Convocation
Partie 2
Il avait soutenu son poing gauche le long de son visage et avait abaissé son point droit afin de couvrir sa ligne médiane. Déplaçant son centre de gravité vers sa jambe gauche, il enroula les orteils de son pied droit vers l’intérieur. C’était une position qui équilibrait attaque et défense, lui permettant à la fois de donner aléatoirement des coups de poing ou des coups de pied tout en protégeant ses points vitaux de toutes attaques.
Pour ces deux-là, la bataille sans armes était aussi meurtrière que la bataille à l’épée. Le suspense les empêchait de respirer. Mais le silence fut bientôt brusquement dérangé… par le son de l’estomac du garçon qui grognait. Celui-ci se plaignait certainement.
Il s’était réveillé avant l’aube, et leur entraînement avait duré plus d’une heure. C’était à ce moment-là que son estomac commença lui indiquer bruyamment qu’il avait faim. Mais son professeur et son grand-père n’étaient pas assez indulgents pour abréger l’entraînement simplement parce que son petit-fils avait faim.
Merde, je meurs de faim… Allez, papy, finissons ça tout de suite…
Mais il pouvait le supplier autant qu’il le voulait, le vieil homme ne montrait aucune ouverture dans sa position. Au contraire, il était visiblement prêt à y aller, prêt à tirer parti de toute ouverture imprudente que le garçon pourrait exposer.
Celui-ci avait été expulsé du lit tôt le matin et forcé de participer à un entraînement mortel le ventre vide… Quand soudainement, un ange était descendu pour le sauver.
« Voulez-vous bien arrêter !? Je me donne la peine de vous faire le petit-déjeuner et voici ce que vous faites ? Mon dieu. Pourquoi jouez-vous si tôt le matin ? »
Une fille vêtue d’un tablier, les cheveux noirs attachés en queue de cheval, apparue au bord de la ligne de visée du garçon. C’était une jeune femme séduisante aux yeux noirs et volontaires, qui mesuraient environ 170 cm.
Elle s’appelait Asuka Kiryuu.
« Moi ? En train de jouer ? Et avec ce type ? Tu devrais travailler un peu plus ton sens de l’humour… »
À tout le moins, le jeune homme n’était pas en train de s’entraîner tôt le matin, agitant de vraies épées ou se battant dans un combat semi-mortel sans armes pour le plaisir.
« Eh bien, alors qu’est-ce que tu faisais ? »
Asuka rétrécit les yeux vers le garçon, qui secoua la tête d’une manière presque offensante.
Sa question posée obligea le garçon à pencher la tête avec perplexité, cherchant les mots appropriés pour décrire ce qui était trop dangereux pour être considéré comme un entraînement normal.
« … on essayait de s’entretuer. »
Au moment où ces mots sortirent de sa bouche, un son émoussé résonna sur les piles de bambous, et avec lui, le bruit d’un poing se heurtant contre une paume ouverte.
« O-Ouch… »
« Commence déjà par arrêter de parler comme un abruti ! »
Asuka le menaça avec une louche à la main.
Mais d’où est-ce qu’elle sort ça ?
Asuka avait porté un coup à la tête du jeune homme avec la louche qu’elle tenait actuellement. Elle l’avait brandie à une vitesse que l’on pourrait vraiment qualifier d’éclair.
Même si ses capacités physiques étaient extrêmement raffinées, le coup qu’elle avait donné n’en était pas moins très douloureux.
Preuve de ses capacités, il avait paré l’attaque que le vieil homme l’avait lâchée — un poing avec la deuxième articulation du troisième doigt tendue comme une corne — au moment où il tressaillait après l’attaque d’Asuka. Celui-ci n’avait pas l’impact d’un coup de poing normal, mais en échange, il était optimal pour pénétrer dans les organes vitaux de l’adversaire.
De cette manière, le garçon avait bloqué le coup porté à sa tempe par une réaction imputable également à l’instinct et aux réflexes développés à partir d’un entraînement impitoyable. Et malgré cela, il n’avait pas réussi à bloquer l’attaque de la fille.
Bien que cela fût de loin préférable à ce qu’il avait lu dans de vieilles bandes dessinées. Chaque fois que le héros de ces bandes dessinées essayait de mettre la main sur une autre fille, l’héroïne le frappait à la tête avec un marteau. Il pouvait généralement éviter les balles rapides, mais curieusement, il n’avait jamais réussi à éviter le marteau de l’héroïne. (NdT : coucou Ryo Saeba)
En effet, cette situation était sûrement le moindre de deux maux. Aussi bien construit que puisse être son corps, un coup de marteau le tuerait toujours…
« Ah, Asuka. Tu vas encore nous faire ta querelle de jeunes mariés ? »
La personne qui venait d’être responsable du fait que le garçon avait été battu à la tête avec une louche s’adressa à Asuka avec une expression nonchalante.
Pas une trace de la vigueur intimidante qu’il avait pendant l’entraînement ne restait dans sa voix, il ressemblait à un aimable vieil homme que vous pourriez trouver n’importe où.
J’aurais peut-être bloqué ça, mais il a quand même lancé une attaque-surprise sur moi, et le voilà qui rigole comme si rien ne s’était passé. C’est pourquoi je déteste ce type…
Honnêtement, même si c’était son grand-père, il n’arrivait pas à comprendre cette disparité dans son comportement.
« Qu’est-ce que tu dis, papy ? J’ai déjà un petit ami… Et en plus, comme c’est de Ryoma qu’on parle. »
En disant cela, Asuka avait dirigé un regard significatif dans la direction du garçon. Le genre de regard qu’un chat peut avoir sur une souris. Il semblerait que, peu importe comment il répondait à cela, cela le mènerait tout droit sur le chemin de l’enfer.
Sérieusement, ce n’est pas une blague. Je n’en veux pas plus que toi.
Si on la considérait comme une jeune femme, Asuka Kiryuu était en effet très séduisante, et le jeune homme n’avait aucune intention de le nier. Mais c’est aussi un fait que les années qu’ils avaient passées ensemble avaient invalidé quelque chose qui aurait pu transformer leur relation en une relation romantique. Aux yeux de ce jeune homme, Asuka Kiryuu était en quelque sorte une sœur.
Ce n’était pas qu’il n’avait pas eu le courage de prononcer ces mots n’importe où sauf dans son cœur. Il ne connaissait que trop bien la personnalité de sa cousine, ce qui lui en avait fait passer l’envie. Il avait ainsi tenu sa langue. C’était la seule voie sûre à sa disposition. Personne ne devrait être blessé de cette façon.
« Ne dis pas ça, Asuka. »
Mais il y avait quelqu’un ici qui voulait absolument perturber cet équilibre pacifique.
« Tu ne viendrais pas tous les matins pour lui préparer le petit-déjeuner s’il n’était qu’un ami d’enfance, n’est-ce pas ? »
Le vieil homme n’arrêtait pas de taquiner Asuka. Était-ce par curiosité, ou avait-il une arrière-pensée en tête ? Quoi qu’il en soit, le résultat final ne serait pas celui que le jeune homme apprécierait.
Mais contrairement aux attentes du garçon, Asuka avait simplement souri innocemment.
« Non, pas vraiment. Après tout, je ne le fais pas gratuitement. Mon allocation mensuelle est augmentée de 20 000 yens si je fais ça ! »
Ces mots avaient fait en sorte que tout s’était mis en place dans l’esprit du jeune homme. Donc elle ne faisait pas ça par bonté d’âme. Apparemment, sa tante avait négocié des choses avec Asuka pour augmenter son argent de poche en échange de cela.
« Ahh… Penser que ma propre chair et mon propre sang seraient si avares… »
Tandis que le vieil homme murmurait ces mots avec exaspération, une certaine pensée flotta au fond de l’esprit du garçon.
C’est vrai, ma tante a fait un carton dans le commerce des actions, n’est-ce pas… ?
Telle mère, telle fille, semblerait-il.
Asuka Kiryuu avait l’honneur d’avoir un visage attrayant et une silhouette bien formée, ainsi qu’une tête pointue et vive sur les épaules. En plus de cela, elle était amicale, sans pour autant prendre les gens de haut. Cette combinaison gagnante avait fait d’elle l’une des filles les plus populaires à l’école.
Elle excellait dans la cuisine, et elle était capable de faire le ménage, la lessive et diverses tâches manuelles, entre autres les travaux ménagers. Elle était, à bien des égards, parfaite. Il était vrai qu’elle pouvait être stricte lorsqu’il s’agissait de gérer un budget, mais cela signifiait simplement qu’elle avait le sens de l’économie, cela ne pouvait pas vraiment être perçu comme un mauvais point contre elle.
Et bien qu’elle avait pu sembler être la fille idéale pour n’importe qui d’autre, le garçon n’avait pas pu s’empêcher de rire à cette idée. Il était bien trop proche d’Asuka pour la considérer comme une femme.
« Aaah ! »
Asuka éleva soudain la voix, examinant la montre de sa main droite.
« Je dois aller à l’entraînement du club de tir à l’arc, alors je m’en vais. Fais la vaisselle quand tu auras fini, compris, Ryoma !? »
Avec cette remarque d’adieu, Asuka enleva son tablier (il y avait sur ce tablier une caricature exagérée d’un chat calicot dessiné dessus), et courut vers le bâtiment principal.
« Hmph… Être si pressée si tôt le matin. », dit le vieil homme, croisant les bras avec une expression satisfaite.
« N’aurions-nous pas plus de temps pour manger si tu ne la taquinais pas autant, grand-père ? »
Le jeune homme fit une remarque tout à fait valable.
Dans la pratique, la tendance de ce vieil homme à dire systématiquement des choses gênantes tout en ruinant l’atmosphère pour son propre plaisir était vraiment problématique.
« C’est parce que tu ne montres pas assez de respect à tes aînés. » Dis le vieil homme, gonflant sa poitrine sans la moindre trace de remords.
Il n’avait pas l’intention de répondre à la plainte du jeune homme. Apparemment, le mot « introspection » n’existait pas dans son vocabulaire.
Foutu vieux schnock ! Je finirai par t’étrangler un de ces jours…
Grand-père ou pas, il était vraiment gênant.
« Haaah... »
Le garçon avait poussé un long soupir, un soupir qui trahissait ses vrais sentiments.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
Ignorant la question du vieil homme, le garçon s’était dirigé vers le bâtiment principal. Perdre son temps à s’occuper de son grand-père lui laissait peu de temps pour manger, sans parler du fait qu’il devait enlever toute cette sueur. Aussi détaché que l’enfant soit de son apparence, il n’était pas question d’aller à l’école quand il puait la sueur comme ça.
Il se rendit donc vers la salle de bain et, comme tous les matins, il s’était lavé. Puis, après avoir revêtu l’uniforme de son école, il s’était approché de la table à manger et s’était rendu compte que son petit-déjeuner était devenu froid depuis longtemps. Comme prévu.
Le garçon s’appelait Ryoma Mikoshiba. Il était, comme on pourrait probablement le supposer, c’était un jeune homme qui n’avait pas la joie de vivre, du moins du point de vue du commun des mortels. Mais Ryoma voyait les choses différemment.
Chaque jour, il pratiquait les arts martiaux avec son grand-père, ce genre d’entraînement intensif qui ne serait probablement perçu que comme abusif aux autres spectateurs. Quand il était encore un enfant sans qualification, les éraflures et les marques bleues étaient monnaie courante, et étant donné qu’il s’entraînait avec une épée en bois et sans aucun équipement de protection, il fallait s’attendre à une fracture ou à deux.
Et bien que le vieil homme ait parfois été indulgent avec lui, il était toujours hospitalisé après avoir reçu un coup d’épée en bois à la tête. C’était ce genre d’entraînement intensif, mais Ryoma s’y était quand même tenu. Il avait gardé cette routine aussi longtemps qu’il pouvait se souvenir, c’est-à-dire depuis au moins plus de dix ans.
Il avait eu néanmoins beaucoup d’occasions de mettre fin à ces séances d’entraînement, s’il l’avait vraiment voulu. Le service de protection de l’enfance de la paroisse était une option, de même que les parents d’Asuka, les Kiryuu. Ils avaient tous offert leur aide à Ryoma, mais il avait quand même choisi de les rejeter de sa propre volonté.
Merci pour le chapitre.