Convocation
Partie 1
Le soleil matinal ne faisait que commencer à apparaître de l’autre côté de l’horizon. Dans le jardin d’un certain domaine du quartier Suginami de Tokyo, deux hommes se faisaient face, avec une épée à la main.
« Dépêche-toi et viens vers moi ! ». Le cri d’un homme en colère résonnait dans les locaux, s’opposant au silence habituel d’un quartier résidentiel à l’aube.
Cependant, ce domaine était spacieux. Des bosquets de bambous poussant dans la cour et des murs en mortier séparaient ce domaine du reste du quartier. Peut-être en raison de cela, aucune personne n’était là pour assister à leur entraînement.
La source de ce cri était un vieil homme. Il avait les cheveux blancs attachés au dos. Il mesurait environ 170 centimètres. La poitrine épaisse qui jaillissait de la fente de sa tenue de kendo était finement façonnée et divisée en un six-pack bien défini. Son bras était épais et musclé, et il tenait un katana incurvé de 63 centimètres de long.
Sans les rides gravées sur son visage et ses cheveux blanchis, personne n’aurait jamais pu deviner que c’était un vieil homme. Son corps était si bien formé et entraîné. Et pour couronner le tout, son regard avait un reflet vif. C’était le genre de lueur qui ferait sourciller le commun des mortels.
La combinaison de ses traits, de son physique, de l’éclat de ses yeux et de la lueur de l’ensemble, le katana parfaitement entretenu dans ses mains, donnait à ce vieil homme une silhouette qui frapperait de stupeur et de terreur tout homme qui poserait les yeux sur lui.
Mais l’expression du jeune homme qui lui faisait face n’était pas obscurcie par le doute ou l’hésitation. Au contraire, il semblait apprécier cette situation.
« Grand-père, si je viens vers toi avec une épée non gainée, tu vas mourir ! Ce n’est pas comme si ça m’importait beaucoup, mais avoir affaire à la police serait une vraie plaie. »
Tandis que le jeune homme parlait, ses lèvres se recouvraient d’un sourire provocateur. Mais ce n’était pas du bluff. Il n’avait vraiment et honnêtement pas peur de l’aura menaçante du vieil homme ni de l’épée se trouvant dans ses mains.
Ce jeune homme taquin mesurait plus de 190 cm, et pouvait même atteindre deux mètres. Les muscles qui ornaient son corps étaient tout aussi toniques que ceux du vieil homme qui se tenait en face de lui. Au contraire, son corps plus jeune semblait encore plus souple et puissant.
Compte tenu de sa taille et de son armure de muscles, le poids de ce jeune homme dépassait sans doute les 100 kg. C’était un véritable Goliath, orné d’un corps aussi éloigné que possible du physique japonais ordinaire.
S’il avait aussi eu un visage vicieux, personne n’oserait s’approcher de ce jeune homme. Mais peut-être qu’en raison de sa bonne éducation, il avait été béni d’un comportement doux et amical, et d’un visage qui dégageait une certaine sérénité, qui mettait les gens autour de lui à l’aise.
« Hmph. Tu te crois capable de me tuer ? »
Le vieil homme considérait les paroles du plus jeune avec mépris.
Mais le mépris ne se limitait qu’à ses paroles. Il croyait sûrement aux capacités du jeune homme, et il y avait de la chaleur dans le regard aiguisé du vieil homme.
« Qui sait ? », dit le jeune homme en regardant l’aîné d’un regard interrogateur.
« J’ai fait beaucoup d’entraînement, il est temps que tu ne bloques plus mon épée afin que je puisse te faire passer de la vie à trépas. »
« Ton épée, hein ? Eh bien, si ce moment arrive, je te demanderai pardon pour t’avoir fait subir toutes ses séances d’entraînement, et tu pourras même avoir tout mon héritage. »
Souriant de manière satisfaite à la suite des propos du garçon, le vieil homme avait saisi son katana des deux mains, le tenant dans une position à la hauteur des yeux.
« Papy, si tu mourais, alors qui donc pourrait se tenir face à moi durant l’entraînement matinal ? »
Souriant aux paroles du vieil homme, le jeune avait adopté une position similaire avec son propre katana, dont la longueur totale était de 90 cm.
« Ton héritage est une récompense tentante ! »
Après s’être échangé des insultes, ils jetèrent un coup d’œil sur chaque partie du corps de l’autre. Dans leur état actuel, quel que soit l’endroit où l’un regardait l’autre, il ne pourrait pas se concentrer. C’était presque comme si l’air entre eux était gelé. Il ne restait plus aucune trace de l’atmosphère amicale et intime qui les unissait.
Une véritable intention meurtrière émanait de leurs deux corps. Rien d’autre que la volonté de tuer l’autre n’existait entre eux.
« Aaaaaaaaaaaaaaaaah! »
« Gaaaaaaaaaaaaaaaah! »
Ils expirèrent tous les deux en même temps et la soif de sang qui avait atteint son zénith se répandit. Toute personne ordinaire serait devenue immobile, balayée par un tel désir de tuer.
Les deux personnes se croisèrent, et le bruit de l’acier s’opposant à celui de l’acier retentit au moment de leur rencontre. Une brève pluie d’étincelles dansait dans la forêt de bambous.
Traversant les deux mètres qui les séparaient en un clin d’œil, les deux individus échangèrent de position, tenant une fois de plus leurs lames à hauteur des yeux.
« Espèce de petit morveux de merde ! »
Le vieil homme regarda le garçon avec fureur.
« Tu t’en es pris à ma gorge après t’être mis en position médiane ! »
Toute discussion sur la transmission de son héritage semblait avoir été complètement oubliée à ce moment-là. La frappe du jeune homme visait vraiment à séparer l’aîné de son âme. Mais il en était de même pour le vieil homme, et il n’avait pas le droit de blâmer le plus jeune pour ses actions.
« Un certain professeur m’a même appris à abattre mes propres parents quand il s’agissait d’un combat à l’épée… En plus, si tu veux parler du coup que tu m’as donné à bout portant, tu visais aussi ma gorge ! »
Le vieil homme qui s’offusquait injustement de lui avait rendu le ton du garçon plus épineux que d’habitude, ce qui était compréhensible.
Tout d’abord, les techniques et la mentalité du garçon lui avaient été inculquées dès son enfance par ce vieil homme. C’était son grand-père qui lui avait enseigné la façon de penser comme quoi on ne doit prendre l’épée que lorsqu’on était résolu à mener un vrai combat à mort. Et c’était la raison pour laquelle le jeune homme avait estimé qu’il était absurde de le contrarier de ne pas avoir respecté ces méthodes.
« Il est évident que je la visais ! Mon épée tue toujours en un seul coup ! »
De tels appels raisonnables n’atteindraient pas le vieil homme, maintenant que tout ce sang lui était monté à la tête.
« On ne prend l’épée que lorsqu’on est résolu à prendre la vie d’un autre ! »
Le jeune homme considéra le cri de colère de son grand-père avec une expression exaspérée.
« Tu vois, c’est justement ça le problème. Ce genre de chose dangereuse ne sert à rien ! Dans quel endroit au Japon peut-on utiliser ce genre de techniques !? D’ailleurs, où est-ce que l’on peut s’amuser à essayer quelque chose d’aussi mortel sur son propre élève ? »
Il est vrai que dans le Japon moderne, il était interdit de porter de vraies épées, et encore moins de se battre en duel avec elles. Le vieil homme avait le droit d’avoir cette conviction en tant qu’artiste martial, mais lorsqu’il s’agissait d’en faire usage, les affirmations du jeune homme seraient très probablement considérées comme non valables.
On pouvait perfectionner ses techniques de mises à mort autant qu’on le souhaite, mais il serait inutile de le faire sans un endroit où les utiliser. Mais en entendant la voix de son élève, ces affirmations tout à fait raisonnables n’avaient fait que jaillir des veines sur les tempes du vieil homme.
« Tais-toi, tais-toi ! Arrête tes bavardages prétentieux et retourne à l’entraînement ! », cria le vieil homme tout en déplaçant de nouveau son épée vers le garçon.
C’était une frappe qui, si le garçon ne l’avait pas bloquée, aurait sûrement fendu son crâne en deux.
« Mais je n’arrête pas de te le dire ! Quelle est la grande idée derrière ces duels de vie et de mort si on ne peut pas le mettre en pratique !? »
Le bruit de leurs épées résonnait dans le quartier résidentiel tranquille. Cependant, rien de tout cela ne dérangerait les voisins, si bien que les deux étaient libres de s’entraîner aussi vigoureusement qu’ils le souhaitaient.
Au début, les deux semblaient correspondre parfaitement l’un à l’autre. Mais à la fin, l’un d’eux était âgé et l’autre jeune, et la balance de la victoire penchaient progressivement en faveur du garçon. Aussi assidue que sa formation eût pu être, le vieil homme n’avait aucune chance de l’égaler. Au contraire, le fait qu’il l’avait suivi aussi longtemps qu’il le faisait était stupéfiant.
Poussant le vieil homme avec force, l’épée du garçon s’approcha du cou de son professeur. Mais avec l’épée à quelques centimètres de sa trachée, le vieil homme avait soudainement relâché son emprise, faisant perdre l’équilibre à son élève à cause du manque soudain de pression, celui-ci tomba en réponse.
Saisissant cette chance, le vieil homme avait poussé son pouce vers l’œil du plus jeune. Se rendant probablement compte qu’il ne pouvait pas égaler son élève en termes de force pure, il avait laissé sa main gauche loin du pommeau de l’épée et avait plutôt essayé de lui arracher l’œil. Cette attaque soudaine avait incité le garçon à reculer et à créer une distance entre eux.
« Bon sang. Tu dis qu’il n’y a pas d’acte criminel si ce n’est que de l’entraînement ! Arrête d’agir comme un gamin de merde ! »
La patience du jeune homme était visiblement à sa limite, car son langage envers le vieil homme devenait de plus en plus profane.
« Hmph. Rien de tout cela n’a d’importance dans un vrai combat, que ce soit pourri ou merdique, ou peu importe la manière dont tu veux l’appeler ! »
Le vieil homme prétendait qu’il n’y avait pas d’acte criminel dans une bataille où la vie était en jeu. Il n’y avait dans ses paroles pas le moindre soupçon de honte en employant une attaque de sa main au milieu d’un exercice de maniement de l’épée. Au contraire, le fait que le garçon était suffisamment conscient et capable pour anticiper et juger cette attaque non armée signifiait qu’il n’était pas aussi raisonnable ou normal qu’il le prétendait…
Leur entraînement comportait toujours des risques de blessures, voire de mort. Mais c’était uniquement parce qu’ils étaient parfaitement conscients des compétences de l’autre. Ils arrêtaient toujours leurs attaques au tout dernier moment. Leurs frappes étaient peut-être remplies d’intentions meurtrières, mais il n’y avait aucune intention réelle de tuer. C’était un entraînement qui imitait parfaitement le vrai combat.
Sautant en arrière, le vieil homme remit son katana dans son fourreau et le plaça contre les piles de bambous. Il s’était ensuite tourné lentement vers le jeune homme, détendant les muscles de son corps et laissant ses bras s’affaisser calmement. C’était une posture vraie et naturelle. L’absence de position était la position ultime, comme on dit.
« Viens vers moi désarmer ! Je vais te montrer à quel point ta force exagérée n’est bonne à rien ! »
« En es-tu sûr ? »
Le jeune homme ricana.
« Je me ferai un plaisir de répondre à ta demande ! Mais penses-tu vraiment que tu puisses me battre à mains nues, alors que tu ne pouvais même pas me battre avec une épée ? »
Mais le vieil homme ne dit rien, faisant simplement signe au garçon de ranger son épée. Respectant cette demande, le garçon rengaina son épée et la plaça également contre les piles de bambou, puis se tourna pour faire face au vieil homme.
Merci pour le chapitre. J’ai déjà lu la version WN de Wortenia senki (mais la trad anglaise est lente) . Je me demande ou vont être les différences ? Quoiqu’il en soit, c’est un de mes WN préférés.