Wortenia Senki – Tome 7 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Les nuages de la guerre s’amoncellent

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Chapitre 1 : Les nuages de la guerre s’amoncellent

Partie 1

Un unique navire de classe Galion connu sous le nom d’Atalante naviguait sur une mer sereine, se dirigeant vers les régions du nord-est du continent. Il naviguait si vite qu’on ne pouvait que supposer que ses voiles étaient bénies par le vent du dieu. Et si les voiles étaient effectivement bénies par une sorte de vent, ce n’était pas un vent accordé par les dieux.

« Rapport ! Le port de Sirius est visible au nord-est ! », cria l’un des observateurs.

La terre était faiblement visible à l’horizon.

« Compris. Je vais appeler le capitaine Brass », répondit l’un des hommes d’équipage qui descendit sur le pont.

« Hmm, oui, c’est effectivement la ville de Sirius… »

Le capitaine bronzé regarda dans un télescope, confirmant qu’ils étaient presque à la ville portuaire.

« Hey ! Nous sommes presque au port. Commencez les préparatifs pour l’accostage. »

Ne pas avoir à attendre le vent et avoir constamment un vent arrière… Cela fait des voyages rapides, hein ? pensa Brass en refermant son télescope.

Ils avaient quitté la ville de Myspos, à l’extrémité orientale d’Helnesgoula, à la fin du neuvième mois. Et maintenant, quatre jours plus tard, ils étaient arrivés à Sirius. Et s’il était vrai que, contrairement à la dernière fois, ils n’avaient pas navigué le long de la côte, mais avaient choisi de naviguer directement en pleine mer, un voyage aussi court défiait toujours la logique de ce monde.

Je n’étais pas sûr de ce qui allait se passer au début, mais j’ai eu raison d’accepter sa proposition… Je pensais que ce n’était qu’un amateur effronté, mais je suppose que la plaisanterie s’est retournée contre moi cette fois-ci.

Le visage de Brass se tordit en un sourire d’autodérision. C’était arrivé trois nuits avant qu’il ne parte pour ce voyage. Il avait vécu pendant des années comme un homme de la mer, et bien que ce garçon ait été quelque peu respectueux, il lui avait aussi dicté sa route et lui avait demandé de réduire la durée du voyage.

Selon la logique établie, compte tenu du temps qu’il leur faudrait pour attraper le bon vent, le voyage devait durer entre dix jours et quinze jours. Aussi, lorsque Brass s’était entendu dire avec désinvolture de terminer le voyage en une semaine, il avait dû sérieusement douter de la santé mentale de Ryoma Mikoshiba. C’était bien trop ridicule pour être considéré comme la demande frivole d’un amateur. Mais en regardant les faits qui s’alignaient maintenant devant ses yeux, il pouvait comprendre pourquoi il avait fait cette demande.

Brass avait tourné son regard vers le groupe assis à l’arrière du navire. Lors du voyage de retour de Sirius à Myspos, ils avaient tous eu le mal de mer et étaient pratiquement inutiles, mais cette fois-ci, les choses étaient différentes. Ils étaient tous, après tout, jeunes et à peine âgés de quinze ans. Et aucun d’entre eux n’était en plus marin. Ces jeunes gens vêtus d’une armure de cuir noir étaient des soldats au service de la Maison Mikoshiba. Et même s’ils étaient des novices n’ayant aucune expérience de la navigation à bord d’un navire, ils étaient désormais plus importants et plus fiables que les marins les plus expérimentés.

« Comment est le vent, Capitaine Brass ? Devrions-nous le rendre un peu plus fort ? »

L’une des filles du groupe l’interpella, remarquant son regard.

« Non, si on le rend plus fort, il y a des chances que vous déchiriez les voiles. D’ailleurs, nous sommes presque arrivés à Sirius. Gardez la vitesse comme elle est pour le moment. Merci, Mlle Mélissa. »

Bien que la fille soit assez jeune pour passer pour sa fille, Brass l’avait appelée avec le respect qui lui était dû. À bord de ce vaisseau, cette jeune fille et ses compagnons étaient d’une certaine manière encore plus importants que le capitaine lui-même.

« Compris. Alors nous allons garder la vitesse du vent comme ça. »

Mélissa lui adressa un sourire et inclina la tête.

Il la regarda simplement avec de l’affection dans les yeux. Il avait l’impression de regarder sa propre fille… Tous les navires de ce monde étaient soit des voiliers, soit des galères. Chacun avait ses avantages, mais en termes de capacité de transport et d’autonomie, les voiliers étaient préférés comme navires de commerce et de transport. Parmi tous les navires à voiles, la classe des galions offrait la plus grande capacité de chargement.

Sa coque était oblongue et son tirant d’eau était faible, ce qui lui permettait de prendre facilement de la vitesse. Sa grande capacité de chargement en faisait également un navire extrêmement pratique. Mais le galion, comme tous les navires à voiles, avait la faiblesse critique d’être dépendant des caprices du vent pour se déplacer. Il utilisait plusieurs voiles pour naviguer.

Certains voiliers étaient également équipés de rames, mais cela nécessitait d’embarquer des rameurs. Et ces rameurs avaient naturellement besoin de nourriture et d’eau, ce qui signifiait moins de place pour stocker les marchandises. C’était pourquoi les voiles étaient utilisées comme principale force motrice d’un navire à voiles.

Les conditions météo et la direction du vent étaient donc des facteurs importants. Heureusement, ce monde était similaire à Rearth en ce sens que les navires avaient été améliorés de manière à utiliser non seulement des voiles carrées et des voiles avant-arrière, mais aussi un certain nombre de voiles auxiliaires. Celles-ci permettaient aux navires d’avoir un certain degré de mouvement même lorsqu’ils naviguaient avec un vent de face.

Mais même cette solution avait ses limites. Si le vent s’arrêtait complètement et que la mer était totalement calme, un voilier normal sans rames était essentiellement bloqué sur place, bercé par l’eau jusqu’à ce que le vent se remette à souffler. Et puisque le contrôle de la météo était au-delà de ce qu’un homme peut faire, un marin coincé dans cette situation difficile ne pouvait que prier Dieu de l’aider.

Du moins, jusqu’à maintenant…

Ce que Mélissa et ses camarades faisaient n’était pas une tâche difficile. Déclencher une tempête de vent comprimé était la base de la thaumaturgie du vent. La seule différence était qu’au lieu de le relâcher de manière comprimée, ils avaient dispersé le vent progressivement sur une plus grande surface. Il avait très peu de puissance d’attaque, mais le navire n’avait besoin que d’un vent léger pour se déplacer. Une rafale trop forte serait en fait préjudiciable, car elle pourrait déchirer les voiles.

Cela signifiait que l’inexpérience des jeunes soldats était en fait précieuse ici. Et voir leurs sorts être si significatifs et efficaces avait rempli de joie le cœur de Mélissa et de ses camarades, surtout parce qu’ils étaient conscients de leur inexpérience. C’était le moyen idéal de renforcer leur expérience et leur compétence en thaumaturgie.

Le fait qu’on ait besoin d’eux et que l’on compte sur eux avait rempli leurs expressions de confiance. Ils étaient aussi sans doute ravis de revenir à Sirius après un mois de voyage. La plupart des gens redoutaient cet endroit comme une zone neutre maudite, mais la ville de Sirius était, sans aucun doute, une seconde ville natale pour eux.

« Maintenant, écoutez ça ! Mlle Simone nous a demandé de ne rien dire à personne de ce que nous verrons dans cet endroit, compris ?! », cria Brass aux marins, le changeant ainsi de son attitude sereine.

Les marins avaient tous acquiescé aux ordres de leur capitaine et avaient commencé à descendre l’ancre. Ils avaient déjà fait quatre fois le voyage de Myspos à Sirius et en avaient un peu marre qu’on leur dit de se taire encore et encore. Ils comprenaient cependant pourquoi on leur disait de se taire, et ce qui se passerait s’ils ignoraient cet avertissement.

Leur premier voyage à Sirius leur avait laissé une impression saisissante. Le paysage urbain était correctement divisé en secteurs. Les routes étaient larges, spacieuses et pavées de pierre. Les murs étaient assez hauts et entouraient toute la ville.

En soi, cela ne les aurait pas surpris outre mesure. On pouvait trouver des villes de cette taille sur le territoire de n’importe quel autre noble. Mais la surprise venait du fait qu’une telle ville avait été construite sur la péninsule de Wortenia, et en quelques mois seulement.

« Capitaine… Est-ce que mes yeux me jouent des tours ? », demanda l’un des marins à Brass, en se frottant les yeux alors que le paysage urbain de Sirius apparaissait.

Brass ne lui avait pas demandé ce qu’il avait vu. Lui aussi avait du mal à croire ce qu’il voyait.

« Ne t’inquiète pas. Tu vois très bien », avait-il dit.

« Alors c’est réel… », marmonna le marin.

« Oui. La ville devient de plus en plus grande. »

Cela faisait six mois que Brass et son équipage étaient arrivés à Sirius. Elle était juste assez prête pour permettre au port de fonctionner, et avait encore à peu près la taille d’un village de pêcheurs que l’on pouvait trouver n’importe où. Mais chaque fois que le navire de Brass revenait d’un voyage, la ville avait changé. Rien que le port construit le long de la côte avait doublé sa taille d’origine à présent. Non, il correspondait aux installations d’amarrage de Myspos maintenant.

On ne peut pas le dire à quelqu’un d’autre. Et tout le monde se moquerait de nous même si nous le faisions… Ce qui est pire…

Cette pensée avait traversé l’esprit de Brass. Après tout, si c’était n’importe où ailleurs, on pourrait supposer que des dizaines ou des centaines de milliers de personnes avaient été tuées à la tâche au nom de la construction d’un si grand dock, mais on était dans la péninsule de Wortenia. Ce n’était pas une option. Il y a quelques mois, Brass avait transporté un millier d’esclaves de Myspos à Sirius à bord du Merallion — le galion de Simone.

Mais même avec ce nombre en tête, le spectacle qu’il avait sous les yeux ne lui semblait pas plausible. D’autant plus qu’il savait que tous les esclaves qu’il avait amenés étaient de jeunes garçons et filles aux corps sous-développés. Ils avaient été soumis à des abus par leurs esclavagistes et étaient tous extrêmement faibles et émaciés. Ils n’avaient pas l’air d’être capables de travailler. Ils avaient été correctement nourris à bord du vaisseau, mais il était difficile de croire que leur endurance se rétablirait aussi rapidement.

Je comprends pourquoi la petite dame insiste pour que nous gardions sous silence toute cette affaire…

Le regard de Brass s’était tourné vers la poupe, où se trouvait le groupe de Mélissa. Il avait un peu compris l’astuce se cachant derrière ce spectacle incroyable.

« Qu’est-ce que vous regardez comme ça ? J’ai dit allez-y et préparez-vous à jeter l’ancre. »

Refoulant sa curiosité, Brass gronda un groupe de marins qui fixaient l’horizon, bouche bée.

Brass savait très bien que la curiosité était un vilain défaut…

***

Partie 2

Le nom de la ville portuaire de Sirius venait du grec, et cela signifiait « ce qui brûle » ou « ce qui brille. »

Sara avait informé Ryoma : « Maître Ryoma, l’Atalante a accosté après son retour de Myspos. »

« Ok, bien reçu. Ils sont enfin de retour… Le Capitaine Brass a-t-il dit pourquoi ils étaient en retard ? », demanda Ryoma.

Sara répondit à sa question en gardant les yeux sur le morceau de parchemin qu’elle tenait dans ses mains. Dans le monde de Ryoma, le retard ne le dérangerait pas tant que ça, mais dans ce monde, les choses étaient bien différentes. Il pouvait y avoir une raison cachée que Ryoma ne pouvait pas envisager à l’avance.

« Selon le rapport du capitaine Brass, l’équipe de Mélissa a eu le mal de mer pendant le voyage vers Myspos. Au retour, cependant, ils se sont améliorés et ils ont parfaitement rempli leur rôle. »

« Mal de mer, hein ? Et c’est pourquoi ils sont revenus plus tard que prévu… Oui, je suppose que je n’ai pas tenu compte de ça. »

Leur dire de travailler à bord d’un navire sans formation ni avertissement était peut-être imprudent, réalisa Ryoma. Certaines personnes étaient physiquement moins sujettes au mal de mer, mais apparemment les troupes qu’il avait envoyées avec Brass cette fois-ci n’avaient pas cette constitution. Au contraire, il était surpris de constater qu’ils s’étaient améliorés pendant le voyage de retour.

Je suppose que c’était leur première fois sur un bateau. Ils étaient anxieux, et on dit que le mal des transports a beaucoup à voir avec des facteurs psychologiques…

« Il n’y a cependant pas de problème avec la cargaison. Ils ont eu la chance d’avoir du beau temps, et les vagues qui ont secoué le bateau n’ont rien endommagé. »

Si un navire devait traverser une tempête, la cargaison serait souvent endommagée. L’eau pourrait également pénétrer dans la coque et gâcher les marchandises. La chance était cependant de leur côté cette fois-ci.

« Très bien. Pour l’instant, continuez à apporter des armes et des denrées périssables. Les crocs et les peaux des monstres feront toujours l’affaire pour le paiement, non ? »

« Oui, et nous en avons assez pour payer. Mais d’après la lettre de Mlle Simone, les stocks de leurs clients s’épuisent, et elle a demandé si nous pouvions en envoyer un plus grand nombre. Elle paierait le reste avec de l’or, bien sûr. », acquiesça Sara.

Ryoma s’était mis à réfléchir.

« Augmenter le nombre que nous traitons, hein… ? »

Les monstres qui se reproduisaient dans la péninsule de Wortenia étaient tous considérés comme puissants, et en tant que tels, les ingrédients qu’ils récoltaient atteignaient un bon prix sur le marché. Simone était en train de s’installer à Myspos, et même pour elle, les ingrédients importés de Wortenia étaient des marchandises très rentables.

J’aimerais pouvoir faire quelque chose pour elle, mais…

Normalement, il aurait aimé lui envoyer toutes les peaux et tous les crocs qu’ils avaient, d’autant plus que Simone elle-même était en pleine guerre commerciale avec d’autres marchands rusés. Ils avaient juré de partager les lots de l’autre, et il voulait donc lui donner toute l’aide qu’il pouvait.

Mais la triste réalité était qu’il ne pouvait pas se permettre de vendre moins de ces ingrédients à Epire. Ou plutôt, ce n’était pas qu’il ne pouvait pas le faire, mais plutôt qu’il redoutait le retour de bâton que cela pourrait provoquer. Et une baisse soudaine des quantités vendues pourrait révéler au comte Salzberg le fait qu’il vendait des choses à des marchands en dehors d’Epire.

« Comment se passe l’entraînement ? »

« Cela ne fait pas six mois que nous avons commencé. »

Déployer plus de soldats leur permettrait de chasser plus de monstres, mais s’ils envoyaient des troupes avant que leur entraînement ait atteint un certain point, ils ne feraient que nourrir les monstres au lieu de les chasser.

« Nous allons avoir besoin de Simone pour attendre un peu plus longtemps… Nous n’avons pas le choix. »

Leur approvisionnement ne pouvait pas suivre l’augmentation de la demande.

Mais encore une fois, faire des ventes folles jusqu’à ce que les prix s’effondrent ne serait pas bon non plus… Simone va juste devoir être patiente.

Ryoma hocha la tête une fois pour lui-même. Voyant que Ryoma avait pris une décision, Sara aborda l’autre sujet qui la préoccupait.

« Il y a… en fait quelque chose d’autre. »

« Qu’est-ce que c’est ? Ça ne te ressemble pas d’être aussi timide… », dit Ryoma en fronçant les sourcils.

Chaque fois que Sara parlait comme ça, les bonnes nouvelles ne suivaient jamais. Ce n’était pas de sa faute, bien sûr, mais Ryoma ne pouvait s’empêcher de se crisper.

« Est-ce à propos des demi-hommes ? », demanda Ryoma.

« Non, c’est quelque chose que Mlle Simone a écrit dans sa lettre… », répondit Sara, ce à quoi Ryoma répondit par une inclinaison de la tête.

Le problème le plus important pour Ryoma était celui des demi-hommes. Il avait récemment raccompagné les trois jeunes filles qu’il avait sauvées des pirates jusqu’au chef, ce qui lui avait demandé pas mal de travail.

Dans les romans que Ryoma lisait, un chevalier blanc qui sauvait une jeune fille était assez vite accueilli par ses pairs. La réalité, cependant, n’était pas à la hauteur de la fiction. Cela ne voulait pas dire que les demi-hommes étaient totalement ingrats, mais ils ne faisaient pas non plus confiance à Ryoma Mikoshiba en tant que personnes. En fait, s’attendre à ce qu’ils lui fassent confiance était imprudent.

Leur haine suite à la persécution humaine était profonde et de longue date, et le poids de cette haine liait leurs cœurs. Ils ne voulaient vraiment et honnêtement rien avoir à faire avec l’humanité, et Ryoma avait mis du temps à les convaincre. Les demi-hommes étaient un problème que Ryoma ne pouvait se permettre de négliger en aucune façon. Au pire, il voulait qu’ils maintiennent une position de non-agression mutuelle. Au mieux, il espérait les absorber dans ses forces.

S’il n’y parvenait pas, il n’y avait aucun intérêt à établir une base dans les terres reculées de Wortenia. Tant qu’ils gardaient le contrôle des mers, Epire restait la seule voie d’accès à la péninsule de Wortenia. Ryoma pouvait concentrer ses forces au sud et empêcher l’ennemi d’entrer. C’était le plus grand avantage offert par cette terre en tant que péninsule à l’angle du continent.

Mais tout cela ne signifierait rien si une force qui s’opposait à lui existait dans la péninsule, même si leur opposition n’était pas explicite et directe. Le fait qu’ils n’étaient pas amicaux envers lui était un problème suffisant. Cela signifiait qu’il devrait continuellement garder une sorte de force autour de lui pour protéger Sirius.

Ainsi, lorsque Ryoma avait rendu les filles elfes enlevées aux pirates, il avait fait une proposition à Nelcius, le chef. Il avait suggéré que Nelcius, ainsi que les autres chefs, fassent des visites mensuelles à Sirius où ils dîneraient avec Ryoma. Il espérait que ces rencontres périodiques aideraient à dissiper leur méfiance envers l’humanité.

C’était une solution détournée, certes, mais Ryoma pensait qu’exiger davantage d’eux ferait échouer les négociations sur-le-champ. Leur peur et leur suspicion à l’égard de la race humaine étaient tout simplement très élevées.

En tant que tel, Ryoma était surtout nerveux à propos des demi-hommes. En d’autres termes, il ne pensait à aucun autre problème. Du moins jusqu’à ce qu’il lise la lettre de Simone…

« Il y a des mouvements à Helnesgoula. Certains signes montrent que bientôt une armée de plusieurs dizaines de milliers de personnes marchera à nouveau sur Xarooda… Ugh. »

Lisant la lettre jusqu’au bout, Ryoma fit claquer sa langue et l’écrasa dans ses mains.

Merde, la bête du nord-est sur le point d’intervenir directement maintenant… ?!

La lettre informait Ryoma que le prix des armes comme les épées et les armures augmentait, ainsi que le coût des rations. Cela, ajouté au fait que plusieurs ordres de chevaliers qui étaient stationnés à la frontière ouest pour servir de contrôle au Saint Empire Qwiltantia avaient été déplacés à l’est, signalait qu’une sorte de mouvement était sur le point de se produire dans le mois à venir. La fin de la lettre était la promesse de Simone de continuer à recueillir des informations.

« On dirait que son organisation de renseignement prend forme », commenta Sara.

Le rôle de Simone était de s’occuper du commerce. Elle devait collecter des fonds, acquérir des fournitures, conserver et rassembler des informations sur les mouvements diplomatiques des différentes nations. C’était, en fait, légèrement différent du rôle que Ryoma attendait de Genou, de sa petite-fille Sakuya et du reste du clan Igasaki.

Le rôle de Genou était axé sur le contre-espionnage, d’éliminer les espions qui tentaient de s’infiltrer dans la péninsule, ainsi que de s’occuper des assassins adverses. Le rôle de Simone était de surveiller les mouvements généraux et l’état des affaires des autres puissances du continent, et d’en informer Ryoma.

Famines, pestes, guerres, révoltes. Il y avait toujours des signaux reflétés dans l’économie de marché qui précédaient de tels événements. Le coût des aliments montait en flèche pendant les famines, et le prix des médicaments augmentait pendant les pestes. L’économie d’un pays était une fenêtre sur ses affaires intérieures.

Ainsi, lorsque les prix des rations et des armements augmentaient comme c’était le cas maintenant, on pouvait supposer qu’une opération militaire était en cours. Dans cette optique, il était clair que Simone faisait bien son travail.

« Oui, elle fait du bon travail. »

Ryoma hocha silencieusement la tête.

Mais son regard, contrairement à ses paroles, était sévère. Voyant l’humeur de son maître, Sara écarta les lèvres pour parler.

« C’est un mauvais timing, exact… ? »

Il y a plusieurs mois, la bataille des plaines de Notis avait eu lieu. L’Empire d’O’ltormea avait gagné la bataille, mais l’invasion n’avait pas été encore lancée sur les territoires de Xarooda, car le Royaume d’Helnesgoula avait lancé sa propre invasion de Xarooda.

La seule raison pour laquelle le Royaume de Xarooda n’avait pas été rayé de la carte du continent occidental était qu’O’ltormea redoutait la possibilité d’une invasion simultanée de la bête du nord. Mais si cette lettre disait la vérité, la situation allait bientôt changer.

« Eh bien, je suppose que rien ne changera même si on se plaint… »

L’expression de Ryoma s’était adoucie aux paroles de Sara. Celui-ci haussa les épaules d’un air sardonique.

Une guerre, c’était comme une pierre géante jetée dans une piscine autrement sereine. Le rocher secoue la surface de l’eau, et ses ondulations se propagent dans toutes les directions. De la même manière, une guerre influençait les pays environnants d’une multitude de façons. Ces influences pouvaient être positives ou négatives, mais une chose était sûre : il y aura toujours, certainement, une sorte d’influence ou de changement.

Le problème était que l’on ne pouvait pas dire où et comment ces influences allaient apparaître. Une augmentation du prix courant de certains articles était négligeable, mais Xarooda pouvait demander des renforts à Rhoadseria. Et comment la reine Lupis réagirait-elle si elle devait envoyer des troupes ?

L’option la plus probable serait qu’Helena Steiner prenne la tête de l’armée, mais il était peu probable que les choses se terminent avec elle seules sur le terrain. Au pire, il serait lui-même contraint de partir en guerre. Ce qui était la pire des évolutions possibles pour lui, étant donné qu’il voulait donner la priorité au développement et à la gouvernance de ses terres. Pire encore, il n’y avait aucune garantie que ce n’était pas ce que Lupis et ses partisans complotaient de faire.

J’espère avoir été anxieux sans raison…

Ryoma poussa un autre profond soupir. Il se rendait compte qu’il réfléchissait trop, mais il savait aussi que la réalité était une série de développements inattendus. Il savait qu’il devait se préparer à l’imprévisible si possible.

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Partie 3

Après avoir reçu le rapport de Boltz selon lequel sa tâche se déroulait bien, je me suis dit que j’allais pouvoir souffler un peu. Je suppose que non, cependant… Sérieusement, c’est un mal de tête après l’autre.

Ryoma fit construire une forteresse aux pieds de la chaîne de montagnes Tilt, qui se trouvait à la base de la péninsule. Boltz était actuellement en charge de la sécurité du territoire, et s’y rendait avec cinquante de leurs meilleures troupes.

Ryoma avait récemment rencontré le comte Salzberg, et la forteresse avait été construite avec son approbation. Sur le papier, il s’agissait d’une installation défensive construite pour stopper la progression des monstres venant de la région au sud d’Epire. La vérité était que le but derrière sa construction était tout à fait opposé. Il s’agissait d’un point de contrôle destiné à empêcher les aventuriers et les espions de pénétrer dans la péninsule.

La présence d’aventuriers n’était normalement pas une nuisance. Ils chassaient des monstres, qui étaient généralement des nuisances et des menaces dangereuses. Mais en ce moment, la chasse aux monstres était l’une des principales industries de Wortenia. Ryoma préférait de loin que ses propres soldats s’occupent des monstres à abattre plutôt que de laisser les aventuriers le faire.

De plus, la péninsule était actuellement confrontée au problème des demi-hommes. Si Ryoma devait entretenir les relations entre son camp et les elfes, il devait faire en sorte qu’ils lui fassent confiance en tant qu’humain, et on ne pouvait pas savoir ce qu’un aventurier errant à Wortenia pourrait faire. Ils pourraient capturer un demi-humain comme l’avaient fait les pirates, et cela porterait un coup fatal à ses tentatives de construire une relation avec Nelcius.

Pour autant que les demi-hommes s’en souciaient, les actes d’un humain étaient le reflet de l’ensemble de la race. Et pour cette raison, Ryoma ne pouvait pas se permettre qu’un aventurier fasse quelque chose de fâcheux. Ainsi, conformément aux intentions de Ryoma, le travail de Boltz avait entraîné une baisse sensible du nombre d’aventuriers accédant à la péninsule. Certains avaient bien essayé d’entrer sans passer par la route, mais Genou et son clan les avaient éliminés efficacement.

Jusqu’à présent, le résultat de leurs efforts semblait bon. Mais si une guerre devait éclater dans un pays voisin, il y avait une chance qu’elle s’étende. Non, ce n’était pas une chance — les feux de la guerre se propageraient. C’était certain. Et ce n’était pas quelque chose dont Ryoma avait besoin en ce moment, alors qu’il était concentré sur le développement de la péninsule de Wortenia.

Pour une personne étrangère aux affaires, il avait probablement l’air d’un héros qui s’était élevé jusqu’à la noblesse malgré son statut de roturier, mais en vérité, il n’était pas si haut placé. En fait, Ryoma était convaincu que la déesse du destin le détestait. En effet, si elle l’avait favorisé, il n’aurait jamais été convoqué dans ce monde.

« Mais les combats n’auront lieu que dans le Royaume de Xarooda. Cela ne devrait pas nous influencer trop directement… », dit Sara, ce à quoi Ryoma sourit amèrement.

Elle avait raison. Il ne faisait aucun doute que la guerre les influencerait d’une manière ou d’une autre, mais même si Xarooda devait demander des renforts à Rhoadseria, la guerre ne devrait pas trop les affecter tant que Ryoma n’était pas chargé d’envoyer ces forces.

Ryoma ne pouvait cependant pas acquiescer à son évaluation. Un sentiment de mauvais augure se développait dans son cœur. Ryoma possédait un petit nombre de troupes. Leur nombre était un peu plus important depuis qu’ils s’étaient regroupés avec le clan de Genou, mais ils n’avaient que quatre cents soldats prêts à combattre. Il faudrait encore un certain temps avant que les esclaves livrés par Simone ne soient utiles.

Mais même si Ryoma supposait que leur entraînement serait terminé à temps, il ne serait toujours pas en mesure de mobiliser plus de mille soldats. Au mieux, il pourrait en rassembler huit cents ou neuf cents. Au pire, il ne pourrait en rassembler que 600. En comparaison, la taille moyenne d’un ordre de chevaliers était de deux mille cinq cents hommes. Les forces disponibles de Ryoma n’atteindraient même pas la moitié de ce chiffre.

Cela dit, ces chiffres correspondaient à ce que le gouverneur d’un seul territoire aurait comme troupes de réserve. Et si l’on considérait qu’ils étaient tous capables de thaumaturgie, ils étaient loin d’être négligeables. En tant que force de défense de son territoire, ils étaient plus que suffisants.

Cependant…

Nous avons besoin de plus d’effectifs, même s’il faut les pousser. Je vais devoir demander à Simone de nous envoyer d’urgence un millier d’esclaves supplémentaires… Et nous devrons aussi accélérer le travail sur cette chose.

L’instinct de survie de Ryoma lui disait que l’effectif actuel de ses troupes le mettait en danger. Et Ryoma obéissait à ces instincts, qui n’avaient fait que s’aiguiser au fur et à mesure qu’il trompait la mort depuis qu’il avait été appelé dans ce monde. Et il savait que sa survie et celle de ses compagnons dépendaient de leur capacité à se préparer.

« Hmm… Genou m’a dit la même chose, mais cette ville est construite de manière assez élaborée. Les tranchées construites le long de la route sont-elles destinées à s’assurer que l’eau de pluie ne soit pas gaspillée ? » demanda Jinnai tout en plissant les yeux et en regardant par la fenêtre.

Le clair de lune éclairait les rues. Il y a quelques jours, Ryoma avait accordé au clan Igasaki un secteur de la ville qui leur appartenait. Cinq hommes et femmes étaient assis autour d’une table, dans un domaine construit au centre de ce secteur. C’était le Conseil des Anciens, qui représentait la volonté du clan Igasaki.

« En effet. C’était l’idée de notre seigneur. La route est construite de façon similaire », dit Genou.

« Malgré sa jeunesse, celui-ci est plein de ressources. »

Gennai hocha la tête.

« C’est un peu rustre, mais c’est une ville fonctionnelle et efficace. Et elle se développe à un rythme effarant », dit Ryuusai d’une voix assez impressionnée.

Le paysage urbain qui s’étendait derrière leur fenêtre semblait changer de jour en jour. Cette ville s’agrandissait continuellement, et rapidement. Et ses développements n’étaient en aucun cas aléatoires. Elle était le fruit de calculs détaillés et d’une planification urbaine prudente.

« Mais elle manque d’élégance. »

Sae avait répondu aux mots de Ryuusai avec un ton taquin.

Fidèle à ses paroles, la cité de Sirius avait été construite en mettant l’accent sur la fonctionnalité, mais en ignorant complètement toute idée d’esthétique. Elle donnait une sorte d’impression artificielle et inorganique. C’était différent des anciennes constructions japonaises, qui utilisaient principalement le bois. Ryoma avait fait construire la plupart des bâtiments en pierre, probablement pour réduire les risques d’incendie. Cela ne faisait que rendre Sirius plus terne et inesthétique.

« Eh bien, nous vivons dans un âge de guerre. L’élégance offre peu d’avantages pratiques », dit Gennai.

« Tu peux dire ça, Gennai, mais repense à la capitale de Kyoto dont grand-mère nous a parlé un jour. N’avons-nous vraiment pas besoin d’une touche d’élégance ? Après tout, il ne faudrait pas que notre seigneur soit considéré comme le gouverneur d’un pays paumé. », dit Ume en le réprimandant légèrement.

L’élégance. Un mot qui impliquait le goût et le raffinement. Le parfum de la culture, ou un sens artistique raffiné. Bien sûr, la brusquerie rustique n’était pas une mauvaise chose en soi, mais elle ne suffisait pas. La culture était un pouvoir. C’était un aspect de la puissance nationale — différent de la puissance militaire, mais toujours crucial. Un aspect important à prendre en compte lors de la construction d’un pays.

« C’est peut-être vrai… Mais ce n’est pas comme si nous avions nous-même une once d’élégance dans notre nom. »

De par la nature même de leur profession, les ninjas n’étaient pas totalement dépourvus de compétences en matière de chant, de danse ou de musique. En se faisant passer pour des ménestrels ou des bardes itinérants, ils avaient une couverture assez souple pour infiltrer d’autres pays. Mais en même temps, ce n’étaient pas vraiment des artistes — c’était des ninjas. Ils n’avaient pas de réelles activités artistiques. Leurs compétences étaient suffisantes pour divertir une oreille d’amateur, mais pas assez bonnes pour retenir l’attention d’un public. Ils n’étaient, au mieux, que légèrement au-dessus de la moyenne en termes de compétences artistiques.

« Gennai, tu devrais peut-être te mettre à la poésie ? Je crois que ta famille a publié une anthologie de poèmes pendant la période Heian ? », dit Ryuusai d’un ton taquin alors que Gennai se grattait maladroitement la tête.

« Hmm. Peut-être que je devrais. »

Gennai avait répondu d’un ton ouvertement sérieux, ce qui avait incité tout le monde à glousser agréablement.

« Mais blague à part, nous devrions en discuter une autre fois. Je pense que poursuivre toute notion d’élégance en ce moment ne servirait qu’à rendre notre seigneur plus anxieux. », continua Ryuusai.

La culture était une source importante de puissance nationale, mais les pays qui s’appuyaient trop sur la richesse culturelle ne faisaient que se conduire à la ruine. Les mots de Ryuusai étaient vrais.

« Notre seigneur montre un grand intérêt pour la culture des demi-hommes. Mais bien sûr, cela dépend de sa capacité à gagner leur confiance. Et cela prendra beaucoup de temps. », dit Genou.

Tout le monde baissa la tête à ces mots.

« Ooh, les demi-hommes… D’après ce que j’ai entendu, ils sont assez méfiants à notre égard ? », demanda Jinnai.

« Oui, tout à fait. »

Genou avait hoché la tête.

Genou se souvenait des expressions de peur et d’hostilité qu’ils leur adressaient. Lorsque les ninjas qu’il avait envoyés en reconnaissance dans la péninsule de Wortenia les avaient rencontrés dans la forêt, les demi-hommes les avaient attaqués sans aucune chance de dialogue. De nombreux ninjas avaient été gravement blessés lors de cet échange.

Escorter les jeunes filles elfes qu’ils avaient sauvées des pirates jusqu’au village avait également demandé beaucoup d’efforts. Mais heureusement — et grâce à des négociations persistantes et incessantes — les relations entre les demi-hommes et le camp de Ryoma s’amélioraient peu à peu, par rapport à l’hostilité ouverte dont ils faisaient preuve au départ. On ne pouvait cependant pas encore parler de relations cordiales.

Le seul point positif était que les gens présents ici ne montraient pas beaucoup d’aversion envers les demi-hommes. La plupart des résidents de Sirius étaient au début de leur adolescence, et les autres étaient des mercenaires. Aucun d’entre eux n’était des croyants dans le Dieu de la Lumière, Meneos. Mais bien sûr, si les demi-hommes se montraient hostiles à leur égard, aucun des résidents de Sirius n’hésiterait à aider à les chasser.

Néanmoins, le fait que son peuple ne soit pas opposé aux demi-hommes pour une raison religieuse était un coup de chance pour Ryoma. Si tout se passait comme Ryoma l’avait prévu, il suffirait d’un peu de temps pour que le fossé entre l’humanité et les demi-hommes soit comblé.

Il ne reste plus qu’à…

Genou avait servi aux côtés de Ryoma depuis la guerre civile rhoadserienne, et il pensait avoir une bonne idée des capacités de ce jeune homme.

« Je crois toujours que mon seigneur est le genre de personne que nos ancêtres recherchaient. Et vous, qu’en dites-vous ? » demanda Genou.

Les cinq autres se turent. C’était le souhait du premier chef du clan Igasaki — le motif pour lequel le clan Igasaki avait affiné ses compétences au cours de la longue période de cinq siècles. Ils avaient erré dans ce monde, sans maître, à la recherche de quelqu’un qui les dirigerait. Parfois, ils étaient rejetés comme des étrangers. D’autres fois, ils étaient carrément persécutés. Mais maintenant, ils avaient enfin trouvé quelqu’un.

Ryoma Mikoshiba.

« Je pense que nous pouvons nous engager avec lui », dit Ryuusai.

« Je suis d’accord avec l’opinion de Ryuusai. Il faut quand même régler le problème qui s’est passé l’autre jour… », approuva Jinnai.

Sae hocha la tête en silence.

« Le moment est peut-être venu de réunir les chefs des familles des branches… Il ne reste plus qu’à voir si notre seigneur sera capable de le faire, je crois que… », murmura Ume.

« Cela, je ne le sais pas. Mais il l’a dit récemment. Il y a des chances qu’il soit capable de le réaliser. »

Tous les cinq tournèrent leurs regards vers un seul katana présenté sur une étagère dans cette même pièce. Cette lame, connue sous le nom de Kikoku — le Démon Gémissant - sommeillait dans l’étreinte de son fourreau blanc. Elle restait silencieuse, attendant l’arrivée de son digne manieur…

*****

À peu près au moment où Ryoma avait reçu la lettre de Simone, un certain Owen Spiegel — Premier ministre d’un certain pays situé à l’extrémité orientale du continent occidental — était entré dans le bureau de son maître. Le but de cette visite était une réunion secrète afin de discuter de la guerre contre l’Empire d’O’ltormea.

« Votre Majesté… J’ai fait les préparatifs conformément à votre précédente lettre… Je suis sûr qu’un messager de Xarooda est en route maintenant », dit Owen.

À ces mots, son interlocuteur vieillissant hocha profondément la tête.

« Et comment va la guerre ? »

« Dix mille hommes menés par Ecclesia Marinelle s’approchent de la frontière de Rhoadseria. »

« Compris. Un travail bien fait, Owen… La route de Xarooda devrait s’ouvrir bientôt. »

« Je n’en suis pas digne, Votre Majesté. »

Owen avait profondément incliné la tête, malgré l’anxiété qui remplissait son expression.

« Mais pensez-vous que la reine acceptera notre appel si facilement ? »

Owen était inquiet au sujet de la nouvelle reine du Royaume de Rhoadseria, Lupis Rhoadserians. À ses yeux, c’était une femme indécise. Et ce, malgré le fait qu’en considérant l’emplacement des pays sur le continent, on pouvait tout de suite voir quel pays serait attaqué ensuite si Xarooda tombait. Dans la plupart des cas, ce serait Rhoadseria qui enverrait des appels à l’aide au Royaume de Myest.

Je comprends que son régime ne soit pas encore stable à cause de la récente guerre civile, et pourtant…

Même en gardant cela à l’esprit, le fait qu’elle n’ait pas rassemblé assez d’influence sur le pays pendant tout ce temps reflétait mal son règne. Et cela ne faisait que rendre douteuses les prouesses militaires qu’on lui prêtait. Même si elle était aussi douée que les rumeurs le prétendaient, c’était un talent complètement gaspillé si elle ne parvenait pas à prendre une décision.

« Bien sûr, je pense qu’il est assez probable qu’elle le fasse. Et vous savez quoi faire alors, oui ? »

« Bien sûr, Votre Majesté. J’ai insisté sur ce point auprès d’Ecclesia, également. Cependant… Êtes-vous sûr que c’est la bonne décision ? »

« Je comprends tes doutes, Owen. Je n’ai moi aussi aucun désir de m’engager dans une guerre inutile. Et pourtant… Même les chevaliers de Xarooda, aussi puissants que les rumeurs le disent, ne pourront pas tenir plus longtemps. Le troisième fils du général Belares est plutôt capable, mais convenez avec moi qu’il est peu probable qu’il surpasse son père. »

Même avec la position avantageuse que leur accordait la topographie de Xarooda, l’écart entre leurs forces et les effectifs de l’Empire d’O’ltormea était bien trop important. Et pour couronner le tout, la perte du général Belares — le héros vanté comme la divinité tutélaire de Xarooda — était un coup trop douloureux.

« Et on ne sait pas non plus quand la mégère du nord pourrait concrétiser ses ambitions. »

La souveraine du royaume d’Helnesgoula, Grindiana Helnecharles, n’était en aucun cas aussi avide et avaricieuse que les rumeurs le laissaient entendre. Owen le savait très bien, pour l’avoir déjà rencontrée face à face. Elle n’était pas assez téméraire pour tenter aveuglément d’étendre son territoire, mais en même temps, elle n’était pas assez naïve pour laisser passer une bataille qu’elle était sûre de pouvoir gagner.

Pour l’instant, les choses peuvent aller dans les deux sens… Mais les choses deviendront certainement beaucoup plus difficiles lorsque le Royaume d’Helnesgoula sera déterminé à détruire Xarooda…

Et quelle route Myest choisira-t-elle alors ? Owen ne pouvait s’empêcher de pousser un lourd soupir.

***

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