Wortenia Senki – Tome 7 – Chapitre 1 – Partie 3

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Chapitre 1 : Les nuages de la guerre s’amoncellent

Partie 3

Après avoir reçu le rapport de Boltz selon lequel sa tâche se déroulait bien, je me suis dit que j’allais pouvoir souffler un peu. Je suppose que non, cependant… Sérieusement, c’est un mal de tête après l’autre.

Ryoma fit construire une forteresse aux pieds de la chaîne de montagnes Tilt, qui se trouvait à la base de la péninsule. Boltz était actuellement en charge de la sécurité du territoire, et s’y rendait avec cinquante de leurs meilleures troupes.

Ryoma avait récemment rencontré le comte Salzberg, et la forteresse avait été construite avec son approbation. Sur le papier, il s’agissait d’une installation défensive construite pour stopper la progression des monstres venant de la région au sud d’Epire. La vérité était que le but derrière sa construction était tout à fait opposé. Il s’agissait d’un point de contrôle destiné à empêcher les aventuriers et les espions de pénétrer dans la péninsule.

La présence d’aventuriers n’était normalement pas une nuisance. Ils chassaient des monstres, qui étaient généralement des nuisances et des menaces dangereuses. Mais en ce moment, la chasse aux monstres était l’une des principales industries de Wortenia. Ryoma préférait de loin que ses propres soldats s’occupent des monstres à abattre plutôt que de laisser les aventuriers le faire.

De plus, la péninsule était actuellement confrontée au problème des demi-hommes. Si Ryoma devait entretenir les relations entre son camp et les elfes, il devait faire en sorte qu’ils lui fassent confiance en tant qu’humain, et on ne pouvait pas savoir ce qu’un aventurier errant à Wortenia pourrait faire. Ils pourraient capturer un demi-humain comme l’avaient fait les pirates, et cela porterait un coup fatal à ses tentatives de construire une relation avec Nelcius.

Pour autant que les demi-hommes s’en souciaient, les actes d’un humain étaient le reflet de l’ensemble de la race. Et pour cette raison, Ryoma ne pouvait pas se permettre qu’un aventurier fasse quelque chose de fâcheux. Ainsi, conformément aux intentions de Ryoma, le travail de Boltz avait entraîné une baisse sensible du nombre d’aventuriers accédant à la péninsule. Certains avaient bien essayé d’entrer sans passer par la route, mais Genou et son clan les avaient éliminés efficacement.

Jusqu’à présent, le résultat de leurs efforts semblait bon. Mais si une guerre devait éclater dans un pays voisin, il y avait une chance qu’elle s’étende. Non, ce n’était pas une chance — les feux de la guerre se propageraient. C’était certain. Et ce n’était pas quelque chose dont Ryoma avait besoin en ce moment, alors qu’il était concentré sur le développement de la péninsule de Wortenia.

Pour une personne étrangère aux affaires, il avait probablement l’air d’un héros qui s’était élevé jusqu’à la noblesse malgré son statut de roturier, mais en vérité, il n’était pas si haut placé. En fait, Ryoma était convaincu que la déesse du destin le détestait. En effet, si elle l’avait favorisé, il n’aurait jamais été convoqué dans ce monde.

« Mais les combats n’auront lieu que dans le Royaume de Xarooda. Cela ne devrait pas nous influencer trop directement… », dit Sara, ce à quoi Ryoma sourit amèrement.

Elle avait raison. Il ne faisait aucun doute que la guerre les influencerait d’une manière ou d’une autre, mais même si Xarooda devait demander des renforts à Rhoadseria, la guerre ne devrait pas trop les affecter tant que Ryoma n’était pas chargé d’envoyer ces forces.

Ryoma ne pouvait cependant pas acquiescer à son évaluation. Un sentiment de mauvais augure se développait dans son cœur. Ryoma possédait un petit nombre de troupes. Leur nombre était un peu plus important depuis qu’ils s’étaient regroupés avec le clan de Genou, mais ils n’avaient que quatre cents soldats prêts à combattre. Il faudrait encore un certain temps avant que les esclaves livrés par Simone ne soient utiles.

Mais même si Ryoma supposait que leur entraînement serait terminé à temps, il ne serait toujours pas en mesure de mobiliser plus de mille soldats. Au mieux, il pourrait en rassembler huit cents ou neuf cents. Au pire, il ne pourrait en rassembler que 600. En comparaison, la taille moyenne d’un ordre de chevaliers était de deux mille cinq cents hommes. Les forces disponibles de Ryoma n’atteindraient même pas la moitié de ce chiffre.

Cela dit, ces chiffres correspondaient à ce que le gouverneur d’un seul territoire aurait comme troupes de réserve. Et si l’on considérait qu’ils étaient tous capables de thaumaturgie, ils étaient loin d’être négligeables. En tant que force de défense de son territoire, ils étaient plus que suffisants.

Cependant…

Nous avons besoin de plus d’effectifs, même s’il faut les pousser. Je vais devoir demander à Simone de nous envoyer d’urgence un millier d’esclaves supplémentaires… Et nous devrons aussi accélérer le travail sur cette chose.

L’instinct de survie de Ryoma lui disait que l’effectif actuel de ses troupes le mettait en danger. Et Ryoma obéissait à ces instincts, qui n’avaient fait que s’aiguiser au fur et à mesure qu’il trompait la mort depuis qu’il avait été appelé dans ce monde. Et il savait que sa survie et celle de ses compagnons dépendaient de leur capacité à se préparer.

« Hmm… Genou m’a dit la même chose, mais cette ville est construite de manière assez élaborée. Les tranchées construites le long de la route sont-elles destinées à s’assurer que l’eau de pluie ne soit pas gaspillée ? » demanda Jinnai tout en plissant les yeux et en regardant par la fenêtre.

Le clair de lune éclairait les rues. Il y a quelques jours, Ryoma avait accordé au clan Igasaki un secteur de la ville qui leur appartenait. Cinq hommes et femmes étaient assis autour d’une table, dans un domaine construit au centre de ce secteur. C’était le Conseil des Anciens, qui représentait la volonté du clan Igasaki.

« En effet. C’était l’idée de notre seigneur. La route est construite de façon similaire », dit Genou.

« Malgré sa jeunesse, celui-ci est plein de ressources. »

Gennai hocha la tête.

« C’est un peu rustre, mais c’est une ville fonctionnelle et efficace. Et elle se développe à un rythme effarant », dit Ryuusai d’une voix assez impressionnée.

Le paysage urbain qui s’étendait derrière leur fenêtre semblait changer de jour en jour. Cette ville s’agrandissait continuellement, et rapidement. Et ses développements n’étaient en aucun cas aléatoires. Elle était le fruit de calculs détaillés et d’une planification urbaine prudente.

« Mais elle manque d’élégance. »

Sae avait répondu aux mots de Ryuusai avec un ton taquin.

Fidèle à ses paroles, la cité de Sirius avait été construite en mettant l’accent sur la fonctionnalité, mais en ignorant complètement toute idée d’esthétique. Elle donnait une sorte d’impression artificielle et inorganique. C’était différent des anciennes constructions japonaises, qui utilisaient principalement le bois. Ryoma avait fait construire la plupart des bâtiments en pierre, probablement pour réduire les risques d’incendie. Cela ne faisait que rendre Sirius plus terne et inesthétique.

« Eh bien, nous vivons dans un âge de guerre. L’élégance offre peu d’avantages pratiques », dit Gennai.

« Tu peux dire ça, Gennai, mais repense à la capitale de Kyoto dont grand-mère nous a parlé un jour. N’avons-nous vraiment pas besoin d’une touche d’élégance ? Après tout, il ne faudrait pas que notre seigneur soit considéré comme le gouverneur d’un pays paumé. », dit Ume en le réprimandant légèrement.

L’élégance. Un mot qui impliquait le goût et le raffinement. Le parfum de la culture, ou un sens artistique raffiné. Bien sûr, la brusquerie rustique n’était pas une mauvaise chose en soi, mais elle ne suffisait pas. La culture était un pouvoir. C’était un aspect de la puissance nationale — différent de la puissance militaire, mais toujours crucial. Un aspect important à prendre en compte lors de la construction d’un pays.

« C’est peut-être vrai… Mais ce n’est pas comme si nous avions nous-même une once d’élégance dans notre nom. »

De par la nature même de leur profession, les ninjas n’étaient pas totalement dépourvus de compétences en matière de chant, de danse ou de musique. En se faisant passer pour des ménestrels ou des bardes itinérants, ils avaient une couverture assez souple pour infiltrer d’autres pays. Mais en même temps, ce n’étaient pas vraiment des artistes — c’était des ninjas. Ils n’avaient pas de réelles activités artistiques. Leurs compétences étaient suffisantes pour divertir une oreille d’amateur, mais pas assez bonnes pour retenir l’attention d’un public. Ils n’étaient, au mieux, que légèrement au-dessus de la moyenne en termes de compétences artistiques.

« Gennai, tu devrais peut-être te mettre à la poésie ? Je crois que ta famille a publié une anthologie de poèmes pendant la période Heian ? », dit Ryuusai d’un ton taquin alors que Gennai se grattait maladroitement la tête.

« Hmm. Peut-être que je devrais. »

Gennai avait répondu d’un ton ouvertement sérieux, ce qui avait incité tout le monde à glousser agréablement.

« Mais blague à part, nous devrions en discuter une autre fois. Je pense que poursuivre toute notion d’élégance en ce moment ne servirait qu’à rendre notre seigneur plus anxieux. », continua Ryuusai.

La culture était une source importante de puissance nationale, mais les pays qui s’appuyaient trop sur la richesse culturelle ne faisaient que se conduire à la ruine. Les mots de Ryuusai étaient vrais.

« Notre seigneur montre un grand intérêt pour la culture des demi-hommes. Mais bien sûr, cela dépend de sa capacité à gagner leur confiance. Et cela prendra beaucoup de temps. », dit Genou.

Tout le monde baissa la tête à ces mots.

« Ooh, les demi-hommes… D’après ce que j’ai entendu, ils sont assez méfiants à notre égard ? », demanda Jinnai.

« Oui, tout à fait. »

Genou avait hoché la tête.

Genou se souvenait des expressions de peur et d’hostilité qu’ils leur adressaient. Lorsque les ninjas qu’il avait envoyés en reconnaissance dans la péninsule de Wortenia les avaient rencontrés dans la forêt, les demi-hommes les avaient attaqués sans aucune chance de dialogue. De nombreux ninjas avaient été gravement blessés lors de cet échange.

Escorter les jeunes filles elfes qu’ils avaient sauvées des pirates jusqu’au village avait également demandé beaucoup d’efforts. Mais heureusement — et grâce à des négociations persistantes et incessantes — les relations entre les demi-hommes et le camp de Ryoma s’amélioraient peu à peu, par rapport à l’hostilité ouverte dont ils faisaient preuve au départ. On ne pouvait cependant pas encore parler de relations cordiales.

Le seul point positif était que les gens présents ici ne montraient pas beaucoup d’aversion envers les demi-hommes. La plupart des résidents de Sirius étaient au début de leur adolescence, et les autres étaient des mercenaires. Aucun d’entre eux n’était des croyants dans le Dieu de la Lumière, Meneos. Mais bien sûr, si les demi-hommes se montraient hostiles à leur égard, aucun des résidents de Sirius n’hésiterait à aider à les chasser.

Néanmoins, le fait que son peuple ne soit pas opposé aux demi-hommes pour une raison religieuse était un coup de chance pour Ryoma. Si tout se passait comme Ryoma l’avait prévu, il suffirait d’un peu de temps pour que le fossé entre l’humanité et les demi-hommes soit comblé.

Il ne reste plus qu’à…

Genou avait servi aux côtés de Ryoma depuis la guerre civile rhoadserienne, et il pensait avoir une bonne idée des capacités de ce jeune homme.

« Je crois toujours que mon seigneur est le genre de personne que nos ancêtres recherchaient. Et vous, qu’en dites-vous ? » demanda Genou.

Les cinq autres se turent. C’était le souhait du premier chef du clan Igasaki — le motif pour lequel le clan Igasaki avait affiné ses compétences au cours de la longue période de cinq siècles. Ils avaient erré dans ce monde, sans maître, à la recherche de quelqu’un qui les dirigerait. Parfois, ils étaient rejetés comme des étrangers. D’autres fois, ils étaient carrément persécutés. Mais maintenant, ils avaient enfin trouvé quelqu’un.

Ryoma Mikoshiba.

« Je pense que nous pouvons nous engager avec lui », dit Ryuusai.

« Je suis d’accord avec l’opinion de Ryuusai. Il faut quand même régler le problème qui s’est passé l’autre jour… », approuva Jinnai.

Sae hocha la tête en silence.

« Le moment est peut-être venu de réunir les chefs des familles des branches… Il ne reste plus qu’à voir si notre seigneur sera capable de le faire, je crois que… », murmura Ume.

« Cela, je ne le sais pas. Mais il l’a dit récemment. Il y a des chances qu’il soit capable de le réaliser. »

Tous les cinq tournèrent leurs regards vers un seul katana présenté sur une étagère dans cette même pièce. Cette lame, connue sous le nom de Kikoku — le Démon Gémissant - sommeillait dans l’étreinte de son fourreau blanc. Elle restait silencieuse, attendant l’arrivée de son digne manieur…

*****

À peu près au moment où Ryoma avait reçu la lettre de Simone, un certain Owen Spiegel — Premier ministre d’un certain pays situé à l’extrémité orientale du continent occidental — était entré dans le bureau de son maître. Le but de cette visite était une réunion secrète afin de discuter de la guerre contre l’Empire d’O’ltormea.

« Votre Majesté… J’ai fait les préparatifs conformément à votre précédente lettre… Je suis sûr qu’un messager de Xarooda est en route maintenant », dit Owen.

À ces mots, son interlocuteur vieillissant hocha profondément la tête.

« Et comment va la guerre ? »

« Dix mille hommes menés par Ecclesia Marinelle s’approchent de la frontière de Rhoadseria. »

« Compris. Un travail bien fait, Owen… La route de Xarooda devrait s’ouvrir bientôt. »

« Je n’en suis pas digne, Votre Majesté. »

Owen avait profondément incliné la tête, malgré l’anxiété qui remplissait son expression.

« Mais pensez-vous que la reine acceptera notre appel si facilement ? »

Owen était inquiet au sujet de la nouvelle reine du Royaume de Rhoadseria, Lupis Rhoadserians. À ses yeux, c’était une femme indécise. Et ce, malgré le fait qu’en considérant l’emplacement des pays sur le continent, on pouvait tout de suite voir quel pays serait attaqué ensuite si Xarooda tombait. Dans la plupart des cas, ce serait Rhoadseria qui enverrait des appels à l’aide au Royaume de Myest.

Je comprends que son régime ne soit pas encore stable à cause de la récente guerre civile, et pourtant…

Même en gardant cela à l’esprit, le fait qu’elle n’ait pas rassemblé assez d’influence sur le pays pendant tout ce temps reflétait mal son règne. Et cela ne faisait que rendre douteuses les prouesses militaires qu’on lui prêtait. Même si elle était aussi douée que les rumeurs le prétendaient, c’était un talent complètement gaspillé si elle ne parvenait pas à prendre une décision.

« Bien sûr, je pense qu’il est assez probable qu’elle le fasse. Et vous savez quoi faire alors, oui ? »

« Bien sûr, Votre Majesté. J’ai insisté sur ce point auprès d’Ecclesia, également. Cependant… Êtes-vous sûr que c’est la bonne décision ? »

« Je comprends tes doutes, Owen. Je n’ai moi aussi aucun désir de m’engager dans une guerre inutile. Et pourtant… Même les chevaliers de Xarooda, aussi puissants que les rumeurs le disent, ne pourront pas tenir plus longtemps. Le troisième fils du général Belares est plutôt capable, mais convenez avec moi qu’il est peu probable qu’il surpasse son père. »

Même avec la position avantageuse que leur accordait la topographie de Xarooda, l’écart entre leurs forces et les effectifs de l’Empire d’O’ltormea était bien trop important. Et pour couronner le tout, la perte du général Belares — le héros vanté comme la divinité tutélaire de Xarooda — était un coup trop douloureux.

« Et on ne sait pas non plus quand la mégère du nord pourrait concrétiser ses ambitions. »

La souveraine du royaume d’Helnesgoula, Grindiana Helnecharles, n’était en aucun cas aussi avide et avaricieuse que les rumeurs le laissaient entendre. Owen le savait très bien, pour l’avoir déjà rencontrée face à face. Elle n’était pas assez téméraire pour tenter aveuglément d’étendre son territoire, mais en même temps, elle n’était pas assez naïve pour laisser passer une bataille qu’elle était sûre de pouvoir gagner.

Pour l’instant, les choses peuvent aller dans les deux sens… Mais les choses deviendront certainement beaucoup plus difficiles lorsque le Royaume d’Helnesgoula sera déterminé à détruire Xarooda…

Et quelle route Myest choisira-t-elle alors ? Owen ne pouvait s’empêcher de pousser un lourd soupir.

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2 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

  2. Merci pour le chapitre !

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