Wortenia Senki – Tome 7 – Chapitre 5

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Chapitre 5 : Démonstration de puissance

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Chapitre 5 : Démonstration de puissance

Partie 1

Un air tendu avait envahi la salle d’audience. Des soldats se tenaient sur les deux côtés du tapis rouge qui s’étendait de l’entrée au trône, immobiles. Derrière eux se tenaient des deux côtés des fonctionnaires civils et des officiers militaires. Beaucoup d’entre eux étaient également des nobles avec des titres.

Les fonctionnaires étaient vêtus de somptueux vêtements de soie, recouverts de fils d’argent et d’or dans lesquels étaient incrustées des pierres précieuses, comme pour symboliser leur autorité. La seule raison pour laquelle cette tenue n’était pas trop voyante était peut-être le sang noble qui coulait dans leurs veines… Malgré le sort de leur pays qui ne tenait qu’à un fil, ils s’efforçaient de conserver leur dignité, aussi vide soit-elle.

C’était tout aussi vrai pour les officiers que pour les chevaliers. Ils étaient bien sûr en armure et portaient leurs épées au fourreau. Mais leurs armures avaient des motifs élaborés, réalisés par des maîtres artisans. Les épées qu’ils portaient ne ressemblaient pas à des armes destinées à être utilisées sur le champ de bataille, mais plutôt à des œuvres d’art à admirer.

Je suppose qu’une apparence trop miteuse ne ferait que baisser le moral des troupes… Je suppose que c’est le genre de personnes avec qui je vais devoir composer…

Tout en reconnaissant dans une certaine mesure leur choix de décoration, Ryoma avait poussé un soupir intérieur. D’après son expérience, depuis qu’il avait été appelé dans ce monde, les nobles qui s’habillaient de vêtements coûteux pour prouver leur position étaient les personnes les plus dangereuses et les plus inutiles de toutes — indépendamment de leurs compétences ou de leur incompétence.

« S’il vous plaît, approchez. »

Un chambellan se tenant à côté de lui chuchota à son oreille, incitant Ryoma à s’avancer vers le trône.

Eh bien, regardez-moi ça…

La salle d’audience était remplie de chevaliers et de nobles, et ils arboraient tous des expressions variées. Excitation, attente, déception, exaspération, moquerie. C’était les cinq principales émotions qui semblaient remplir cette grande salle d’audience. L’excitation et l’attente représentaient environ 30 % de ces émotions, tandis que la déception, l’exaspération et la moquerie constituaient les 70 % restants.

Je suppose qu’ils attendaient des renforts et tout ce qu’ils voient est un gamin sans nom comme moi à la place. Il est donc logique qu’ils soient pessimistes. Une pensée masochiste traversa l’esprit de Ryoma.

Mais malgré cela, il observa calmement son environnement, prenant toutes sortes d’informations.

Ils sont… plus nombreux que je ne le pensais. Je suppose que c’est l’écart d’expérience entre Lupis, qui vient juste de monter sur le trône, et un souverain qui l’a conservé pendant trente ans.

C’était un palais où de nombreux complots et intentions se croisaient et agissaient les uns contre les autres, mais le fait que des gens soient là signifiait que Julianus Ier avait encore de l’influence. S’il était un monarque inexpérimenté comme Lupis, les nobles, avec leur penchant pour l’autopréservation auraient depuis longtemps fui le palais, tout comme l’avaient fait les aristocrates qui ne s’étaient pas rassemblés sous Lupis lorsque la guerre civile avait éclaté.

Contrairement aux chevaliers, qui n’avaient généralement pas de territoires et travaillaient simplement pour des employeurs, les nobles avaient leurs propres terres. Certains étaient plus ou moins fortunés que d’autres, mais ils avaient tous une influence indépendante, ce qui en faisait un groupe puissant.

En tant que tels, même s’ils permettaient un régime autoritaire centralisé sous la direction du roi en temps de paix, si la capacité du roi à gouverner était mise en doute, les nobles se tourneraient immédiatement vers l’autopréservation. Et à cet égard, puisque cela ne s’était pas produit ici, c’était la preuve que Xarooda avait encore de l’espoir en tant que royaume.

Bien sûr, il pouvait y avoir des traîtres qui se cachaient, et la plupart des gens adoptaient une approche attentiste. Mais le fait que les gens étaient prêts à attendre montrait qu’ils croyaient encore que Xarooda avait une chance de sortir victorieux. Même si cette chance n’était que de quelques pourcents, cette possibilité liait le cœur des nobles, leur interdisant de quitter le palais.

S’ils avaient senti que la défaite était imminente, les nobles auraient plongé pour se maintenir à flot, sans se soucier de ce que les autres pouvaient penser d’eux. Et c’était à ce moment-là que le royaume prendrait vraiment fin.

Ce doit vraiment être leur dernière chance… Celui qui a réalisé cela a bien lu la situation. Était-ce Lupis ou Meltina ? Non… C’était peut-être le comte Bergstone… Quoi qu’il en soit, c’est assez ironique.

La pression de Myest avait sûrement contribué, mais au final, ce furent les dirigeants de Rhoadseria qui avaient décidé d’envoyer des renforts à Xarooda malgré les risques. Et alors qu’ils ne voyaient pas les problèmes qui affligeaient leur propre pays, ils avaient su tirer parti de la situation de leur voisin.

Ryoma étouffa le sourire qui tentait de se glisser sur ses lèvres. Et ce fut alors qu’il le sentit. Des regards froids se posèrent sur lui alors qu’il s’approcha du trône.

Ce n’est pas du mépris ou une évaluation… C’est plus proche de la colère et de la soif de sang.

Ryoma tourna ses yeux vers la source de ces regards.

Ça doit être eux… On dirait qu’ils ne m’aiment pas trop.

Il fixa son regard sur ceux qui le dévisageaient, debout près du trône. Il s’agissait de personnes qu’il n’avait jamais rencontrées auparavant, et pourtant, les regards sombres qu’ils lui lançaient ne pouvaient se résumer à de la moquerie ou du mépris. Ils étaient remplis d’une claire inimitié. Leurs tenues étaient plus somptueuses que celles de leur entourage, ce qui impliquait qu’ils étaient d’un rang assez élevé. Et étant donné leur position dans la pièce, ils possédaient probablement un certain pouvoir et une certaine autorité…

La vérité était que le statut social d’une personne n’était pas toujours égal à son pouvoir effectif et à son influence. Certains ducs détenaient des titres qui n’étaient que nominaux et n’offraient aucune influence réelle, tandis qu’il y avait des barons qui avaient la confiance du roi et étaient nommés à des postes importants.

Mais le groupe qui observait Ryoma avec inimitié avait à la fois des positions et du pouvoir.

Tch… Ça va être ennuyeux. Pourquoi rien ne peut-il se passer comme prévu pour une fois… ?!

Cela s’était produit pendant la guerre civile rhodanienne et cela semble devoir se reproduire aujourd’hui, mais d’une manière ou d’une autre, il semblerait que Ryoma soit destiné à avoir toujours les nobles les plus influents et les plus puissants qui s’opposaient à lui.

Le gorille n’est pas là, par contre… je crois qu’il s’appelle Grahalt… ?

Retenant l’envie de soupirer devant son manque de chance, Ryoma chercha Grahalt. Sa position était ce qui l’intéressait le plus pour le moment, et tout sera plus clair en voyant sa position dans cette salle d’audience. Mais Ryoma ne pouvait pas repérer son visage parmi les chevaliers. Il tourna alors son regard vers le trône vide, trouvant Grahalt debout à la gauche du trône. Bien qu’il se tienne près du roi, il était toujours vêtu d’une armure et portait une épée, comme le reste des chevaliers.

Eh bien, wôw… Je suppose que le roi doit vraiment avoir confiance en lui.

Grahalt se tenait debout, comme pour montrer son grand physique, tel un bouclier gardant le trône.

Puisqu’il est si proche du roi… Son attitude de tout à l’heure a dû être suggérée par quelqu’un. Je ne peux pas exclure la possibilité qu’il ait eu l’idée tout seul, mais je suppose que le premier suspect serait Helena…

Ceux qui se tenaient le plus près du trône étaient ceux qui avaient plus d’influence et un statut plus élevé, mais se tenir à côté du trône était différent. Le rang et l’influence ne suffisaient pas pour cela — il fallait avoir la confiance du roi. La garde royale — les protecteurs du roi — était à la fois l’épée et le bouclier du monarque. Le fait que le roi laisse quelqu’un se tenir à ses côtés était la preuve de la grande confiance qu’il avait envers cette personne.

En comparaison, c’était comme si Lupis faisait confiance à Meltina et Mikhail. Et une telle personne avait été envoyée à la périphérie de la capitale pour accueillir Ryoma. Il y avait peu de chance que Julianus I connaisse quelqu’un comme Ryoma, même à un niveau pratique. S’il possédait un réseau d’information lui permettant de connaître Ryoma de près, Xarooda n’aurait jamais été placé dans une telle position d’infériorité.

Quelqu’un a dû conseiller le roi — dans un but précis, bien sûr.

Mais même si c’était l’idée d’Helena, cela n’aurait servi à rien s’il n’avait pas eu la tolérance de l’accepter… Julianus I… je ne devrais pas le sous-estimer.

Ryoma s’agenouilla devant le trône vide et attendit nerveusement l’arrivée du soi-disant roi médiocre…

« Vous avez bien fait de venir ici de loin. »

Une voix sereine finit par parler au-dessus de la tête de Ryoma, en provenance de la direction du trône.

« Oui, votre Majesté ! »

« Allons donc ! Pas besoin de faire de cérémonie. Montrez-moi le visage du jeune héros de Rhoadseria. Vous n’êtes pas de la noblesse de Xarooda, vous pouvez donc être à l’aise. »

Ryoma leva la tête, fixant son regard sur un vieil homme à la barbe blanche et touffue. Il portait un manteau de soie rouge, et sur sa tête reposait une couronne garnie de diamants étincelants. Des rides profondes étaient gravées sur son visage serein, et il regardait Ryoma avec des yeux bleus.

Il n’était pas du tout un homme bien bâti. C’était difficile à dire puisqu’il était assis sur le trône, mais il semblait être de taille moyenne. Mais l’atmosphère qu’il dégageait était, sans aucun doute, celle d’un monarque.

« Je vous salue après votre long voyage. Je suis le roi du royaume de Xarooda, Johann Julianus I. »

Il avait le sang d’une longue lignée royale ininterrompue, et l’acquis certain d’avoir conservé son règne pendant des décennies. Les deux s’étaient mélangés, créant une sorte de pression étrange qui s’était abattue sur Ryoma.

Bon sang… Et ils qualifient Julianus Ier de roi médiocre, je suppose qu’il ne faut vraiment pas se fier aux rumeurs…

Il était vrai que son règne n’avait pas été marqué par de nombreux accomplissements, et que l’homme lui-même ne semblait pas exceller ou être excessivement mauvais en quoi que ce soit. Mais le fait était qu’il avait été capable de conserver les terres dont il avait hérité dans un monde en guerre constante, et c’était peut-être la seule preuve dont Ryoma avait besoin pour savoir qu’il n’était pas un homme médiocre ou moyen.

« Hmm, Dame Helena m’a parlé de vous, mais… oui, je vois », dit Julianus I avec un léger sourire sur les lèvres.

C’était donc bien l’idée d’Helena…

Les paroles du roi avaient confirmé les soupçons de Ryoma. Il y avait un lien profond entre Helena et le roi de Xarooda.

« En ce moment, mon pays est assiégé par l’Empire d’O’ltormea, et a été poussé au point de non-recours », dit Julianus I.

Ryoma acquiesça sans mot dire.

« Cependant, maintenant que nous avons des renforts de Rhoadseria et de Myest, nous avons peut-être une chance de reprendre nos terres. Qu’en dites-vous ? Avons-nous une chance ? », demanda le roi avec curiosité.

« Si je peux me permettre, Votre Majesté, je vous demande de me laisser du temps avant de répondre à cette question. », dit Ryoma en secouant la tête.

La réponse de Ryoma avait provoqué l’agitation de toutes les personnes présentes qui avaient commencé à chuchoter entre elles. Maintenant que Rhoadseria et Myest avaient envoyé leurs renforts, c’était le moment de tout risquer et de passer à l’offensive. C’était ce que la plupart des personnes présentes dans cette salle d’audience attendaient avec impatience.

Mais Ryoma leur avait déconseillé de se jeter inconsidérément dans la bataille. Il était arrivé dans ce pays pour gagner la guerre contre O’ltormea, et apaiser l’anxiété du peuple ou lui remonter le moral était secondaire pour lui.

***

Partie 2

« Oho… Vous pensez que ce n’est pas le moment ? »

« Je ne dirai pas que ce n’est pas le cas, mais je ne dirai pas non plus que ça l’est. Je crois que la bonne marche à suivre est que j’examine d’abord attentivement les informations dont nous disposons, que je me fasse une idée de la situation afin de pouvoir vous donner ensuite une réponse plus éclairée. »

Les chuchotements des nobles s’étaient intensifiés, et l’inimitié dirigée vers Ryoma avait augmenté en intensité. Était-ce par pure animosité, ou peut-être pour une raison quelconque… ?

« Je vois… C’est très prudent de votre part. »

« La frontière entre la bravoure et l’imprudence est mince, Votre Majesté. »

Toutes les personnes présentes dans la pièce avaient été bouleversées par le fait que Ryoma s’était adressé au roi aussi franchement qu’il l’avait fait. Ses yeux s’étaient retournés vers le regard puissant que lui adressait le trône. C’était un regard acéré, comme si l’homme avait essayé de voir à travers son cœur.

L’agitation s’était soudainement éteinte, et le silence s’était installé dans la salle d’audience.

Ses yeux sont inébranlables… Julianus I sentait une forte volonté brûler dans les yeux de Ryoma.

Il n’y voyait que la puissance de l’acier incarnée dans la forme d’un homme.

Quel genre de vie doit-on mener pour porter ces yeux à un si jeune âge… ?

Julianus I avait connu deux autres personnes ayant le même regard acéré que cet homme qui le regardait intensément. L’un d’eux était le défunt général Belares, la divinité tutélaire de Xarooda. L’autre était la déesse blanche de la guerre de Rhoadseria, Helena Steiner. Ils portaient une certaine lumière en eux. Ils avaient confiance en cette lumière, et cela se voyait dans leurs yeux.

« Très bien… Je souhaite que vous me prêtiez votre force, aux côtés de Dame Helena », dit Julianus I, l’intensité de son regard interrogateur faisant place à la sérénité qu’il affichait plus tôt.

« Je ferai tout ce qui est en mon humble pouvoir pour assurer la victoire de Xarooda. »

Ryoma inclina silencieusement la tête en promettant le triomphe au roi.

« Hmm. Nous attendons beaucoup de vous… »

Les mots de Julianus Ier avaient détendu l’air dans la salle d’audience. Les renforts envoyés par Rhoadseria avaient été acceptés. Mais certaines personnes n’étaient pas si heureuses de les accueillir. Lorsque Julianus Ier avait approuvé la réponse de Ryoma avec un sourire, un homme avait franchi la barrière de la garde royale et s’était avancé devant le trône.

« Attendez, Votre Majesté ! »

Julianus I jeta un coup d’œil dans la direction de l’homme et ordonna aux chevaliers qui tentaient de le retenir de le lâcher.

« Qu’y a-t-il, comte Schwartzheim ? »

Le roi regarda l’homme agenouillé devant son trône avec une expression quelque peu amusée, posant son menton sur ses mains alors qu’il lui donnait la permission de parler.

L’homme — le comte Schwartzheim — était vêtu de vêtements de soie décorés de cordes dorées et incrustés de pierres précieuses. Apparemment, il était assez influent au sein du palais. Le fait qu’on lui avait même donné la permission de parler après avoir fait irruption dans la garde royale était une preuve de sa position.

C’était un homme d’une quarantaine d’années, aux cheveux blonds peignés en arrière et au ventre rond et bombé. Mais ses épaules étaient plus larges que ses 170 centimètres de haut ne le laissaient supposer, et ses avant-bras étaient aussi épais que des rondins. Il était clair qu’il n’était pas seulement un noble influent.

« Si je peux me permettre, j’aimerais dire quelque chose, même si cela peut me valoir votre colère, Votre Majesté », dit-il en baissant la tête.

Pendant qu’il parlait, les regards dirigés vers Ryoma par les nobles à ses côtés devenaient de plus en plus aigus. Haine, colère, envie, dégoût. Des émotions bien trop vives pour être dirigées vers un homme qu’on avait rencontré pour la première fois.

C’est quoi le problème de ces types… ?

N’importe qui serait déconcerté par le fait qu’un étranger le regarde avec une haine flagrante, mais Ryoma avait essayé de supprimer sa confusion. Il ne pouvait pas se permettre de montrer une quelconque faiblesse dans cette salle d’audience, où ceux qui étaient de son côté étaient mêlés à ses ennemis.

Bien sûr, il pouvait se faire passer intentionnellement pour faible afin que les autres le sous-estiment, mais pour l’instant Ryoma avait besoin que les nobles de Xarooda soient absolument en admiration devant lui. Et en tant que tel, il prit soin de maintenir son expression aussi dure que possible.

« Si vous avez une opinion sur mes décisions, dites ce que vous pensez. »

« Je crois que cet homme, Mikoshiba, n’a pas la force que vous attendez de lui, Votre Majesté. Je crois qu’il serait préférable qu’il prenne ses soldats et retourne dans son pays. »

C’était une déclaration tellement provocante et impudique que toutes les personnes présentes dans cette salle d’audience n’avaient pu s’empêcher de commencer à murmurer.

« Ohoh. Vous me dites de renvoyer le seigneur Mikoshiba et ses renforts après le long voyage qu’ils ont fait pour venir ici ? », demanda Julianus I.

« C’est effectivement le cas. »

Le comte Schwartzheim acquiesça, ne montrant aucun signe de honte ou de remords.

« Comte Schwartzheim… Vous réalisez la signification de ce que vous dites ici, oui ? Avez-vous l’intention de creuser un fossé entre notre pays et Rhoadseria ? », dit Julianus Ier avec une voix agréable et presque amusée.

En effet, renvoyer Ryoma maintenant serait un terrible coup diplomatique, mais cela allait sans dire.

« C’est en effet une préoccupation dont je suis conscient. Mais Votre Majesté, vous ne pouvez dire cela que parce que vous n’avez pas vu les soi-disant renforts que cet homme a amenés avec lui. », dit le comte Schwartzheim, faisant taire le tumulte qui remplissait la pièce.

« Dame Helena me dit qu’ils sont tous des élites sélectionnées. »

« Si le général Helena Steiner vous a vraiment dit cela, Votre Majesté, alors je suis triste de dire qu’elle vous a grandement induit en erreur. J’ai vu ses forces, et elles ne sont que de trois cents. Non seulement cela, mais ils sont principalement constitués de filles roturières qui ont à peine l’âge, voire pas du tout. Je ne vois pas ce qu’elles peuvent nous apporter de bon sur le champ de bataille. Au pire, elles seront enlevées par l’ennemi, ce qui diminuera le moral de notre armée. Et puis, après un an de résistance, nos forces n’ont pas beaucoup de réserves à épargner. Puisqu’ils sont inutiles au combat, je propose qu’ils fassent demi-tour et retournent à Rhoadseria. »

La voix du comte Schwartzheim avait résonné dans la salle d’audience. Les renforts de Rhoadseria étaient constitués des 2 500 chevaliers menés par Helena et des trois cents amenés par Ryoma, soit un total de 2 800 soldats. Même si Helena, malgré toutes ses louanges, les commandait, leurs forces étaient bien inférieures aux dix mille élites envoyées par Myest.

Si l’attitude du comte Schwartzheim était excessivement grossière compte tenu du fait qu’il s’adressait à un homme venu de loin pour leur venir en aide, sa position n’était pas totalement erronée. Un allié faible pouvait être un handicap bien plus grand qu’un ennemi puissant, et la guerre dépendait de la façon dont on brisait le cœur des hommes.

En effet, il suffisait parfois de réclamer la vie du général qui dirigeait le champ de bataille, et d’autres fois, il fallait vaincre tous les soldats de l’ennemi. Mais si l’on examinait bien les choses, la raison pour laquelle la défaite d’un général pouvait conclure une guerre venait du fait que la mort d’un chef forçait le cœur des soldats à se briser sous le poids de la réalité. Une guerre était décidée lorsque les soldats d’un camp et leur général commençaient à craindre pour leur vie et prenaient conscience de leur défaite.

Oh… Il sait donc comment fonctionne la guerre. Cet homme n’est pas stupide.

Il avait une raison logique et bien raisonnée de dire ce qu’il avait dit. Ryoma était honnêtement impressionné par l’homme agenouillé à côté de lui. Il avait l’air d’un imbécile hautain, mais les premières impressions étaient trompeuses. Et avec ces préjugés disparus, Ryoma avait commencé à voir les véritables intentions de cet homme.

Il y a deux options ici. Soit il est sérieux, soit il essaie de nous tromper… S’il est sérieux, cet homme est digne de confiance et fiable. Mais s’il trompe le roi, cet homme est un vrai bandit.

Ryoma avait silencieusement regardé le visage du comte Schwartzheim pendant qu’il criait. Comme s’il essayait de scruter son cœur…

Les problèmes qu’il soulignait étaient compréhensibles. Si l’on s’en tenait à la surface des choses, les trois cents soldats de Ryoma ne valent rien, d’autant plus que la plupart de ses soldats étaient des filles du peuple.

Si son armée avait été composée d’hommes robustes, le comte n’aurait peut-être pas élevé la voix à ce point. Normalement, on n’enverrait pas une armée de conscrits pour une telle mission, mais étant donné les problèmes de Rhoadseria, on pouvait être enclin à ravaler sa colère.

Il était compréhensible que, comme ils se remettaient d’une guerre civile, ils n’avaient pas beaucoup de soldats à envoyer à l’étranger… À cet égard, le comte Schwartzheim appréciait le fait que Rhoadseria avait pris la peine d’envoyer 2 500 chevaliers sous le commandement compétent et expérimenté d’Helena.

Mais ce n’était pas le cas de Ryoma et de ses soldats. Une armée de soldats qui n’avait pas l’air d’être d’une quelconque utilité sur le champ de bataille, dirigée par un jeune noble avec peu ou pas de mérite à son nom.

Amener cette populace et l’appeler en renfort… C’est une insulte à Xarooda !

Cette colère s’était enflammée dans son cœur. Du point de vue du comte Schwartzheim, Ryoma avait déguisé des roturiers en soldats et avait essayé de les faire passer pour une armée.

« J’apprécie qu’ils viennent ici et offrent leur aide, mais nous n’avons pas beaucoup de loisirs. Je ne sais pas quelles étaient vos intentions en amenant cette armée ici, mais je vais être franc — elle n’est rien de plus qu’une nuisance pour nous ! Ils ne sont peut-être que trois cents, mais nous n’avons aucune provision à offrir à vos soldats ! »

Ses cris avaient résonné dans la salle d’audience. En effet, il ne fallait pas gaspiller de précieuses provisions pour des soldats inutiles.

« Comte Schwartzheim, ne prenez-vous pas cela trop au sérieux ? »

Grahalt avait tenté de le réprimander pour son emportement.

Grahalt avait déjà porté la même accusation contre Ryoma auparavant, mais c’était dans un cadre informel. Dire tout ce qu’il avait dit pendant une audience, alors que tout le monde écoutait, était excessif. Mais en ce moment, ce niveau de considération de base était au-delà du comte.

« Que dites-vous, Capitaine Henschel ? Pour commencer, à quoi pensiez-vous ? J’ai entendu dire que vous aviez été envoyé pour accueillir cet homme aux abords de la capitale. Si vous le saviez à l’avance, pourquoi ne pas en avoir informé Sa Majesté ? Vous auriez dû repousser cet homme avant même qu’il ne vienne à cette audience ! »

Son argument était solide et ne pouvait être réfuté. Xarooda avait besoin de renforts — pas d’un bagage inutile. Dans cette optique, Grahalt aurait dû forcer cette armée à faire demi-tour. Si cela n’était peut-être pas vrai pour tous les autres nobles, le comte Schwartzheim était prêt à tout risquer pour la pérennité de Xarooda et de sa famille royale. Julianus Ier était peut-être considéré comme un roi médiocre par les autres pays, mais aux yeux du comte Schwartzheim, il était un souverain digne d’être servi.

Sa Majesté n’est en aucun cas médiocre. Il a surmonté d’innombrables crises dans ce monde violent, et a conservé le pays avec respect !

Cette émotion poussa le comte à aller de l’avant. Et pourtant, Julianus Ier n’avait aucune intention d’accepter son conseil.

***

Partie 3

Julianus Ier sourit, il caressa sa barbe tout en parlant.

« Hmm, je comprends vos réticences, comte Schwartzheim… Cependant, je n’ai pas l’intention de demander au Seigneur Mikoshiba de partir. »

Ses paroles inébranlables avaient résonné dans la salle d’audience, faisant à nouveau murmurer toutes les personnes présentes.

« Pourquoi ?! Pourquoi pas ?! »

Le comte Schwartzheim s’était approché du trône, le visage rouge de colère.

« Arrêtez, comte Schwartzheim ! Vous êtes à la limite de l’irrévérence ! »

La carrure massive de Grahalt repoussa le comte.

« Bon sang ! Lâchez-moi ! »

Le comte Schwartzheim se débattait pour se dégager de l’emprise de Grahalt, le visage rougi par l’émotion.

« Votre Majesté, pourquoi ?! »

« Henschel, tout va bien. Lâchez-le », dit calmement Julianus Ier.

Le ton de la voix du roi fit comprendre au comte Schwartzheim la signification de ce qu’il venait de faire. Se jeter sur le trône avec colère pouvait facilement être pris pour une trahison.

« M-Mes excuses, Votre Majesté… Je… »

Le comte Schwartzheim était tombé à genoux, comme s’il se contractait, mais Julianus Ier lui fit signe de se relever.

« Tout va bien. Comme je l’ai dit, vos doutes sont clairs pour moi… », dit-il.

Puis il déplaça ses yeux calmes et amusés vers Ryoma, qui se tenait sur le côté.

« Qu’en dites-vous ? Je crois que toutes les personnes présentes partagent les doutes du Comte Schwartzheim. Aussi gênant que cela puisse vous paraître, voudriez-vous démontrer votre force, et celle de vos soldats ? »

Ayant gardé la bouche fermée en observant tout ce qui s’était déroulé jusqu’à présent, Ryoma entrouvrit les lèvres pour parler.

« Vous me demandez de combattre quelqu’un ? », demanda-t-il.

Les lèvres de Julianus I se retroussèrent en un sourire légèrement vicieux et provocateur.

Oh, je vois… C’est un peu agaçant d’avoir été mené par le bout du nez, mais peu importe. J’aurais eu besoin de faire ça tôt ou tard. Je devrais probablement me réjouir que les choses aillent plus vite…

Il n’avait pas fait tout ce chemin juste pour renforcer la défense de Xarooda. Maintenant qu’il avait obtenu le contrôle de la péninsule de Wortenia, il avait besoin de renommée pour faire ses prochains pas. Et gagner cette renommée était, à toutes fins utiles, son objectif principal ici.

Obtenir cette réputation nécessiterait un sacrifice. Plus le sang coulera, plus le nom de Ryoma Mikoshiba résonnera dans tout le continent occidental.

« En effet. Les doutes du comte Schwartzheim sont-ils fondés ? »

« Pas du tout. Les soldats de mon armée vont prouver leur force devant vous tous. »

« Alors c’est décidé. Nous pouvons organiser le défi dès ce soir. »

Au son de ces mots, l’expression de Ryoma s’était déformée. C’était le sourire d’un carnivore qui se léchait les babines à la vue d’une proie. Mais avec son visage baissé devant le trône, personne dans la salle d’audience ne pouvait voir le rictus vicieux qui envahissait les traits de Ryoma…

Les terrains de manœuvre étaient éclairés par des feux de joie alors qu’un grand nombre de nobles et de membres de la royauté se rassemblaient dans cette zone, habituellement peuplée uniquement de soldats.

« Ils ont tous du temps à perdre, hein ? » se moqua Ryoma tout en jetant un coup d’œil aux curieux rassemblés autour pour observer.

« Tu ne peux pas leur en vouloir. Tu ne trouveras pas un tel spectacle en plein milieu d’une guerre. Et il n’y a pas qu’eux. Je suis moi aussi curieuse de voir comment ça se passe. », le réprimanda Helena qui se tenait à ses côtés.

Ils ne s’étaient pas beaucoup rencontrés depuis la fin de la guerre civile rhoadserienne, mais il n’y avait pas le moindre soupçon d’aliénation ou de gêne entre eux. Pour quiconque les regardait de côté, ils étaient l’image même d’une gentille grand-mère et de son petit-fils.

« Je te jure, Dame Helena, tu donnes l’impression que cela n’a rien à voir avec toi… »

Ryoma haussa les épaules avec un sourire sardonique.

Helena avait simplement souri paisiblement.

« Mais bien sûr. C’est une chance de voir ta force, et la puissance de tes soldats. À cet égard, ce n’est pas mon problème. », dit-elle.

« C’est bien, mais Xarooda a l’air plutôt sérieux à ce sujet… », dit Ryoma, en tournant son regard vers le groupe situé à l’opposé du champ de manœuvre.

Un combat en présence du roi était sur le point d’avoir lieu, entre la Garde du Monarque Xarooda et les soldats du Baron Mikoshiba. Normalement, les deux camps avaient limité les armes qu’ils étaient autorisés à utiliser, afin d’éviter que toute mauvaise volonté ne vienne perturber le match.

Cette fois, cependant, leur adversaire avait insisté pour que le match soit plus proche d’une véritable bataille, et donc aucune limitation n’avait été imposée sur les armes. Ils étaient vêtus d’armures de plaques et armés de lances dégainées. L’éclat terne de leurs lames montrait clairement que la bataille qui les attendait n’était pas un match d’entraînement.

« Te connaissant, je crois que tu as une chance de gagner, mais ne sois pas imprudent. Xarooda est connu pour avoir une lance et un bouclier pour repousser ses ennemis, et ils sont sans aucun doute cette lance… Et ils ont parfaitement l’intention de te tuer, toi et tes soldats, corrects ? »

À un moment donné, le sourire avait disparu des lèvres d’Helena. À sa place se trouvait une volonté d’acier. L’expression qu’elle arborait donnait l’impression que c’était elle qui était sur le point de se lancer sur le champ de bataille.

« Tu n’as pas à t’inquiéter autant. Tu crois que j’accepterais un combat dans lequel je ne suis pas sûr de gagner ? », dit Ryoma en lui adressant un regard taquin.

Helena soupira et secoua la tête.

« Ce n’est pas une blague. Je te connais, bien sûr, et je sais que tu as vaincu à toi seul Kael Iruna, l’un des plus grands épéistes de Rhoadseria. Tu es sûrement capable, mais je ne sais pas ce que valent ces enfants. Ce n’est pas trop tard, Ryoma. Je sais que tu as des mercenaires entraînés parmi tes soldats. Qu’ils prennent leur place… Et si tu ne peux pas te retirer, laisse-moi m’en occuper. Je trouverai une solution. »

Ryoma sourit simplement et garda le silence à sa suggestion. Helena n’était que le général des renforts, et même elle ne pourrait pas étouffer cette situation maintenant qu’elle était allée si loin. Même avec son lien avec Julianus I, elle n’exerçait pas une grande influence sur les nobles et les chevaliers de Xarooda. Au pire, elle pourrait même enfoncer davantage la position déjà difficile de Rhoadseria.

Mais même en sachant cela, Helena ne pouvait pas simplement rester sans rien dire, sans confirmer cela avec Ryoma. Ses yeux se tournèrent vers le groupe qui se tenait derrière eux. Et tout ce qu’elle pouvait voir était de jeunes soldats. On ne pouvait même pas dire qu’ils étaient inexpérimentés, ils étaient simplement jeunes. Et il n’y avait pas que des garçons, mais aussi des filles.

Bien sûr, la façon dont ils tenaient et entretenaient leurs armes correspondait à celle d’un mercenaire expérimenté, mais quand il s’agissait d’une véritable confrontation de lames, les choses pouvaient s’avérer très différentes.

Sur de nombreux champs de bataille, Helena avait vu les corps de jeunes enfants. Des soldats roturiers enrôlés, des jeunes fils de familles de chevaliers distingués. La faucheuse descendait pour saluer tout le monde de la même manière sur le champ de bataille — quel que soit leur statut social ou leur âge. C’était une réalité inéluctable.

Et donc, Helena ne souhaitait pas du tout voir les corps des enfants éparpillés sur le champ de bataille.

En fin de compte, ce n’est qu’au nom de mon autosatisfaction… Une pensée coupable traversa l’esprit d’Helena.

Et cette pensée ne pouvait être sans rapport avec le fait qu’elle avait perdu sa propre fille dans une lutte de pouvoir.

« Nous allons maintenant commencer le match », s’exclama le vieux noble qui servait d’arbitre, sa voix faisant taire tous les chuchotements.

« Baron Ryoma Mikoshiba du Royaume de Rhoadseria, et Capitaine de la Garde du Monarque Xaroodian, Seigneur Orson Greed. Tous les deux, approchez du centre du terrain. »

« Oh, ils m’appellent… Je reviens vite », dit Ryoma avec un sourire en coin.

Le match était un combat de groupe de cinq contre cinq. Le Comte Schwartzheim voulait voir leurs capacités en combat de groupe plutôt que leurs prouesses martiales personnelles. Il semblerait que le Comte n’aimait pas beaucoup Ryoma. Et comme Grahalt n’avait pas rapporté la vérité sur les troupes de Ryoma à Julianus I, il avait insisté pour que Ryoma affronte la garde du monarque et non la garde royale. De son point de vue, Grahalt et sa garde royale risquaient de gâcher le match intentionnellement.

« Ça ira. Oh, pourquoi ne pas faire un pari sur qui va gagner ? Tu pourrais faire une fortune. En fait, j’ai déjà placé mes paris… Oh, mais garde le secret », chuchota Ryoma à Helena

Il fit ensuite un signe de la main aux soldats afin qu’ils s’avancent.

Des paris… ? Ma parole, ce garçon…

Apparemment, Ryoma jouait dans les coulisses avec les nobles de Xarooda. Cela semblait assez audacieux étant donné que la survie du royaume était en jeu, mais les gens stupides n’étaient jamais en manque, où que l’on aille. Cela dit, même Helena devait admettre que c’était peut-être inévitable, les gens ne pouvaient pas tenir longtemps sans un exutoire pour le stress constant.

Il n’est pas du genre à changer d’avis sur mes mots… Mais quand même, d’où vient cette confiance ?

Helena ne pouvait s’empêcher de se poser cette question en voyant le sourire confiant de Ryoma. Pourquoi était-il si sûr de gagner ce match ? Un spectateur qui pariait pourrait sembler irrespectueux, mais Helena ne pouvait pas vraiment leur reprocher de le faire. Mais Ryoma pariant sur lui-même apparaissait comme extrêmement effronté.

A-t-il une raison de croire qu’il gagnerait… ?

Ryoma était doté d’un intellect et d’une ingéniosité aussi tranchants qu’une lame de glace. C’était un tranchant qu’Helena ne connaissait que trop bien, car c’était grâce à lui qu’elle avait obtenu la vengeance qu’elle cherchait depuis tant d’années…

Deux émotions contradictoires s’affrontaient dans le cœur d’Helena. Son cœur de guerrière aspirait à voir les compétences des soldats que Ryoma avait élevés. Mais son côté maternel lui faisait mal à l’idée de voir des enfants mourir. Les deux choses qu’elle avait dites à Ryoma plus tôt étaient ses sentiments sincères.

Je crois en toi, Ryoma… pensa Helena en regardant le dos de Ryoma avec à la fois de l’attente et du chagrin.

***

Partie 4

« Les deux camps sont-ils prêts maintenant ? », demanda l’homme vieillissant aux cheveux blancs choisi comme arbitre à Ryoma et Greed.

Ce vieil homme se vantait souvent de ses jours de jeunesse et des actes héroïques qu’il avait autrefois accomplis, et s’était donc désigné pour servir d’arbitre. En vérité, cependant, il était moins un arbitre qu’un animateur et un hôte du duel, ainsi qu’un témoin. Une fois le combat commencé, un vieil homme comme lui serait impuissant à arrêter un chevalier pleinement armé.

Le fait d’avoir un arbitre seulement pour la forme était peut-être une tentative des nobles de maintenir l’apparence d’un match équitable. En vérité, ils ne pouvaient voir ce qui allait se passer que comme un massacre unilatéral, et c’était leur manière de le rendre moins horrible.

« Bien sûr », répondit sèchement Greed en hochant la tête, dirigeant un regard de mépris froid vers Ryoma.

Il était évident qu’il était mécontent de cette bataille. Son regard semblait se demander pourquoi la Garde du Monarque, la lance du royaume, devait combattre un groupe d’enfants. La plupart des personnes présentes sur ce champ de manœuvre se souciaient peu de savoir qui gagnait ou perdait. C’était une bataille entre des chevaliers robustes et armés et une bande d’enfants. Ces derniers étaient armés de solides armures de cuir et de vraies armes, mais la différence entre leurs physiques était flagrante.

Les arts martiaux modernes divisaient les combats en catégories de poids, car la triste réalité était qu’un poids et une taille supérieurs rendaient plus fort. Le judo insistait souvent sur le fait que la souplesse était plus puissante que le muscle, mais la vérité était que dans la plupart des cas, le plus grand et le plus fort l’emportait sur le plus petit et le plus faible.

La cupidité, bien sûr, ne connaissait rien aux arts martiaux modernes, mais même dans des mondes différents, les gens pensaient aux mêmes choses. C’était, à toutes fins utiles, un match qu’il était prêt à gagner. Et puisque sa victoire était acquise, se donner la peine de se battre lui semblait une perte de temps.

Pourtant, il savait qu’il ne fallait pas laisser transparaître cette pensée. C’était un match qui se déroulait sous les yeux du roi xaroodien, Julianus I. Aussi mécontent qu’il soit, il ne pouvait pas se permettre de paraître démotivé devant le roi.

« Oui, nous sommes prêts quand vous voulez », répondit Ryoma avec un sourire si calme qu’il fit tressaillir les sourcils bien dessinés de Greed.

« Très bien. Que les deux camps s’avancent, alors… Ne vous en voulez pas l’un à l’autre, quel que soit le résultat de cette bataille ! Compris ? »

L’arbitre poussa Ryoma et Greed à s’avancer.

Apparemment, il voulait qu’ils se serrent la main avant le combat.

« À un combat loyal », dit Ryoma en tendant sa main droite à Greed.

L’homme, cependant, s’était simplement moqué de Ryoma, s’était retourné et s’était éloigné.

« H-Hey, Capitaine Greed, où allez-vous ? »

Le vieux noble éleva la voix, surpris par l’attitude de Greed.

Quelles que soient les raisons de ce dernier, ses actions défiaient la bienséance et la politesse.

« Mes excuses, mais je n’ai pas l’intention de me lier d’amitié avec un adversaire avant un match.… J’encaisserai les reproches plus tard », cracha Greed en tournant le dos et en s’approchant de ses subordonnés.

« Quel ennui ! On dirait qu’il me déteste », marmonna Ryoma en déplaçant sa main droite tendue pour se gratter maladroitement la joue.

Son expression, cependant, ne semblait pas dérangée le moins du monde.

« Cet avide… On dirait qu’il est excité avant le match. Ne pensez pas du mal de lui, Monsieur Mikoshiba. »

« Oui, c’est logique étant donné sa position. D’ailleurs, je peux comprendre qu’il soit mécontent d’avoir reçu l’ordre d’être notre adversaire aussi subitement. Ne vous inquiétez pas pour ça, vieil homme. », dit Ryoma au vieux noble de manière réconfortante.

Il s’était ensuite retourné avec un sourire posé et était reparti. En vérité, Ryoma ne pouvait pas se soucier de l’attitude de Greed. Après tout, il n’était rien de plus qu’une proie amenée devant lui.

« Maintenant, le festin commence… J’espère que tu feras au moins bonne figure. »

Un doux murmure s’échappa des lèvres de Ryoma.

*****

Le silence s’était installé sur le champ de manœuvre. Kevin pouvait à peine distinguer le bruit d’une faible respiration autour de lui. Ils se trouvaient dans un endroit de près de cent mètres de côté. Tout autour se tenaient d’innombrables nobles et chevaliers de haut rang. Il n’y avait pas de sièges comme dans le Colisée de Rome, seulement du sol et des cailloux.

Cet endroit est grand… Nous serions désavantagés dans un combat normal… pensa Kevin, les yeux tournés vers les chevaliers qui se tenaient à cinquante mètres de là, attendant le signal du départ.

Une bataille commençait par l’évaluation de la différence de force entre son propre camp et l’adversaire. La citation de l’Art de la guerre de Sun Tzu : « Si tu connais l’ennemi et que tu te connais toi-même, tu n’as pas à craindre le résultat de cent batailles », n’était en aucun cas exagérée. C’était une ligne de conduite naturelle pour ceux qui se préparaient à partir au combat.

Ainsi, comme il l’avait toujours fait, Kevin observa les cinq chevaliers alignés de l’autre côté. Il n’était encore qu’au milieu de l’adolescence et, comparés à lui, ils mesuraient 170 centimètres, avec des corps volumineux et larges. En termes de physique pur, le match semblait décidé.

Il en allait de même pour leur équipement. Les chevaliers portaient de lourdes armures d’acier, et leurs têtes étaient couvertes de casques. Les lances qu’ils tenaient dans leurs mains faisaient trois mètres de long. En comparaison, Kevin et ses amis n’étaient protégés que par l’armure de cuir que leur avait accordée Ryoma et un bouclier de fer.

Bien sûr, cette armure — faite de la peau de monstres empilés les uns sur les autres — n’était en aucun cas très inférieure à une armure en acier. Mais cette armure de cuir mettait l’accent sur la mobilité, et par conséquent l’armure de métal, dont les articulations étaient également protégées, offrait certainement une meilleure défense. Choisir une armure légère qui favorisait la mobilité n’était pas une erreur sur le terrain montagneux de Xarooda, mais dans un affrontement direct de force brute, cela les désavantageait.

Kevin était bien conscient que ses lèvres étaient sèches à cause du suspense. Son pouls battait comme un tambour dans ses oreilles, et ses hanches donnaient l’impression de picoter. Il avait l’impression qu’un insecte les traversait — un insecte appelé terreur. L’émotion la plus familière de toutes qui semblait toujours s’insinuer avant un combat.

Kevin lécha ses lèvres sèches en serrant son épée de fer personnelle, jetant un coup d’œil à ses camarades. Leurs expressions étaient aussi serrées que les siennes.

Ils ressentent tous la même chose… Mais qui peut nous en vouloir ? Après tout, ce n’est que notre deuxième fois…

Ils étaient terrorisés avant un match à mort. La peur de se faire enlever la vie leur tenaillait le cœur — tout comme la peur de prendre la vie de leurs ennemis. Même lorsqu’ils avaient combattu les pirates — une bataille qui ressemblait à une sorte de vengeance pour ces enfants — ils étaient encore secoués par la terreur.

Mais Kevin n’avait pas nié la peur. Il l’avait transformée en force. La peur n’était en aucun cas une faiblesse, et il savait qu’elle pouvait en fait être transformée en pouvoir. Cela faisait des mois, et Kevin avait survécu à d’innombrables batailles contre les monstres qui infestaient la péninsule de Wortenia. Il faisait partie des forces envoyées dans les voyages à travers les mers agitées vers Myspos. La peur était son plus proche allié, son arme pour survivre.

N’y pense pas. Notre côté est plus faible… Si on hésite, ils nous tueront sans hésiter.

Sur le papier, ce n’était qu’un match, mais ce qui les attendait était une véritable bataille avec leurs vies en jeu. Le vainqueur sera désigné lorsqu’un des deux camps mourra ou lorsque l’arbitre décidera qu’ils n’ont plus envie de se battre. Il n’y avait pas de rounds ou de points, seulement la question de savoir quel côté était vaincue.

Si l’on devait quantifier la force des chevaliers à cent, Kevin et ses camarades n’auraient que soixante, ou soixante-dix au mieux. Si on devait demander qui était le plus fort et qui était le plus faible, le groupe de Kevin serait considéré comme faible.

Mais force et faiblesse n’étaient pas toujours ce qui décidait du résultat.

C’est la même chose que d’habitude. On doit juste se battre comme les instructeurs nous l’ont appris… Afin que nous puissions survivre à cela.

La vie dans la péninsule de Wortenia avait déjà transformé le corps de Kevin en celui d’un animal à forme humaine. Tout ce dont il avait besoin était de faire agir ce corps selon sa volonté, et de laisser cette terreur supprimer tout sens de raisonnement et d’éthique en lui.

« Faisons cela. Comme d’habitude… »

Un petit murmure s’échappa des lèvres de Kevin, et ses camarades acquiescèrent sans mot dire.

La peur de Kevin s’était sublimée en une soif de sang qui parcourait son corps. Le prana qu’ils avaient gagné en tuant les monstres de Wortenia déferlait comme un flot violent des chakras de leur périnée, se déversant dans son chakra muladhara et conférant à leurs corps une force surhumaine. Leur esprit de combat avait atteint ses limites, comme la corde d’un arc…

« Commencez ! »

La voix de l’ancien arbitre déchira le silence.

« Léon et Rina, allez à droite. Annette, va à ma gauche. Mélissa ! Fais comme moi ! »

Après avoir été officiellement admis comme soldats, ils avaient été organisés en pelotons de cinq. Le peloton de Kevin avait depuis surmonté d’innombrables épreuves, enracinant ces tactiques dans leur corps. Au signal de Kevin, lui et trois autres s’étaient lancés dans l’action comme les flèches d’un arc.

Bien sûr, leur vitesse était dans les limites humaines. Les quatre avaient fait le tour des deux côtés, en dessinant des arcs de cercle. La seule à rester derrière et à faire face aux chevaliers était Mélissa.

« Quoi ? Au final, ils se précipitent comme des gamins… Idiots. Se séparer ne fait que consolider votre défaite. », s’était moqué l’un des chevaliers.

Ils furent surpris de les voir s’élancer en avant dès que le signal fut donné, mais même regroupés, un groupe d’enfants incapables de thaumaturgie ne représentait pas une menace. Ils n’étaient vêtus que d’armures légères, on savait donc clairement qui allait dans un affrontement direct. C’était du moins la perception commune des chevaliers.

La seule chance de victoire des enfants reposait sur le fait qu’ils agissent tous les cinq comme un seul homme pour former une défense solide et attendre l’occasion de frapper.

« Hey… Le capitaine a dit de ne pas nous retenir, mais… Je ne peux pas dire que j’aime ça. Finissons-en rapidement avec eux », dit le chef de section.

Les autres acquiescèrent et serrèrent leurs lances avec force. Ils n’hésiteraient pas à tuer si on le leur ordonnait, mais ils n’aiment pas tuer.

Au moins, nous pouvons nous assurer qu’ils meurent sans souffrance…

C’était probablement une hypocrisie mesquine, mais c’était leurs vrais sentiments. Les chevaliers avaient brandi leurs lances en regardant les enfants charger vers eux. Ils n’avaient pas l’intention d’utiliser la thaumaturgie martiale. Mais ils allaient payer un prix élevé pour cette décision…

« Mélissa, fais-le ! »

Le cri de Kevin résonna dans le champ de manœuvre.

Au moment où il le fit, la vitesse de déplacement des enfants s’accéléra, et ils couvrirent les vingt mètres qui les séparaient des soldats en un instant.

« Vent furieux, souffle des esprits, obéis à ma prière et enveloppe la terre ! »

Mélissa, qui était restée derrière, commença à chanter.

« Qu-Quoi ? ! De la thaumaturgie verbale ? ! »

« Pas bon, défendez-vous ! »

En voyant Mélissa commencer son chant, les chevaliers s’empressèrent de faire couler du prana dans leurs chakras et ils brandirent le manche de leur lance pour se protéger. Normalement, les sorts défensifs appliqués à leurs boucliers devaient les protéger, mais comme ils avaient sous-estimé leur ennemi, ils avaient négligé de les activer. Malgré cela, leur thaumaturgie martiale aurait normalement dû suffire à renforcer leurs défenses.

Enfin, normalement…

Mélissa termina son chant et tendit son corps comme un arc.

« Vague de vent ! »

***

Partie 5

Elle balança ensuite sa main vers le bas comme si elle avait lancé quelque chose, frôlant à peine le dessus du sol avant de l’élever dans le ciel. Le sort qu’elle venait d’utiliser était considéré comme un sort de thaumaturgie verbale de bas niveau. Il n’était généralement pas mortel, et tout ce qu’il faisait était de libérer une vague de vent sur une grande surface. Il libérait le vent, mais sans le comprimer. Il était donc facile à acquérir.

Mais le prix à payer pour cette facilité, bien sûr, était qu’il n’avait pas la force nécessaire pour être utile en combat. En termes de sensation, c’était comme une légère rafale qui aurait tout au plus, obligé la personne à se protéger le visage avec la main.

Les chevaliers savaient quel sort elle utilisait, et ils avaient simplement ricané avec dédain. Mais ils ne savaient pas que son objectif était ailleurs. Le coup de vent effleura le sol en se dirigeant vers les chevaliers, soulevant la poussière dans l’air — formant un rideau de sable et de poussière.

« Merde ! Mes yeux ! »

La fumée et les poussières dans le vent bloquaient le champ de vision des chevaliers. Leurs visages étaient couverts par des casques intégraux qui limitaient déjà leur champ de vision, faisant en sorte qu’ils furent incapables de résister. Et alors qu’ils restaient là, aveuglés, les épées de Kevin et des trois autres enfants s’étaient abattues sur eux.

Kevin et les autres avaient mis de côté toute notion de discrétion, exposant la force physique accrue que leur conférait leur thaumaturgie martiale.

« Quoi ?! C’est impossible ! Comment des gamins comme eux peuvent-ils utiliser la thaumaturgie martiale ?! »

« Mais qui sont-ils ?! », s’étaient exclamés les soldats tout en brandissant leurs lances pour résister.

Mais comme les chevaliers étaient frappés de surprise, ils agitaient leurs armes maladroitement, sans aucun signe des poussées raffinées et entraînées qu’ils montraient habituellement. Et pour Kevin et les autres, qui avaient survécu maintes fois à des monstres sauvages, un adversaire qui lançait des attaques maladroites sans la moindre trace de soif de sang était comme une cible facile.

Kevin esquiva le coup de lance en s’éloignant et abattit son épée sur les doigts du chevalier qui tenaient son arme. Aussi bien armé que le chevalier puisse être, en raison de l’anatomie humaine, les zones articulées comme les doigts devaient être légèrement blindées. Si quelqu’un recouvrait complètement ses doigts de plaques de métal, il ne serait pas capable de saisir quoi que ce soit.

« Gaaaaah ! Cette petite merde a juste… Aaah, mes doigts ! »

La lame de Kevin avait coupé le long du manche de la lance, tranchant les doigts du chevalier. Normalement, le chevalier n’aurait pas élevé la voix dans un cri aussi pathétique, mais il n’était absolument pas préparé à ça.

« Mais qu’est-ce qui se passe, ce ne sont pas de simples gamins ?! », chuchota l’un des chevaliers, choqué, en regardant son camarade s’accroupir de douleur.

Ils étaient beaucoup trop sans défense, vu qu’ils étaient en plein combat. Et les ennemis qui leur fonçaient dessus n’étaient pas assez stupides pour ignorer une ouverture aussi claire. Kevin frappa de toutes ses forces le chevalier stupéfait, visant l’articulation de son genou. La sensation d’une brindille sèche qui craquait se répercuta dans la main de Kevin.

Mais les choses n’allaient pas s’arrêter là. Alors que le soldat s’accroupissait sur place pour tenter de réfréner la douleur, Annette s’élança derrière lui et balança son épée vers sa tête sans défense. La lame balaya en diagonale son casque. Si Ryoma ne leur avait pas demandé à l’avance de ne pas tuer leurs adversaires inutilement, Annette lui aurait sûrement tranché la tête. Cependant, sa force était encore renforcée par la thaumaturgie martiale, et le coup avait suffisamment de force pour assommer le robuste soldat. Et en effet, le soldat avait pris le coup et s’était effondré mollement sur le sol.

*****

« Je vois. Alors c’est pour ça. C’est pour ça qu’il était si confiant… »

Helena, qui regardait le match avec Julianus I et Grahalt, murmura de surprise.

L’échange qui se déroulait sous leurs yeux rendait évidents le niveau et la qualité des soldats que Ryoma avait entraînés.

« Impossible… Comment des enfants peuvent-ils être capables de thaumaturgie ? C’est impossible, ce sont des roturiers », marmonna Grahalt, l’expression abasourdie.

« Grahalt, ne vois-tu pas ce qui se passe sous nos yeux », Helena lui lance un regard froid.

« Admets-le. Tu ne voudrais pas que je doute de ta valeur en tant que capitaine de la garde royale. »

Grahalt devint rouge de honte. Un homme qui ne pouvait pas admettre la réalité devant ses yeux n’était pas digne de commander les autres.

« M-Mes excuses, ma conduite était honteuse… S’il vous plaît, pardonnez-moi. »

Grahalt baissa alors la tête précipitamment.

« Hmm, donc tous les soldats qu’il a amenés sont au niveau de ceux qui se battent là-bas. Dans ce cas… Ils sont une force avec laquelle il faut compter », murmura Julianus I tout en caressant sa barbe blanche.

« Votre Majesté, vous ne voulez pas dire que chacun de ces trois cents soldats… ?! »

Grahalt secoua la tête, incrédule.

Son hypothèse n’était pas fausse — selon les normes de ce monde, le territoire de Ryoma aurait dû être limité dans le nombre de soldats qu’il pouvait soutenir. Grahalt lui-même pensait que l’estimation de Schwartzheim était correcte. Des rumeurs concernant la péninsule de Wortenia étaient également parvenues à Xarooda, et ils savaient que ces terres non développées ne rapporteraient aucun profit. Et sans impôts, on ne pouvait pas entretenir une armée.

« Et pourtant, nous n’avons aucune raison de penser que ces soldats sont les seuls à posséder de telles compétences. Sans tenir compte de la façon dont ils ont acquis la thaumaturgie en tant que roturiers, si ces cinq-là ont pu l’apprendre, il n’y a aucune raison pour que le reste d’entre eux n’en soit pas capable. N’est-il pas logique de supposer que les trois cents soldats du Seigneur Mikoshiba ont acquis ce pouvoir ? Bien sûr, il pourrait s’agir d’un bluff, destiné à nous faire croire qu’ils sont tous aussi doués. », déclara Julianus I, les lèvres retroussées par intérêt.

Le roi regardait le match se dérouler non pas avec les yeux d’un gentil vieillard, mais avec les yeux aiguisés d’un aigle ayant détecté sa proie.

« C’est absurde… Cela ne peut pas arriver… »

Orson Greed n’arrivait pas à croire ce qu’il voyait.

C’était un brave soldat qui avait combattu sur le champ de bataille depuis sa jeunesse, mais maintenant ce murmure s’échappait de ses lèvres. Il avait remarqué qu’à un moment donné, son poing serré dégoulinait de sueur. Xarooda était loué comme une puissance militaire qui avait tenu en échec l’Empire d’O’ltormea pendant de nombreuses années, et la Garde Royale était composée de la fine fleur de ses soldats. Les soldats élus pour le match étaient également les membres les plus certifiés de la Garde Royale.

Bien sûr, Orson n’avait pas envoyé ses hommes les plus qualifiés parce qu’il pensait que les forces de renfort étaient inférieures, mais c’était tous des soldats très talentueux et extrêmement expérimentés. Il était persuadé qu’ils feraient plus que jeu égal avec n’importe quelle armée capable de tenir son rang sur le continent occidental.

Mais ces puissants soldats dont il était si fier étaient mis à genoux par l’assaut de ces jeunes bêtes adolescentes.

« Ce n’est pas possible… Comment des enfants ordinaires ont-ils pu acquérir la thaumaturgie à un tel âge… ? », s’exclama l’une des personnes qui observaient le combat, ce à quoi les personnes qui l’entouraient acquiescèrent.

Cette surprise était à prévoir. N’importe qui pouvait acquérir la thaumaturgie avec un entraînement suffisant, mais les roturiers avaient rarement la chance de l’apprendre. Il y avait deux méthodes pour obtenir la thaumaturgie. La première consistait à voler la vie de nombreuses autres créatures vivantes jusqu’à ce que le prana de son corps atteigne naturellement ses chakras, ou à recevoir l’enseignement d’un professeur qui avait déjà acquis la thaumaturgie.

Un tel professeur n’était cependant pas facile à trouver. La principale raison était le coût de l’apprentissage de la thaumaturgie. Dans son ensemble, la thaumaturgie était une arme puissante, un bouclier et un art de la guérison qui était, à toutes fins utiles, un symbole de statut social. Toutes les personnes ayant appris la thaumaturgie n’étaient pas des nobles, bien sûr, mais tous les nobles devaient avoir appris à l’utiliser.

Au cœur de cette pensée se trouvait l’influence de la croyance élitiste selon laquelle ceux qui avaient obtenu la thaumaturgie étaient choisis par les dieux. Une technique aussi précieuse ne pouvait donc être enseignée facilement. Et si l’on mettait de côté la question de l’implication des dieux dans cette affaire, il était réaliste de penser que ceux qui avaient acquis la thaumaturgie n’avaient pas besoin de vivre sans emploi. Les roturiers pouvaient travailler pour la maison royale en tant que chevaliers, et si leurs services à la guerre étaient suffisamment distingués, ils pouvaient même accéder à la noblesse.

Même s’ils ne choisissaient pas de devenir des chevaliers au service de la couronne, ils pouvaient devenir des aventuriers ou des mercenaires, gagnant suffisamment pour mener une vie aisée. La thaumaturgie était une technique qui permettait de gagner de l’argent facilement, et qui pouvait changer complètement la vie d’un homme. Et quelque chose d’aussi précieux ne pouvait pas être acquis aussi facilement.

Si un roturier cherchait un professeur de thaumaturgie, il aurait du mal à en trouver un, à moins d’avoir un lien de parenté avec lui. Et même s’il en trouvait un, tout professeur exigerait une grosse somme d’argent pour ses services. Dans certains cas, les professeurs s’intéressaient à un étudiant en raison de son potentiel, mais il s’agissait d’exceptions heureuses et rares.

Ainsi, la plupart des roturiers qui acquéraient la thaumaturgie ne le faisaient inévitablement que par la première méthode, ils devenaient des aventuriers ou des mercenaires, et acquéraient suffisamment de prana en combattant pour forcer naturellement leurs chakras à fonctionner.

Mais contrairement à tous les autres spectateurs, qui étaient choqués à l’idée même que les enfants utilisent la thaumaturgie, Greed avait remarqué avec justesse quelque chose que Kevin et les autres enfants avaient en commun et que les autres ne pouvaient pas déceler.

Comment cela peut-il être… ? Ils utilisent parfaitement la thaumaturgie à un tel âge… Mais la façon dont ils sont organisés… Cela demande beaucoup d’entraînement et d’expérience en combat réel…

La thaumaturgie était une technique puissante, et la manier pouvait donc être difficile. Les chevaliers avaient tendance à surestimer la force que leur procurait la thaumaturgie martiale et à défier leurs ennemis seuls. Le spectacle d’un chevalier solitaire battu par plusieurs soldats n’était en fait pas si inhabituel.

La quantité de prana que le corps humain pouvait contenir diffère d’une personne à l’autre, mais personne ne pouvait en posséder des quantités infinies. De la même manière qu’une voiture consommait de l’essence pour se déplacer, la thaumaturgie consommait du prana pour conférer des pouvoirs surhumains à ses utilisateurs, et si quelqu’un venait à manquer de prana, il serait incapable d’utiliser ces pouvoirs.

Et sans la thaumaturgie, un chevalier n’était que légèrement plus fort qu’un roturier. Ainsi, même les chevaliers — qui étaient considérés comme des armées d’un seul homme — ne pouvaient espérer gagner et revenir vivants en fonçant seuls dans les lignes ennemies.

Et pourtant, il y avait toujours des gens parmi les chevaliers qui chargeaient imprudemment, et la raison en était que la thaumaturgie était tout simplement une technique puissante. Elle avait une façon de séduire ceux qui l’utilisaient.

***

Partie 6

Mais Kevin et les autres enfants n’avaient pas seulement acquis le pouvoir de la thaumaturgie afin de le manier en solitaire, ils avaient continué à se battre comme une seule unité, se couvrant mutuellement. Alors que l’endurance des chevaliers de la Garde du monarque xaroodien était lentement et sûrement entamée, les enfants attendaient avec impatience l’occasion de porter le coup de grâce.

C’est mauvais… À ce rythme, les enfants vont gagner en les poussant par le nombre. Je dois arrêter cette bataille ici…

Les mains de Greed tremblaient de façon incontrôlable tandis qu’il regardait la bataille pencher clairement en faveur des enfants. En termes de compétences et d’aptitudes individuelles, les chevaliers xaroodiens étaient supérieurs. Mais leur négligence les rendait vulnérables à une attaque-surprise. L’un d’entre eux avait eu les doigts coupés, le rendant incapable de tenir une arme. Un autre avait été frappé à la tête et avait perdu connaissance.

Le match était déjà décidé.

Le groupe de Kevin agissait en parfaite coordination, et la différence de nombre de cinq à trois leur permettait de surmonter cette différence de compétence et de force.

Mais… céder maintenant signifierait se rendre à ces enfants…

Le fait que le coup d’Annette ait seulement assommé le chevalier sans le tuer signifiait que les enfants n’avaient pas l’intention de tuer leurs adversaires. Mais ils n’hésitaient pas à les mutiler, comme en témoignent les doigts coupés du premier chevalier.

Alors il leur a dit de ne pas les tuer… De les envoyer en enfer… Quel culot !

Maintenant que le match était pratiquement joué, il savait que sa priorité était de s’assurer que les corps de ses soldats restaient intacts. Mais Greed savait ce que perdre ce match signifiait, et il ne pouvait donc pas renoncer au match pour garder ses hommes en sécurité.

« Votre Majesté… »

Le regard de Greed se tourna vers le seul homme qui pouvait le sortir de cette impasse.

*****

« Melissa ! Nous n’avons pas besoin du grand mouvement. Écoutez, gardez juste l’ennemi coincé et épuisez-le, comme d’habitude ! Annette, couvre-moi. Nous pourrons les achever une fois qu’ils seront complètement épuisés ! »

Kevin lança des instructions en succession rapide tout en gardant son épée fixée en direction du chevalier devant lui. Leur attaque-surprise initiale avait laissé deux des chevaliers de Xarooda hors service. Les deux forces avaient reculé et se regardaient fixement. Les chevaliers avaient adopté une formation défensive autour de leur camarade qui avait été assommé par Annette.

À ce stade, ils ne sous-estimaient plus les enfants comme de simples roturiers. Ils avaient essayé de s’appuyer sur les défenses de leurs armures de plaque tout en cherchant un moyen d’attaque. Pendant ce temps, le groupe de cinq de Kevin coinçait progressivement ses adversaires en utilisant une tactique d’attaques prudentes et répétées de type « frappe et court ».

« Capitaine, à ce rythme, nous allons perdre ! », cria l’un des chevaliers en repoussant désespérément une autre attaque sauvage du groupe de Kevin.

« Nous n’avons pas le choix, nous devons les charger et espérer en éliminer le plus possible avant de tomber ! »

Le capitaine resta silencieux. La même pensée lui avait traversé l’esprit.

Il a raison. Si nous voulons gagner, il faut le faire maintenant…

Chaque coup des enfants était léger, mais leurs attaques étaient nombreuses et rapides. Les chevaliers étaient ballottés et leur endurance diminuait, et s’ils pouvaient rester sur la défensive, il y avait une limite au temps que cela pouvait durer.

Cela leur laissait deux options. Ils pouvaient soit admettre vaillamment leur défaite, soit mourir d’une mort honorable en embrassant leur honneur de chevalier…

Ils savaient très bien que, puisque ce n’était pas un vrai champ de bataille, admettre leur défaite pouvait garantir leur survie. Mais même si ce n’était pas leur volonté, c’était un match où l’on attendait d’eux qu’ils tuent leurs adversaires. Aucun d’entre eux n’avait pensé à compter sur le format du match pour survivre juste parce qu’ils avaient fini par être du côté des perdants.

Agir ainsi serait trop pathétique de leur part. Et même si personne d’autre ne le savait, leur propre cœur le saurait. Et faire ce choix ruinerait la réputation de Xarooda en tant que puissance militaire, faisant d’eux la risée de leurs voisins.

« Allons-y ! », cria le capitaine.

L’un des chevaliers, qui avait bloqué un coup de l’épée de Léon, hocha la tête en signe de compréhension. Le capitaine ne pouvait pas voir son expression derrière le casque, mais il savait d’une certaine manière que le sourire pur d’un homme résolu à mourir était sur ses lèvres.

Pardonnez-moi, vous tous… Nous avons tiré à la courte paille… Mais même si nous ne sommes pas capables de gagner, nous ne partirons pas perdants.

Même si les honneurs de la victoire ne leur reviendront pas, c’était un match à mort. Le capitaine se sentait coupable d’avoir impliqué ses hommes dans une bataille aussi insignifiante. Et pourtant, ils ne pouvaient pas ternir le nom de Xarooda. Ils conserveraient leur honneur de chevalier même si cela devait leur coûter la vie, sinon ils auraient vraiment perdu tous leurs moyens d’arrêter l’invasion d’O’ltormea.

Mais au moment où les chevaliers s’apprêtaient à se lancer tête baissée dans une charge suicidaire, Grahalt fit irruption dans l’arène entre eux, son épée dégainée et brandie. Et alors qu’il le faisait, la voix de Julianus Ier résonna sur le champ de manœuvre.

« Ça suffit ! C’est assez. »

Les acclamations et les railleries venant du public s’éteignirent aussitôt, et le silence s’installa. Grahalt se tenait de manière imposante entre le groupe de Kevin et les chevaliers tandis que Julianus Ier se levait de son trône et les regardait de haut. Les regards de l’assistance se promènent sans cesse entre les deux côtés de la bataille.

« V-Votre Majesté, que dites-vous ?! »

Le cri du vieil arbitre déchira le silence, son visage rougissant.

« Le match n’est pas encore décidé ! »

« Non, il est inutile de continuer comme ça. Tout combat supplémentaire ne ferait qu’entraîner des pertes, et cela ne ferait que créer un fossé entre nos deux camps. Les soldats du Seigneur Mikoshiba se sont battus au même niveau que nos chevaliers. N’est-ce pas tout ce que nous avons besoin de savoir ? », dit Julianus Ier.

Si l’on considérait la raison pour laquelle ce combat avait été proposé, le jugement de Julianus Ier était correct. Normalement, des soldats venus aider leur voisin ne devraient pas avoir à faire leurs preuves en mettant leur vie en jeu dans un combat à mort.

Mais les réactions des nobles et des chevaliers qui surveillaient ce combat étaient mitigées. Certains hochaient la tête en signe d’accord, tandis que d’autres déploraient que perdre contre de tels enfants était une honte. Mais le plus mécontent de tous était le vieux noble qui servait d’arbitre.

« Votre Majesté, cela va blesser la fierté des chevaliers de Xarooda ! N’est-ce pas, Capitaine Greed ? ! » cria le vieux noble tout en se tournant vers Greed pour obtenir son soutien.

Ryoma fronça les sourcils. Ce comportement était bien loin de la position neutre qu’un arbitre était censé avoir.

« Non. Mes excuses, mais je pense aussi que laisser cette bataille se poursuivre plus longtemps serait inutile. », dit Greed en secouant la tête.

« Quoi ?! Et vous vous prétendez capitaine de la glorieuse Garde du Monarque ? ! Ayez honte de vous ! », s’exclama le vieux noble avec indignation.

Les épaules de Greed tremblèrent au son de ce cri. Il n’était pas non plus satisfait de cette situation. Mais s’il n’hésiterait pas à ordonner à ses subordonnés de mourir s’il s’agissait d’une bataille pour le sort du pays, il ne pouvait pas le faire dans un duel comme celui-ci.

« Assez, arrêtez ça. C’est mon ordre en tant que roi. Ce combat se termine par un match nul. Personne ne gagne, et personne ne perd. Vous devez tous considérer le résultat comme tel… Monsieur Mikoshiba, cela vous convient-il ? », dit Julianus Ier avec force.

À ces mots, tous les yeux des spectateurs s’étaient tournés vers Ryoma, qui s’était frayé un chemin dans le public.

« Bien sûr. Que vous ayez permis à mes hommes de s’entraîner avec les habiles chevaliers de Xarooda est un grand honneur pour nous. Nous espérons seulement que notre force pourra vous aider temporairement, Votre Majesté. », dit Ryoma en se mettant à genoux.

« Hmm. Je crois qu’après avoir vu ce match, plus personne ne regardera vos soldats comme un fardeau inutile. Je vous demande de rester, et de prêter vos services à ce pays… Il n’y a pas d’objections ? »

Julianus I déclara et regarda autour de lui d’un air vif.

Personne ne pouvait s’opposer à une déclaration aussi claire du roi. Tout le monde s’était tu, refoulant tout mécontentement ou grognement.

On dirait que tout s’est terminé à peu près comme je l’avais prévu… Je me sens mal pour Helena, car elle a parié sur notre victoire, mais elle devra me pardonner pour cela.

Ryoma avait parié sur sa propre victoire pour souligner que ce match était vraiment sérieux, et Helena avait été prise au piège, mais Ryoma avait supposé que le match se terminerait par un match nul.

Ce vieil homme est cependant assez impressionnant… Si c’est le genre de personne que les autres pays appellent un roi médiocre, cela prouve que les rumeurs ne valent rien.

Le plan initial de Ryoma était de proposer le match à Julianus I, mais le roi avait pris sa décision avant. Cela signifiait que Julianus Ier savait ce que signifiait la défaite des chevaliers xaroodiens face aux soldats de Ryoma. Et sans même le révéler, il avait fait en sorte que la bataille se termine par un match nul.

C’était une impressionnante démonstration de sournoiserie. Soit les autres pays savaient très mal juger les caractères, soit il avait gardé ses crocs cachés pendant de nombreuses années…

Oui, Lupis n’est pas de taille contre lui… Et le vieil homme l’a aussi remarqué.

Il avait remarqué la présence du dard venimeux qui avait été injecté dans son pays.

La tête toujours baissée, Ryoma jeta des regards furtifs autour de lui. La première personne sur laquelle son regard se posa fut le vieux noble qui servait d’arbitre. Ryoma ne savait pas s’il parlait comme il le faisait parce que la responsabilité qui lui avait été confiée en tant qu’arbitre l’incitait à le faire, mais il fallait beaucoup de culot pour s’opposer directement au roi.

Et les mots qu’il avait prononcés pouvaient avoir deux significations.

Alors… Quelle raison a-t-il d’argumenter contre son roi ?

C’était soit des mots innocents prononcés par amour pour le pays, soit des mots malveillants…

Les lèvres de Ryoma s’étaient retroussées en un sourire cruel.

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Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre

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