverrai une force de secours pour les aider… Mais au risque de paraître impoli, je dois noter que si nous envoyons une force de secours, nous devons nous préparer à ce que la situation s’aggrave. Envoyer des renforts maintenant ne ferait que les anéantir un par un. », dit Sudou avec un sourire détestable sur les lèvres.

L’expression de Sudou semblait exprimer un seul message : « La décision vous appartient. Décidez-vous maintenant. »

« Et tu me donnes ce conseil en sachant très bien ce qui se passera si je l’applique ? », demanda Shardina en dirigeant un regard haineux vers l’homme.

Elle montra alors une expression qu’elle n’avait encore jamais dirigée vers Sudou.

Akitake Sudou… Confident de Gaius Valkland, aujourd’hui décédé…

Aussi irritant que soit Sudou, elle devait reconnaître sa force en tant que guerrier et son ingéniosité en matière de tactique. En effet, il disait simplement ce qui devait être dit à ce moment précis, et Shardina le comprenait.

Mais on disait que les bons conseils étaient ceux qui faisaient le plus mal à entendre.

« Bien sûr. Ne pas envoyer de force de secours et les laisser mourir va grandement diminuer le moral de notre armée. Mais le problème est que, quel que soit le choix que nous faisons, nous subirons des pertes. Dans ce cas, nous devrions choisir la voie où nous perdrons le moins… Si nous ne pouvons pas choisir le meilleur scénario possible, nous devons choisir le deuxième meilleur. »

L’analyse de Sudou était correcte. Laisser leurs troupes mourir après avoir reconnu qu’elles marchaient dans un piège endommagerait certainement le moral de leurs troupes.

« Vous me dites donc de choisir entre le moral de mes soldats et le maintien de nos effectifs… »

Shardina s’était une fois de plus mordu l’ongle du pouce sans le vouloir.

Si je n’envoie pas la force de secours, les soldats seront mécontents de mon commandement… Au pire, ils pourraient même se rebeller contre moi… Mais envoyer une force de secours alors qu’il y a de fortes chances qu’un piège se produise ne fera qu’aggraver la situation… Et si cela arrive, les soldats commenceront à douter également de mon commandement…

L’un ou l’autre de ces choix coûterait cher à l’Empire d’O’ltormea, et retarderait encore plus l’invasion de Xarooda. Shardina ne pouvait pas dire quel choix elle devait faire, et selon toute vraisemblance, il n’y avait pas de réponse correcte dans cette situation.

C’était ce qu’on appelait une situation sans issue dans le monde de Ryoma. Cependant, Shardina ne pouvait pas se permettre de ne pas faire de choix dans cette situation. Et comme l’avait dit Sudou, tout reposait sur ces épaules. Telle était la responsabilité de celui qui dirigeait une armée.

« Bien… »

Elle finit par faire son choix avec amertume.

Après un long silence, Shardina finit par entrouvrir les lèvres. Mais les mots qu’elle avait l’intention de prononcer ensuite n’atteindraient jamais les oreilles des personnes présentes dans cette tente.

« Je viens apporter de terribles nouvelles ! Je dois avoir une audience avec la princesse Shardina immédiatement ! »

Car un nouveau messager fit irruption par l’entrée, les noyant à jamais…

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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