Chapitre 6 : Un endroit qui m’appartient
Partie 1
L’auberge ressemblait à n’importe quelle autre auberge. L’hôtesse était une dame dynamique mariée à un chef silencieux qui excellait dans son travail. Ils avaient une fille de sept ans à qui il manquait visiblement des oreilles de chat, ce qui était vraiment dommage.
La fille ressemblait beaucoup à Colette, selon Mitsuha. Malheureusement, il était encore trop tôt pour lui rendre visite, le moment aurait été mal choisi.
Rien ne m’empêche de m’amuser avec cette beauté ! Oh, elle est trop occupée à aider ? D’accord… soupira-t-elle.
Mitsuha était allée dans sa chambre, avait rassemblé ses affaires, et s’était rendue sur Terre pour les déposer, puis elle retourna à l’auberge avec de nouvelles provisions. La robe et les chaussures avaient rempli leur fonction, alors elle les avait laissées à la maison en faveur de sous-vêtements de rechange et de nécessités quotidiennes. Réputée ou non, Mitsuha pensait que l’auberge n’était sûrement pas à l’abri des voleurs.
Cela ne me dérangerait pas trop si mon savon ou mes sous-vêtements se faisaient pincer, mais c’est une autre histoire pour cette robe. Elle m’a coûté beaucoup d’argent !
Mitsuha s’était habillée comme une roturière afin de se promener en ville. Stratégie 101 : gagnez un avantage en vous familiarisant avec les habitants !
Elle avait deviné que les routes principales seraient sûres pendant la journée, mais elle portait une arme de poing dans son étui à bandoulière et un couteau dans sa cuissarde, au cas où. Je devrai probablement faire plus attention une fois que j’aurai commencé à me démarquer.
L’endroit avait vraiment donné l’impression à Mitsuha que c’était la capitale. Même si ce monde était encore en développement, elle trouvait les bâtiments impressionnants. Elle avait trouvé les brochettes de viande assez savoureuses aussi, bien qu’elle avait choisi de ne pas penser à ce qu’elles contenaient. Elle évita les ruelles sombres et les bidonvilles. Elle n’avait pas besoin de clichés, de rencontres qui mettraient sa vie en danger.
Quand le soleil se coucha, Mitsuha était retournée à l’auberge. Le dîner était… louable, peut-être ? Beaucoup d’efforts y avaient été consacrés, mais les épices étant tellement hors de portée que le repas avait un goût fade. Ce n’était pas mauvais en soi, mais elle trouvait qu’il manquait quelque chose. Ah ! Je peux juste apporter quelques épices de la maison, pensa Mitsuha en nettoyant son assiette. Elle retourna ensuite dans sa chambre, rentra à la maison et prit la douche la plus rafraîchissante qu’il soit.
Après le déjeuner du lendemain, elle n’avait pas perdu de temps pour aller voir l’agent immobilier. Bien qu’il devait sans doute être tôt, elle s’était réveillée si tard qu’elle avait failli manquer le petit déjeuner, alors elle était presque certaine que le magasin serait ouvert. Elle avait dû demander son chemin plusieurs fois, mais elle avait fini par trouver le bon endroit. Il portait le sceau d’approbation du comte, donc elle n’avait sûrement pas à s’inquiéter. Quoi qu’il en soit, elle entra doucement. Elle aurait pu faire irruption comme si l’endroit lui appartenait, mais c’était comme une habitude maintenant.
« Soyez la bienvenue ! », dit le jeune homme derrière le comptoir.
Évidemment, ce n’étaient pas les mots qui sortaient de sa bouche, mais c’était ainsi que le cerveau de Mitsuha les avait traités.
« Bienvenue dans notre établissement. En quoi puis-je vous aider ? »
Wôw, il me traite comme un client même si je ressemble à un enfant, pensa Mitsuha. Il est doué pour ça. Je savais que je pouvais compter sur vous, comte Bozes ! Légèrement impressionnée, elle lui tendit une enveloppe.
« Umm, je voudrais une boutique ayant des pièces d’habitation attachées, s’il vous plaît. Tenez, j’ai une lettre de recommandation. »
L’employé l’avait prise et avait jeté un coup d’œil au nom au dos. Aussitôt, son visage pâlit. Il demanda à Mitsuha d’attendre un moment, puis se dépêcha de franchir la porte derrière lui.
Wôw, regardez-le aller… La parole d’un comte est vraiment efficace, pensa-t-elle.
Quelques instants plus tard, il avait été remplacé par un homme beaucoup plus âgé. Ce monsieur était lui aussi un peu paniqué, mais il avait gardé son sang-froid en disant :
« Mes excuses pour le retard. Je suis Lutz Zoltan, le propriétaire. Bienvenue dans mon humble établissement. En quoi puis-je vous être utile ? »
Le grand manitou en personne, hein ? pensa Mitsuha. C’était logique. Cette lettre prouve que j’ai des liens avec un noble assez puissant.
« Enchantée de vous rencontrer, monsieur », répondit-elle courtoisement.
« J’aimerais ouvrir une boutique. »
« Oui, c’est écrit dans la lettre. Nous avons plusieurs propriétés qui pourraient répondre à vos besoins. Pouvons-nous avoir des détails ? »
Il l’avait conduit dans un salon plus loin à l’intérieur du bâtiment. Les clients normaux étaient très probablement traités au comptoir, donc c’était sûrement un traitement VIP.
Peut-être qu’ils m’offriront des bonbons ?
Ils l’avaient fait, et Mitsuha les avait trouvés en très grande majorité… bof bof. Elle pensait qu’ils devaient être bons selon les normes du monde, mais ils ne pouvaient même pas se comparer aux desserts japonais. Son visage avait peut-être révélé son manque d’enthousiasme, mais M. Zoltan n’avait pas l’air contrarié. Il avait probablement supposé qu’elle mangeait de meilleurs bonbons tous les jours. Ou il aurait pu être trop tendu pour s’en soucier.
« Voici ce que nous avons à notre disposition », avait-il dit en présentant et en expliquant les options qui s’offraient à elle.
Dans un premier temps, Mitsuha décida que tout ce qui se trouvait dans le quartier noble devait être exclu.
Bien sûr, c’est sûrement un endroit paisible, et la clientèle serait bonne, mais ces prix sont insensés, et je ne veux pas avoir affaire à des nobles tout le temps. Il n’y aurait pas beaucoup de roturiers non plus. Ce n’est pas comme si je n’aimais pas les nobles. Je sais qu’il y a des gens bons et mauvais dans toutes les classes, de la royauté aux esclaves. Mais j’ai l’impression que je m’ennuierais et que je me fatiguerais assez vite si je devais traiter avec des nobles toute la journée. Ce n’est pas un vrai magasin sans le soutien occasionnel d’un nigaud naïf. Uh-huh.
On ne lui avait rien recommandé qui soit proche des bidonvilles pour commencer, alors, à l’exclusion du quartier noble, il lui restait des propriétés dans le quartier des roturiers. Elle pouvait choisir d’être plus proche du centre ou plus proche des nobles.
Hmmmm… Je suis presque sûre que j’aurai besoin de l’argent des nobles si je veux faire fortune, pensa-t-elle. Il y a aussi de la bonne nourriture dans le coin. Et non, ce n’est pas pour ça que je me suis promenée en ville hier ! Honnêtement !
« Puis-je jeter un coup d’œil à celle-ci, à celle-ci et à celle-ci ? », demanda-t-elle.
« Certainement », dit M. Zoltan.
« Voudriez-vous partir tout de suite ? »
« Oui, s’il vous plaît », répondit-elle
Les deux se préparèrent à partir. Mais cependant pas avant que Mitsuha ait mis le reste des bonbons dans sa poche.
Hein ? Pourquoi la serveuse avait-elle l’air si triste ? Attendez ! Allaient-ils prendre les bonbons restants ? Utiliser deux fois les mêmes bonbons n’était peut-être pas idéal pour la réputation de l’établissement, alors il n’était pas inhabituel de penser qu’ils donneraient les restes aux membres du personnel ou aux enfants. J’ai vraiment merdé… Désolée ! Je me rattraperai avec des bonbons japonais, promis !
Peu de temps après, Mitsuha et M. Zoltan étaient arrivés devant le premier magasin qu’elle avait choisi. Il est bien situé, observa Mitsuha. Le fait d’être près de la route principale signifie que j’aurais un bon flux de clients, mais ça a l’air si étroit. En plus, je ne veux pas trop de clients. Ça m’épuiserait. Je me contenterais d’une clientèle modeste qui ne me connaît que grâce au bon vieux bouche-à-oreille. Mon modèle d’affaires sera « Gros profits, rendements lents »… ! OK, ça n’a pas l’air génial.
Immédiatement après avoir vu la deuxième propriété, Mitsuha se dit à elle-même : M. Zoltan pense-t-il que je suis un multimillionnaire ? Qu’est-ce que je ferais de quelque chose d’aussi énorme !? Quoi, pense-t-il que je vais en faire un orphelinat afin que les enfants travaillent pour moi ? Me prend-il pour une sainte philanthrope ? Non, ce n’est pas moi ! Je passe mon tour ! Suivant !
M. Zoltan l’emmena devant le troisième bâtiment, qui était un peu à l’écart de la route principale. Il n’y avait pas beaucoup de gens qui passaient par là, et la région avait clairement connu des jours meilleurs. Il s’agissait d’un bâtiment en briques de trois étages qui abritait autrefois une auberge et un restaurant.
Comme tout établissement de ce genre, il possédait aussi une cour arrière, avec un puits. La pièce qui était autrefois la salle à manger était un bon endroit pour Mitsuha afin d’exposer ses marchandises, tandis que la cuisine avait un drain, ce qui signifiait qu’elle pouvait installer une salle de bain. Dans l’ensemble, ce lieu semblait parfaitement adapté à ses besoins. Le premier était trop petit, le second était trop grand, ce dernier était à la bonne taille. C’était une technique de vente de base et fiable. M. Zoltan savait vraiment comment faire.
« Je le prends ! », dit-elle comme une petite fille capricieuse qui achète des bonbons bon marché. Ce n’était pas le ton le plus approprié, car il devait probablement coûter des centaines de pièces d’or.
Ah, mais au fait… J’ai complètement oublié d’en demander le prix !
C’est bien plus simple d’acheter un immeuble dans ce monde que dans le notre 🙂