Chapitre 21 : Conférence des souverains
Partie 6
Ce n’était pas quelque chose qui se passait lorsqu’on adressait à un souverain. Et cela venait bien sûr du garçon insolent assis de l’autre côté de la table.
En une fraction de seconde, Rinne s’était sentie mourir, bien qu’elle ait été la garde du corps de la souveraine et qu’elle soit rompue aux arts militaires.
Le front couvert de sueur, Rinne s’était placée devant Cicelnia. Un acte digne d’éloges.
Quant à Cicelnia, qui n’était même pas magicienne… elle tenait sa main contre sa poitrine et luttait pour respirer. Ses belles lèvres brillantes bougeaient comme si elle était désireuse d’oxygène.
Bien qu’elle soit une dirigeante acérée, elle était dans sa position grâce à sa lignée royale et n’avait pas beaucoup de résistance contre ce genre de choses.
Alus savait que son charisme n’était pas uniquement dû à son sang. Cependant.
« Ne vous méprenez pas. » Sa voix froide avait déchiré l’atmosphère gelée. Et ses mots avaient percuté les oreilles de Cicelnia comme s’il s’agissait de glaçons. « Alpha n’a aucune importance pour moi. Je suis seulement ici parce que je suis redevable envers Berwick. En ce sens, je suppose que vous pouvez dire que votre choix de le nommer au poste de gouverneur général était une bonne décision… mais ne pensez pas que cela vous donne le droit de me donner des ordres. »
Avec son corps tremblant, Cicelnia était incapable de répondre. Le visage pâle, elle baissa les yeux et fixa le dessin de la table en marbre.
« Mais je ne pense pas que Berwick serait amusé d’entendre que vous regardez de haut les autres nations… »
« Sire Alus !! » Finalement, Rinne avait réussi à laisser sortir sa voix.
Alus avait jeté un coup d’œil à Cicelnia, et avait retenu sa soif de sang. Émettre de la soif de sang était quelque chose qu’il avait appris en travaillant dans les coulisses. C’était complètement différent de ce que les magiciens normaux pouvaient faire.
Il arrivait que les magiciens laissent délibérément échapper du mana pour intimider ou faire une démonstration de force. Mais la soif de sang d’Alus faisait que ses adversaires faisaient l’expérience de la mort, au point même de l’halluciner.
« Quoi qu’il en soit, je m’excuse d’avoir été impoli… mais bon, maintenant que vous en avez fait l’expérience une fois, vous devriez être capable d’affronter les autres Singles, » dit Alus sans émotion à Cicelnia, qui réussit de justesse à éviter de s’effondrer dans le canapé.
Rinne avait pris de grandes respirations et avait ensuite posé une question. Le fait que cela ait pris plusieurs secondes ne pouvait être évité. « Que voulez-vous dire ? Lady Cicelnia affronte les Singles chaque année. »
« Je serai là cette fois. Et on ne peut pas la laisser se mouiller devant les dirigeants des autres nations. »
« Mouillée ? ...! »
Comprenant ce qu’il voulait dire, Rinne avait tenu sa langue.
Les mots d’Alus n’étaient qu’un coup d’épée dans l’eau afin de donner en exemple… c’était une gaffe indigne d’une dame, mais en regardant Cicelnia rougir de honte, il était clair que c’était la vérité.
« Qui… qui, selon vous, ferait une chose pareille ? » lâcha Cicelnia.
« Hmm, donc vous ne tenez pas le siège de dirigeant pour rien. »
Les yeux inflexibles de Cicelnia fixaient obstinément les yeux froids d’Alus. Elle avait violemment ébouriffé sa frange collée à cause de perles de sueur sur son front avec une respiration laborieuse, tout en continuant à respirer rudement en silence.
Mais un sourire intrépide était déjà revenu sur ses lèvres, bien que ce ne soit que par fierté. Ce sentiment était également accompagné d’une certaine honte lorsqu’elle avait ressenti la sensation de ses cuisses humides.
« Qu’allez-vous faire ? Me condamner à mort pour lèse-majesté ? Je m’en fous. »
« Si je fais ça, vous allez vraiment passer à une autre nation. »
Quand je pense qu’elle pouvait encore faire face à ses répliques après tout ça… L’évaluation d’Alus quant à sa force de volonté avait augmenté. Elle ne pouvait vraiment pas être sous-estimée.
Alus avait retenu sa soif de sang pour qu’elle ne s’évanouisse pas. Mais il avait l’intention de lui faire perdre son attitude hautaine afin qu’elle ne puisse pas agir de manière aussi effrontée contre les Singles. Il l’avait sous-estimée, pensant qu’elle n’aurait pas le courage de poursuivre l’affaire, mais en réfléchissant à ses actions, il avait senti qu’il était allé un peu trop loin.
En même temps — .
« Sire Alus, je n’hésiterai pas la prochaine fois, » dit Rinne.
Bien sûr, elle ne pensait pas être capable de faire quelque chose contre lui s’il était sérieux. Mais elle avait toujours ses devoirs en tant que garde du corps. Elle l’avait dit pour le garder sous contrôle, mais son effet était au mieux discutable.
De plus, la conférence à venir était également préoccupante. Comme c’était la première fois qu’Alus y assistait, il allait attirer l’attention, qu’il le veuille ou non, à cause de son rang.
Il était plus que possible que les Singles des autres nations se moquent de lui en raison de son jeune âge et tentent de s’en mêler. En réalité, Alus était presque convaincu que cela se produirait, c’est pourquoi il avait fait quelque chose d’aussi imprudent que de tester Cicelnia à l’avance.
Les choses seraient si faciles si tous les Singles étaient comme Jean, pensait Alus, mais après avoir bien réfléchi, il avait un côté très curieux.
Cela pourrait apporter son lot de problèmes.
+++
Un certain temps s’était écoulé.
Alus avait attendu que les deux femmes s’en remettent. Après quelques minutes, Rinne était redevenue normale, mais Cicelnia avait encore du chemin à faire.
Elle avait passé plus de dix minutes à boire de l’eau et à reposer son corps jusqu’à ce que sa respiration se calme enfin. Pendant ce temps, elle jetait un coup d’œil dans la direction d’Alus et soupirait de manière significative.
« … En voyant à quel point vous avez l’air mal en point, je me sens même un peu coupable. »
« À qui la faute, selon vous ? Vivez cette culpabilité dans toute son ampleur ! … Si vous êtes capable de ressentir de la culpabilité, bien sûr. » Il semblerait qu’elle avait au moins récupéré assez pour lancer des insultes.
L’instant d’après, elle s’était affaissée sur la table comme si elle en avait marre de tout ça. Elle avait laissé échapper un doux soupir en pressant son visage contre le marbre froid. Après avoir murmuré un « Je vais aller me changer », elle avait relevé la tête et s’était levée comme si elle était complètement remise. « J’ai beaucoup transpiré à cause d’une certaine personne, alors je vais me changer. Rinne, préparatifs ! »
« O-Oui, bien sûr ! »
La dignité était revenue dans la voix de Cicelnia, qui avait résonné dans toute la pièce.
Les deux femmes avaient disparu dans les pièces intérieures, tandis qu’Alus avait été mis à la porte.
Une fois dans le vestiaire, Cicelnia avait laissé échapper un lourd soupir en confiant son corps à Rinne.
Rinne avait souri ironiquement en réponse. « Il l’a vraiment fait, mais c’est bien le genre d’individu qu’est Sire Alus. »
« Je le sais ! Il est seulement venu cette fois-ci parce que Lettie est en mission, non ? »
« Eh bien, Sire Alus participe également au Tournoi amical de magie. Si ce n’était pas le cas, il aurait agi comme d’habitude, et il ne se serait peut-être pas montré. »
Dans ce cas, Cicelnia aurait dû amener un magicien à deux chiffres. C’était quelque chose qu’elle préférait éviter. Étant la souveraine d’Alpha, le magicien qu’elle apportait devait servir de symbole à la force d’Alpha.
Si ce magicien était dominé par les magiciens des autres nations, Alpha perdrait toute sa dignité.
Le simple fait de l’imaginer faisait grimacer Cicelnia. Alors qu’elle le faisait, la sangle qui retenait sa robe avait été retirée, et elle était tombée au sol sans un bruit.
Sans montrer aucune inquiétude quant à l’exposition de son corps, Cicelnia fit un pas en avant et se dépouilla complètement du reste de ses vêtements.
Rinne avait posé sans mot dire ses mains sur les sous-vêtements de Cicelnia pour les changer comme d’habitude, mais… au moment où elle les avait touchés, elle s’était arrêtée.
Elle avait repéré une tache humide dans le tissu blanc. « Euh, Lady Cicelnia… avez-vous vraiment… ? » Bien sûr, il était impossible qu’elle aille bien après avoir été exposée à ce genre de soif de sang.
Pourtant, Cicelnia afficha un visage courageux, et Rinne leva les yeux vers elle. Alors qu’elle le faisait, Cicelnia, incapable de supporter la honte, détourna la tête et hocha une fois la tête.
Ayant vu un côté vulnérable inattendu de son maître, Rinne avait gardé le silence par égard pour ses sentiments.
Cependant, Rinne était censée avoir vécu la même chose, aussi sa maîtresse lui demanda-t-elle d’un air soupçonneux : « Rinne, et toi ? »
« Eh ? Je n’ai pas vraiment…, » Rinne secoua la tête, mais son maître ne l’accepta pas, car son expression devint malicieuse.
« Toi aussi… n’est-ce pas ? » demanda Cicelnia avec un grand sourire, en attrapant les seins bien formés de Rinne.
« … Oui. » Rinne n’avait pas la force de continuer à secouer la tête si le souverain insistait autrement.
« Alors, allons nous doucher ensemble, » dit Cicelnia, ordonnant ça avec sadisme à sa fidèle subordonnée, comme si elle se débarrassait des souvenirs désagréables d’avant.
***
La conférence des souverains se déroulait dans la grande salle de conférence au cinquième et dernier étage de la forteresse.
Les trois individus étaient ensemble jusqu’au quatrième étage, mais en tant que serviteur, Rinne n’était pas autorisée à aller au-delà. Seuls le souverain et sa garde d’honneur étaient autorisés, autrement dit, seuls Cicelnia et Alus passaient par les scanners tenus par des serviteurs. C’était une procédure normale pour s’assurer qu’aucun AWR ou arme ne soit introduit.
Après qu’ils soient passés sans problème, Rinne les avait quittés avec une posture redressée. « Je vous attendrai ici. »
« Oui, je vous verrai plus tard, » dit Cicelnia.
Alus marchait à un pas derrière Cicelnia. Elle portait une robe très similaire à celle de son arrivée, ouverte dans le dos, et le voile couvrait à nouveau son visage. Le voile était une nécessité supposée pour la conférence des souverains. D’après ce qu’Alus avait entendu, il était destiné à maintenir au minimum tout préjugé dû à l’âge ou à la position.
Alors qu’elle semblait avoir récupéré, en y regardant de plus près, les pas de Cicelnia semblaient quelque peu instables.
Je suppose que je suis allé trop loin avec la menace.
En voyant son dos légèrement raide, Alus avait reconnu qu’il était fautif et avait décidé de lui donner un coup de main si nécessaire.
C’était une décision qu’il avait prise après avoir ressenti l’atmosphère anormale qui se dégageait de la grande salle de conférence. C’était un flux de mana d’une densité écrasante qu’il ne pouvait s’empêcher de ressentir même avec les portes fermées.
À cause de l’incident entre Alus et Cicelnia, ils étaient les derniers à arriver. À l’intérieur se trouvaient les souverains et les célèbres magiciens qui les accompagnaient.
Même Alus ressentait un peu de sympathie pour Cicelnia qui devait marcher devant lui en raison de sa position. Plus ils se rapprochaient, plus ses pas devenaient courts et Alus l’avait presque rattrapée.
« Dame Cicelnia ? Voulez-vous que j’aille de l’avant ? »
« Je vais bien. Juste pour que vous sachiez… c’est votre faute si nous sommes en retard. » Cicelnia se retourna pour révéler un sourire crispé, puis prit une profonde inspiration.
Alus s’approcha d’elle et saisit la lourde poignée de la porte. « Alors, allons-y, » dit-il, et il ouvrit la porte.
Quand il l’avait fait, quelque chose avait pratiquement jailli de là.
C’était l’aura de rivalité et de force, ou plutôt un torrent de mana chaotique qui les évaluait. Il soufflait sur eux comme un coup de vent depuis les profondeurs de la pièce.
merci pour le chapitre