Chapitre 4 : Cap à l’ouest
Partie 4
On dirait le capitaine d’un ordre de chevaliers, ou une sorte de général… Ryoma rétrécit ses yeux avec méfiance. Pourquoi quelqu’un de si haut rang est-il ici ? Xarooda est-il vraiment en si mauvaise posture ?
On pourrait normalement supposer qu’ils étaient venus saluer Ryoma en tant que renforts venus de loin, mais les regards que les chevaliers fixaient sur son groupe étaient trop durs.
« Êtes-vous les renforts envoyés par Rhoadseria ? », demanda l’homme qui envoya un regard acéré vers Ryoma tandis qu’il amenait son cheval face à lui.
C’était extrêmement discourtois comme salut, surtout lorsqu’il était adressé à quelqu’un qu’il rencontrait pour la première fois, sans parler du fait que ce soit le chef d’une force qui avait beaucoup voyagé pour aider son pays. Ryoma inclina simplement la tête, ne montrant aucune considération pour la grossièreté de cette salutation.
« Je suis un baron du Royaume de Rhoadseria, Ryoma Mikoshiba. Mes hommes et moi sommes des renforts, envoyés par la Reine Lupis Rhoadserians pour vous aider, vous et votre pays, en ces temps de détresse. Nous sollicitons une audience avec votre souverain, Julianus Ier de Xarooda. Le pouvons-nous ? »
La réponse de Ryoma pouvait être qualifiée de parfaitement courtoise. À moins que quelqu’un ne sache le contraire, il n’imaginerait probablement pas que Ryoma était devenu récemment et soudainement un aristocrate. Mais l’homme devant Ryoma avait impitoyablement piétiné la politesse de Ryoma. Il avait simplement enlevé son casque et l’avait remis à l’un de ses assistants.
C’était un homme dans la force de l’âge, aux cheveux blond coupé court. Il avait l’air d’avoir une quarantaine d’années et, bien qu’il soit difficile de le dire alors qu’il était à cheval, il avait apparemment un physique bien bâti. Il était, à toutes fins utiles, un épais mur de chair et de muscles. Ressemblant en cela plus à un singe qu’à un humain, comme un gorille.
« Hmph… Vous n’êtes que cinq cents, à vue de nez… Vous vous appelez des renforts, mais qu’espérez-vous obtenir avec ce nombre ? », se moqua l’homme en tournant un regard acéré vers les soldats derrière Ryoma.
L’homme parla avec un ricanement, des mots de moquerie acérée quittant ses lèvres. Le fait qu’il puisse estimer le nombre de soldats que Ryoma avait amené d’un simple coup d’œil était impressionnant, mais l’attitude autoritaire de l’homme ruinait toute impression positive que ses compétences auraient pu produire. Il n’était en aucun cas une personne avec laquelle Ryoma souhaitait s’associer.
Mais Ryoma se contenta de garder le silence et de sourire, suite à quoi l’homme décida de remuer le couteau dans la plaie.
« Devons-nous en déduire que votre reine, Lupis Rhoadserians, cherche à abandonner Xarooda ? Elle a ignoré nos appels répétés pour des renforts, et quand elle s’est finalement exécutée, elle a envoyé une femme sénile rappelée de sa retraite et un petit chien d’origine inconnue… Il ne me semble pas qu’elle se rende compte de la gravité de notre situation. »
Les mots de l’homme avaient complètement écarté toute notion de dignité. Si Mikhail ou Meltina avaient été là pour entendre ces mots, une guerre aurait sûrement éclaté entre Rhoadseria et Xarooda. Les mots de cet homme étaient, en effet, tout simplement insultants envers Lupis.
Mais Ryoma n’avait pas d’émotions patriotiques envers Rhoadseria ou de respect pour la Reine Lupis, la provocation de l’homme tomba donc dans les oreilles d’un sourd.
« Je vois. Je suppose que la façon dont vous présentez les choses n’est pas trop éloignée de la vérité. Et vous avez même vu que cent cinquante de mes hommes se consacrent uniquement au transport de provisions… C’est un œil très impressionnant et perspicace que vous avez là. Je suppose que vous êtes une sorte d’homme distingué. Me feriez-vous l’honneur de me dire votre nom ? »
Le ton de Ryoma était resté aussi poli et posé qu’auparavant. Selon ce qu’il disait, ce ton pouvait être considéré comme provocateur, mais dans ce cas précis, Ryoma n’avait pas de telles intentions.
L’homme avait simplement froncé les sourcils devant l’attitude de Ryoma.
« N’as-tu aucune notion de la fierté ? », demanda-t-il, exaspéré par le fait que l’intention de Ryoma ne changeait pas.
Aucun guerrier ne tiendrait normalement sa langue face à une telle insulte, et quiconque le ferait serait considéré comme mou. Si c’était Meltina ou Mikhail à la place de Ryoma, ils auraient sûrement dégainé leur épée avec rage, sans se soucier des conséquences. En vérité, exposer son état mental aux autres était un acte stupide.
Seul un idiot expose ses émotions en public !
Dans son esprit, Ryoma s’était moqué de la provocation ouverte de l’homme. L’important était de ne pas montrer à l’autre ses véritables sentiments. C’était précisément lorsque l’on ressentait de la colère ou une soif de sang que l’on devait faire preuve du plus grand respect et de la plus grande dignité. C’était une vérité que Ryoma Mikoshiba avait apprise dans son enfance, une leçon qu’il avait tirée d’un certain incident. Et cette vérité avait montré sa valeur dans ce monde de guerre.
Et d’ailleurs, ce renforcement de Xarooda n’était aux yeux de Ryoma qu’un moyen d’assurer sa survie et celle de ses camarades. Il n’était venu ici que parce qu’il n’avait pas vraiment le choix, et, poussé à l’extrême, Ryoma se fichait pas mal que Xarooda tombe aux mains d’O’ltormea tant que les séquelles ne l’atteignaient pas.
Mais bien sûr, Ryoma n’était pas assez stupide pour le mettre en mots afin que cet homme puisse l’entendre.
« Je peux m’excuser au nom du Royaume de Rhoadseria pour avoir ignoré vos demandes depuis plus d’un an. Mais comprenez que la situation politique de notre pays n’est pas encore tout à fait stabilisée, et j’admets que l’ordre des chevaliers dirigé par Dame Helena ne compte que trois mille hommes. Les appréhensions de votre pays sont claires… Tout ce que nous pouvons faire est de prouver le contraire sur le champ de bataille. »
« Oho. Si c’est ce que tu ressens vraiment, c’est tout à fait admirable… »
Il était difficile de dire s’il croyait les paroles de Ryoma, mais l’homme regardait Ryoma avec curiosité.
C’est vrai, sans preuve, ses paroles n’étaient que de simples platitudes.
« Très bien… Dame Helena participe déjà à un conseil de guerre à Peripheria. »
Bien qu’il soit difficile de dire si l’homme croyait Ryoma, son expression s’était adoucie.
« Vous participerez également au conseil de guerre une fois que votre audience avec Sa Majesté sera terminée. »
Tout est déjà prêt, hein ? Dans ce cas… Le baratin de ce type n’était qu’une comédie… Je pense qu’il est logique qu’ils soient inquiets à notre sujet…
Ils voulaient probablement deviner l’attitude de Ryoma à leur égard en l’insultant soudainement. La façon dont l’audience avec le roi avait été arrangée le prouve.
Et je suppose que les soldats avaient aussi besoin de se défouler… Astucieux.
Ceux qui étaient au cœur du gouvernement avaient probablement réalisé les difficultés dans lesquels se trouvait Rhoadseria, mais un chevalier sur le terrain aurait du mal à comprendre les questions politiques. À cet égard, l’attitude de Ryoma adoucissait quelque peu leurs cœurs endurcis.
« Au fait, je n’ai pas encore eu le temps de me présenter. Je suis Grahalt Henschel, capitaine de la garde royale Xaroodienne. C’est un plaisir. »
Grahalt fit alors faire demi-tour à son cheval. Il fit signe de la main à Ryoma de le suivre tandis qu’il se mettait en route vers Peripheria.
Bon, que va-t-il bien se passer ensuite… ?
Tout en regardant Grahalt avancer, Ryoma fouilla dans sa poche et en sortit les pièces d’or qu’il avait préparées. Il devait encore payer l’homme qui se tenait au bord de la route, ses yeux papillonnants avec anxiété…
*****
Un homme et une femme se tenaient face à face dans l’une des pièces du château de Peripheria. L’un d’eux était une femme âgée avec un doux sourire sur les lèvres. Bien qu’elle se vantait d’accomplissements et de compétences inégalés sur le champ de bataille, l’atmosphère qu’elle dégageait était chaleureuse et sereine.
Elle ne change jamais… Elle est la même qu’à l’époque… Murmura Grahalt pour lui-même en regardant Helena porter une tasse de thé à ses lèvres.
Il avait rencontré pour la première fois la déesse blanche de la guerre de Rhoadseria peu après être devenu chevalier. Beaucoup de chevaliers de Xarooda avaient été charmés par sa nature candide et son attitude, et même l’approche de son âge d’or n’avait pas diminué son charme. Sa beauté s’était détériorée en vieillissant, bien sûr, mais son charme personnel n’avait fait que s’affiner avec l’âge.
« Alors que pensez-vous de lui, maintenant que vous l’avez vu de vos propres yeux ? »
Bien qu’elle ait une génération de plus que Grahalt, Helena lui parlait avec une dignité polie.
Étant donné l’écart de réalisations et d’expériences entre eux, Grahalt était gêné et mal à l’aise avec ce traitement, mais Helena ne changerait pas son attitude à son égard. En la regardant avec un sourire crispé, Grahalt décrit honnêtement son expression.
« Je l’ai rencontré face à face, comme vous me l’aviez suggéré… Mais à vrai dire, j’ai eu du mal à le juger. »
Il avait réussi à sortir une réponse.
En vérité, il ne comprenait pas assez bien Ryoma pour avoir une impression positive ou négative de lui.
« La chose que je reconnais immédiatement est que sa retenue est admirable. Il n’a pas bronché à mes provocations et a su s’exprimer avec éloquence. À cet égard, il semble capable… Mais les effectifs qu’il dirige sont encore trop faibles. Je ne le vois tout simplement pas changer cette guerre, d’une manière ou d’une autre… Et, de plus… »
Grahalt interrompit un instant ses paroles et dirigea un regard interrogateur vers Helena.
« Les soldats qu’il dirige sont bien trop jeunes, et beaucoup d’entre eux sont des femmes… N’est-ce pas ? »
Helena prononça les mots que Grahalt hésitait à dire, comme si elle les lisait directement dans son esprit.
Grahalt fut frappé par le silence.
« Ne faites pas attention à moi et dites ce que vous pensez », lui dit Helena en souriant innocemment comme un enfant qui avait réussi à faire une farce.
« Vous le saviez déjà ? »
Grahalt s’est gratté les cheveux maladroitement.
« Non, je ne l’ai vu que de loin à l’instant. Après tout, ce garçon dirige une armée qu’il a construite à partir de rien après avoir obtenu la péninsule de Wortenia. »
« En si peu de temps ? »
Elle avait probablement regardé de quelque part Grahalt montrer le camp à Ryoma et ses hommes. C’était la première chose qui lui était venue à l’esprit, mais Grahalt l’avait nié.
Non… N’est-ce pas impossible ?
Pour autant qu’il le sache, Helena n’avait pas mis les pieds en dehors de ce palais depuis qu’elle était arrivée ici. Helena ne répondit pas à son doute, cependant, et changea plutôt de sujet.
« J’avais cependant espéré lui parler avant son audience… » soupira Helena tout en tournant un regard accusateur vers lui.
Helena avait, en effet, reconnu Ryoma comme son bras droit. En fonction de la situation, elle pouvait même lui transférer le commandement des forces rhoadseriennes. Ils avaient rassemblé des informations à l’avance, mais il y avait trop de choses qu’ils ne pouvaient pas apprendre avant d’arriver ici, à Xarooda. Helena savait par expérience que c’était ce genre d’information détaillée et précise qui deviendrait un facteur majeur dans la formation des stratégies.
Et je voulais aussi le consulter sur ce que nous devions faire ensuite…
Ce n’était cependant pas quelque chose que Grahalt pouvait faire. Helena avait ses propres affaires à régler, tandis que Xarooda avait ses propres préoccupations à gérer.
« On n’y peut pas grand-chose. Sa Majesté attend beaucoup des renforts de Rhoadseria… »
merci pour le chapitre
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