Chapitre 2 : Évasion
Partie 2
Ryoma quitta la capitale en portant son armure, afin de donner l’impression qu’il s’était échappé de la ville. Normalement, personne n’aurait pas pris la peine de revenir, il aurait sans doute choisi de courir le plus loin qu’ils pouvaient. Ryoma, cependant, n’avait pas fait ce choix. S’enfuir sans carte et sans équipement adéquat ne servirait à rien et ne le mènerait nulle part. S’il n’arrivait pas à recueillir des renseignements sur l’endroit où il devrait aller, la distance qu’il devrait parcourir et la façon dont il devrait s’y rendre, quitter la ville dès maintenant serait du suicide.
En plus, Ryoma ne savait pas monter à cheval.
Étant donné que la plupart des gens du monde moderne ne possédaient pas de chevaux, Ryoma n’avait aucune expérience en matière d’équitation. Il avait vu des calèches dans la ville, alors il s’était dit que ses poursuivants pourraient utiliser des chevaux pour le poursuivre. Et vu qu’il était à pied et qu’ils étaient à cheval, ils le rattraperaient inévitablement.
C’est pourquoi Ryoma avait quitté la capitale en portant son armure. Les hommes de l’empire ne connaissaient pas le visage de Ryoma, et leur seul indice était qu’il était en armure, alors s’ils entendaient qu’un soldat en armure quittait la ville, ils n’auraient d’autre choix que de le poursuivre.
Mais comme il avait lu leurs actions jusqu’à présent, il était facile de trouver une contre-mesure. Il craignait que les préparatifs de l’ennemi n’aient pris fin plus vite que prévu, mais les cieux étaient de son côté. Il avait trouvé un buisson d’arbres près des portes, où il ne serait pas vu, puis il enleva son armure et son casque, et revêtit les vêtements nouvellement achetés. Il enterra son armure dans le sol, et passa ses poursuivants justes au moment où il revint vers la ville.
Bien… Quel est mon prochain coup ?
Il avait commencé à réfléchir à son plan d’évasion.
« Voilà, merci d’avoir attendu ! »
Une voix joyeuse avait sorti Ryoma de son océan de pensées.
Sur sa table se trouvait un déjeuner assez copieux, composé d’une sorte de viande frite servie avec du vinaigre doux comme plat principal, du poisson blanc frit, une salade et du pain comme plat d’accompagnement. Ça sentait très bon. Mis à part la question de savoir ce qu’était cette viande, le niveau de la nourriture dans ce monde ne semblait pas trop mauvais.
Son appétit provoqué, la bouche de Ryoma déborda de salive. Il arracha rapidement une partie du pain et se remplit les joues de la viande frite en se rappelant les visages de ses poursuivants. Tout comme Ryoma était rentré par la porte et avait commencé à chercher un endroit pour manger, ils venaient de la direction du château. Quatre hommes et femmes dirigeaient le groupe, deux d’entre eux étaient des visages qu’il connaissait déjà.
Rolfe et Celia, si je me souviens bien…
Rolfe avait l’apparence d’un vétéran chevronné, et Celia était une magicienne à l’intelligence froide. C’était eux qui ont fait irruption dans la pièce où il avait été convoqué.
Et puis il y a un jeune homme et une jeune femme que je ne connais pas…
D’abord, il y avait le jeune homme qui semblait un peu faible. Ryoma ne connaissait pas son nom. Ryoma pensait qu’il était délicat au début, jusqu’à ce qu’il remarque le regard attentif et aiguisé avec lequel il scrutait les environs. Cette apparence timide n’était probablement qu’un jeu d’acteur.
Je suppose que chacun d’entre eux est un bâtard rusé. Mais cette femme est vraiment dangereuse…
Ils étaient tous talentueux, et bien que Ryoma ne méprisait aucun d’entre eux, il n’avait pas peur d’eux non plus. Mais cette femme était la seule d’entre elles que Ryoma jugeait à juste titre dangereuse.
Cette femme aux cheveux dorés et aux yeux bleus. Dès que Ryoma la vit, une secousse parcourue le long de sa colonne vertébrale. La forme de ses muscles, sa posture, son regard. Ryoma avait des années d’expérience dans les arts martiaux, ce qui lui permettait de discerner avec précision le niveau d’habileté d’un autre dans les gestes les plus simples.
Mais ce qui était encore plus effrayant que sa compétence et sa force, c’était l’aura qu’elle émettait. En termes d’échecs, elle était une reine, une pièce au potentiel irremplaçable pour décider d’un match. Aussi forts que les autres tours puissent être, ils ne pouvaient pas se comparer à cette différence de capacité.
Et en plus, ses yeux… C’est plus que des yeux de guerrier. Ils sont…
Ses yeux débordaient d’intelligence et de calme. L’aura qu’elle dégageait était semblable à celle de Celia, mais avec une différence décisive, la confiance fondée sur l’expérience. Son âge n’était pas très différent de celui de Celia, mais il n’y avait aucun doute qu’elle était une commandante mature.
Son regard était celui d’une personne qui avait survécu à d’innombrables champs de bataille, et dans un sens différent de celui de Rolfe. Ses yeux montraient comment elle avait conquis ces champs de bataille à un niveau plus profond. Elle avait non seulement l’importance de la reine, mais aussi la force d’une tour.
Aux yeux de Ryoma, elle était le plus grand cauchemar qu’il pouvait rencontrer.
Merde, il va falloir que je passe à côté de cette femme. Pensa Ryoma en mâchant le poisson blanc frit. Sortir de ce pays est devenu encore plus difficile…
C’était la première fois que Ryoma rencontrait Shardina, la femme qui se battrait contre lui pour la souveraineté du continent occidental.
« Vas-y, bois ! »
Le propriétaire du Sea Rumble Parlour, une femme amicale, plaça deux pichets en verre devant lui avec une voix enjouée. Le liquide pétillant, de couleur ambrée déborda, souillant la table.
« Je n’ai pas commandé ça… ? »
Ryoma regarda la propriétaire avec surprise.
« Pas de soucis, c’est la maison qui offre. Vas-y, bois ! »
La femme tira la chaise en face de Ryoma, s’assit et attrapa l’un des verres. Évidemment, elle en avait sorti deux avec l’intention d’en avoir un pour elle.
« Je ne t’ai jamais vu avant. Es-tu un voyageur ? », demanda la propriétaire avec désinvolture, alors que son visage rond s’illuminait d’un sourire amical.
« Tu n’as vraiment rien de mieux à faire en ce moment, n’est-ce pas ? », demanda Ryoma à la femme, alors qu’elle se jetait sur le siège à côté de lui.
Ses paroles étaient empreintes de prudence. Il ne soupçonnait pas cette propriétaire amicale, mais la situation ne lui permettait pas de se détendre. Être trop prudent susciterait probablement des soupçons, mais il ne pouvait pas se permettre de baisser sa garde. Pourtant, même après avoir observé la prudence de Ryoma, l’expression de la dame n’avait pas changé.
« Regarde autour de toi, chéri. Tu es le seul client ici. »
Ryoma regarda autour d’elle comme elle l’avait demandé, et constata que tous les autres clients étaient partis depuis un certain temps.
« C’est l’heure de ma fermeture. D’habitude, je ferme le restaurant à 15 h et je fais une pause, mais tu es arrivé un peu avant 15 h, alors j’ai laissé le magasin ouvert un peu plus longtemps. »
C’est ce qu’avait dit la propriétaire, buvant dans la tasse qu’elle tenait à la main de manière vivante.
« Ouf, le service a été rude. Rien de tel qu’une pinte après le travail, hein ? »
En essuyant agréablement la mousse de ses lèvres avec sa manche, elle fit un geste de la tête vers l’arrière.
« Les gars dans la cuisine ont déjà pris leur pause en avance, alors il ne me reste plus qu’à nettoyer le magasin. Je n’ai rien d’autre à faire que d’attendre que tu aies fini. Mais tu peux envisager de discuter avec cette vieille dame comme payement pour le verre, si tu veux. »
Cela dit, la vieille dame poussa le verre intact en direction de Ryoma.
« Je vois. Désolé de te déranger. Je vais te prendre au mot. »
Ryoma baissa la tête vers la dame et attrapa la tasse.
Le magasin étant ouvert, Ryoma n’était donc pas responsable de son arrivée à ce moment précis. Et pourtant, agir comme si c’était évident serait hautain et inconsidéré. Ryoma avait donc décidé de faire preuve de cette considération de base. Ryoma savait qu’un mot gentil suffisait pour aplanir la conversation.
« Non, ne me laisse pas te déranger. »
L’attitude de Ryoma avait fait grandir le sourire de la dame.
« Alors, es-tu un voyageur ? »
Je suppose que je peux la satisfaire. Je dois essayer d’obtenir des informations.
Le ton de la dame était convivial et chaleureux, c’était une véritable marchande, et il était clair qu’elle aimait parler. Quoi qu’il en soit, Ryoma avait besoin d’informations plus que tout autre chose en ce moment.
« Oui, c’est vrai. C’est la première fois que je viens ici… »
« Oh, vraiment ? C’est la première fois que tu viens dans la capitale et à O’ltormea. Je ne sais pas d’où tu viens, mais voyager seul doit être dur, non ? »
« Non. Je voyageais avec mon père, mais… L’autre jour, il est décédé d’une maladie soudaine… », dit Ryoma tout en penchant la tête.
La dame a dû penser qu’elle avait touché quelque chose qu’elle n’aurait pas dû, elle ajouta rapidement.
« Aaah, mince, je n’aurais pas dû demander ça… »
« Ce n’est pas grave. C’était si soudain que je n’aurais rien pu faire. »
Ryoma leva la tête et fit un sourire faible et amer.
« Je vois… Une maladie soudaine… Que vas-tu faire ensuite ? Retourneras-tu dans ton pays ? »
« Je pensais m’installer ici, dans la capitale. J’errais toujours d’un endroit à l’autre avec mon père dans ses voyages, mais il est peut-être temps que je m’installe. »
Bon, passons maintenant au sujet principal. Je devrais parler prudemment afin qu’elle ne se méfie pas.
Ryoma avait patiemment attendu l’occasion de trouver l’information dont il avait besoin, comprenant qu’en paniquant la propriétaire, elle ne ferait que la rendre suspicieuse. Elle semblait prendre l’histoire de Ryoma au pied de la lettre. Sa nature amicale l’avait rapidement amenée à faire confiance aux autres, et l’histoire de Ryoma était assez crédible.
« Je vois… Et quels étaient tes plans afin de gagner ta vie à partir de maintenant ? »
Oui !
Ryoma se réjouit. Le sujet qu’il attendait fut abordé. Après tout, même si c’était un autre monde, il fallait quand même travailler pour gagner sa vie, mais un étranger comme Ryoma n’avait aucune idée du genre de professions recherchées dans ce monde. C’était aussi une information qui serait considérée comme une question de bon sens, donc selon la façon dont il la posait, cela pourrait éveiller des soupçons chez lui et, puisqu’elle connaissait son visage, cela permettrait à l’empire de savoir qui il est.
« Ouais, à propos de ça… En fait, j’avais aidé mon père dans son travail jusqu’à maintenant, donc je ne sais vraiment pas comment faire autre chose… La seule chose que je peux dire, c’est que je suis bon avec une épée. »
« C’est vrai ? C’est trop tard pour apprendre à être artisan ou commerçant à ton âge. »
Elle hocha la tête, jetant un regard singulier sur le visage de Ryoma.
« Alors je ne peux pas être un marchand ? »
« Je n’ai jamais dit que tu ne pouvais pas, ça sera juste difficile. Ce sont des professions qu’il faut apprendre quand on est un petit enfant. En plus, même si tu peux compter l’argent, je doute que les gens de la profession embauchent un sans nom dans leurs compagnies. »
« Vraiment ? Et bien, super, je vais faire quoi maintenant... », Ryoma feignit la déception.
Bien sûr, il ne voulait pas devenir marchand.
C’est bien ce que je pensais, le travail des enfants est la norme ici. Cela est évident étant donné le niveau de vie dans ce monde. Mais cela limite mes professions potentielles.
Alors qu’il s’échappait du château, Ryoma vit les nobles utiliser de jeunes enfants comme domestiques et servantes, et tout en cherchant un magasin de vêtement dans la ville, il avait vu des enfants d’environ dix ans travailler devant les magasins avec des vêtements de travail.
Merci pour le chapitre.
Merci pour le travail.