Wortenia Senki – Tome 4 – Chapitre 1 – Partie 2

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Chapitre 1 : Péché originel

Partie 2

À moins qu’il ne soit attaqué par un groupe important, il était douteux que la plupart des gens puissent faire quoi que ce soit à ce garçon, Ryoma Mikoshiba, aussi impudent que cela puisse paraître. En d’autres termes, il était peu probable qu’il soit victime d’un crime.

Dans ce cas, la possibilité qu’il disparaisse de sa propre volonté devenait plus convaincante, mais cela posait un autre problème : il n’y avait aucune raison discernable pour qu’il le fasse.

Il a laissé son sac à l’école, avec tous ses cahiers et ses manuels scolaires. Son téléphone portable aussi. La seule chose qui manquait était une boîte à lunch qu’il aurait reçue d’Asuka Kiryuu. Et cela correspond au témoignage de ses camarades de classe, selon lequel il a quitté la classe avec son déjeuner à la main… S’il s’est enfui de chez lui, le moment où il l’a fait n’est pas naturel. Et il n’y a aucun témoin, il n’est apparu sur aucune caméra de surveillance des gares ou des magasins de proximité. Il aurait pu les éviter délibérément, il aurait pu utiliser une voiture, mais…

Il y avait des caméras de surveillance aux quatre coins du monde moderne, et il était extrêmement difficile d’éviter d’être filmé, au moins dans une certaine mesure. Même s’ils n’avaient pas pu obtenir une image claire de lui, il n’était pas naturel qu’il n’apparaisse sur aucune caméra dans un rayon de plusieurs kilomètres. Et même s’il s’était enfui de chez lui, laisser son téléphone portable dans son sac était impensable à notre époque.

Quelque chose ne va pas chez ce vieil homme, mais il n’y a rien de sensé non plus dans la façon dont le gamin a disparu. D’après la photo, je peux dire qu’il n’est pas seulement grand. D’après la largeur de sa poitrine et de son cou, il a manifestement suivi un entraînement considérable, bien au-delà de la portée d’un passe-temps.

Asuka Kiryuu était debout à côté de lui sur la photo, et son corps correspondait à sa taille et à ses cuisses en tailleur.

Il avait également inspecté la photo à la loupe et avait constaté que ses poings avaient des callosités considérables, du genre de celles que l’on obtenait en s’entraînant quotidiennement et pendant une longue période avec un poteau de paille de karaté.

Mais il n’y a aucune trace de la participation officielle de Ryoma Mikoshiba à un art martial ou à une forme de sport… Tout comme ce vieil homme… On dirait que cela a été délibérément caché, mais pourquoi ?

Plus il essayait de le comprendre, plus Tachibana sentait qu’il y avait quelque chose qui clochait avec Ryoma Mikoshiba. Ou plutôt, il y avait quelque chose de pas naturel dans la famille Mikoshiba…

Il y a aussi le problème de ses parents…

L’interrogatoire s’était terminé à peu près comme prévu, et Kusuda tourna son regard vers Tachibana.

« Y a-t-il autre chose, M. Tachibana ? »

À première vue, rien ne semblait changer dans l’expression de Kusuda, mais Tachibana remarqua un léger changement sur son visage.

Il n’est pas incompétent, mais il veut vraiment clore ce dossier dans les règles… Je suppose que c’est logique, vu son jeune âge…

Kusuda n’était pas enthousiaste à l’idée de travailler sur cette affaire, il n’y avait participé que parce que Tachibana, le senior responsable de sa formation, y avait été affecté. Il était franchement apathique dans son enquête, et Tachibana pouvait vaguement dire qu’il voulait en finir le plus vite possible.

Je peux comprendre qu’il ne veuille pas perdre plus de temps sur une affaire qui ne semble pas porter ses fruits…

Basiquement, il y avait deux façons de gravir les échelons en tant qu’officier de police. La première consistait à se présenter à un examen qui vous permettrait de monter en grade. C’était la méthode la plus prudente, la plus sûre et la plus fatigante pour être promu.

L’autre consistait à gagner suffisamment de mérite et de réalisations pour être promu à l’une des affectations souhaitées. Ceux qui prenaient ce chemin restaient dans sa division, tandis que son poste passait du commissariat local au bureau de la juridiction. C’était l’équivalent d’un homme d’affaires passant d’une succursale au siège social d’une entreprise.

Pour tout ce qui concernait le jeune Kusuda, il voulait quitter ce poste et son travail ennuyeux et peu attrayant, et passer au département des enquêtes criminelles, plus tape-à-l’œil et plus attrayant. Tachibana savait qu’à cette fin, il cherchait désespérément une chance de gagner des mérites.

Tachibana n’avait pas l’intention de justifier cette façon de penser, mais vue d’où il venait, il ne pouvait pas non plus lui en vouloir.

Bien sûr, compte tenu de son rôle d’officier de police, cela lui avait semblé faux. Au moins en ce qui concernait les apparences, aucun travail n’était plus ou moins important qu’un autre dans le domaine de la police, il ne suffisait pas que d’attraper les criminels. Retrouver des objets perdus, aider les gens à trouver leur chemin dans les rues et même garder l’entrée du poste de police était des éléments importants du maintien de l’ordre public.

Mais il s’agissait de tâches simples et ennuyeuses qui n’étaient pas appréciées par les citoyens.

Et vu le chef de section que l’on a…

Les lèvres de Tachibana se recourbèrent alors que le visage de leur chef, qui les poussait toujours à obtenir des résultats et à augmenter les chiffres, fit surface dans son esprit. Il n’avait pas une très bonne opinion de lui. Non. Franchement, il le considérait comme la vermine de la terre. Mais là encore, s’il mettait une telle pression sur ses subordonnées, c’était parce qu’il subissait la même pression de la part de ses propres supérieurs.

La société mettait l’accent sur les résultats et l’efficacité, et cela ne se limitait pas au seul travail de la police. Le Japon moderne fonctionnait entièrement sur une logique chiffrée, et une fois que la plupart des gens avaient vu au-delà des faux-semblants et des apparences, ils agissaient comme Kusuda le faisait. En d’autres termes, la société avait une façon d’écraser ceux qui ne se conformaient pas à cette ligne de pensée.

« Non, je n’ai rien à demander. »

Sentant le regard perçant de Kusuda, Tachibana hocha la tête, étouffant le sentiment de tristesse qui germait dans son cœur.

Ils avaient presque atteint leur but. Tachibana était convaincu que son intuition était la bonne.

Ce vieil homme est la clé de cette affaire. Il ne fait aucun doute qu’il sait quelque chose… La seule question est de savoir comment je devrais aborder cette affaire à l’avenir. Je devrais probablement rassembler plus d’informations.

Il ne pouvait rien faire de plus pour l’instant. Même s’il inondait le vieil homme de questions, il doutait qu’il obtienne une réponse convaincante de sa part.

« Je vois… Alors je suppose que nous allons partir. Après tout, il se fait tard. »

Kusuda fit un sourire, soulagé qu’ils puissent enfin rentrer chez eux.

« Oh, voulez-vous que je prépare le dîner ? », demanda Asuka.

« Non, nous apprécions l’offre, mais nous sommes en service en ce moment », déclina Tachibana avec gratitude tout se levant.

« Je vois… Je suis désolé que nous n’ayons pas eu grand-chose à vous offrir. S’il y a quoi que ce soit d’autre, venez nous voir quand vous voulez… Asuka, si tu veux bien… », dit Kouichiro.

« Je vous raccompagne jusqu’à la porte. »

Asuka avait légèrement hoché la tête.

Cela dit, elle suivit Tachibana et Kusuda hors du salon, tandis que Kouichiro les regardait partir.

« Ce détective, Tachibana… »

Kouichiro avait pris son bol de thé préféré, prenant une gorgée de son thé maintenant tiède et laissant le goût s’attarder sur sa langue.

« Hmm. Il a peut-être remarqué quelque chose, mais ça ne doit pas représenter grand-chose. »

Pour Kouichiro, qui connaissait toute la vérité, rien n’était plus irritant que d’avoir un détective comme Tachibana, tout simplement trop fidèle à ses devoirs, qui fouinait partout. Cela dit, Kouichiro ne pouvait pas offrir à Tachibana une réponse qu’il accepterait.

Une invocation depuis l’Autre Monde.

À eux seuls, les mots ne semblaient pas si étranges. De nombreuses œuvres de fiction japonaises en faisaient usage. Mais dire ces mots dans la réalité était une tout autre histoire. Si Kouichiro avait été à la place de Tachibana, il n’aurait pris ces mots que comme les divagations d’un fou.

Pourtant, il n’y a qu’une chose que je puisse faire…

Kouichiro portait cette culpabilité depuis qu’il était revenu de l’autre monde. Le simple fait de se demander pourquoi les compagnons qui auraient dû le suivre n’étaient pas avec lui le rendait fou.

En suivant un chemin pavé de nombreux sacrifices, Kouichiro avait retrouvé le chemin du retour au Japon, et au moment où tout semblait pouvoir enfin être oublié, c’était arrivé.

Un trou s’était ouvert à ses pieds, entraînant son fils et la femme de son fils dans sa sombre étreinte. Ils avaient tous deux entendu parler de son histoire, et bien qu’ils n’y croyaient qu’à moitié, ils savaient maintenant ce que la situation signifiait. Leurs derniers cris, l’implorant de prendre soin de leur fils, résonnaient encore aujourd’hui dans ses oreilles.

La culpabilité de ne pas être retournés sur l’autre Terre avec eux, et de les avoir laissés derrière, coula au fond du cœur de Kouichiro comme une sorte de boue. Mais il continua à vivre jusqu’à ce jour pour tenir la promesse finale qu’il leur avait faite et prendre soin de leur fils.

Mais aujourd’hui, même son petit-fils bien-aimé était devenu une victime de son karma.

Je récolte ce que j’ai semé. On dit que bien que tout doit finir par se payer, et ces mots ne sont que trop vrais.

Kouichiro pensait que tout cela s’était terminé par le sacrifice de son fils et de la femme de son fils. Qu’il avait expié ses péchés ! Mais les chaînes du destin avaient rejeté ses sentiments, revendiquant également Ryoma.

Il n’y avait pas de preuve, mais Kouichiro était convaincu que Ryoma avait été convoqué dans l’autre monde.

J’aurais peut-être dû le dire à Ryoma, même s’il ne m’avait pas cru…

Le regret et le remords formèrent des vagues dans le cœur de Kouichiro. Il regarda dans le bol de thé vide qu’il tenait dans ses mains.

Mais ses émotions s’étaient vite dissipées au son des cris d’Asuka.

« Asuka ! »

À ce moment, Kouichiro se leva, surpris, et entendit un léger bourdonnement provenant de la poignée d’une épée. Le regard de Kouichiro se posa sur ses katanas bien-aimés, qui se trouvaient dans une alcôve.

Comment... Ouka et Kikuka bourdonnent… ?

Ces épées bien-aimées lui avaient sauvé la vie d’innombrables fois dans l’autre monde. Même en retournant sur la Terre, Kouichiro n’avait jamais négligé de les entretenir chaque jour. C’était de véritables lames, des outils d’homicide.

Et maintenant, de nombreuses lunes et des années plus tard, elles parlèrent et chantèrent à Kouichiro une fois de plus.

Est-ce qu’elles me disent de les prendre… ?

C’était, en quelque sorte, une décision de mauvais augure. Prenant les deux épées de l’alcôve, Kouichiro se précipita vers l’entrée.

Impossible… Non, ce n’est pas possible !

Maudissant la taille de sa propre maison, Kouichiro se précipita vers l’entrée.

« Non… Ce n’est pas possible… Pas aussi elle… Tu ne peux pas aussi emmener Asuka. Est-ce la punition que vous me feriez subir ? »

Il avait déjà payé une fois avec son fils et la femme de son fils. Il ne s’attendait pas à devoir supporter un autre sacrifice, mais cette malédiction avait ensuite frappé son petit-fils. Et maintenant, la tragédie allait frapper une troisième fois.

Kouichiro arriva dans le hall d’entrée en prenant deux virages, mais il fut accueilli avec la pire des visions possibles.

Il n’y avait personne. Ni les deux inspecteurs ni Asuka. À leur place, un trou noir béant était ouvert dans le sol. Une ouverture sans fond vers les profondeurs de l’enfer. Et Kouichiro savait très bien ce que cela impliquait s’il plongeait dedans.

Mais je ne peux pas abandonner Asuka. Si je ne la poursuis pas, elle va certainement…

Contrairement au petit-fils qu’il avait élevé et entraîné personnellement, Asuka n’avait pas été aussi bien formée. De corps et de cœur, elle n’était qu’une fille amateur de l’ère moderne. C’était plus que suffisant pour vivre au Japon, et le fait qu’elle devienne trop forte pourrait en fait lui rendre la vie plus difficile à l’avenir, cette pensée avait empêché Kouichiro de la former davantage. Et même aujourd’hui, il ne pensait pas avoir eu tort de prendre cette décision.

Mais dans un monde où la loi avait une présence moins contraignante et où les droits de l’homme étaient un concept douteux, les choses étaient différentes. La non-agression ou l’autodéfense rendaient une personne incapable de se défendre, sans parler des autres.

Pour survivre dans ce monde, il fallait être capable de tuer impitoyablement son adversaire, et il fallait avoir les compétences en gestion de crise pour savoir comment faire face aux menaces à l’avance.

Bien entendu, si l’on parvenait à trouver un moyen de survivre, on en viendrait à développer ces compétences dans ce monde, qu’on le veuille ou non. Mais avant d’atteindre cet état, Asuka devrait vivre l’enfer.

Oui, tout comme Kouichiro l’avait fait une fois, dans sa jeunesse…

Il y a beaucoup de choses que j’aimerais emporter avec moi si je le pouvais, mais… Je n’ai pas le temps d’y réfléchir. Je vais devoir me contenter de ces deux-là…

Le trou dans le sol se refermait progressivement. Il ne lui restait que quelques instants. En quelques secondes, les deux mondes seraient à nouveau séparés.

Kouichiro resserra son emprise sur les deux épées qu’il chérissait tant. À ce stade, il n’y avait aucun moyen de savoir quel pays les avait invoquées, mais il ne faisait aucun doute qu’il allait devoir se battre.

Pardonnez-moi… Finalement, même Asuka s’est retrouvée impliquée dans tout cela, même si je craignais que cela n’arrive… Mais je vais la protéger. Je le jure. Je la garderai en sécurité, même si cela doit me coûter la vie. Alors, s’il vous plaît… Pardonnez à votre frère pécheur.

Kouichiro s’avança pour exprimer sa gratitude à sa jeune sœur, qui l’avait toujours soutenu, lui et Ryoma.

« Attends-moi, Asuka ! »

L’épée à la main, Kouichiro s’envola à nouveau dans ce monde barbare, afin de ne plus perdre de membres de sa famille.

Avalant Kouichiro, le trou fermait lentement sa gueule, laissant dans son sillage un domaine privé de son maître. Le seul témoin de ce qui se passait entre ces murs était la lune pâle, qui dominait tout depuis une fissure dans les nuages gris.

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Un commentaire :

  1. Wilfried Le Baron

    Ok, ça annonce du lourd

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