Chapitre 8 : Débutante
Partie 3
« J’emprunte mademoiselle, si ça ne vous dérange pas », dit Mitsuha alors qu’elle conduisait Adélaïde dans une calèche.
Deux gardes du corps étaient présents, et leur destination était sa base, le magasin général de Mitsuha. C’était près du quartier noble, alors ils y étaient arrivés en un rien de temps. Le cocher s’était arrêté juste devant et avait attendu qu’ils entrent.
Mitsuha avait fait asseoir les gardes du corps au premier étage. Les hommes avaient essayé de contester, mais ils n’avaient pas pu dire un mot quand Mitsuha avait mentionné qu’elle allait devoir déshabiller Adélaïde afin de prendre ses mesures. Elle leur avait assuré qu’elles ne quitteraient pas le bâtiment non plus, c’était donc vraiment une question insignifiante.
Elle les apaisa encore avec quelques verres, puis amena Adélaïde au deuxième étage. Avant d’entrer dans la pièce, Mitsuha lui avait bandé les yeux. La jeune fille avait d’abord été prise au dépourvu, mais détendue lorsque Mitsuha lui avait dit que la prochaine étape exigerait juste un peu de magie.
Alors qu’elle ouvrait la porte, Mitsuha arriva sur Terre avec Adélaïde en remorque.
« Bonjour ! », avait-elle crié.
Elle était, bien sûr, entrée dans la boutique de la fanatique de la couture susmentionnée.
« Wôw, wow, wow, wow ! », une voix était venue de derrière le comptoir.
Et voilà la directrice loufoque !, pensa Mitsuha en enlevant le bandeau d’Adélaïde.
« ÇA, C’EST CE QUE J’APPELLE UNE BEAUTÉ ! »
Bon sang, calme-toi, madame…
Adélaïde avait l’impression qu’il ne s’agissait que d’une autre pièce du magasin général de Mitsuha, donc son expression effrayée était due à cette… créature.
« Prenez ces mesures, s’il vous plaît. Vous ne voudriez pas vous tromper avec la fille d’un noble étranger. Ils feront voler ta tête. Je veux dire, réellement… », dit Mitsuha sans hésiter
La couturière déglutit, puis sortit son ruban à mesurer. Pendant qu’elle travaillait, elle et Adélaïde bavardaient entre elles avec Mitsuha comme interprète. Adélaïde passa tout son temps déconcertée, alors que la dame était de bonne humeur. Les deux parties avaient fini par être satisfaites à la fin.
Avant de se séparer, Mitsuha avait donné une carte mémoire à la couturière. Elle contenait des photos de robes de toutes les robes de la capitale d’Adélaïde, Amalia.
C’étaient celles qui étaient exposées dans les boutiques de nobles, ainsi que de celles portées par les amies d’Adélaïde qui avaient déjà fait leurs bals des débutantes. Elles les avaient volontiers montrés quand Mitsuha faisait l’éloge de leurs vêtements. Elle avait pris les devants et pris quelques photos. Certaines des filles avaient même insisté pour les mettre, et ces photos avaient complètement fait perdre la tête à la dame.
Les deux filles étaient parties par le même chemin. De retour au premier étage, Adélaïde avait demandé à visiter le magasin. Elle l’aimait tellement que Mitsuha s’était sentie obligée de lui donner un petit accessoire à rapporter à la maison.
Peu importe, pensa Mitsuha. Je vais mettre ça sur l’ardoise des Ryners.
Elle avait aussi offert à Adélaïde un petit gâteau du réfrigérateur. La noble fille l’avait trouvé délicieux, bien sûr, mais le frigo lui-même l’avait rendue curieuse. Mitsuha avait simplement dit que c’était une boîte magique et lui avait dit de n’en parler à personne. Pendant tout ce temps, les gardes du corps regardaient fixement.
Je ne leur en veux vraiment pas. J’espérais gagner quelques pièces de plus en les tentant avec ce raccourci, mais je ne suis pas sûre que cela fonctionne.
◇ ◇ ◇
Mitsuha logeait au manoir du vicomte Ryner depuis un certain temps déjà. Cependant, elle passait la plupart de son temps dans la cuisine. Elle avait distribué des recettes, mais comme elle était la seule à pouvoir les lire, elle avait dû s’impliquer davantage. Mitsuha lisait les recettes à haute voix et le personnel de cuisine prenait des notes.
Vous savez, je n’en ai peut-être pas l’air, mais je suis une bonne cuisinière, se disait-elle. Je sais comment faire la plupart des plats des livres de cuisine moyens, j’ai les bases, et je sais comment faire des ajustements. C’est logique que je sois la patronne de cette opération.
Marcel avait choisi plusieurs plats de la Terre qu’il trouvait savoureux, percutants et faciles à préparer en grande quantité. Lui et son équipe s’entraînaient maintenant à les confectionner.
Actuellement, ils s’entraînaient en confectionnant quelques portions par recette. Mais s’ils en voulaient cent fois plus, ce ne serait pas aussi simple que d’utiliser cent fois plus d’ingrédients. Le monde culinaire exigeait plus de tact. Il était important de tenir compte de facteurs comme la propagation des flammes, l’équilibre du mélange et les relations entre les ingrédients. Dans de nombreux cas, il ne suffisait pas de suivre une recette. Il fallait que tu développes ta sensibilité.
Et bien, si ce n’est pas galère, pensa Mitsuha. Son air avait changé quand elle s’était rendu compte que Marcel et tout le monde dans la cuisine avaient commencé à l’appeler « Maître ».
« Maître »… ? O-Oh et bien, est-ce mal d’aimer entendre ce genre de compliment!?
◇ ◇ ◇
Le voilà ! Le grand jour !
Quoi ? Croyez-vous que ce soit soudain ? Croyez-moi, il y a vingt jours, je croyais avoir tout le temps devant moi, mais le temps a filé et maintenant nous y voilà. En plus de tout ce que j’avais à faire comme commande, il y avait les cours de cuisine, la gestion de la salle des fêtes, les répétitions… Les choses sont devenues si mouvementées que c’était flou.
Ah ! Merde, je n’ai pas ouvert le magasin depuis des jours ! Oh, eh bien. Les Ryners et leurs hommes étaient mes seuls clients de toute façon.
… Wôw, quelle triste pensée ! Eh bien, je vais faire connaître mon nom avec ce travail. Ouaip.
Au cours des dernières semaines, Mitsuha avait également obtenu son permis de conduire. Pour les voitures à transmission manuelle, en plus. Elle avait supposé qu’un jour elle utiliserait une voiture dans ce monde, et puisqu’il n’y avait pas de routes appropriées, les voitures manuelles seraient un meilleur choix que les automatiques. C’était cependant quelque chose qu’il fallait reporter pour une date ultérieure. Elle avait déjà acheté sa première voiture, une sous-compacte Japonaise avec transmission automatique et beaucoup d’espace dans le coffre. Elle ne l’avait achetée que pour se rendre dans les magasins voisins et en revenir, plutôt que pour de longs trajets.
De plus, peu importe à quel point elle avait essayé de régler le siège, elle n’arrivait tout simplement pas à atteindre les pédales des grosses voitures. La conduite était possible, mais elle pouvait à peine voir par-dessus le volant. Si elle avait pris la route dans une telle posture, ça aurait causé un accident en quelques minutes.
Pour les préparatifs de la salle des fêtes, elle avait fait demander à Kunz de l’aider. Il avait déjà une bonne compréhension de ce qu’étaient ses demandes, c’était aussi un artisan qualifié. Et bien sûr, il avait fait un excellent travail sur les rénovations. Il les avait même faits à bas prix, en insistant sur le fait qu’il n’était pas là pour l’argent. Ce projet stimulant l’avait enthousiasmé et, surtout, c’était lorsque ses clients étaient satisfaits de son travail qu’il se sentait le plus épanoui.
Par respect pour sa mentalité, Mitsuha avait décidé de lui donner une récompense supplémentaire : des livres d’architecture d’intérieur et de construction qu’elle avait achetés dans une librairie d’occasion. Ils avaient l’air si vieux qu’ils auraient pu être écrits en cunéiforme, et avaient été extrêmement bon marché.
Kunz les avait tellement aimées qu’il l’avait traitée de déesse.
Oui, félicite-moi encore plus ! pensa-t-elle.
Ainsi donc, la fête était prête. Il était maintenant temps pour les invités d’arriver.
Parmi les invités se trouvait un certain comte nommé Albert von Bader. Comme les autres convives, il avait été invité au manoir pour assister à la première célébration d’Adélaïde. Il était l’un des rares à ne pas mépriser les Ryner en les considérant comme de nouveaux riches malvenus.
Le père du vicomte Ryner avait travaillé pour assurer la prospérité de leur famille. Les familles nobles de longue date n’avaient fait que téter le respect gagné par les exploits de leurs ancêtres. D’une certaine façon, cela rendait le vicomte Ryner plus digne de sa noblesse que les vieux nobles complaisants. De plus, il était encore plus difficile pour un roturier de devenir un noble de nos jours qu’il ne l’avait été dans le passé. Malgré cela, son père avait gravi les échelons jusqu’à celui de vicomte, sautant complètement le rang de baron.
Je ne peux qu’imaginer à quel point il était brillant, pensa Albert von Bader.
La rumeur disait que l’actuel vicomte Ryner était aussi une excellente personne et qu’il avait une jolie fille.
Il est peut-être sage d’établir une relation avec eux. Cette façon de penser est peut-être inappropriée… Mais s’il arrivait quelque chose à leur fils unique avant qu’il puisse se marier, sa fille commencerait probablement à chercher un époux. Je devrais envisager de pousser mon troisième ou quatrième fils à jouer ce rôle.
Tout en considérant les possibilités, le comte Bader suivit les serviteurs et entra dans le hall principal des Ryners.
Oh ? Il ne semble pas y avoir beaucoup de nourriture sur les tables, pensa-t-il. Je sais très bien qu’ils seront remplacés dès que cela commencera à se vider, mais cette quantité semble peu élevée de toute façon. Est-ce intentionnel ?
Bien qu’il ait trouvé cela curieux, il avait décidé de ne pas y penser beaucoup. Il prit simplement du vin lorsqu’on lui en offrit, soulagea sa gorge sèche, et s’en alla se mêler à certaines de ses nobles connaissances.
Peu de temps après, l’animateur avait commencé son introduction. Le vicomte Ryner se tint sur la petite scène devant la salle, remercia ses invités d’être venus et présenta sa fille, Adélaïde… bien que celle-ci fût étonnamment absente. Le vicomte Ryner s’était retiré de la scène après avoir dit ce qu’il avait à dire.
Que se passe-t-il ici ?, se demandait le comte Bader. Il ne devait certainement pas être le seul.
Juste un instant plus tard, l’endroit où le vicomte se trouvait avait été inondé de fumée.
Les invités les plus proches de la scène avaient d’abord été alarmés, croyant qu’il s’agissait d’une sorte d’incendie, mais ils avaient rapidement remarqué que la fumée se répandait d’une manière étrange, elle semblait affluer des côtés de la scène. Par contre, les domestiques étaient infaillibles, ce qui signifiait que cela faisait partie du spectacle. Bien que certains invités aient exprimé leur confusion, il n’y avait pas eu de véritable panique.
Merci pour le chapitre. Mais il doit avoir un lapsus dans le dernier paragraphe :
Par contre, les domestiques étaient infaillibles, – imperturbables dans doute ? –
Merci pour le chapitre.