Wortenia Senki – Tome 8 – Chapitre 4 – Partie 3

***

Chapitre 4 : La bataille du bassin d’Ushas

Partie 3

Un exemple célèbre de cette tactique était l’invasion de la péninsule coréenne par Toyotomi Hideyoshi. La dynastie Joseon appliqua la tactique de la terre brûlée pour affaiblir la capacité de l’armée japonaise à s’approvisionner. Cette tactique fut également utilisée lorsque l’armée allemande envahit l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale et lorsque l’empire achéménide de Perse envahit les Scythes.

Il s’agissait d’une tactique extrêmement efficace qui avait fait ses preuves à maintes reprises, notamment dans les situations où une grande armée lançait une invasion dans une région montagneuse ou enneigée, où il était déjà difficile de sécuriser une ligne d’approvisionnement.

Mais cette efficacité avait aussi son lot d’inconvénients. Le plus flagrant étant qu’une fois la guerre terminée, la restauration des zones dévastées s’avérait considérablement plus difficile. À l’origine, la tactique de la terre brûlée ne détruisait pas seulement les installations militaires. Les villages et les terres agricoles étaient brûlés, les sources d’eau étaient empoisonnées, les forêts brûlées. Des dommages considérables étaient infligés aux infrastructures et à l’environnement de la région.

En d’autres termes, Xarooda avait coupé dans sa propre chair vivante avec ce mouvement. Et la meilleure façon de vaincre cette tactique était de mettre fin à la guerre si rapidement que les lignes de ravitaillement n’étaient plus un problème, ou de transporter dès le départ une grande quantité de fournitures depuis la patrie.

Mais maintenant, comme aucune de ces options ne fonctionnait, ils devaient retirer leurs soldats et se regrouper. C’était la logique établie dans une guerre. Shardina, cependant, secoua la tête en signe de dénégation.

« Non… Sudou, penses-tu sérieusement que nous pouvons nous retirer, si tard dans la guerre ? »

En pensant de manière rationnelle, elle savait que Sudou avait raison. Mais elle ne pouvait pas retirer son armée maintenant, et Sudou le savait aussi bien qu’elle.

« Oui, honnêtement parlant, c’est une décision difficile à prendre. Si rien d’autre n’est fait, cela ne fera qu’empirer votre position, Votre Altesse. Et nos positions ne seraient pas beaucoup mieux… »

Les dépenses de guerre que Shardina avait engagées dans cette campagne représentaient plus d’un tiers du budget militaire d’O’ltormea, le budget d’une grande puissance militaire qui régnait sur le centre du continent occidental. C’était une somme plus importante que le budget national entier de certains petits pays. Et même un grand pays comme O’ltormea ne pouvait pas réunir autant d’argent facilement.

Mais l’argent n’était pas le problème en soi. Compte tenu de la puissance nationale d’O’ltormea, ils pouvaient couvrir cette somme en deux ou trois ans. Le problème était de savoir s’ils seraient capables de récupérer cette somme perdue.

Les guerres éclataient pour des raisons financières dans quasiment tous les cas. Souvent, des questions de justice ou d’autres causes plus importantes étaient brandies comme étendard, comme la défense nationale, ou au nom de la libération des roturiers de l’oppression. Parfois, on invoquait même Dieu pour justifier l’entrée en guerre. Mais la véritable cause des guerres était presque toujours économique.

La pauvreté et la faim poussaient les gens à voler les autres, c’était un instinct. Après tout, même les animaux se battaient pour un territoire. Et occuper un territoire signifiait acquérir les ressources et les taxes qu’offrait la terre d’autrui. En d’autres termes, personne ne serait assez fou pour voler un terrain vague qui ne produit rien.

À cet égard, si Shardina devait retirer ses hommes de Xarooda maintenant, tous les efforts et les sacrifices qu’elle avait faits jusqu’à présent seraient vains. L’argent dépensé n’était pas le vrai problème, mais le fait qu’il n’y avait aucun retour sur investissement l’était. La réputation et le statut de Shardina seraient profondément entachés.

« Je pense que Sudou a raison. Nous devons retirer nos hommes et négocier avec Xarooda… Cependant… », dit Saitou avant de s’interrompre.

Si les choses devenaient favorables pour O’ltormea, peut-être que négocier avec Xarooda ne serait pas un mauvais choix. Détruire complètement le pays serait l’idéal, mais l’Empereur Lionel leur avait dit que faire d’eux un état vassal dépendant était également une alternative acceptable.

Cependant, étant donné la situation, aucune de ces options n’était envisageable.

« Si nous ne prenons pas le bassin d’Ushas, nous ne pourrons pas récupérer les fonds que nous avons dépensés dans cette guerre… Mais au train où vont les choses, ce sera impossible. »

« Je le sais… C’est pourquoi la prise de la forteresse est notre priorité actuelle, non ? »

Le silence s’installa dans la tente. Shardina regardait attentivement Sudou et Saitou qui restèrent silencieux. Entamer des négociations avec Xarooda avant la chute du fort d’Ushas ne leur apporterait rien. Xarooda n’abandonnerait pas facilement la terre qui était en grande partie leur source de nourriture. Mais O’ltormea n’était également pas intéressé par leurs autres terres. En d’autres termes, s’ils n’avaient pas le bassin, cela ne suffirait pas à équilibrer l’argent qu’ils avaient englouti dans cette campagne.

« Alors je pense que la conclusion est claire. Nous devons continuer à pousser l’offensive », conclu Sudou.

« M. Sudou ! », s’exclama Saitou.

Ce qu’il suggérait était imprudent. Pour autant que Saitou le sache, déplacer leur armée pour une raison politique ne se terminerait pas bien. Et Sudou le comprenait parfaitement. Mais il accepta la critique de Saitou sans sourciller.

« Si nous ne pouvons pas battre en retraite, notre seul choix est de continuer à avancer… Après tout, nous devons tenir compte de la faction du prince héritier, M. Saitou. »

À ces mots, Saitou était redevenu silencieux. L’Empereur avait une grande confiance en Shardina, mais certains lui en voulaient pour cela. Ses deux frères en étaient des exemples frappants. Ils pensaient que pendant qu’ils étaient partis se battre sauvagement aux frontières, Shardina essayait de s’attirer les faveurs de leur père, l’Empereur.

Ils étaient particulièrement indignés en ce moment, lorsque l’Empereur Lionel avait retiré des troupes d’élite de tout l’Empire par agacement devant la lenteur de l’invasion de Xarooda. Plusieurs unités avaient été prises aux frontières nord et ouest, où ses frères étaient stationnés.

Ils comprenaient, bien sûr, que cela était nécessaire. Mais les émotions humaines ne se conformaient pas toujours à la logique. On disait que le clou qui dépassait était le premier à être enfoncé. Si cette expédition devait se terminer par des résultats défavorables, Shardina serait une proie facile pour les monstres qui complotent à la cour de l’Empereur. Son statut de royauté ne ferait pas grand-chose pour l’en empêcher. Elle ne serait pas exécutée, mais elle paierait tout de même très cher ses échecs.

« Nous ferons une charge décisive demain… Nous utiliserons le plan que tu as proposé plus tôt, Sudou. Dis au Seigneur Rolfe de quitter Fort Noltia et de venir ici. »

La lueur était revenue dans les yeux de Shardina. En reconfirmant sa position actuelle, elle avait renforcé sa détermination pour ce qui allait suivre.

« Une vague d’attaque utilisant toutes nos forces… Si cela échoue, nous sommes finis. »

Sudou eut un sourire amusé en entendant les paroles de Shardina.

Au moment où elle avait rappelé Rolfe de son devoir de protéger Fort Noltia, Shardina avait admis que sa situation était désespérée. Dans le cas improbable d’une défaite, la tête de pont qu’ils avaient péniblement formée avec le Fort Noltia leur serait arrachée.

La formation de la roue tournante. Sudou l’a mentionné avant… Avec ça, c’est possible. Et il ne nous reste pas beaucoup d’autres options… Mais pourquoi est-il si déterminé à poursuivre la guerre… ?

Pour les membres de l’Organisation comme Sudou et Saitou, Shardina n’était rien de plus qu’une maîtresse temporaire. Le serment de loyauté de Saitou à son égard n’était qu’un moyen pour l’Organisation d’exploiter le lion qu’était l’Empire d’O’ltormea comme un parasite.

De ce point de vue, la diminution de l’influence de Shardina n’était en aucun cas une évolution favorable pour l’Organisation. Mais si la guerre devait s’éterniser, elle risquait de tout perdre. Sudou n’aurait pas non plus voulu voir Shardina, dont il connaissait trop bien le tempérament, perdre complètement tout son pouvoir.

L’Organisation lui avait-elle ordonné de faire quelque chose ? Mais…

L’instinct animal qu’il avait poli depuis qu’il était arrivé dans ce monde tirait la sonnette d’alarme dans l’esprit de Sudou. Mais la vérité était que, pour le moment, ils n’avaient pas de meilleure alternative.

« Saitou, je te ferai monter au front demain », dit Shardina en dirigeant un regard acéré vers son subordonné silencieux.

« Oui, Votre Altesse… »

Saitou ne pouvait qu’acquiescer, submergé par l’intensité de son regard, alors même qu’un sentiment de malaise et de crainte face à l’attitude mystérieuse de Sudou pesait sur son cœur…

*****

Le lendemain matin, alors qu’une teinte orange commençait à envahir le ciel matinal, Helena se tenait au sommet d’une tourelle placée le long des murs. Elle regardait le campement d’O’ltormea au loin, l’air froid soufflant des montagnes et jouant avec ses cheveux blancs.

Les mouvements dans leur camp sont plus vigoureux que d’habitude… Ils veulent probablement en finir aujourd’hui ou demain. Ils doivent être à bout de nerfs.

Alors que les instincts qu’elle avait acquis en tant que commandante aguerrie sur le champ de bataille percevaient avec acuité le changement d’atmosphère, Helena permit aux chakras de son corps d’accélérer.

Je vois… Ils veulent nous charger.

En améliorant son corps avec la magie martiale, elle augmentait sa vision au-delà de ses limites normales, lui permettant de voir avec acuité le campement ennemi à plusieurs kilomètres.

Alors, ils vont enfin prendre leurs précautions et nous charger, murmura Helena en regardant la fumée blanche qui s’élevait dans l’air.

Il n’y avait que peu de raisons pour que de la fumée s’élève d’un champ de bataille. À en juger par l’heure, ils étaient probablement en train de préparer de la nourriture.

« Bonjour, Lady Helena. Il semble que l’ennemi soit enfin prêt à jeter tout ce qu’il a sur nous. »

Une voix claire, semblable à un carillon, parla derrière Helena.

Ecclesia apparut sur la tourelle, accompagnée d’une foule de chevaliers. Ses cheveux noirs et lisses étaient soigneusement peignés malgré l’heure matinale, dansant dans le vent alors qu’elle se tenait là. Helena sentit également un léger arôme chatouiller ses narines, peut-être qu’Ecclesia avait utilisé une sorte d’huile parfumée ?

En regardant son comportement et son apparence raffinés, on ne douterait pas qu’elle soit la fille d’un noble renommé. Cependant, son corps n’était pas recouvert d’une robe de soie, mais plutôt d’une lourde armure de fer gravée d’innombrables rayures et marques. C’était la preuve silencieuse des nombreuses batailles qu’elle avait livrées au cours de sa vie. C’était la preuve indéniable qu’Ecclesia n’était en aucun cas une poupée.

« Bonjour, Ecclesia. Oui, c’est ce qu’il semblerait », dit Helena tout en regardant la fumée qui s’élevait sans se tourner vers l’autre femme.

« Tout semble se dérouler comme le Seigneur Mikoshiba l’avait prédit », dit Ecclesia, se tenant aux côtés d’Helena et se protégeant les yeux d’une main levée en regardant devant elle.

Normalement, le bassin d’Ushas était un endroit idéal pour qu’O’ltormea mène une guerre prolongée contre eux, mais O’ltormea ne disposait pas des armes et des fournitures nécessaires pour poursuivre cette stratégie. Un mois de combat leur avait appris à quel point cette forteresse était solide. Mais malgré cela, Shardina avait décidé de ne pas faire battre en retraite son armée, ce qui signifiait qu’il n’y avait qu’une seule réponse à la question de savoir ce qu’elle prévoyait.

« Ils préparent un gros petit déjeuner pour s’assurer que leurs soldats sont bien nourris.… Ils n’auront probablement pas l’occasion de se replier, même après le coucher du soleil. »

L’armée d’O’ltormea n’avait pas les installations défensives de celle d’Helena, et une fois que les combats auront commencé, les forces assiégeantes ne seraient pas en mesure de faire reculer les soldats et de leur donner le temps de manger et de se reposer. Bien sûr, ils avaient probablement quelques rations portables qui pouvaient être mangées sans être cuites, mais ce n’était que des choses simples comme des noix, des fruits secs et de la viande séchée salée.

Néanmoins, c’était nettement préférable que de se battre sans rien manger de toute la journée. Mais cela ne ferait pas grand-chose pour donner la vigueur nécessaire à la bataille. Et étant donné le climat du bassin d’Ushas, l’air devenait assez froid lorsque le soleil se couchait.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

2 commentaires :

  1. amateur_d_aeroplanes

    Merci. Grosse bataille sur plusieurs chapitres donc ?

  2. merci pour le chapitre

Laisser un commentaire