Chapitre 18 : Sécuriser le personnel
Table des matières
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Chapitre 18 : Sécuriser le personnel
Partie 1
« Alors, comment voulez-vous travailler pour moi ? », demanda Mitsuha.
Les quatre mercenaires en face d’elle s’étaient figés. Ils étaient tous les cinq assis à une table du Paradis.
« Euh, vous voulez dire que vous voulez faire de nous votre armée, uhh… »
« En effet, vous serez les membres fondateurs et officiers. Vous répondrez directement à un commandant et dirigerez trente-six soldats. Votre salaire initial serait de cinq pièces d’or. »
« Alors ? Que voulez-vous que l’on fasse ? »
« Je n’arrive pas à y croire ! »
« Cinq pièces d’or ? ! C’est plus du double de ce qu’on gagnerait dans un mois si on faisait de l’escorte ! »
« On peut difficilement espérer plus de quatre pièces d’or en temps normal. Il semble qu’il n’y ait aucun moyen d’obtenir plus. Quand on pense qu’on peut se blesser ou tomber malade, et qu’on va vieillir, une source de revenu stable semble très intéressante. »
Wôw, mon offre est si bonne qu’elle a même fait parler Ilse !
« Cinq pièces d’or par mois nous permettraient de vivre confortablement. »
« Hein ? Oh, je voulais dire 5 pièces d’or pour chacun de vous. »
« Pour CHACUN ?! »
Maintenant que j’y pense, ce n’est pas l’équivalent de ce que gagnent les fonctionnaires des forces d’autodéfense japonaises ? Eh bien, peu importe. Je les ai subitement fait travailler pour moi, donc c’est bien.
Les mercenaires avaient commencé leur carrière dans un petit village rural, ils n’avaient donc pas peur de travailler dans un endroit similaire. Ils rêvaient d’économiser assez d’argent pour ouvrir une boutique dans la capitale, ce qui semblait être un objectif assez tangible, surtout avec les augmentations qu’ils pourraient obtenir à l’avenir.
◇ ◇ ◇
« Veux-tu donc travailler pour moi ? »
« Travailler pour toi ?! »
Cette fois, Mitsuha était dans la maison de Colette.
Je veux dire, je ne peux pas laisser ses talents être enterrés dans ce village paumé, hein ?!
« Mitsuha, tu es devenue vicomtesse ? »
« Oui. Le roi lui-même m’a fait devenir vicomtesse. »
Tobias et Erene frissonnèrent.
« Mais Mitsuha, Colette est encore une enfant. Si tu l’emmènes, on risque de ne plus jamais la revoir ! »
« Exact, j’ai oublié de préciser que mon comté est juste à côté de celui-ci ! D’ici, c’est même plus proche que la capitale de ce comté. »
« Oh, ne me dites pas… »
Une fille du village qui se mettait au service d’un noble, cela ne se voyait que dans les contes de fées. Cette nuit-là, le village organisa une fête somptueuse pour célébrer l’ascension rapide de Colette dans le monde. Mitsuha fit également son entrée dans le panthéon local en tant que déesse des changements terrestres. Au cours de cet événement extrêmement inhabituel, de simples villageois firent la fête aux côtés du seigneur d’un comté voisin.
Il faut également mentionner que les villageois avaient entendu parler de la bataille à la capitale, mais ils savaient seulement que la star du spectacle était une personne appelée « archiprêtresse de la foudre ». Ils ne savaient donc pas que cette archiprêtresse était devenue une noble — une vicomtesse, en plus — ou que ses terres étaient juste à côté des leurs. Les habitants du comté de Yamano étaient tout aussi ignorants, même s’ils servaient l’archiprêtresse elle-même.
« Hé, veux-tu aussi me prendre comme serviteur ? », demanda l’un des villageois.
« Ahaha, eh bien… »
« Dire que Colette va servir un noble. La vie est vraiment pleine de surprises ! », s’émerveilla un autre.
« Hein ? Euh, je ne l’engage pas comme servante. Je pense lui apprendre toutes sortes de choses pour qu’elle devienne ma vassale. »
« Ta QUOI ?! »
◇ ◇ ◇
Après avoir quitté le village de Colette, Mitsuha rassembla des gens dans la capitale. Elle n’avait cependant pas mentionné son nom, elle avait simplement dit qu’il y avait une demande de commerçants dans un comté rural. Elle avait besoin de forgerons qualifiés, de charpentiers ou de charpentiers de marine capables de construire au moins de petits bateaux de pêche, de personnel de santé, etc.
Elle était même allée voir le professeur de Yorck le scientifique, Platidus. En mettant de côté l’échec total de la mission de Yorck, elle avait noté que son professeur semblait perspicace et avait une position agréable sur les questions scientifiques. Platidus s’avérait avoir un sens aigu de la déduction, il avait déjà conclu que l’archiprêtresse et la vicomtesse Yamano étaient une seule et même personne. Il avait donc fait tout son possible pour lui parler personnellement. Ses élèves se méfiaient d’elle, probablement à cause de ce que Yorck avait pu leur dire.
« C’est pourquoi le taux d’humidité dans l’air change beaucoup en fonction de la température. »
« Je vois. »
« En prenant de l’altitude, la pression atmosphérique diminue et la température aussi. C’est ce qui provoque ce phénomène… »
« Et quand les conditions sont… »
« Oh, alors ça se passe comme ça, et… »
« Mhm, mhm. »
Mitsuha et Platidus s’étaient entendus en quelques minutes. Elle était impressionnée par tout ce que les scientifiques de ce monde pouvaient observer et discerner sans aucun équipement avancé. Elle avait même fait don de dix pièces d’or pour les aider dans leurs recherches, en leur disant de la contacter s’ils prévoyaient d’utiliser leurs découvertes pour développer quelque chose de pratique.
Au fur et à mesure que la rumeur disant que Mitsuha cherchait de nouvelles recrues se répandait, le nombre de bouffons confus et d’escrocs intrigants qui voulaient devenir vassaux ou trésoriers augmentait. Elle écarta les premiers en demandant des lettres de recommandation du roi, et chassa les seconds après avoir testé leurs compétences en mathématiques.
Soupir. Ils ne pouvaient pas en résoudre une seule.
Heureusement pour elle, il n’y avait pas de tels délinquants parmi les candidats aux postes techniques, et elle avait même organisé quelques entretiens. Cependant, chacun avait ses propres problèmes. Certains n’étaient manifestement pas compétents, d’autres ne prenaient pas l’entretien au sérieux parce que leur interlocuteur était une petite fille, et d’autres encore étaient conscients de qui elle était et ils ne pouvaient pas contrôler leur étourderie. Au final, elle n’avait pas trouvé une seule personne qui convenait pour le poste.
Si l’on y réfléchit bien, les experts qui sont à la fois compétents et sympathiques ne chercheraient pas de travail. Je suppose que je vais tenter ma chance dans mon propre pays. Oh, et je devrais ouvrir le magasin et vendre du shampoing.
◇ ◇ ◇
Quelques jours après son retour de la capitale, son majordome l’avait approchée avec une expression compliquée.
« Dame Mitsuha, vous avez un invité. »
« Qui est-ce ? »
« Euh, c’est August, le premier fils de l’ancien seigneur. »
Oh, mon Dieu. Cette rencontre va me donner un mal de crâne. Néanmoins, je ne peux pas simplement le rejeter sans le rencontrer.
« Emmenez-le dans la salle de réception. »
Une fois qu’ils s’étaient rassemblés, son invité indésirable s’était présenté.
« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis August von Tomsen, le premier né du baron Tomsen. »
« Hein ? »
Il n’est pas sérieux, pensa-t-elle.
« Qu’est-ce qui vous amène ici ? »
Mitsuha n’avait pas l’air impressionnée, ce qui prit August un peu au dépourvu.
« C’est vrai. Vous voyez, j’ai appris que notre terre avait été héritée par une jeune femme, alors je suis venu ici avec l’intention de vous montrer les ficelles du métier. Après tout, ça doit être difficile sans vassaux. »
Oh, j’ai compris. Il veut devenir un vassal, puis se marier dans la famille pour redevenir un noble — un vicomte, en fait — et ramener sa famille à son ancienne gloire.
« Je veux dire, je n’ai pas vraiment besoin de votre aide. J’en ai plus qu’assez avec mes serviteurs. »
« Euh, pardonnez-moi, mais vous devez vous tromper. Il y en a qui se sont avérés tout à fait inutiles, non ? Vous devez sûrement apprendre à utiliser ceux qui sont dignes de confiance, comme Gunther, pour les contrôler correctement. »
« Hein ? Vous avez fait confiance à ce serpent ? Voyez-vous, c’est pour ça que votre famille était si désespérée. Ce type était si manifestement corrompu que cela n’en était même pas drôle. Je l’ai viré avec les cinq autres indésirables il y a longtemps. »
« Vous… quoi ? »
August était à court de mots.
« Et aussi, la famille Tomsen a perdu son rang. Vous êtes juste des roturiers maintenant. Pourquoi vous dites-vous fils de baron et mettez-vous “von” dans votre nom ? Prétendre faussement être un noble est un crime, non ? »
« Oh, j’ai simplement dit cela pour vous aider à comprendre mon rôle en tant qu’ancien… »
« Silence ! Willem ! Arrêtez cet imposteur traître ! C’est un criminel qui a délibérément fait du tort à Sa Majesté le roi et à tous les nobles de ce pays ! », dit Mitsuha en criant.
August tenta de se défendre, mais un noble garçon choyé comme lui n’avait aucune chance contre un mercenaire aguerri. Il avait rapidement été capturé et ligoté.
« Lâchez-moi ! Pour qui me prenez-vous ? Anton ! Fais quelque chose ! »
Le majordome lui répondit d’un ton aussi froid que la glace.
« Tu dois être confus. Tu n’es qu’un roturier nommé August. Je suis un fidèle serviteur de son Excellence la Vicomtesse Mitsuha von Yamano. »
« Hein ? »
Les yeux d’August parcoururent la pièce. Il vit les personnes qui servaient sa famille, le regardant au mieux sans expression, au pire avec dédain.
Son corps était devenu mou, et les serviteurs l’avaient traîné dehors.
« Hmm, je n’ai pas encore de soldats. Que dois-je faire de lui ? », murmura Mitsuha.
Oh, je sais.
« Anton, envoie un messager aux Bozes. Dis-leur que nous avons un roturier traître et qu’on a besoin de soldats pour l’escorter jusqu’à la capitale. »
« Cela sera fait. Mais… »
« Mais quoi ? »
« Le comte fera-t-il vraiment une telle chose sans compensation ? »
Oh, il ne sait toujours pas.
« Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Lui et moi sommes de proches connaissances. Envoyez juste un messager. »
« Certainement. Je m’excuse de mon impertinence. »
Le messager revint deux jours plus tard, signalant que les soldats d’escorte seraient là le jour suivant. Le comte avait également proposé d’envoyer quelques-uns de ses hommes pour lui servir de gardes du corps afin d’éviter de futurs visiteurs indésirables, mais elle avait poliment refusé.
« Dame Mitsuha, vous avez un invité. »
Anton avait l’air épuisé.
J’ai un mauvais pressentiment à ce sujet.
« Qui est-ce ? »
« Il prétend être le second fils de l’ancien seigneur, Burckhardt von Tomsen. Et il l’est certainement. »
J’ai mal à la tête.
« Willem, sautons les formalités. Allez juste l’attacher. »
Le mercenaire fit un sourire : « Au moins, nous pourrons les renvoyer tous les deux en même temps. »
À ce moment-là, une question particulière lui vint à l’esprit.
« Hé, Anton, combien d’enfants a l’ancien seigneur ? »
« Trois fils et deux filles, mademoiselle. »
Vous vous moquez de moi !
◇ ◇ ◇
Finalement, le groupe de Sven arriva. Mitsuha avait supposé qu’ils auraient déjà vendu leur remorque à vélo, mais ils l’avaient en fait traînée avec eux pendant tout le trajet. Tout bien considéré, cependant, cet exploit n’était pas aussi impressionnant que celle de l’armée du comte Bozes voyageant jusqu’à la capitale et revenant en tenue de combat.
Mitsuha commença par les présenter à Willem. Elle leur donna ensuite les noms des trente-six premières recrues.
Vous pouvez vous occuper du reste ! Bonne chance !
Elle ne croyait pas vraiment qu’un peu d’entraînement suffirait aux villageois pour gagner contre les bandits. Son armée de fortune de deux cents hommes aurait pu vaincre quelques dizaines de bandits, mais ce serait une victoire à la Pyrrhus, avec de nombreuses victimes et le risque de détruire le moral et l’économie de tout le comté. Bien que les armer de fusils puisse empêcher cette issue, les munitions et l’entretien dépendraient uniquement de Mitsuha, et les fusils deviendraient rapidement inutiles si elle n’était plus présente.
Mitsuha décida d’apprendre à quelques personnes sélectionnées à manier les SMG et à changer leurs chargeurs. Ils n’utiliseraient les armes qu’en tant qu’outils d’apprentissage, elle ne les utiliserait que si cela s’avérait nécessaire. Elle avait déjà un arsenal d’urgence dans la base de Wolfgang, il lui suffirait de le transporter. Mitsuha avait même envisagé d’engager à nouveau les mercenaires si les circonstances l’exigeaient. Elle avait décidé de consulter le capitaine sur de telles possibilités à l’avenir.
Les arbalètes étaient également une option. Mitsuha se demandait s’il serait possible d’en fabriquer de simples dans ce monde.
Mince, je veux un forgeron compétent. J’ai besoin d’outils agricoles, d’accessoires de navires et d’outils à fabriquer en interne. Cela nous aidera certainement à nous développer. Je pourrais probablement obtenir du fer en le faisant venir du Japon. Je n’en ai pas besoin d’autant, et je ne veux pas nuire à l’environnement. Comme d’habitude, je privilégie la qualité à la quantité. Je vais certainement vouloir de cet acier japonais qui est fait de sable de fer. Je vais aussi avoir besoin d’un four à tatara et de beaucoup de bois, non ? Hmm, et le titane ? Non, on ne peut probablement pas travailler avec ça dans ce monde.
***
Partie 2
Bientôt, Colette arriva dans le comté de Yamano. Pour être précis, c’était Mitsuha elle-même qui l’avait escortée. La jeune fille aurait pu facilement être attaquée par des loups ou des bandits, Mitsuha ne pouvait donc pas la laisser faire le voyage toute seule. Au final, elle avait emmené Willem au village de Colette pour la récupérer.
Quant au groupe de Sven, il était occupé à former les villageois.
« Wôw, alors tu es vraiment une vicomtesse ! » dit Colette avec des yeux brillants.
C’est quoi ce bordel, Colette, tu ne m’as pas crue ?!
Notre comté avait maintenant des gardes qui faisaient office d’entraîneurs, beaucoup de recrues, et un sourire innocent pour leur remonter le moral. Satisfaite de tout cela, Mitsuha reporta son attention sur la manière de réformer ses terres.
Devrais-je utiliser le système des trois champs ? La rotation des cultures ? Le système à quatre champs ? Le système à trois champs est meilleur pour les périodes de transition, alors peut-être que je devrais juste commencer avec Norfolk ? Non, non, non. Je vais demander à un professionnel. Des pois verts, c’est ça ?
Mitsuha était assez triste du fait qu’ils n’aient pas trouvé de ressources naturelles qui valent la peine d’être creusées. Elle avait aussi l’industrie de la pêche à considérer, mais ils avaient besoin de navires appropriés pour s’améliorer dans ce domaine. Pour l’instant, sa priorité était d’acquérir des connaissances et des informations. Elle avait décidé de consacrer plus de temps à la lecture de livres et à l’exploration d’Internet.
Avant de faire de vrais mouvements, je vais avoir besoin de plus de serviteurs.
Mitsuha réfléchissait à qui prendre pour son comté et comment. Les pots-de-vin et les faux sont monnaie courante dans ce monde, donc les références et les recommandations sont généralement peu fiables. Pour autant qu’elle le sache, elle ne pouvait se fier qu’aux recommandations de personnes de confiance et à son propre jugement lors des entretiens, mais même cela pouvait être détourné si la personne interrogée avait de bons talents d’acteur.
Le comte proposa à Mitsuha de lui prêter ses propres vassaux, mais elle refusa. Il avait déjà Alexis à soutenir, et Mitsuha était susceptible de faire un certain nombre de choses que les vassaux trouveraient… peu orthodoxes. De plus, et bien qu’elle fasse confiance au comte Bozes, elle ne se sentait pas tout à fait à l’aise sur le fait de lui laisser savoir tout ce qui concernait son territoire.
Mitsuha avait besoin d’un trésorier, d’un superviseur pour la pêche et l’agriculture, d’un responsable du bien-être et de deux servantes. Elle supposait qu’Anton et les autres serviteurs connaissaient une ou deux candidates prometteuses, mais elle ne voulait pas passer à côté de candidates potentielles dans le reste du comté.
La trésorerie, la pêche et l’agriculture avaient été gérées par trois des six serviteurs que Mitsuha avait renvoyés et un de ceux qui restaient. Cependant, ils s’étaient tous principalement concentrés sur la taxation, la liquidation et les activités illégales; ils ne savaient pas comment faire croître les industries. Il était assez difficile de trouver la bonne personne pour ces emplois.
Elle avait espéré pouvoir trouver des candidats parmi les artisans de la capitale, mais ses recherches n’avaient pas été fructueuses. Elle avait besoin de personnes qui n’étaient pas seulement compétentes, mais qui avaient aussi un esprit ouvert et une large perspective, mais elle savait très bien que personne de ce genre ne serait pas sans emploi.
Je m’en ficherais même s’ils étaient un peu bizarres. Il peut y avoir des gens vraiment talentueux qui sont un peu trop étranges pour être embauchés par des établissements normaux. Si seulement il y avait un endroit où je pourrais trouver des gens comme ça… Attends ! Je sais exactement où chercher ! Une véritable ruche de cinglés bien équilibrés : l’école de scientifiques de Platidus !
Leur espace de recherche était peut-être particulier, mais il était légitime, et Mitsuha était certaine qu’ils sauraient où elle pourrait trouver des personnes aussi enthousiastes et farfelues qu’eux. « Qui se ressemble s’assemble », dit-on.
Je vais aller leur parler tout de suite. Je suis déjà en bons termes avec le vieil homme responsable de l’endroit, alors ce sera un jeu d’enfant.
Ses trouvailles furent presque instantanées. Son premier candidat était un métallurgiste qui avait été renvoyé de son apprentissage pour avoir refusé d’écouter son maître et s’être livré à des activités hors normes. Il était maintenant à moitié fauché, travaillant jour après jour pour joindre les deux bouts tout en essayant de faire des recherches à côté. Platidus lui avait dit qu’il venait souvent commander des choses dont il avait besoin pour ses études indépendantes.
Il montra à Mitsuha les inventions de l’homme et lui parla un peu de lui. Elle avait rapidement conclu que le métallurgiste était un fanatique de technologie stéréotypé, compétent et avec quelques bonnes idées. Mitsuha demanda à Platidus d’organiser une rencontre entre eux.
L’autre personne que Mitsuha pensait utiliser était l’une des disciples de Platidus. La fille se distinguait parmi ses étudiants par son intérêt pour la sociologie plutôt que pour la science. Elle n’était pas tout à fait à sa place à cause de cela, mais elle était douée avec les chiffres et ferait certainement une bonne conseillère. Selon Platidus, elle n’était pas une mauvaise disciple, mais il lui semblait qu’ils n’étaient pas souvent sur la même longueur d’onde, et il pensait que Mitsuha pourrait l’aider à briller. Rien n’avait encore été dit à la fille en question, mais Mitsuha avait aussi demandé un entretien avec elle.
Le jour des entretiens était rapidement arrivé. Le métallurgiste s’appelait Randy, il avait vingt-trois ans. La description de Platidus était exacte, et Mitsuha n’avait aucun problème avec sa personnalité. Il ressemblait un peu à ces maniaques de la technologie qui ne travaillaient pas bien avec les autres. Mais surtout, il était vraiment bon dans ce qu’il faisait.
Je vais vraiment embaucher celui-là, pensa Mitsuha.
Et bien qu’elle ne pense pas pouvoir lui confier des rôles de gestion, il était certain qu’il excellera en tant qu’artisan. En fait, il semblait complètement ouvert aux nouvelles idées, ce qui en faisait peut-être un meilleur choix pour Mitsuha que le maître artisan moyen. Elle pouvait même compter sur lui pour fabriquer des produits en utilisant la technologie de la Terre.
La suivante était la disciple de Platidus, Miriam. Elle avait une personnalité contagieuse et était une penseuse rapide avec une grande perception. Avec son intérêt pour la sociologie, elle serait une bonne candidate pour un rôle politique. Sa maîtrise des mathématiques ne semblait pas aller avec le reste de sa personnalité, mais elle faisait d’elle une parfaite trésorière.
Ouaip, elle a le poste.
Platidus était aussi heureux de leur embauche que les deux personnes interrogées elles-mêmes. Ils étaient à un point stagnant de leur vie, et même s’ils devaient maintenant voyager à la campagne, ils utiliseraient leurs meilleures compétences sous l’emploi d’une vicomtesse. Leur joie était à prévoir. Mitsuha leur avait dit de se rendre au comté de Yamano dès que possible, et les deux s’étaient précipités pour se préparer.
Ils devront probablement tout expliquer à leurs parents, pensa Mitsuha.
Platidus lui avait suggéré de prendre aussi Yorck, mais elle avait immédiatement refusé. Mais il ne savait pas trop pourquoi. Yorck lui avait dit qu’il avait été mis à la porte parce que Mitsuha n’avait pas été capable de comprendre ce qu’il disait. Platidus en avait parlé à Mitsuha et l’avait supplié de lui donner une autre chance.
Oh, non il ne l’a pas fait, pensa Mitsuha avant de lui dire la vérité.
Elle lui avait tout expliqué, depuis ce qui s’était passé dans la voiture jusqu’aux théories de Yorck, notant à quel point elles étaient basiques et assurant Platidus qu’elle les connaissait déjà elle-même, et qu’elle aurait pu déblopper davantage si elle l’avait souhaité.
Mitsuha ne pouvait pas non plus faire confiance à un scientifique qui déformait la réalité pour son profit personnel. Peu importe combien elle était riche, elle ne lui donnerait pas une seule pièce d’argent. De plus, s’il avait essayé de vendre ses semblables pour sauver sa peau une fois, il le ferait certainement à nouveau. Dans un raid de bandits, il serait plus dangereux que les bandits eux-mêmes.
De plus, Platidus avait révélé qu’il n’avait pas envoyé Yorck pour devenir un conférencier invité, mais simplement pour lui demander de devenir un mécène et de faire un don à leur école. En réalisant que la vicomtesse n’était qu’une petite fille, Yorck avait décidé de profiter de sa position.
Il a donc aussi déformé les intentions de son professeur et menti à un noble… C’est une double peine.
Mitsuha demanda à Platidus de ne pas utiliser ne serait-ce qu’une fraction de l’argent qu’elle avait donné pour les recherches de Yorck, et le vieil homme, qui se sentait quelque peu mal à l’aise, avait simplement hoché la tête en réponse.
Après leur conversation, elle fit un saut dans son monde pour retourner dans son comté, fière des progrès qu’elle faisait dans ses efforts d’embauche. Elle commençait à s’inquiéter du fait que l’utilisation imprudente de son pouvoir pourrait conduire à ce que quelqu’un le découvre, mais c’était tout simplement trop pratique.
De plus, comme il y avait une semaine de distance entre son territoire et la capitale, il était difficile pour quiconque de savoir où elle était et quand. Selon toute vraisemblance, personne n’y avait pensé au-delà de « Oh, elle est encore là » ou « Oh, elle est de retour. »
Je vais juste essayer de ne pas trop y penser.
Et même si quelqu’un se rendait compte qu’elle avait voyagé instantanément, elle avait des moyens de le faire oublier. Elle pourrait simplement dire quelque chose du genre : « La voie normale était pénible, alors j’ai utilisé la traversée. » D’un autre côté, le comte Bozes et Dame Iris lui reprocheraient inévitablement de ne pas avoir pris soin de sa force vitale.
Ce mensonge était-il une erreur ? Mais si elle n’avait pas dit quelque chose comme ça, elle aurait eu des nobles et des marchands qui m’auraient demandé l’accès à son pays chaque heure du jour. Ça aurait été bien pire.
◇ ◇ ◇
Au moment où Mitsuha était retournée dans son comté, les serviteurs avaient dressé une énorme liste de candidates à la fonction de domestique, sur la base de leurs propres recommandations. Des gens de partout avaient entendu dire qu’elle était une bonne maîtresse. Attirées par la perspective d’être la servante d’une vicomtesse qui n’aurait pas à faire face aux abus d’un seigneur — ou pire, devenir sa maîtresse — elles avaient postulé pour le rôle.
Dans un grand comté comptant des dizaines de milliers de personnes, obtenir un emploi dans la maison du seigneur régnant serait comme gagner à la loterie, mais ce n’était pas tout à fait le cas lorsqu’il n’y en avait que quelques centaines. Alors que les terres d’un vicomte typique accueillent plusieurs milliers de citoyens, ces terres appartenaient auparavant à un simple baron. Avec un nombre relativement faible de personnes, les chances de devenir le serviteur du vicomte étaient beaucoup plus élevées, et les gens avaient donc afflué pour postuler.
Même certaines personnes du village de Colette voulaient que Mitsuha les engage. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de prendre trop de personnes d’autres comtés. Colette était sa sauveuse et une amie chère, et Mitsuha était allée voir le Comte Bozes personnellement pour lui demander si elle pouvait prendre la fille sous son aile, bien qu’elle ait gardé secrets les véritables talents de Colette. Tout dirigeant souhaiterait garder les personnes talentueuses pour l’amélioration de son propre territoire. Après tout, qui voudrait voir un capital humain précieux quitter ses frontières ?
Heheheh. Comte Bozes, dans quelques années, vous regretterez vraiment d’avoir laissé partir Colette !
Quoi qu’il en soit, Mitsuha avait une tonne de candidates parmi lesquelles choisir. Les servantes qu’elle avait renvoyées comprenaient la responsable des servantes et la préposée personnelle de l’ex-seigneur aussi. Cette dernière avait pensé que son rôle était la preuve qu’elle était une « bonne d’élite », et que cela lui donnait l’impunité. Ses transgressions comprenaient le fait d’emporter de la nourriture et des fournitures comme si c’était les siennes, ainsi que d’agir comme si elle était au-dessus de Mitsuha. Elle avait même été jusqu’à dire : « Je te laisse partir avec un avertissement » avant de partir.
Selon les autres servantes, elle était la préférée du baron et de la baronne. Ils lui avaient même permis de gronder et de discipliner leurs enfants. Mais sous le règne de Mitsuha, rien de tout cela n’avait d’importance, et la femme de chambre du baron avait mérité son expulsion.
Bon sang, je suis le vrai chef ici, pas un enfant ! Elle pense qu’elle peut me regarder de haut ? ! Merde ! Au moins, j’ai pu apprécier la tête qu’elle a faite quand je l’ai virée. C’était inestimable.
Mitsuha avait envisagé d’embaucher deux servantes standards. Elle avait également envisagé de supprimer les spécialisations des domestiques. Pour faire simple, elle ne voyait pas l’intérêt de les diviser en préposés, femmes de ménage, et ainsi de suite. Le système semblait seulement créer une hiérarchie inutile entre elles. Ce n’était pas franchement un métier très spécialisé, il semblait donc préférable de se débarrasser de la différenciation et de les laisser toutes faire diverses tâches.
***
Partie 3
Comme Mitsuha n’avait pas de famille, elle n’avait pas besoin d’un assistant direct. En fait, elle ne pourrait pas avoir l’esprit tranquille si quelqu’un s’occupait d’elle en permanence. Les servantes seraient contrariées de perdre leur position « supérieure », mais Mitsuha ne voyait aucune raison de maintenir l’illusion que les servantes qui s’occupaient des nobles dirigeants et de leurs invités étaient meilleures que les autres.
Mitsuha supposait que les plus jolies servantes avaient été assignées comme assistantes afin qu’elles puissent devenir les concubines du seigneur. Si cela avait été une terre de vicomte, le rôle aurait été rempli par des filles de barons ou des filles de grandes familles de marchands pour « apprendre l’étiquette de la haute société ». Cependant, il s’agissait simplement d’une terre rurale d’un baron, et les roturières étaient le mieux qu’on pouvait obtenir. Il n’y avait même pas de grands marchands à trouver dans la zone.
Bref, j’ai besoin de deux ou trois servantes « normales ». Je verrai si quelqu’un semble assez bien pour le travail.
Bientôt, le jour des entretiens avec les servantes arriva. Certaines avaient été recommandées par ceux qui travaillaient déjà pour Mitsuha, mais elle n’avait pas l’intention de faire du favoritisme. Elle avait demandé que les référents examinent les documents de ces candidates pour détecter toute fausse information. Naturellement, ce serait mauvais pour eux s’ils finissaient par recommander quelqu’un qui avait menti dans sa demande. Mitsuha avait donc estimé qu’elle pouvait faire confiance à l’intégrité de ces candidats un peu plus que les autres. Ce n’était rien de plus que cela.
De façon inattendue, il n’y avait pas beaucoup de recommandations. Bien que les serviteurs actuels avaient probablement voulu aider leurs amis à obtenir un bon emploi, ils seraient responsables si ces derniers commettaient des actes répréhensibles après leur embauche. Le seul avantage, si tout se passait bien, serait la gratitude du nouvel employé. Il y avait aussi la possibilité que la personne recommandée puisse s’élever au-dessus de son statut, ce qui serait au mieux désagréable. En dehors de leurs propres frères et sœurs, ils n’étaient pas susceptibles de recommander quelqu’un d’autre.
Il y avait un total de 47 candidates. Le comté de Yamano comptait 676 personnes au total, dont 322 hommes et 354 femmes.
Y a-t-il plus de femmes parce que les hommes ont tendance à avoir des accidents ou à mourir en chassant ? Y a-t-il eu une guerre récemment ? Les femmes de la région sont-elles plus fortes et ont-elles donc pris le dessus ? Ou est-ce que c’est juste arrivé de cette façon ?
Mince, est-ce que toutes les femmes entre l’adolescence et la trentaine sont ici, ou quoi ? À cet âge, elles devraient déjà travailler ou aider au commerce familial. Elles sont vraiment prêtes à abandonner pour ça ? Je suppose que travailler pour une vicomtesse est juste attirant. Hmm, maintenant j’ai l’impression qu’il n’y avait aucun intérêt à demander des recommandations à mes serviteurs. Il est temps d’éliminer les mauvais éléments !
« Je souhaite apprendre beaucoup de choses ici, donner le meilleur de moi-même, et… »
Ça semble louable, mais je ne te paye pas pour polir tes compétences de femme de chambre. Colette est un investissement qui me sera probablement bénéfique dans le futur, mais je ne gagnerais rien à investir dans une femme de chambre. Tu as l’intention de t’améliorer ici, puis d’aller dans un meilleur endroit ? Tu es censée montrer ce que tu peux donner à l’employeur, pas ce que tu pourrais gagner. Tu dois faire en sorte que l’embauche en vaille la peine. Ce n’est pas un programme de formation professionnelle ou une école quelconque.
« J’en ai assez entendu. Suivante ! »
« S’il vous plaît, attendez ! J’ai encore tellement de choses à dire sur moi ! »
Vous êtes censée le faire pendant que l’interviewer vous pose des questions, et y répondre de la meilleure façon possible. Dire ce que vous voulez après la fin de l’interview est contraire aux règles, comme jeter pierre, papier ou ciseaux une seconde en retard. Je n’ai pas besoin de quelqu’un qui veut parler quand les choses sont déjà terminées.
« Je veux que vous sachiez à quel point je suis ambitieuse et motivée. »
Hé, je n’ai pas besoin de quelqu’un qui vient à un entretien sans ces choses ! Tout le monde ici veut être embauché ! Vous pensez sérieusement que vous êtes spéciale ?
« J’ai eu une fois un rôle important en travaillant pour une famille de marchands dans la capitale et… »
« Hein ? Alors pourquoi avez-vous démissionné ? S’il y avait une raison de vous libérer d’un rôle important, ne pensez-vous pas qu’il serait difficile de vous faire embaucher ici ? »
« Err, quoi ? Non, je veux dire… Une fois, la famille d’un comte m’a convoqué pour travailler pour eux ! »
« Oh ? Alors, pourquoi venir chez une vicomtesse ? Vous devriez accepter cette offre, non ? »
« Eh bien, hum, j’ai refusé. »
« Vraiment ? Eh bien, si vous n’êtes pas satisfaite de travailler pour un comte, vous le serez encore moins avec une vicomtesse. J’espère que vous serez convoquée par un marquis la prochaine fois. La prochaine fois ! »
Mitsuha sentait qu’elle aurait bientôt une base de données de toutes les femmes du comté de Yamano avec leurs traits de caractère, comme « menteuse » ou « indigne de confiance ». Elle prenait des notes, ainsi que l’enregistrement de chaque entretien.
« Je suis Noëlle, numéro 26. »
La fille qui se tenait en face de Mitsuha semblait avoir l’âge de Colette, mais elle devait être plus âgée, étant donné que l’âge minimum pour postuler était de dix ans, et que Colette en avait huit. La fille semblait même légèrement plus petite qu’elle. Elle avait des cheveux argentés et une aura de mansuétude autour d’elle.
« Pourquoi voulez-vous travailler pour moi ? », demanda Mitsuha.
La réponse de Noëlle avait été brève, mais percutante.
« Je serais vendue si je ne le faisais pas. »
Ouah, c’est du lourd, pensa Mitsuha.
◇ ◇ ◇
Quelque temps plus tard, les entretiens étaient terminés et toutes les candidates étaient parties. Les résultats seraient donnés à une date ultérieure. Mitsuha devait encore vérifier si elles disent toutes la vérité.
Les techniques d’entretien de toutes les candidates firent que Mitsuha pensa qu’il devait y avoir une sorte de cours accéléré d’entretien de femme de chambre dont elle n’avait pas entendu parler. Elle avait rencontré une variété de réponses à maintes reprises, y compris — mais pas seulement — « S’il vous plaît, écoutez-moi une dernière fois », « Je veux transmettre mon enthousiasme », « J’avais l’habitude de faire ceci et cela », « J’ai fait du travail de charité », « J’ai déjà quitté mon emploi », « Je veux m’améliorer », et ainsi de suite.
Chaque fois qu’elle avait entendu l’une de ces réponses classiques, elle avait dû se retenir de dire quelque chose du genre « Vous êtes la sixième personne à utiliser cette technique ! ». N’importe qui pouvait cueillir ces fruits à portée de main, et il fallait s’attendre à ce qu’un intervieweur digne de ce nom en voie la répétition après avoir parlé avec des dizaines de personnes.
Personnellement, je ne veux pas entendre leurs techniques et stratégies minables, mais leurs propres mots, même s’ils sont maladroits. Les façades et les belles paroles ne vous aideront pas à obtenir un travail de ma part. Je vais choisir parmi celles qui n’ont parlé qu’avec honnêteté. Je veux dire, ça pourrait être un défaut de caractère, mais je les préfère quand même.
Au final, Mitsuha embaucha quatre bonnes : Noëlle, qui avait dix ans; Ninette, douze ans; Paulette, dix-sept ans; et Rachel, vingt-sept ans. Le fait que la majorité d’entre elles soient adolescentes s’explique facilement : la plupart des personnes âgées de plus de dix-sept ans étaient mariées, et la plupart des candidates étaient adolescentes.
Mitsuha avait envisagé d’en embaucher cinq au total — ce qui était bien plus que ce qui était prévu — car elle voulait toutes les bonnes personnes qu’elle pouvait obtenir. Cependant, au cours de l’enquête qui avait suivi l’entretien, l’une d’entre elles s’était avérée être une menteuse et avait été instantanément écartée. La vérité qu’elle cachait n’était pas quelque chose que Mitsuha ne pouvait pas tolérer, mais elle avait échoué juste parce qu’elle avait essayé de lui mentir.
Bien que Mitsuha ressente de la sympathie pour Noëlle, ce n’était pas la seule raison pour laquelle elle avait choisi la jeune fille. Noëlle avait montré qu’elle avait les compétences requises pour le poste. Même si elle ne l’avait pas fait, Mitsuha serait intervenue pour régler le problème de la jeune fille en tant que chef locale. Noëlle était vive d’esprit, perspicace, et avait une excellente mémoire. Elle avait clairement l’étoffe d’une bonne servante, et Mitsuha espérait qu’elle et Colette pourraient devenir amies.
De plus, les mots de Noëlle concernant sa « vente » avaient poussé Mitsuha à mener une enquête approfondie, à la recherche d’un potentiel trafic humain sur son territoire. Cependant, elle découvrit que Noëlle n’aurait pas été vendue comme esclave, mais plutôt envoyée comme apprentie chez un marchand dans un comté assez éloigné, ses parents recevant en retour vingt ans de son salaire.
Honnêtement, c’est presque du trafic humain. Je peux comprendre pourquoi elle a dit ça. Noëlle est une fille intelligente.
Dans le comté de Yamano, même les enfants étaient propriétaires d’eux-mêmes et du fruit de leur travail. Les parents ne pouvaient pas simplement les vendre. Ainsi, l’argent du contrat d’apprentissage serait dû à Noëlle, et pas à ses parents, et essayer de le lui prendre serait un crime qui justifierait une arrestation. Une fois que Mitsuha avait expliqué cela à ses parents, l’apprentissage de Noëlle avait été miraculeusement annulé. Bien sûr, il y avait aussi le fait qu’elle gagnerait plus si elle travaillait dans ce comté.
Que l’argent qu’elle gagnait de Mitsuha aille à ses parents était une tout autre question. Mitsuha se demandait si la fille donnerait vraiment son argent durement gagné aux personnes qui essayaient de la vendre. Ses serviteurs avaient leur propre système de dépôt, et leur argent pouvait même gagner des intérêts. Si les parents de Noëlle essayaient de la prendre par la force, ils devraient passer par le corps de Yamano.
Ninette était une blonde de douze ans qui faisait son âge. Au Japon, les gens auraient pu deviner qu’elle était au milieu de l’adolescence. Ici, on suppose qu’elle avait onze ou douze ans… un peu comme Mitsuha.
Je pense qu’elle est un peu plus âgée que moi, cependant… dans tous les domaines qui comptent. Argh !
C’était la seule servante de Mitsuha à être originaire du village de pêcheurs, aussi Mitsuha était-elle intéressée par son avis sur les améliorations qu’elle envisageait dans ce domaine. Elle espérait également que Ninette s’entendrait bien avec Colette et Noëlle.
Paulette, 17 ans, venait d’un village de montagne. Malgré les apparences, il n’y avait pas que la chasse et la cueillette. Alors que son père était chasseur, Paulette, sa mère et ses frères et sœurs travaillaient dans un champ.
À l’approche de l’âge adulte, Paulette s’était heurtée à un problème : dans son petit village, il n’y avait pas d’homme qui lui plaisait suffisamment pour qu’elle l’épouse, alors elle avait voulu tenter sa chance en travaillant dans une plus grande ville. L’offre de travailler comme servante pour la vicomtesse avait été une aubaine.
Elle se comporte vraiment comme une jeune fille moderne. Je discuterai avec elle quand j’améliorerai les villages de montagne.
Puis il y avait Rachel, la jeune femme de vingt-sept ans. C’était une veuve de la ville voisine dont le mari était décédé des suites d’une maladie. Elle élevait maintenant seule leur fille de quatre ans. Maintenant qu’elle n’avait plus à se battre pour joindre les deux bouts, son plan était de laisser sa fille chez les parents de son défunt mari pendant ses quarts de travail.
Mitsuha l’avait choisie en raison de son histoire personnelle. Rachel était la troisième fille de sa famille, et ses parents possédaient un magasin de taille moyenne en ville. Depuis qu’elle était enfant jusqu’à son mariage, elle avait aidé à gérer le magasin, à s’occuper des affaires courantes et à acheter le stock pour remplir les étagères.
Quelle perle, pensa Mitsuha.
Mitsuha ne voulait pas la séparer de son enfant, elle avait donc offert à Rachel un poste d’employée à domicile, ce qui signifiait qu’elle pourrait amener sa fille avec elle. Rachel avait été abasourdie par mon offre, et avait fondu en larmes avant d’accepter.
Pitié ? Favoritisme ? Peu importe. Je fais ce que je veux !
Elle avait également donné à Rachel la possibilité de faire de sa fille une apprentie servante, un poste qui serait assorti d’un petit salaire. Après un peu de réflexion, Rachel accepta. Mitsuha estimait que c’était le bon choix. La mère et la fille seraient ensemble, se préparant un avenir sûr. Si la fille voulait déménager une fois qu’elle serait majeure, toutes les portes lui seraient ouvertes. Aucun employeur ne refuserait une vieille servante de quinze ans qui avait travaillé pour une vicomtesse — Yamano, en l’occurrence — depuis l’âge de quatre ans. Travailler pour, disons, un comte dans son manoir de la capitale ne serait pas un simple rêve.
J’écrirais une recommandation le moment venu. Elle devrait écraser les employeurs et les soupirants potentiels comme des mouches.
Avec les douze serviteurs d’origine, Colette, les militaires, les deux personnes recommandées par Platidus, les nouvelles recrues, la fille de Rachel et Mitsuha elle-même, la maison de la vicomtesse comptait désormais vingt-six personnes, sans compter les conseillers spécialisés du blog.
Maintenant, il est temps de faire briller ce comté… via des raccourcis, bien sûr !
Mitsuha avait l’impression de s’être égarée quelque part sur le chemin d’une retraite paisible, mais la vie d’une vicomtesse à la retraite pouvait s’avérer tout aussi relaxante. Pour y arriver, elle devait augmenter la richesse et la stabilité de son comté.
Vous savez, je viens de me rendre compte que maintenant que j’ai tant de gens, je devrais désigner un autre chef. Si je ne le fais pas, celui que nous avons devra travailler si dur qu’il n’aura pas de temps libre. Il ne pourra même pas se reposer s’il tombe malade. C’est de l’exploitation au travail !
Je suppose que les femmes de chambre vont se relayer pour l’aider. Ça les préparera à la vie de femme au foyer, et le chef pourra faire une pause. Imaginez la valeur marchande d’une femme de chambre qui sait faire la cuisine de Yamano ! Ce n’est pas que je veuille que quelqu’un me les prenne.