Saikyou Mahoushi no Inton Keikaku LN – Tome 4 – Bonus

Bannière de Saikyou Mahoushi no Inton Keikaku (LN) ☆☆☆

Bonus

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Bonus

Partie 1

Histoire 1 : Ceux qui l’ont, ceux qui ne l’ont pas

Aujourd’hui est le seul jour de l’année où les filles en pleine période de croissance passaient les heures dans l’espoir et l’inquiétude. Au tout dernier étage de l’Institut, qui avait été fermé à clé, les étudiantes étaient mesurées. Tous les escaliers étaient bloqués par du ruban adhésif portant la mention « Entrée interdite », et les enseignants gardaient un œil vigilant à proximité.

Parmi les filles, il y avait une rousse qui ne semblait pas si enthousiaste que ça, puisqu’elle avait laissé échapper un soupir déprimé. S’étant finalement résolue, la fille, Tesfia, en sous-vêtements, était montée sur la balance. Il lui avait fallu moins d’une seconde pour obtenir le résultat, et il était donc inutile de s’armer de courage. L’instant d’après, le pèse-personne lui avait balancé un chiffre sans ménagement.

La fille aux cheveux argentés qui était venue après elle était montée sur la balance pendant que Tesfia gémissait. Il y avait des mesures, à notre époque, où être petit avait ses avantages.

« Ahh, tu es vraiment légère, Loki. »

« Qu’est-ce que tu fais tout d’un coup ? Tu n’es pas aussi lourde que je le pensais, Mme Tesfia. »

C’était un choc pour la personne elle-même, mais le poids de Tesfia était tout juste excusable. Compte tenu de l’entraînement qu’elle subissait chaque jour, on pouvait lui pardonner de penser qu’elle aurait pu perdre plus de poids.

Tous ces en-cas de minuit ont dû m’atteindre.

Les épaules de Tesfia s’étaient affaissées.

La mesure suivante était la taille. Tesfia avait utilisé la méthode au bord de la triche pour attacher ses cheveux, mais le professeur l’avait facilement vu.

Elle avait essayé de lever le menton en guise de résistance symbolique. Mais cela n’avait fait qu’inciter le professeur à appuyer encore plus fort sur le bâton de mesure.

« Arg ! »

Les larmes aux yeux, Tesfia s’était péniblement tenu la tête et avait laissé la place à Loki. Cela dit, cette mesure était un obstacle pour elle. Avant de venir à l’Institut, elle ne s’en était pas vraiment souciée, mais maintenant elle semblait gênée par sa croissance plus lente que les autres filles autour d’elle. Elle ne le laissait pas paraître devant Alus, mais elle espérait secrètement une amélioration.

Loki s’était poliment approchée du bâton de mesure, mais tout le monde dans la pièce pouvait voir qu’elle se tenait sur la pointe des pieds. Bien sûr, il n’y avait aucun moyen de voler, et assez rapidement, elle était devenue la proie du système de mesure cruel et précis.

« C-C’est vraiment trop… Professeur, il faut arrêter ça ! » Loki avait grommelé, puis avait soupiré en regardant son résultat. Son seul point positif était qu’elle avait un an de moins que Tesfia et Alice.

« C’est vrai, nous avons encore la possibilité de grandir, » dit une voix partageant ses espoirs. Cette voix appartenait à Tesfia, et Loki s’était retrouvée à hocher la tête en accord. Cependant, il leur restait un dernier obstacle à franchir : le tour de poitrine.

« Es-tu prête, Loki ? »

« Bien sûr. Je ne pense pas pouvoir en supporter davantage, alors finissons-en rapidement. »

Elles étaient entrées dans les salles de mesure cloisonnées où des enseignantes les attendaient, chacune ayant un mauvais pressentiment sur ce qui allait se passer. L’instant d’après - .

« Mademoiselle Fable, désolée, mais vous avez beau me supplier, en tant que professeur, je ne peux pas faire ça ! J’ai le devoir de mesurer tout le monde de manière égale ! ! Ça n’arrivera pas, d’accord ? »

Loki pouvait entendre les résultats des tentatives de Tesfia de faire des affaires louches depuis la salle de mesure à côté de la sienne. « Qu’est-ce qu’elle fait ? » murmura Loki, bien qu’elle soit dans une situation similaire. Pour être honnête, elle n’était pas prête à aller aussi bas, et elle ne voulait pas non plus être associée à de telles tactiques.

« Mme Loki… Euh, pourquoi ne pas commencer par enlever ces coussinets ? » déclara l’enseignante avec de la pitié dans la voix.

Loki était tellement abasourdie que la professeur sérieuse ait presque envisagé de la laisser tricher. Quand elle était sortie de la salle de mesure, Loki avait l’air encore plus découragée que Tesfia, comme si son âme avait quitté son corps. Les épaules affaissées, elles avaient reporté leurs frustrations refoulées sur une autre fille qui était sortie de la salle de mesure un instant après elles. Les yeux injectés de sang, elles avaient balayé leurs yeux depuis ses pieds vers le haut jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent à un certain point.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » Les épaules de la jeune fille tremblaient sous le regard des deux bêtes sauvages alors qu’elle parlait timidement.

« Alice… Je me demandais pourquoi je ne te voyais nulle part. »

« U-Uhm, c’est parce que tu passerais certainement ta colère sur moi. J’essayais d’être prévenante ! »

Tesfia et Loki s’étaient précipitées sur Alice, qui semblait pouvoir pleurer à tout moment, et lui avaient confisqué son permis à une vitesse fulgurante, en lisant attentivement les mesures qui y étaient inscrites.

« Tu grandis, et ton poids est dans la moyenne… »

« Ce n’est pas vrai, j’ai aussi pris un peu de poids ? » Alice avait un peu hésité, l’air maladroit, et avait essayé d’apaiser les deux filles avec ses autres mesures moins qu’optimales, en espérant qu’elles seraient quittes après avoir vu une certaine valeur qui donne envie — mais ses tentatives de jouer les victimes avaient immédiatement été repérées.

« Passons à la mesure de la poitrine… Nous mangeons les mêmes choses, alors pourquoi… Tout ce poids supplémentaire est passé par là… Pourquoi toute la graisse va-t-elle sur mon ventre, mais sur ta poitrine ? … C’est injuste ! »

Une ombre sombre était tombée sur le visage de Tesfia. Loki avait lu le tour de poitrine d’Alice, et avait compris que c’était une chimère pour elle. Elle avait dirigé un regard creux dans la direction d’Alice.

« C’est pour ça que je ne voulais pas le montrer ! En fait, je vous envie aussi beaucoup, vous deux ! Fia est svelte, et Loki chérie est petite et mignonne… Moi, ça m’arrangerait bien de ne pas être aussi grosse ! »

« Alice… »

« Mme Alice. »

Les trois filles avaient échangé des regards après le plaidoyer désespéré d’Alice. Elles avaient formé un front commun et étaient retournées ensemble dans les salles de mesure.

« S’il vous plaît, divisez ce tour de poitrine en trois ! » avaient-elle toutes dit.

Les trois filles tendirent leur permis à l’enseignante, exigeant que leurs mensurations soient modifiées.

« Comme si je pouvais ! »

Mais leur demande avait été immédiatement rejetée. Et il n’est pas nécessaire de préciser qu’elles avaient alors reçu une sévère leçon de morale.

 

Histoire 2 : Le début de tout pour la jeune fille

Cette jeune fille s’entraînait sérieusement pour devenir plus forte dans le but de se venger. Dans le monde des humains, tuer des Mamonos était considéré comme une merveilleuse façon de contribuer à l’humanité, mais pour la jeune fille Loki Leevahl, cela n’avait pas d’importance. Seules les flammes de la haine pour les Mamonos qui avaient tué ses parents brûlaient en elle, la faisant avancer. En effet, si rien n’avait changé, elle aurait été à jamais guidée par sa haine.

Sans famille, Loki avait été enrôlée à l’âge de huit ans. En rejoignant le programme d’entraînement des magiciens, elle était devenue plus forte malgré sa petite taille. Elle était persuadée d’être la plus forte de son groupe d’âge. Inégalée en combat rapproché, il n’y avait bientôt plus personne de son âge avec qui s’entraîner. Son entraînement n’avait été que douleur au début, elle pouvait maintenant l’accomplir sans difficulté au quotidien. Et les jours où elle était couverte de coupures et d’ecchymoses étaient depuis longtemps derrière elle.

Deux ans étaient suffisants pour changer quelqu’un, et Loki ne faisait pas exception. Le nombre de ses camarades de classe avait considérablement diminué, même si elle n’avait pas pris la peine de se souvenir de leurs noms.

Mais le plus grand changement de tous s’était produit au sein de Loki. Les flammes de la vengeance avaient commencé à s’éteindre, ne laissant qu’une haine fumante qui ne déclencherait jamais un grand feu maintenant. Loki en était convaincue. La seule chose à laquelle elle pensait maintenant était de dire un jour adieu à ses parents qui reposaient paisiblement dans le Monde extérieur. Elle croyait que le jour viendrait où elle visiterait la dernière demeure de ses parents. Pour confirmer la vérité, pour mettre ses sentiments en mots, Loki n’aurait d’autre choix que de la voir.

Bien qu’elle se soit accrochée à ce rêve, elle avait déjà appris toutes les techniques et connaissances dont elle avait besoin dans son entraînement. Au moment où elle commençait à avoir l’impression de n’arriver à rien, un jeune garçon était apparu devant elle. À ce moment-là, elle était vraiment agitée. Ces derniers temps, ses partenaires d’entraînement étaient principalement des adultes, et même si elle ne sortait pas toujours victorieuse, elle ne perdait pas de façon unilatérale. Pourtant…

Il est rapide ! Est-ce que je le bloque ? Non, sinon je ne pourrai pas faire face à l’attaque suivante… ! Elle décida instantanément comment gérer le poing qui s’avançait vers elle, l’esquivant de justesse.

Loki suait à grosses gouttes alors qu’elle passait à l’attaque. C’était un simulacre de combat normal. La seule différence était qu’elle affrontait un jeune garçon qu’elle venait de rencontrer. Le garçon inconnu aux cheveux noirs semblait faible. Pour Loki, qui était assez forte pour combattre des adultes, c’était une perte de temps. Il n’y avait pas de différence majeure dans leurs corpulences, et la seule chose étrange était qu’elle ne l’avait jamais vu auparavant. Elle était sûre que le résultat serait le même, et elle l’avait affronté pleine de confiance. Cependant, elle avait très vite cessé de le sous-estimer.

Elle ne trouvait aucune ouverture dans ses arts martiaux raffinés, et au contraire, il frappait avec précision ses ouvertures. Ses attaques précises et impitoyables étaient presque mécaniques. Contrairement à Loki, qui se donnait à fond, le garçon ne transpirait pas le moins du monde alors qu’il la coinçait en un rien de temps. Ce n’était pas une question de puissance ou de nombre de coups disponibles, c’était purement Loki qui perdait en termes de technique. Elle était fière de ce qu’elle avait développé au cours de son dur entraînement pendant des années.

Le bruit sourd d’un poing et d’un bras qui s’entrechoquent retentit, mais finalement Loki changea de méthode, passant du blocage du poing du garçon à un balayage. Mais c’était la preuve qu’elle était incapable de résister à ses attaques féroces. Ses frappes fluides ne montraient aucun signe d’arrêt. Même maintenant, un revers droit venait vers elle.

Les attaques se déplaçaient si vite qu’elle ne pouvait pas les suivre des yeux. Voyant les signes de son attaque arriver, elle avait levé sa main droite pour la bloquer. L’instant suivant, une douleur piquante l’avait assaillie alors qu’elle ressentait l’impact du coup.

Loki était sur la défensive, et dans une tentative de contre-attaque, elle avait mis de la force dans son poing droit. Cependant, elle n’avait jamais eu l’occasion de le brandir.

Il a encore pris l’initiative !

Elle avait bloqué son attaque, mais la suivante était déjà en route sous la forme d’un coup de pied visant son flanc.

Loki n’était pas en mesure de l’esquiver, alors elle baissa les bras et abaissa sa posture. Son corps s’était raidi alors qu’elle se préparait à l’impact — ce qui fut le cas lorsque sa jambe s’arrêta et se dirigea vers le sol à la place.

« Ah ! ? »

C’était une feinte. Le garçon avait utilisé l’élan du coup de pied pour balancer son revers dans la direction opposée.

Loki baissa la tête par réflexe et le poing tranchant effleura la nuque. L’esquive soudaine semblait excessivement réussie, car la posture du jeune garçon était complètement déséquilibrée. Elle ne pouvait pas utiliser cette technique contre les adultes, mais la carrure du garçon n’était pas très différente de la sienne. Elle poursuivit donc le bras qui était passé au-dessus de son cou pour l’attraper et le bloquer.

D’un mouvement fluide, elle s’était mise sur le garçon et lui avait serré le bras. Elle avait mis tout son poids sur son bras pour le jeter au sol. Et pourtant… au lieu de cela, il avait tiré sur son bras, pliant son corps de lui-même, changeant de force sa posture. Le temps qu’elle le réalise, Loki était à l’envers. Le bras auquel elle s’était accrochée avait maintenant attrapé son col. Elle s’attendait à être projetée la tête la première sur le sol, mais à la place…

Juste avant qu’elle ne s’écrase contre le sol, le garçon avait enchaîné avec un coup de pied. Bien qu’elle s’en soit protégée en croisant les bras, elle avait quand même rebondi sur le sol. Heureusement, le sol et les murs étaient rembourrés, donc elle n’avait pas été particulièrement blessée. Cela dit… elle l’avait regardé fixement depuis son état d’effondrement.

Je n’ai aucune chance.

C’était une défaite écrasante. Elle n’avait pas eu la moindre ouverture qu’elle aurait pu exploiter. C’est dire à quel point l’écart de force était grand entre elle et le garçon de son âge. Même elle devait admettre la différence entre eux. Loki avait complètement perdu, mais elle regardait toujours le garçon. Le guide de son futur entraînement.

En la voyant comme ça, le garçon avait pensé qu’elle acceptait sa perte et était partie sans rien dire.

À partir de ce jour, il se dressa sur le chemin de Loki alors qu’elle s’efforçait de s’entraîner, avec lui comme objectif… et elle continuait à perdre contre lui. Elle se donnait à fond dans son entraînement pour pouvoir un jour vaincre le garçon dont elle ne connaissait même pas le nom. Et avant qu’elle ne le sache, le dos du garçon était devenu une force motrice majeure pour elle.

Cela n’avait pas changé, même après être devenue sa partenaire plus tard. Elle n’avait pas non plus relâché ses efforts pour se rapprocher de lui. Elle avait continué à poursuivre ce dos qui grandissait toujours plus. Jusqu’au jour où elle pourrait rembourser sa dette, elle désirait simplement rester à ses côtés.

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Partie 2

Histoire 3 : Deux oiseaux en cage

Le centre de l’autorité d’Alpha, la jeune dirigeante, était actuellement dans sa chambre, submergée par le travail officiel. Ses magnifiques vêtements ne faisaient qu’accentuer son attrait. Assise à son bureau, Cicelnia se frotta les épaules en regardant le grand nombre de documents. La famille Arlzeit avait longtemps résidé dans le palais royal, qui abritait également le corps politique de la nation. Cependant, il ne servait pas de résidence aux nombreux politiciens, mais plutôt de bureau.

La souveraine avait actuellement ses cheveux noirs en deux tresses, et semblait prête à travailler. Si elle en avait envie, elle pourrait effectuer des jours de travail en quelques heures seulement. Mais au lieu de cela, elle avait poussé un énième soupir en regardant les documents avec un visage aigre.

En voyant Cicelnia lutter pour accomplir son travail — ce qui était rare — le visage de la servante Rinne Kimmel s’était crispé. Elle venait juste de rentrer d’une course, mais… Cicelnia n’était pas de bonne humeur. Cela dit… cela arrivait chaque année.

« Cela ne fera pas l’affaire, le trou sera trop profond, » dit Cicelnia en tamponnant la proposition à réexaminer et en la mettant sur la pile des documents rejetés. Après un moment, elle avait reporté son regard sur Rinne.

« Alors, ce sera encore Mlle Lettie cette année ? » La souveraine était allée droit au but, et celui qui ne pouvait pas deviner ce qu’elle demandait était un assistant raté. Rinne avait été chargée de sélectionner un magicien pour la conférence annuelle des souverains. L’envoi de convocations aux Singles d’Alpha était tout à fait naturel, dans le cadre de cette coutume annuelle. En tant que démonstration de la force nationale, le magicien accompagnant le dirigeant devait être au sommet. Depuis que Cicelnia était devenue souveraine, le magicien qui l’accompagnait avait toujours été Lettie Kultunca… Cependant…

« Je… Je suis vraiment désolée. » Rinne avait rapidement baissé la tête. « Lady Lettie est en pleine mission dans le Monde extérieur et ne sera pas disponible pour la conférence. »

« … Et ? »

Le sourire qui lui avait été adressé en réponse avait fait perdre à Rinne ses mots. Il était tout à fait hors de question que personne ne l’accompagne à la conférence.

« J’ai appelé certains des Doubles, et… »

« Non, merci. Essaies-tu de m’embarrasser, Rinne ? »

« Bien sûr que non… Mais dans ce cas, alors… »

Rinne avait baissé les yeux en se rappelant le seul choix restant. L’autre Single d’Alpha.

« Amène Alus avec toi quoi qu’il arrive. Ou je n’assisterai pas à la conférence. »

« S’il vous plaît, ne soyez pas déraisonnable. J’ai fait appel à Sire Alus chaque année, mais il a toujours immédiatement refusé. »

Honnêtement, Rinne ne voyait pas du tout l’intérêt d’y aller. Alus était classé numéro 1, et il n’avait absolument aucun intérêt pour la politique. Les devoirs ou les responsabilités d’un Simple Digit ne l’émouvaient pas. Il pouvait même refuser la convocation du souverain. C’est dire à quel point le numéro 1 avait de la valeur.

Si Cicelnia avait autant d’influence parmi les sept souverains, c’est parce qu’Alpha « possédait » le plus grand magicien. Cicelnia n’irait probablement pas jusqu’à ne pas assister à la conférence, mais il serait disgracieux pour le dirigeant d’Alpha, la nation qui avait le plus accompli, d’assister à la conférence sans un Single. Rinne pouvait sentir un gros mal de tête arriver alors qu’elle se préparait à la réponse de Cicelnia.

« Rinne… Alpha a deux magiciens Singles. Si Mme Lettie n’est pas disponible, alors que faire d’autre que de demander à l’autre ? »

Elle avait levé un doigt et l’avait dit comme si c’était évident. Mais si elle pouvait faire ça, Rinne n’aurait pas eu autant de mal.

« C’est vrai. Mais… »

« Alors je compte sur toi, Rinne. »

Dans ces moments-là, les lèvres de Cicelnia étaient toujours retroussées en forme de croissant de lune. Rinne voulait suivre les ordres de son maître par tous les moyens possibles, mais elle ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir de ne pas pouvoir refuser le comportement coquet de son maître. Mais de toute façon, elle devait ramener Alus.

« Je comprends… Savez-vous où se trouve Sire Alus, Lady Cicelnia ? »

« À l’Institut, selon le gouverneur général, » dit-elle à Rinne avec une expression amusée.

« À l’Institut ? Mais… pourquoi ? Sire Alus a-t-il accepté un poste de conférencier ou d’instructeur ? J’étais sûre qu’il serait dans l’armée ou dans le monde extérieur. »

« Apparemment, ce n’est pas ça. Il s’est “inscrit” à l’Institut. »

« — ! ! C’est plutôt excentrique… Je n’arrive pas à comprendre comment les Singles pensent. »

« Amusant, n’est-ce pas ? Je me demande avec quelle expression il traverse la vie de l’Institut. Mais… Je suppose que cela ne durera pas longtemps. Alus est pareil que moi. »

« L’est-il ? »

Rinne avait un regard perplexe, se demandant comment ils se ressemblaient. Le dirigeant d’une nation et le meilleur des magiciens. Ils étaient tous deux des personnes très occupées avec de nombreuses attentes à leur égard. Elle s’était demandé pendant une seconde si Cicelnia pensait à ce genre de devoirs ou de responsabilités. Cependant, les yeux de Cicelnia s’étaient rétrécis et un mince sourire s’était formé sur son visage.

« Nous sommes tous les deux piégés dans de petites cages. » Elle tapota son bureau avec un doigt en parlant. « Bien que nous ayons des ailes splendides, nous ne sommes pas autorisés à voler à l’extérieur. On nous dit d’être heureux d’avoir des ailes, car on nous met des colliers extravagants. »

Rinne avait fixé ce sourire solitaire sur le visage de Cicelnia. Elle ne pensait pas être capable de comprendre tous les sentiments qui s’y cachaient. Mais elle avait l’impression de savoir quel genre d’individu était Alus. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’ils ne se ressemblaient pas.

Rinne croyait que Cicelnia s’était arraché ses propres ailes, résolue à rester dans sa cage jusqu’au bout. Pendant ce temps, Alus continuait à lutter et à résister, même dans sa cage. C’est pourquoi, bien qu’il ait contribué à la nation, il ne s’intéressait qu’à ce qu’il voulait lui-même et n’obéissait à personne.

Parce que ses yeux étaient fixés sur le vrai ciel bleu, dans le vrai monde.

Histoire 4 : Pour ma jeune fille

Dans un coin du domaine de la famille Fable, on pouvait voir un spectacle heureux sur la pelouse. Deux chaises étaient placées à une petite table ronde et fantaisiste, à l’ombre d’un arbre. Autour d’elle se trouvaient des fleurs colorées en pleine floraison.

« Cela fait si longtemps que nous n’avons pas été ensemble, maman ! » dit une jeune fille excitée avec un grand sourire.

« Oui, je me suis dépêché de rentrer pour toi, Fia. Je suis désolée que nous ne puissions pas toujours être ensemble. »

Assise en face de la jeune fille, Frose, la mère de Tesfia, lui avait souri en réponse.

Son travail dans l’armée était très prenant, et elle n’avait la possibilité de rentrer à la maison que quelques fois par mois. La gestion du manoir était laissée à son majordome, Selva, et les servantes élevaient son enfant. Cette mère et cette fille avaient très peu de temps ensemble, mais Frose faisait ce qu’elle pouvait pour rentrer à la maison aussi souvent que possible.

En regardant sa fille souriante, elle avait dit à Selva. « Merci pour ton travail », montrant ainsi son appréciation du majordome.

Mais il sourit simplement et répondit. « Ce n’est rien, » en baissant la tête.

Ce spectacle heureux était une chose que tous les serviteurs de la famille Fable espéraient. Tous ceux qui travaillaient ici savaient à quel point Tesfia était excitée quand sa mère rentrait à la maison. Peu importe les efforts qu’ils faisaient, ils ne pouvaient jamais être sa mère. Donc, chaque fois qu’il y avait une sortie en famille comme celle-ci, le sourire de Tesfia se répandait dans tout le manoir. Et quand cela arrivait, le cuisinier mettait ses compétences à l’épreuve et préparait plus de sucreries qu’ils ne pouvaient en finir. À l’instant, un plateau entier de gâteaux avait été apporté et placé sur la table.

Les yeux de Tesfia avaient pétillé et les préparatifs pour l’heure du thé avaient commencé.

« Uhm, Selva, je veux ça. »

« Très bien. »

Tesfia s’était imprudemment penchée sur la table et avait honteusement désigné l’un des gâteaux avec son petit doigt. Avec un sourire sur les lèvres, Selva avait calmement déplacé le gâteau vers une petite assiette. En peu de temps, il avait également servi du thé sucré pour l’accompagner. En le recevant, Tesfia avait regardé Frose.

« Vas-y, mange, Fia. Mais fais attention à ne pas trop manger. »

Tesfia acquiesça à ses paroles aimables et découpa le gâteau, concentrant tout son être sur celui-ci alors qu’elle portait un morceau à sa bouche.

« Et Maître Frose ? »

« Je vais me contenter d’un thé, » répondit Frose à la question de Selva. Le simple fait de regarder sa fille se régaler avec le gâteau était suffisant pour qu’elle se sente rassasiée.

Cependant, Selva avait l’air troublé. « Le chef cuisinier a dit qu’il avait mis tous ses efforts pour les faire, et qu’il en était très fier… »

« Argh… »

La tasse de Frose se figea au moment d’être portée à ses lèvres, et elle regarda Selva avec un vague sourire. Elle ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable, sachant que le chef cuisinier était fier de son travail. Cependant, chaque fois qu’elle rentrait à la maison, il y avait de nouvelles sucreries au menu, et il en faisait toujours plus qu’elle ne pouvait en manger. En fait, le chef de cuisine semblait se concentrer davantage sur son rôle de pâtissier que sur celui de cuisinier. D’ailleurs, les restes de sucreries étaient donnés aux domestiques du manoir.

« Alors je suppose que je vais en prendre un. »

« Compris. Je suis sûr que le chef cuisinier sera heureux d’entendre ça. »

Frose avait l’impression que Selva l’avait manipulée, mais un certain nombre d’efforts avaient été faits pour les douceurs. De plus, elle était avec Tesfia. En tant que mère, elle pouvait au moins partager une tranche ou deux avec sa fille. Elle avait l’impression d’avoir lu dans un livre que c’était ça, être une famille, et elle porta elle aussi un morceau de gâteau à sa bouche.

Peut-être parce qu’elle avait laissé l’éducation des enfants aux servantes, ou parce qu’elle avait été dans l’armée pendant trop longtemps… ou peut-être est-ce à cause de sa propre enfance solitaire, Frose avait toujours du mal à comprendre les liens familiaux. C’est pourquoi en parlant avec sa fille, elle avait presque l’impression d’être une étrangère travaillant à partir d’un manuel.

Cependant, son désir de passer plus de temps avec sa fille chaque fois qu’elle rentrait à la maison ne faisait que croître avec le temps. Après avoir passé toutes ces années à travailler, Frose était déterminée à faire de ce travail actuel son dernier. Il ne lui restait donc plus qu’à endurer un peu plus…

« D’ailleurs, jeune fille, nous avons aussi quelque chose comme ça aujourd’hui, » dit Selva, en présentant à Tesfia des gâteaux bien arrangés, mais autrement moches… C’était les premières tentatives de Frose pour faire des douceurs, et même si elle avait suivi les instructions à la lettre, le produit fini était complètement différent. Seul le parfum était similaire à ce qu’elle avait essayé de faire, bien que l’odeur des produits de boulangerie brûlés était toujours mélangée avec elle…

Selva avait soigneusement disposé ces échecs dans un petit panier. La petite main de Tesfia les avait attrapés, ignorant les objections de Frose, et elle en avait mis un dans sa bouche sans hésiter.

« Fia, recrache ça ! C’est mauvais pour toi ! »

Tesfia l’avait mâché plusieurs fois, mais ne pouvait toujours pas l’avaler. Pourtant, elle secoua la tête en entendant les paroles de sa mère.

Elle essaya désespérément de cacher son expression en la faisant descendre avec le thé. « C’est toi qui as fait ça, hein, maman ? C’est vraiment bon, » avait-elle dit avec joie. Il y avait quelques larmes dans ses yeux, mais elle allait bien sinon.

Frose se tapota la poitrine en signe de soulagement, résolue à apprendre du chef de cuisine. Et le majordome qui avait fait l’effort de mettre son nez dans les affaires des autres recevrait lui aussi une leçon de morale en ronchonnant.

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