Wortenia Senki – Tome 4 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Péché originel

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Chapitre 1 : Péché originel

Partie 1

Après avoir retiré toute la sueur qui s’écoulait de lui avec un bain chaud, Kouichiro avait mis ses vêtements de travail de moine bleu et s’était dirigé vers le salon, où les inspecteurs l’attendaient.

« Merci d’avoir attendu. J’étais au milieu de mon entraînement quotidien, donc il a fallu du temps pour arranger mon apparence. »

Kouichiro inclina la tête en s’excusant auprès des détectives assis devant lui, le dos tourné aux épées japonaises qui ornaient le sol de la pièce.

Il s’était assis dans une posture droite propre aux arts martiaux. Même les détectives, qui étaient très ennuyés de devoir attendre pendant près de trente minutes, étaient gênés à la vue de cet homme plus âgé qui leur inclinait poliment la tête.

« Pas du tout, M. Mikoshiba… »

Le détective principal Tachibana inclina la tête maladroitement, tandis que le détective junior Kusuda se dépêchait de suivre son exemple.

« Nous devons nous excuser de vous avoir dérangé sans rendez-vous. »

Après que le vieil homme et les deux détectives aient échangé de modestes excuses, Kouichiro était entré dans le vif du sujet.

« Alors, à quoi dois-je votre visite aujourd’hui… ? Y a-t-il des avancés concernant l’endroit où se trouve mon petit-fils ? »

« Non, rien pour l’instant… Nous sommes venus vous voir aujourd’hui, car nous avons quelques questions sur ce qui s’est passé que nous souhaitons confirmer. »

Le ton direct et le regard de Kouichiro avaient donné à Tachibana un air découragé, même s’il était face à quelqu’un qui aurait dû être un civil normal.

Mais qu’est-ce que… ? Il va déjà droit au but ? Et il est terriblement calme à ce sujet, en plus… C’est ce que je pensais aussi la première fois, mais ce vieil homme est vraiment ingérable… Il y a vraiment quelque chose qui pue vraiment chez lui.

Dire qu’il est resté calme peut sembler incroyable, mais Tachibana n’avait pas vu une seule fois Kouichiro perdre son calme. Pas même une seule fois.

Bien sûr, chaque personne avait sa propre façon de traiter la colère et le chagrin, avec des degrés d’intensité différents. Le fait de laisser ces émotions remonter à la surface différait selon la personnalité de chacun.

Mais même si la façon d’exprimer ou de supprimer ces émotions diffère, les êtres humains avaient tendance à réagir à des événements particuliers avec des modèles de comportement bien définis. Par exemple si sa famille disparaissait sous ses yeux, ou bien des parents qui avaient perdu leur enfant, un enfant qui avait perdu ses parents. Au cours de sa longue carrière de détective, Tachibana avait vu de nombreuses familles frappées par un tel chagrin.

Et c’était pourquoi Tachibana regardait ce vieil homme avec beaucoup de suspicion.

Du point de vue de Tachibana, cet homme donnait une impression presque mécanique, ne donnant que les réponses les plus courtes et les plus minimales à ses questions.

« Oui, nous avons quelques questions concernant votre petit-fils… Êtes-vous sûr de ne pas avoir d’idées sur les raisons de sa disparition ? Vraiment, n’importe quelle petite chose pourrait nous aider. »

Alors que son cadet, Kusuda, lisait quelques questions dans un petit carnet, Tachibana s’était assis à côté de lui, regardant Kouichiro avec attention.

Honnêtement, Tachibana n’avait jamais eu une impression favorable de Kouichiro Mikoshiba. Les circonstances l’avaient amené à travailler pour le département d’observation et de protection des mineurs de la division de la sécurité communautaire, mais il était à l’origine un inspecteur adjoint de la quatrième division d’enquête des affaires criminelles.

Ils s’occupaient généralement de la criminalité organisée et de la violence des gangs de type yakuza et mafia étrangère, une occupation vraiment rudimentaire où l’on était confronté quotidiennement à des criminels dangereux.

Il fallait du cran, de l’endurance et de l’ingéniosité, domaines dans lesquels Tachibana excellait. Il excellait particulièrement dans sa capacité à voir à travers les gens.

Et dans le concret, la plupart des suspects que Tachibana soupçonnait d’être de véritables coupables s’étaient révélés être de véritables criminels, ce qui prouvait à quel point son intuition était juste.

Et c’était dans cette perspective qu’il considérait ce vieil homme comme un individu particulièrement suspect.

Tachibana ne le soupçonnait pas d’avoir commis un crime, ou quoi que ce soit de ce genre. En tout cas, une recherche dans la base de données de la police n’avait pas permis de trouver des traces d’un passé criminel, ni rien de suspect concernant ses proches. C’était un citoyen tout à fait ordinaire.

Le fait qu’il ne semblait pas avoir de passé professionnel enregistré était assez curieux, mais apparemment la fortune qu’il avait héritée de sa famille était assez considérable, il n’avait donc probablement pas besoin d’argent.

Si Tachibana devait en faire une image négative, cet homme était un peu comme un NEET qui se débarrasserait de ses parents.

Au moins, en ce qui concernait les documents officiels, Kouichiro Mikoshiba n’était rien d’autre qu’un membre modérément aisé de la population âgée. Mais en rencontrant l’homme face à face, l’impression que Tachibana avait de lui était complètement renversée.

Je suis moi-même entraîné au kendo, à l’aïkido, au karaté et aux arts martiaux, mais… Quand même.

Tachibana approchait de la cinquantaine, mais il avait des muscles trempés comme de l’acier. Le travail d’un policier consistait à réprimer les criminels, aucune formation ou compétence n’était superflue.

Bien sûr, abattre les criminels serait la solution la plus facile, mais c’était terriblement problématique compte tenu du type de nation qu’était le Japon. Même un coup de semonce en l’air pouvait provoquer des scandales dans la presse et auprès des organisations de défense des droits de l’homme.

Et bien sûr, la bureaucratie policière se souciait peu des difficultés des agents sur place, leur faisant porter toute la responsabilité. Le traitement des situations où l’usage de la force était remis en question n’avait jamais été traité de manière cohérente dans tous ces cas.

Il était vrai que les jugements portés sur les lieux n’étaient pas toujours corrects, mais cela ne signifiait pas non plus que ceux qui n’étaient pas sur place étaient en mesure de fournir une critique valable de ces jugements.

Bien sûr, il y avait eu des cas où l’utilisation d’armes à feu était inévitable, mais cela pouvait prendre des mois, voire des années, pour arriver à cette conclusion officiellement.

Un policier ne serait pas en mesure de travailler si la légitimité de la manière dont il avait empêché un seul crime était constamment remise en question, des mois étant gaspillés à essayer de discerner si c’était la bonne ligne de conduite.

Il ne faisait aucun doute que les armes à feu étaient excessivement puissantes pour le maintien de l’ordre public, mais les difficultés quasi inextricables que l’on pouvait rencontrer en les utilisant signifiaient qu’elles n’étaient pas utilisables, sauf dans les situations les plus graves.

C’était des armes qu’il était permis d’avoir, mais pas permis d’utiliser. On aurait pu tout aussi bien interdire l’utilisation de munitions réelles, et donner aux officiers des balles d’entraînement non mortelles, mais les pistolets paralysants étaient plus pratiques que cela.

Bien sûr, ce genre de plaintes n’avait jamais été transmis aux échelons supérieurs et, en fin de compte, les seules véritables armes dont disposaient les officiers étaient leurs propres corps entraînés, des bâtons pliants et leurs collègues. Et cela ne leur laissait pas d’autre choix que de pratiquer les arts martiaux.

Ils le faisaient non pas pour le sport, mais par nécessité, comme une arme pratique permettant de défendre leur propre vie, ainsi que la vie et les biens du citoyen lambda contre les criminels.

Ainsi, les officiers et autres professions impliquant un danger, comme les membres des forces d’autodéfense, avaient été formés jusqu’au niveau ceinture noire, puis ils avaient été entraînés au-delà même, ce qui les plaçait bien au-dessus des praticiens civils de ce rang.

Ils avaient une plus grande expérience du combat, et une différence de résolution et de disposition. Il était facile de prétendre que la violence était un mal et, d’une certaine manière, cette évaluation n’était pas fausse. Mais des gens comme Tachibana et d’autres comme lui savaient pertinemment que la justice sans pouvoir était vraiment diabolique.

Mais même en tenant compte de tout cela, Tachibana estimait que l’homme assis devant lui était une anomalie.

Cela ne voulait pas dire qu’il se sentait sur les nerfs ni que le vieil homme représentait une menace pour lui. Mais des années d’expérience avaient permis à Tachibana de comprendre quel homme était Kouichiro.

C’est vrai… J’ai déjà fait face à quelqu’un qui semblait être comme lui… Je crois que c’était à l’époque.

Il repensa à un homme qui avait travaillé comme assassin professionnel pour une organisation mafieuse de Hong Kong. Il avait d’abord été formé dans une unité des forces spéciales de l’Armée de libération du peuple et, comme beaucoup de membres de la mafia, il avait trouvé sa voie dans les rues aisées de Hong Kong après avoir connu des moments difficiles.

D’après les documents que Tachibana avait reçus à l’époque, l’homme avait effectué des tâches assez violentes au nom du maintien de la paix pendant son séjour dans l’armée, se salissant directement les mains avec du sang des dizaines de fois.

On disait que les hommes qui avaient l’habitude de tuer des gens dégageaient une aura différente, et en effet, en voyant l’homme, Tachibana remarqua que l’air qu’il dégageait était différent de celui de son entourage.

Ce vieil homme lui ressemble énormément… C’est juste une intuition, mais…

Sur la base d’informations obtenues auprès de l’Organisation internationale de police criminelle, le détective principal Tachibana de l’époque avait reçu l’ordre d’arrêter cet homme qui était entré sur le territoire japonais.

Au départ, il était douteux que cette opération puisse relever de la compétence de la quatrième division d’enquête, mais celle-ci avait reçu un appel visant à coopérer parce que la branche japonaise de l’organisation de l’homme avait pris contact avec un grand groupe de la mafia organisé.

Au début, l’enquête s’était bien déroulée. L’informateur que Tachibana avait infiltré dans le groupe criminel avait fourni des informations rapides et précises. Ils avaient la date, l’heure et le lieu où la cible allait entrer au Japon. Tachibana savait tout, de l’hôtel dans lequel la cible allait séjourner au faux nom qu’il allait utiliser.

Mais juste au moment où il était à deux doigts de l’arrêter, le jeune Tachibana s’était écarté du droit chemin avec un empressement excessif, ce qui avait donné lieu à une contre-attaque sauvage de l’assassin.

Ce fut la pire issue possible et la plus grande bévue de sa carrière : deux membres de l’opération moururent dans l’exercice de leurs fonctions et, une fois son travail terminé, l’assassin disparut de leur radar, pour ne plus jamais être revu, comme s’il avait disparu de la surface de la Terre.

Depuis, Tachibana avait évité de justesse la démission, mais ayant pris la responsabilité de l’ensemble de l’événement, il avait été retiré de la quatrième division d’enquête et du bureau du gouvernement central, pour travailler au contraire pour le département de police régional.

Il avait donc été rétrogradé à un poste au sein du département d’observation et de protection des mineurs, où il se trouvait depuis lors.

Il n’avait nullement l’intention de mépriser le travail du département de la sécurité communautaire, mais c’était certainement une punition assez sévère pour quelqu’un qui avait travaillé en première ligne et qui avait affronté des criminels professionnels.

Cela dit, Tachibana n’était pas mécontent. Il était important de défendre les citoyens contre les criminels professionnels, mais il comprenait que veiller sur les jeunes, ceux qui porteront l’avenir de la nation, était un travail tout aussi important.

D’ailleurs, de temps en temps, je suis confronté à des cas comme celui-ci…

Même du point de vue d’un vétéran comme Tachibana, cette disparition était mystérieuse.

Normalement, les affaires comme celle-ci commençaient par une demande de recherche, suivie d’une enquête officielle pour vérifier s’il y avait des preuves d’un incident, et c’était généralement là que ça se terminait.

Aussi cruel que cela puisse paraître, même la police ne pouvait pas retrouver toutes les personnes disparues. Bien entendu, les cas où il existait des preuves d’une intention criminelle ou d’une urgence, comme l’enlèvement d’un enfant ou une personne disparue qui avait laissé une lettre de suicide, étaient traités différemment. Même si, au fil du temps, il restait de moins en moins de personnes pour travailler sur l’affaire.

La plupart des personnes qui en entendaient parler accusaient la police d’un traitement froid et injuste, et pour ainsi dire, ces plaintes étaient justifiées. Mais le fait qu’il était impossible de défendre chaque citoyen avec des ressources et des effectifs limités était tout aussi vrai.

Cependant, dans cette affaire, il s’agissait effectivement d’un cas inhabituel. Après tout, l’élève disparu avait un physique inhabituellement grand et costaud. Il était mineur, mais contrairement à un élève du primaire ou du collège, il était à un âge plus autonome.

De plus, il n’était pas seulement grand, il était clairement entraîné. Tachibana avait reçu une photo de lui prise lors de son admission au lycée, et le physique imposant du jeune homme se distinguait d’un simple coup d’œil.

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Partie 2

À moins qu’il ne soit attaqué par un groupe important, il était douteux que la plupart des gens puissent faire quoi que ce soit à ce garçon, Ryoma Mikoshiba, aussi impudent que cela puisse paraître. En d’autres termes, il était peu probable qu’il soit victime d’un crime.

Dans ce cas, la possibilité qu’il disparaisse de sa propre volonté devenait plus convaincante, mais cela posait un autre problème : il n’y avait aucune raison discernable pour qu’il le fasse.

Il a laissé son sac à l’école, avec tous ses cahiers et ses manuels scolaires. Son téléphone portable aussi. La seule chose qui manquait était une boîte à lunch qu’il aurait reçue d’Asuka Kiryuu. Et cela correspond au témoignage de ses camarades de classe, selon lequel il a quitté la classe avec son déjeuner à la main… S’il s’est enfui de chez lui, le moment où il l’a fait n’est pas naturel. Et il n’y a aucun témoin, il n’est apparu sur aucune caméra de surveillance des gares ou des magasins de proximité. Il aurait pu les éviter délibérément, il aurait pu utiliser une voiture, mais…

Il y avait des caméras de surveillance aux quatre coins du monde moderne, et il était extrêmement difficile d’éviter d’être filmé, au moins dans une certaine mesure. Même s’ils n’avaient pas pu obtenir une image claire de lui, il n’était pas naturel qu’il n’apparaisse sur aucune caméra dans un rayon de plusieurs kilomètres. Et même s’il s’était enfui de chez lui, laisser son téléphone portable dans son sac était impensable à notre époque.

Quelque chose ne va pas chez ce vieil homme, mais il n’y a rien de sensé non plus dans la façon dont le gamin a disparu. D’après la photo, je peux dire qu’il n’est pas seulement grand. D’après la largeur de sa poitrine et de son cou, il a manifestement suivi un entraînement considérable, bien au-delà de la portée d’un passe-temps.

Asuka Kiryuu était debout à côté de lui sur la photo, et son corps correspondait à sa taille et à ses cuisses en tailleur.

Il avait également inspecté la photo à la loupe et avait constaté que ses poings avaient des callosités considérables, du genre de celles que l’on obtenait en s’entraînant quotidiennement et pendant une longue période avec un poteau de paille de karaté.

Mais il n’y a aucune trace de la participation officielle de Ryoma Mikoshiba à un art martial ou à une forme de sport… Tout comme ce vieil homme… On dirait que cela a été délibérément caché, mais pourquoi ?

Plus il essayait de le comprendre, plus Tachibana sentait qu’il y avait quelque chose qui clochait avec Ryoma Mikoshiba. Ou plutôt, il y avait quelque chose de pas naturel dans la famille Mikoshiba…

Il y a aussi le problème de ses parents…

L’interrogatoire s’était terminé à peu près comme prévu, et Kusuda tourna son regard vers Tachibana.

« Y a-t-il autre chose, M. Tachibana ? »

À première vue, rien ne semblait changer dans l’expression de Kusuda, mais Tachibana remarqua un léger changement sur son visage.

Il n’est pas incompétent, mais il veut vraiment clore ce dossier dans les règles… Je suppose que c’est logique, vu son jeune âge…

Kusuda n’était pas enthousiaste à l’idée de travailler sur cette affaire, il n’y avait participé que parce que Tachibana, le senior responsable de sa formation, y avait été affecté. Il était franchement apathique dans son enquête, et Tachibana pouvait vaguement dire qu’il voulait en finir le plus vite possible.

Je peux comprendre qu’il ne veuille pas perdre plus de temps sur une affaire qui ne semble pas porter ses fruits…

Basiquement, il y avait deux façons de gravir les échelons en tant qu’officier de police. La première consistait à se présenter à un examen qui vous permettrait de monter en grade. C’était la méthode la plus prudente, la plus sûre et la plus fatigante pour être promu.

L’autre consistait à gagner suffisamment de mérite et de réalisations pour être promu à l’une des affectations souhaitées. Ceux qui prenaient ce chemin restaient dans sa division, tandis que son poste passait du commissariat local au bureau de la juridiction. C’était l’équivalent d’un homme d’affaires passant d’une succursale au siège social d’une entreprise.

Pour tout ce qui concernait le jeune Kusuda, il voulait quitter ce poste et son travail ennuyeux et peu attrayant, et passer au département des enquêtes criminelles, plus tape-à-l’œil et plus attrayant. Tachibana savait qu’à cette fin, il cherchait désespérément une chance de gagner des mérites.

Tachibana n’avait pas l’intention de justifier cette façon de penser, mais vue d’où il venait, il ne pouvait pas non plus lui en vouloir.

Bien sûr, compte tenu de son rôle d’officier de police, cela lui avait semblé faux. Au moins en ce qui concernait les apparences, aucun travail n’était plus ou moins important qu’un autre dans le domaine de la police, il ne suffisait pas que d’attraper les criminels. Retrouver des objets perdus, aider les gens à trouver leur chemin dans les rues et même garder l’entrée du poste de police était des éléments importants du maintien de l’ordre public.

Mais il s’agissait de tâches simples et ennuyeuses qui n’étaient pas appréciées par les citoyens.

Et vu le chef de section que l’on a…

Les lèvres de Tachibana se recourbèrent alors que le visage de leur chef, qui les poussait toujours à obtenir des résultats et à augmenter les chiffres, fit surface dans son esprit. Il n’avait pas une très bonne opinion de lui. Non. Franchement, il le considérait comme la vermine de la terre. Mais là encore, s’il mettait une telle pression sur ses subordonnées, c’était parce qu’il subissait la même pression de la part de ses propres supérieurs.

La société mettait l’accent sur les résultats et l’efficacité, et cela ne se limitait pas au seul travail de la police. Le Japon moderne fonctionnait entièrement sur une logique chiffrée, et une fois que la plupart des gens avaient vu au-delà des faux-semblants et des apparences, ils agissaient comme Kusuda le faisait. En d’autres termes, la société avait une façon d’écraser ceux qui ne se conformaient pas à cette ligne de pensée.

« Non, je n’ai rien à demander. »

Sentant le regard perçant de Kusuda, Tachibana hocha la tête, étouffant le sentiment de tristesse qui germait dans son cœur.

Ils avaient presque atteint leur but. Tachibana était convaincu que son intuition était la bonne.

Ce vieil homme est la clé de cette affaire. Il ne fait aucun doute qu’il sait quelque chose… La seule question est de savoir comment je devrais aborder cette affaire à l’avenir. Je devrais probablement rassembler plus d’informations.

Il ne pouvait rien faire de plus pour l’instant. Même s’il inondait le vieil homme de questions, il doutait qu’il obtienne une réponse convaincante de sa part.

« Je vois… Alors je suppose que nous allons partir. Après tout, il se fait tard. »

Kusuda fit un sourire, soulagé qu’ils puissent enfin rentrer chez eux.

« Oh, voulez-vous que je prépare le dîner ? », demanda Asuka.

« Non, nous apprécions l’offre, mais nous sommes en service en ce moment », déclina Tachibana avec gratitude tout se levant.

« Je vois… Je suis désolé que nous n’ayons pas eu grand-chose à vous offrir. S’il y a quoi que ce soit d’autre, venez nous voir quand vous voulez… Asuka, si tu veux bien… », dit Kouichiro.

« Je vous raccompagne jusqu’à la porte. »

Asuka avait légèrement hoché la tête.

Cela dit, elle suivit Tachibana et Kusuda hors du salon, tandis que Kouichiro les regardait partir.

« Ce détective, Tachibana… »

Kouichiro avait pris son bol de thé préféré, prenant une gorgée de son thé maintenant tiède et laissant le goût s’attarder sur sa langue.

« Hmm. Il a peut-être remarqué quelque chose, mais ça ne doit pas représenter grand-chose. »

Pour Kouichiro, qui connaissait toute la vérité, rien n’était plus irritant que d’avoir un détective comme Tachibana, tout simplement trop fidèle à ses devoirs, qui fouinait partout. Cela dit, Kouichiro ne pouvait pas offrir à Tachibana une réponse qu’il accepterait.

Une invocation depuis l’Autre Monde.

À eux seuls, les mots ne semblaient pas si étranges. De nombreuses œuvres de fiction japonaises en faisaient usage. Mais dire ces mots dans la réalité était une tout autre histoire. Si Kouichiro avait été à la place de Tachibana, il n’aurait pris ces mots que comme les divagations d’un fou.

Pourtant, il n’y a qu’une chose que je puisse faire…

Kouichiro portait cette culpabilité depuis qu’il était revenu de l’autre monde. Le simple fait de se demander pourquoi les compagnons qui auraient dû le suivre n’étaient pas avec lui le rendait fou.

En suivant un chemin pavé de nombreux sacrifices, Kouichiro avait retrouvé le chemin du retour au Japon, et au moment où tout semblait pouvoir enfin être oublié, c’était arrivé.

Un trou s’était ouvert à ses pieds, entraînant son fils et la femme de son fils dans sa sombre étreinte. Ils avaient tous deux entendu parler de son histoire, et bien qu’ils n’y croyaient qu’à moitié, ils savaient maintenant ce que la situation signifiait. Leurs derniers cris, l’implorant de prendre soin de leur fils, résonnaient encore aujourd’hui dans ses oreilles.

La culpabilité de ne pas être retournés sur l’autre Terre avec eux, et de les avoir laissés derrière, coula au fond du cœur de Kouichiro comme une sorte de boue. Mais il continua à vivre jusqu’à ce jour pour tenir la promesse finale qu’il leur avait faite et prendre soin de leur fils.

Mais aujourd’hui, même son petit-fils bien-aimé était devenu une victime de son karma.

Je récolte ce que j’ai semé. On dit que bien que tout doit finir par se payer, et ces mots ne sont que trop vrais.

Kouichiro pensait que tout cela s’était terminé par le sacrifice de son fils et de la femme de son fils. Qu’il avait expié ses péchés ! Mais les chaînes du destin avaient rejeté ses sentiments, revendiquant également Ryoma.

Il n’y avait pas de preuve, mais Kouichiro était convaincu que Ryoma avait été convoqué dans l’autre monde.

J’aurais peut-être dû le dire à Ryoma, même s’il ne m’avait pas cru…

Le regret et le remords formèrent des vagues dans le cœur de Kouichiro. Il regarda dans le bol de thé vide qu’il tenait dans ses mains.

Mais ses émotions s’étaient vite dissipées au son des cris d’Asuka.

« Asuka ! »

À ce moment, Kouichiro se leva, surpris, et entendit un léger bourdonnement provenant de la poignée d’une épée. Le regard de Kouichiro se posa sur ses katanas bien-aimés, qui se trouvaient dans une alcôve.

Comment... Ouka et Kikuka bourdonnent… ?

Ces épées bien-aimées lui avaient sauvé la vie d’innombrables fois dans l’autre monde. Même en retournant sur la Terre, Kouichiro n’avait jamais négligé de les entretenir chaque jour. C’était de véritables lames, des outils d’homicide.

Et maintenant, de nombreuses lunes et des années plus tard, elles parlèrent et chantèrent à Kouichiro une fois de plus.

Est-ce qu’elles me disent de les prendre… ?

C’était, en quelque sorte, une décision de mauvais augure. Prenant les deux épées de l’alcôve, Kouichiro se précipita vers l’entrée.

Impossible… Non, ce n’est pas possible !

Maudissant la taille de sa propre maison, Kouichiro se précipita vers l’entrée.

« Non… Ce n’est pas possible… Pas aussi elle… Tu ne peux pas aussi emmener Asuka. Est-ce la punition que vous me feriez subir ? »

Il avait déjà payé une fois avec son fils et la femme de son fils. Il ne s’attendait pas à devoir supporter un autre sacrifice, mais cette malédiction avait ensuite frappé son petit-fils. Et maintenant, la tragédie allait frapper une troisième fois.

Kouichiro arriva dans le hall d’entrée en prenant deux virages, mais il fut accueilli avec la pire des visions possibles.

Il n’y avait personne. Ni les deux inspecteurs ni Asuka. À leur place, un trou noir béant était ouvert dans le sol. Une ouverture sans fond vers les profondeurs de l’enfer. Et Kouichiro savait très bien ce que cela impliquait s’il plongeait dedans.

Mais je ne peux pas abandonner Asuka. Si je ne la poursuis pas, elle va certainement…

Contrairement au petit-fils qu’il avait élevé et entraîné personnellement, Asuka n’avait pas été aussi bien formée. De corps et de cœur, elle n’était qu’une fille amateur de l’ère moderne. C’était plus que suffisant pour vivre au Japon, et le fait qu’elle devienne trop forte pourrait en fait lui rendre la vie plus difficile à l’avenir, cette pensée avait empêché Kouichiro de la former davantage. Et même aujourd’hui, il ne pensait pas avoir eu tort de prendre cette décision.

Mais dans un monde où la loi avait une présence moins contraignante et où les droits de l’homme étaient un concept douteux, les choses étaient différentes. La non-agression ou l’autodéfense rendaient une personne incapable de se défendre, sans parler des autres.

Pour survivre dans ce monde, il fallait être capable de tuer impitoyablement son adversaire, et il fallait avoir les compétences en gestion de crise pour savoir comment faire face aux menaces à l’avance.

Bien entendu, si l’on parvenait à trouver un moyen de survivre, on en viendrait à développer ces compétences dans ce monde, qu’on le veuille ou non. Mais avant d’atteindre cet état, Asuka devrait vivre l’enfer.

Oui, tout comme Kouichiro l’avait fait une fois, dans sa jeunesse…

Il y a beaucoup de choses que j’aimerais emporter avec moi si je le pouvais, mais… Je n’ai pas le temps d’y réfléchir. Je vais devoir me contenter de ces deux-là…

Le trou dans le sol se refermait progressivement. Il ne lui restait que quelques instants. En quelques secondes, les deux mondes seraient à nouveau séparés.

Kouichiro resserra son emprise sur les deux épées qu’il chérissait tant. À ce stade, il n’y avait aucun moyen de savoir quel pays les avait invoquées, mais il ne faisait aucun doute qu’il allait devoir se battre.

Pardonnez-moi… Finalement, même Asuka s’est retrouvée impliquée dans tout cela, même si je craignais que cela n’arrive… Mais je vais la protéger. Je le jure. Je la garderai en sécurité, même si cela doit me coûter la vie. Alors, s’il vous plaît… Pardonnez à votre frère pécheur.

Kouichiro s’avança pour exprimer sa gratitude à sa jeune sœur, qui l’avait toujours soutenu, lui et Ryoma.

« Attends-moi, Asuka ! »

L’épée à la main, Kouichiro s’envola à nouveau dans ce monde barbare, afin de ne plus perdre de membres de sa famille.

Avalant Kouichiro, le trou fermait lentement sa gueule, laissant dans son sillage un domaine privé de son maître. Le seul témoin de ce qui se passait entre ces murs était la lune pâle, qui dominait tout depuis une fissure dans les nuages gris.

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